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Métapo infos - Page 1281

  • Valls à contretemps...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jacques Sapir cueilli sur son blog RussEurope et consacré à la nomination d'Emmanuel Valls au poste de Premier ministre...

     

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    Valls à contretemps

    Au lendemain de ce qu'il faut bien appeler l'une des pires défaites subies par la «gauche de gouvernement» dans des élections locales, une défaite qui vit des villes gouvernées par les socialistes pendant plus de 100 ans passer à droite (comme Limoges), le Président s'est décidé à remercier le Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault et à nommer à sa place Manuel Valls. Le discours dans lequel cette décision importante fut annoncée fut pénible à entendre et encore plus à regarder. Un homme fatigué, au visage inexpressif, récitait ces banalités que savent trouver les politiques en ces moments-là, tel un oncle de province venu à un enterrement d'un vague cousin et qui récite sans trop y croire des condoléances. On a eu droit à «gouvernement de combat», et «équipe resserrée», des mots qui n'ont strictement aucun sens et qui sont usés d'avoir trop servi. La voix était mal posée et le Président buta à deux reprises sur les mots, comme si la décision lui coûtait. Et il est vrai que pour un homme d'habitudes, dont il est dit qu'il n'aime pas trancher, c'était tailler dans le vif que d'annoncer une telle nomination. Pourtant, cette décision pourrait s'avérer une redoutable erreur, et l'obliger à faire sous peu des choix qui seront autrement plus dramatiques.

    Une erreur de casting

    C'est une erreur d'abord car Manuel Valls ne répond pas à l'attente des Français, que ce soit sur le chômage ou le pouvoir d'achat. Non que l'homme soit sans qualités. Simplement, ces dernières ne sont pas la réponse à la question posée par le corps électoral, qu'il se soit manifesté ou qu'il se soit maintenu. Il n'est tout simplement pas en adéquation avec la situation du pays. Même dans la demande de «sécurité», qui est réelle, on mélange la sécurité des biens et des personnes, la sécurité sociale et surtout la sécurité de l'emploi. Or, Manuel Valls n'a pas de réponses aux questions posées. Et ce n'est pas la feuille de route laborieusement balbutiée par le Président qui peut lui en fournir. Il n'est pas possible de conserver le cap défini depuis maintenant plusieurs mois et de lutter contre le chômage. Les chiffres de ces 22 derniers mois le montrent de manière incontestable. Or, aujourd'hui, le chômage est bien la première des préoccupations des Français. La Président n'a pas évoqué sa malencontreuse promesse d'inversion de la courbe, et pour cause. Cette dernière ne cesse de monter. Mais, en plus, cette politique ne réussit même pas à réduire les déficits. Les chiffres publiés par l'INSEE en font foi. En dépit des hausses d'impôts, le déficit pour 2013 atteint 4,3%. Car, à chaque nouvelle ponction fiscale le PIB se réduit, ce qui réduit à son tour et mécaniquement les recettes fiscales. Notons que sans ce déficit, pourtant important, l'économie française serait plongée dans une profonde récession. Mais, c'est bien cher payer la résilience de la croissance, qui aura été de 0,3% en 2013. Si la France avait effectivement réduit son déficit à 3,7%, comme annoncé à Bruxelles en début d'année 2013, il y a gros à parier que nous serions en dessous de 0%. Le pacte de solidarité qui a été annoncé comme un «équivalent» au pacte de responsabilité mal ficelé, bricolé et rejeté par les partenaires sociaux, risque fort de donner lieu à son tour à un nouveau bricolage.

    Une erreur de politique

    Mais il y a erreur derrière l'erreur. En fait, François Hollande cherche à jeter du lest (un peu…) mais il reste persuadé que sa politique est la bonne. Ce en quoi il se trompe lourdement. La France souffre d'une problème de compétitivité, non seulement à l'export, mais aussi sur son marché intérieur. Le «pacte de responsabilité» ne va jouer qu'à la marge. Non seulement l'écart de compétitivité accumulé depuis 2000 du fait de la différence d'inflation structurelle avec l'Allemagne est trop grand, mais la hausse constante de l'Euro (justement dénoncée par Arnault Montebourg) creuse cet écart dans notre commerce avec les pays «hors-zone Euro».

    Les experts du Ministère des finances ont calculé qu'une dépréciation de 10% par rapport au Dollar aurait un effet sur la croissance globale de 1,5%. Si l'on extrapole avec une dépréciation tant avec les pays «hors-zone» qu'avec les pays de la zone Euro, on aboutit à un potentiel de 5% de croissance avec une dépréciation de -20%. Mais, pour cela il faudrait quitter le zone Euro. Cela, notre Président s'y refuse, tout en sachant pertinemment que c'est la solution à la fois la plus simple et la plus efficace pour que l'industrie française retrouve sa compétitivité. Il ne peut concevoir que la monnaie unique soit un échec quand tout son intellect ne cesse de le répéter. Il y a quelque chose de tragique dans l'obstination d'une volonté contre l'intelligence. Et cette tension aussi était perceptible dans la courte allocution télévisée du Président. Il a même évoqué la possibilité d'une «renégociation» avec l'Europe des conditions économiques faites à la France. Mais ici, on n'est plus dans le domaine de l'erreur mais dans celui du mensonge. Car, ces conditions que François Hollande prétend «renégocier», il les a fait voter par le Parlement. On ne voit pas, dans ces conditions, ce que nos partenaires pourraient bien accepter de «renégocier». La vérité, et l'on peut penser que François Hollande en est désormais conscient, c'est que l'Euro est un piège qui condamne la croissance et nous contraint à une austérité suicidaire. Mais, cette conscience est étouffée immédiatement par l'illusion que l'Euro est politiquement indispensable à l'Union européenne, alors même qu'il la détruit de manière implacable.

    Dès lors, se refusant à prendre le choix logique d'une sortie de l'Euro, il ne reste plus à François Hollande qu'une politique faite d'expédients. Le dernier est la nomination de Manuel Valls à Matignon. Les effets positifs ne se feront sentir que quelques semaines, et le Président se retrouvera, après les élections européennes, dans une situation encore pire que celle qu'il affronte maintenant. Peut-être est-il dans son caractère de ne pouvoir se décider à prendre la mesure qui s'impose. Mais alors, il ne fallait pas briguer la fonction qu'il occupe. Présider, sous la Vème République, c'est gouverner. Et gouverner, c'est choisir.

    Jacques Sapir (RussEurope, 31 mars 2014)

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  • Ces guerres qui ne devaient pas éclater...

    Les éditions Michel de Maule viennent de publier un essai de Nicolas Saudray intitulé 1870 - 1914 - 1939 : Ces guerres qui ne devaient pas éclater. Haut-fonctionnaire et romancier, Nicolas Saudray est notamment l'auteur d'un roman d'anticipation grinçant, Voyage au pays des frogs (Balland, 1991), et d'une excellente uchronie, Les oranges de Yalta (Balland, 1992).

     

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    " 1870, 1914, 1939. Trois guerres nées de l’égoïsme, du chauvinisme et de la lâcheté, trois guerres qui n’auraient pas dû éclater.
    Napoléon III et ses conseillers ont déclaré la première alors qu’ils avaient toutes raisons de ne pas le faire. Si l’on efface leur erreur, l’histoire du XXe siècle aurait été différente.
    Malgré cette faute majeure, la probabilité des deux guerres mondiales qui ont suivi restait faible. Un rideau de troupes, à Sarajevo, suffisait à empêcher l’attentat contre l’Archiduc François-Ferdinand à l’origine de la guerre de 1914. Guillaume II aurait sauvé la paix s’il était rentré de manœuvres navales un jour plus tôt… En 1933, les nazis, minoritaires, ne pouvaient accéder au pouvoir ; on le leur a offert. Et leur régime se serait sans doute effondré si l’armée française, en 1936, était entrée dans la zone rhénane pour en préserver la neutralité.
    L’issue des conflits était tout aussi incertaine. De 1914 à 1918, le front occidental a manqué d’être rompu quatre fois par les Allemands. En 1941, ceux-ci ont été à deux doigts de prendre Moscou. Ils auraient été les premiers à disposer de la bombe atomique si Hitler s’y était intéressé. Le Japon pouvait inverser le sens de l’histoire en attaquant l’Union soviétique de concert avec le Reich, au lieu de s’en prendre aux Américains, adversaires bien trop puissants.
    Cet ouvrage est le livre des occasions perdues, des tournants manqués et des décisions absurdes. 1870, 1914, 1939 : une poignée d’hommes seulement a écrit cette suite de mélodies pour un carnage.

    Chef d’entreprise puis magistrat, Nicolas Saudray a présidé, parallèlement, le conseil d’administration de la Bibliothèque nationale. Il a publié dix romans, dont La Maison des prophètes (Balland, 1992, prix Méditerranée), et Les Oranges de Yalta (Seuil, 1984). "
     

     

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  • La France est-elle une Couveuse à Barbares ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christian Vanneste, cueilli sur le site des Observateurs et consacré à la question des volontaires djihadistes de nationalité française qui œuvrent en Syrie dans les rangs des rebelles islamistes...

     

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    La France est-elle une Couveuse à Barbares ?

    Sept cents « Français » ou résidents dans notre pays participeraient à la guerre contre le gouvernement syrien. Ils seraient avec près de 2000 Européens enrôlés dans les groupes islamistes plus ou moins liés à Al Qaïda. Près de la frontière turque, une de ces bandes composée de Français et de Belges francophones, et désignée par les habitants terrorisés comme  » la brigade française » aurait mené une répression barbare contre les opposants, y compris les rebelles de l’Armée Syrienne Libre : exécutions publiques, tortures, profanation des cadavres. L’association du nom de notre pays à ces actes éveille d’abord la honte, mais doit surtout susciter la réflexion dans deux directions.

    La première est celle des causes. Comment des jeunes ayant vécu dans notre pays, éduqués au sein de son système scolaire, peuvent-ils se comporter de la sorte  ? L’irresponsabilité criminelle de nos gouvernements y a une lourde part. La plus immédiate réside dans l’aventurisme qui a fait participer notre pays à la déstabilisation et à la diabolisation du régime baasiste syrien : un sésame pour les « djihadistes » en herbe. L’enthousiasme pour le prétendu Printemps Arabe s’est éteint avec l’anarchie libyenne et le coup d’Etat égyptien. On peut s’étonner de la légèreté des gouvernants et de la faiblesse des informations données par les services de renseignement et l’une des diplomaties les plus nombreuses au monde. Ils n’ont pas prévu les « printemps ». On se souvient des vacances tunisiennes de MAM et du séjour égyptien de Fillon. Ils ont encore moins prévu les conséquences : la violente explosion tribale en Libye qui a retenti sur l’ensemble du Sahel et le bras de fer entre l’Armée et les Frères Musulmans en Egypte. La capacité de résistance et le poids des alliés de Assad n’ont pas non plus été anticipés. Alors pourquoi ? Pour servir nos intérêts auprès des pays arabes riches ? Les retombées de notre soutien décisif à la « révolution libyenne » seraient nulles. Notre convergence avec le Qatar, de plus en plus présent en France, et l’Arabie Saoudite sur le dossier syrien devient chaque jour moins honorable. Comment peut-on sans cesse s’ériger en pays des Droits de l’Homme, les évoquer, bien modestement, d’ailleurs devant les Chinois dont la puissance mérite toutes les courbettes, et soutenir l’action offensive de pays qui ne les respectent nullement et financent l’islamisme dans le monde. Ces deux pays ont d’ailleurs les moyens d’être rivaux. L’Arabie Saoudite est le banquier bienveillant de la dictature militaire égyptienne tandis que le Qatar est la base de repli des Frères Musulmans. Que va-t-on faire dans cette galère ? Molière a une fois de plus le mot juste ! S’agit-il de protéger Israël en affaiblissant tous ses voisins arabes par la guerre civile ? Les malheurs de ces derniers sont sans proportion avec un résultat qui peut être obtenu autrement . La réussite d’Israël sur le plan économique, sa puissance militaire, et le soutien indéfectible de ses alliés permettent d’envisager plus facilement une paix définitive avec des régimes nationalistes qu’avec des Etats islamistes. Sadate en avait donné l’exemple. Participe-t-on, comme l’une des pièces, le fou sans doute, au grand jeu d’échecs planétaire auquel se livrent les Etats-Unis ? En Syrie comme en Ukraine, la cible est la Russie. En quoi est-elle l’adversaire de la France ? Qui peut croire sérieusement que Poutine songe à envahir la Pologne ou les Etats Baltes ? Il a réussi son coup en Crimée et il s’y arrêtera. Il n’y a aucune raison particulière de stigmatiser plus Moscou que Ryad ou Pékin.

    Mais l’engagement de « Français » dans ce triste combat vient aussi de l’abandon de notre politique d’assimilation des immigrés. Parce que notre démographie et notre économie réclamaient de l’immigration selon les penseurs de salon qui inspirent nos dirigeants, on a ouvert les portes et, avec elles, la boîte de Pandore. Regroupement familial, distribution gratuite et indolore de la nationalité, constitution de « banlieues » majoritairement peuplées d’immigrés non-européens, discrimination positive, accommodements raisonnables, soutien à la multiplication des lieux de culte financés par l’étranger et incontrôlables, discours de repentance, et censure du patriotisme : la liste est longue des erreurs dénoncées par la courageuse Malika Sorel. Ajoutez-y les paraboles, la facilité des voyages, les multi-nationalités, le laxisme judiciaire notamment à l’égard des mineurs,  l’absence de service militaire et vous avez des barbares de l’intérieur à qui on a appris à détester notre pays et sa culture et qui trouvent plus de plaisir à fantasmer leur prétendue appartenance religieuse qu’à exercer un rôle social positif mais modeste. Certes le chômage n’arrange rien, mais ce n’est pas un contrat d’avenir qui pourra rivaliser chez un jeune  vidé de tout élan par une éducation insipide avec la fièvre que fait naître un prêche enflammé ou les images venues d’ailleurs, comme un film ou un jeu video dans lesquels il peut, là, s’insérer. C’est aussi vrai pour l’immigré que pour le converti. Ce phénomène est le symptôme d’un pays qui ne parvient plus à transmettre des valeurs si tant est qu’il en ait encore. Le malade belge, ce « paradis » du progrès sociétal, est encore plus touché que nous. Lorsqu’on fait le vide moral, il ne faut pas s’étonner que n’importe quoi vienne le remplir.

    Cette « politique » tellement absurde qu’elle n’en mérite pas le nom privilégie des intérêts économiques pour les uns, électoraux pour les autres, à court terme. Les seconds sont déjà déçus. Les autres le seront aussi lorsque la destruction du tissu social coûtera plus cher que l’illusoire bonus démographique. Dans l’immédiat, vont revenir en France des fanatiques qui voudront faire payer à notre pays la défaite de leur prétendue guerre sainte en Syrie. Ils auront appris à utiliser les armes et en rapporteront peut-être. Notre réflexion doit donc aussi porter sur l’avenir plein de risques que les dirigeants irresponsables qui sont à la tête de notre pays depuis si longtemps  ont construit pour ses habitants. Le regroupement familial date de 1976 sous la présidence de Giscard d’Estaing, Chirac étant Premier Ministre. Il est imposé par Bruxelles depuis 2003. La gauche au pouvoir facilite de toutes les manières l’immigration.  Le suicide culturel n’est pourtant pas la meilleure réponse à la stagnation démographique et économique, mais c’est celle des technocrates et des politiciens dont il est vital de se débarrasser !

    Christian Vanneste (Les observateurs, 28 mars 2014)

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  • Le gouvernement du ciel...

    Les éditions Les prairies ordinaires viennent de publier un essai de Thomas Hippler intitulé Le gouvernement du ciel - Histoire globale des bombardements aériens. Philosophe et historien, maître de conférences à Sciences-Po Lyon, Thomas Hippler est notamment l’auteur de Soldats et citoyens. Naissance du service militaire en France et en Prusse (PUF, 2006) et de Bombing the People: Giulio Douhet and the Foundations of Air-Power Strategy, 1884-1939 (Cambridge University Press, 2013).

     

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    " L’aviation incarne, dès son invention, le rêve cosmopolitique d’une paix perpétuelle entre les nations de la terre, dont le revers n’est autre que le cauchemar d’une puissance meurtrière sans précédent. Puissance qui s’exerce d’abord à l’encontre de populations jugées un peu trop remuantes par les colonisateurs, dans le cadre d’opération de maintien de l’ordre, avant de s’abattre sur les villes européennes et japonaises, durant le second conflit mondial.
    Mais surtout, la guerre aérienne brouille définitivement les frontières entre guerre et paix. Ce brouillage constitue un symptôme de la « démocratisation » de la guerre. Car c’est désormais le peuple que l’on prend directement pour cible, le peuple soutien de l’effort de guerre, et le peuple souverain, identifié à l’État. Ainsi s’enclenche un mouvement politique qui nous conduit aujourd’hui à une gouvernance mondiale sous hégémonie états-unienne, définie par une « guerre perpétuelle de basse intensité », qui frappe pour l’instant des régions comme le Yémen ou le Pakistan mais pourrait s’étendre demain à l’ensemble de la population mondiale.
    La guerre aérienne croise ainsi les grands thèmes du siècle passé : la nationalisation des sociétés et de la guerre, la démocratie et les totalitarismes, le colonialisme et la décolonisation, le tiers-mondisme et la globalisation, l’État social et son déclin face au néolibéralisme. L’histoire des bombardements aériens constitue un point de vue privilégié pour écrire une histoire globale du XXe siècle. "

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  • Le Front national : un parti gaulliste ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et dans lequel il souligne la transformation en profondeur des notions traditionnelles de droite et de gauche... 

     

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    Au-delà de la droite et de la gauche : le FN, dernier parti gaulliste ?

    Ces temps derniers, les médias évoquent souvent la « droitisation » de la vie politique française. Diagnostic pertinent ?

    Tout dépend de quoi l’on parle. La « droitisation » n’a absolument pas le même sens selon que l’on entend par là une radicalisation politique de la droite classique, un supposé glissement de la majorité des opinions vers la droite (ce qui impliquerait un déplacement de l’axe médian du débat politique) ou une évolution générale de la société – PS compris – vers une sorte de consensus libéral regardé naguère comme droitier (auquel cas, c’est l’offre politique de la gauche qui se serait elle-même déplacée, cette gauche devenue sociale-libérale s’étant ralliée au système du marché et au consumérisme bobo). Parle-t-on d’une « droitisation » résultant de l’offre politique ou d’une demande de l’électorat ? Tant que l’on n’a pas répondu à ces questions, parler de « droitisation » n’est que du bavardage.

    La question posée implique par ailleurs qu’il y ait une droite et une gauche dont la définition puisse faire l’objet d’un consensus. Or, ce n’est plus le cas aujourd’hui, non seulement parce qu’il y a toujours des droites très différentes (libérale, conservatrice, républicaine, contre-révolutionnaire, etc.) et des gauches très différentes, mais aussi parce qu’on assiste depuis trente ans à une instabilité grandissante des critères déterminants du clivage droite-gauche. Dès lors que l’on assiste à une redéfinition ou à une transformation en profondeur des notions traditionnelles de droite et de gauche, il est difficile d’affirmer que l’une de ces catégories l’emporte sur l’autre.

    Ce que les sondages traduisent en fait le plus, c’est que la plupart des gens pensent que les notions de « droite » et de « gauche » ne veulent plus rien dire…

    Il y a des raisons à cela. À date récente, on a vu se diffuser « à droite » des thèmes comme la critique de l’individualisme, l’appel aux garde-fous sociaux, voire le souci d’une véritable « écologie humaine », qui se situaient autrefois plutôt « à gauche ». S’y ajoutent un certain refus du laisser-faire en matière économique et un soutien plus prononcé à des interventions de l’État permettant d’encadrer le marché. La critique de la PMA et de la GPA, par exemple, traduit une inquiétude face à l’envahissement de la logique ultra-libérale qui tend à transformer le vivant lui-même en marchandise. Cet appel à une maîtrise politique de l’économie est « à droite » un fait nouveau. Les sondages montrent qu’aujourd’hui, les électeurs de droite sont plus favorables à l’intervention de l’État dans l’économie que ne l’était l’électorat de gauche en 1988 ! Surtout en période de crise, la demande d’autorité d’un État fort et protecteur traverse les clivages partisans.

    Les sondages révèlent aussi une forte réévaluation positive des valeurs d’ordre, de tradition et d’autorité, ainsi qu’une montée des opinions critiques en matière d’immigration et de sécurité. Mais s’agit-il là vraiment de valeurs « de droite » ? Culturellement, les classes populaires ont toujours été conservatrices, même quand elles votaient à gauche (dans les années 1950, c’est le Parti communiste qui stigmatisait la contraception comme un « vice bourgeois » !). Ce qui est exact, en revanche, c’est qu’on constate aujourd’hui « à droite » une prise de conscience des enjeux culturels qui était naguère inexistante. Il n’y a jamais eu autant de différences sur les questions culturelles entre la « droite » et la « gauche » que depuis la fin des années 1990.

    Dans le même temps, d’autres autorités morales évoquent la « lepénisation des esprits ». Langue de bois ou langue de pute ?

    La poussée du FN, tant dans les sondages qu’aux élections, est interprétée par la doxa dominante comme une preuve de « droitisation ». Comme on constate parallèlement une porosité grandissante de la frontière séparant jusqu’ici le FN et l’UMP, on accuse cette dernière de se « droitiser » pour se calquer sur l’évolution de l’électorat. Or, le FN refuse de se situer par rapport au clivage droite-gauche et il ne fait pas de doute que c’est son programme économique et social « de gauche » qui rallie vers lui nombre d’anciens électeurs du PS et du PC. Le succès du FN pourrait même être interprété comme la preuve d’une « gauchisation » de l’opinion face aux problèmes économiques et sociaux : refus du creusement des inégalités, rejet des dégâts sociaux de la logique libérale et de la dogmatique du libre-échange qui a abouti à la mondialisation. La force de Marine Le Pen est de surfer à la fois sur la « droitisation » et sur cette « gauchisation », à la façon dont le gaullisme, en son temps, s’était employé à concilier aspiration nationale et aspiration sociale. C’est ce qui en fait le parti du moment.

    Mais ici, c’est moins sur la « droitisation » qu’il faudrait insister que sur le divorce entre la gauche et les classes populaires. Il y a trente ans, les cadres votaient surtout à droite et les ouvriers surtout à gauche. Depuis 2007, c’est l’inverse. Les ouvriers restent aujourd’hui conservateurs en matière culturelle et antilibéraux en matière économique, tandis que les cadres sont devenus à la fois partisans du libéralisme économique et du libéralisme « sociétal ».

    Si Jean-François Copé et ses pains au chocolat incarnent la « droitisation », et si François Hollande et sa détestation des « riches » sont la gauche, que reste-t-il à l’homme de bon sens ?

    Il lui reste d’abord à comprendre qu’il n’y a pas que les « Français de souche » pour aimer le pain au chocolat, ensuite que François Hollande, depuis son arrivée au pouvoir, n’a pas cessé de servir la soupe à ces « riches » qu’il disait détester. L’essentiel est que la « droite » a pris le dessus en matière d’imaginaire collectif parce que la gauche au pouvoir a renoncé à son programme social et qu’elle se retrouve aujourd’hui complètement désarmée face aux exigences populaires. N’ayant plus rien à proposer, ayant perdu toute consistance idéologique, elle devient inaudible. D’autant que le rêve européen, que Mitterrand avait vendu au PS comme substitut à la construction du socialisme, a maintenant viré au cauchemar. Jean-François Kahn remarquait récemment que « la sociale-démocratie a contribué à inculquer le sentiment que rien n’est plus possible […] au moment même où les gens aspirent à un changement profond du modèle de société ». Autrement dit, l’espoir a changé de camp.

    Alain de Benoist, recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 27 mars 2013)

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  • Les snipers de la semaine... (81)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Causeur, Olivier Berruyer rafale les médias qui diffusent des clichés anti-russes...

    Poutine me fait peur...

     

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    - sur RTL, Eric Zemmour flingue Manuel Valls, l'homme qui n'est jamais au courant de rien...

    Valls, de monsieur-je-me-mêle-de-tout à monsieur-je-ne-sers-à-rien

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