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Métapo infos - Page 616

  • Avec la surpopulation, c’est un monde invivable qui se dessine…

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la question de la surpopulation. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « Avec la surpopulation, c’est un monde invivable qui se dessine… »

    La population mondiale ne cesse d’augmenter. La procréation, par nature, peut être exponentielle, alors que les ressources terrestres ne le sont pas. C’est ce que disait déjà Malthus, dont certains pensent qu’il n’a jamais eu que le tort d’avoir raison trop tôt. Aujourd’hui, y a-t-il péril en la demeure ?

    Passé un certain seuil, toute augmentation en nombre entraîne un « saut qualitatif » qui se traduit par un changement de nature. Comme chacun le sait, la population mondiale augmente régulièrement, mais, surtout, elle augmente de plus en plus vite. Vers 1700, on comptait moins de 700 millions d’habitants sur Terre. En 1900, on en était à 1,6 milliard. Aujourd’hui, avec plus de 250.000 naissances par jour, on a dépassé les 7,7 milliards. Pour la fin du siècle, les estimations moyennes tournent autour de douze milliards, les estimations hautes autour de seize milliards. Bien entendu, on peut discuter à perte de vue sur le nombre de bipèdes qui peuvent vivre sur cette planète. La seule chose qui est sûre, c’est qu’il y a une limite : pas plus qu’il ne peut y avoir de croissance matérielle infinie dans un espace fini, la population ne peut s’accroître indéfiniment sur une étendue limitée. Malheureusement, nous sommes à une époque qui ne supporte pas les limites. Malthus (Essai sur le principe de population, 1803) ne se préoccupait que de l’épuisement des ressources. Aujourd’hui, c’est le nombre qui, à lui seul, pose problème : la quantité est plus que jamais le contraire de la qualité. Avec trois ou quatre milliards de bipèdes en moins, le monde se porterait beaucoup mieux !

    La surpopulation aggrave mécaniquement tous les problèmes, en les rendant peu à peu insolubles. Elle est belligène, car la pression démographique crée des conflits nouveaux. Elle accélère l’épuisement des réserves naturelles. Elle accroît la dépendance économique et la soumission aux fluctuations ravageuses des marchés mondiaux, elle favorise les migrations de masse en provenance des pays surpeuplés, elle aggrave les effets de la surconsommation, de l’épuisement des sols, de la pollution des nappes phréatiques, de l’accumulation des déchets. Il n’y a déjà plus de réserves de productivité en matière agricole, l’extension des terres agricoles est en train d’atteindre ses limites et les ressources halieutiques des océans s’épuisent également. Plus de 90 % de toute la biomasse produite annuellement dans le monde sont d’ores et déjà exploités.

    Il est révélateur que la plupart des écologistes autoproclamés se comportent comme si la démographie et l’environnement étaient des sujets séparés, alors qu’ils sont indissociablement liés. À quoi bon parler de préservation des écosystèmes et de sauvegarde de la diversité, à quoi bon s’inquiéter de la gestion des déchets et des effets de la combustion des énergies fossiles si la croissance démographique entraîne toujours plus de pollutions et de déchets et que l’espace laissé aux espèces sauvages est appelé à disparaître ? À quoi bon vouloir limiter les émissions de gaz à effet de serre si on ne limite pas aussi la population ? Dans trente ans, du fait de l’accroissement naturel et de l’exode rural, 68 % de la population mondiale vivra dans des villes, soit 2,5 milliards d’individus de plus que maintenant. Avec des bidonvilles de plus de vingt millions d’habitants et des mégapoles de plus de cent millions d’habitants, c’est un monde proprement invivable qui se dessine.

    La mondialisation aggrave apparemment la situation, mais elle révèle aussi des disparités considérables. Au-delà de la surpopulation, n’avons-nous pas également affaire à un problème de répartition ?

    C’est évident. En 1950, avec 228 millions d’habitants, le continent africain représentait 9 % de la population mondiale. En 2017, avec 1,2 milliard d’habitants, il en représentait près de 17 %. À la fin du siècle, avec 4,2 milliards d’habitants (dont 89 % au sud du Sahara), il en représentera le tiers. Avec un taux de fécondité moyen de 4,6 enfants par femme, l’Afrique accroît sa population de 2,5 % par an, soit un doublement tous les vingt-huit ans. L’Europe, elle, ne représentait plus que 9,8 % de la population mondiale en 2017, et ce chiffre est encore appelé à baisser. Depuis la chute du mur de Berlin, l’Europe centrale et orientale a perdu 24 millions d’habitants. En France, on vient d’enregistrer la quatrième année consécutive de baisse des naissances : l’âge moyen à la maternité ne cesse de reculer et le solde naturel n’a jamais été aussi bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

    Le problème, ici, n’est toutefois pas d’abord le nombre, mais la détérioration de la pyramide des âges. Que l’Europe soit moins peuplée n’est pas un drame, loin de là ; ce qui est un drame, c’est qu’elle vieillit inexorablement. Cela dit, il n’est pas sérieux d’imaginer que les Européens peuvent se lancer dans une course à la concurrence démographique où ils feraient « mieux » que les 6,4 enfants par femme de la République démocratique du Congo ou les 7 enfants par femme du Niger !

    « Croissez et multipliez », lit-on dans la Genèse, adresse qui vaut tout autant pour les chrétiens que pour les musulmans et les juifs. Cet axiome religieux vous paraît-il toujours d’actualité ?

    À une époque où la plus grande partie du monde était inhabitée et où le premier impératif, pour les petites communautés existantes, était de s’étendre numériquement pour maximiser leurs chances de survie, le « croissez et multipliez » était parfaitement justifié. Le problème commence lorsqu’on ignore le contexte et qu’on soutient qu’un principe valable dans telles ou telles circonstances est à considérer comme un dogme valable en tous temps et en tous lieux. C’est la raison pour laquelle, dans nombre de milieux, la surpopulation est un sujet tabou : au nom de l’« accueil de la vie » et de la critique du « malthusianisme », on préfère se mettre un bandeau sur les yeux. Or, le laisser-faire nataliste est aujourd’hui irresponsable, et le « respect de la vie » ne saurait s’étendre à ceux qui ne sont pas encore conçus. Quelle est, alors, la solution ? Avec des mesures coercitives, la Chine est parvenue à freiner sa natalité, mais les « incitations » à ralentir la croissance démographique sont généralement des vœux pieux, surtout dans les pays où les enfants sont l’équivalent d’une assurance-vieillesse. L’émigration de masse vers d’autres planètes relève de la science-fiction. Que reste-t-il, alors ? Les épidémies, peut-être !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 25 janvier 2020)

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  • Marchands de futurs, marchands d’illusions ?...

    Le nouveau numéro de la revue Éléments (n°182, février 2020 - mars 2020) est en kiosque !

    A côté du dossier consacré à l'identité, on retrouvera l'éditorial d'Alain de Benoist, les rubriques «Cartouches», «Le combat des idées» et «Panorama» , un choix d'articles variés, des entretiens, notamment avec le journaliste David Goodhart, le politologue François-Bernard Huyghe, l'historien Jean Lopez, le médecin et essayiste  Laurent Alexandre, et les chroniques de Xavier Eman, d'Olivier François, de Laurent Schang, d'Hervé Juvin, de Ludovic Maubreuil, de Bruno Lafourcade, de Guillaume Travers et d'Yves Christen...

    Bonne lecture !

    Vous pouvez commander ce numéro ou vous abonner sur le site de la revue : http://www.revue-elements.com.

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    Au sommaire :

    Éditorial

    La majorité dépossédée, par Alain de Benoist

    Agenda, actualités

    L’Entretien

    Le « populisme décent » selon David Goodhart, propos recueillis par Thomas Hennetier

    Cartouches

    Montal en bleu et gris, le regard d’Olivier François

    Une fin du monde sans importance, par Xavier Eman

    Je me souviens du cinéma, par Ludovic Maubreuil

    Carnet géopolitique : Brexit, suite et fin ?, par Hervé Juvin

    J’ai vu le Tigre des Ardennes, par Laurent Schang

    Les leçons de Delphes (2/4) : l’oracle d’Apollon, par Fabien Niezgoda

    L’égautiste, par Bruno Lafourcade

    Économie, par Guillaume Travers

    Bestiaire : Tendres vampires, une amitié scellée par le sang, par Yves Christen

    Sciences, par Bastien O’Danieli

    Le combat des idées

    La liste noire des écrivains maudits, par François Bousquet

    Procès d’Auch : Kafka en Gascogne, par Renaud Camus

    Culture du viol : accusé Joël Séria, déshabillez-vous ! par Ludovic Maubreuil

    Pour en finir avec la politique de caniveau, par Andréa Kotarac

    Leçons sur la guerre idéologique avec François-Bernard Huyghe, propos recueillis par François Bousquet

    Extension du domaine de la pub, par Guillaume Travers

    Ubérisation du X : Internet a-t-il été créé pour le porno ? par Marie Chancel

    Pom, pom, pom, pom… C’est Beethoven qu’on assassine ! par Jean-François Gautier

    Catastrophisme écologique : les leçons de Laurent Mermet, par Fabien Niezgoda

    Paysans 2.0 : les usines à la ferme, par Pierric Guittaut

    L’histoire de nos origines révélée par l’ADN : la bombe de David Reich, propos recueillis par Thomas Hennetier

    Opération Barbarossa : entretien avec Jean Lopez, propos recueillis par Laurent Schang

    L’homme, le chef-d’œuvre d’Arnold Gehlen, propos recueillis par Walter Aubrig

    Arnold Gehlen, une philosophie de l’ordre, propos recueillis par Walter Aubrig

    Jean-Claude Michéa : Garde-toi à droite, garde-toi à gauche ! David L’Épée face à Kévin Boucaud-Victoire

    Minorités d’Orient : entretien avec Tigrane Yégavian, propos recueillis par Christophe A. Maxime

    Les Pikkendorff, la saga du génie européen, par François Bousquet

    Le cas Matzneff : au-delà de la fureur morale, par Patrice Jean et David L’Épée

    Ezra Pound au-dessus du volcan, par François Bousquet

    Dossier

    Transhumanisme : Marchands de futurs, marchands d’illusions

    Silicon Valley des merveilles, par François Bousquet

    Non, la biologie ne pense pas ! Chimères transhumanistes, par Jean-François Gautier

    Entretien avec Laurent Alexandre, propos recueillis par Alain de Benoist

    L’IA en débat : l’éclairage de Marie David et Baptiste Rappin, propos recueillis par Thomas Hennetier

    Panorama

    L’œil de Slobodan Despot

    Reconquête : Marcher pour soi, marcher vers soi, par Slobodan Despot

    Un païen dans l’Église : la collégiale Saint-Nicolas à Nogaro, par Bernard Rio

    L’anti-manuel de philosophie : l’existence du sentiment religieux, par Jean-François Gautier

    L’esprit des lieux : le chant du cygne de Louis II de Bavière, par Marc Hocine

    C’était dans Éléments : comment peut-on ne pas être rebelle ? par Dominique Venner

    Éphémérides

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  • Gilets Jaunes, la Révolution, le Peuple...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un débat sur Cnews entre Eric Zemmour et Michel Onfray sur les révoltes qui secouent le peuple français. Journaliste et polémiste, Eric Zemmour a publié récemment Le suicide français (Albin Michel, 2014) et Destin français (Albin Michel, 2018) ; quant à Michel Onfray, philosophe populaire, tenant d'un socialisme libertaire, il a publié de nombreux ouvrages, dont sa trilogie  Cosmos (Flammarion, 2015), Décadence (Flammarion, 2017) et Sagesse (Flammarion, 2019), et dernièrement Grandeur du petit peuple (Albin Michel, 2020).

     

                                     

     

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  • Son âme au diable...

    Les éditions Konfident viennent de publier un ouvrage d'Olivier Pigoreau intitulé Son âme au diable - Jean-Marie Balestre 1940-1945, consacré à la jeunesse de l'ancien président de la Fédération internationale de sport automobile, avec une préface de l'historien Jean-Marc Berlière. Journaliste et historien, Olivier Pigoreau a notamment publié 1944 - L'Été chaud des collabos (Histoire & Collections, 2014).

     

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    " Jean-Marie Balestre fut sans doute le seul Français à porter l'uniforme des Waffen-SS et à se voir attribuer la carte de déporté interné de la Résistance. Déroutante jeunesse que celle de cet homme, engagé jusqu'au point le plus ultime de la collaboration, pour finir la guerre derrière les barbelés d'un camp de concentration. Qui fut au juste, entre 1940 et 1945, celui qui, avec son ami Robert Hersant, allait bâtir le plus grand groupe de presse français et, seul, régner pendant près de 15 ans à la tête du sport automobile mondial ? Ce livre rouvre un dossier qui, des décennies après la guerre, défraya la chronique, donna lieu à un retentissant procès et causa quelque embarras à un très haut niveau de l'Etat. Au-delà du cas Balestre, sont ici mises en lumière les ambiguïtés d'une époque propice à toutes les aventures et à tous les retournements, dans un Paris sous la botte allemande où, entre collabos patentés et résistants authentiques, évoluèrent d'insaisissables aventuriers. "

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  • « No Society » : le constat implacable de Christophe Guilluy...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Grégoire Gambier consacré aux positions défendues par le géographe Christophe Guilluy dans son livre No Society (Flammarion, 2018) et cueilli sur Polémia. Grégoire Gambier est délégué général de l'Institut Iliade.

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    « No Society » : le constat implacable de Christophe Guilluy

    L’édition en format poche de No Society – La fin de la classe moyenne occidentale, enrichie d’un avant-propos consacré au phénomène des Gilets jaunes, est l’une des lectures les plus indispensables du moment. Le géographe Christophe Guilluy y propose une forme de synthèse de ses analyses, bien moins manichéennes que ne le voudraient ses détracteurs. Cet ouvrage constitue sans conteste l’un des livres de chevet de tout responsable « populiste » ayant à cœur d’offrir une perspective politique victorieuse au « Bloc populaire ».

    Partant de la fameuse formule de Margaret Thatcher en octobre 1987, « There is no society », qui entendait ainsi justifier le bien fondé de ses réformes libérales, Christophe Guilluy déroule une analyse que l’on pourrait résumer en quelques points saillants :

    • Ce message libéral donc par essence apolitique, porté par une vision mondialiste devenue idéologie, dont la portée s’est accélérée après la chute du Mur de Berlin et la disparition du bloc soviétique, a été entendu par l’ensemble des classes dominantes occidentales.
    • Sa conséquence immédiate ? La « grande sécession du monde d’en haut »d’avec ses peuples et ses pays originels, qu’avait analysé dès 1995 Christopher Lasch dans La Révolte des élites et la trahison de la démocratie(Champs Flammarion, 2010) et que rappelle très bien le président de TV Libertés Philippe Milliau dans son message du nouvel an 2020.
    • Les conséquences concrètes que nous subissons aujourd’hui, après trente ans de nouvelle « trahison des élites », sont l’abandon du bien commun et l’avènement du chaos de la « société relative » caractéristiques des pays occidentaux – « la réalité d’une société désormais travaillée par des tensions ethno-raciales qui rappellent en tout point celles de la société américaine ».
    • « La rupture du lien, y compris conflictuel, entre le haut et le bas, nous a fait basculer dans l’a-société. No more society.» Le sacrifice volontaire, sur l’autel de la mondialisation, des classes moyennes autrefois matrices des sociétés occidentales, a débouché sur la prolétarisation, l’atomisation et finalement la désespérance du « bloc central » constitué du peuple au travail – l’échec du mouvement des Gilets jaunes ne pouvant qu’accentuer cette désespérance sociale, avec des risques évidents pour le maintien de toute « paix civile ».

    Dès lors, comment « refaire société » – c’est-à-dire en réalité refaire un peuple, avec un territoire, des coutumes et des lois qu’il aurait en propre ? C’est à cette réhabilitation du politique qu’appelle Guilluy, avec la pertinence qu’impose la tournure des événements, légitimant en grande partie ses analyses antérieures (notamment dans La France périphérique en 2014 et Le crépuscule de la France d'en haut en 2016), malgré les limites de quelques-unes de ses références par trop crypto-chevènementistes.

    Phénoménologie de la « société ouverte »

    La partie principale de l’ouvrage de Christophe Guilluy est relative au constat de la société produite par l’avènement de l’idéologie multiculturaliste et « diversitaire » (cf. Mathieu-Bock Côté, Le multiculturalisme comme religion politique, Les éditions du Cerf, 2016). Idéologiquement progressiste, multiculturelle et techno-marchande, la « France d’en haut » a promu cette forme de post-démocratie (car réalisée sans le consentement du peuple souverain, et en lui retirant l’essentiel de ses prérogatives politiques, avant de le faire disparaître économiquement puis socialement), avec d’autant plus d’entrain qu’elle a su se préserver des externalités négatives d’un tel « modèle » (ghettos ethniques, effondrement du système éducatif, chômage structurel et massif, explosion de la criminalité de rue, etc.). Et ce, en utilisant cyniquement le lumpenprolétariat immigré à son profit :

    • pour répondre à ses besoins de services dans les métropoles constituant ses lieux de vie privilégiés (ménage, cuisine, garde d’enfants, transports, traitement et recyclage des déchets, etc.) ;
    • mais aussi pour contenir voire délégitimer les revendications salariales ou simplement sociales de l’ancienne « working class » autochtone, accusée au moindre prétexte de racisme, pour ne pas dire de bêtise crasse (les « déplorables » dénoncés par Hillary Clinton en visant les électeurs de son opposant républicain en 2016) – technique permettant « le verrouillage du débat public » afin d’écraser dans l’œuf toute velléité de révolte.

    Ce que décrit Guilluy, c’est « le repli d’une bourgeoisie asociale » : « En réalité, la société ouverte et mondialisée est bien celle du repli du monde d’en haut sur ses bastions, ses emplois, ses richesses. Abritée dans ses citadelles, la bourgeoisie ‘progressiste’ du XXIe siècle a mis le peuple à distance et n’entend plus prendre en charge ses besoins. L’objectif est désormais de jouir des bienfaits de la mondialisation sans contraintes nationales, sociales, fiscales, culturelles…. Et peut-être, demain, biologiques » [en pariant sur la révolution de l’intelligence artificielle et le transhumanisme].

    Une nouvelle lutte des classes ?

    A l’impasse que constitue cette « a-société » par nature centrifuge, quand elle n’est pas sécessionniste, répond le besoin de « commun » d’un peuple certes relégué aux marges géographiques, culturelles et économiques de la société, mais toujours majoritaire : la « France périphérique » représenterait 60 % de la population, constituant « un socle populaire irrépressible ». Mieux, toujours selon Christophe Guilluy, cette population majoritaire se penserait encore, malgré sa prolétarisation accélérée, comme « référent culturel » d’une France qui ne voudrait pas mourir, car disposant d’un socle de valeurs cohérent et fédérateur :

    • La nécessité de préserver le cadre national « qui conditionne la défense du bien commun » et qui comprend celle des services publics ;
    • L’attachement à « la réalité d’un monde populaire sédentaire beaucoup plus durable » que le « mythe de l’hyper-mobilité » ;
    • « La préservation d’un capital culturel protecteur [face] à la construction d’un monde de l’indistinction culturelle » ;
    • Et finalement, mais de façon très concrète et palpable, le refus instinctif de l’invasion migratoire, qui déstabilise la société populaire et en modifie les contours ethniques comme les attaches culturelles.

    Même s’il s’en défend, Guilluy voit ainsi se dessiner une nouvelle lutte des classes entre les « gagnants » et les « perdants » de la mondialisation, les premiers constituant « une bourgeoisie dont le seul objectif est de maintenir sa position de classe » et les seconds regroupant ceux « qui adhèrent de moins en moins à la doxa de la société ouverte » – mais qui bénéficieraient aujourd’hui d’un mouvement de balancier favorable.

    L’analyse est d’autant plus convaincante qu’elle rejoint les dichotomies mises à jour aussi bien par David Goodhart entre « Anywhere » et « Somewhere » (The Road to Somewhere : The Populiste Revolt and the Future of Politics, 2018), par Michel Geoffroy entre « super-classe mondiale » et « peuples » (La super-classe mondiale contre les peuples, Via Romana 2018), par Jérôme Sainte-Marie entre « bloc élitaire » et « bloc populaire » (Bloc contre bloc : La dynamique du Macronisme, Les éditions du Cerf 2019), ou encore très récemment par Michel Onfray entre « ceux qui exercent le pouvoir » et « ceux sur lesquels s’exerce le pouvoir » (La Grandeur du petit peuple, Albin Michel 2020).

    Eviter le spectre de la « guerre civile »

    Pour Guilluy, « les classes dominantes ont créé les conditions de leur impuissance à réguler, à protéger (…) par une dépendance accrue au système bancaire et aux normes supranationales du modèle mondialisé ». Mais ce faisant, elles se sont engagées dans une « fuite en avant économique » qui les condamne à terme. « La réalité est qu’aujourd’hui la classe dominante cherche moins à préserver la société qu’à gagner du temps (y compris en refusant ou en freinant l’application des résultats des urnes – du référendum européen de 2005 aux élections italiennes de 2018 en passant par le Brexit). » Or le vent tourne : « Croire que le mouvement des Gilets jaunes ou celui des brexiters n’est qu’un phénomène conjoncturel est une absurdité. C’est au contraire le produit d’une recomposition sociale de temps long, qui fait émerger une nouvelle polarisation politique », qui dépasse évidemment le vieux clivage institutionnel droite-gauche. Et ce, au moment même où « la posture morale du monde d’en haut a vécu » : « Le monde politique, académique ou médiatique ânonne les versets de la doxa dominante mais n’a plus qu’une influence culturelle marginale sur le monde d’en bas. »

    En annonçant « la fin du magistère des prétentieux », qui contraindra ces derniers à rejoindre le monde réel ou à disparaître, Christophe Guilluy se montre à la fois optimiste et volontariste. Pour conjurer l’accentuation des fractures sociales, voire un risque de « guerre civile » largement mis en scène et instrumentalisé par le pouvoir, il mise en effet sur la réconciliation de la France d’en haut avec le « môle populaire », en prenant acte de la concomitance de deux « victoires »:

    • Victoire technique, liée à l’essoufflement du modèle économique et sociétal actuel : « L’heure est au développement durable, à la relocalisation des activités, à la baisse de la mobilité, ni par idéologie ni par passéisme, mais simplement parce que les contraintes économiques, écologiques et sociales nous l’imposent » ;
    • Victoire idéologique : confrontés de surcroît à la perte de leur hégémonie politique et culturelle, les « Anywhere » doivent « reprendre le chemin de l’Histoire », celui d’une réintégration démocratique par réconciliation avec les « Somewhere » – « Aidons-les à réintégrer la communauté nationale ! » plaide ainsi Guilluy.

    Tout « populisme » a besoin d’une élite

    Pour atteindre cet objectif, Guilluy ne mise pas seulement sur la bonne volonté du « bloc élitaire ». Il a bien conscience qu’il faut que le « bloc populaire » dispose de sa propre élite, apte à engager un rapport de force qui lui serait favorable : « Aucun processus [révolutionnaire] ne peut émerger sans l’engagement d’une fraction des élites ou de la bourgeoisie en faveur des plus modestes, et donc une volonté de préserver le bien commun ». Dit autrement : « Pas de mouvement de masse, pas de révolution sans alliance de classes ! »

    Cette élite doit notamment garantir la réintégration du « bloc populaire » dans les circuits économiques : « On ne peut prétendre au respect et encore moins à un statut de référent culturel ni à aucun pouvoir politique sans intégration économique ». Ce que les auteurs de la postface au « manuel de guérilla culturelle » publié récemment à La Nouvelle Librairie par François Bousquet (Courage !, 2019), affirment également sans ambiguïté : « L’économie, la bonne économie qui réalise et qui crée, est au fondement, aussi, au même titre que la génétique et la culture, de notre identité européenne. […] Rêvons à un réinvestissement de l’économie par nos forces vives. […] Nous devons lever des armées de chefs d’entreprise soudés et enracinés. »

    Le récent Dictionnaire des populismes (éditions du Cerf, 2019) réalisé sous la direction de Frédéric Rouvillois, Olivier Dard et Christophe Boutin, ne fait pas l’impasse sur ce sujet. Dans un article consacré à l’élitisme, Alexandre Avril s’oppose à l’opposition entre celui-ci et le populisme : « Cette vision simpliste et antagoniste des choses n’est pas celle de la théorie politique classique, qui voit plutôt dans la dualité organique du peuple et de l’élite une division fonctionnelle et non pas concurrentielle ». Et de préciser que « le populisme peut être entendu non comme une simple critique anti-élitiste mais au contraire, comme l’aspiration à restaurer les principes et la fonction classiques de l’élite : celle de former le petit nombre des plus vertueux, qui sont aussi les plus aptes à gouverner et à conduire le peuple dont ils sont indissociables ».

    « Même le populisme a besoin d’un élite », rappelle aussi Pascal Gauchon dans le dernier numéro de la revue Conflits (n°25, janvier-février 2020, « Les yoyos du populisme », p. 70-71) : « Le vrai problème des populistes est leur rapport aux élites. En se contentant de les dénoncer, ils mobilisent, mais se privent de leurs réseaux et de leur savoir-faire ». Car si la preuve a été faite que les populistes peuvent accéder au pouvoir, au moins dans le cadre de coalitions s’agissant du continent européen, « peuvent-ils y rester et agir ? »

    C’est sans doute l’enjeu principal des mois et années à venir. Et ce n’est pas le moindre des intérêts de No Society que de ne pas faire l’impasse sur un sujet aussi essentiel. Car de la capacité du « bloc populaire » à se doter d’une élite, politique, intellectuelle et économique, dépend directement ses perspectives de pouvoir.

    Grégoire Gambier (Polémia, 14 janvier 2020)

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  • Les snipers de la semaine... (193)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur son blog La pompe à phynances, Frédéric Lordon dézingue les robots macroniens qui nous gouvernent...

    Contre « la-démocratie »

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    - sur son site, Michel Onfray prend dans son viseur la loi Avia, qui traduit une dérive liberticide du système...

    L'épuration théorique

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