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Métapo infos - Page 443

  • Un « Empereur du peuple » ? La place de Napoléon dans la mémoire française...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre Le Vigan, cueilli sur Voxnr et consacré à la place de Napoléon Bonaparte dans l'histoire politique de notre pays.

    Urbaniste, collaborateur des revues Eléments, Krisis et Perspectives libres, Pierre Le Vigan a notamment publié Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009), La banlieue contre la ville (La Barque d'Or, 2011), Écrire contre la modernité (La Barque d'Or, 2012), Soudain la postmodernité (La Barque d'or, 2015) et dernièrement Achever le nihilisme (Sigest, 2019).

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    Un « Empereur du peuple » ? La place de Napoléon dans la mémoire française

    Houellebecq écrit quelque part que Napoléon est pire qu’Hitler car Hitler croyait à quelque chose, ce qui n’aurait pas été le cas de Napoléon. Homme d’opportunités, assurément, Napoléon l’était. Il dit qu’il aurait pu se faire musulman. Certes. Mais ce n’est pas un hasard s’il a fait carrière en France, et ni en pays musulman, où il a vite été rejeté comme envahisseur français par les populations locales, qui ne s’y trompaient pas, ni en Allemagne ou en Autrice comme Feld-maréchal von Bonaparte, comme l’avait imaginé l’excellent Jean Dutourd.

    Il n’est du reste pas certain que Napoléon ne croyait en rien. Il ne croyait pas aux religions, car il ne croyait qu’à leur utilité sociale mais pas à leur message. Mais il croyait en Dieu. En tout cas en un Dieu, même s’il aurait pu croire aussi bien au Dieu de l’islam qu’au Dieu chrétien. D’autant plus qu’il était (à tort) sceptique sur l’existence de Jésus. Nous renvoyons, sur cette question, à l’ouvrage érudit et passionnant de Philippe Bornet (Napoléon et Dieu, Via Romana, 2021).

    Si Houellebecq veut dire que Napoléon n’avait pas d’idéologie au sens de ce terme au XXe siècle, c’est une évidence. Napoléon détestait les « idéologues ». Ceux-ci représentaient une pointe avancée de l’esprit des Lumières, qui, contrairement à la plupart des penseurs des Lumières, ne croyaient pas en un Dieu, étaient donc antithéistes, et étaient matérialistes c’est-à-dire ramenaient la compréhension du réel à l’étude des forces matérielles.

    Napoléon était un homme des Lumières mais pas de ces Lumières avancées. Il croyait aux Lumières au sens où rien de doit être examiné sans faire usage de la raison, mais, bien qu’ayant été influencé par Rousseau, il rejetait la croyance en la vertu de la liberté. Il ne croyait pas non plus – c’est le moins qu’on puisse dire – aux idées de Kant et de Condorcet sur la nécessité d’un tribunal international des nations. Ami des Lumières modérées au service d’un pouvoir fort, Napoléon n’était pas un cas isolé. Avant Napoléon, ce fut le cas de Joseph II de Habsbourg, et Frédéric II de Prusse. Et en même temps que Napoléon, le tsar Alexandre 1er de Russie se veut un homme des Lumières avant de tomber dans le rejet de celles-ci durant la dernière partie de son règne.

    Les idées de Napoléon par rapport aux Lumières, tout comme son ambigüité entretenue par rapport à la Révolution, expliquent en bonne part le déplacement de Napoléon dans le spectre politique. C’est ainsi que Napoléon assumera toujours l’exécution du duc d’Enghien, comme marqueur de la différence incomblable entre lui et les Bourbons. Il faut aussi tenir compte du fait que Napoléon est longtemps perçu comme héritier de la Révolution, et que la période « heureuse », guerrière mais victorieuse, de son règne (jusqu’en 1808) correspond à la période durant laquelle il n’a pas encore complètement rompu avec l’héritage révolutionnaire. Le calendrier révolutionnaire est supprimé en 1806, et jusqu’en 1808, les pièces de monnaies portent l’inscription « République française – Napoléon 1er Empereur ». C’est à partir de cette date de 1808 qu’est créée une noblesse, qui n’a pas les privilèges de l’ancienne, et qui n’est pas héréditaire.

    Napoléon, Empereur du peuple ? C’est l’image qu’on en gardera souvent. C’est beaucoup dire. Mais le soutien populaire était réel durant les premières années de son règne. En outre, l’impulsion donnée à l’industrie, le protectionnisme – ce que Bertrand de Jouvenel a appelé « l’économie dirigée » (Napoléon et l’économie dirigéeLe blocus continental, La Toison d’or, 1942) va aussi avec un relatif plein emploi des ouvriers, tandis que le tournant absolutiste de son règne, avec son remariage avec une fille de l’Empereur d’Autriche, s’accompagne de la crise économique de 1811, et des désastres militaires. Napoléon a perdu le peuple en même temps que sa bonne étoile. Héritier de la Révolution, mais y mettant un point final, tel est donc le double visage de Napoléon. Son souvenir sera lié à ces deux aspects. Les républicains se rappelleront de l’autocrate, mais les monarchistes ne lui pardonneront pas d’avoir refusé en 1800 les propositions du comte de Provence de rétablir la monarchie. Détesté par les monarchistes, Napoléon sera rejeté du côté du souvenir de la Révolution.

    Comment Napoléon prend-t-il place dans l’histoire politique de la France ? C’est tout d’abord sous la forme d’un souvenir. Puis, après le Second Empire, ce souvenir est désacralisé, car la défaite de 1870 n’est pas perçue comme grandiose, comme celle de Waterloo, mais beaucoup plus comme un échec trivial. Et c’est alors que l’on passe de la nostalgie napoléonienne au mouvement bonapartiste. Il se diluera rapidement dans le boulangisme puis dans les divers populismes et tentative de troisième voie du XXe siècle.

    Mais c’est d’abord un souvenir brûlant, une présence émotionnelle que l’empreinte laissée par Napoléon. Sous la Restauration, les bonapartistes sont proches des libéraux, c’est-à-dire de la « gauche » avec, par exemple, le général Foy. Un des éléments qui expliquent ce rapprochement paradoxal est l’épisode des Cent Jours. C’est là que fut élaborée la Constitution dite Acte additionnel aux Constitutions de l’Empire, inspirée par Benjamin Constant, et dite pour cela la « Benjamine ». Loin d’être un Acte additionnel, elle contredisait toutes les pratiques politiques antérieures de Napoléon. Cette nouvelle Constitution allait nettement plus loin dans le sens d’un régime représentatif parlementaire que la Charte de 1814 « octroyée » (le roi tenait au mot) par Louis XVIII. L’une des erreurs, la plus énorme de l’acte additionnel de Napoléon, plus concédé que voulu, était l’instauration d’une Chambre des Pairs héréditaire. Il n’est pas étonnant que le peuple se soit si peu déplacé lors du plébiscite de mai 1815 pour approuver un tournant libéral qui n’était pas dans son tempérament, alors qu’il espérait plutôt un tournant jacobin, voire montagnard et « sans-culotte ». Cette illusion d’un possible « Empire libéral » permettra un rapprochement entre bonapartistes et libéraux jusqu’en 1830.

    Les choses changent avec la Monarchie de Juillet. Louis-Philippe récupère le souvenir de Napoléon avec le retour des cendres (1840), et il prend à son service quelque uns de ses vieux serviteurs. Le rétablissement du drapeau tricolore crée une continuité entre Révolution, Empire, Monarchie de Juillet. Napoléon devient une référence moins « à gauche », le symbole d’une révolution maitrisée, réduite à ses acquis de 1789-91. Les ouvriers, encore proches de Napoléon en 1815, s’éloignent de toute nostalgie impériale. Il faudra la Révolution de Février 1848 et un singulier alignement de planètes pour que Napoléon III, alors le prince Louis-Napoléon, petit-fils de Joséphine, bénéficie d’une occasion inespérée. Celle-ci venait de la très rapide dérive à droite de IIe République issue de la Révolution de 1848. En Juin 1848, le gouvernement tire sur les ouvriers, ceux-ci protestant, en pleine crise économique, contre la fermeture des Ateliers nationaux. La brutalité de la répression bourgeoise laisse un vide politique. L’élection présidentielle de décembre 1848 montre qu’un candidat issu du camp de la répression ne peut incarner l’unité de la nation. Louis-Napoléon recueille plus de 74 % des voix, tandis que, loin derrière, le conservateur Cavaignac en recueille moins de 20 %. Encore plus loin (5 %) est le démocrate socialiste, ou « républicain avancé », Ledru-Rollin. Cette élection ne peut se comprendre qu’en référence aux événements terribles de Juin 1848 : la République contre les ouvriers. C’est à partir de là que Louis-Napoléon pourra apparaitre un homme de l’ordre – conservatisme social et catholicisme – sans être lui-même l’homme de la répression anti-ouvrière.

    Après avoir gagné largement l’élection présidentielle de fin 1848, le rétablissement de l’Empire se fera en deux étapes avec le coup d’Etat du 2 décembre 1851 et la proclamation de l’Empire le 2 décembre 1852, non sans une forte résistance en décembre 1851, venue aussi bien de milieux ruraux qu’ouvriers. Le régime se dotera néanmoins, à la faveur d’une certaine prospérité, d’une base sociale chez les paysans. Par contre, des mesures sociales en matière d’habitat n’amèneront pas un ralliement des ouvriers.

    Camouflage ou authentique orientation ? Conservateur social, Louis-Napoléon ne l’était pas du tout à la mode Thiers ou Guizot. Auteur des Idées napoléoniennes (1839), De l’extinction du paupérisme (1844), le futur Napoléon III avait le souci de résoudre le problème social par des propositions réformatrices concrètes. Si le terme de « socialisme napoléonien » peut paraitre excessif, Louis-Napoléon était à coup sûr plus social que beaucoup de républicains négligeant la question sociale. Devenu Empereur, Louis-Napoléon n’oublie pas ses idées réformatrices. Un Empereur saint-simonien, c’est toujours une façon d’être héritier des Lumières, mais les limites du saint-simonisme apparaissent vite. Restent des mesures qui rompent avec l’individualisme exacerbé de la monarchie de Louis-Philippe.

    C’est Napoléon III qui institue le droit de grève en 1864, supprime le délit de coalition (loi Emile Ollivier, un républicain libéral rallié à Napoléon III à partir du tournant de l’Empire libéral en 1860), et s’il faut attendre la loi Waldeck-Rousseau de 1884 pour que soient autorisés les syndicats, il fait un pas en ce sens en autorisant les chambres syndicales en 1868, tandis qu’il supprime en 1869 l’obligation du livret ouvrier, établi en 1781 sous Louis XVI, et rendu obligatoire par Napoléon Bonaparte (1803. C’est encore Napoléon III qui abolit la loi qui, en cas de litige entre un patron et un ouvrier, faisait prévaloir le dire du patron.

    Le mouvement ouvrier, qui va des républicains radicaux aux « socialistes » (les guillemets s’imposent car le terme est récent et les socialistes sont divers et non organisés en parti), comme François-Vincent Raspail, ne peut compter que sur une masse de travailleurs à domicile et d’ouvriers de fabriques qui est en augmentation, mais reste très minoritaire par rapport aux masses rurales. Napoléon III, par le souvenir du Grand Homme (dont Raspail fut un partisan durant les Cent Jours), peut s’imposer auprès de l’électorat paysan, sans s’aliéner radicalement les populations ouvrières. Le monde ouvrier, s’il n’est pas bonapartiste de conviction, ne veut pas se battre pour les fusilleurs de Juin 1848.

    Ce mouvement ouvrier se définit en bonne part « à gauche », en ce sens que les revendications sociales se mêlent à un anti monarchisme (ni le comte de Chambord ni les Orléans, malgré les propositions sociales mais paternalistes de Chambord) et à un anticléricalisme virulent. Marx, qui ne se référait jamais à la « gauche », tout comme Michéa, qui voudrait que le mouvement socialiste ne s’y référa jamais, sous-estiment les aspects hors lutte de classes du mouvement ouvrier et socialiste : le patriotisme intransigeant, voire irréaliste en 1871, et l’anticléricalisme.

    Cette confusion entre gauche ouvrière et gauche politique libérale, dont la critique est l’élément central des livres de Jean-Claude Michéa, fait que la gauche ouvrière mène des combats qui ne « devraient pas » être les siens, selon une pure logique de la lutte des classes, contre l’Eglise, alors que le problème principal n’est plus l’Eglise mais le capital, pour Dreyfus alors que cette question pourrait être considérée comme une affaire interne à la bourgeoisie. Le problème est que ce point de vue se heurte au sens commun : une injustice faite à un homme est-il dépourvu de tous rapports avec une injustice faite à une classe ? Que cela plaise ou non, le goût français des idées générales et de l’universalité amène à répondre non.

    Ceci explique qu’un mouvement socialiste et ouvrier au-delà du clivage droite-gauche est concrètement difficile à identifier. Ce socialisme chimiquement pur que recherche Jean-Claude Michéa, en expliquant à juste titre que le mouvement ouvrier se fait manipuler par la mise en avant d’enjeux sociétaux qui ne sont pas les siens, peut-il exister ? En théorie peut-être, dans l’histoire réelle, on ne le trouve pas. Qu’on le déplore ou non, force est de constater que le mouvement ouvrier est souvent imprégné de l’idéologie du progrès, ce qui l’amène à entrer dans des coalitions « progressistes », à soutenir la guerre de 1914 comme « guerre du droit » et à se rallier à l’ « Union sacrée », etc.

    Après le Second Empire et le désastre de 1870, l’idée napoléonienne se trouve déportée « à droite ». Les bonapartistes des années 1870-1880 se trouvent proches des monarchistes orléanistes. Ils s’engouffrent pour beaucoup dans l’aventure boulangiste et disparaissent ensuite. L’esprit napoléonien se retrouve dans les projets de république rénovée, autoritaire et plébiscitaire, supposée être plus efficace que la république parlementaire. Toutefois, après la victoire de 1918, il devient difficile, pour les nostalgiques des deux Empereurs, de dire que la république ne sait pas gagner une guerre, d’autant que les deux Empires ont montré qu’ils étaient capables d’en perdre.

    Ce qui reste du bonapartisme est le goût d’un Etat fort et efficace, non entravé par les excès délibératifs du parlementarisme, une capacité d’impulser de grands projets, et surtout l’idée qu’un gouvernement doit s’appuyer sur le peuple (« l’appel au peuple ») en faisant régulièrement constater sa légitimité par le plébiscite. C’est ce dernier aspect qui reste actuel et sa forme démocratique sera le référendum dont usera de Gaulle et qui sera un des derniers moments où la France aura connu de vrais débats démocratiques. L’esprit gaullien, son réalisme international, son souci de la question sociale avec la participation, réalisera la synthèse entre le principe napoléonien de la souveraineté du peuple, et le réalisme politique des meilleurs des capétiens.

    Pierre Le Vigan (Voxnr, 22 avril 2021)

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  • L'heure du loup...

    Les éditions Les Arènes viennent de publier un nouveau roman de Pierric Guittaut intitulé L'heure du loup, dans lequel on retrouve le héros de D'ombres et de flammes (Gallimard, 2016).

    Écrivain et chroniqueur, Pierric Guittaut est déjà l'auteur de plusieurs romans et polars dont La fille de la pluie (Gallimard, 2013), Ma douleur est sauvagerie (Les Arènes, 2019) et Docteur Geikil & Mister Hussard (Auda Isarn, 2020), Beyrouth-sur-Loire (Auda Isarn, 2020) ainsi que d'une passionnante enquête consacrée à la Bête du Gévaudan, La Dévoreuse (De Borée, 2017).

     

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    " Les loups sont de retour en Sologne. Lorsque des bûcherons trouvent le corps mutilé de la jeune Maëva, les esprits s’échauffent. Est-ce l’attaque d’un fauve ou un crime déguisé ? La tension est vive entre défenseurs de la faune sauvage, chasseurs et éleveurs. Les médias et les autorités attisent encore le feu.
    De retour dans sa région natale, le major Remangeon, dit « le loup-garou», est un gendarme taciturne ; dans sa famille, on est rebouteux de père en fils. Il mène l’enquête et tente d’apaiser les esprits, tandis qu’il est partagé entre un mariage qui se délite et un nouvel amour dévorant. Pour faire la lumière et retrouver un semblant d’équilibre, il va devoir puiser dans sa nature profonde et mobiliser toutes ses forces, même les plus occultes. "

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  • La dictature sanitaire en roman...

    Le 22 avril 2021, Pierre Bergerault recevait sur TV libertés Thomas Clavel pour évoquer avec lui son dernier roman Hôtel Beauregard (La Nouvelle Librairie, 2021).

    Écrivain, chroniqueur et professeur de français, Thomas Clavel est déjà l'auteur d'un recueil de nouvelles, Les Vocations infernales (L'Harmattan, 2019) et d'un roman, Un traître mot (La Nouvelle Librairie, 2020).

     

                                                

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  • Généalogie de la morale économique...

    Les éditions Zone sensible ont publié en novembre dernier un essai de Sylvain Piron intitulé Généalogie de la morale économique. Sylvain Piron est médiéviste à l’Ecole des hautes études en sciences sociales.

     

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    " Plus d’un siècle après que Nietzsche a proclamé la mort de Dieu, ce livre reprend le marteau de la critique pour éprouver les nouvelles idoles de l’époque avec une détermination égale. Appeler à l’inversion de toutes les valeurs revient aujourd’hui à destituer la seule valeur régnante. Il n’y aura pas d’issue à l’impasse dans laquelle s’enferre la société industrielle tant que la mesure sociale fondamentale sera fournie par la production d’unités de valeur marchande et non pas, disons, par la contribution au bien-être collectif de tous les hôtes de la biosphère. Pour apprécier les embarras du monde contemporain, l’histoire intellectuelle du Moyen Âge occidental offre un excellent observatoire. Le privilège de la période médiévale tient à la position qu’elle occupe : elle constitue l’altérité la plus proche du monde moderne. De ce fait, elle propose un point de vue sans égal pour juger de son devenir. Placé dans une perspective de longue durée, le moment présent perd un peu de son caractère de surgissement indéchiffrable. "

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  • Quand intellectuellement défaits, les décoloniaux se tournent vers les juges…

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bernard Lugan cueilli sur son blog et consacré à l'affaire qui oppose Danièle Obono à Valeurs Actuelles.

    Historien et africaniste, Bernard Lugan a publié de nombreux ouvrages, dont Histoire de l'Afrique (Ellipses, 2009), Atlas historique de l'Afrique (Rocher, 2018), Esclavage, l'histoire à l'endroit (L'Afrique réelle, 2020) et dernièrement Pour répondre aux « décoloniaux », aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance (L'Afrique réelle, 2021).

     

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    Danièle Obono contre Valeurs Actuelles, ou quand intellectuellement défaits, les décoloniaux se tournent vers les juges…

    Le 14 avril 2021, le Parquet de Paris a donné suite à la plainte de Madame le Député Obono contre Valeurs Actuelles, décidant que l’hebdomadaire serait jugé le 23 juin par le tribunal correctionnel pour « injure publique à caractère raciste ».
     
    Figure de proue du mouvement « décolonial », Madame le Député Obono partage bien des combats des islamo-gauchistes. Membre de La France Insoumise, parti qui, au mois de juin 2020, devant le Parlement européen, déposa un amendement visant à ne reconnaître comme « crime contre l’humanité » que la Traite européenne, la seule traite européenne, et non pas toutes les traites, dont la traite arabo-musulmane et la traite interafricaine, comme cela était prévu dans le texte initial, Madame le député Obono ne trouve pas choquante la formule « nique la France ».
     
    Réponse « du berger à la bergère », au mois d’août 2020, l’hebdomadaire Valeurs Actuelles publia un article humoristique illustré d’un dessin représentant Madame le Député Obono enchaînée et prisonnière de chasseurs d’esclaves noirs. Le journal entendait ainsi mettre en évidence la grande réalité de l’histoire de la traite qui est que cette dernière eut été impossible sans leurs associés pourvoyeurs-associés africains auxquels les négriers européens achetaient les captifs. Sans ces partenaires locaux, cette traite eut été en effet, et par définition, impossible puisque les esclaves étaient capturés, transportés, parqués et vendus par des chasseurs d’esclaves noirs. Et comme les acheteurs blancs attendaient sur le littoral ou à bord de leurs navires que les captifs leur soient livrés, il dépendait donc in fine des négriers africains d’accepter ou de refuser de leur vendre leurs « frères » noirs. Une réalité essentielle que je développe largement dans mon livre «Esclavage, l’histoire à l’endroit » en démontrant qu’une partie de l’Afrique s’est enrichie en vendant l’autre partie…
     
    Une évidence historique notamment mise en lumière par Mathieu Kérékou, l’ancien président du Bénin qui n’a pas hésité à écrire que « Les Africains ont joué un rôle honteux durant la Traite », ainsi que par les évêques africains en des termes très forts :
     
    « Commençons donc par avouer notre part de responsabilité dans la vente et l’achat de l’homme noir… Nos pères ont pris part à l’histoire d’ignominie qu’a été celle de la traite et de l’esclavage noir. Ils ont été vendeurs dans l’ignoble traite atlantique et transsaharienne » (Déclaration des évêques africains réunis à Gorée au mois d’octobre 2003). 
     
    Tout aurait pu en rester là de l’article de Valeurs Actuelles écrit dans la grande lignée culturelle française du pastiche. Or, à travers la caricature la représentant, la mise en évidence des responsabilités historiques d’une partie des Africains dans la vente de leurs « frères » noirs aux négriers européens, ulcéra Madame le Député Obono. Elle décida donc de porter l’affaire en justice et, le 14 avril 2021, le Parquet de Paris donna suite à sa plainte, décidant que Valeurs Actuelles serait jugé le 23 juin par le tribunal correctionnel pour « injure publique à caractère raciste ». 
    En revanche, l’on attend toujours une réaction de ce même Parquet de Paris après les déclarations clairement racistes et les appels au génocide des Blancs proférés par Madame Hafsa Askar, vice-présidente du syndicat étudiant UNEF qui se définit elle-même comme « une extrémiste anti-blanc »:
     
    « Je m’en fiche de Notre-Dame de Paris, car je m’en fiche de l’histoire de France…Wallah …on s’en balek (traduction : on s’en bat les c…), objectivement, c’est votre délire de petits blancs » (15 avril 2019).
     
    « On devrait gazer tout (sic) les blancs (resic) » cette sous race (25 mai 2014).
     
    Lors de ce procès dont l’arrière-plan sera le « deux poids, deux mesures», les avocats de Valeurs Actuelles auront beau jeu d’avancer que, revendiquant fièrement, et à juste titre, sa double ascendance maternelle Punu, et paternelle Fang (Ballart.fr, 3 juillet 2017), deux grandes ethnies du Gabon, Madame le Député Obono peut difficilement se poser en descendante de victimes. En effet, l’expansion parfaitement documentée de ces deux grands peuples conquérants et colonisateurs, s’est faite en forme de tenaille dans laquelle les ethnies indigènes furent broyées avant d’être soumises et en partie vendues aux négriers européens. 
     
    La galanterie imposant de commencer par l’ethnie de Madame Mère, les avocats de Valeurs Actuelles ne manqueront pas de s’intéresser tout d’abord aux Punu. Qualifiés de « peuple belliqueux » par l’universitaire gabonaise Cerena Tomba Diogo, les Punu se désignent sous le nom de « batu diba di badi » ou « gens de guerre », leur nom étant lui-même, et toujours selon Cerena Tomba , une « déformation du terme puni qui signifie tueur ». A partir des années 1550, venus de l’actuelle RDC, les Punu dévastèrent et ruinèrent le brillant royaume de Kongo qui fut sauvé de justesse de la totale destruction grâce à une intervention portugaise. En 1574, les Punu franchirent le fleuve Congo pour aller conquérir une partie des actuels Congo-Brazzaville et Gabon, réduisant au passage les pygmées en esclavage (Rey, 1969). Puis, ils lancèrent d’incessantes incursions chez les peuples voisins, devenant ainsi les principaux pourvoyeurs d’esclaves d’une partie de la côte de l’actuel Gabon (Picard-Tortorici, 1993). 
     
    Quant aux Fang, les Pahouin de la littérature coloniale, il s’agit de l’ethnie paternelle de Madame le Député Obono. Cet autre grand peuple, lui aussi au riche passé expansionniste vit aujourd’hui à cheval sur le Cameroun, la Guinée équatoriale et le Gabon, régions conquises à la suite d’un vaste et rapide mouvement de colonisation. A la suite des récits de Paul du Chaillu, explorateur-naturaliste qui voyagea dans le pays dans les années 1855-1865, leur fut associée une réputation de cruauté doublée de cannibalisme. Cette dernière mention qui fut à l’origine d’interminables débats et controverses, a été exhumée d’un passé oublié par Frédéric Lewino dans un article de l’hebdomadaire le Point en date du 4 août 2018, intitulé « Le tour du monde des cannibales : les Fang d’Afrique centrale ». 
     
    Que les Fang aient été cannibales ou non, peu importe. Là n’est en effet, et en aucun cas l’essentiel car nos ancêtres Cro-Magnon faisaient bien leurs délices de nos autres ancêtres Neandertal… En revanche, il est clairement établi que la conquête Fang du Moyen-Ogooué s’opéra notamment aux dépens des Seke, des Mpongwe, des Kele, etc. 
     
    Dans leurs plaidoiries, les avocats de Valeurs Actuelles ne manqueront évidemment pas de citer le célèbre ethnologue Georges Balandier, pour lequel les Fang constituaient un « groupe mobile, organisé pour la conquête (…) dont la poussée continue a été entretenue par la terreur au sein des populations refoulées ». Un mouvement de conquête qui, là encore, n’en déplaise aux « décoloniaux » et à Madame le député Obono, fut bloqué par la colonisation vue comme libératrice et émancipatrice par les populations qui le subissaient….
     
    Conclusion : l’erreur de Valeurs Actuelles fut de représenter Madame le député Obono en esclave, sous les traits d’une malheureuse victime, alors que son ascendance ethnique la rangerait au contraire parmi les peuples conquérants, non parmi les peuples conquis. Une « affaire » qui n’en n’est pas une et une plainte qui, en d’autres temps eut été qualifiée de « corne-cul », mais qui illustre à merveille, les contradictions du mouvement « décolonial ». Ce dernier prétend en effet vouloir détruire la société française, mais il n’hésite pas à s’adresser à sa justice quand il se trouve mis en difficulté intellectuelle... Voir à ce sujet mon livre «Répondre aux décoloniaux, aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance ». 
     
    Bernard Lugan (Blog de Bernard Lugan, 15 avril 2021)
     
     
    Références bibliographiques
    - Balandier,G., (1949) « Les Fan (Fang), conquérants en disponibilité » Tropiques, n° 3/6, décembre 1949, pp 23-26.
    - Du Chaillu, P., (1863) Voyages et aventures dans l’Afrique équatoriale. Paris.
    - Hombert, J-M et Perrois, L., (2007) « Cœur d’Afrique, gorilles, cannibales et Pygmées dans le Gabon de Paul du Chaillu ». Paris, éditions du CNRS. 
    - Picard-Tortorici, N et François, M., (1993) « La traite des esclaves au Gabon du XVII° au XIX° siècle. Essai de quantification pour le XVIII° siècle ». Les Etudes du CEPED (Centre français sur la population et le développement), n°6, Paris, juin 1993.
    - Rey, P-P., (1969) « Articulation des modes de dépendance et des modes de reproduction dans deux sociétés lignagères (Punu et Kunyi du Congo-Brazzaville). En ligne
    - Tomba Diogo, C.A., ( 2015) « Etude d’un genre de la littérature orale : la devise « kûmbu » chez les Punu du Gabon ». Université Sorbonne Paris, en ligne.
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  • Les snipers de la semaine... (216)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Figaro Vox, Arnaud Benedetti allume Marlène Schiappa, symbole de la déliquescence de la politique...

    «Marlène Schiappa est le symbole de la société du divertissement»

    Schiappa-Hanouna.jpg

     

    - sur Hashtable, H16 dézingue les déclarations de Macron sur la sécurité...

    La sécurité selon Macron : un désir de vie paisible…

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