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puissance - Page 11

  • Nucléaire, souveraineté et puissance...

    Alors que la question du nucléaire va sans doute être au coeur de l'élection présidentielle de 2012, nous reproduisons ce point de vue éclairant de Bruno Racouchot, paru cet été dans Valeurs actuelles. Bruno Racouchot, directeur de la société COMES, publie la lettre d'information Communication & Influence

     

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    Les combats du nucléaire

    Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En France, les centrales nucléaires assuraient en 2010 74,1 % de notre production d’électricité, 12,4 % étant fournis par l’hydraulique et 10,8 % par le thermique à combustible fossile, les autres moyens se révélant dérisoires. En Allemagne, la même année, le nucléaire représentait 28,4 % de la production d’électricité et aux États-Unis, 19,6 %. De fait, même si le gouvernement français a récemment lancé un exercice de prospective envisageant divers scénarios de sortie du nucléaire, rien ne peut ni ne doit se faire dans la précipitation.

    D’autant qu’au-delà des aspects strictement techniques du dossier, c’est essentiellement sur les images, les peurs, les fantasmes que va se jouer la bataille de l’opinion. L’onde de choc de Fukushima met à mal le couple franco-allemand, et partant, toute l’Europe. Il faut dire que les intérêts en jeu sont colossaux et qu’ils excitent bien des groupes de pression, désireux de nous voir renoncer à notre indépendance et tomber en sujétion.

    Le public français va donc être soumis dans les mois et les années à venir à de rudes attaques.

    D’autant qu’interrogés lors d’un récent sondage Ifop-le Monde, nos concitoyens font plutôt montre de réalisme. Ils reconnaissent que l’énergie nucléaire joue un rôle important dans notre indépendance énergétique (85 %), que grâce au nucléaire, la production d’électricité est sûre et constante (79 %) et que cette énergie est produite à un coût plus faible que par d’autres modes de production (73 %). Or, il existe au moins deux bonnes raisons d’attaquer ce consensus : la première est d’ordre technologique, la seconde d’ordre géopolitique. L’Allemagne prépare une mutation majeure de son économie sur le plan énergétique. En changeant de levier au profit des énergies alternatives, elle va bénéficier d’une forte avance technologique, qui constituera un atout à l’international. Le tout est de savoir quand.

    C’est là un défi qui s’étend bien au-delà du simple paramètre technique. Il pose la question de l’organisation de la société et surtout de l’adhésion à un projet de vie. Entre également en perspective ici la dimension géopolitique. Si l’Allemagne peut se permettre ce virage, c’est parce qu’elle sait pouvoir s’appuyer sur Gazprom. Qu’elle se détache progressivement de l’Europe de l’Ouest pour s’amarrer à la puissance continentale majeure qu’est la Russie n’est pas anodin. La France se trouve donc coincée de facto entre pétrole et gaz, entre l’enclume américaine et le marteau russe. Notre filière nucléaire va donc devoir combattre sur deux fronts à la fois, et sur des registres bien différents de ceux auxquels elle est accoutumée. Aussi devons-nous faire très vite notre propre mutation si nous voulons traverser cette épreuve.

    Car contrairement aux apparences, ce n’est pas seulement sur le plan rationnel qu’il va falloir agir. Les antinucléaires sont inquiétants à double titre : ils sont instrumentalisés par des groupes de pression connaissant parfaitement les techniques de manipulation et de désinformation ; et leur combat est avant tout idéologique, pour ne pas dire cryptothéologique. Ceux qui en douteraient devraient lire le dernier essai de Régis Debray, Du bon usage des catastrophes (Gallimard), où il rappelle par exemple que c’est par des images, des révélations, du merveilleux, que le christianisme a fait tomber un Empire romain trop sûr de sa force et de son droit… Nous allons inéluctablement voir se multiplier les attaques de toutes sortes, y compris à l’intérieur de l’appareil européen. Voilà pourquoi nous devons très vite anticiper la nature des affrontements à venir. Loin des équations et des algorithmes qui parlent peu à l’homme de la rue, c’est dans le domaine des idées, sur le plan communicationnel et informationnel que va se jouer la vraie bataille. Il est urgent de penser la communication de nos grands groupes énergétiques autrement. Donc, de changer d’échiquier, de rompre avec les postures défensives, pour occuper – réellement – le terrain de l’influence. L’influence, c’est avant tout donner du sens. C’est soutenir une stratégie qui sait et qui dit où l’on va, ce que l’on veut. C’est affirmer et assumer une identité forte. C’est avoir une perception de son devenir allant bien au-delà de son seul coeur de métier. C’est tisser en permanence des passerelles entre la realpolitik et l’imaginaire pour répondre aux attentes, aux craintes, aux espoirs. En explorant les champs connexes à son activité, en communiquant de manière à donner du sens à l’action engagée et à la stratégie suivie, on donne la preuve que l’on a une perception synoptique des enjeux. Consciemment ou non, les Français veulent que notre pays déploie une stratégie de puissance digne de ce nom, qui lui rende son dynamisme et sa grandeur. Les combats de demain se joueront dans les têtes. La bataille des idées sera déterminante. Il est grand temps, pour nos élites, de faire montre d’un nouvel état d’esprit, lucide, déterminé, pragmatique, et d’intégrer une bonne fois pour toutes les stratégies d’influence dans leur stratégie globale. 

    Bruno Racouchot (Valeurs actuelles, 4 août 2011)

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  • «Puissance» : mot tabou ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre Deplanche, cueilli sur le site Infoguerre et consacré à la disparition du concept, et même du mot, dans le débat publique...

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    «Puissance» : mot tabou ?

    Pourquoi ne parle-t-on plus de puissance aujourd’hui en France ? Le thème n’est, à ce jour, porté par aucun des candidats à la présidence de la république. Les problèmes qui se posent à la France sont pourtant légions. Suffirait-il d’affirmer que l’amoindrissement de la France dans certains domaines, ou en tout cas de la perception que nous en avons – qui est bien souvent celle que des « déclinologues » forgent pour nous et nous distillent – peut nous conduire à intégrer définitivement l’idée que toute prétention de ce pays à l’augmentation de sa puissance est illusoire ?  Que le mot « puissance » en ce qui concerne l’hexagone ne saurait s’utiliser qu’affublé d’épithètes comme « moyenne » ou « régionale » ? Que l’heure est venue pour des pays comme le nôtre d’accepter un rôle subalterne, que c’est là le cycle « naturel » des cultures constitué d’apogées et de déclins et que l’avenir signifie la décroissance ? Ce tableau d’un pays qui a fait civilisation et qui se retire du monde comme on part en retraite porte en soi les germes de la « dé-puissance » et élimine jusqu’à la simple utilisation  ordinaire du terme « puissance ».

    Le thème de la puissance nationale est devenu honteux. Au-delà du thème lui-même, c’est l’idée même de puissance qui semble repoussante car elle reste associée à tout ce qu’un pays comme la France a pu commettre pour se hisser au rang où elle est parvenue aujourd’hui. La puissance ne serait finalement que le résultat de la coercition, du pillage, de la négation de l’autre spolié de ses droits et de ses richesses. La puissance et l’influence françaises ne se sont pas construites que sur des guerres et le colonialisme. Ce sont pourtant ces événements, indubitablement éléments constitutifs de puissance, que la mauvaise conscience collective retient encore aujourd’hui (et que certains cercles intellectuels entretiennent par héritage et tradition politique) au point qu’il est aujourd’hui encore très politiquement correct de ne pas même employer le terme « puissance » pour figurer le rôle et le rang de la France dans le monde.

    La culpabilité cultivée et diffusée par la bien-pensance hexagonale ne trouve pas forcément un équivalent dans d’autres cultures ; certainement pas dans celles qui n’ont pas renoncé à l’augmentation de leur puissance. En tout état de cause, la culpabilité ne se manifeste pas de façon identique. Là où, par exemple, le gouvernement français a cherché à la fin des années soixante-dix à « adoucir » la Marseillaise en en ralentissant le tempo, tentant par là de la faire passer de chant révolutionnaire à anthem à l’anglo-saxonne, jamais les gouvernements américain et allemand n’envisagèrent de modifier respectivement Star Sprangled Banner ou encore Deutschland über Alles, hymnes aux accents pourtant guère moins menaçants et hégémonistes que la Marseillaise, même si dans le dernier cas quelques voix allemandes s’étaient élevées pour souhaiter des paroles moins agressives. Ces deux Etats ont leurs propres comptes à régler avec l’Histoire. Pour autant, ils n’ont jamais cessé d’être en recherche de puissance. Power, voire potency, sont, aux Etats-Unis, d’un emploi fréquent et utilisés de façon décomplexée, que ce soit pour évoquer les marchés conquis par les entreprises américaines ou la stratégie d’influence au niveau internationale de l’administration en place.

    Pourquoi le mot « puissance » n’est-il plus employé  en France? Est-ce le sentiment que nous semblons développer collectivement de ne plus compter dans le monde qui fait que nous générons un complexe conduisant à une autocensure au point où le mot devient presque tabou ? A « puissance » et au champ lexical qui lui est associé, nous avons substitué «développement économique», «croissance économique », etc. Or, la croissance n’est pas la puissance, surtout lorsque le politique, dans un oxymoron inspiré, parle de « croissance 0 ». Nous avons manifestement remisé l’idée de puissance. Nous avons purement évacué la dénomination de son avènement et par là, sa réalité.  La France n’a plus de politique de puissance parce qu’elle n’a tout bonnement plus de vision de sa puissance.  Elle ne la dit plus parce qu’elle ne la conçoit plus. A l’inverse, comme elle ne la conçoit pas comme une idée au sens presque philosophique du mot, elle ne peut lui donner sa légitimité lexicale, donc d’existence. L’incapacité à dire la puissance manifeste son oblitération.

    Comment l’usage du mot en est-il venu  peu à peu à disparaître ? Sous la pression d’une bien-pensance consensuelle rongée par la culpabilité, à cause de la représentation que nous avons de nous-mêmes mais également en raison du regard  que des autres nations moins puissantes ou en émergence portent sur nous. La France continue de rayonner mais elle a perdu de son influence. Notre propre regard sur nous-mêmes conjugué à celui qui est porté sur nous s’alimentent mutuellement en un jeu de miroirs qui figure notre doute sur notre capacité à toujours vouloir la puissance et à l’augmenter.

    La disparition du mot « puissance » du vocabulaire politique – et par là de toute ambition de puissance – prend peut-être également racine dans notre conviction que la puissance acquise devenait, à un certain stade, permanente. Au regard de la situation  socio-économique actuelle de la France, il faut ici parler au passé. Nous avons peut-être pensé  la puissance comme une pérennité. L’utilisation du terme « puissance » dans le discours politique avait-il encore une justification puisque le pays y avait accédé ? Or, la puissance, c’est de l’entropie ; c’est une dynamique qu’il convient d’alimenter à chaque instant  et qui ne souffre pas de stagnation. Avoir pensé la puissance comme acquise et permanente a généralement mené à une vision court-termiste des politiques publiques, et a conduit l’Etat à engager des dépenses sans se soucier des recettes au point où le montant de la dette actuelle de la France atteste de sa perte de puissance.

    Enfin, la disparition graduelle du mot « puissance » du discours tient peut-être à l’individualisation de la société. La puissance est une dynamique qui puise au collectif. Elle ne peut exister si elle n’est pas portée par l’énergie d’un ensemble fédéré autour d’elle. Mais comment, dans une société qui promeut l’individu, fédérer des énergies autour un programme lorsque le mot qui en constitue l’essence a été sorti du vocabulaire ?
    Résumer la perte de puissance de la France à la disparition d’un vocable est une tentative d’explication pour le moins hétérodoxe, voire légère. D’aucun diront que c’est la perte de l’ambition de puissance qui signe la disparition de l’usage du terme. Certes. Pour autant, l’utilisation récurrente du mot « puissance » signifie déjà le désir de puissance, la mobilisation collective, la puissance comme dessein et garante de la pérennité d’un modèle sociétal. Le verbe mobilise. Il agrège. Peut-on ne faire exister la puissance qu’en la nommant ? Probablement pas, mais le mot la manifeste ; il l’officialise et d’une certaine façon, il la fait exister. La France est confrontée à un environnement politique et économique mondial chahuté ; il est par conséquent plus que temps de remettre à l’honneur le mot « puissance », de le vulgariser et de l’assumer en espérant que l’usage finira par réveiller chez les décideurs des envies de stratégie de puissance. L’enjeu est capital pour la France. Il l’est tout autant pour l’Union européenne.

    Pierre Deplanche (Infoguerre, 19 octobre 2011)
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  • Si rien n'est fait...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien, cueilli dans Libération, avec Jean-Michel Quatrepoint vient de publier Mourir pour le yuan? (François Bourin Editeur, 2011)

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    Journaliste et économiste, Jean-Michel Quatrepoint vient de publier Mourir pour le yuan? (chez François Bourin Editeur), une analyse de la stratégie de puissance de la Chine face au déclin consenti des puissances occidentales. Il explique les profonds déséquilibres, aggravés par la crise, qui se creusent au détriment de celles-ci.

    La question du yuan est au menu des discussions du G20 à Washington. Quel est le problème avec la monnaie chinoise?

    Le yuan est la monnaie de la seconde puissance mondiale, du premier pays en termes de détention de réserves de change. Or cette monnaie n'est pas convertible: la Chine exerce un contrôle des changes pour en contrôler strictement la valeur. Le yuan est considérablement sous-évalué. De plus, depuis trente ans, la stratégie de Pékin est d'indexer le yuan sur le dollar, pour que les évolutions de ces deux monnaies soient synchronisées.

    Quels sont les avantages de cette stratégie monétaire?

    Elle permet d'attirer les multinationales sur le sol chinois. Garder la monnaie sous-évaluée permet de produire moins cher. Les Chinois se souviennent qu'en 1985, Washington avait forcé les Japonais à réévaluer le yen, tordant le cou à l'industrie japonaise. Ils ne laisseront pas la même chose leur arriver.

    Par ailleurs, indexer le yuan sur le dollar, c'est garantir aux multinationales qu'elles ne prennent pas de risques de change. En retour, la Chine demande à celles-ci de produire pour l'exportation, pas pour le marché local. C'est une stratégie géniale, un pacte gagnant-gagnant: les multinationales engrangent les bénéfices, et la Chine les excédents commerciaux. Aux dépens de l'industrie et des balances commerciales de l'Europe et des Etats-Unis, qui perdent des emplois et des capitaux.

    Quel est l'intérêt pour la Chine d'accumuler ces excédents?

    D'abord, le pays ne peut pas basculer brutalement d'un modèle mercantiliste, basé sur l'exportation, à un modèle de consommation intérieure. Ensuite, la Chine vieillit, comme l'Allemagne: dans 20 ou 30 ans, il faudra financer un grand nombre de retraites. D'où le besoin d'engranger des recettes à l'export.

    Enfin, celles-ci permettent de racheter des actifs. Par exemple des bons du Trésor américain, c'est-à-dire la dette publique des Etats-Unis. Pékin se tourne aussi de plus en plus vers des actifs tangibles: telle ou telle entreprise qui dispose d'une technologie convoitée, telle autre, point d'entrée pour un marché particulier. On s'attend aussi à une importance croissante de la Chine dans la finance.

    Quelles sont les conséquences de cette politique pour les économies occidentales?

    Elle entraîne pour l'Europe et les Etats-Unis des déficits commerciaux considérables. Non seulement les emplois, mais aussi les capitaux sont délocalisés en Asie. Les multinationales n'investissent plus en Occident. Qu'est-ce qu'il reste? Des emplois publics, avec lesquels on espère masquer l'hémorragie d'emplois marchands. Tandis que l'on fait des cadeaux fiscaux aux grandes entreprises et aux super-riches.

    Est-il impossible de faire pression sur la Chine pour qu'elle infléchisse sa politique monétaire?

    L'erreur a été de l'admettre à l'OMC, en 2001, sans lui demander de renoncer au contrôle des changes. Entre 2005 et 2008, la Chine a procédé à une réévaluation par petites touches, 1% de temps de en temps, sous la pression internationale. Avec l'arrivée de la crise, ils se sont complètement réindéxés sur le dollar. Depuis quelques mois, ils ont repris leurs petites réévaluations. Mais pour mettre le yuan à son niveau réel, il faudrait le réévaluer de 30 ou 40%. D'un autre côté, on peut comprendre les Chinois, qui ne veulent pas alimenter l'inflation par une hausse importante.

    Mais, en l'absence d'une forte demande intérieure, la Chine n'a-t-elle pas intérêt à la prospérité de ses principaux partenaires commerciaux?

    Elle est obligée à un pilotage assez fin. Mais globalement, on est à un moment où la machine économique échappe à ses acteurs. Plus personne ne maîtrise plus rien, et Pékin ne peut pas racheter les dettes de tous les Etats européens. Les Chinois se sont déclarés prêts à aider, mais c'est surtout un effet d'annonce.

    Peut-on espérer un front uni des Occidentaux sur le yuan lors du G20 de Cannes, début novembre?

    Je crains que les Européens ne soient pas unis. Le principal partenaire de la Chine en Europe, c'est l'Allemagne, qui a adopté la même stratégie mercantiliste en réalisant ses excédents sur la zone euro. Le fait que l'euro soit trop fort par rapport au yuan, les Allemands s'en fichent: ils occupent la niche du haut de gamme. Le taux de l'euro, ça joue peu quand on vend des Mercedes. C'est plutôt nous, Français, qui sommes concernés par la question. Quant aux Américains, qui seraient les seuls à pouvoir faire pression sur la Chine, ils ne remettent pas en cause son adhésion à l'OMC, par attachement au libre-échange. Ils n'ont pas compris les problèmes que pose leur déficit commercial, alors que l'Amérique s'appauvrit.

    Il ne faut donc pas trop compter, selon vous, sur les grands changements annoncés?

    Non. Les Chinois veulent que leur monnaie devienne à terme la seconde devise mondiale, voire la première. Ils ont déjà suggéré aux autres puissances émergentes de ne plus utiliser le dollar pour leurs échanges entre elles, mais une monnaie commune, et pourquoi pas le yuan...

    Que peut faire l'Europe face à cette nouvelle super-puissance chinoise?

    L'Europe à 27 est une hérésie. La France doit se mettre à table avec l'Allemagne et discuter d'une nouvelle étape de la construction européenne. Peut-on continuer à vivre ensemble, avec les compromis que cela implique? Il faut alors construire une vraie puissance européenne, avec une vraie géostratégie. Les brésiliens ont créé des taxes à l'importation, obligent Apple à produire sur place, idem pour les voitures. L'Europe doit y venir aussi.

    Pourquoi avoir titré votre livre «Mourir pour le yuan»?

    A la longue, si rien ne se passe, si on continue à accumuler les déséquilibres, comme au début du XXe siècle, l'issue sera la même: la guerre.

    Propos recueilli par Dominique Albertini

    Libération (24 septembre 2011)
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  • La nouvelle impuissance américaine...

    Les éditions L'Oeuvre viennent de publier un essai d'Olivier Zajec, intitulé La nouvelle impuissance américaine - Essai sur dix années d'autodissolution stratégique. L'auteur, saint-cyrien, agrégé d'histoire et diplômé de Sciences-po, est directeur d'un cabinet de conseil et publie régulièrement des articles de géopolitique et de relations internationales  (Le Monde diplomatique, la Revue de Défense nationale, Monde chinois, Stratégique, Défense et Sécurité internationale).

     

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    "Le XXIe siècle sera-t-il américain, comme l’a été le XXe ? Rien n’est moins sûr. Devenus dominants après la Première Guerre mondiale, les États-Unis sont aujourd’hui une puissance déclinante et surendettée. Malgré un budget militaire faramineux, les États-Unis n’arrivent plus à imposer leur loi, comme ce fut le cas après la chute de l’URSS. Après la chute de l’URSS, la chute des États-Unis ? Avec un sens aigu de l’analyse, Olivier Zajec brosse dans la Nouvelle impuissance américaine un portrait inattendu du monde. Les États-Unis se désintéressent de l’Europe qui va se diviser entre pays adeptes de l’atlantisme (Grande-Bretagne, Hollande, Espagne, Portugal), et ceux qui seront tentés par un rapprochement avec la Russie (France, Allemagne, Italie). Le principal intérêt de ce livre est néanmoins l’état du monde dix ans après le 11 septembre 2001. Le XXIe siècle naît sous nos yeux, et il sera différent du XXe."

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  • Entre mémoires locales et volonté continentale : l'Esprit européen !...

    Les éditions Heligoland viennent de publier L'Esprit européen entre mémoire locale et volonté continentale, un copieux recueil d'article de Georges Feltin-Tracol, préfacé par Pierre Le Vigan. Georges Feltin-Tracol est un des animateurs du site Europe Maxima et a déjà publié chez le même éditeur Orientations rebelles, un recueil dont les textes, selon Alain de Benoist, témoignaient "d'un sens aigu de la synthèse et d'une belle capacité de pensée critique".

     

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    "Débat sur l’identité nationale en France pendant l’hiver 2009-2010, appels répétitifs à respecter la laïcité, enlisement institutionnel de l’Union européenne, rejet référendaire de la Constitution européenne en 2005, réveil des peuples sans État, domination stratégique pesante de l’Occident et de l’hyper-classe oligarchique mondialiste sur le "Vieux Monde", risques d’éclatement de la Belgique et de l’Italie, regain des régionalismes dans l’Hexagone, anticipation d’une « Grande Suisse », rôle asphyxiant de Paris et de sa région, prégnance de la géopolitique…, notre continent arrive à un moment décisif de son histoire sans que ses peuples apathiques, déboussolés et amnésiques s’en aperçoivent vraiment.

    Et si, en dépit de tous ces dangers, ces épreuves invitaient à retrouver notre esprit européen dans sa multiplicité déclinée en mémoires locales, régionales et nationales, souvent antagonistes et contradictoires, et en une volonté géopolitique continentale soucieuse d’agir (et de réagir) aux événements du monde ? 

    Produit plus que somme de nos peuples, de nos cultures, de nos identités, l’esprit européen se compose de formes variées et éclectiques à l’opposé d’une uniformité moderne et hyper-moderne. Cet éclectisme est une richesse, c’est aussi la meilleure façon de contenir et de riposter à la menace mondialiste américanocentrée, aux défis démographiques africain et musulman, aux périls de la finance transnationale et des banksters et à la rude concurrence des nouveaux pays industrialisés d’Asie et d’Amérique latine. Les Européens devraient se souvenir que l’union construite sur la force cumulée des identités fait la puissance.

    Recueil de soixante-dix textes dont certains sont inédits, d’un avant-propos et d’une préface de Pierre Le Vigan, L’Esprit européen entre mémoires locales et volonté continentale participe au combat culturel d’aujourd’hui et de demain. Il en fournit les indispensables munitions.

    Contre le projet dément de l’hyper-classe, de la Mégamachine occidentaliste mondiale et de son bras armé, le simulacre de l’U.E., la réappropriation de l’esprit européen dans sa complexité charnelle intrinsèque est nécessaire afin de redonner un sens à la spiritualité, à la légitimité, à la souveraineté, à l’identité, à la laïcité et à la puissance et de rétablir l’Europe sur des assises populaires et historiques grâce à ses mémoires locales et à sa volonté géopolitique. Allons donc à la découverte de cet esprit polymorphe !"

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  • Crise de la dette : et demain ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Philippe Milliau, publié sur le site Novopress (dont nous vous conseillons de découvrir la nouvelle maquette). Une Europe identitaire et puissante, c'est la solution à la crise. Mais il nous manque les hommes d'Etat européens pour la construire...

     

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    Crise de la dette : et demain ?...

    Le contexte de la crise des dettes dites souveraines, et qui paraît s'emballer, comporte plusieurs causes profondes.

    La plus fondamentale est celle de l'habitude de la fuite en avant, celle qui ne permet de réaliser des équilibres budgétaires que dans le cadre d'une double croissance, économique et démographique.

    Or, Nolens volens, il faudra bien que le monde s'habitue à une double décroissance ou pour le moins à une double a-croissance. En effet, qui peut sérieusement penser que notre planète continuera à empiler un milliard d'humains de plus tous les treize ans comme elle le fait depuis le milieu du siècle dernier ?

    Qui peut sérieusement envisager une croissance continuelle qui mènerait à un mode de vie à l'américaine pour dix milliards d'hommes en 2050 ? Les ressources de quatre planètes y suffiraient à grand peine.....

    Il FAUDRA donc bien que les collectivités publiques, comme les ménages, révisent leurs façons de faire, et parlons clair, leur train de vie...... Il FAUDRA bien que les pays (voire les continents entiers, comme l'Afrique) qui n'ont pas achevé leur transition démographique la réalisent au plus vite et par tous moyens utiles.

    La seconde cause majeure est celle de la dictature des marchés financiers, qui sont aujourd'hui, bien plus que les puissances politiques, les maîtres de nos destinées. Leur bras armé : les trois agences de notation anglo-saxonnes. Notons au passage que si la Chine vient de créer son agence, l'Europe ne s'est toujours pas résolue à cette nécessité. Deux conséquences pratiques : des taux d'emprunt à long terme qui varient de 3% à 17 % (cas actuel de la Grèce, avec même des pointes à 31 % !). Et comme ce sont les notes décernées par les agences qui dictent le taux... Le taux des USA reste au plus bas, celui de la Grèce au plus haut. Ils sont pourtant, au regard de leurs finances publiques dans une situation quasi identique.... A noter, plus grave encore, que si le reproche fait à la Grèce d'avoir caché voire trafiqué les comptes publics est fondé, les USA qui n'ont pas provisionné des obligations douteuses, ni comptabilisé à plein programmes de relance ou déficits, ont une situation réelle probablement bien pire, et sur une autre échelle !

    La troisième est le fait d'une Communauté Européenne qui se trouve dans la situation du milieu du gué ; l'eau monte, et certains crient « retour en arrière toute, revenons sur la rive que nous avons quittée », d'autres « il est plus que temps d'avancer vite vers l'autre rivage ». Oui, il est aberrant d'avoir une monnaie unique dans un continent dépourvu de toute souveraineté politique ; oui il est absurde de laisser des divergences macro-économiques profondes se creuser entre pays européens ; oui, il est ridicule d'avoir un budget communautaire de l'ordre de 1% du PNB, incapable d'assurer les nécessaires convergences économiques, fiscales, stratégiques et sociales entre pays de l'Eurogroupe au moins (ceux qui sont en zone Euro).

    La Grèce a été mal gérée ; lorsqu'une collectivité locale est en France dans ce même cas, que fait on ? La puissance publique (le préfet, et non les marchés !) place sous tutelle, restructure la dette à bas taux et restaure, après un audit approfondi, une situation compromise. Rappelons que plus de la moitié de la dette grecque est maintenant causée par les taux d'intérêts exorbitants prélevés par les marchés...

    Ne nous le cachons pas : nous sommes sur un baril de poudre. Les intérêts mondialisés sont tellement croisés, l'interdépendance tellement forte que personne ne veut allumer la mèche et faire sauter l'édifice. Alors, il est politiquement correct de dire que tout compte fait, c'est une bonne chose que cette dépendance de chacun vis à vis de tous. Voire : un accident est si vite arrivé, et l'on s'aperçoit alors un peu tard que le bateau qui ne coule pas est celui qui est capable de rendre étanche une partie de ses compartiments, pas celui du mondialisme qui n'en comporte plus qu'un seul. Sans doute est ce la raison pour laquelle la Chine comme les USA ont conservé certains moyens d'indépendance, tout en préconisant aux autres de les abandonner méthodiquement.

    Quelles issues possibles ? Première question : où se situera l'épicentre d'un séisme qui est de plus en plus probable. Les Anglo-saxons font tout pour que ce soit en Europe, raison pour laquelle leur presse financière, leurs agences de notation, leur establishment et leurs valets nous balancent des torpilles successives et de plus en plus fortes et rapprochées à mesure que leur situation empire. Grèce, Irlande, Portugal ; et en mode récent et plus redoutable par la dimension, Espagne et Italie.

    Un pouvoir médiatique et politique digne de ce nom aurait répliqué Californie, Ohio, New York, et plafond de la dette US relevé 74 fois en 10 ans …... Clairement, ils jouent l'effritement de l'Euroland, jusqu'à la fin de la timide concurrence que l'Euro commence à faire au Dollar. Ils sont aidés par l'impuissance des instances européennes, conséquence prévisible des freins permanents que les gouvernements des états-nations placent devant toute marche en avant d'un véritable empire fédéral européen. Le maintien de ces rétractions nationales, aidées hélas par certaines positions de courants populistes, signifieraient la sortie durable des Européens de l'histoire du monde.

    Mais en fait rien n'est joué, il suffit pour s'en convaincre de voir les résultats d'un récent sondage dans lequel nos concitoyens s'exprimaient massivement en faveur d'un protectionnisme à l'échelle continentale.

    En symbiose donc avec le peuple, les identitaires français et d'autres pays d'Europe vont intensifier leurs campagnes et propositions en ce sens. Signature d'un nouveau pacte de stabilité en Eurozone et limitation d'adhésion à ceux qui le respectent. Impossibilité constitutionnelle de proposer l'entrée de pays non européens. Ministre des finances européen disposant des outils d'investigation nécessaires. Augmentation significative du fonds de secours financier, et création d'Eurobonds, pour dégager les dettes souveraines des griffes des marchés. Rigueur budgétaire en contrepartie de vastes projets et d'une véritable Europe identitaire et puissante, porteuse de rêves et d'espoirs ; interdiction de vente du patrimoine (par exemple celui qu'incarne l'un des plus grandioses sites sacrés de notre culture, le Parthénon). Détaxation de la proximité et barrières douanières aux frontières de l'Europe. Véritable souveraineté européenne sur la monnaie, les technologies stratégiques et de défense, sécurisation des approvisionnements énergétiques en partenariat Europe / Russie. Et bien évidemment montée en puissance du budget européen par contrepartie de la baisse corrélative des budgets nationaux.

    Oui, notre triple identité est locale par notre vie concrète, nationale par l'histoire et la langue, et européenne par la civilisation et la puissance. Pour cette dernière, les incantations ne suffisent pas, il faut aussi s'en donner des moyens. De cette crise les Identitaires proposent de sortir par le haut.

    L'histoire ne repasse pas les mêmes plats...


    Philippe Milliau (Novopress, 18 juillet 2011)

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