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  • Un nouveau partage du monde est en train de se structurer...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Caroline Galactéros à Figaro Vox, dans lequel elle commente les récentes déclaration d'Emmanuel Macron à l'hebdomadaire The Economist sur la situation de l'Europe. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019) et intervient régulièrement dans les médias. Elle a créé récemment, avec Hervé Juvin entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    Caroline Galactéros: «Un nouveau partage du monde est en train de se structurer»

    FIGAROVOX.- Le magazine The Economist consacre son dernier numéro et sa couverture à une interview d’Emmanuel Macron dans laquelle il affirme que le monde est au bord du précipice. La situation internationale est-elle aussi apocalyptique que celle que décrit le chef de l’État?

    Caroline GALACTEROS.- Il me semblait que le Président, dans son interview, avait appliqué cet oracle à l’Europe et non du monde. Le monde n’est pas du tout au bord du précipice. Il se rééquilibre autour de puissances qui assument leur souveraineté, définissent leurs ambitions et se donnent les moyens de les mettre en œuvre. Ce sont nos utopies qui sont en déroute et c’est bien l’Europe qui tombe dans l’insignifiance stratégique (une forme de mort cérébrale) subitement privée de la béquille mentale que lui fournissaient le lien transatlantique et son alignement servile sur les injonctions américaines. Quant à la France, elle danse sur un volcan et pas seulement au plan extérieur. Si la présente lucidité présidentielle se consolide par des actes et des dynamiques durables, alors nous éviterons le pire et peut-être même renverserons-nous enfin la vapeur à notre avantage. Ce serait là, sur le plan stratégique, une vraie et salutaire «disruption». Après Biarritz, Moscou, la Conférence des Ambassadeurs et désormais cette interview, la grande question est désormais la suivante: Jusqu’à quel point sommes-nous déterminés à désobéir et à assumer les critiques ou la résistance active de certains de nos partenaires européens?

    Le rôle de pionnier, de défricheur d’une voie nouvelle est périlleux et demandera beaucoup de ténacité. Jusqu’au moment où certains de nos partenaires, entrevoyant la liberté, voleront au secours de la victoire et nous emboîteront le pas, notamment en Europe du sud mais pas seulement. Notre vieux continent est en pleine dépression post-traumatique non traitée. Le choc? Notre abandon sans états d’âme par la figure paternelle américaine. Sur le fond, rien de bien nouveau mais le verbe trumpien nous a brutalement ouvert les yeux sur le profond mépris et l’indifférence en lesquels Washington nous tient. La servilité ne paie jamais vraiment. Emmanuel Macron a bien raison de douter de l’applicabilité de l’article 5 du Traité de l’Alliance atlantique. Le problème n’est pas de savoir si les États-Unis voleraient au secours d’un État européen attaqué par la Russie ou Chine. La Russie a vraiment d’autres chats à fouetter et la Chine «attaque» déjà l’Europe tous azimuts économiquement. Non, le problème est bien celui d’un fatal entraînement de la France ou d’un autre membre de l’Otan si jamais la Turquie venait à être prise à partie militairement par la Syrie en réponse à sa violation caractérisée de la souveraineté syrienne. Scénario peu probable à vrai dire, car Moscou ne laissera sans doute pas un tel engrenage ruiner ses patients efforts pour en finir avec la déstabilisation de son allié moyen oriental. Même chose si l’Iran venait à réagir à une provocation savante téléguidée par Washington. Moscou, Téhéran et Ankara ont partie liée pour régler le sort de la Syrie au mieux de leurs intérêts respectifs et Washington comme Damas n’y peuvent plus rien. Ce qui est certain, néanmoins, c’est que la Turquie n’agit à sa guise en Syrie qu’avec l’aval américain. Washington laisse faire ce membre du flanc sud de l’Alliance qui lui sert en Syrie de nouvel agent de sa politique pro islamiste qui vise à empêcher Moscou de faire totalement la pluie et le beau temps dans le pays et la région. Ankara gêne aussi l’Iran. Bref, ce que fait Erdogan est tout bénéfice pour Washington. Et les Kurdes ne font pas le poids dans ce «Grand jeu»? En conséquence, c’est bien l’Amérique qui dirige toujours et complètement l’Otan. S’il est bien tard pour s’en indigner ou faire mine de le découvrir, il n’est pas trop tard pour se saisir de cette évidence et initier enfin une salutaire prise de distance de l’Europe par rapport à une Alliance qui ne traite nullement ses besoins de sécurité propres.

    Nous restons extrêmement naïfs. Nous n’avons jamais eu voix au chapitre au sein de l’Alliance pas plus d’ailleurs depuis que nous avons rejoint le commandement intégré pour nous faire pardonner notre ultime geste d’autonomie mentale de 2003 lorsque nous eûmes l’audace de ne pas rejoindre la triste curée irakienne. Il faut que nous ayons aujourd’hui le courage d’en sortir et de dire que l’OTAN ne correspond pas à la défense des intérêts sécuritaires de l’Europe et d’ailleurs que l’épouvantail de la prétendue menace russe est une construction artificielle destinée à paralyser le discernement des Européens, à les conserver sous tutelle, à justifier des budgets, des postures, des soutiens résiduels au lieu de construire enfin une véritable stratégie propre à l’Europe en tant qu’acteur et cible spécifique stratégique. Je rejoins là notre président. Mais je ne crois pas du tout que L’OTAN soit en état de mort cérébrale. Il devient juste clair que ce qui pouvait, aux yeux de bien des atlantistes, justifier notre alignement silencieux et quasi inconditionnel a vécu. Trump veut faire payer les Européens pour qu’ils achètent des armes…américaines et obéissent aux décisions d’intervention américaines qui ne les concernent pas. Il est temps de ne plus supporter ce chantage et de sortir de l’enfance stratégique. Nous en avons les moyens. Il ne manquait que la volonté.

    De son côté l’UE peine à définir une politique étrangère commune, croyez-vous la diplomatie européenne encore?

    Je n’y ai jamais cru! Je ne vous rappellerai pas le cruel sarcasme de Kissinger «l’Europe? Quel numéro de téléphone?» Ce qui est possible, c’est de faire sauter un tabou ancien qui veut que l’affirmation de la souveraineté des nations européennes soit antinomique de la puissance collective et un autre, qui veut que l’élargissement de l’UE ait été destiné à la rendre puissante et influente. C’est précisément tout l’inverse. Mais il est trop tard pour regretter cet élargissement brouillon et non conditionnel stratégiquement. Il faut partir du réel et le réel, c’est qu’il existe une très grande divergence entre les intérêts stratégiques américains et ceux des Européens qui doivent se désinhiber. La France peut prendre la tête de cette libération et favoriser une conscience collective lucide et pragmatique des enjeux communs sécuritaires et stratégiques.

    Il faut commencer par une véritable coopération industrielle à quelques-uns en matière de défense, sans attendre une unanimité introuvable. Il faut créer des synergies, faire certaines concessions et en exiger d’autres, et ne plus tolérer la moindre critique de Washington sur les contributions à une Alliance enlisée dans d’interminables et inefficaces opérations.

    Alors qu’Emmanuel Macron rentre d’un voyage officiel en Chine, vous écrivez, «La Chine a émergé tel un iceberg gigantesque». La Chine est en train de tisser son empire autour du globe, est-elle en train d’imposer son propre contre modèle à l’Occident?

    Pékin agit très exactement comme Washington et joue l’Europe en ordre dispersé. Oui le «contre monde» comme je l’appelle est en marche. La Chine profite du tirage entre Washington et les Européens au fur et à mesure que les pays européens prennent conscience qu’ils ne comptent plus pour l’Amérique, mis à part pour justifier un dispositif otanien contre Moscou et empêcher le rapprochement stratégique avec la Russie qui seule pourrait donner à l’Europe une nouvelle valeur ajoutée dans le duo-pôle et triumvirat Washington -Moscou-Pékin. C’est Sacha Guitry je crois qui disait que les chaînes du mariage sont si lourdes qu’il faut être trois pour les porter. L’adage est valable pour l’Europe à mais aussi pour Moscou qui sait combien «le baiser de la mort» chinois peut à terme lui être fatal. L’Europe n’a donc pas encore tout à fait perdu de son intérêt aux yeux de Moscou même si, en ce qui concerne la France, la charge affective et historique du lien a été très abîmée. Il me semble donc que l’initiative française d’une relance d’un «agenda de confiance et de sécurité» est un pas important dans cette direction qu’il faut jalonner à bon rythme de réalisations concrètes.

    La guerre commerciale semble être la forme conflictuelle privilégiée par l’administration de Donald Trump. Les sanctions américaines pleuvent sur les entreprises chinoises, en Iran, en Russie. La guerre commerciale devient-elle un des éléments structurant d’un monde Yalta 2.0?

    La fin de l’utopie d’une mondialisation heureuse a permis la résurgence d’un politique de puissance et d’influence décomplexée. Or le commerce est l’instrument privilégié de ces relations. Il n’y a qu’en France que l’on croit encore aux pures amitiés et aux affections qui guideraient les rapprochements entre États. Attention! Je ne veux pas dire que les relations personnelles, l’empathie ou l’animosité ne comptent pas, bien au contraire. Mais ce qui compte dans l’établissement du rapport de force et dans la consolidation des rapprochements, ce sont les complémentarités économiques mais aussi culturelles et même civilisationnelles et surtout la fiabilité de la parole donnée et la crédibilité interne des dirigeants.

    Votre livre donne un aperçu global de l’état des relations diplomatiques depuis les cinq dernières années. Le monde depuis 1989, puis 2001 est en constante restructuration. Le jeu des puissances est mouvant. Quelle place la France peut-elle occuper dans un monde géopolitique si instable et imprévisible? Comment peut-on participer à construire une «coexistence optimale»?

    La France doit se voir en grand car elle a de sérieux atouts de puissance et d’influence mais elle n’en use pas à bon escient. Elle se complaît dans la repentance et l’alignement. Notre place dépendra en premier lieu de notre capacité à structurer une vision et un chemin puis dans notre ténacité à défendre nos intérêts et à affirmer nos principes.

    Il nous faut effectuer un tournant pragmatique en politique étrangère et en finir avec l’idéologie néoconservatrice. Celle-ci a dramatiquement vérolé toute une partie de notre administration et de nos élites qui ne savent plus ce qu’est l’intérêt national. La France est toujours une puissance globale. Plus que nombre d’autres. Simplement elle doit retrouver une économie florissante, restructurer son industrie, remettre son peuple au travail autour d’un projet de prospérité lié à l’effort et non à l’incantation. Un État puissant est un État sûr, qui sait d’où il vient, n’a pas honte de son passé et embrasse l’avenir avec confiance.

    La Russie de Vladimir Poutine s’est imposée aux puissances occidentales comme un acteur majeur des relations géopolitiques. Son attitude sur la crise syrienne incarne ce positionnement dans l’échiquier mondial. La Russie peut-elle être un allié «fréquentable» des puissances européennes? La distance entre les Européens et les Russes en termes de politique internationale est-elle encore légitime?

    La Russie est tout à fait fréquentable. La diabolisation infantile à force d’être outrancière, dont elle fait l’objet chez nous, nous ridiculise et surtout la conforte dans une attitude de plus en plus circonspecte envers ces Européens qui ne savent plus penser ni décider par eux-mêmes.

    En 30 ans, la Russie a vécu le pire durant les années 90 puis a entamé sans violence une remarquable reconstruction nationale. Tout n’y est pas parfait, mais pouvons-nous réellement donner des leçons et nous imaginer être encore pris au sérieux après les sommets de cynisme démontrés dans nos propres ingérences étrangères, avec les résultats que l’on sait? C’est là une posture qui sert essentiellement à se défausser, à ne pas aller de l’avant notamment sur les dossiers où nous pourrions et aurions tout intérêt à tendre la main à la Russie: sanctions, Ukraine Syrie, Libye, Union économique eurasiatique (UEE), etc… Sur ce dernier point, il faut nous montrer un peu plus lucides et anticipateurs que sur les Nouvelles Routes de la Soie sur lesquelles nos diplomates ironisaient il y a encore quelques années. L’UE doit se projeter vers l’Union Économique Eurasiatique (UEE) et nouer avec elle de très solides partenariats. Je souhaite de tout cœur que la récente inflexion imprimée par notre président à la relation franco-russe après une sombre et triste période, passe rapidement dans les faits et que nous soyons le maillon fort d’une nouvelle ère collaborative, intelligente et humaine entre la Russie l’Europe.

    La solution diplomatique peut-elle encore jouer un rôle dans le dossier syrien?

    Une solution diplomatique ne peut exister que si l’on a atteint un équilibre militaire acceptable. La Syrie doit d’abord recouvrer son intégrité territoriale. Après les Syriens décideront de ce qu’ils souhaitent politiquement pour leur pays.

    Notre implication a été si humainement et politiquement désastreuse qu’il est possible de prétendre encore pouvoir décider du sort de ce pays à la place de son peuple. Évidemment, la guerre n’est pas finie. Il y a encore des dizaines de milliers de djihadistes fondus dans la population civile d’Idlib. Il y a la Turquie, la Russie et l’Iran qui consolident dans un vaste marchandage leurs influences respectives. Et il y a tous les autres acteurs régionaux et globaux qui cherchent à tirer leur épingle du jeu et à faire oublier leurs méfaits. Nous avons eu tout faux sur le dossier syrien. Je l’ai assez expliqué, démontré et je n’épiloguerai pas. J’en parle abondamment dans mon recueil. Il est trop tard pour pleurer mais sans doute pas pour faire amende honorable, intégrer le processus d’Astana et son actuel dérivé - le Comité constitutionnel en cours de formation à Genève. Cela aussi, nous le devons à l’approche diplomatique inclusive et non idéologique de Moscou, ne nous en déplaise. Essayons, pour une fois, d’être intelligents et d’avancer pour que le peuple syrien sorte au plus tôt de son interminable martyr.

    Caroline Galactéros (Figaro Vox, 9 novembre 2019)

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  • Européanité...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Richard Dessens, cueilli sur Eurolibertés, le site de l réinformation européenne, et consacré à la construction d'une véritable Europe... Docteur en droit et professeur en classes préparatoires, Richard Dessens a notamment publié La démocratie travestie par les mots (L'Æncre, 2010).

     

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    Européanité

    L’article 49 du TUE (Traité de l’Union Européenne) de 1993 énonce les critères nécessaires pour faire partie de l’Europe. Le premier est d’être un État, c’est-à-dire posséder une organisation institutionnelle avec souveraineté. Le second est d’être « européen », sans plus de précision, mais dont l’esprit est géographique, avec les ambiguïtés qu’il recouvre tout de même à l’est et au sud-est de l’Europe, ambiguïtés souvent plus politiques que géographiques en réalité. D’ailleurs, certains prétendent (cf infra Rapport du Sénat) que la prétendue « culture européenne » est en réalité universaliste et s’étend à de nombreux autres États dans le monde.

    Le troisième critère repose sur l’attachement aux valeurs visées à l’article 2 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) : « L’Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d’égalité, de l’État de droit, ainsi que de respect des droits de l’homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l’égalité entre les femmes et les hommes. »

    En fait, cette condition recouvre un ensemble de valeurs très généralistes, copie conforme de la DUDH (Déclaration universelle des droits de l’homme) de 1948, sans aucune spécificité européenne. Ce critère est d’ailleurs significatif du refus d’une identité européenne et en même temps d’un œcuménisme universaliste et mondialiste sans consistance mobilisatrice ni rattachement à une civilisation originale. Sans aucune démarcation avec d’autres cultures ou civilisations, ce critère fait de l’Europe une sorte d’attrape-tout de toutes les mixités en détruisant toute velléité de différenciation. L’esprit du TUE est celui du renoncement, son inspiration, la repentance.

    Le quatrième critère, postérieur au TUE, dit « critères de Copenhague », concerne des mesures qui sont essentiellement économiques et financières avec obligation de se plier aux exigences politiques, économiques et monétaires de l’Union européenne. Voilà le dernier clou du cercueil européen dont le contenu est donc uniquement constitué des vagues valeurs généreuses et cosmopolites des « droits de l’homme », complétées du seul enjeu de notre modernité : la financiarisation d’une économie mondialisée. L’idéal est splendide, le vivre-ensemble magnifié !

    Par ailleurs, le rapport Fauchon, de la Commission des Affaires Européennes du Sénat, en juin 2010, fait des États les seuls acteurs de l’Union en balayant toute possibilité d’une Europe des régions considérée comme une utopie et sans consistance. On comprend le poids des lobbies financiers dans de telles assertions. D’autant que les NUTS (nomenclature des unités territoriales) déterminées par l’Union recensent officiellement 98 régions de niveau 1 (grandes régions) et 274 de niveau 2 (sous-divisions du niveau 1), afin de décrédibiliser toute idée régionaliste européenne.

    En fait, les 98 régions recensées en NUTS 1 délimitent parfaitement les contours d’une organisation européenne fondée sur des grandes régions souveraines équilibrées. L’idée entêtante et récente des États-Nations reste contraire au principe du « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes » tant développée à la chute des Empires en 1918. Ces Empires européens qui avaient su créer un embryon d’Europe moderne en rassemblant des nationalités diverses en leur sein. Leur échec final pour de nombreuses raisons ne doit pas pour autant faire dédaigner le concept d’un nouvel « empire européen » unifié, sur fond d’identités régionales et d’une nouvelle européanité fédératrice. Les disparités des peuples européens sont une richesse qui constitue l’âme européenne, et non une entrave supposée. Avant de vouloir étendre l’Europe à la Méditerranée, à Israël ou à la Turquie, commençons par fédérer les peuples européens… Ce que l’Union est déjà incapable de réaliser sans idéal, sans objectif, sans contenu charnel, sans vision civilisationnelle.

    Ceux (conclusion du rapport Fauchon) qui considèrent que l’Europe est à la fois un espace et une puissance qui a vocation à s’étendre au-delà de ses contours géographiques, entraînent l’Europe vers une dislocation inéluctable et la fin de sa civilisation, dans une envolée de modernité mondialiste suicidaire.

    Rappelons que la « ligne de l’Oural » a été définie par le géographe de Pierre Le Grand, Vassili Tatichtchev, afin de faire apparaître la Russie comme une puissance européenne, en situant pour cela en Europe une partie importante du territoire et largement majoritaire de la population de l’Empire. Choix politique, la « ligne Tatichtchev » correspond aussi à une rupture culturelle au sein de la Russie entre les peuples d’Asie à l’Est et européens à l’Ouest.

    Les Varègues, descendant de Scandinavie, fondent Kiev au IXe siècle et essaiment dans toute la zone de la future « Russie blanche » dont l’Oural est bien symboliquement la limite. Les Russes sont le rempart de l’Europe contre les Mongols aux XIIIe et XIVe siècles, comme Vienne stoppera la déferlante musulmane de l’Empire Ottoman pour la seconde fois, en 1683, grâce à une armée de secours composée de Polonais, d’Allemands et d’Autrichiens.

    L’avenir de la Russie est en Europe. Mais dans une Europe unifiée et puissante de 500 millions d’habitants face aux 130 millions de Russes, et capable de traiter un projet commun d’Europe « dilatée ».

    Mais, pour cela, il faut donner l’idéal d’une « nouvelle frontière » à l’Europe. Pas l’idéal économico-financier de l’Union européenne, mais une nouvelle frontière comme celle que Kennedy sut impulser en 1961 aux Américains, en lançant son « Go to the Moon », et montrant qu’aucun défi n’était insurmontable pour un pays qui se fabrique son devenir et sa puissance.

    Notre nouvelle frontière est certes d’abord géographique et repose sur une volonté politique de solidarité européenne et de nos intérêts communs. Que les États sans convictions autres que les profits de la manne financière européenne, quittent l’Europe, ou en soient éjectés. Le cordon sanitaire de nos frontières doit ensuite être assuré par une armée européenne et non par les seuls moyens inefficaces des États-frontière actuels.

    Notre nouvelle frontière, c’est la conscience de la richesse de notre civilisation occidentale et de la modernité de nos racines. C’est être fier de nos identités, de notre histoire, de nos combats pour survivre jusqu’à aujourd’hui. Que ceux qui ne sont pas prêts à donner leur sang, comme leurs ancêtres l’ont fait partout en Europe, pour que vive notre civilisation, quittent l’Europe où ils n’ont rien à faire. C’est être fier de nos différences pour mieux respecter celles des autres civilisations. Les enjeux géopolitiques modernes peuvent se traiter de puissances à puissances, dans le respect plutôt que dans la confusion des genres et la volonté d’uniformiser le monde… à notre image délétère. Mais il y faut une volonté politique radicale et révolutionnaire pour inverser un système de pensée et de valeurs qui nous mène dans le sillage des intérêts des USA pour conserver leur leadership mondial, à notre déclin définitif.

    Notre nouvelle frontière n’est pas de nous renfermer sur nos États moribonds, mais d’avoir une ambition pour l’Europe, plus vaste, plus unie, plus puissante, et enfin respectée. Cette nouvelle frontière est celle des valeurs de notre immense Europe, Eurussie, qui refusent celles de la mondialisation telle que celle qu’on veut nous imposer, et son uniformisation destructrice, au profit des peuples nombreux qui, eux, ont encore conscience de leurs identités et de leurs systèmes de valeurs.

    Les horreurs de la déstabilisation des Proche et Moyen Orient auraient-elles pu atteindre un tel paroxysme avec ses déclinaisons terroristes, avec une Europe unifiée, fière de ses convictions, puissante et déterminée, et des USA isolés ? D’autres horreurs nous attendent si l’Europe persiste dans sa mollesse épicurienne, sans but ni idéal, et en plus sans même apporter l’aisance économique à ses peuples désarmés et appauvris.

    Richard Dessens (Eurolibertés, 26 et 27 décembre 2016)

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  • La France, nouvelle province de l'Empire ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Jérôme Leroy, cueilli sur Causeur et consacré à la soumission de la France à l'Empire...

    Auteur talentueux de polars d'anticipation, Jérôme Leroy vient de publier Dernières nouvelles de l'enfer aux éditions de l'Archipel, un recueil de nouvelles, et son dernier roman, Le Bloc, devrait être réédité en format poche, dans la collection Folio, à la rentrée.

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    La France, nouvelle province de l'Empire

    Je n’ai aucune sympathie particulière pour Edward Snowden. Si on regarde un peu sa biographie, ce n’est jamais qu’un geek libertarien, avec un fort tropisme néoconservateur. Cela fit de lui un soutien enthousiaste de la politique étrangère de Bush en Irak, au point d’avoir eu autour de ses vingt ans les désirs typiques des garçons qui ont trop joué en ligne : rejoindre les forces spéciales. Ayant davantage le physique de Woody Allen que de Chuck Norris, il ne put accomplir ce « rêve héroïque et brutal ».
    On le félicitera tout de même de s’être découvert une vocation tardive de Winston Smith face au totalitarisme panoptique et « panauditif » de la NSA qui est d’ailleurs celui de tous les services secrets, comme l’avait si bien vu Guy Debord dans ses Commentaires sur la société du spectacle (1988) : « Les services secrets étaient appelés par toute l’histoire de la société spectaculaire à y jouer le rôle de plaque tournante centrale ; car en eux se concentrent au plus fort degré les caractéristiques et les moyens d’exécution d’une semblable société. Ils sont aussi toujours davantage chargés d’arbitrer les intérêts généraux de cette société, quoique sous leur modeste titre de « services ». Il ne s’agit pas d’abus, puisqu’ils expriment fidèlement les mœurs ordinaires du siècle du spectacle. Et c’est ainsi que surveillants et surveillés fuient sur un océan sans bords. »
    Après tout, dans cet « océan sans bords », les libertariens comme Snowden ont leurs bons côtés quand ils sont cohérents. Ils ne se montrent pas seulement favorables à l’idée que les pauvres aient le droit de vendre leurs organes ou que n’importe quel citoyen puisse s’équiper à l’armurerie du coin et avoir la puissance de feu d’un porte-avions pour nettoyer par le vide la première école primaire qu’il rencontre. Non,  ils sont aussi persuadés que l’Etat est une menace constante pour les libertés individuelles.  Que ce soit en créant une sécu ou en espionnant la vie privée de ses citoyens avec des barbouzes à grandes oreilles.
    Du coup, voici notre Snowden devenu une nouvelle icône pour toute une belle jeunesse, d’Occupy Wall Street à Notre-Dame-des-Landes en passant par les Anonymous.  C’est un peu paradoxal, mais après tout, à cheval donné, on ne regarde pas la monture et quand on pense que Mélenchon est capable de voir en Kerviel un nouveau Dreyfus, la France pouvait bien accorder l’asile à Snowden.
    Et c’est là que le bât blesse. On avait cru comprendre que si on n’accordait pas l’asile à Snowden, c’était qu’il ne nous l’avait pas demandé. Mais que s’il l’avait demandé, bien entendu, la patrie des droits de l’homme le lui aurait donné illico presto. Seulement, ce qui s’est passé le 2 juillet a prouvé le contraire de manière éclatante.
    Ce jour-là, la France s’est complètement déshonorée en interdisant de survol du territoire national l’avion d’un chef d’Etat étranger qui avait peut-être à son bord Snowden comme passager. L’avion était celui d’Evo Morales. Evo Morales est le président de la Bolivie, élu dans la foulée de Chavez au Venezuela et de Correa en Equateur. Il revenait de Moscou après une conférence sur les pays exportateurs de gaz. Oui, Morales a nationalisé son gaz, ce qui fait de lui, avec quelques autres chefs de l’Etat de la région regroupés dans l’Alba1, le cauchemar vivant du nouvel ordre mondial : imaginez un peu, un sous-sol qui appartiendrait aux citoyens vivant dessus. Imagine-t-on plus atroce aberration ?
    Si l’on en croit les détails, ce refus de survol aurait même pu occasionner une catastrophe, l’avion d’Evo Morales s’étant posé les réservoirs pratiquement vides à Vienne. L’Italie, à peine moins lâche que la France, voulait bien que Morales se posât à condition d’accepter une fouille de l’appareil. Il aurait fait beau voir qu’il fasse le malin, l’Inca cryptomarxiste avec son poncho style El condor pasa.
    On pouvait espérer que la France, celle de de Gaulle et des communistes s’opposant à l’Amgot en 44, allait éviter de devancer le désir de ses maîtres. On pouvait espérer que la France, même après cinq ans de sarkozysme qui marquèrent, plus encore que sous Giscard, le summum de la servilité atlantiste, garde le souvenir du discours de Villepin à l’ONU sur notre grandeur de « vieux pays » comme disait l’inénarrable Rumsfeld qui ne  se rendait pas compte du compliment. Eh bien non ! François Hollande, décidément,  ne nous aura rien épargné.  Une certaine idée de la France, comme disait l’Autre, vient d’être niée, encore une fois, au nom de notre soumission totale, absolue au libre échangisme comme horizon indépassable de notre avenir radieux.
    C’est croire que François Hollande est un lecteur résigné de Toni Negri et qu’il  a accepté que la France devienne une simple province de ce nouvel Empire défini ainsi par le philosophe italien : « L’Empire englobe la totalité de l’espace. Aucune frontière ne le limite. Il se présente non pas comme un régime historique qui tire son origine d’une conquête, mais comme un ordre qui suspend le cours de l’Histoire et le temps, fixe l’état présent pour l’éternité et la manière dont les choses sont et seront pensées.”
    Cet Empire contre lequel luttent, avec l’énergie du désespoir et chacun à leur manière, Evo Morales et Edward Snowden.

    Jérôme Leroy (Causeur, 9 juillet 2013)

     

    1 Alliance  Bolivarienne pour les Amériques comportant huit états opposés à la zone de libre échange avec les USA.

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  • Dans la toile de l'empire américain...

    Nous reproduisons ci-dessous, un point de vue d'Oskar Freysinger, cueilli sur le site suisse Les Observateurs et consacré à l'impérialisme américain et à ses conséquences... Député de l'Union du Centre au Conseil national suisse, Oskar Freysinger est à l'origine du référendum d'initiative populaire « Contre la construction de minarets » qui a recueilli une large majorité en 2009.

     

     

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    Dans la toile de l'empire US

    L’Empire tient financièrement en otage la planète entière. Il exige sa dîme partout, se comporte en seigneur planétaire de l’économie et cherche à affaiblir ou détruire toute fortune concurrente.

    Les empires sont à la politique internationale ce que l’égoïsme et l’avarice sont à l’individu. Un empire comme les USA ne considère jamais les pays du vaste monde comme une fin en soi, mais seulement comme un moyen. Certains de ces pays étant serviles et soumis, il les qualifie « d’amis ». D’autres lui étant utiles sans être totalement à sa botte sont appelés des « alliés ». Il ne reste que quelques états, généralement des empires concurrents, qui résistent et s’opposent à la toute-puissance messianique de l’oncle Sam et sont donc qualifiés « d’empires du mal ». Le reste forme une énorme masse grise de nations changeant de statut au gré des intérêts de l’Empire.

    Le troisième cercle

    L’Empire est construit sur la base trois cercles concentriques : le premier, le « homeland », patrie des hommes ventrus au bermuda portant casquette de baseball et mâchant d’énormes chewing-gum «bazooka », est considéré par les habitants de l’Empire comme le centre du monde, la patrie des seuls hommes libres de la planète. Autour, il y a la zone grise que les agents de l’Empire manipulent à souhait. Plus loin, dans le troisième cercle, c’est la zone de guerre où règnent la destruction et le chaos.

    L’empire ressemble à un cyclone : Rien ne bouge dans son l’œil, mais autour, le monde est en perpétuel mouvement. Le Vietnam, jadis, s’est trouvé dans une telle tempête de feu. L’Ex-Yougoslavie, l’Irak, l’Afghanistan, la Lybie et la Syrie ont suivi. Mais l’empire a appris la leçon, depuis sa déconvenue vietnamienne. Désormais, il n’envoie plus ses hommes au sol, il se contente de contrôler les airs et envoie les troupes spéciales qataries, des mercenaires formés par la CIA, pour faire le sale boulot sur le terrain. Ainsi, les cadavres sur le sable chaud sont-ils toujours bien bronzés et arabes.

    La loi du plus fort

    Lié à la maison Saoud par le pétrodollar, l’Empire tient financièrement en otage la planète entière. Il exige sa dîme partout, se comporte en seigneur planétaire de l’économie et cherche à affaiblir ou détruire toute fortune concurrente. La Suisse en fait la cruelle expérience depuis quelques années, puisque l’Empire cherche à détruire sa place financière sur la base de règles qui n’ont d’autre morale que celle du plus fort, comme dans la fable du loup et de l’agneau. Hélas, au lieu de se défendre bec et ongles, la Suisse a d’entrée de jeu cédé aux appétits étatsuniens qui, encouragés par tant de mollesse, sont devenus dévorants depuis.

    En Lybie, zone de guerre où l’empire n’est intervenu qu’en coulisses, la guerre civile continue à fleurir et le pétrole coule à flots et à bon marché pour permettre de produire les « bazookas » de l’homme aux bermudas qui promène sa graisse insouciante entre les MacDo et les Kentucky Fried Chicken de toutes les Amériques. Quant à la Syrie, elle pourrait bien devenir le point de départ d’un conflit mondial qui aura pour seule vertu de remettre les compteurs de l’abyssale dette américaine à zéro.

    La ceinture verte

    Partout, l’Islam fondamentaliste progresse, cette ceinture verte qui finira par étrangler le monde encore plus ou moins libre. Considérant certains descendants du prophète comme des alliés économico-politiques de l’Empire, oncle Sam cède des parts de marché grandissants aux barbus. Ainsi, le Kosovo est-il peu à peu dominé par l’économie et les intérêts turcs, tout en servant de plateforme à la vente de la drogue afghane, la prostitution et le trafic d’armes en occident. Y règne un régime de façade apparemment démocratique avec à sa tête un ex-criminel de guerre que l’on tient par son passé, et derrière, les clans mafieux s’en donnent à cœur joie.

    Tout le monde voulant plaire aux maîtres du monde et leur impérieuse emprise, les Suisses, pourtant la plus vieille et seule vraie démocratie au monde, se sont hélas empressés, les premiers, à reconnaître l’amputation d’un Etat de Droit de l’une de ses provinces historiques devenue depuis une énorme base américaine et destinée, demain, à devenir la tête de pont d’un nouvel Empire ottoman lorgnant vers les Balkans.

    Car l’Empire US, comme tous les Empires avant lui, aime la fluctuation des frontières, le jeu des contrastes, le clair-obscur. C’est devant les phares de sa lumière aveuglante qu’il fait danser les ombres agitées du monde, c’est dans le diffus qu’il règne et manipule. Partout, il distribue les bons et les mauvais points, définit le bien et le mal, récompense où punit, redécoupe et redéfinit, en fonction de ses intérêts propres. Aucune mission civilisatrice là-derrière, aucune raison idéologique, car le pouvoir de l’Empire n’est pas au service de l’humain, il ne se suffit qu’à lui-même. L’œil du cyclone est vide. C’est un œil de verre privé d’émotions que viennent laver les larmes du monde afin que son regard reste perçant comme celui de l’aigle prêt à fondre sur sa proie.

    Hier, c’était le ciel de la Serbie qu’obscurcissaient les ailes de l’aigle US.

    Et demain ?

    Oskar Freysinger (Les Observateurs, 2 novembre 2012)

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  • Les deux Grèce...

    Nous reproduisons ci-dessous le point de vue souverainiste européen de Philippe Milliau, cueilli sur Novopress, à propos de la crise grecque et de ses rebondissements.

    Crise Grecque.jpg

    Les deux Grèce

    La première, dont ne parle pas ou plus assez, la Grèce antique, berceau des humanités, de la philosophie, des sciences, des rythmes culturels et religieux européens avec les récits d’Homère ; la mère, la bonne mère de notre magnifique et parfois contradictoire civilisation.
    Quoi de plus beau qu’une prière sur l’Acropole, au centre de cet ensemble architectural et sacré inégalé, face au soleil invaincu ? Oui, il faudra de nouveau apprendre aux lycéens de chez nous le rôle fondateur de cette Grèce là pour ce qu’ils sont,ce que leurs pères étaient, et ce que leurs fils seront.

    Et puis la seconde dont on parle trop, beaucoup trop au moment présent. Issue des périodes tragiques du second conflit mondial,prolongé par une guerre civile atroce (près d’un grec sur dix y périt), puis du régime dit« des colonels », son entrée dans la communauté européenne fut une récompense, un paquet cadeau ; était elle prête à recevoir le cadeau ?

    Bien sûr que non ; instrumentalisée par les Anglo Saxons depuis 1941, c’est comme par un extraordinaire hasard sans doute que ses comptes macro économiques furent maquillés avec la complicité de la trop célèbre banque Goldman Sachs ; c’est cette consciente tricherie qui lui permit d’intégrer la monnaie unique.
    Ce furent aussi plus de 100 milliards de fonds communautaires dilapidés en quelques années, une classe politique en dessous de tout, une évasion hors du pays de toutes les vraies fortunes, une administration fiscale incapable de percevoir l’impôt sur les particuliers comme sur les entreprises. Une montée en flèche des déficits publics, de la dette publique alors même que l’Euro apportait au pays d’incroyables facilités (trop sans doute).

    L’on sait la suite : ce pays tiers mondisé renoue avec l’anarchie politique et sociale.

    Parlons vrai

    Qui gagne dans l’affaire en cours ? Les U S A qui, focalisant l’attention sur la Grèce font oublier leurs collectivités locales en banqueroute les unes à la suite des autres, ainsi que leur situation globale, bien plus périlleuse encore que celle de l’Europe. Les grandes fortunes qui ont quitté un pays « dangereux » pour elles pour s’abriter dans des paradis fiscaux qu’il faudra bien reconquérir. Les spéculateurs qui en profitent pour prêter à des taux pharaoniques (un comble pour des grecs !) tout en se couvrant par des assurances ad hoc. Politiquement la Grèce parait donner raison aux tenants du souverainisme étriqué, celui de l’impossible recours aux états nations alors que nous sommes à l’ère des nations continents.

    Qui va perdre ? Le peuple grec, c’est certain, quelle que soit l’issue ; l’Europe entière qui va devoir payer, contribuables en tête.

    Quel est le risque majeur ? La spirale de la fin de l’Euro, de l’éclatement de l’Europe, un nouveau champ de ruines économiques, morales, politiques, sociales et pourquoi pas un jour militaire sur notre terre d’Europe.

    Deux choix sont cohérents, mais chacun comporte des conditions amères :

    Choix No 1 : nous, européens divorçons avec la Grèce. Retour à la drachme, fin aussi de la présence dans l’Union. Une certitude de perte de la quasi-totalité de nos créances, mais la fin du fardeau. Pour les Grecs, une faillite complète, un redémarrage à quasi zéro, avec la « chance » du tourisme : la Thaïlande au mieux, Cuba au pire…. Et une misère considérable pendant des décennies. Et qu’on ne vienne pas nous parler d’Argentine et de son redressement comme modèle : c’est confondre la crise de la dette et celle de la monnaie. L’Argentine avait un problème : sa dollarisation, pas sa dette, pas sa croissance.

    Choix No 2 : plan de sauvetage sur plan de sauvetage. Peut être une chance ; deux conditions nécessaires, la mise sous tutelle du pays avec une européanisation des systèmes fiscaux et sociaux, mais aussi une taxation de la spéculation, un rapatriement des capitaux. Le peuple grec paiera dans la douleur ; on ne peut pas lui demander d’accepter que les gros capitaux ne participent pas au redressement. Sinon, on va vers la guerre civile, et une nouvelle situation sans issue.

    Souveraineté

    On le sent bien dans tous les cas, c’est un problème de souveraineté. Ou retour à des souverainetés de petites nations, vulnérables, et qui n’auront que les faux attributs d’une autonomie que les démagogues leur font miroiter. Et en tout cas aucune puissance.
    Ou une vraie souveraineté Européenne, capable de protéger, de taxer les mouvements de capitaux et d’en bloquer la fuite ; capable aussi de s’approprier les deux instruments clef du pouvoir moderne : la monnaie et le réseau de satellites.

    Ne disposant plus des souverainetés nationales et pas encore de la souveraineté Européenne, nous voyons, impuissants, le chaos se développer sous nos yeux.

    Un mot sur l’affaire du référendum ; aussitôt proposé, aussitôt retiré : certains populistes ont cru bon crier « ils craignent le verdict du peuple ». C’est une erreur de perspective, me semble-t-il ; Papandréou a tenté un coup de bluff à fort relents démagogiques. Pour faire simple : il crie au secours, demande aux autres de payer bien vite, et lui voulait se couvrir par un référendum un peu plus tard, ce qui lui aurait permis de ne pas engager ni assumer politiquement les nécessaires efforts collectifs des grecs ! Les dirigeants actuels de l’Europe ont réagi, fixant une condition : voir la question posée et donner leur accord. Y a-t-il un seul peuple au monde qui voterait pour plus de travail, de charges, d’impôts et moins de prestations ? Autant solliciter un vote sur la suppression des catastrophes climatiques et des maladies en tous genres ! La réponse des instances européennes apparait donc plutôt légitime. On notera que cette réponse vaut reconnaissance des limites que le savoir faire manipulateur assigne à une supposée souveraineté populaire en fait bien conditionnée par la propagande et la publicité… Répétons le : dans tous les cas, le peuple grec paiera. Ce qui est honteux, scandaleux, c’est que ceux qui ont le plus profité, le plus spéculé, eux se soient mis à l’abri dans des paradis fiscaux qu’il faudra bien arraisonner un jour !

    Et pour conclure, observons ce consensus extraordinaire sur « l’effet domino ». Si la Grèce quitte l’Euro alors ce sera un autre pays européen en péril puis un autre : c’est la fin ! Qu’est ce que cet effet domino, si ce n’est la contagion ? Qui est victime de la contagion ? Le faible ! Exactement la tactique des USA qui adore l’échelonnement des difficultés dans « la vieille Europe » tout en redoutant que tout s’effondre simultanément, les entraînant ainsi dans la chute. Des européens faibles, coupées en tranches et pour partie dollarisés, pour partie anéantis ! La dette est là, dans tous les pays, ou presque ; ce qui change, c’est le regard qui est porté sur la situation. Qui porte le regard ? Les grands médias financiers ; qui les dirige ? Pas la Grèce, ni la Russie, ni même l’Allemagne ou la France, assurément !

    Dotés d’un puissant état fédéral Européen, nous serions libres, libres de porter le regard… sur la situation de quasi-faillite Californienne par exemple.

    Philippe Milliau (Novopress France, 5 novembre 2011)

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  • La civilisation européenne va-t-elle disparaître ?...

    Vous pouvez visionner ci-dessous un débat sur l'avenir de la civilisation européenne, organisé par le site Enquête&débat, entre Oskar Freysinger, député suisse populiste, qui a été à l'origine du référendum sur l'initiative populaire "Contre les minarets", et Alain Soral, polémiste et essayiste, auteur dernièrement de Comprendre l'Empire (Edition Blanche, 2011).

    Slobodan Despot, responsable des éditions Xénia, a consacré un livre d'entretien à Oskar Freysinger, Oskar et les minarets - La Suisse, un "village gaulois" face à l'Islam et à la mondialisation, publié chez Favre en 2010.

     


    Débat entre Alain Soral et Oskar Freysinger par enquete-debat

     

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