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Métapo infos - Page 1177

  • Populisme : les demeurés de l'Histoire ?...

    Les éditions du Rocher publient cette semaine un essai de Chantal Delsol intitulé Populisme - Les demeurés de l'Histoire. Philosophe et historienne des idées politiques, Chantal Delsol a notamment publié Le souci contemporain (Complexe, 1996) et La grande méprise, Justice internationale, gouvernement mondial, guerre juste… (La Table ronde, 2004).

     

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    " Le vocable "populisme" est d'abord une injure : il caractérise aujourd'hui les partis ou mouvements politiques dont on juge qu'ils sont composés par des idiots, des imbéciles et même des tarés. Si tant est qu'il y ait derrière eux une pensée ou un programme - ce dont nous allons parler ici - alors ce serait une pensée idiote ou un programme idiot. L'idiot est pris ici sous sa double acception, moderne (un esprit stupide) et ancienne (un esprit imbu de sa particularité).
    Dans la compréhension du phénomène populiste, l'une et l'autre acception se répondent et se superposent de façon caractéristique. Il y a une certaine étrangeté à définir un courant politique par son imbécillité, et surtout en démocratie, où en principe règnent le pluralisme et la tolérance entre les opinions diverses. Il y a dans la désignation de "populisme" un refus de la démocratie. C'est le sujet de ce livre : pour quelles raisons nos démocraties en viennent-elles à se récuser en cette occasion ? Qu'y a-t-il de si grave chez les mouvements accusés de populisme, qu'on doive les exclure de la tolérance commune, si chère à la démocratie ? "

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  • Vente d'Alsthom : le dessous des cartes...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Michel Quatrepoint au Figaro Vox à propos des suites de la vente d'une partie de l'entreprise Alstom au groupe américain General Electric...

    Journaliste économique, Jean-Michel Quatrepoint a récemment publié Le choc des empires: États-Unis, Chine, Allemagne : qui dominera l'économie-monde ? (Gallimard, 2014).

     

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    Vente d'Alsthom : le dessous des cartes

    Vendredi 19 décembre, dans un complet silence médiatique, les actionnaires d'Alstom ont approuvé à la quasi-unanimité le passage sous pavillon américain du pôle énergie du fleuron industriel. 70% des activités d'Alstom sont donc vendues au conglomérat General Electric (GE). Que cela signifie-t-il concrètement?

    Le protocole d'accord approuvé par Emmanuel Macron en novembre et voté par l'assemblée générale d'Alstom, le 19 décembre, est proprement hallucinant! tant il fait la part belle à Général Electric et ne correspond pas à ce qui avait été négocié et présenté au printemps dernier.

    Au-delà des éléments de langage des communicants et de la défense de Patrick Kron, il s'agit, bel et bien de la vente - oserais-je dire, pour un plat de lentilles - d'un des derniers et des plus beaux fleurons de l'industrie française à General Electric.

    Pour comprendre les enjeux, il faut rappeler quelques faits. Le marché mondial de la production d'électricité, des turbines, est dominé par quatre entreprises: Siemens, Mitsubishi, General Electric et Alstom. Le groupe français détient 20 % du parc mondial des turbines à vapeur. Il est numéro un pour les centrales à charbon et hydrauliques. Alstom Grid, spécialisé dans le transport de l'électricité, est également un des leaders mondiaux. Mais c'est dans le nucléaire qu'Alstom était devenu un acteur incontournable. Avec 178 turbines installées, il couvre 30 % du parc nucléaire mondial. Ses nouvelles turbines, Arabelle sont considérées comme les plus fiables du monde et assurent 60 ans de cycle de vie aux centrales nucléaires. Arabelle équipe les futurs EPR. Mais Alstom a également des contrats avec Rosatom en Russie et avec la Chine pour la livraison de quatre turbines de 1000 MW. Alstom, faut-il le rappeler, assure la maintenance de l'îlot nucléaire des 58 centrales françaises.

    Les activités nucléaires d'Alstom n'étaient-elle pas censées être sanctuarisées?

    Au début des négociations avec GE, celui-ci n'était intéressé que par les turbines à vapeur et notamment à gaz. Dans l'accord du mois d'avril dernier, cette activité était vendue à 100 %, mais trois filiales 50-50 étaient créées. L'une pour les énergies renouvelables, dont l'hydraulique et l'éolien en mer. La deuxième pour les réseaux, Alstom Grid, et la troisième, pour les activités nucléaires. À l'époque, les autorités françaises, par la voix d'Arnaud Montebourg, avaient garanti que ce secteur nucléaire resterait sous contrôle français. Le vibrionnant ministre français est parti et les promesses, c'est bien connu, n'engagent que ceux qui veulent les croire.

    Non seulement le 50-50 est devenu 50 plus une voix pour General Electric, mais le groupe américain détiendra 80 % pour la partie nucléaire. C'est dire que la production et la maintenance des turbines Arabelle pour les centrales nucléaires sera contrôlée par GE.

    Quelles sont les conséquences sur l'industrie française, notamment sur la filière nucléaire?

    On peut dire ce que l'on veut, mais c'est désormais le groupe américain qui décidera à qui et comment vendre ces turbines. C'est lui aussi qui aura le dernier mot sur la maintenance de nos centrales sur le sol français. La golden share que le gouvernement français aurait en matière de sécurité nucléaire n'est qu'un leurre. Nous avons donc délibérément confié à un groupe américain l'avenir de l'ensemble de notre filière nucléaire…

    Pourquoi General Electric qui, il y a un an, n'était intéressé que par les turbines à vapeur a-t-il mis la main sur ce secteur nucléaire?

    Tout simplement, parce que l'énergie est au centre du projet stratégique américain. Et que le nucléaire est une des composantes de l'énergie. Le marché redémarre. Dans les pays émergents, mais aussi en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. General Electric en était absent. Là, il revient en force et acquiert, pour quelque milliards de dollars avec Arabelle, le fleuron des turbines nucléaires.

    Sur le marché chinois, l'un des plus prometteurs, Westinghouse associé à Hitachi, est en compétition face à EDF, Areva et Alstom. Arabelle était un atout pour la filière française. Que se passera-t-il demain si GE négocie un accord avec Westinghouse pour lui fournir Arabelle? C'est donc à terme toute la filière nucléaire française qui risque d'être déstabilisée à l'exportation.

    Cela peut-il également avoir des conséquences diplomatiques et géopolitiques? Lesquelles?

    Oui, et c'est peut-être le plus grave. Les Etats-Unis sont nos alliés, mais il peut arriver dans l'histoire que des alliés soient en désaccord ou n'aient pas la même approche des problèmes, notamment dans la diplomatie et les relations entre États. Est-on sûrs qu'en cas de fortes tensions entre nos deux pays, comme ce fut le cas sous le Général de Gaulle, la maintenance de nos centrales nucléaires, la fourniture des pièces détachées seront assurées avec célérité par la filiale de GE?

    En outre, on a également oublié de dire qu'il donne à GE le monopole de la fourniture de turbines de l'ensemble de notre flotte de guerre. D'ores et déjà, le groupe américain fournit près de la moitié des turbines à vapeur de notre marine, à travers sa filiale Thermodyn du Creusot. Alstom produit le reste, notamment les turbines du Charles de Gaulle et de nos quatre sous-marins lanceurs d'engins. Demain, GE va donc avoir le monopole des livraisons pour la marine française. Que va dire la Commission de la concurrence? Monsieur Macron a-t-il étudié cet aspect du dossier?

    Enfin, il est un autre secteur qu'apparemment on a oublié. Il s'agit d'une petite filiale d'Alstom, Alstom Satellite Tracking Systems, spécialisée dans les systèmes de repérage par satellite. Ces systèmes, installés dans plus de 70 pays, équipent, bien évidemment, nos armées, et des entreprises du secteur de la défense et de l'espace. C'est un domaine éminemment stratégique, car il concerne tous les échanges de données par satellite. General Electric récupère cette pépite. Quand on sait les liens qui existent entre la NSA, les grands groupes américains pour écouter, lire, accéder aux données des ennemis, mais aussi des concurrents, fussent-ils alliés, on voit l'erreur stratégique à long terme que le gouvernement vient de commettre. Le ministère de la Défense a t il donné son avis?

    Peut-on aller jusqu'à parler de dépeçage?

    Oui car, ne nous y trompons pas, l'histoire est écrite. Patrick Kron, actuel PDG, s'est félicité que les accords avec les Américains permettront à Alstom de vendre, d'ici à trois ou quatre ans, ses participations dans les trois sociétés communes, dans de bonnes conditions… pour les actionnaires. Ce qui restera d'Alstom, la partie ferroviaire qui aura bien du mal à survivre, reversera de 3 à 4 milliards d'euros aux actionnaires dont Bouygues qui détient 29% et qui souhaitait sortir. En fait on fait porter à Bouygues un chapeau trop grand pour lui. Ce n'est pas la raison principale de cette cession. Ni le fait que la branche énergie d'Alstom ne soit pas rentable ( seules les turbines à gaz depuis le rachat catastrophique de l'activité de ABB en 2000 posent problème ).

    Quelle est alors, selon vous, la véritable raison de cette vente?

    La véritable raison, quoiqu'en disent les dirigeants d'Alstom, c'est la pression judiciaire exercée par la justice américaine qui s'est saisie en juillet 2013 , d'une affaire de corruption, non jugée, en Indonésie pour un tout petit contrat ( 110 milions de dollars ). Tout se passe comme si cette pression psychique, voire physique, sur les dirigeants, la crainte d'être poursuivi, voire emprisonné ( comme ce fut le cas pour un des responsable d'une filiale du groupe aux Etats Unis ) la menace d'amendes astronomiques avaient poussé ces dirigeants a larguer l'activité énergie. Comme par hasard il y avait un acheteur tout trouvé: Général Electric. Ce ne sera jamais que la cinquième entreprise soumise à la vindicte de la justice américaine que ce groupe rachète. Au passage je rappelle que Jeffrey Immelt son PDG est le président du conseil pour l'emploi et la compétitivité mis en place à la Maison Blanche par Obama. Ce qui n'empêche pas GE d'être le champion de l'optimisation fiscale ( Corporate Tax Avoiders ) avec une vingtaine de filiales dans les paradis fiscaux. Sur 5 ans le groupe a déclaré 33,9 milliards de dollars de profits et n'a pas payé un cent d'impôts aux Etats Unis. Outre Atlantique ont dit désormais ce qui est «bon pour GE est bon pour l'Amérique «. Mais ce qui est bon pour GE ne l'est pas forcément pour la France ou l'Europe. A moins de considérer que notre avenir est de devenir une filiale de GE…

    Si on peut comprendre que les actionnaires trouvent leur compte dans cette vente, comment expliquer la passivité des acteurs de la filière nucléaire et surtout de l'Etat?

    On ne peut que s'étonner du peu de réactions des acteurs de la filière nucléaire. Il est vrai que Bercy et l'Élysée ont donné leur feu vert à cette nouvelle version des accords au moment même où EDF et Areva connaissaient une vacance du pouvoir. Chez Areva, Luc Oursel, aujourd'hui décédé, avait quitté de fait les rênes à la fin de l'été. Chez EDF, François Hollande et Emmanuel Macron ont décidé seuls, contre l'avis de Manuel Valls et de Ségolène Royal, de ne pas renouveler Henri Proglio et de le remplacer par Jean-Bernard Lévy. Un patron de qualité, unanimement apprécié… chez Thalès. Cette vacance du pouvoir, à un moment crucial, a incontestablement favorisé l'évolution des accords au profit de GE. Une politique de gribouille, puisque Henri Proglio va se retrouver président du Conseil de surveillance… de Thalès. Du grand n'importe quoi. Le moins qu'on puisse dire c'est que l'Élysée et Bercy n'ont pas fait un cadeau de Noël aux nouveaux présidents d'EDF et d'Areva. Le drame de l'appareil d'Etat c'est qu'il est dirigé par Bercy où la fibre industrielle a pratiquement disparu. Soit nous avons des politiques qui ne connaissent l'activité économique qu'à travers le prisme des collectivités locales soit nous avons de jeunes technocrates formés, imprégnés par la mentalité de banquier d'affaires . Un bref passage par Rothshild ou Lazard n'est pas forcément un gage de compétences en industrie…

    L'Europe a-t-elle joué un rôle dans cette affaire?

    Indirectement oui, lorsque Pierre Bilger, en 1999, a racheté une partie des activités de turbines de ABB - un rachat funeste, le groupe français ayant payé fort cher des turbines qui vont se révéler défectueuses - la Commission européenne a exigé qu'Alstom cède une partie de ses actifs dans ce secteur. Et ce, pour éviter une position dominante sur le marché européen. C'est ainsi que General Electric a racheté l'usine de Belfort d'Alstom.

    Que dit le cas Alstom de la désindustrialisation de la France?

    Qu'il y a un lien direct entre la désindustrialisation de la France, son déficit abyssal du commerce extérieur, sa perte d'influence dans le monde, la lente attrition des emplois qualifiés et les désastres industriels à répétition que notre pays a connu depuis vingt ans. De Péchiney à Arcelor, en passant par Bull, Alcatel, la Générale de Radiologie et aujourd'hui Alstom, la liste est longue de nos fleurons industriels qui ont été purement et simplement liquidés par l'absence de vision stratégique de la classe politique et de la haute administration, par la cupidité et l'incompétence de certains dirigeants d'entreprise qui ont fait passer leurs intérêts personnels avant ceux de la collectivité. Oui, il y a bien une corrélation entre l'étrange défaite de 1940, qui vit en quelques semaines l'effondrement de notre pays et celle, plus insidieuse et plus longue, qui voit le délitement de notre appareil industriel.

    Jean-Michel Quatrepoint (Figaro Vox, 5 janvier 2015)

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  • Un Candide à sa fenêtre...

    «Un mauvais esprit assez particulier qui consiste, quand un sage montre la lune, à regarder son doigt, tel l'idiot du conte.»

    Les éditions Gallimard viennent de publier Un Candide à sa fenêtre, un recueil de chroniques de Régis Debray. Le vieux républicain, un peu désabusé, qu'est l'auteur sait faire preuve à l'occasion d'une ironie mordante...

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    «Je ne prise guère la littérature d’idées. Ses angles droits sont trop fastidieusement masculins et sûrs d’eux pour capter l’émotion, le tremblement, l’inattendu du réel. Pourquoi récidiver? Parce qu’on résiste moins, avec l’âge, aux impulsions du farfelu, jusqu’à se permettre quelques divagations sur les dieux et les hommes, le beau et le moche, le mort et le vif, et même sur l’avenir de l’humanité. Sans dramatiser : les échappées qui suivent sont à un essai ce qu’une flânerie est à un défilé, ou une songerie à un traité de morale. Elles demandent seulement au lecteur un peu d’indulgence pour ce qu’elles peuvent avoir de mélancolique, de cocasse ou d’injuste.»

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  • Le mensonge, c'est la vérité...

    Les éditions Ring ont mis en ligne une vidéo de présentation de la nouvelle bombe de Laurent Obertone, La France Big Brother. Un livre qui dérange le système...

     


    TRAILER OFFICIEL "LA FRANCE BIG BROTHER... par Editions_Ring

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  • Alain de Benoist : « Le pouvoir politique a été transféré vers des instances où personne n’a jamais été élu… »

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la question du pouvoir et de sa localisation...

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    « Le pouvoir politique, transféré vers des instances où personne n’a jamais été élu… »

    Alain Madelin et Gérard Longuet, que vous avez bien connus lorsqu’ils étaient de jeunes spadassins, ont fini par devenir ministres. Pour finalement constater que le véritable pouvoir était plus détenu par des administrations censées leur obéir, mais qui ne leur obéissaient pas… Aujourd’hui, en politique, où est le pouvoir ?

    Beaucoup de gens ont aujourd’hui une conception du pouvoir qui remonte au XIXe siècle. Un parti politique cherche à remporter la majorité pour s’emparer du pouvoir. Quand il est au pouvoir, il met en œuvre son programme. Le champion (ou la championne) devient ainsi un sauveur ! Malheureusement, ce n’est plus du tout de cette façon que les choses se passent. Les anciens ministres que vous citez, et bien d’autres avant eux, n’ont cessé de le constater : la marge de manœuvre dont ils disposent après être « arrivés au pouvoir » n’a cessé de se restreindre comme peau de chagrin. Cela ne veut pas dire qu’ils sont totalement impuissants, mais que leur liberté d’action se heurte à des contraintes de toutes sortes qui la limitent ou l’entravent de façon toujours plus étroite.

    Le pouvoir a par ailleurs quitté depuis longtemps ses instances traditionnelles. Se demander où est le véritable pouvoir, c’est se demander où se prennent les décisions. La grande question en politique est : qui décide ? « Est souverain, écrivait Carl Schmitt, celui qui décide dans le cas d’exception. » En quelques mots, tout était dit. Le pouvoir d’État, aujourd’hui, est en grande partie devenu un pouvoir auxiliaire ou subordonné. Ceux qui détiennent le véritable pouvoir appartiennent à des cénacles extra-étatiques et même extra-territoriaux. Ces cénacles comptent beaucoup plus de nommés ou de cooptés que d’élus. Et ce sont eux qui décident. C’est l’une des causes de la crise de la démocratie représentative, qu’il vaudrait d’ailleurs mieux appeler démocratie substitutive, puisqu’elle substitue à la souveraineté populaire le seul pouvoir de ses supposés représentants.

    Quand, en 1997, Lionel Jospin, alors Premier ministre, reconnaît à propos de la fermeture de l’usine Renault de Vilvorde que « l’État ne peut pas tout », signe-t-il la capitulation du pouvoir politique vis-à-vis du pouvoir économique ?

    Je ne sais pas si c’est le meilleur exemple que l’on puisse prendre, mais il est évident que la subordination du pouvoir politique au pouvoir économique, et surtout financier, est l’un des traits majeurs de la situation actuelle, en même temps que l’une des grandes causes du dépérissement du politique (le politique étant tout autre chose que la politique au sens courant du terme). L’idéologie libérale, pour laquelle le lien social se réduit exclusivement au contrat juridique et à l’échange marchand, a toujours milité pour une telle subordination, au motif que la souveraineté politique empêche les mécanismes de « régulation spontanée » (la « main invisible » du marché) de produire pleinement leurs effets – à l’encontre d’une tradition européenne qui avait toujours veillé à ce que l’économique soit « encastré » (embedded, dit Karl Polanyi) dans le social, sous l’autorité du politique, et qui avait toujours mis en garde contre le pouvoir de la chrématistique. Le triste privilège de notre époque a été de pousser cette subordination à un point qu’elle n’avait jamais atteint auparavant. La politique de la dette adoptée par les États les a livrés pieds et poings liés au pouvoir des marchés financiers. Les diktats moralisateurs de l’idéologie des droits de l’homme ont fait le reste.

    Un pouvoir qui n’est plus souverain perd par là même son caractère politique. Or, comme chacun le sait, des pans entiers de souveraineté se sont effondrés au cours des dernières décennies. Notre souveraineté militaire a été déléguée à l’OTAN, notre souveraineté politique a été bradée aux institutions de l’Union européenne, notre souveraineté budgétaire au Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance signé à Bruxelles en 2012, notre souveraineté juridique à la Cour européenne des droits de l’homme. Ce à quoi l’on est en train d’assister, c’est donc bien à la dépossession pure et simple du pouvoir politique, et à son transfert massif vers des instances où personne n’a jamais été élu. Et comme ces différentes instances sont elles-mêmes acquises à l’idéologie libérale, le pouvoir politique disparaît dans une sorte de trou noir.

    Pour résumer, quelle finalité pour le pouvoir ? Volonté de puissance ? Se donner les moyens de redonner un peu de sens à une société de plus en plus éclatée ? Laisser une trace dans l’histoire ? Faire triompher ses idées aux dépens de celles des autres ?

    Un peu de tout cela, sans doute. Au sens le plus élevé, le pouvoir politique aurait surtout pour but d’assurer à un peuple, non seulement un avenir, mais un destin. Mais dans l’immédiat, la première des tâches serait de tenter de redonner au politique les moyens de se dégager du système de l’argent. En étant bien conscient aussi que c’est en prenant le pouvoir qu’on risque le plus de lui céder. Le 1er janvier 1994, le très zapatiste sous-commandant Marcos disait : « Nous ne voulons pas prendre le pouvoir car nous savons que, si nous prenions le pouvoir, nous serions pris par lui. » Une mise en garde qu’on pourrait méditer.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 3 janvier 2015)

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  • Carl Schmitt et les trois types de pensée juridique...

    Les presses universitaires de France viennent de publier un court essai de Carl Schmitt intitulé Les trois types de pensée juridique. Juriste et philosophe politique allemand, ami d'Ernst Jünger, Carl Schmitt est notamment l'auteur de plusieurs livres essentiels comme La notion de politique (1928), Le nomos de la terre (1950) ou Théorie du partisan (1963), disponibles aux PUF ou dans la collection  de poche Champs chez Flammarion.

     

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    " « L’adhésion de Carl Schmitt au mouvement national-socialiste dès 1933 a jeté sur l’ensemble de son œuvre une ombre inquiétante », écrit Dominique Séglard en présentation de cet ouvrage. Dans ce texte issu de deux conférences prononcées en 1934 à l’occasion de l’anniversaire de la prise de pouvoir d’Hitler, Carl Schmitt mêle sa pensée économique aux bases de sa justification morale et juridique du nazisme. Il y met en concurrence trois types de pensée juridique : le normativisme, le décisionnisme et la pensée de l’ordre concret, dans laquelle l’État possède un pouvoir absolu, la seule conforme à l’essence du peuple allemand. Il conservera cette substance dans sa pensée toute sa vie, alors même que c’est cette vision trop éloignée de la Volksgemeinschaft qui lui vaudra les critiques et le désaveu des cadres du régime dès 1934. Plus qu’un document historique, ce texte est un élément essentiel à la compréhension de la pensée globale de Carl Schmitt."

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