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écologie - Page 2

  • Électricité, décarbonation : pourquoi l’Europe a tout faux

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Brice Lalonde, cueilli sur Geopragma consacré à la question du nucléaire et à la décarbonation de l'électricité.

    Brice Lalonde a été candidat écologiste à l'élection présidentielle de 1981 et ministre de l'environnement dans le gouvernement de Michel Rocard.

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    Électricité, décarbonation : pourquoi l’Europe a tout faux

    Il n’y a que quatre pays européens qui réussissent à décarboner leur électricité, ce sont la Suisse, la Norvège, la Suède et la France. Pourquoi ? Parce qu’ils ont des moyens de production pilotables décarbonés qui fournissent cette électricité lorsqu’elle est demandée et quasiment à toute heure au long de l’année. Les autres pays produisent une électricité soit systématiquement très carbonée, comme la Pologne, soit décarbonée par moments, comme l’Allemagne et l’Espagne, quand le soleil et le vent sont au rendez-vous, mais carbonée le reste du temps par appel au gaz et au charbon.

    Or, pour garantir la permanence d’une production électrique décarbonée, l’Europe ne voit que le vent et le soleil, car ces sources d’énergie lui apparaissent illimitées, locales et gratuites. Mais les contraintes imposées au système électrique par les renouvelables intermittentes sont loin d’être gratuites et, pour atteindre avec elles la neutralité carbone, il faudrait à la fois affaler la consommation d’énergie et construire un nombre phénoménal de moyens de production renouvelables. Priorité devrait plutôt être redonnée aux sources décarbonées pilotables, hydraulique et nucléaire, suppléées par les renouvelables.

    Une vision de jardin d’enfants

    Les faits sont têtus, les thuriféraires des renouvelables le sont aussi. Leur culte est porté par les prébendiers des aides d’État, par la poussée écologiste des cinquante dernières années, particulièrement forte en Allemagne, mais aussi par la Commission européenne qui applique avec zèle et myopie le seul article du traité de Lisbonne relatif à l’énergie. Alors que le traité reconnaît la souveraineté des États membres pour le choix de leurs sources d’énergie, cet article 194 limite l’action collective de l’Union à la promotion des économies d’énergie et du développement des renouvelables.

    Ainsi les directives du « paquet fit for 55» sont-elles fondées sur cet article 194. Elles n’autorisent que des formes d’énergie – chaleur, électricité, hydrogène – issues de sources renouvelables. Le nucléaire est banni – sauf pour produire de l’hydrogène, grâce à l’action de notre ministre de l’Énergie. Un objectif de plus de 40 % de renouvelables est fixé pour 2030. Au nom du climat et au mépris du traité, l’Europe impose donc le mix de son choix. Il s’agit d’un curieux détournement de procédure, car c’est l’article 191 du traité de Lisbonne qui traite de l’environnement et de la défense du climat. C’est celui-là qui devrait s’appliquer à la politique climatique de l’Union. La Commission veut-elle décarboner ? Pas vraiment, son objectif est la multiplication des renouvelables et la diminution d’un tiers de la consommation d’énergie, une vision de jardin d’enfants.

    Les discours des dirigeants de la Commission sont les mêmes que ceux des ministres allemands : seules les énergies renouvelables sont bonnes. L’avenir doit être tout renouvelable. C’est devenu un credo. Et si l’Europe n’y suffit pas, ils demanderont à l’Afrique de faire l’appoint. Naguère, le Sahara avait déjà été au centre d’un rêve d’énergie solaire illimitée connectée à l’Europe par des câbles sous-marins. C’était le projet Désertec. Cette fois, c’est l’hydrogène fourni par d’hypothétiques électrolyseurs africains ou chiliens qui devrait remplacer le gaz russe. Déjà, les ports de la Baltique s’équipent pour accueillir cette manne chimérique.

    L’imposture contre le nucléaire

    L’Allemagne et la Commission peuvent-elles comprendre, non seulement que l’énergie nucléaire est un allié du climat, au contraire du charbon, mais qu’elle constitue un pilier central de l’économie française et de son développement futur. S’efforcer de l’interdire est ressenti par les Français comme une volonté de leur nuire. Faut-il ajouter que l’incroyable volte-face de l’Allemagne contre l’électrification des véhicules légers aggrave encore l’impression d’imposture. L’extravagante raison avancée est l’arrivée prochaine de carburants de synthèse. Mais ces carburants seront produits au compte-goutte et devront d’abord être dirigés vers l’aviation où ils sont indispensables. Ils nécessiteront des quantités considérables d’électricité qu’il faudra bien produire de façon fiable.

     À défaut, il y a fort à parier que l’hydrogène nécessaire provienne surtout du reformage du gaz qatarien, que les carburants des véhicules thermiques épargnés soient fossiles avant d’être synthétiques, bref que l’Allemagne nous roule dans la farine avec la complicité irréfléchie de la Commission. Peut-on toujours croire à la bienveillance de l’Union ? Depuis la loi « Nome », nous avons assisté à la descente aux enfers d’EDF, démantelée, écartelée, sommée tout à la fois de faire des cadeaux à une concurrence parasite, d’atténuer sur ses propres deniers le prix européen de l’électricité pour les Français et, privée des ressources nécessaires, de consentir néanmoins un immense effort d’investissement.

    Le consommateur en fait les frais : difficile de ne pas se souvenir que l’électricité était « abondante et bon marché » avant le marché européen et qu’EDF avait construit cinquante-cinq réacteurs nucléaires en quinze ans sans faire appel à l’aide directe de l’État. Nostalgie ! Si le retour en arrière n’est pas envisageable, limitons au moins les dégâts, arrêtons de désintégrer le système électrique français. La future réforme du marché européen devra permettre de lisser les prix et de financer les investissements.

     
    L’Europe, paradis des consommateurs, vient de se souvenir qu’il faut aussi des producteurs pour faire un monde. Bousculée par le protectionnisme américain, la Commission vient de proposer un programme d’industrialisation zéro carbone. Huit secteurs prioritaires ont été retenus parmi lesquels les inévitables renouvelables électriques, mais aussi les pompes à chaleur et la géothermie, les électrolyseurs et les piles à combustible, les réseaux, le captage du carbone. Pas le nucléaire, hélas, l’ostracisme continue, sauf pour des réacteurs futurs virtuels. À condition d’être mis en œuvre rapidement, le sursaut européen est salutaire. Toutefois si l’objectif est la décarbonation, l’Union doit laisser les États membres libres de leurs choix techniques et non choisir à leur place. Jusqu’où faut-il accepter les partis pris de la Commission et de ses actes délégués ?
     
    Brice Lalonde (Geopragma, 17 avril 2023)
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  • Le brun et le vert...

    Les éditions du Cerf viennent de publier un essai de Philippe Simonnot intitulé Le brun et le vert. Philippe Simonnot a été professeur d'Economie du Droit à Paris-Nanterre et chroniqueur au journal Le Monde ; il a consacré une partie de son oeuvre à l'Allemagne. Il est notamment l'auteur du livre intitulé Le rose et le brun (Dualpha, 2015).

     

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    " C’est une page d’histoire oubliée ou méconnue qu’exhume ici Philippe Simonnot. Celle des liens que, à l’entour des années 1930, le nazisme ascendant a entretenus avec l’écologie émergente. Comment expliquer ce rapport troublant ? Quelle conception le Troisième Reich prônait-il de la nature ? Quelles lois édicta-t-il en faveur de l’agriculture, de la création de parcs nationaux, de la protection des forêts ou des animaux ? À quelle représentation de l’environnement se référait-il ?

    À travers un examen minutieux des théories et des mesures nazies dans ce domaine, mais aussi à travers un décryptage inédit des thuriféraires de cette tendance, Ernst Haeckl, Walther Schoenichen ou Richard Walther Darré, Philippe Simonnot démêle les fils de toute une généalogie idéologique. L’écologisme dont se revendiquait le nazisme reposait sur l’idéalisation d’une nature sauvage mâtinée de darwinisme
    social, porteuse d’une exaltation de la force et d’une aspiration païenne à la volonté de puissance. Elle participait en fait de l’antihumanisme fondamental de ce totalitarisme.
    Une contribution à l’histoire des idées sur une appropriation qu’il faut connaître pour pouvoir mieux la critiquer et la contester. "

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  • La question climatique : un état des lieux...

    A l'occasion de la COP27, il est intéressant de (re)découvrir cet exposé de Laurent Ozon diffusé en février 2021 sur son canal d'expression Odyssée, et consacré à la question climatique.

    Essayiste et analyste politique, tenant d'une écologie localiste et identitaire, premier promoteur de l'idée de remigration, Laurent Ozon est l'auteur de l'excellent essai intitulé France, années décisives (Bios, 2015).

     

                                               

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  • Comment la nature fait science...

    Les éditions Wildproject viennent de publier un essai de Kinji Imanishi intitulé Comment la nature fait science.

    Ecologiste, anthropologue et primatologue japonais, mort en 1992, Kinji Imanishi est l'auteur d'une théorie écologique de l'évolution. Le même éditeur a déjà publié deux autre de ses essais, Le monde des êtres vivants (2011) et La liberté dans l'évolution (2015).

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    Dans ce livre-testament, Imanishi appelle – contre les sciences occidentales – à l’émergence d’une véritable science naturelle, qui rende justice à la vie concrète des êtres vivants et à leur créativité.

    « Écosystèmes », « populations », « communautés »… : les notions fondamentales de l’écologie décrivent mal, selon lui, la réalité de la vie sur Terre. À la fin de sa vie, ce pionnier mondial rompt avec ce qu’est devenue l’écologie scientifique – et esquisse les principes d’une autre science, basée sur le terrain et l’intuition, qui appréhende la nature de l’intérieur.

    Par sa « sociologie du vivant », il a élevé le rang des animaux en montrant leur qualité de sujet et leur créativité. Par-delà le morcellement croissant des sciences, il forge ici de nouvelles
    notions – dialoguant avec Charles Darwin, Arthur Tansley, Eugene Odum, Carl Gustav Jung, Lao Tseu et d’autres encore.

    Il avance notamment l’idée de la « proto-identité » : un sentiment de soi et de son lieu, un « je sens donc je suis » qui nous intègre à tous les vivants.

    « Je dis ‘je sens, donc je suis’. Comme ça, on inclut les animaux. La personne qui dit ‘je pense, donc je suis’ est toute seule. Même si ce n’est pas de l’autisme, cette personne s’aliène de toute société. En revanche, dire ‘je sens, donc je suis’ ouvre un monde, et cela inclut toutes sortes de choses. »

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  • Écologie, énergie et intelligence économique...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue d'Olivier Maison Rouge, cueilli sur le Journal de l'économie et consacré à la nécessité d'intégrer la question environnementale à la réflexion en matière d'intelligence économique au niveau européen...

    Olivier de Maison Rouge, Écologie, énergie, intelligence économique, europe

    Écologie, Énergie et Intelligence Économique

    L’écologie a été largement préemptée par la sphère politique et idéologique ; c’est un fait.
    Pour autant, la réflexion environnementale ne doit pas être absente de l’intelligence économique, bien au contraire. Cela doit en être une donnée essentielle et structurante dans le traitement de l’information stratégique et la maîtrise de l’environnement dans toutes ses composantes.

    De l’indépendance énergétique à la pénurie coupable
     
    En matière énergétique, par exemple, la France du général de Gaulle avait su investir massivement sur le nucléaire civil, afin de contribuer à son indépendance. On sait depuis lors combien ce choix fut payant pour la France, d’une part, et de quelle manière elle fut la cible privilégiée des guerres informationnelles autour de l’atome, d’autre part.
     
    Ce choix avec une hauteur de vie indéniable – au-delà de l’autonomie stratégique destinée à réduire la dépendance aux autres acteurs économiques et puissances concurrentes– devait s’avérer prémonitoire et audacieux en matière environnementale. On sait désormais que cette énergie est faible consommatrice en carbone, parmi les plus neutres au monde (3 grammes CO2 / kWh).
     
    D’ailleurs, même le Japon, qui a été profondément ébranlé par une catastrophe naturelle lors du tsunami de 2006 (drame de Fukushima) qui avait affecté l’une de ses centrales, avait abandonné cette énergie avant d’y revenir désormais. Il ne s’agit pas ici de louer aveuglément cette énergie qui présente également des risques certains. Pour autant, elle a largement fait ses preuves et fait l’objet d’un contrôle strict.
     
    Pour l’avenir, la course à la fusion nucléaire devient un impératif stratégique. C’est dire si les esprits ont changé sur le sujet longtemps décrié.
     
    La France avait incontestablement un avantage acquis dans ce domaine que peu d’acteurs pouvaient lui disputer. Pour une fois, elle devançait même l’Allemagne qui – bien que soucieuse de son industrie – avait abandonné l’atome pour relancer ses centrales à charbon (870 grammes CO2/kWh), contribuant à reconstituer une économique carbonée tout en se lançant dans un Green Deal européen de manière assez schizophrène…
     
    Elle a néanmoins abdiqué sous le poids des dénonciations médiatiques, d’une part, et des mécanos politico-industriels Framatome-Areva-Orano, d’autre part. L’Europe a eu sa part dans cet affaiblissement indirectement téléguidé par les Allemands. Areva et EDF ont depuis lors été recapitalisées chacune pour près de 5 milliards d’Euros chacune par l’État français alors qu’elles étaient extrêmement rentables, en plus d’assurer l’autonome stratégique de la Nation.
     
    EDF avait longtemps le monopole de la vente d’électricité. À travers elle, l’État avait investi sur des énergies autonomes, au bénéfice de la population française, selon un prix réglementé et une production assurée. La libéralisation et l’Europe – ainsi que les menées antinucléaires – ont eu la peau de ce fleuron. Alors que ses réserves financières étaient considérables il y a encore 15 ans, permettant d’assurer l’indépendance stratégique en finançant à long terme des transformations industrielles, EDF a vu depuis lors – en vendant à perte de l’électricité à ses propres concurrents au nom d’une prétendue concurrence, forcément asymétrique, car les nouveaux acteurs n’ont jamais supporté les investissements originels – sa trésorerie asséchée (tarif ARENH). EDF est désormais menacée de démantèlement par Bruxelles (plan Hercule). Elle n’a pas pu conserver son savoir-faire, ni davantage entretenir et investir dans son parc, au bénéfice d’opérateurs privés. C’est donc le potentiel énergétique de la France qui a été atteint.
     
    Ce faisant, d’exportateur d’électricité, la France est devenue importatrice, à l’heure où la balance commerciale est déjà très déséquilibrée, à son désavantage. 
     
    Des énergies alternatives peu dirimantes
     
    À ce stade, il est encore vain de croire que d’autres énergies renouvelables seront suffisantes à court terme.
     
    Mais la France ne manque toutefois pas d’atouts. L’énergie hydraulique, verte par excellence est méprisée alors que la France est un château d’eau. Elle est même la proie d’objections idéologiques, qui affaiblissent la cohérence d’une production énergétique durable et respectueuse de l’environnement, tout en étant pleinement profitable et diversifiée.
     
    À défaut, nous voyons pulluler de prétendues énergies nouvelles – faiblement décarbonées – telles que le photovoltaïque ou l’éolien. À l’heure où l’on abandonne – sans doute à juste titre – le moteur à explosion à énergie thermique, le besoin d’énergie électrique n’a jamais été aussi pressant. Or, non seulement ces ressources alternatives n’offrent pas les mêmes capacités de production, mais par surcroît elles créent une nouvelle forme de pollution, plus grande encore. En effet, que penser des fermes à panneaux solaires – comme il en pousse en Espagne – ou des champs d’éoliennes, désormais off shore, en mer qui porte atteinte à notre magnifique littoral ; le béton des côtes n’avait pourtant pas suffi ? Ces infrastructures consomment tout d’abord davantage qu’elles ne le prétendent, mais encore elles défigurent nos territoires, constituant une autre forme d’atteinte à l’environnement in fine.
     
    Précisément, il n’est malheureusement pas suffisamment pris en compte la pollution visuelle, comme d’ailleurs la pollution sonore. À l’heure on l’on institue un délit d’écocide, il faudra prendre en considération ces atteintes dans l’avenir portées au cadre de vie. Précisément, puisque l’urgence climatique a été décrétée, il convient de penser cette harmonie dans son ensemble, et s’abstenir, au nom d’un autre productivisme court-termiste, de sombrer dans de nouveaux actes portant atteintes à l’environnement. En effet, il ne s’agit pas de limiter la protection de l’environnement exclusivement à ses données carbone, pollutions des eaux, appauvrissement des sols, émissions de gaz, etc. C’est un tout non négociable, un ensemble savant et cohérent comme l’avait déjà pensé Blaise Pascal dans les deux infinis.
     
    Protection de l’environnement et intelligence économique
     
    Par voie de conséquence, le respect des écosystèmes, dans toutes leurs composantes, doit être intégré à la politique géoécologique, sans exclure les atteintes aux territoires, aux paysages et aux cadres de vie.
     
    La nature est en effet un ordonnancement harmonieux, fécond pour l’homme et son environnement ; mais c’est aussi un équilibre fragile et précaire, qu’il ne s’agit pas de brutaliser sans discernement et sans conséquence.
     
    Ce faisant, l’Europe, qui conserve un vieux fond humaniste qui intègre la place de l’homme dans son élément, a souvent su éveiller les consciences et parfois prendre les devants en la matière. Même si les efforts sont modestes, il n’en demeure pas moins que l’Occident est en mesure d’être un modèle.
     
    D’aucuns diront cependant que l’Europe a bonne conscience a œuvrant ainsi à donner des leçons de morale, privant les pays émergents de pouvoir atteindre un niveau de productivité légitime, tandis que l’Europe n’a pas eu les mêmes pudeurs auparavant. Pour ces détracteurs, l’écologie serait même un facteur de déséquilibre économique mondial destiné à laisser dans la misère industrielle les pays qui n’ont pas eu accès au développement économique auquel ils aspiraient. Cette accusation – relayée par des déclinistes verts – serait fondée sur un droit à polluer des pays émergents, tandis que les économies européennes devraient tendre à la décroissance.
     
    Au-delà d’une chimère stérile, un tel vœu tend en réalité à maintenir l’Europe dans un asservissement économique au bénéfice des industries avancées de l’Asie. Voilà un exemple des pensées déviantes radicales qui néanmoins fait son nid chez certains, adeptes de la décroissance, contre les économies occidentales. Comme si la culture de l’excuse permanente devait faire une politique publique écologique.
     
    L’Europe a su cependant devenir une forme de référence en matière de protection de la nature, héritage de son humanisme.
     
    Dès lors, ces choix politiques doivent trouver à s’imposer au-delà de nos frontières. De la même manière qu’elle a su faire respecter le respect de la vie privée numérique avec le RGPD, y compris de manière extraterritoriale, c’est avec la même rigueur fondamentale que l’Europe doit ériger ses propres critères environnementaux à l’égard des pays tiers avec lesquels elle échange. Ce cadre s’est encore imposé avec les sociétés mères et les entreprises donneuses d’ordre avec la loi de mars 2017 relative au respect des droits humains, contraignant les entreprises françaises et leurs sous-traitants étrangers.
     
    Sur ce modèle, l’Europe doit définir le principe fort de protection de l’environnement – dans toutes les composantes civilisationnelles telles que recensées ci-avant – et l’intégrer à sa politique commerciale, imposant ses standards aux produits importés, à peine de taxation ou de retour à l’expéditeur.
     
    À l’instar des normes CE (1) en matière de santé, sécurité, hygiène, etc., l’écologie intégrale doit s’imposer à ses cocontractants extraeuropéens. L’idée n’est d’ailleurs pas nouvelle et déjà, en 2011, Arnaud Montebourg l’avait-il intégré à son programme de présidentiable à l’occasion de la primaire socialiste.
     
    Puisque le monde est en voie de déglobalisation, cette opportunité est à saisir dès à présent, faisant du respect de l’homme et des civilisations un enjeu fondamental dans le cadre des rapports économiques asymétriques, au même titre que les intérêts fondamentaux de la Nation.
     
    Olivier de Maison Rouge (Journal de l'économie, 12 septembre 2022)
     
    Note :
    1 - Conformité aux exigences de l'UE
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  • Le risque écologique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré au risque lié aux dérives de l'écologie...

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

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    Le risque écologique

    Qui ne l’aperçoit ? L’écologie devient haïssable. Les écologistes la rendent haïssable. Ils ont fait de la science à laquelle ils se réfèrent abusivement la plus grande menace que la majorité des Européens voit peser sur son mode de vie, sur sa joie de vivre, et sur cette beauté qui continue d’être son privilège quotidien. À force d’agresser ceux qui aiment la viande, roulent en voiture et prennent des bains chauds, les Verts font tout pour dégoûter les Français comme les Européens de l’écologie. Et le résultat sera là cet hiver ; devant une crise du pouvoir d’achat et du mode de vie, largement imputables aux folies anti-nucléaires, tout électrique et globalistes, les citoyens européens vont massivement rendre à raison les Verts responsables, et bien à tort, l’écologie complice de leurs malheurs quotidiens. En clair ; les Verts sont devenus les premiers ennemis de l’écologie. Toute politique écologique nationale se fera contre eux, au nom de la science qu’est l’écologie, au nom du bien vivre sur son territoire qui est le sens du combat écologique, au nom des limites et des frontières qui sont les conditions indépassables de la survie des écosystèmes ! 

    Quatre dangers menacent de ruine l’écologie, science de l’environnement, savoir calme du bien vivre chez soi, patient apprentissage d’être d’ici et des siens.

    Hold up de l’ultra gauche

    Le premier est le hold up que l’ultra gauche a entrepris et réussi à ce jour, sur l’écologie. Le mélange entre les choix politiques de l’ultragauche et l’écologie est exécrable, et d’abord parce qu’il est une négation de l’écologie humaine. L’écologie, science des systèmes vivants complexes, ne peut être favorable aux mouvements incontrôlés de population. Les afflux de population dans un écosystème donné sont porteurs d’une pression accrue sur les ressources limitées dont il dispose. Ils sont une négation des biens communs, cet héritage de générations qui transmettent aux leurs ce qu’ils ont conquis pour eux.

    La mobilité des populations à travers les frontières nie le rapport intime, unique d’un homme avec la terre sur laquelle il est né. Elle est la fourrière de l’artificialisation des conditions de vie — de la fabrique de l’homme hors sol. Un système vivant ne subsiste que parce qu’à travers la membrane, la peau ou la frontière, il trie ce qui de l’extérieur lui apporte, ce qui de l’extérieur le menace. L’idéologie migratoire participe à l’artificialisation des relations entre les hommes et le climat, le territoire, les saisons, qui est une négation de l’écologie. L’égalitarisme des « droits à… » est lui aussi profondément antinomique avec la priorité écologique. Non, 60 millions de Français ne peuvent avoir accès à toutes les plages de France !

    La préservation des biens communs suppose le contrôle des accès et des usages, la priorité aux communautés locales, un droit des résidents supérieur à celui des nomades ou des nouveaux arrivants. Les socialistes devraient davantage y réfléchir ; sauf à reconnaître le droit des communautés à contrôler leur territoire et ses ressources, la seule régulation vient de l’argent — plages payantes, parking payants, immobilier hors de prix pour les populations locales, etc. Est-ce le modèle que nous voulons pour la France ?

    La rente de la peur

    Le second est le catastrophisme irresponsable d’ONG, d’associations, et aussi d’élus, qui attisent les peurs et comptent sur des paniques collectives pour réaliser leur agenda. Jouer sur les peurs est toujours la recette des totalitarismes. Nous sommes loin du « catastrophisme éclairé » cher à Jean-Pierre Dupuy (2009) ! Quand elles s’adressent à des mineurs ; « la planète brûle, papa que fais-tu ? » et poussent des enfants de dix ans à se réveiller en pleurant d’angoisse, ces opérations sont des manipulations indignes et doivent être condamnées. Les apostrophes de Greta Thunberg — qui est Greta Thunberg ? — appellent cette seule question ; qui l’a fabriquée ? Qui la finance ? Quels intérêts emploient cette marionnette, et déjà remisée au rang des accessoires ? Les usines de la peur ne sont pas moins dangereuses quand elles s’adressent aux populations. Dans la mesure où elles diffusent des informations fausses, exagérées ou tronquées, elles mettent en risque toute la crédibilité de la science qu’est l’écologie — rappelons Georges Steiner ; une affirmation qui ne peut pas être contredite n’est pas scientifique.

    Comme elles sont généralement incapables de proposer des solutions à la hauteur des problèmes évoqués — ce n’est pas en prenant des douches froides que le problème de l’eau sera résolu, et l’Europe est bien placée pour savoir que les énergies dites renouvelables ne sont pas la solution, mais une partie du problème ! Le temps n’est pas loin où la complicité de trop d’organisations « vertes » avec des intérêts privés obligera chacun à se poser la question ; et si la prétendue « écologie » n’était que le moyen d’une politique de la peur, au service d’intérêts privés évidents ? Evidents, comme ceux qui ont détruit la suprématie de l’industrie automobile allemande et française au profit d’Elon Musk — l’homme le plus riche du monde ! —, comme ceux qui interdisent l’exploitation des algues en France, pour ne pas concurrencer l’oligopole allemand de l’alimentation animale et des engrais, comme ceux qui ont mobilisé la population allemande contre le nucléaire, moyen incontournable d’une indépendance énergétique qui aurait consacré la primauté mondiale de l’industrie allemande, comme ceux qui utilisent les migrations de masse pour en finir avec l’unité ethnique des peuples d’Europe et saper la volonté de se battre de nos Nations.

    L’atlantisme vert

    Le troisième est lié à l’atlantisme forcené des partis dits « Verts » au parlement européen et dans la vie nationale. Les Verts sont les premiers à faire la leçon sur les droits humains, la protection des minorités, etc. Les premiers à entretenir la guerre en Ukraine, à justifier les ingérences des Fondations et ONG, à soumettre les Nations à l’universalisme frelaté de Wall Street de la City. Il en est qui chérissent les tribus brésiliennes pour mieux punir les Français. Il en est qui, au nom de la juste défense de l’indépendance nationale de l’Ukraine, se font les complices des trusts et des mafias qui ont assuré le contrôle du tiers environ de toutes les terres arables ukrainiennes, les meilleures du monde, aux oligarques américains, des Kerry aux Biden ! Et de promouvoir le « biofuel », carburant « vert », qui détruit des millions d’hectares de forêts en Asie, en Afrique et en Amérique latine pour enrichir leurs financiers !

    D’autres défendent l’intégrité territoriale de Taiwan ou de l’Ukraine, mais n’ont pas un mot pour le pillage du gaz et du pétrole syrien par le corps expéditionnaire américain, ou pour l’escroquerie qui peut priver demain le Liban de ses ressources gazières et bloque déjà ses comptes bancaires! Il en est qui font la leçon à l’Europe sur les migrants, mais servent le marché européen à un Elon Musk qui revendique ouvertement des coups d’État là où des gouvernements élus le privent de ses mines de lithium (comme Evo Morales en Bolivie) !

    Et ceux qui entendent interdire de parole toute critique du Green Deal, du Farm to Fork, du « tout électrique » et autres fantaisies européennes dictées d’outre-Atlantique, sont sourds aux cris qui montent de partout ; laissez-nous vivre ! Selon nos mœurs, nos traditions, nos goûts ! Selon nos choix, nos préférences collectives, et ces particularités remarquables qui font la richesse de nos Nations ! Le débat est existentiel. La vision américaine de la protection de l’environnement — le wilderness, interdit aux hommes ; et tout le reste, livré au développeurs ! — est antinomique avec le savoir vivre millénaire du paysan français et européen qui façonne son environnement autant qu’il est façonné par lui. Le progrès n’est pas la séparation entre les hommes et ce que l’on appelle à tort « « environnement », et qui est notre foyer — la source intarissable de ces bonheurs quotidiens qui ne s’achètent pas. Il est dans une réconciliation aux antipodes de l’amour américain pour les « fake things », le plastique et le béton.

    La nouvelle religion

    La quatrième est d’une tout autre nature. Le 6 septembre dernier, Radio France annonçait sa décision de devenir verte. Plus de place sur les ondes pour le débat sur le changement climatique, la promotion des conclusions du GIEC est de rigueur, et la conversion des journalistes aux règles de sobriété environnementales est exigée. En clair ; une vérité officielle est proclamée, et il n’y a pas place ni de parole en dehors d’elle. La question n’est pas celle de la validité des travaux du GIEC, objet de la plus large association de scientifiques jamais réalisée, et d’ailleurs à peine contestée à ses marges. La question n’est pas non plus celle de la réalité d’un dérèglement climatique partout attesté, des rizières de Madagascar aux forestiers d’Alaska, et du Pacifique à la Méditerranée ! Que ceux qui n’ont jamais vu la couche de pollution à l’atterrissage sur Delhi, Pékin ou Paris, nient l’impact des activités humaines sur l’air et le climat !

    La question est que la méthode est celle des régimes totalitaires. La question est celle des vérités officielles, qui suscitent d’elles-mêmes défiance, contestation et refus — que les enseignants chargés de faire l’histoire de la Seconde Guerre mondiale en témoignent ! Elle signale un affaiblissement démocratique considérable ; nous en avons bien fini avec le libre examen, la liberté de conscience et d’opinion ! et elle place l’écologie en tant que cible ; plus une science, dont chaque affirmation doit être prouvée, éprouvée et démontrée sans cesse, mais une religion, qui relève du sacré, et dont les articles de foi ne peuvent être questionnés sans sacrilège !

    A quand des fatwas contre ceux qui ne s’alignent pas sur la vérité écologique proclamée par WWF, Greta Thunberg, Oxfam et Escrocs Inc ? A proclamer des vérités officielles, l’écologie suit une pente qui sape sa crédibilité, fait d’elle la cible des esprits libres, et peut lui aliéner cette majorité de la population qui constate où la conduisent les mensonges d’État qui lui sont assénés — écoutez le Président Emmanuel Macron justifier la fermeture de Fessenheim par la proximité avec l’Allemagne ! Le chemin détestable suivi par les lois mémorielles nous conduit à la suppression progressive de toutes les libertés de conscience et d’expression. La menace du juge écrase le débat politique. Il est grave que l’écologie entre dans ce processus qui dénie le propre de l’homme — la capacité de se faire son opinion. Par lui-même et pour lui-même.

    Les Zuckerbeg, Bezos ou Attali sentent bien la menace ; et si les Français pensaient par eux-mêmes ! Et tous les moyens du totalitarisme numérique se mobilisent pour revenir sur l’un des acquis décisifs des révolutions ; la liberté d’opinion ! L’autonomie est le refus de toute vérité révélée, la capacité à remettre en question tous les dogmes et toutes les figures sacrées, qu’elles soient historiques (les « lois mémorielles » utilisées pour empêcher le débat et terroriser les opposants), religieuses (la fatwah contre Salman Rushdie a son équivalent dans les persécutions subies par tous ceux qui contestent les nouveaux dogmes, qu’ils soient LGBT, immigrationnistes ou européens) ou sanitaires (les mesures de licenciement abusif, d’enfermement administratif, voire de privation de liberté, dont ont été victimes ceux qui refusaient le prétendu « vaccin » contre le COVID témoignent d’un nouveau champ du sacré, lié au corps, à la santé, et au refus éperdu de la maladie et de la mort).

    Que l’écologie devienne la source de nouveaux dogmes, devant lesquels il n’y a qu’à s’incliner avec une pieuse révérence, sans les questionner, les interroger, et les confronter à l’expérience, signifie que l’écologie n’est plus une science. Cette dénaturation est de grande importance. L’écologie comme fabrique d’une vérité officielle devient haïssable, elle perd son autorité légitime, et sera combattue comme escroquerie instrumentalisée — car nous n’échapperons pas à la question ; qui gagne à l’escroquerie écologique européenne qu’est le « Green Deal » ? L’écologie comme parti peut tuer l’écologie comme science. Il est à craindre que ce crime parfait soit déjà bien engagé, pour qui est conscient de la somme d’absurdités à laquelle la couleur « verte » a servi d’habillage, de l’assujettissement de l’Europe aux injonctions venues des États-Unis à la préférence irrationnelle pour le moteur électrique, de la casse du nucléaire à la destruction des mécanismes de prix pour l’énergie. 

    L’écologie doit redevenir ce qu’elle est ; la science du bien vivre chez soi parmi les siens. Science de l’apaisement du rapport à notre foyer, la terre, la vie animale et végétale, et la succession des générations. Science de l’apprivoisement réciproque entre ceux que nous sommes et toutes les formes de vie qui nous avoisinent, qui partagent notre vie, et sans lesquelles nous ne serons pas. Et par-dessus tout, science de l’émerveillement devant le temps qui passe, la succession des saisons, la vie et la mort, et tout ce qui n’a de prix sur aucun marché du monde.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 8 septembre 2022)

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