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Métapo infos - Page 620

  • Se battre pour sauver l'Europe !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Julien Rochedy à Sunrise au cours duquel il aborde quelques grandes questions métapolitiques qui conditionnent l'avenir de l'Europe. Publiciste et essayiste, Julien Rochedy est une figure montante de la mouvance conservatrice révolutionnaire.

     

                                          

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  • Le non du peuple

    Les éditions du Cerf viennent de publier un essai de Gabriel Robin et de Benjamin Demeslay intitulé Le non du peuple. Journalistes les deux auteurs publient notamment des articles dans L'Incorrect.

     

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    " Pourquoi la France et l'Europe sont-elles en crise ? Quels antagonismes paraissent aujourd'hui insurmontables ? Comment expliquer la partition sociale et culturelle de notre continent ?
    Pour répondre à ces questions, Gabriel Robin et Benjamin Demeslay racontent et analysent l'histoire de la formation des nations en Occident en identifiant les étapes au cours desquelles les fragmentations au sein des peuples se sont produites : du traité de Westphalie en 1648 à l'avènement de l'Union européenne, en passant par l'éclosion des Lumières au XVIIIe siècle ou encore l'effondrement des empires après la Première Guerre mondiale. Étude historique mais aussi politique, ce livre traite des bouleversements contemporains, comme la fin du clivage gauche-droite, la montée des populismes, la lente disparition de la classe moyenne sous les effets conjoints de la mondialisation et de la globalisation.
    Géopolitique, philosophie, littérature, histoire et même pop culture, voici un ouvrage pour saisir les enjeux du présent à la lumière des événements du passé. "

     

     
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  • «Le déclin de l’Occident n’est pas un accident de parcours» ...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par David Engels au Figaro Vox et consacré au déclin de la civilisation occidentale moderne. Historien, spécialiste de l'antiquité romaine et président de la Société Oswald Spengler, David Engels est l'auteur d'un essai intitulé Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013), sa seule œuvre traduite en français, qui vient de ressortir en format de poche.

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    David Engels: «Le déclin de l’Occident n’est pas un accident de parcours»

    FIGAROVOX.- Votre livre Que Faire? Vivre avec le déclin de l’Europe relève plus du témoignage personnel que de l’essai politique. Pourquoi avez-vous voulu partager ces réflexions intimes?

    David ENGELS.- La situation est grave: ce n’est pas seulement un modèle politique, économique ou social qui est graduellement en train de disparaître, mais l’entièreté de ce qui fut, pendant mille ans, «l’Occident». Cette évolution est tout sauf un fait divers dont il suffirait de prendre bonne note avant de continuer comme si de rien n’était: le déclin massif de l’Europe en tant que civilisation est une véritable tragédie historique qui nous concerne tous, non seulement en tant que collectif, mais aussi en tant qu’individus. Personnellement, je souffre énormément de la fin annoncée de la civilisation occidentale que j’aime de tout mon cœur, et je sais que je suis loin d’être le seul dans ce cas, bien que beaucoup de contemporains ne se rendent pas encore tout à fait compte de la nature gravissime de cette évolution ou n’osent pas en tirer les conséquences qui s’imposent. C’est pour eux que j’ai écrit ce livre, afin de partager avec eux mes réflexions pour savoir comment nous, amoureux de l’Occident, de son histoire, de son patrimoine et de ses traditions, pouvons faire pour rester fidèle, dans un monde post-européen, à nos convictions intimes, et pour les léguer à nos descendants.

    Vous rappelez l’analogie entre le déclin actuel du monde occidental et le déclin du monde gréco-romain que vous aviez étudié dans l’un de vos livres précédents. En quoi la comparaison tient-elle?

    En effet: le déclin de l’Occident, comme l’ont montré de nombreux historiens comme Oswald Spengler ou Arnold Toynbee, n’est pas un accident de parcours: il est inscrit dans la logique de l’Histoire elle-même qui a déjà connu la montée et le déclin de nombreuses autres civilisations. Dans mon livre Le Déclin , d’ailleurs tout juste sorti en édition de poche avec une nouvelle préface il y a quelques semaines, j’ai tenté de montrer à quel point la crise actuelle de l’Europe rappelait celle de la République romaine du premier siècle, quand, atteinte par une crise politique, économique, démographique, ethnique et sociale sans précédent, elle fut déchirée par des émeutes endémiques se muant en véritables guerres civiles avant de basculer vers un État autoritaire stabilisant, certes, la crise, mais au prix d’une réduction drastique de la liberté politique et d’une certaine stagnation culturelle. Je suis convaincu que cette évolution nous attend également durant les deux prochaines décennies et ne peux qu’appeler mes lecteurs à se préparer à ces événements.

    Vous pointez du doigt le fait que peu de gens osent vraiment évoquer un «déclin». Mais ne craignez-vous pas qu’en parler puisse avoir un effet performatif?

    C’est comme en médecine: aimeriez-vous être soigné par un médecin qui traitera votre cancer comme un rhume, de peur de l’impact psychosomatique de vous faire part de la véritable situation? Ainsi, je crois surtout que l’honnêteté avec elle-même doit être la vertu suprême pour toute civilisation qui se respecte. Taire volontairement la réalité des processus culturels qui se déroulent actuellement - que ce soit l’immigration de masse, le vieillissement de la population, l’islamisation, l’intelligence artificielle, la dissolution des États Nations, l’auto-destruction du système scolaire et universitaire, l’immense retard de l’Europe sur la Chine, la transformation de la démocratie en technocratie - revient, à mon avis, à un acte de haute trahison avec des conséquences durables. Car quand la vérité - c’est-à-dire la nature de plus en plus irréversible du processus - éclatera au grand jour, même les derniers restes de confiance en notre système politique se trouveront fracassés, tout comme la solidarité sociale entre les différents groupes sociaux et culturels qui composent notre société. Ce n’est qu’en analysant sincèrement et froidement la situation actuelle que nous pouvons déterminer les marges de manœuvre (de plus en plus réduites) qui nous restent et tenter d’envisager les réformes nécessaires pour sauver et stabiliser ce qui persiste de notre civilisation, comme l’a d’ailleurs très bien remarqué Michel Houellebecq quand il a écrit son appréciation de mon livre pour la quatrième de couverture.

    Ce déclin civilisationnel semble plus vous inquiéter que les discours qui nous alarment quant à l’urgence climatique…

    Au contraire: bien que je reste sceptique concernant la prétendue urgence climatique et encore plus de l’impact de l’humain dans le cadre de cette théorie, l’exploitation outrancière de nos ressources naturelles et la spoliation de la diversité et de la beauté de la nature à tous les niveaux font partie intégrale de notre déclin civilisationnel, comme ce fut d’ailleurs le cas vers la fin de la République romaine. C’est aussi pourquoi je suis convaincu qu’il est essentiel de ne pas s’attaquer à des symptômes, mais aux véritables causes: ce n’est pas seulement en diminuant le CO2 ou d’autres matières problématiques, mais en travaillant sur l’idéologie matérialiste, consumériste, égoïste du monde moderne que nous pouvons espérer trouver un nouvel équilibre avec la nature - tout en sachant que le véritable danger pour notre environnement ne vient plus de l’Europe qui a déjà fait des immenses progrès, mais plutôt de l’Asie… D’ailleurs, dans ce contexte, je m’étonne toujours du double langage de nombreux écologistes: alors que, sur le plan écologiste, ils préfèrent défendre un «conservatisme» de plus en plus radical, sur le plan culturel, ils défendent un constructivisme extrême: on dirait que, pour beaucoup d’entre eux, la disparition d’une espèce de grenouille est plus importante que celle de la civilisation européenne… C’est aussi pour sensibiliser l’opinion publique sur la richesse de notre culture et le risque de la voir diluée ou disparaître définitivement que j’ai écrit ce livre.

    Le Brexit serait-il le premier signe concret du délitement de l’Europe que vous redoutez?

    Entre nous, j’avoue n’être toujours pas convaincu que le Brexit aura véritablement lieu, bien que la nomination de Boris Johnson puisse faire changer la situation. Mais il ne faut pas confondre «Europe» et «Union européenne»: pendant des siècles, l’Occident a été politiquement et culturellement plus uni que maintenant. Une disparition ou transformation de l’Union européenne en tant que telle ne signifierait donc nullement un délitement de l’Europe en tant que civilisation. Ce délitement vient surtout de l’intérieur, non de l’extérieur. La destruction de la famille traditionnelle, le relativisme culturel, le masochisme historique, la pensée politiquement correcte, la tendance à censurer tout avis déplaisant, le remplacement de communautés homogènes et donc solidaires par une juxtaposition de groupements cherchant uniquement leur propre profit, la polarisation sociale, le cynisme avec lequel toute notion de vérité absolue est remplacée par des «compromis» négociés - voilà les véritables raisons du délitement de l’Europe. Les événements politiques que nous voyons aujourd’hui - la transformation de l’Union européenne en le défenseur principal de ce que je viens d’énumérer ainsi que la volonté non seulement des Britanniques, mais aussi des «populistes» partout en Europe, de sacrifier l’unité européenne afin de protéger, au moins, leur propre identité - n’en sont que les conséquences déplorables. Car la véritable réponse vient d’ailleurs: l’Occident ne pourra stabiliser son déclin actuel que s’il renoue à la fois avec ses racines et reste solidaire et uni. Malheureusement, ce message ne sera entendu que quand il sera trop tard.

    Vous dites ne pas vouloir vous laisser aller au catastrophisme. Pour autant vous n’êtes pas ce que l’on pourrait appeler un optimiste…

    En premier lieu, je me considère comme historien et ne peux éviter le constat que toutes les grandes civilisations humaines connaissent des cycles historiques plus ou moins analogues. Pourquoi l’Occident serait-il une exception à cette règle millénaire? Puis, je crois être un observateur assez sensible des processus qui affectent actuellement notre société: il suffit de se promener à travers les banlieues de Paris, de Londres ou de Bruxelles ; de voyager à travers les campagnes de plus en plus désertes ; de voir de ses propres yeux le niveau d’éducation des écoles et universités ; d’étudier l’évolution des taux d’intérêt ; de discuter avec les administrateurs politiques nationaux et européens de plus en plus déconnectés des réalités ; de sentir le désarroi et le désamour de plus en plus d’Européens pour leur système politique, pour voir que l’Occident est en train de se transformer radicalement, et pas pour un mieux. L’éclatement de la grande crise que nous attendons tous pourra peut-être, être encore repoussé, à grands frais, de quelques mois ou années. Mais une fois que les caisses seront vides et que la sécurité sociale s’écroulera, nous verrons que les «gilets jaunes» n’auront été que le prélude à des conflits nettement plus violents. L’Europe qui en émergera n’aura plus grand-chose à faire avec celle dont nous connaissons actuellement les derniers soubresauts. Si nous voulons commencer à conserver du moins quelques restes de ce qui nous tient à cœur de cette civilisation déclinante, le moment, c’est maintenant…

    Finalement, ce petit livre peut se lire comme un guide de survie à usage individuel (vous y tenez). N’y a-t-il vraiment plus de moyens d’action collective pour contrer un déclin qui, à vous lire, semble inéluctable?

    Si, absolument! D’ailleurs, j’insiste plusieurs fois sur le fait que ce petit guide ne remplace nullement l’activité politique et collective ; tout au contraire: «vita activa» et «vita contemplativa» doivent se compléter pour former une société véritablement stable. Mais il faut bien se rendre compte que l’Europe va très mal et que même dans le meilleur des cas, elle se retrouvera radicalement changée par rapport à l’Europe dans laquelle la plupart d’entre nous avons été socialisés. Si nous voulons vraiment conserver notre identité à travers les crises qui nous attendent, il est grand temps de ne pas renvoyer la responsabilité vers un monde politique largement indifférent, voire hostile à la véritable culture européenne - et qu’il ne sera pas facile de déboulonner du jour au lendemain -, mais de commencer par défendre et renforcer notre propre identité au quotidien. En effet, nous constatons de plus en plus la force interne de ces «sociétés parallèles» qui dominent désormais nos métropoles: si nous n’œuvrons pas rapidement à raffermir notre propre identité, nous n’aurons bientôt même plus droit à notre propre «société parallèle»… Désormais, le temps où nous pouvions compter sur la stabilité à la fois de notre système politique et culturel est révolu ; si nous voulons protéger notre héritage, la lutte doit désormais être double: d’un côté, nous devons transformer chaque individu, chaque famille, chaque groupe d’amis en une petite forteresse aux valeurs et identités soudées ; d’un autre côté, nous devons développer une nouvelle idéologie politique alliant conservatisme culturel et lutte pour une Europe unie (non nécessairement identique à l’Union européenne). C’est d’ailleurs le sujet de mon dernier livre Renovatio Europae, paru il y a quelques semaines en version allemande et, durant les prochains mois, en traduction française, anglaise, polonaise, italienne et espagnole, et qui fait diptyque avec Que faire?.

    David Engels (Figaro Vox, 2 août 2019)

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  • Un peu de nuit en plein jour...

    Les éditions Calmann-Lévy viennent de publier un nouveau roman d'Erik L'Homme intitulé Un peu de nuit en plein jour. Connu comme l'auteur de plusieurs séries de qualité dans les collections de littérature de jeunesse, voyageur méditatif, grand marcheur et esprit libre, Erik L'Homme a marqué ses lecteurs adultes avec un premier roman, Déchirer les ombres (Calmann-Lévy, 2018).

     

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    " « Il ne reste plus que ça aujourd’hui, la communion des caves, cette sauvagerie qui seule subsiste une fois quittée la grisaille de la surface où les clans survivent dans des boulots plus pourris qu’une charogne oubliée sur un piège. »

    Ce pourrait être le monde de demain. Paris est envahi par une obscurité perpétuelle et livré aux instincts redevenus primaires d’une population désormais
    organisée en clans. Dans ce monde urbain terriblement violent, Féral est un des derniers à avoir des souvenirs des temps anciens. Il est aussi un as de la « cogne»,
    ces combats à mains nues qui opposent les plus forts des clans dans des sortes de grand-messes expiatoires. C’est lors d’une de ces cognes qu’il rencontre
    Livie, qui respire la liberté, l’intelligence, la force. Leur amour est immédiat, charnel, entier. Mais le destin de Féral va se fracasser sur cette jeune femme qui n’est pas libre d’aimer.
    Bijou littéraire, Un peu de nuit en plein jour parle de notre monde qui s’abîme, de la part de sauvagerie en l’homme, de l’inéluctabilité des destins. "

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  • De la diplomatie publique à la guerre du vrai...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de François Bernard Huyghe, cueilli sur son site Huyghe.fr et consacré à l'émergence d'une compétition des visions du monde... Spécialiste de la stratégie et de la guerre de l'information, François-Bernard Huyghe enseigne à la Sorbonne et est l'auteur de nombreux essais sur le sujet, dont, récemment, La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015) et Fake news - La grande peur (VA Press, 2018). Avec Xavier Desmaison et Damien Liccia, François-Bernard Huyghe vient de publier Dans la tête des Gilets jaunes (VA Press, 2019).

     

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    De la diplomatie publique à la guerre du vrai

    Le projet d’influencer politiquement une population étrangère ou de mener une expansion idéologique hors de ses frontières est tout sauf neuf : il est fait mention d’agents d’influence chez Énée le Tacticien (IV° siècle avant notre ère) ou chez Sun Tsu (probablement mort en 470 av. J.C.). Mais les moyens techniques de diffusion de chaque époque limitent longtemps de telles stratégies : les idées des Lumières ou celles de 89 se répandent au rythme de l’imprimerie ou des voyageurs en diligence et ne touchent qu’une minorité. Et si, au moment de la guerre de 14-18, le cinéma et la photo ouvrent des espoirs de « conquérir les cœurs et les esprits » aux premiers théoriciens de la propagande (Creel, Ponsonby, Lippmann), il faut bien que les idées trouvent leurs vecteurs.

    Parler aux populations

    Pour simplifier, nous partirons de la guerre froide et du projet théorisé aux États-Unis sous le vocable de « diplomatie publique », terme qui se popularise au milieu des années 60 et une discipline qui s’enseigne toujours aujourd’hui. C’est d’abord une réponse à la propagande internationale soviétique. Vue de Washington, celle-ci paraît d’autant plus redoutable qu’elle s’appuie sur une double médiation : les partis frères de la III° internationale et le succès des idées marxistes ou anti-impérialistes auprès des intelligentsias, plus peut-être un peu de desinformatsya pour tromper la presse du monde libre. Après quelques essais de guerre culturelle surtout menée par la CIA - subventions cachées à des intellectuels anti-totalitaires, à des livres ou à des films pensant bien, voire à des expressions plastiques ou musicales plus modernes que le « réalisme soviétique » - la chose est systématisée par la création de l’US Information Agency fondée en 1953.

    Cette diplomatie qui s’adresse aux peuples par dessus la tête (et la censure) de leurs dirigeants est surtout connue pour avoir subventionné des radios (Voice of America, Radio Free Europe) émettant au-delà du rideau de fer en plusieurs langues. Elles devaient présenter une vitrine politique, économique et culturelle, qui fasse contraste avec l’univers communiste et surtout qui fasse envie. Plus subtilement, la diplomatie publique crée aussi des réseaux humains, à travers, par exemple, les bourses de la fondation Fullbright : elles servent à attirer les jeunes élites internationales, les futurs dirigeants de leur pays, pour leur faire connaître et aimer le mode de vie américain et les idées qui l’inspirent. Après le 11 septembre, certains plaideront aux États-Unis pour une « nouvelle diplomatie publique » destinée à combattre les idées islamistes ou obscurantistes et qui s’appuierait cette fois davantage sur les réseaux sociaux et la « société civile » (au sens des ONG, des think tanks ou des mouvements d’opinion internationaux). Mais globalement la stratégie reste la même. Elle résume dans la trilogie contrer, montrer, former.

    Contrer implique de combattre et délégitimer une idéologie adverse structurée, dans un jeu planétaire à deux où un seul doit l’emporter. Cette action de réfutation se réclame du principe de réalité : si seulement les gens réalisaient, ils seraient guéris des illusions de l’esprit malade et ils penseraient comme nous. Il s’agit donc de les guérir des mensonges des régimes autoritaires ou des doctrinaires. Montrer veut dire que la diplomatie publique est envisagée comme une révélation de vérités factuelles : en voyant notre mode de vie, notre véritable politique, notre culture, notre bonheur de vivre, notre liberté, sans la déformation qu’impose la propagande adverse, les gens ne peuvent manquer de se convertir à nos valeurs évidentes et universelles. Former, enfin, est sensé produire des individus libres et conscients qui participeront à ce processus de libération. Beaucoup à Washington, surtout chez les républicains, pensent que leur camp l’emportera parce que la supériorité politique intrinsèque des régimes occidentaux, leurs performances, la cohérence idéologique du libéralisme et, maintenant, la force de la communication des médias sans frontière vont dans le même sens.

    La diplomatie publique repose sur un volontarisme : créer des médias ad hoc, diffuser de bons messages, animer des réseaux, produire un contre-discours, autant de techniques qui s’apprennent et se subventionnent. Tout cela suppose un ennemi avec un projet de domination, sa rhétorique et ses moyens de diffusion, éventuellement prêt à profiter de la liberté d’expression occidentale pour désinformer les médias et contaminer les esprits. L’affrontement entre deux représentations du monde est symétrique dans ses objectifs (convertir) s’il ne l’est pas dans ses moyens (partis frère nationaux contre médias internationaux par exemple). À une déstabilisation/conquête de l’est doit répondre une subversion/libération de l’ouest et quelqu’un comme Reagan, qui n’avait probablement pas lu Gramsci, pensait volontiers que les idées (celles des think tanks par exemple) et les images que l’on produit comptent dans une lutte planétaire pour l’hégémonie idéologique.


    Un pouvoir sans contrainte

    La situation change avec la chute du communisme et son implosion idéologique, accélérée en partie grâce à la diplomatie publique pensent les uns, davantage par la culture mondiale de masse, diffusée par exemple par les chaînes télévisée de RFA visibles en RDA, diront les autres.
    Dans les années 90, un concept s’impose comme prophétie autoréalisatrice (le succès du mot prouvant celui de la chose) : soft power. En inventant ce vocable, lui-même assez « doux » ou mou pour mêler les idées d’attractivité, d’automaticité et de non coercition, le doyen Joseph Nye synthétise des tendances qui paraissent alors évidentes. Souvent présenté comme la « capacité de faire faire à d’autres ce qu’ils n’auraient pas fait autrement », donc ayant des finalités et une efficacité géopolitiques, le soft power tient à la fois de l’indéniable séduction de la culture américaine (allant du prestige de ses universités au succès des ses fast foods) et de la capacité du pays à amener les autres à adopter son point de vue, ses normes et ses objectifs. Le soft power serait donc à la fois ce qui plaît universellement - que l’on désire imiter ou acquérir- et ce qui s’imposera universellement - pourvu, notamment, que l’administration US sache paraître multilatérale et compréhensive avec les autres nations. La logique du soft power est celle de l’image d’un pays incarnant le futur de la globalisation. Mais cette image est exportée par des relais (des médias, des organisations gouvernementales et non gouvernementales, des élites formées au mode de penser du futur). Répandre le soft power consiste aussi à trouver des alliés et à répandre des codes juridiques, économiques, moraux, culturels, etc.
    Mais qui dit universel (ou naturel) pense souvent idéologique. L’idée va pourtant être contestée que valeurs et modèles made in U.S.A. s’imposent par le double effet de leur triomphe historique et de leur accord avec les aspirations de l’homme éternel.
    Bien entendu, l’anticipation d’un soft power s’imposant en douceur connaît vite ses ratés. Ni la conflictualité, ni la contradiction des valeurs (à commencer par celles qu’exprime l’antiaméricanisme), ni la résistance à l’unification de la planète ne se dissipent si vite au profit de la mondialisation heureuse. Le soft power américain se trouve confronté à ce que beaucoup analysent d’abord un peu hâtivement comme les derniers soubresauts de l’archaïsme.

    Il y a d’abord la nécessité morale supposée d’intervenir militairement contre un Saddam, un Milosevic, un Kadhafi stigmatisés par la conscience internationale. La criminalisation du coupable (tyran présenté d’abord comme ennemi de son propre peuple, massacreur, envahisseur, détenteur d’armes qui menacent le monde...) et la pédagogie d’une coalition internationale désintéressée, n’ayant d’ennemis que ceux du genre humain, tout cela nécessite des dispositifs de persuasion. La synergie des télévisions internationales par satellite (CNN en tête), des dispositifs militaires de psyops, guerre de l’information et autres, plus l’intervention d’agences de communication spécialisées dans la diabolisation de l’ennemi, les fameux spin doctors opère le travail de persuasion de l’opinion. Et la théorie s’adapte vite à la pratique : Joseph Nye produit le concept de smart power. Son principe est qu’une politique étrangère doit combiner « intelligemment », au mieux, séduction culturelle, pressions diplomatiques et économiques et actions militaires. Hillary Clinton adoptera le principe avec enthousiasme.

    Toute stratégie de changement de régime ne passe pas forcément par les armes. Dès la décennie 1990, l’exportation de la démocratie est soutenue par des dispositifs qui brouillent un peu la frontière entre la diplomatie publique stratégie et le soft power processus. Dès 1961, l’USAID (US Agency for International Development) finançait outre l’aide au développement des organisations comme le National Endowment for Democracy chargé d’aider à l’expansion démocratie libérale, pendant que la Freedom House, une Ong datant de la seconde guerre mondiale soutenait des organismes extérieurs « favorables aux droits civiques ». Selon la même logique le Freedom Support Act de 1992 est voté par le Congrès pour implanter« la liberté et le marché ouvert » dans l’ex-empire soviétique.

    Après la chute du Mur, les organisations publiques ou privées (dont les fameuses Fondations pour une Société Ouverte de G. Soros) engagent de gros moyens soit pour « former » de futurs dirigeants à la démocratie libérale, soit pour aider des groupes activistes pro-occidentaux à contrôler les élections dans leur pays, pour leur apprendre à mener des actions non violentes, les inciter à se doter de médias, notamment numériques. Et finalement leur montrer comment renverser leurs gouvernements autocratiques et antiaméricains. Sur un modèle testé en Serbie par OTPOR (mouvement de jeunes activistes serbes) en 2000, le schéma ressert dans toutes les révolutions dites de couleur : des roses en Géorgie 2003, orange en Ukraine 2004, des tulipes au Kirghizistan 2005, « en jean » en Bieléorussie 2005, « du cèdre » au Liban 2005. Bien entendu qu’il y ait une volonté « subversive » du Département d’État ou de fondations comme la Albert Einstein, qui enseigne littéralement l’art de la révolte ou de la résistance non violente, n’implique pas que le renversement de tous les autocrates soit l’œuvre de conspirations internationales, ni qu’il n’y ait pas de causes objectives à ces révoltes. La dimension technologique du processus est importante : dès 2010, H. Clinton déclare que les États-Unis soutiendront partout le droit de l’homme à se connecter sur Internet et aideront les cyberdissidences.

    Au moment du printemps arabe, une jeunesse qui n’est ni nationaliste ni islamiste, qui se réclame d’un idéal de démocratie à l’occidentale a appris à employer les réseaux sociaux comme outil international de mobilisation. Et ce à la barbe des autocrates qui pensaient leur pouvoir assuré par le contrôle des médias locaux. Du coup, les commentateurs sont tentés de prêter comme un pouvoir intrinsèquement libérateur au Web 2.0 et de suggérer un quasi déterminisme numérique : là où il y a Google, Facebook et Twitter, il y aura ouverture, libéralisme et démocratie. L’Histoire balaiera vite ces illusions.

    Mais le bouleversement le plus marquant est que l’Occident s’est redécouvert un ennemi principal avec le terrorisme djihadiste. Le onze septembre non seulement déclenche la spirale des engagements militaires, mais l’attentat pose un question douloureuse : « pourquoi nous haïssent-ils ? » qui devient vite « comment les déradicaliser ? ». La lutte contre la contagion idéologique suppose un contre-discours : réapparition d’actions de diplomatie publique, coopération avec les ONG, rechercher de méthodes quasi thérapeutiques pour guérir de cet extrémisme violent considéré comme une maladie psychologique. Les djihadistes savent jouer dans tous les registres : affrontement militaire ou de guérilla sur le terrain, terrorisme qui est, après tout, une propagande par le fait et un acte symbolique et propagande tout court. Al Qaïda (plus « web 1.0 » avec ses sites et ses forums de discussion) puis Daech (produisant pour le Web 2.0 des messages vidéos sophistiqués mais aussi capable de mettre en contact ses partisans sur les réseaux sociaux) sont parfaitement adaptés numérique. Le spectre du cyberdjihadisme capable de faire du prosélytisme et de la coordination en ligne et, demain peut-être, de mener de grandes cyberattaques de sabotage hante le monde. Et, en sens inverse, les recettes de guerre froide - mettre en contradiction les mensonges avec la réalité heureuse et tolérante de l’Occident - ne sont plus adaptés à un adversaire qui connaît notre culture ou notre technique mais possède un autre codes de valeur et un autre système d’autorité.

    De façon générales, deux des postulats du soft power commencent à poser question : que l’expansion « horizontale » d’une culture ou vision du monde (américaine, occidentale, globale ?) soit irrésistible et que la solidarité « verticale » de la mondialisation entraîne dans le même sens le changement technologique, l’économique, le politique et le culturel vers un modèle ouvert et global.

    Peurs occidentales

    La dernière phase que nous vivons est celle d’une inquiétude occidentale et du passage à une attitude défensive. Le phénomène a une dimension politique : les régimes autoritaires ne disparaissent pas et nombre de démocraties deviennent illibérales, tandis que monte l’influence de la Russie et de la Chine, les deux puissances dites « révisionnistes » de l’ordre mondial. Une second dimension est idéologique : les populismes avancent avec leurs idées conservatrices et identitaires. La troisième est médiologique : les moyens de communication internationaux, et surtout les réseaux sociaux, ne véhiculent pas nécessairement les idées « d’ouverture », bien au contraire. C’est donc un renversement de la trilogie sur laquelle se fondait théoriquement le soft power.

    Du reste, jamais en panne de néologismes, les think tanks ont produit des concepts sensés décrire ce changement :
    - la guerre hybride (hybrid warfare), un mélange d’interventions militaires classiques, de soutien à des mouvements de rébellion armée et de propagande internationale que mènerait la Russie
    - la weaponization de l’information, c’est-à-dire sa transformation en arme de déstabilisation que ce soit sous la forme de cyberattaque ou de désinformation et intoxication
    - le sharp power (pouvoir « aigu » qu’exerceraient la Chine et surtout la Russie) équivalents négatifs ou nihilistes du soft power occidental
    - etc.
    Tout un vocabulaire, qu’il serait trop long d’analyser ici, se met en place, en particulier dans les milieux proches de l’Otan, et tente de décrire des périls inédits qui constituent autant d’explications à la marche déplorable du monde.

    Ainsi, le Brexit, l’élection de Trump, voire le referendum catalan attribués à l’interférence russe (fake news et propagande par ses médias internationaux), à l’action déstabilisatrice des réseaux populistes, écosystème des fantasmes et des rumeurs, plus, d’une certaine façon à la technologie elle-même qui permet à chacun de s’enfermer dans sa « bulle de confirmation » en ligne avec ceux qui pensent comme lui. Ces explications oscillent entre la responsabilité d’une intervention déloyale facilitée par Internet et une sorte d’abaissement de l’esprit critique de la population, désormais prête à croire n’importe quoi, l’efficacité machiavélienne du message et la réceptivité niaise du public. Dans tous les cas, la perte d’attractivité de nos « valeurs » d’ouverture, de libéralisme et de progrès est assimilée à une sorte de panne de la vérité (certains philosophent déjà sur le thème de l’ère de la « post-vérité ») ; le faux serait serait trop convaincant et le vrai ne saurait plus se faire connaître (en dépit du soutien des gouvernements, des experts, des élites, des médias classiques, etc. pour rétablir la vérité). C’est un peu court : la crise du soft power ne peut s’expliquer ni par une manipulation d’un quelconque service, ni par les désordres psychiques des classes inférieures.

    À l’évidence, il faut revenir sur bien des espérances. Il y d’abord concurrence sur le strict plan du soft power. La Chine combine de plus en plus offensives de charme et de prestige avec des discours plus rassurants sur le multilatéralisme. On parlera aussi de soft power indien, coréen, qatari, etc., tant ces politiques se sont banalisées. Et, bien sûr, l’Europe jouit de son capital de sympathie et d’attractivité, la diplomatie culturelle de la France n’étant pas le plus mauvais moyen de la développer. Mais la conversion à des valeurs ou à des idées (à supposer que la Chine ou la Russie veuillent vraiment nous convertir à une quelconque doctrine) n’est pas seulement affaire de télévisions internationales, de trolls, de journalistes sympathisants ou d’algorithmes. Ni de bonne conduite à l’ONU. Il y a aussi des facteurs objectifs et, en dehors même de la personnalité de Trump - qui n’incarne guère le soft power - et de ses velléités isolationnistes qui déstabilisent ses alliés européens : les États-Unis ne sont plus l’hyperpuissance hard et soft en même temps. Pour ne donner qu’un exemple, la semaine où nous écrivons (en Juin 2018) l’échec du G7 chaotique fait contraste avec l’harmonie de l’Organisation de coopération de Shangaï. Peu de gens soutiendraient encore que l’ordre international libéral s’impose spontanément partout où pénètre Internet et où se développe le libre-échange.

    L’idée même d’un modèle idéologico-culturel destiné à remporter une sorte de compétition planétaire a trouvé ses limites : d’autres visions du monde qui s’implantent chacune dans leur aire géographique, culturelle ou spirituelle. Ne plus avoir d’ennemi unique est aussi un grand désavantage, et personne ne peut songer sérieusement à mettre dans le même sac le djihadisme sunnite et les ambitions chiites, le révisionnisme de l’ordre international préconisé par Pékin et par Moscou, les populismes européens, etc. L’idéologie de la fin des idéologie, plus qu’à des rhétoriques efficaces, s’est surtout heurtée à la pluralité indéracinable des identités et des croyances.

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 31 juillet 2019)

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  • Sparte et les Sudistes...

    Les éditions Kontre Kulture viennent de rééditer l'essai de Maurice Bardèche intitulé Sparte et les Sudistes. Normalien, agrégé de lettres et auteurs d'essais reconnus sur Proust, Balzac ou Flaubert, Maurice Bardèche était également le beau-frère de Robert Brasillach et a animé après guerre la revue Défense de l'Occident.

     

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    " « Ce que j’appelle Sparte, c’est la patrie où les hommes sont considérés en raison de leurs qualités viriles qui sont mises au-dessus de toutes les autres. Ce que j’appelle les Sudistes, ce sont les hommes qui s’efforcent de vivre selon la nature des choses qu’ils ne prétendent corriger qu’en y ajoutant de la politesse et de la générosité. »

    Voilà expliqué, par l’auteur lui-même, le titre a priori obscur de cet ouvrage. Sparte est une idée, c’est une attitude devant la vie, le refus de la médiocrité, la reconnaissance de l’inégalité des hommes devant l’épreuve, le mépris de la mort ; c’est une image que l’on se fait de l’humain et qui doit servir de guide. Mais tous ne sont pas des héros, tous ne peuvent pas être des héros, et les Spartiates sont là pour les défendre, pour être aussi des modèles qui, à l’instar des saints pour les chrétiens, donnent la direction à suivre sans jamais juger ceux qui n’ont ni leur noblesse ni leur courage. Car l’humanité ne peut être toute spartiate ; elle a besoin du bonheur de vivre qu’incarnent les Sudistes, « cette part de l’espèce humaine qui veut [...] respirer quelque chose qui ne soit pas frelaté, fabriqué, un air propre, tel qu’il était au commencement du monde ». Les Sudistes sont ces êtres lumineux qui ont fécondé l’histoire : on les rencontre chez les Gibelins, auprès des Albigeois, à Byzance... Ils sont tous ceux qui sentent une contradiction profonde entre le mode de vie qu’on tente de leur imposer et leur instinct. Le Sudiste est celui qui ne veut être ni « le triste insecte appelé travailleur » ni le Yankee qui a triomphé, et avec lui le roi dollar, « la société de consommation, la publicité, le conformisme, la monotonie, et les longues, les immenses plaines de l’ennui et de l’absurdité ».

    Nous sommes chacun, un peu plus ou un peu moins, Spartiate ou Sudiste au gré des circonstances : « Que le Spartiate en nous réponde donc à l’heure du péril, et même qu’il veille toujours en chacun de nous [...], mais qu’il sache qu’il n’est là que pour protéger le Sudiste en nous, pour lui permettre d’être. » "

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