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  • Jean-Louis Tremblais : « Les USA, premier « État voyou » au monde ! »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Louis Tremblais à Nicolas Gauthier pour le site de la revue Éléments à l'occasion de la publication de ses souvenirs de reporter de guerre, Entre les lignes Reportages de guerre et aventure de presse (Erick Bonnier, 2025).

     

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    Jean-Louis Tremblais : « Les USA, premier « État voyou » au monde ! »

     

    ÉLÉMENTS. Votre livre lève le voile sur les dessous des rédactions parisiennes. Il y a ce que l’on a vu, mais qu’on ne peut révéler: pourquoi ?

    J-L TREMBLAIS : Ce livre m’a été inspiré par une citation d’Henri Béraud, grand reporter de l’entre-deux guerres, l’égal d’Albert Londres et de Joseph Kessel, Prix Goncourt 1922 pour Le Martyre de l’obèse. Dans le Flâneur salarié, qui rassemble ses souvenirs de reportages, il écrit cette phrase ô combien pertinente : « Le journalisme est un métier qui consiste à passer la moitié de sa vie à parler de ce que l’on ne connaît pas et l’autre moitié à taire que l’on sait ». Désormais libéré de mon devoir de réserve, puisque je ne suis plus en activité, j’ai décidé de ne plus « taire ce que je sais » pour reprendre la formule de mon maître Béraud. En effet, les limites inhérentes à la presse écrite (calibrage, pagination, bienséance, déontologie, etc.) sont pour moi abolies. Un reportage n’est jamais qu’un résumé présentable et publiable d’une expérience qui s’est inscrite dans la durée, avec ses hauts et ses bas. Une infime portion du vécu réel. Dix feuillets pour raconter plusieurs semaines de péripéties, c’est peu, on en conviendra. Le grand reporter n’est pas censé détailler ce qui s’est véritablement passé : les ratés, les échecs, les refus, les humiliations, les arrestations, les dérapages ou les débandades. Il est là pour témoigner d’un événement tout en occultant les dessous du récit, soit le cambouis de la machine Presse. C’est ce « non paru », ce « non publié », que j’ai souhaité faire revivre en contre-champ de chaque reportage, de sorte que le lecteur puisse lire « entre les lignes » (de front et/ou de prose) et découvrir les dessous du papier glacé, pas toujours héroïques, parfois ridicules, mais toujours humains.

     

    Devoir malgré tout composer avec l’idéologie dominante

    ÉLÉMENTS. Il convient également de ne pas heurter la doxa du moment. Votre ouvrage, où vous nous livrez les dessous de vos reportages, est-il à lire comme une sorte de séance de rattrapage ?

    J-L TREMBLAIS : La doxa dont vous parlez, autrement dit l’idéologie dominante, il faut faire avec, vous avez raison. Arriver à transmettre un message politiquement incorrect dans un article n’est pas toujours facile mais on y arrive plus ou moins, jusqu’au jour où le grand écart et le slalom géant deviennent trop éprouvants pour votre organisme vieillissant. Personnellement, j’avoue que la crise COVID et la guerre d’Ukraine (deux sujets où j’étais en désaccord avec ma direction, alignée sur le narratif officiel) ont été décisives dans mon choix de raccrocher les gants. On ne peut pas être et avoir été (« has been », dans la langue de Shakespeare). Et comme je suis « has been », je vous répondrai que cet ouvrage n’est pas une séance de rattrapage. Rattraper quoi ? Mon avenir n’est pas devant moi, mais derrière moi…

    ÉLÉMENTS. On aurait pu croire que la parole d’un reporter de guerre, qui risque sa vie sur le terrain, valait un peu plus que celle d’un confrère, souvent simple analyste de bureau se contentant de répéter ce qu’il a lu chez d’autres confrères et qui, lui, ne risque jamais rien d’autre que sa place. Le lecteur peut y perdre ses dernières illusions quant à la profession. Et vous, que reste-t-il de celles de vos débuts ?

    J-L TREMBLAIS : N’ayant jamais conçu d’illusions sur cette profession, j’ai la chance de n’en avoir jamais perdues. On ne peut pas vous déposséder de ce que vous ne possédez pas, n’est-ce-pas ? Quand je vois les « confrères » et « consœurs » qui se relaient sur les plateaux de LCI, BFM, Cnews et tutti quanti, je me pince pour savoir si je rêve. Ils/elles sont tous « spécialistes » de l’Ukraine ou du Proche-Orient alors que, pour les trois-quarts, ils/elles (ce n’est pas que je sacrifie à l’écriture inclusive mais le journalisme est aujourd’hui colonisé par la gent féminine) n’ont jamais voyagé plus loin que l’Assemblée Nationale ou les studios de Beaugrenelle-Billancourt. Le summum, c’est quand on leur demande un avis technique sur le missile machin ou le blindé trucmuche. Et qu’ils répondent ! Sans vergogne et avec aplomb, qui plus est ! Alors que nul d’entre eux, nul d’entre elles, n’a entendu siffler une balle à ses oreilles, si ce n’est une balle de tennis… Le journaliste contemporain est un perroquet apprivoisé qui ne pense qu’au cachet, au salaire, à la notoriété et à la célébrité. Au fric et à la frime, pour résumer. Si j’ai choisi le métier de grand reporter (distinct de celui de journaliste), c’est justement pour fuir ces Rastignac de rédaction. Or quel était le seul endroit où on était sûr de ne pas les croiser ? Dans les zones de guerre, évidemment, là où on n’a rien à gagner, mais que des coups à prendre.

     

    « La vérité de la vérité, c’est la guerre », affirmait Michel Foucaut

    ÉLÉMENTS. Puisqu’il s’agit de ne rien cacher aux lecteurs d’Éléments, autant dire la vérité : je vous ai connu au siècle dernier, dans ce que l’on peut nommer la « presse dissidente ». Ce qui m’avait marqué chez vous, c’était une sorte de misanthropie assez célinienne. Après plus de vingt-cinq ans de métier, passés dans des conditions pour les moins inconfortables, désespérez-vous toujours autant de l’âme humaine ?

    J-L TREMBLAIS : Oui, nous étions des dissidents et des précurseurs. Nous avions raison sur tout, mais trop tôt. Et les « autres » ont gagné, ceux qui sont aux commandes. C’est pour cette raison que ni vous ni moi ne présentons le JT de 20 heures, que vous faites des piges pour Éléments et que je fais des livres qui ne se vendront pas (rires) ! Ce que j’ai constaté au cours de mes pérégrinations, c’est que, quelle que soit la longitude ou la latitude, l’être humain n’aime rien tant que faire du mal à son prochain, souvent plus par plaisir que par besoin. Depuis l’époque des cavernes, il excelle en ce domaine. Michel Foucault l’énonçait en ces termes : « La vérité de la vérité, c’est la guerre. » Le reste n’est que littérature. Le comble, c’est que le bipède ne se comporte pas mieux dans la paix. On le voit bien dans nos sociétés occidentales, gavées et châtrées. La violence et la cruauté y sont même plus pernicieuses : État rapace et vorace, lutte des classes et des races, exclusion des pauvres et des faibles, mort des campagnes, etc. En somme, « les hommes sont lourds », comme disait Céline…

    ÉLÉMENTS. Toujours à propos de l’humanité, une chose me frappe dans votre ouvrage, c’est que grande est l’impression que, de l’Afrique noire au Sud-Est asiatique, du Maghreb jusqu’au Machrek, les idéologies ne sont finalement que des habillages et que les appartenances ethniques, tribales, religieuses et culturelles finissent tôt ou tard par reprendre le dessus. Mais peut-être vous ai-je mal lu ?

    J-L TREMBLAIS : Vous avez très bien lu, dans et « entre les lignes ». Les Néandertaliens se défonçaient à coups de massues et de casse-têtes pour le contrôle d’un feu, d’une femme ou d’un cuissot de mammouth. Au moins, c’était clair et net. Rien n’a changé depuis sauf qu’on a effectivement « habillé » cet instinct de mort avec des idéologies. Pour justifier l’injustifiable. Or les idées sont fluctuantes et dépendent des modes. En revanche, les haines ancestrales, tribales ou ethniques, culturelles ou religieuses, ne varient pas d’un iota. Elles donnent le tempo du carnage, toujours.

     

    Le rôle mortifère des ONG

    ÉLÉMENTS. Pareillement, vous paraissez en avoir soupé, de la dose quotidienne de moraline humaniste. À ce propos, quid du rôle des ONG, censées soulager les peuples en proie aux guerres civiles, mais dont on est en droit de se demander si elles ne sont pas les épigones de puissances étrangères. En d’autres termes, il n’y a pas que des hommes des services secrets dans ces officines humanitaires, mais tous les hommes des services secrets y sont. Simple vue de l’esprit ?

    J-L TREMBLAIS : Je vais user d’une métaphore zoologique : les ONG sont aux guerriers ce que les rémoras sont aux requins. Elles se nourrissent des restes du prédateur, dans une symbiose parfaite. Savez-vous qu’on en recense dix millions dans le monde, selon le chercheur Thomas Davies dans Routledgge handbook of NGOs and International Relations ? Avant d’être un faux-nez pour les barbouzes (parfois mais pas toujours), c’est d’abord une remarquable entourloupe. Sous couvert de faire le bien, l’« humanitaire » roule en 4X4 et vit en nabab (souvent servi par des boys indigènes), son salaire étant payé par les donateurs privés ou par les subventions publiques. Je connais bien ces parasites qui, sur place, frayent entre eux dans leurs villas de luxe, sans se mélanger, tout en tenant des discours tiers-mondistes et progressistes : « Aimez-vous les uns les autres. Mais nous, on s’aime entre nous ! » Et quand ces bons-à riens prétentieux rentrent chez eux, c’est pour se pavaner avec l’aura du baroudeur et le prestige du bienfaiteur. Une engeance !

    ÉLÉMENTS. D’ailleurs, à en croire le simple exemple du Rwanda, dans la région des Grands lacs, ces mêmes ONG et leurs complices médiatiques semblent avoir tout mis en œuvre pour désigner la France comme complice des massacres entre Hutus et Tutsis. Mais il est vrai que cette partie du monde abrite des trésors en ses sous-sols. Soit de quoi provoquer nombre de convoitises. Mais pourquoi faut-il que cette vulgate soit reprise par nos médias ? À part Hubert Védrine, il ne s’est pas trouvé grand monde pour venir au secours de l’honneur de nos soldats qui, à en croire le colonel Jacques Hoggar, ont pourtant tout mis en œuvre pour éviter ces massacres…

    J-L TREMBLAIS : L’affaire du Rwanda est un cas exemplaire de désinformation. Pendant quatre ans, avant le massacre de 1994, la France a tout fait pour empêcher cet holocauste, notamment en y dépêchant des forces spéciales. Objectif : éviter la descente des Tutsis, qui faisaient partie de l’armée ougandaise (anglophone), vers Kigali. Car nos services secrets savaient qu’un génocide était programmé. L’armée française a rempli sa mission, mais son chef (selon la Constitution de 1958) était le Président de la République. Or, François Mitterrand venait de lancer sa croisade contre la « Françafrique » et ne jurait plus que par l’effacement de notre mainmise-présence sur le continent africain. Il a donc interdit à l’état-major de faire le nécessaire, ce qui était militairement réalisable, mais ne serait pas passé inaperçu. C’est donc justement parce que nos soldats ne sont pas intervenus (veto de l’Élysée) que le pire a eu lieu. Erreur dont les Américains, qui soutenaient l’Ouganda et les Tutsis, ont profité, faisant d’une pierre deux coups : évincer Paris de la région des Grands Lacs et faire main basse (via le Rwanda de Paul Kagame) sur les richesses minières de cette région limitrophe avec la République démocratique du Congo. Nos médias, qui se complaisent dans le mea culpa et la mauvaise conscience post-coloniale, ont fait ce qu’ils font le mieux : taper sur la France, responsable de tous les maux et les vices de l’Afrique, comme il se doit… Sous le regard extatique de Washington et des multinationales anglo-saxonnes. CQFD.

     

    Quid de notre pré carré africain ?

    ÉLÉMENTS. Toujours dans le même registre, la France vient d’être chassée de son « pré carré africain ». Défaite ou bon débarras ? Les Russes et les Chinois paraissent nous remplacer. Bonne ou mauvaise nouvelle pour les Africains ?

    J-L TREMBLAIS : Il n’y a pas eu défaite puisqu’il n’y a pas eu combat. Les pays qui nous expulsent ne sont forts que par nous sommes faibles. Il eût suffi d’une compagnie de Légion à Ouagadougou pour calmer les esprits et mater les putschistes. À la chicotte et sans même sortir un calibre. On n’est pas partis, on s’est couchés. Position qu’affectionne Emmanuel Macron ; tout le monde sait ça. Ce pourrait être un « bon débarras » si nous étions cartiéristes, « La Corrèze plutôt que le Zambèze », affirmait jadis le journaliste Raymond Cartier. Hélas, je crains que nous refassions les mêmes erreurs qu’avec l’Algérie en 1962 : on continuera de payer pour des gens qui nous crachent dessus. En sexologie, ceci porte un nom : c’est le masochisme, la jouissance dans la douleur, la soumission et l’humiliation. En politique, on appelle ça la décadence et la lâcheté. Quant aux Africains, ils ont commencé à s’en apercevoir avec les mercenaires de Wagner et Africacorps, je ne suis pas certain qu’ils aient gagné au change. Ils reviendront vers nous, comme des enfants penauds reviennent chouiner vers papa/maman mais ce sera trop tard : la France n’existera plus.

    ÉLÉMENTS. L’africaniste Bernard Lugan affirme que la pire erreur qu’on puisse faire à propos de ces populations consiste à les considérer comme des « Européens pauvres », alors qu’ils participent d’une autre culture et que là-bas, l’opposition récurrente se situe plus entre paysans et éleveurs qu’entre Africains démocrates et Africains autoritaires. Et le même d’affirmer que s’il a parfois défendu la colonisation quand elle était attaquée de manière injuste et stupide, ce fut malgré tout une erreur majeure d’aller bouleverser les mœurs de ce continent dont la culture n’est finalement pas plus incongrue que celle des occupants. Après tout, le polythéisme africain n’est pas plus incongru que le folklore panthéiste professé par les francs-maçons…

    J-L TREMBLAIS : J’adhère totalement aux thèses de Bernard Lugan, le meilleur de nos africanistes. Les Français ont une vision tronquée de l’Afrique, transposant là-bas nos mentalités et nos traditions. C’est objectivement une forme de néo-colonialisme, porté par les ONG précitées, les médias grégaires et nos diplomates du Quai d’Orsay (les « danseurs de claquettes » de Sciences Po, selon l’expression de mon ami Lugan). Ce qui se joue depuis toujours sur le continent africain, c’est la lutte pour les terres (et donc pour la survie) entre, d’une par les pasteurs nomades, et d’autre part, les agriculteurs sédentaires. Les peuples de la lance et de la vache contre les peuples de la glèbe et de la houe. C’est ce décryptage qu’il faut appliquer au Rwanda (Tutsis contre Hutus) ou au Mali (Touaregs contre Bambaras), par exemple. Les frontières ou les idées n’y ont aucune espèce d’importance. Je vous rejoins lorsque vous déplorez ce qu’on appelait le « fardeau de l’homme blanc » sous la Troisième république République, j’entends par là notre obsession – celle de la gauche, façon Jules Ferry – à vouloir exporter et imposer nos mœurs, us et coutumes à des peuplades qui avaient déjà les leurs. C’est le péché originel de la République française, que nous payons au centuple aujourd’hui…

     

    Israéliens et Palestiniens : tous terroristes !

    ÉLÉMENTS. Quid des Américains, qui distribuent les bonnes notes, jugeant que tel ou tel État est « voyou » ou ne l’est pas ?

    J-L TREMBLAIS : Les Américains ? « Vaste programme », comme répondit un jour le Général de Gaulle à un ministre qu’i l’exhortait à « s’occuper des cons »… De qui parle-t-on ? Des vrais, à savoir les Amérindiens, peuples libres et fiers, ceux qui vivaient dans les grandes plaines, sans contraintes ni entraves, avant l’arrivée de l’homme blanc ? Ou de ceux qui les ont exterminés, avec le fusil et l’alcool, en moins d’un siècle, c’est-à-dire tous les rebuts de l’Europe (de la prostituée ostracisée au prédicateur excommunié, en passant par le forçat ou le convict proscrits), au nom de la Bible et de la « destinée manifeste » ? Qui est le « voyou » dans cette affaire ? Pour moi, « les » voyous sont les États-Unis, cette entité monstrueuse sans passé ni ADN, faite de bric et de broc, enfantée dans la douleur et la violence (vol des terres, extermination des indigènes, commerce triangulaire, traite des Noirs, esclavage des plantations, guerre de Sécession, culte du pétard et de la potence, loi du Talion, etc.), qui ose désormais faire la morale à la planète. C’est cette nation qui règne sur la moitié du monde depuis 1945 et sur son entièreté depuis 1989 (la chute de l’URSS) ! C’est cette nation qui fait le catéchisme et décrète qui sont les « good guys » et les « bad guys » ! C’est cette nation qui est l’arbitre des élégances morales ! Et ce, alors que toutes les guerres menées par Washington depuis celle de Corée sont hors-la-loi. Pour ces cowboys enrichis et surarmés, le droit international n’existe pas. Toutes leurs interventions militaires le démontrent, du Vietnam à Panama, de la Serbie à l’Irak, en passant par l’Afghanistan. Il n’y a qu’un seul « État-voyou », le capo di capo, le parrain des parrains, le cador du mitan, le serial-killer de l’Histoire (souvenez-vous d’Hiroshima et Nagasaki), c’est l’Oncle Sam.

    ÉLÉMENTS. Il ne vous a pas échappé que la question israélo-palestinienne est au cœur de l’actualité. Là encore, on évoque le terrorisme du Hamas, qui est avéré. Mais quid du terrorisme d’État, celui d’Israël, qui a récemment bombardé un État souverain, le Qatar ? D’ailleurs, dans cette région du monde, les peuples qui la composent n’ont-ils pas été, à un moment ou à un autre, des terroristes avant de fonder des États constitués ?

    J-L TREMBLAIS : Non seulement cela ne m’a pas échappé mais je n’en peux plus de vivre à l’heure de cette « chikaya » familiale, sur laquelle le monde, en général, et la France, en particulier, se focalisent. J’ai l’impression de vivre entre la Judée et Gaza, alors que j’habite dans les monts du Lyonnais ! Dans le pays du « tablier de cochon », cette spécialité gastronomique et identitaire que je vous recommande, à moins que votre confession vous l’interdise, bien sûr… Peu me chaut, à moi, que des cousins brouillés (la tribu d’Ismaël – les Arabes – contre celle d’Isaac – les Juifs –, cf. le Pentateuque et le chapitre relatif à Abraham) s’étripent pour des oliviers, des chevrettes et des mers mortes. J’ai effectué une dizaine de reportages en Israël et en Cisjordanie (et aussi dans la bande de Gaza). Ma conclusion : il n’y a aucune solution pacifique tant le contentieux est multiforme (embrouilles bibliques, tracé des frontières, statut de la Ville Sainte, incompatibilités religieuses, etc.). Terrorisme ? Si les Juifs ne l’avaient pas pratiqué après-guerre (je pense aux groupes armés sionistes comme l’Irgoun ou Stern), jamais ils n’auraient pu chasser les Anglais qui administraient la Palestine et les Arabes qui y habitaient. En face, les autres ne valent pas mieux, surtout depuis la radicalisation de l’Islam et la régression que cela induit. En réalité, on a affaire à un conflit entre des fanatiques possédés par une conception dévoyée de leur Dieu. Mais il ne faut jamais oublier que le litige premier est purement territorial : au nom de la Shoah, on a légitimé la création ex nihilo d’un État israélien et l’expropriation manu militari des Palestiniens. À cet égard, j’aime à citer Cioran dans L’inconvénient d’être né : « Hitler est sans aucun doute le personnage le plus sinistre de l’Histoire. Et le plus pathétique. Il a réussi à réaliser le contraire, exactement, de ce qu’il voulait, il a détruit point par point son idéal. »

    Jean-Louis Tremblais, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Site de la revue Éléments, 24 octobre 2025)

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  • Israël, Iran, USA : vers la 3e guerre mondiale ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous Le samedi politique de TV Libertés, diffusé le 28 juin 2025 et présenté par Élise Blaise, qui recevait Caroline Galactéros pour évoquer la situation géopolitique provoquée par le conflit au Proche et Moyen-Orient...

    Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

                                            

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  • USA, pays du désespoir...

    Le 16 mai 2023, Charles Gave recevait, sur la chaîne de l'Institut des libertés, Xavier Raufer  et  Hervé Juvin pour évoquer la dégénérescence civilisationnelle qui frappe les États-Unis...

     

                                              

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  • USA-Chine, la nouvelle guerre des mondes...

    Dans cette émission du Plus d’Éléments, diffusée par TV Libertés, l'équipe du magazine, autour d'Olivier François, à l’occasion de la sortie du nouveau numéro, décrypte l’émergence de la "bimondialisation" : deux blocs - États-Unis et Chine - qui se font face, avec au milieu une Europe plus désarmée que jamais.
    On trouvera sur le plateau,
    François Bousquet, rédacteur en chef, Patrick Lusinchi, directeur artistique et Rodolphe Cart...

     

                                              

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  • Vers l'explosion des États-Unis ?...

    Les éditions Buchet-Chastel viennent de publier une enquête de Stephen Marche intitulé USA, la prochaine guerre - Vers l'explosion des États-Unis ?. Stephen Marche  est un écrivain, essayiste et journaliste canadien. Il écrit, notamment, pour le New York Times, le Wall Street Journal et le New Yorker.

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    " Depuis la guerre de Sécession, jamais l’Amérique n’a été autant divisée.

    Républicains vs Démocrates, élites des côtes vs Amérique des oubliés, luttes interraciales, contestation de la Cour suprême et des institutions, multiplication des fusillades de masse, assaut du Capitole en janvier 2021…

    Un sondage récent (AEI) révèle que 46 % des Américains pensent qu’une future guerre civile est probable. Le pays est-il au bord de la grande fracture ?

    Stephen Marche a imaginé cinq scénarios plausibles susceptibles de déclencher le chaos : un shérif cynique se battant contre les troupes fédérales et les bureaucrates pour sauver un vieux pont, la tentative d’assassinat de la présidente par un jeune désœuvré, un violent ouragan s’abattant sur New York… cinq événements qui dérapent présentés chacun comme une courte nouvelle et suivis par une analyse minutieuse de leur impact.

    Des scénarios élaborés en interviewant des centaines d’experts – militaires, historiens, policiers, politiciens, écologistes, scientifiques… – et ceux qui, au cœur de l’État, sont déjà chargés de préparer les plans de bataille en cas de guerre civile.

    Stephen Marche nous offre une enquête vertigineuse qui nous interroge avec une grande lucidité sur l’avenir de la démocratie américaine. "

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  • Les grands défis et enjeux géostratégiques du monde multipolaire plein d’incertitudes qui vient...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien accordé par Caroline Galactéros à Valeurs Actuelles, consacré aux enjeux et aux défis géostratégiques de l'année 2021 dans le monde complexe et incertain qui nous entoure, que nous avons cueilli sur Geopragma.

    Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

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    Les grands défis et enjeux géostratégiques de 2021… et du monde multipolaire plein d’incertitudes qui vient

    Alexandre del Valle : La rivalité croissante-économique, technologique et stratégique- entre les deux superpuissances du nouveau monde multipolaire, la Chine et les Etats-Unis, est-elle une tendance lourde, que la crise sanitaire n’a fait que révéler un peu plus ?

    Caroline Galactéros : En effet, l’affrontement de tête entre Washington et Pékin, qui structure la nouvelle donne stratégique planétaire, va bon train sur le front commercial, mais aussi sur tous les autres terrains (militaire, sécuritaire, diplomatique, normatif, politique, numérique, spatial, etc…). La planète entière est devenue le terrain de jeu de ce pugilat géant, en gants de boxe ou à fleurets mouchetés : l’Europe bien sûr, l’Eurasie, mais aussi l’Afrique (où Pékin nous taille des croupières), l’Amérique latine, la zone indo-pacifique (bien au-delà de la seule mer de Chine), et naturellement le Moyen-Orient. Le président chinois Xi Jing Ping a d’ailleurs saisi l’occasion de la curée américaine sur Téhéran pour lancer une contre-offensive redoutable et plus puissante qu’un droit de véto, à la manœuvre américaine de « pression maximale » qui ne fait que renforcer les factions dures à Téhéran. La Chine a en effet volé au secours de Téhéran en nouant cet été un accord de partenariat stratégique de 400 milliards de dollars d’aide et d’investissements (infrastructures, télécommunications et transports) assortis de la présence de militaires chinois sur le territoire iranien pour encadrer les projets financés par Pékin, contre une fourniture de pétrole à prix réduit pour les 25 prochaines années et un droit de préemption sur les opportunités liées aux projets pétroliers iraniens. Cet accord, véritable « Game changer », est passé quasi inaperçu en Europe. Ses implications sont pourtant cardinales : s’il est mis en œuvre, toute provocation militaire occidentale orchestrée pour plonger le régime iranien dans une riposte qui lui serait fatale, reviendra à défier directement la Chine… En attaquant Téhéran, Washington attaquera désormais Pékin et son fournisseur de pétrole pour 25 ans à prix doux. Un parapluie atomique d’un nouveau genre… Pékin se paie d’ailleurs aussi le luxe de mener parallèlement des recherches avec Ryad pour l’exploitation d’uranium dans le sous-sol saoudien…. Manifeste intrusion sur les plates-bandes américaines et prolégomène d’un équilibre stratégique renouvelé.

    ADV : Quel est votre regard sur l’outsider chinois depuis la crise sanitaire ? Doit-on combattre l’exemple anti-démocratique chinois qui séduit de plus en plus de pays du monde en voie de polarisation, donc de désoccidentalisation ?

    CG : 2020 aura été l’année d’une accélération de la « guerre des capitalismes » qui fait rage désormais entre le capitalisme libéral occidental et son adversaire déclaré, le capitalisme politique chinois. Au grand dam de l’Occident, Pékin est en passe de résoudre la contradiction propre au système capitaliste occidental, qui détruit de l’intérieur la liberté des individus à force de l’exacerber, pour proposer une synthèse efficace et séduisante pour bien des pays, entre nation, développement collectif et prospérité individuelle. C’est du dirigisme, c’est une pratique autoritaire du pouvoir, c’est une restriction manifeste des « droits de l’homme », c’est le contrôle social direct grandissant des populations, oui. Mais c’est aussi la parade du pouvoir de Pékin à la déstabilisation extérieure ou au débordement intérieur par la multitude, c’est une réponse à la nécessité de sortir encore de la pauvreté des centaines de millions de personnes, et c’est le moyen de projeter puissance et influence à l’échelle du monde au bénéfice ultime des dirigeants mais aussi du peuple chinois. Au lieu de crier à la dictature, nous ferions mieux d’observer cette synthèse très attentivement et d’analyser sa force d’attraction. Les modèles de puissance et de résilience collective au mondialisme (tout en l’exploitant à son avantage) ont bougé depuis 30 ans. L’ethnocentrisme occidental et le moralisme dogmatique ne passent plus la rampe et brouillent le regard.

    ADV : Sur le terrain des accords de libre-échanges en Asie, peut-on dire que la Chine a rempli le vide provoqué par le relatif désengagement américain sous l’ère Trump ? 

    CG : Dans cette guerre « hors limites », et sans même parler ici de l’enjeu cardinal du contrôle – étatique ou via des GAFAM ou BATX (dans la version chinoise) complaisants – des données personnelles de centaines de millions de consommateurs-clients, Pékin vient de prendre magistralement l’avantage sur Washington avec la conclusion, le 15 novembre, du RECP (Regional Comprehensive Economic Partnership) avec quinze pays d’Asie. Cet accord constitue une bascule stratégique colossale et inquiétante dont ni les médias ni les politiques français ne pipent mot. Voilà le plus grand accord de libre-échange du monde (30 % de la population mondiale et 30 % du PIB mondial) conclu entre la Chine et les dix membres de l’ASEAN (Brunei, la Birmanie, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam), auxquels s’ajoutent quatre autres puissantes économies de la région : le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Cette nouvelle zone commerciale gigantesque se superpose en partie au TPP (Trans-Pacific Partnership) conclu en 2018 entre le Mexique, le Chili, le Pérou et sept pays déjà membres du RCEP : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Brunei, le Japon, la Malaisie, Singapour et le Vietnam. Un TPP dont les Etats-Unis s’étaient en effet follement retirés en 2017. Ainsi se révèle et s’impose soudainement une contre manœuvre offensive magistrale de Pékin face à Washington.  Où est l’UE là-dedans ? Nulle part ! Même l’accord commercial conclu en juin 2019 entre l’Union européenne et le Mercosur doit encore être ratifié par ses 27 parlements… Seule la Grande-Bretagne, libérée de l’UE grâce au Brexit, en profitera car elle vient habilement de sa rapprocher du Japon signataire du RCEP et du TPP…

    ADV : Passons à notre voisin continental : les relations Occident – Russie sont-elles irréparablement endommagées ? L’Europe est-elle condamnée à rester une “impuissance volontaire”, prise en tenailles entre Chine, empire américain et Turquie néo-ottomane ?

    CG : Rien n’est irréparable mais le temps a passé, la Russie a évolué et compris qu’elle n’était ni désirée ni attendue. Aujourd’hui, Moscou ne croit plus en l’Europe. Quant à la France, elle parle beaucoup mais n’agit pas. Trop de d’espérances, trop d’illusions sans doute, et bien trop de déceptions.  La Russie n’a plus le choix et pivote décisivement vers l’Est et la Chine par dépit et nécessité.

    Nous avions pourtant en commun tant de choses, et a minima, la commune crainte d’un engloutissement / dépècement chinois. Comme la Russie, l’Europe est en effet prise entre USA et Chine. Le point de rencontre -et de concurrence- Russo-chinois est l’Asie centrale. Certes, il existe depuis 2015 un accord d’intégration de l’UEE (Union économique eurasiatique) dans les projets des Nouvelles Routes de la Soie conclu entre les présidents Poutine et Xi Jing Ping. Mais c’est un accord très inégal, du fait des masses économiques et financières trop disparates entre Moscou et Pékin qui avance à grands pas avec l’OBOR et au sein de l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï) pour contrôler l’Asie centrale, pré-carré russe, puis se projeter vers l’UE. Moscou sait combien l’étreinte chinoise peut se transformer en un « baiser de la mort » si l’UE et la Russie ne se rapprochent pas autour d’enjeux économiques industriels et sécuritaires notamment. La Russie est en conséquence, n’en déplaise à tous ceux qui la voient encore comme une pure menace, l’alliée naturelle de l’UE dans cette résistance qui ne se fera ni par le conflit, ni par l’intégration stricte, mais par la coopération multilatérale et multisectorielle. C’est une évidence géopolitique, et il suffit de lire les stratèges anglo-saxons pour comprendre le piège dans lequel nous nous sommes laissés enfermés à notre corps consentant depuis bien trop longtemps. L’Europe est une courtisane sans grande ambition. Servile, soumise, paresseuse, ignorante de ses intérêts profonds qui auraient dû la porter à considérer la Russie comme un morceau d’Europe et d’Occident, un atout d’équilibre face à la domination américaine et un bouclier contre la vampirisation chinoise.

    ADV : Nous voilà revenus aux fondamentaux de la géopolitique de Mackinder et Spykman, du Russe Danilevski à l’Américain à Brezinski : L’Eurasie et le Heartland, “pivot géographique de l’Histoire”…

    CG : L’Eurasie est en tout cas sans équivoque l’espace naturel du maintien de la puissance économique européenne et de son renforcement stratégique à court, moyen et long terme. C’est le socle du futur dynamique de l’Europe. Nous devrions donc nous projeter vers cet espace plutôt que de nous blottir frileusement en attendant que Washington, qui poursuit à nos dépens ses objectifs stratégiques et économiques propres, consente à nous libérer de nos menottes. Les parties orientale et occidentale du continent eurasiatique sont en effet les deux plus grandes économies mondiales : l’UE et la Chine. Pour ne parler que de l’UEE -pendant de l’UE-, c’est un marché de plus de 180 millions d’habitants (sans parler de tous les accords de partenariat en cours de négociation). L’Organisation de Coopération de Shangaï (OCS) rassemble quant à elle 43% de la population mondiale mais est dominée par la Chine. La force de l’Eurasie tient à son capital en matières premières et ressources minérales. 38% de la production mondiale d’uranium sont notamment concentrés au Kazakhstan. 8% du gaz et 4% du pétrole aussi, pour les seuls pays d’Asie centrale, sans compter naturellement la Russie. La construction d’infrastructures gigantesques à l’échelle continentale de l’Eurasie est la grande affaire du XXIème siècle. Avec le passage des corridors et routes de transit, on est face à un gigantesque hub de transit eurasiatique. 

    ADV : Un rapprochement avec la Russie a-t-il vocation à être durablement bloqué par les sanctions contre une Russie (à cause de l’Ukraine) et la question de l’opposition “persécutée” par le pouvoir de Vladimir Poutine que beaucoup qualifient de « Démocrature » ?

    CG : Si l’UE (et ses acteurs économiques petits ou grands) se rendait compte du potentiel économique, géopolitique et sécuritaire qu’un dialogue institutionnel et une coopération étroite avec l’Eurasie au sens large (Asie centrale plus Russie) recèle, elle sortirait ipso facto de sa posture si inconfortable entre USA et Chine, et constituerait une masse stratégico-économique considérable qui compterait sur la nouvelle scène du monde. Il faut en conséquence ne pas craindre d’initier des coopérations économiques, politiques, culturelles, scientifiques et évidemment sécuritaires entre ces deux espaces. Or, ce sujet n’est quasiment jamais abordé dans son potentiel véritable et est quasi absent des radars de l’UE et de celle de la plupart de nos entreprises. Par anti-russisme primaire, inhibition intellectuelle, autocensure, aveuglement.  L’UE veut certes bien collaborer avec l‘Asie centrale, mais en en excluant la puissance centrale et stratégiquement pivot ! Elle voit l’Eurasie à moitié. Ce n’est évidemment pas un hasard, mais c’est une erreur stratégique lourde qui procède d’un aveuglement atlantique. Encore une fois, nous faisons le jeu américain sans voir que nous en sommes la cible. 

    On me retorquera que rien n’est possible sans le règlement des questions de l’Ukraine et de la Crimée et surtout sans le règlement de « la grande affaire » fondamentale qui agite les chancelleries occidentales : le sort de l’opposant Alexei Navalny ? C’est ridicule ! Ce sont des « freins » largement artificiels et gonflés pour les besoins d’une cause qui n’est pas la nôtre et nous paralyse, pour justifier les sanctions interminables, pour limiter les capacités économiques et financières russes face à Pékin et neutraliser le potentiel économique européen. Ce sont aussi des prétextes que l’on se trouve pour se défausser de notre seule responsabilité véritable : reprendre enfin notre sort en main ! Tout cela saute aux yeux. Pourquoi, pour qui se laisser faire ? Il nous faut prendre conscience de l’urgence vitale qu’il y a à changer drastiquement d’approche en y associant des partenaires européens parfois contre-intuitifs, tels la Pologne, pont logistique idéal entre les deux espaces.

    L’intégration continentale eurasiatique en tant que coopération des sociétés et des économies à l’échelle du continent eurasiatique tout entier doit donc devenir LA priorité pour l’UE et la nouvelle Commission européenne. La modernisation et la puissance économique sont en train de changer de camp. L’Europe s’aveugle volontairement par rapport à cette révolution. Ses œillères géopolitiques et l’incompréhension dans laquelle elle demeure face à la Russie qui est pourtant son partenaire naturel face à la Chine comme face aux oukases américains extraterritoriaux, l’empêchent de tirer parti des formidables opportunités économiques, énergétiques, industrielles, technologiques, intellectuelles culturelles et scientifiques qu’une participation proactive aux projets d’intégration eurasiatique lui permettrait. Il faut en être, projeter nos intérêts vers cet espace d’expansion et de sens géopolitique si proche et si riche, et cesser de regarder passer les trains en attendant Godot.

    ADV : Passons au changement de pouvoir aux Etats-Unis. Le bilan de la présidence Trump est-il aussi horrible qu’on le dit ?  L’arrivée de Joe Biden est-elle une bonne nouvelle pour la France et l’UE ?

    CG : Trump a été un président honni comme probablement aucun de ses prédécesseurs par « l’Establishment » au sens large qu’il avait défié par sa victoire et dont il a révélé sans tabou les turpitudes. En dépit de la curée politico-médiatique haineuse et sans trêve qui aura pourri toute sa présidence, avec un « Etat profond » à la manœuvre et des médias hystériques, il a réussi à remettre l’économie américaine en très bonne posture, à mener à bien (quoi qu’on en pense sur le fond), la grande manœuvre anti-iranienne de consolidation du front sunnite pétrolier contre Téhéran, sans pour autant céder à la guerre (en dépit de tous les efforts des bellicistes “néocons” emmenés par le très dangereux John Bolton). Sans la pandémie et son approche désinvolte et toute concentrée sur la nécessité de ne pas enrayer le moteur économique du pays, il aurait remporté un second mandat, ayant même réussi à séduire des franges de l’électorat noir et latino et à gagner près de 75 millions de voix (4 millions de voix de plus qu’en 2016) dans ce contexte de cabale permanente et jusqu’au-boutiste contre lui. 

    Avec Biden, on est repartis comme en l’an 40…. De mon point de vue, Joe Biden, quelles que soient ses qualités, est évidemment une très mauvaise nouvelle pour l’Europe et la France, qui voient se refermer la fenêtre d’opportunité inespérée que le discours trumpien – ouvertement humiliant et sans équivoque – nous avait offert pour enfin sortir de l’enfance stratégique, nous réveiller, faire nous aussi notre « Shift towards Asia » et nous projeter vers notre espace naturel de croissance économique et de densité géopolitique et sécuritaire que constitue l’Eurasie. Une projection qui passe évidemment par une complète révision de notre relation avec la Russie mais qui pourra seule nous permettre d’échapper à la double dévoration sino-américaine qui nous attend.

    Ce sursaut salutaire, qui, aujourd’hui, en France ou en Europe, est capable d’en donner l’impulsion ? Je ne sais pas. Mais il est certain qu’avec Biden, ce n’est pas « un ami » que l’on a retrouvé (Les Etats n’ont pas d’amis) mais notre « doudou » ! Joe Biden est notre bon papa américain qui est enfin revenu pour nous protéger et nous rassurer. Atteints d’un syndrome de Stockholm géant, nous nous sentions depuis quatre ans stupidement orphelins de la férule américaine en gants de velours. Le problème est que ce président ne nous apportera rien d’autre qu’une excuse pour rester à jamais piégés dans une servitude consentie. Bref, je crains fort que nous ne sortions plus, sinon au forceps et sous l’impulsion d’un visionnaire courageux, de notre vassalité stratégique suicidaire vis-à-vis de Washington. L’Allemagne a d’ailleurs pris les devants des retrouvailles avec le puissant « oncle d’Amérique », et ce faisant, elle prend aussi le lead de l’Europe, là encore avec l’aval américain. C’est « le chouchou » de Washington et elle fera tout, y compris contre nous, pour le rester en donnant des gages… jusqu’à vendre des sous-marins à la Turquie ou affirmer que l’OTAN est à jamais l’alpha et l’oméga de la défense européenne. On est très loin de la « mort cérébrale » de l’Alliance ! Avec Biden c’est donc la méthode, non le fond qui va changer, et Berlin a clairement saisi la balle au bond, en réaffirmant sans états d ’âme sa soumission consentie aux oukases américains, enfonçant un dernier clou dans le cercueil de « l’Europe puissance », trop heureuse de rabattre leur caquet à ces Français qui rêvent mollement de ruer dans les brancards, de recouvrer leur souveraineté et osent même prétendre à l’ascendant politique sur elle, première puissance économique de l’Union. Le « couple franco-allemand » est un rêve de midinette française. L’alliance de la carpe et du lapin.

    ADV : L’accusation de tentative de “coup d’Etat” imputée au camp Trump est-elle sérieuse ? Trump a-t-il fracturé l’Amérique ?

    CG : Ce qui s’est passé au Capitole n’est en tout cas pas une tentative de coup d’Etat. Le contresens politique et médiatique délibéré entonné sur tous les canaux d’information là-bas comme ici, est tellement énorme et rabâché comme une évidence qu’on finit par le croire pour ne pas devoir accuser nos journalistes de complaisance avérée ou d’aveuglement gravissime. Pour ma part, j’y vois la révolte d’un électorat qui a subitement compris qu’il devait rentrer dans sa boîte et ne s’y est pas résolu. Les insurgés du Capitole sont en fait nos gilets jaunes. Ils auront souffert le même déni et le même mépris. Cette intrusion aura incarné la très profonde crise de la démocratie américaine, c’est-à-dire de la représentativité du système politique existant qui est en lambeaux. Le divorce entre les élites et le peuple est profond et Trump s’en est fait le héraut. Ce n’est pas lui qui a fracturé la société américaine. Les fractures sont anciennes, grandissantes mais désormais béantes. Le « coup d’Etat », c’est en revanche le refus même du DOJ (Department of Justice) d’examiner les recours pour fraude, c’est le double « impeachment », ce fut l’interminable « Russia Gate », c’est l’exploitation sans vergogne du système institutionnel et médiatique et du juridicisme américains par les Démocrates pour étouffer à tout prix, via Trump, une menace populaire montante, perçue comme illégitime et dangereuse par les élites qui confisquent le pouvoir depuis des décennies dans ce pays.

    ADV : Voit-on se confirmer la “vraie” nouvelle fracture idéologique qui oppose non plus gauche et droite mais “Patriotes” (terme cher à Trump) et mondialistes”, clivage visible aussi en Europe occidentale ?

    CG : Les Européens, et singulièrement les gouvernants et médias français qui avalent cette pâtée ridicule sans une once d’esprit critique, hurlent avec les loups et assènent délibérément des contresens, montrent leur servitude mais aussi leur peur panique de voir cela leur arriver et bousculer leurs Landernau établis. Ils sont plus inquiets que jamais devant les éruptions démocratiques populaires au sein de l’UE, car elles menacent leurs positions acquises. C’est pourquoi ils vouent aux mêmes Gémonies que Trump ses avatars européens (hongrois, polonais ou tchèque), qui, comme lui, écoutent leurs peuples et essaient de faire entendre leurs voix. L’anathème contre le « populisme » est infiniment plus confortable que d’admettre que ce sont là des réflexes de survie des peuples européens qui ne veulent pas succomber à l’arasement identitaire et culturel et à la décadence politique et stratégique. Des peuples qui ne veulent pas d’avantage être noyés dans la « Cancel culture » ravageuse qui est en train d’instaurer, à coups d’excommunications rageuses et au nom de la morale et du progrès, une bien-pensance débilitante qui détruit les individus en prétendant protéger leur liberté narcissique débridée et en faisant sauter les ultimes verrous du bon sens et de la nature, au profit d’une terrifiante dictature des minorités et de tous leurs fantasmes déconstructeurs.

    ADV : Enfin, quelles perspectives pour le Moyen-Orient en 2021 ? Le possible retour des Etats-Unis de Biden dans l’accord sur le nucléaire iranien de 2015, dont Trump s’était retiré, et le rapprochement entre Israël et plusieurs Etats arabes dans le cadre des accords d’Abraham sont-elles des bonnes nouvelles ? 

    CG : L’année a débuté de façon à mon sens dangereuse avec l’assassinat en Irak, le 2 janvier 2020, du général iranien Qassem Soleimani, chef de la force al Qods des Gardiens de la Révolution. Figure héroïque et fer de lance de la politique d’influence régionale de l’Iran, il est assassiné alors même qu’il était chargé de transmettre via Bagdad un message d’apaisement à Ryad, notamment à propos de la sinistre et folle guerre du Yémen initiée par le prince Héritier Mohamed Ben Salman (MBS). Il fallait donc qu’il meurt, puisque la paix ou même le simple apaisement ne semble résolument pas une option séduisante à ceux que le conflit nourrit, et à leur puissant parrain d’outre Atlantique qui vit de et par la guerre, inépuisable source d’influence et de prospérité. Sans parler du fait qu’il fallait sans plus attendre, mettre un frein à l’influence iranienne en Irak que le général Soleimani consolidait activement via les milices chiites locales.

    A l’autre bout de l’année, les « Accords d’Abraham », patronnés par Washington et signés en septembre 2020 entre Israël et son « protégé/obligé » saoudien d’une part, les EAU et Bahreïn désormais rejoints par le Soudan et le Maroc d’autre part, au nom de la normalisation des pays de la région avec l’Etat Hébreu, donnent une idée de la vaste manœuvre d’enveloppement et de récupération stratégique imaginée à Tel Aviv et à Washington. Judicieuse réunion de toutes les monarchies pétrolières sunnites contre l’Iran accusé de tous les maux, mais, bien au-delà de la question nucléaire, avant tout redouté en Israël pour sa ressemblance et non sa différence avec l’Etat hébreu en termes de profondeur culturelle et civilisationnelle, mais aussi de niveau intellectuel industriel, technologique. Bref, pour Tel Aviv, le jour où le marché iranien sera ouvert au monde, ce sera un concurrent redoutable dans le coeur de Washington. Tout n’est évidemment pas à jeter dans cette « manip » des Accords d’Abraham, notamment l’influence croissante des EAU qui sont sans doute les partenaires les plus avisés du coin. Mais la ficelle est grosse, la marginalisation définitive de la question palestinienne en est clairement l’un des effets indirects attendus, et la poursuite de la déstabilisation active des Etats récalcitrants (Liban Syrie, Libye) l’une des compensations manifestes. Même le Qatar semble désormais tenté de rejoindre cet attelage hétéroclite présenté comme « progressiste et moderne », ne serait-ce que pour porter financièrement secours au Hamas à Gaza …avec la bénédiction d’Israël. Il reste néanmoins probable que cette « coordination » sous tutelle n’apaisera pas la lutte pour le leadership du monde sunnite qui oppose Ryad à Ankara, mais aussi à Téhéran, Aman, Doha ou Casablanca, tout en faisant les affaires de Washington que la fragmentation régionale sert par construction. On voit par ailleurs que l’échec des interventions américaines directes ou par « proxys » occidentaux en Irak, Libye, Syrie, qui a permis à la Russie de revenir dans la région depuis 2015, doit être contrecarré en jetant la Turquie dans les pattes de Moscou en Libye, en Syrie et dans le sud Caucase notamment, et qu’il s’agit donc aussi, en polarisant au maximum l’affrontement avec l’Iran, de reprendre la main dans la région contre la Russie, mais aussi contre la Chine dont les diplomaties subtiles et très actives deviennent préoccupantes pour Washington.

    ADV : Vous connaissez bien la Russie et le Caucase : que répondre à ceux qui estiment qu’en Libye et dans le Caucase, la Russie s’est humiliée devant Erdogan qui aurait freiné Haftar à Tripoli et aidé l’Azerbaïdjan à vaincre les Arméniens du Haut Karabakh en plein « étranger proche russe » … 

    CG : Je ne crois pas qu’il faille psychologiser ainsi l’interprétation des événements. La Russie a fait son grand retour sur la scène internationale depuis 2015 et a démontré qu’en dépit de toute la diabolisation, les permanentes manœuvres et les pressions de tous ordres dont elle fait l’objet, elle est toujours une puissance globale dotée d’un pouvoir incarné et populaire, qui se bat pour sa stabilité, son développement et son influence sur l’ensemble de la planète.  

    Quant à l’émergence tonitruante de la Turquie comme puissance déstabilisatrice aux ambitions débridées, ce n’est pas un phénomène sui generis. Le président Erdogan ne pourrait se permettre un dixième de ses foucades et provocations sans le blanc-seing direct ou complaisant de Washington. L’irruption turque dans les affaires mondiales manifeste l’indifférence américaine pour la stabilité de l’Europe et son hostilité paléolithique pour Moscou. Les Etats-Unis utilisent et continueront d’utiliser Ankara comme « proxy » en Syrie, en Libye, dans le sud Caucase et en Asie centrale contre Moscou, en Méditerranée orientale contre les Européens, qu’il s’agit depuis toujours de diviser et d’empêcher de pouvoir jamais atteindre une quelconque forme de puissance collective.

    ADV : Quel est le jeu de l’Allemagne dans cet échiquier mondial de plus en plus polycentrique ?

    CG : Dans ce marché de dupes, Berlin est en convergence tactique (et évidemment stratégique) avec Washington contre Paris, et nous savonne aimablement la planche en se désolidarisant ouvertement de nos postures et gesticulations sur la souhaitable « souveraineté européenne » afin d’assurer la finalisation de Northstream2 en dépit de l’hostilité américaine. La Chancelière allemande fait sans vergogne payer à l’Europe la note du chantage migratoire turc tout en vendant des sous-marins au néo sultan qui exulte d’une telle inconscience. Pourquoi d’ailleurs s’en priver puisque nous ne disons rien ? Le Président Erdogan joue donc sur tous les tableaux car il se sait indispensable à chacun. Il achète des anti-missiles S400 à Moscou et fait fi du courroux américain. La Russie en joue, elle aussi, et manie habilement la carotte et le bâton envers Ankara, selon les zones et les sujets, y compris dans le Haut Karabakh en dépit des apparences. Chacun a besoin de l’autre notamment en Syrie, même si la poche d’Idlib devient bien étroite pour le jeu d’influence des uns et des autres. Sans doute Joe Biden goûtera-il moins que Trump la grossièreté du président turc et ses crises mégalomaniaques. Mais ne nous y trompons pas. Au-delà de probables « condamnations » médiatiques – que nous boirons comme du petit lait, naïfs chatons que nous sommes-, cela ne devrait malheureusement pas modifier en profondeur l’attitude américaine envers la Turquie, puissance majeure du flanc sud de l’Alliance atlantique et très utile caillou dans la chaussure russe, ni envers l’Europe, éternelle vassale appelée à prendre « ses responsabilités », c’est-à-dire, à tout sauf à l’autonomie ne serait-ce que mentale. Être « des Européens responsables » signifiera toujours, pour Washington, être des Européens dociles, obéissants et inconditionnellement alignés sur les prescriptions et intérêts ultimes de l’Amérique.

    ADV : Et celui de la France ? 

    CG : Quant à la France, que son suivisme abscons a plongée dans un discrédit global lourd depuis le milieu des années 2000 (quelles que soient nos épisodiques gesticulations martiales pour nous rassurer), elle est désormais clairement hors-jeu au Moyen Orient. Plus personne ne la prend au sérieux ni ne supporte ses leçons de morale hors sol. Notre incapacité à définir enfin les lignes simples d’une politique étrangère indépendante et cohérente nous coupe les ailes, sape notre crédibilité résiduelle et nous rend parfaitement incapables de constituer un contrepoids utile pour les « cibles » américaines qui ne sont pourtant pas les nôtres et dont la diabolisation ne sert en rien nos intérêts nationaux, qu’ils soient économiques ou stratégiques. Il faut sortir, et très vite, de cet aveuglement.

    Pendant ce temps, la France plonge dans une diplomatie décidément calamiteuse qui l’isole et la déconsidère partout. Elle vient d’abandonner le Franc CFA pour complaire au discours débilitant sur la repentance et les affres de la Françafrique. On continue sur l’Algérie. On expie bruyamment. On ne sait pas vraiment quoi à vrai dire… Mais on se vautre dans les délices masochistes du renoncement. On laisse la place à Pékin, Washington, Moscou et même à Ankara. Il ne sert à rien de geindre sur « l’entrisme » de ceux-là en Afrique, quand on leur pave ainsi la voie. Il faudrait vraiment arrêter avec « le sanglot de l’homme blanc ». Il faut refondre notre diplomatie et aussi d’ailleurs remettre la tête à l’endroit de nombre de nos diplomates au parcours brillant mais incapables de sortir d’un prêt-à-penser pavlovien (anti russe, anti iranien, anti syrien, anti turc même !) qui nous paralyse et nous expulse du jeu mondial. Il faut enfin apprendre à répondre à l’offense ou à la provocation, et à ne pas juste se coucher dès que l’on aboie ou que l’on n’apprécie pas nos initiatives souvent maladroites ou sans consistance, mais aussi parfois courageuses. « Tendre l’autre joue » n’est tout simplement pas possible sur la scène du monde. On s’y fait vite piétiner. Pour être pris au sérieux, il ne faut pas toujours « calmer le jeu ». Il faut montrer les dents avec des « munitions », donc une vision, une volonté et des moyens affectés aux priorités régaliennes.

    ADV : Quel enseignement tirez-vous de la crise sanitaire qui va être également une grave crise économique en 2021 et même socio-politique ? Quel bilan pour la France ?

    CG : Je ne peux éluder ce qui fait cauchemarder les peuples et les dirigeants du monde entier et singulièrement ceux d’Occident depuis un an : la pandémie du COVID 19. Le premier enseignement est que fut initialement démontrée l’inanité de la solidarité et de la lucidité européennes, avec un lamentable retard à l’allumage dans la coordination des politiques. On laissa piteusement tomber les Italiens, on se vola des cargaisons de masques, bref le chacun pour soi a la vie dure, surtout quand certains Etats ferment intelligemment leurs frontières et que d’autres les laissent béantes « par principe ». J’en conclue tout d’abord que ce sont les Etats les plus décisifs, les plus « agiles », les plus pragmatiques et les plus capables de contraindre des franges de leurs populations – tout en maintenant leur économie active – qui s’en sortent le mieux économiquement et même sanitairement. En France, le bilan est lourd. Nous aurons démontré urbi et orbi non seulement la faillite de notre système de soins, autrefois excellent et toujours très généreux mais exsangue, mais plus encore celle de l’armature étatique et administrative de notre pays, embolisée par une bureaucratie en roue libre qui n’obéit plus. Il faut dire que l’autorité est un gros mot, l’esprit d’Etat un fossile et l’obéissance une vertu démonétisée du fait de la certitude de l’impunité en ce domaine comme en bien d’autres.

    L’amateurisme politique, l’incurie logistique, et l’arrogance satisfaite de nos gestionnaires au petit pied, rien ne nous aura été épargné. Notre pays est moralement et économiquement à terre. Dès que nous serons sortis de la phase critique de la pandémie qui fait écran et permet au pouvoir de remplir à seaux le tonneau des Danaïdes au nom de l’urgence sanitaire, la déroute économique et sociale et le déclassement seront massifs. Les Français, à force d’infantilisation et de matraquage médiatique angoissant, en ont perdu leur latin et moutonnent en grommelant. Nos « responsables », dans un déni sidérant, se gargarisent indécemment de leur prétendue bonne gestion. Le réel est définitivement déconnecté de la perception, grâce à une communication quasi totalitaire et à un entêté « tout va très bien Madame la Marquise ! » qui veut rassurer le Français désabusé. Il sait pourtant bien, lui, que tout va très mal, mais il cherche protection jusque dans l’illusion et le renoncement. La politique ce n’est pas de la « com », de l’image, encore moins de la gestion à la petite semaine et au doigt mouillé. C’est une vision, du courage, l’acceptation du risque et de l’impopularité, de la planification, de la logistique implacable… et de l’autorité ancrée dans l’exemplarité. Pas du caporalisme ni de l’infantilisation de masse. De l’autorité, qui produit de la confiance et oblige chacun à l’effort.

    Caroline Glactéros, propos recueillis par Alexandre del Valle (Geopragma, 22 janvier 2021)

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