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Métapo infos - Page 1424

  • Tour d'horizon... (39)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur La Voix de la Russie, Laurent Brayard nous explique comment et pour quoi le gouvernement français va escamoter la commémoration de la Grande Guerre...

    Centenaire de la Grande Guerre 14-18 : la France ne sera pas au rendez-vous

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    - sur RussEurope, Jacques Sapir revient sur la situation de la Russie pour rétablir quelques vérités face à la désinformation systématique dont ce pays fait l'objet...

    La Russie, entre les fantasmes de l'affaire Depardieu et la réalité

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  • Nouveau dispositif dans la fabrique du dernier homme... (I)

    Nous reproduisons ci-dessous la première partie d'un texte d'Olivier Rey, tiré de la revue Conférence et consacré aux liseuses électroniques et autres tablettes et à ce qu'elles impliquent. Chercheur au CNRS et enseignant à l'école Polytechnique, Olivier Rey est l'auteur d'un essai remarquable intitulé Une folle solitude - Le fantasme de l'homme auto-construit (Seuil, 2006).

     

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    Nouveau dispositif dans la fabrique du dernier homme (I)


    On connaît cette histoire de l’homme qui a prêté un chaudron à un ami et qui se plaint, après avoir récupéré son bien, d’y découvrir un trou. Pour sa défense, l’emprunteur déclare qu’il a rendu le chaudron intact, que par ailleurs le chaudron était déjà percé quand il l’a emprunté, et que de toute façon il n’a jamais emprunté de chaudron. Chacune de ces justifications, prise isolément, serait logiquement recevable. Mais leur empilement, destiné à mieux convaincre, devient incohérent. Or c’est précisément à un semblable empilement d’arguments que se trouve régulièrement confronté quiconque s’interroge sur l’opportunité d’une diffusion massive de telle ou telle innovation technique. Dans un premier temps, pour nous convaincre de donner une adhésion pleine et entière à la technique en question, ses promoteurs nous expliquent à quel point celle-ci va enchanter nos vies. Malgré une présentation aussi avantageuse, des inquiétudes se font jour : des bouleversements aussi considérables que ceux annoncés ne peuvent être entièrement positifs, il y a certainement des effets néfastes à prendre en compte. La stratégie change alors de visage : au lieu de mettre en avant la radicale nouveauté de la technique concernée on s’applique à nous montrer, au contraire, qu’elle s’inscrit dans l’absolue continuité de ce que l’homme, et même la nature, font depuis la nuit des temps. Les objections n’appellent donc même pas de réponses, elles sont sans objet. Enfin, pour les opposants qui n’auraient pas encore déposé les armes, on finit par sortir le troisième type d’argument : inutile de discuter, de toute façon cette évolution est inéluctable. Ce schéma ne cesse d’être reproduit. Prenons, par exemple, le clonage. Les tenants d’une mise en oeuvre aussi large que possible de ce procédé font, enthousiastes, miroiter les bénéfices extraordinaires qui en résulteront pour l’humanité. Face à des perspectives aussi grandioses la moindre réticence ne peut relever que de l’arriération mentale, d’une induration dans l’obscurantisme religieux, de réflexes hérités d’un autre âge (1). Pour les résistances que cette première lame n’a pas réussi à éliminer, arrive la seconde : il n’y a aucun sens à se monter la tête contre le clonage alors que la nature ne cesse d’y procéder dans les divisions cellulaires, quiconque est contre le clonage est pour ainsi dire contre la vie elle-même ; même le clonage humain n’a rien qui doive effrayer puisqu’il existe déjà des jumeaux homozygotes, etc. Finalement, à l’attention des irréductibles, on passe la troisième lame : toute résistance est une lutte d’arrière-garde vouée à l’échec et au ridicule, si vous ne le faites pas les Asiatiques le réaliseront à votre place, on n’arrête pas le progrès. Même chose avec les organismes génétiquement modifiés. Les techniques révolutionnaires de manipulation du génome des plantes vont permettre, entre autres avantages, d’augmenter les rendements agricoles dans des proportions fantastiques, de faire pousser des céréales dans le désert et de résoudre les problèmes de faim dans le monde. S’inquiète-t-on d’effets collatéraux non maîtrisés et potentiellement désastreux : brusquement, les OGM n’ont plus rien de révolutionnaire, l’homme fait évoluer les semences depuis le néolithique, la sélection naturelle fait elle-même évoluer les génomes depuis l’apparition de la vie sur terre, nous sommes nous-mêmes des OGM et s’en prendre à eux revient donc à militer contre sa propre existence. En bref, nous devons nous émerveiller de la nouveauté des OGM, et nous rassurer parce qu’ils n’ont rien de nouveau. Si cette contradiction, au lieu de produire l’hébétude, a laissé le sens critique en alerte, reste le dernier argument : que cela plaise ou non, les étendues ensemencées en OGM ne cessent d’augmenter sur la planète, les opposants sont des passéistes qui ne font que prendre du retard dans un mouvement qui est irréversible.


    La structure qui vient d’être esquissée est si générale qu’on la retrouve mobilisée pour justifier l’introduction dans la société de n’importe quel dispositif technique. Ainsi, avec le livre électronique.

    Viennent d’abord les avantages, étourdissants : le format électronique permet un accès immédiat à un corpus gigantesque, il constitue une révolution pour la diffusion de la culture et de la pensée, sans compter une interactivité jamais vue lorsqu’il est utilisé avec les appareils adéquats.

    Place ensuite à la disqualification des inquiétudes, par le « lissage » de la nouveauté : il est ridicule de croire que quelque chose d’essentiel est en jeu, alors que ce qui compte est ce qui est écrit, non le support de l’écriture ; ceux qui regardent d’un mauvais oeil le livre électronique auraient été contre le passage du papyrus au papier, des rouleaux aux codex, des manuscrits à l’imprimerie.

    Et puis, à quoi bon discuter : de toute façon, quoi qu’en disent les nostalgiques de l’imprimeriele temps de Gutenberg est révolu, le livre électronique va s’imposer de façon irrésistible.


    Revenons rapidement sur chacun de ces points, en commençant par le premier. Le gigantisme du corpus accessible — moyennant la numérisation des ouvrages anciens et leur mise en ligne à prix modique — ne présente a priori que des avantages. Un peu de réflexion suffit, cependant, à venir troubler ce paysage idyllique. Il est bon de se rappeler, au préalable, que pour lire de façon suivie de la concentration est nécessaire, et que cette concentration est d’autant moins acquise que la lecture n’a rien d’un acte naturel. Dès lors, la concentration demande à être protégée par une canalisation de l’attention. Tel est le cas lorsqu’on se trouve correctement installé dans un environnement silencieux, sans stimulations extérieures. Un confort minimal et le silence, toutefois, à eux seuls ne suffisent pas, car le danger vient aussi de l’intérieur. Parce que, comme il a été dit, la lecture ne va pas de soi et suppose une forme d’arrachement à soi-même, auquel on est sans cesse enclin à revenir, les velléités de s’échapper sont inévitables et doivent être plus ou moins découragées par les efforts à fournir pour passer à l’acte. Or ces efforts, c’est précisément ce que les tablettes tactiles visent à abolir. Lorsque, lisant sur l’une d’elles une page, l’idée nous traverse de nous reporter à un autre texte, d’interroger internet, de consulter notre boîte aux lettres électronique ou de nous informer sur le score d’un match à Roland Garros, passer de l’idée à sa concrétisation ne demande qu’un minuscule mouvement de doigt. Prétendre que la tablette électronique ne faitqu’offrir, en plus du livre que nous lisons, des possibilités supplémentaires que chacun resteparfaitement libre de ne pas utiliser ? Voilà qui est aussi sérieux que d’affirmer que la fréquentationassidue des bars ne fait courir aucun danger à un homme porté sur la boisson, dès lors qu’il a pris larésolution de se contenter d’eau minérale. Tous, autant que nous sommes, nous sommes aussi vulnérables envers les invitations à la distraction intrinsèquement offertes par les tablettes électroniques, qu’un alcoolique envers les bouteilles qu’il lui suffit d’un geste pour saisir — il estdes possibilités qui nous requièrent bien davantage que nous n’en disposons. Existent, certes, les appareils dont la seule fonction est de permettre la lecture (et qui utilisent du papier électronique, éclairé par la lumière ambiante et non par une lumière émise par l’écran). Mais ces liseuses, après avoir dominé le marché, sont de plus en plus concurrencées par les tablettes qui sont de véritables ordinateurs portables, où la lecture d’un livre ne constitue qu’une possibilité noyée parmi des dizaines ou centaines d’autres « fonctionnalités ». Significative, à cet égard, est la façon dont Apple présente son matériel (2) : « Lorsque vous prenez en main votre iPad, celui-ci devient un véritable prolongement de vous-même. C’est l’idée même qui a présidé à sa conception novatrice. Comme il ne mesure que 8,8 mm d'épaisseur pour un poids plume de 601 g, il trouve naturellement sa place entre vos mains. Et avec lui, tout devient si instinctif, comme surfer sur le Web, consulter ses emails, regarder un film ou lire un livre, que vous allez vous demander comment vous avez pu faireautrement jusqu'à présent » (nous soulignons). L’iPad 2 est équipé d’un appareil photo, de deux caméras pour enregistrer des images des deux côtés à la fois (ce qui permet de capter non seulementce que l’on voit, mais aussi son propre visage en train de jouir du spectacle, et de « partager » avecses innombrables amis les deux images en même temps : elle n’est pas belle la vie ?), il permet degérer son agenda, de recevoir et d’envoyer des messages, d’écouter de la musique, de consulter lapresse, d’être informé automatiquement en haut de l’écran de la réception de courrier ou des résultats sportifs etc. D’ores et déjà les ventes de tablettes, malgré un prix beaucoup plus élevé, ontdépassé celles des liseuses, et cela n’a rien que de très logique. Une certaine appétence pour lesliseuses électroniques trouve en effet son origine dans une accoutumance aux appareils informatiques, qui rend ceux-ci beaucoup plus familiers qu’un livre traditionnel, et cette accoutumance est liée à la multitude des activités qui passent aujourd’hui par les écrans. Il en résulte que la liseuse est un instrument bancal : même si elle ne permet que la lecture, elle ne cesse de suggérer les innombrables autres possibilités associées à l’électronique ; même sans accès à internet elle incite au type de lecture qui se pratique sur les écrans d’ordinateurs, très différent de celui auquel invite le livre sur papier — si différent, en vérité, qu’une pratique assidue du Web rend progressivement incapable de lire comme le faisaient la majorité des lecteurs jusqu’à une date récente. Nicholas Carr, dans un article de 2008 qui a engendré un certain émoi, a remarqué les effets produits sur lui par une décennie d’internet : « M’immerger dans un livre ou dans un long article m’était chose facile. Mon esprit était pris par l’histoire ou par les tournants de l’argumentation, et je pouvais passer des heures à parcourir de larges étendues de prose. Cela n’arrive plus que rarement. Maintenant, ma concentration commence souvent à se défaire après deux ou trois pages. Je deviens agité, je perds le fil, je me mets à chercher quelque chose d’autre à faire. J’ai l’impression que je suis en permanence en train de ramener mon cerveau rebelle au texte. L’absorption dans la lecture qui, auparavant, venait naturellement, est devenue un combat (3). » L’article de Carr a eu un grand retentissement, parce que d’innombrables personnes ont pu se reconnaître dans le tableau qu’il dressait. Les effets nocifs d’internet sur notre capacité de concentration et notre aptitude à la contemplation étant avérés, la conclusion s’impose : il est dément d’incorporer dans le support même des livres les éléments qui ruinent notre faculté à lire des livres. À moins, évidemment, que cette ruine soit le but poursuivi.

     

    On continuera de lire, certes, il n’est pas exclu qu’on lise même davantage qu’aujourd’hui, mais on lira autrement. L’Éducation sentimentale sera peut-être abondamment téléchargée, mais si tel est le cas on se contentera d’examiner quelques passages du roman, on cherchera à localiser telle ou telle phrase citée ici ou là, on sélectionnera les paragraphes abordant tel ou tel thème et on se laissera aller, le cas échéant, à parcourir quelques pages alentour, par curiosité, avant qu’une autre curiosité nous emporte ailleurs (4). Il est arrivé à Melville d’évoquer une certaine manière d’écrire, pratiquée par Hawthorne et plus encore par lui-même, « directement calculée pour duper, complètement duper, l’écumeur superficiel des pages (the superficial skimmer of pages) » ; sur tablettes, il n’y aura plus que ce genre d’écumeurs, aussi monstrueusement précis et apparemment érudits pourront-ils se montrer dans leurs références (5). Les adultes sont encore à même de prendre conscience du processus. Il n’en ira pas de même pour les nouvelles générations, qui n’auront même plus idée de ce que lire a pu signifier au cours des siècles précédents. Tout juste certains pressentiront-ils qu’il devait s’agir d’autre chose — comme il est des modernes pour mesurer l’abîme qui sépare leur manière de lire de ce que pouvait être la lectio divina dans les monastères du haut Moyen Âge, où il s’agissait d’incarner la Parole de Dieu dans la voix du lecteur (6).

    (A suivre)

    Olivier Rey (Juin 2012)


    Notes :

    1 Voir, par exemple, la Declaration in Defense of Cloning and the Integrity of Scientific Research publiée en 1997 parle Council for Secular Humanism, et signée entre autres par Francis Crick, Edward O. Wilson, Richard Dawkins, Simone Veil (http://www.secularhumanism.org/library/fi/cloning_declaration_17_3.html).

    2 Fin 2011 ; six mois plus tard le matériel incroyablement innovant sera déjà obsolète, remplacé par un modèle plus révolutionnaire encore.

    3 « Is Google Making Us Stupid? », The Atlantic Magazine, juillet-août 2008.

    4 Michel Serres s’émerveille : « Quand j’ai un vers latin dans la tête, je tape quelques mots et tout arrive : le poème, l’Énéide, le livre IV… […] Rendez-vous compte que la planète, l’humanité, la culture sont à la portée de chacun, quelprogrès immense ! » (Libération, 3 septembre 2011, extrait d’une interview très riche en points d’exclamation et enperles de bêtise pure). Serres déduit de l’accroissement des ressources électroniques (« Nous habitons un nouvel espace… La Nouvelle-Zélande est ici, dans mon iPhone ! J’en suis encore tout ébloui !) que les livres et les professeursont fait leur temps, sans apparemment se rendre compte que l’intérêt et le goût pour l’Énéide ne sont pas spontanés et nenaissent pas sur écran, ni mesurer que la façon dont, pour faire jeune, il célèbre avec ivresse les nouvelles technologies, est plutôt une marque de sénilité.

    5 Carr, dans l’article déjà cité, remarque : « Auparavant j’étais un plongeur dans l’océan des mots. Désormais je glissesur la surface comme un type sur son scooter des mers. » Ces expressions semblent évoquer les mots de Melville, queCarr a dû lire dans sa jeunesse, en des temps qui ne connaissaient pas le jet-ski : « J’aime tous les hommes qui plongent. » Melville lui-même se sentait appartenir à ce « corps de plongeurs de la pensée qui ont plongé et sont remontés à la surface, les yeux injectés de sang, depuis le commencement du monde » (lettre à Evert Duyckinck, 3 mars1849).

    6 Pour Ivan Illich, la transformation actuelle de la lecture doit être conçue comme une suite lointaine, une fois lesmoyens informatiques à notre disposition, de celle qui s’est opérée dans les temps médiévaux : « Commence [au XIIIe siècle] une mutation du sens premier du verbe “lire”, un sens qui n’apparaîtra dans toute son horreur qu’avec notregénération, où les ordinateurs se lisent mutuellement » (« Lectio divina dans la haute Antiquité et dans l’Antiquité tardive » [1993], in La Perte des sens, trad. Pierre-Emmanuel Dauzat, Fayard, 2004, p. 166).

     

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  • La fin des Habsbourg...

    La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque (n° 64, janvier - février 2013).

    Le dossier central est consacré à la fin des Habsbourg et de l'empire austro-hongrois. On peut y lire, notamment,  des articles de  Henry Bogdan ("L'assassinat de l'Autriche-Hongrie"), de Philippe Conrad ("Les Habsbourg, une chronologie"), de Martin Benoist ("La Hongrie rebelle") et de Max Schiavon ("L'armée multinationale à l'épreuve de la guerre") ainsi qu'un entretien avec Jean-Paul Bled ("François-Ferdinand, l'héritier problématique").

    Hors dossier, on pourra lire, en particulier, des entretiens avec le philosophe politique Pierre Manent ("L'Europe au défi de son histoire") et avec Bernard Lugan ("L'Afrique. Mythes et mensonges"),  des articles d'Alain de Benoist ("Une histoire des gauches en France") et de Charles Vaugeois ("De Paris et la Decima MAS") et la chronique de Péroncel-Hugoz.

     

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  • L'année du chaos ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Joris Karl, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la violente aggravation de la crise que pourrait nous réserver l'année 2013... A titre de mise en bouche, vous pourrez découvrir le scénario noir de 2013, imaginé par France 2 dans son journal de 20 heures du 20 décembre 2012 et évoqué dans l'article.

     


    2013, l'année du chaos ?

    Le Français moyen pense que ça n’arrivera jamais, comme en 1937 il ne pensait pas que 1940 fut possible. Mais la catastrophe approche, inexorablement, mathématiquement. On peut la humer à distance, comme une bête sauvage aux relents de malheurs, qui se faufilerait dans les sous-bois économiques. Les branches craquent dans la nuit, on l’entend toujours plus près, mais on préfère se blottir au fond du lit, en espérant que tout cela n’est qu’une légende. Et pourtant…

    Les médias ne peuvent plus cacher la réalité, c’est à cela qu’on voit ce qui se prépare. Nous avions déjà le président Hollande qui annonçait une année 2013 durant laquelle le chômage ne cesserait d’augmenter, ce qui, pour un homme au pouvoir, était une première assez couillue !

    Nous avions cet étrange docu-fiction de France 2 qui jouait à nous faire peur : « 2013, le scénario noir »

    Et puis, le réveillon à peine digéré, ce dossier paru dans Le Parisien, évidemment repris à la télé (France 3) : les véritables chiffres du chômage enfin dévoilés. Une bombe atomique qui a explosé à l’heure où, personnellement, je sortais mes lentilles du micro-ondes.

    « 9 Millions de chômeurs en France à ce jour ». Je n’osais pas en croire mes oreilles. Même un dur à cuire du FN n’aurait pas osé ce chiffre de malade. Dire que je passais pour un néo-nazi quand j’annonçais cinq millions de chômeurs dans les dîners en ville…

    La réalité éclaboussait tout. Aux 3 millions et quelques d’inscrits métropolitains à Pôle Emploi, on ajoutait ceux de l’Outre-mer. On atteignait alors 5 millions et demi de sans emploi ou en activité (très) réduite. Pour une fois inspirés, les journalistes avaient la terrible idée de continuer l’addition maudite. Et vlan, encore 1 300 000 bénéficiaires du RSA ; et vlan, 1 500 000 personnes « en temps partiel subi » qui vivotent au gré de CDD au rabais. Et bang, encore 830 000 « découragés » qui ont abandonné toute démarche. Sale décompte, sale total. Au pourcentage de la population active, cela fait donc… 30 % de sans emplois. Un chiffre ahurissant, digne des heures sombres de la République de Weimar !

    Pour corser le tout — j’avais tout juste fini d’avaler mes lentilles —, une jolie présentatrice enfonçait le clou : le secteur automobile français obtenait son pire résultat depuis 1997 avec moins 14 % de vente en 2012.

    Après six mois de plans sociaux à répétitions, la France peut regarder avec terreur ses voisins s’enfoncer. De l’Espagne à la Grèce, c’est à qui plongera le premier. « Ils » pourront multiplier les réunions de la dernière chance pour sauver l’euro, remonter les cours de la bourse au cric, au bout d’un moment, l’étincelle jaillira. On ne sait pas où, pas quand. Peut-être en mars, peut-être en septembre. En tout cas, la machine infernale de l’immigration (300 à 500 000 personnes qui débarquent chaque année en France) ne va pas ralentir, au contraire.

    Préparez-vous.

    Le chaos, c’est demain.

    Joris Karl (Boulevard Voltaire, 4 janvier 2013)

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  • L'histoire africaine : mythes et manipulations ?...

    La revue L'Afrique réelle publie un essai de Bernard Lugan intitulé Mythes et manipulations de l'histoire africaine. Avec ce livre, l'auteur, africaniste de réputation internationale, nous fournit un outil de réfutation de quelques uns des mythes qui alimente la repentance actuelle.

    Le livre, qui ne sera pas diffusé en librairie, est disponible en ligne sur le site de Bernard Lugan.

     

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    "Depuis un quart de siècle les connaissances que nous avons du passé de l’Afrique et de l’histoire coloniale ont fait de tels progrès que la plupart des dogmes sur lesquels reposait la culture dominante ont été renversés. Cependant, le monde médiatique et la classe politique demeurent enfermés dans leurs certitudes d’hier et dans un état des connaissances obsolète : postulat de la richesse de l’Europe fondée sur l’exploitation de ses colonies ; idée que la France devrait des réparations à l’Algérie alors qu’elle s’y est ruinée durant 130 ans ; affirmation de la seule culpabilité européenne dans le domaine de la traite des Noirs quand la réalité est qu’une partie de l’Afrique a vendu l’autre aux traitants ; croyance selon laquelle, en Afrique du Sud, les Noirs sont partout chez eux alors que, sur 1/3 du pays, les Blancs ont l’antériorité de la présence ; manipulation concernant le prétendu massacre d’Algériens à Paris le 17 octobre 1961 etc. Le but de ce livre enrichi de nombreuses cartes en couleur, est de rendre accessible au plus large public le résultat de ces travaux universitaires novateurs qui réduisent à néant les 15 principaux mythes et mensonges qui nourrissent l’idéologie de la repentance."

     

    Table des matières
     

    Chapitre I – Nos ancêtres étaient-ils Africains ?
    Chapitre II – Le « réchauffement climatique » est-il une menace pour l’Afrique ?
    Chapitre III – Les anciens Égyptiens étaient-ils des Noirs ?
    Chapitre IV – La Grèce est-elle fille de l’Égypte ?
    Chapitre V – Le Maghreb est-il arabe ?
    Chapitre VI – Les ethnies africaines ont-elles été inventées par les Blancs ?
    Chapitre VII – La Traite négrière fut-elle une « invention diabolique » de l’Europe ?
    Chapitre VIII – Les Noirs sont-ils les premiers habitants de l’Afrique du Sud ?
    Chapitre IX – La colonisation est-elle de droite et l’anticolonialisme de gauche ?
    Chapitre X – L’Empire colonial a-t-il enrichi la France ?
    Chapitre XI – L’Algérie fut-elle un boulet pour la France ?
    Chapitre XII – Les Algériens se sont-ils unanimement dressés contre la France entre 1954 et 1962 ?
    Chapitre XIII – Apartheid mérite-t-il d’être devenu un « mot-prison » ?
    Chapitre XIV – Y eut-il un massacre d’Algériens le 17 octobre 1961 à Paris ?
    Chapitre XV – La France serait-elle complice du génocide du Rwanda ?
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  • Autopsie d'un deuil...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à la France invisible, laminée par la crise et l'américanisation des moeurs...

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    Autopsie d'un deuil

    Dans quelle partie la vérité de la société française contemporaine se manifeste-elle le plus ? Il faudrait un échantillon qui échappât aux contaminations de l’idéologie, aux miasmes du journalisme, et à la myopie de l’actualité. Les tribulations de la « racaille » de banlieue, ou celles de tel acteur populaire, entrent dans cette catégorie peu ragoûtante, avec les orgies et farces tristes de la France d’en haut, dont l’on conviendra qu’elles ne sont, ni les unes, ni les autres, représentatives du pays réel, bien qu’elles en constituent une partie significative. La belle étude du sociologue Christophe Guilluy, Fractures françaises (François Bourin Editeur) a mis récemment en évidence le déséquilibre en partie voulu entre certains secteurs médiatisés à outrance, et exhibés avec tout le pathos possible pour en faire un centre d’intérêt susceptible de promouvoir un certain type de société, et d’autres secteurs, occultés, ignorés ou méprisés, bien qu’ils secrètent des problèmes, notamment de pauvreté et d’abandon, autrement plus aigus que les premiers, lesquels bénéficient de toute la sollicitude des pouvoirs publics.

    La France obscure, banalement quotidienne, et souvent paisiblement, passivement, tragiquement installée dans sa pauvreté, son désespoir ou son amertume, paraît représenter ce que nous cherchons, un échantillon significatif de ce que nous sommes devenus. Un endroit isolé, oublié, sera, à coup sûr, un exemple a fortiori de notre société, et d’autant plus symbolique qu’il n’est apparemment pas touché par certains maux emblématiques qui bouleversent notre nation, comme l’immigration massive, les délocalisations, l’urbanisation sauvage etc. Et néanmoins, nous verrons que ce coin écarté, semble-t-il, de l’histoire en train de se faire, reçoit violemment, bien que sans protestation, les forces destructrices de la modernité.

    Appelons donc ce village Sainte Hermine les Sylves, et la région qui l’environne le Duboisais. Cela fera bucolique. Et, en effet, le pays est superbement tapissé de forêts, que rongent des prés parfois dévalant en pente douce. Car c’est aussi une terre de collines, de rochers. Voilà le décor planté. Notons que le terme « pays » a ici une résonance bien précise, puisqu’il désigne un territoire un peu supérieur au canton, en gros ce que peut parcourir un homme à pied en une journée. C’est d’ailleurs ce qui correspondait à la vie pratique des éleveurs, qui se rendaient pour deux ou trois jours à des comices, avec bétail et produits fermiers. Il n’était pas question, il y a cinquante ou cent ans, de bétaillères. L’on n’avait pas peur de marcher. Du reste, les déplacements étaient rares, et uniquement mus par des raisons majeures. Certains vieillards, encore, avouent ne s’être rendus à un village éloigné de dix kilomètres qu’une seule fois dans leur vie, et ignorer complètement les villes voisines. Pour une part, l’univers paysan est encore borné par l’horizon, bien que nombre d’éleveurs n’hésitent pas à se rendre au Salon de l’agriculture. Et même il leur arrive de prendre des vacances, et de se rendre à la mer.

    C’est un point sur lequel il faut donc appuyer : l’attachement, forcé ou libre, au terroir local, est encore une valeur vivace dans la France d’aujourd’hui, du moins pour peu qu’il y reste des habitants, car la société s’urbanise et les jeunes sont bien contraints d’aller chercher du travail ailleurs. Du reste, qui voudrait, même parmi les bobos écolos, ces rats des villes, passer l’année dans une campagne qui n’a pas toujours l’aspect souriant et ensoleillé de vacances estivales ? Il existe donc, même chez les « exilés » des villes, chez ceux qui sont contraints de partir, et qui reviennent régulièrement, une forte identité, qui leur donne un sentiment d’appartenance culturelle. On est breton, comme on est limousin. C’est pourquoi, dans un monde que l’on prétend « nomade », une grande partie de la population échappe au bougisme forcé, à l’anglais obligatoire, et aux délices du mélangisme. Ce qui, il faut bien le dire, aboutit parfois à une méfiance instinctive pour tout ce qui est étranger. Les « éducateurs », en ce domaine, ont parfois bien de la peine à faire entrer les préceptes de bien pensance dans le crâne de jeunes, qu’ils ne connaissent d’ailleurs souvent que de fort loin. Songeons que, contrairement à ce qui existait jadis, où les instituteurs et les professeurs de collège étaient bien des fois issus du cru, la plupart des enseignants résident à des dizaines de kilomètres de leur lieu de travail, dans la grande ville, et méprisent ces « ploucs » qu’ils ne sont pas éloignés de considérer comme des sauvages à évangéliser. On pourrait procéder aux mêmes remarques en ce qui concerne les valeurs sacrées de la bobotude triomphante, comme l’art contemporain ou l’homosexualité.

    Cette France des terroirs ne se conquiert pas. Elle s’apprivoise, ou plutôt, c’est elle qui vous domestique, au sens littéral, qui vous accepte, vous accueille comme dans un foyer, une maison. Et c’est à vous d’être assez humble et large d’esprit pour vous plier au genre de vie local, qui est pétri de petits gestes, d’une façon bien spéciale de parler, de saluer, de demander son pain. Ici, tout le monde se connaît. A tel point que le seul événement qui ait encore du succès est l’enterrement, qui draine, comme une occasion de ressouder chaleureusement la communauté, tous les proches et les moins proches du défunt. C’est un rituel, un cérémonial, un geste de respect et de fraternité qu’il est difficile de récuser. Le village est une famille.

    Les funérailles sont du reste là, pour beaucoup, la seule occasion de se rendre à l’église. Depuis une vingtaine d’années, les liens se sont relâchés entre la religion et les gens. Les anciens meurent, les jeunes ne se rendent plus à la messe. Phénomène commun partout, y compris dans les campagnes. Certes, les petits enfants sont sans doute plus nombreux qu’en ville à se rendre au catéchisme ou à faire leur communion, mais cela ne va pas plus loin, et ils se laissent happer, comme les adultes, par la nonchalance et l’irresponsabilité, l’indifférentisme et la paresse de cette vie moderne, qui ne rend un culte, finalement, qu’au travail productif.

    Les prêtres sont rares, souvent très vieux, et sont dépassés par un labeur surhumain. Par la force des choses, ils ne peuvent plus donner une entière attention aux personnes. Ils paraissent quelque peu comme des fonctionnaires de tâches religieuses.

    A y regarder de plus près, c’est peut-être là qu’est l’un des changements cruciaux des rapports humains, depuis quelques lustres. Lorsque je suis arrivé à Sainte Hermine des Sylves, j’avais l’impression d’une communauté, d’une complicité, même si les haines existaient, ou éclataient. Pour gagner son élection, le candidat à la magistrature communale tapait sur l’épaule en offrant l’apéro, avait toujours un mot gentil, et promettait une place pour le petit jeune. En général, il tenait parole. Il faut un chef, voilà la philosophie politique du lieu. Après l’élection, il peut faire ce qu’il veut, du moment qu’on reçoit l’essentiel, une certaine sécurité. Le lien possédait de la substance. Maintenant, tout semble plus ou moins froidement fonctionnel, le maire gère, la gendarmerie surveille, le maître d’école enseigne, le facteur distribue les lettres, mais dans l’air que l’on respire n’existe plus ce rayonnement chaud et pressant qui instituait l’impression forte de contribuer à une existence commune. Les trajectoires se sont individualisées, les comités des fêtes se sont évaporés, les grands projets fédérateurs ont disparu, et avec eux le plaisir des fêtes, des spectacles, des réjouissances, même si la nature de ces événements n’étaient pas d’un goût très sûr. Qu’importe ! on fabriquait des chars fleuris, on faisait venir des chanteurs populaires, on invitait des forains, on organisait des expositions de camions peints… C’étaient toujours des occasions de se revoir, et de rassembler les habitants du pays. On dirait que l’énergie et l’enthousiasme se sont dilués dans les plaisirs éparpillés, dans l’atomisation des volontés individuelles, en même temps que les jouissances se sont artificialisées, que les appareils modernes de transmission, internet, le portable, les jeux vidéo etc. ont vampirisé la libido et le temps. Il existe encore de grands banquets, à l’occasion de fêtes, de vide-greniers, de foires, mais le Mac do de la ville connaît un succès fou, on rêve d’Eurodisney, on joue frénétiquement au loto, et les jeunes, filles ou garçons, encore qu’ils savourent avec délectation la tradition culinaire locale, cochon, fromage, veau etc., ne savent plus très bien comment on fait cuire un œuf.

    On trouve encore cette contradiction, entre attachement fort et désintérêt, dans le rapport avec la nature. Une part significative des gamins participent aux chasses paternelles, ou s’adonnent volontiers à la pêche. C’est même un enchantement de les faire parler. Beaucoup sont intarissables quand il s’agit de conversations relatives à ces loisirs, mais aussi quand il est question d’élevage de bovins ou de chevaux, d’agriculture, plus généralement d’existence campagnarde. On découvre chez eux un vocabulaire riche et précis. Mais Hors de là, c’est presque le néant. Il ne serait pas tragique si les nécessités de l’économie contemporaine n’imposaient d’autres horizons. Et c’est une source de malentendus, voire de mépris chez les bobos qui ne voient de salut que dans la transhumance vers la ville et ses intoxications. Une partie des jeunes gens, ici, font du Rousseau sans le savoir. Ils contredisent les clichés qu’on veut bien véhiculer au sujet des générations montantes, supposées vibrer pour l’agitation du monde moderne. Instinctivement, ils verraient leur bonheur dans les travaux agricoles, la vie dans la ferme ou la petite vallée, et ne souhaitent pas partager les enchantements du prétendu bonheur urbain. Il ne faut pas, bien sûr, généraliser des cas qui sont néanmoins en nombre conséquent, mais cela explique, pour une part, le peu d’appétence pour les carrières « intellectuelles », les ambitions professionnelles, et, plus généralement, pour les questions culturelles.

    Cette contradiction se situe, du reste, à tous les niveaux, dans toutes les générations. Elle se traduit par un ancrage pragmatique dans la tradition qui persiste dans les modes de vie campagnards, la nourriture régionale perçue comme normale, les attitudes héritées des parents, et le conditionnement inévitable apporté par l’american way of life. Par exemple, on mangera jambon, pâté, saucisson en buvant du coca cola ; ou bien on se rassemblera près de la cheminée, on accueillera les amis, tout en omettant de fermer la télévision, qui fonctionne sans intermittence ; ou bien on organisera une grande fête, où sera invitée la grande fratrie des cousins, oncles, tantes, anciens etc., mais, au lieu de louer les services d’un groupe de musique traditionnelle, on paiera un pianoteur de synthétiseur ; ou bien on ne manquera aucun rassemblement champêtre, où se côtoient hommes et bêtes, mais on écoutera en battant la mesure cette soupe américaine qu’on a l’habitude de nous déverser maintenant dans les boutiques, les cafés, les rues et les espaces publics. La France profonde est pour ainsi dire schizophrénique, mais elle ne le sait pas ; du moins la contradiction qui met aux prises deux univers antithétiques n’est-elle pas perçue comme telle. Mais elle existe, contrairement à beaucoup de lieux urbains, où ne subsiste que la domination de la sous culture mondialisée.

    Cela n’empêche nullement cette dernière de faire des ravages, et de contribuer à déraciner toujours davantage les habitants des campagnes. Il y a un peu plus de vingt ans, on découvrait avec malaise l’emprise phénoménale qu’exerçait la musique dite « techno » sur les enfants, qui en connaissaient à ce sujet plus que les adultes. Leur capacité d’absorption de la bouillie médiatique n’est explicable que par le temps consacré à toutes les sources qui la diffusent, mais aussi, il faut l’avouer, par la séduction toute particulière qu’elle offre aux pulsions infrahumaines. Nous ne comprendrons jamais le succès mondial du libéralisme si nous ne nous demandons pas s’il ne touche pas des zones réceptives à des stimuli aptes à désinhiber l’individu, et donc à le mettre en porte à faux avec les impératifs sociétaux et éthiques, désormais traduits comme des contraintes insupportables. L‘éducation est, pour cette raison, aussi négligée que dans les villes. Et d’ailleurs les parents ressemblent, par leurs goûts et leur consommation « culturelle », à leur progéniture, et semblent aussi américanisée qu’elle.

    On remarque du reste que les dérèglements qui sapent la société se manifestent autant qu’ailleurs. L’une des causes du pourrissement des mentalités et des comportements a été, il y a quelque trente années, l’établissement d’une boîte de nuit, qui attira jusqu’aux gamins de quatorze ans, lesquels ne cessaient d’y faire allusion, bien plus souvent qu’à l’école. C’était là, somme toute, leur conception d’une certaine « éducation ». Non seulement on y apprenait à boire, mais on s’y initiait à toutes formes de drogues. Le trafic s’organisa, parfois avec des villes très éloignées, et de nombreux problèmes de santé, d’attitude, en résultèrent. Il était possible de croiser des jeunes gens dont l’accoutrement n’était guère différent que ceux qui font flores dans les banlieues. Au demeurant, pour peu que l’on converse avec des enfants, on est obligé de corriger invariablement un langage calqué sur les émissions de show business de la télévision. Ces gamins portent volontiers des T-shirts frappés du drapeau américain, anglais, du signe NY, ou de quelque inscription anglo-saxonne.

    Pour ne pas demeurer tout à fait sur un signe négatif, il serait erroné de penser que personne ne réagit. J’ai eu la chance de rencontrer de nombreux adultes, d’un certain âge, autour de la quarantaine ou de la cinquantaine, souffrant de cet état désastreux de fait. L’intelligence, la lucidité, la clarté d’expression, la finesse d’analyse de ces personnes étaient merveilleuses, et pour tout dire, surprenantes pour un pessimiste comme moi. Il était évident que l’abattement devant ce qui ressemble à un tsunami de vulgarité et de destruction prend sa source dans l’impression que les êtres de bonne volonté sont ultra-minoritaires. Or, il n’est pas rare d’en croiser. Le problème est bien sûr que la partie saine de la société est atomisée. Parfois, des projets collectifs donnent corps à un état d’esprit partagé. Tel village s’organise pour restaurer une croix de chemin, par exemple.

    J’ai discuté avec un acteur de cette restauration. Sa famille était établie dans le hameau depuis sept générations. Il m’a décrit par le menu les différentes étapes de transmission de son patrimoine, qui consistait une très belle ferme en grosses pierres, pourvue de plusieurs annexes. Sa fille et son gendre travaillaient à Lyon. Il ne pensait pas qu’ils allaient garder la propriété car son entretien s’avère très onéreux. Je sentais bien qu’il en était désespéré.

    Nous ne saisirons pas la nature de notre sombre époque si nous n’avons pas conscience qu’elle représente l’un des deux ou trois grands retournements qui ont eu lieu depuis deux mille ans. Le premier a été la conversion de l’empire romain au christianisme, en 312. Puis, le deuxième date de la Renaissance. Le troisième se déroule sous nos yeux, et c’est la disparition de la paysannerie et de la culture paysanne, désormais presque achevée. Ce double génocide s’est produit sans révolte parce que sa durée relative, durant un siècle, voire un peu plus, s’est étalée dans le temps, sur plusieurs générations, et que l’exode n’a pas été perçu comme un mal, puisque de nombreux campagnards recherchaient une amélioration de leur confort de vie. Néanmoins, c’est toute une civilisation qui a été engloutie. Civilisation qui subsistait plus ou moins enracinée il y a quelques dizaines d’années.

    En effet, il est courant, lorsqu’on écoute des gens de plus de cinquante ans, de percevoir dans leurs propos un accent de nostalgie. Les années cinquante ou soixante prennent les apparences d’un paradis. On travaillait encore beaucoup manuellement, mais il y avait plus de travailleurs, les moutons traversaient le village, d’innombrables boutiques, cafés et ateliers n’avaient pas été coulés par les supermarchés et les révolutions dans le mode de travail, peu de gens possédaient une voiture ou un téléphone, ce qui obligeait de se rendre service. Aller rendre visite, une ou deux semaines, durant l’été, aux grands parents résidant au fin fond de la campagne, était considéré comme le loisir suprême. Les jeunes flirtaient, dansaient, s’amusaient, mais tout cela avait un air bon enfant, nullement l’aspect crispé et mortifère des lieux de distraction actuels. Il existait des riches, des pauvres, des minables, des gens intéressants, brillants, mais on appartenait à la même famille, les bourgeois locaux, catholiques, « protégeaient » leur « clientèle », et surtout l’humour prenait souvent le dessus. On retire l’impression qu’avant on riait et on s’amusait beaucoup, malgré des conditions de vie assez dures, qui rendaient d’ailleurs tout bienfait inestimable, bien davantage que dans notre époque d’abondance, où l’on se lasse de tout.

    La vie n’est pas pour autant facile de nos jours. Des paysans se sont pendus, d’autres sont partis, des familles entières ont migré pour d’autres cieux, seuls les gros exploitants subsistent, les prés sont passés dans quelques mains, les « stabus » énormes ont proliféré, les jeunes paysans ont appris à standardiser leur production, à rendre plus efficace leur travail, au détriment d’un certain rapport avec la nature, la terre et les bêtes. La plupart des métiers anciens ont disparu. Ne subsistent que des emplois de service, d’aide à la personne, de domestiques, de « paysagistes » (jardiniers), de commerciaux… Phénomène social qui ne manque pas d’aligner les mentalités sur la norme. Les « assistés » se multiplient, les « cas sos », comme on dit. Les familles éclatent, se décomposent, se recomposent, se surcomposent (comme on parle de surendettement) autant que dans les villes, et parfois seulement après une ou deux années de cohabitation, souvent avec des enfants en bas âge. C’est une véritable épidémie, qui provoque des meurtres, des suicides, et des enfants « à problèmes », mais aussi, parfois, des situations burlesques.

    Il faut faire le deuil d’une France, et d’une Europe, disparues. Elles ne reviendront jamais comme elles étaient. Cependant, si l’on fait la part de l’aliénation provoquée par l’américanisation des esprits et des mœurs, il faut reconnaître qu’il existe dans le peuple d’en bas encore une partie, sinon intacte, du moins susceptible de réaction. La difficulté est de lui parler avec un langage qu’elle entende, et de lui donner l’envie et le courage de réagir, de combattre contre les forces destructrices.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 1er janvier 2012)

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