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localisme - Page 4

  • Pourquoi être localiste ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Laurent Ozon, cueilli sur le site du Cercle non-conforme et consacré à la question du localisme. Laurent Ozon anime Maison commune, un mouvement identitaire, écologiste et localiste.

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    Pourquoi sommes-nous localistes

    De tout temps, les hommes ont cherché à produire autour d’eux ce dont ils avaient besoin et ont en même temps ajusté leurs besoins à ce qu’ils pouvaient produire. Les échanges commerciaux ont toujours existé mais portaient précisément sur les denrées ou les produits que l’on ne pouvait produire autour de soi.

    Les personnes qui consommaient ces biens étaient les mêmes ou vivaient proche de celles qui les avaient produits. Les besoins reflétaient l’expression simple du goût, de la culture et des possibilités qu’offraient la nature et le travail des hommes. Bijoux, outils de cuisine et de jardinage, matériaux de construction, jouets ou véhicules, ces produits ne répondaient pas seulement à la stricte nécessité de la survie mais permettaient aussi de satisfaire aux besoins de beauté, de spiritualité, de communication et de loisirs.

    De fait, le Localisme fut le système économique et politique dans lequel vécurent des milliers de générations avant nous qui trouvèrent plus sage de chercher à satisfaire la part la plus importante possible de leurs besoins par elles-mêmes.

    De là ont procédé les cultures, les goûts, les traditions culinaires et gastronomiques, les coutumes et même les paysages, tant les hommes façonnent la nature autour d’eux et déterminent aussi la typicité des territoires et tout ce qui procède de l’art de vivre.

    Loin de vouloir expliquer que l’ancienneté de ces pratiques suffit à les rendre indiscutables, j’ai souhaité rappeler qu’elles ont été la norme dans des cultures et des civilisations différentes à des époques proches ou lointaines, dans des communautés structurées par des normes sociales, des valeurs et des religions différentes dans l’histoire.

    L’aspiration à l’autonomie qui est l’autre nom de l’aspiration à la liberté, a été la règle durant la quasi-totalité du temps de vie de l’espèce humaine pour tous les peuples qui nous ont précédés. Nos ancêtres ont toujours voulu avoir prise sur ce qui avait prise sur eux, décider et produire chez eux ce qui était bon pour eux ! Et ces pratiques ont permis l’adaptation des histoires humaines à d’innombrables imprévus de l’histoire et des plus difficiles.

    Par-delà d’éventuelles divergences sur les réponses à apporter à la crise profonde que nous traversons, la plupart des acteurs politiques peuvent comprendre l’urgente nécessité de consacrer dès aujourd’hui des efforts sans précédent afin de réanimer l’économie permettant d’assurer un degré d’autosuffisance le plus élevé possible dans les domaines énergétique, sanitaire et alimentaire. Dans ces trois domaines vitaux, notre degré de dépendance est tel qu’une accélération brutale de la crise pourrait entraîner de lourdes conséquences : famines, épidémies, violences, guerre civile et ce dans des pays déjà minés par les divisions. Comment ne pas anticiper les conséquences catastrophiques qui pourraient advenir lorsque l’on sait, pour ne prendre que cet exemple, que l'ensemble des productions européennes riches en protéines végétales (pois, colza...) couvrent 24 % des besoins des élevages et que 85% du soja consommé en UE est importé d'Amérique-du-Sud.

    Par-delà nos opinions politiques, nous pensons que l’intérêt général est aujourd’hui de donner à chaque peuple les moyens de subvenir à une part importante de ses besoins par ses propres moyens. Seule notre capacité à satisfaire nos besoins vitaux pourra conjurer les explosions de violences qui ne manqueront pas d’arriver si la situation devait continuer à se dégrader.

    Nous pensons qu’une politique de relocalisation est inévitable à terme et qu’elle serait, si les politiques voulaient bien sortir de leur autisme, la seule option réaliste à suivre pour anticiper les déstabilisations sociales, économiques et identitaires à venir.

    Une politique qui aurait pour but de favoriser l’embauche locale et les circuits économiques courts pourrait accompagner heureusement des objectifs de qualité écologique, de protection sanitaire, de réhabilitation de la vie démocratique, de protection et de rééquilibrage social, d’inversion concertée des flux migratoires et de pacification rapide des relations internationales. Car loin d’être une utopie politique dont la mise en œuvre réclame un je-ne-sais quel grand-soir politique, les solutions localistes sont compatibles avec les aspirations les plus nobles de ceux qui ont consacré leur vie à la chose publique.

    Au dessus des différences d’opinions, l’intérêt général, pour des raisons, sociales, écologiques, économiques et culturelles est de produire autour de nous ce dont nous avons besoin en priorité. Voilà en quelques mots, pourquoi nous sommes localistes.

    Laurent Ozon (Cercle non-conforme, 25 juin 2014)
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  • Localisme, écologie et enracinement...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Laurent Ozon, président du mouvement localiste et identitaire Maison commune, au site Le Rouge & le Noir. Il y précise sa vision d'une écologie enracinée...

     

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    Laurent Ozon : « Travailler et militer dans un cadre local écologique et enraciné »

    R&N : Pouvez-vous vous présenter ainsi que l’association Maison Commune dont vous êtes le président ?

    Laurent Ozon : J’ai 46 ans, je suis père de quatre enfants, ma famille est originaire de l’ouest des Pyrénées, des Ardennes, du Limousin et de Flandres. Depuis quinze ans, je dirige les entreprises que j’ai créées. Pour le reste, vous trouverez des détails sur mes engagements et responsabilités sur internet ou dans la presse. Maison Commune est un une organisation dont l’activité est l’identification puis la formation de potentiels politiques. Notre but est de mailler, d’influencer, d’aider les jeunes cadres de la périphérie politique sans chercher à les contrôler ni à les coordonner. Nous laissons chaque personne évoluer dans sa sociologie naturelle sans chercher à rassembler artificiellement nos membres autrement qu’à l’occasion de séminaires ou de projets nés de leurs initiatives. Lorsque l’un d’entre-eux à besoin d’aide, nous tentons de le mettre en relation avec ceux qui peuvent l’aider. Nous pensons que le modèle des cellules politiques est obsolète. Nous pensons que le gramcisme est obsolète. Nous préférons le Go aux Échecs [1]... Nous sommes sélectifs et notre fonctionnement n’est pas démocratique. De mon côté, au-delà des activités de Maison Commune, je m’attache à faire connaître mes analyses aussi largement que possible. Je reste un politique et j’aspire à y revenir pour jouer mon rôle au plus vite.

    R&N : Acceptez-vous le qualificatif d’« écologiste » ? Que signifie t-il pour vous ?

    Laurent Ozon : Je crois connaître le monde de l’écologie dans le détail. Je crois pouvoir dire que c’est la source de mon engagement. L’écologie me passionne mais elle n’est qu’un aspect de mon parcours et de mon histoire.

    R&N : Quels sont à vos yeux les enjeux écologiques les plus pressants ?

    Laurent Ozon : A la grosse louche : la mise à bas du système financier international reposant sur l’arnaque dollar et les institutions oligarchiques de Bretton-Wood, l’affaiblissement des transnationales irresponsables ; la maîtrise des flux migratoires et la transition énergétique et démographique.

    R&N : En quoi le système financier international est-il anti-écologique ?

    Laurent Ozon : Parce qu’il est la force la plus déterminante dans l’intensification du saccage du monde et qu’il est le dispositif de pouvoir le plus radicalement contraire à l’avènement de sociétés souveraines, conscientes de leur patrimoine, capables d’actions à long terme, responsables des effets de leurs décisions. Conditions nécessaires mais pas suffisantes, j’en conviens.

    R&N : Vers quelle(s) énergie(s) une transition crédible nous amènerait-elle ?

    Laurent Ozon : Vaste question là encore. Disons que qu’une bonne énergie est celle qui permet de satisfaire, pour l’essentiel, à quatre objectifs :

    1) satisfaire les besoins réels (il faut s’intéresser à ce paramètre et à ce qui permet de les faire diminuer) en puissance et en durée ;
    2) assurer l’autonomie et la sécurité de ses approvisionnements énergétiques ;
    3) limiter les impacts, risques écologiques et sanitaires (pollutions, attentats, etc.) ;
    4) avoir un coût compatible avec les besoins de l’économie.

    Toute décision en termes de stratégie énergétique qui laisserait de côté l’un de ces quatre critères ne serait pas pertinente. La question de l’indépendance ne sera donc jamais suffisante.

    Nous insistons pour notre part sur la nécessité de privilégier les investissements et les recherches visant à favoriser la relocalisation de la production énergétique, au moins pour ce qui concerne les besoins domestiques. Cette relocalisation sera facteur de stabilité, d’autonomie et moins consommatrice d’infrastructures (toujours fragiles, coûteuses et polluantes).

    Pour le reste, le mix énergétique  [2] et les investissements sur les alternatives énergétiques constituent la solution au problème. Il faut diversifier et appliquer des règles d’intérêt public aux choix énergétiques en France sur la base des quatre points cités précédemment. La France a massacré sa filière solaire alors que nous avions un savoir-faire de haut niveau dans ce secteur d’activité. J’ai eu l’occasion de rencontrer les responsables de la filière "solaire" en France et je reste persuadé qu’elle est une alternative sérieuse.

    Pour le nucléaire, aujourd’hui, malheureusement, encore indispensable, il faut poursuivre les recherches et en particulier financer le maintien d’un parc sécurisé. Cette énergie est dangereuse. Il faut fermer les centrales situées en zones sismiques et rendre les autorités de sûreté nucléaire indépendantes à l’égard des pressions des politiques et de celles des acteurs économiques de la filière. L’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) n’a qu’une seule mission : la protection des populations. Elle doit pouvoir s’en acquitter de la manière la plus satisfaisante.

    Le gaz de schiste est pour le moment dangereux car les techniques d’extraction par fracturation dite « hydraulique » – en fait chimique –, sont polluantes. On constate que face à cette soi-disant « alternative énergétique », les réserves véritables seront de courte durée et si, aujourd’hui, les multinationales du pétrole cherchent à activer l’exploitation dangereuse du schiste, c’est pour deux raisons : 1) augmenter leurs profits ; 2) détendre l’approvisionnement de l’Europe à l’égard de la CEI (Communauté des Etats Indépendants) et le rapprochement quasi-tectonique entre l’Europe et l’Euro-sibérie, dont cette situation est porteuse.

    R&N : Quelle place pour les États-nations face à ces enjeux ?

    Laurent Ozon : Les États-Nations sont des formes transitoires d’organisation politique. Elles peuvent permettre de faire face à des enjeux à court terme car nous aurons besoin de souder des populations, et les barrières linguistiques constituent le principal frein à la diffusion des « stress collectifs » qui permettent la formation de collectivités actives dans l’histoire. Pour autant, il n’existe pas une seule forme de nation. Je rappelle souvent à mes amis souverainistes que les pays qui font régulièrement leur admiration pour leurs capacités de résilience ou de puissance, la Russie (CEI), la Suisse et l’Allemagne, sont tous trois des États fédéraux. Non des États centralisateurs. Le jeu est ouvert. Ayons un point de vue pragmatique avec nos institutions. Pas de fétichisme organisationnel.

    R&N : Que pensez-vous du « réchauffement climatique » ? Est-ce une thèse discutable ou une réalité à prendre en compte politiquement ?

    Laurent Ozon : Tout doit pouvoir être discuté. Le doute s’installe lorsque l’on cherche à imposer des stress collectifs autour de problèmes qui semblent échapper à l’action des citoyens politiques pour ne plus regarder que des institutions internationales et des actions de consommateurs. Je crois que nous pouvons dire qu’il y a des présomptions qui nécessiteraient des décisions politiques et qui justifieraient des remises en question des multiplicateurs de la puissance des hommes sur le monde. Je crois qu’il faut poursuivre ces études et pouvoir débattre de leurs résultats. Mais je constate que les médias et certains réseaux de pouvoir se servent de ces questions comme des armes de sidération mentale et de démoralisation politique. Ces campagnes de sidération révèlent bien la façon dont les élites considèrent le corps social, presque du bétail.

    R&N : D’où vient selon vous ce que vous avez appelé dans une conférence la « crise relationnelle entre l’homme et la nature ? » Quelle est, ou quelles sont, la ou les cause(s) des destructions écologiques contemporaines ?

    Laurent Ozon : Sans faire une généalogie de cette crise, vous pourrez consulter d’autres textes ou conférences pour ce faire, disons que la crise écologique n’est pas simplement une crise de gestion de ressources. Elle révèle la nature des relations que nous avons instauré avec la vie non-humaine sur Terre. Le terme de « ressource » est d’ailleurs en lui-même tout un programme. Quelle est la valeur intrinsèque d’une ressource ? Aucune. La seule valeur d’une « ressource » réside dans son utilité pour celui qui la désigne comme telle. La chosification du monde, la mise en « ressource » du vivant, sont les conséquences d’un changement lent mais profond de notre culture. La crise écologique est l’occasion de dévoiler que nous ne sommes pas simplement confrontés à un problème de gestion de moyens, de gestions de ressources, mais à une crise culturelle profonde dont les prolongements dépassent largement ce qu’il est convenu d’appeler la problématique écologiste. L’homme est devenu une force géologique planétaire et l’Europe a été au cœur de ce processus. Elle a donc produit une partie des anticorps qui permettront de mettre fin à la destruction de la beauté, de la grâce, de la vie libre et sauvage. Les Européens, comme premiers hôtes de la maladie, sont aussi ceux qui portent le remède. Nous portons ainsi le nouveau sens de la Terre en ce que nous pouvons, avec d’autres, fabriquer les anticorps qui permettront de résorber la mise en magasin de la vie. Pour cela il faut exister, pour cela il faut vivre, pour cela, il faudra assumer l’impératif de puissance.

    R&N : Êtes-vous, à l’instar de Serge Latouche ou de Paul Ariès, partisan de la décroissance ? Par ailleurs, pensez-vous que cette dernière, qu’on le souhaite ou non, soit inéluctable en raison, notamment, des pénuries énergétiques à venir, découlant du pic de pétrole ou d’uranium ?

    Laurent Ozon : Je parle de localisme car je ne trouve pas intéressant ce concept de décroissance. Il est publicitaire et polémique et me semble induire une sorte de linéarité du temps humain qui nous empêche de concevoir qu’il s’agit d’un dépassement, d’une réponse, et non d’une réaction ou d’un retour. Il a pour seul mérite d’interroger un concept central de la machine qui nous détruit : cette idée absurde d’un toujours plus mesurable et souhaitable, sans autre perspective que le trou noir d’une vie privée de sens, d’un monde privé de beauté. La décroissance ne sera pas une anti-croissance. Mais l’antithèse d’un prêt-à-penser sur le monde, sur la nature, sur la vie.

    R&N : Toutefois, partagez-vous les analyses qui font des pénuries énergétiques la cause d’un déclin à venir des économies occidentales ? Si oui, comment cela va t-il se concrétiser à vos yeux ? Si non, pourquoi ?

    Laurent Ozon : Je pense que les sociétés complexes ont un temps de vie. Que ce temps de vie est limité par leurs ressources, leur modèle énergétique et bien d’autres choses. En ce sens, je ne crois pas au collapse énergétique comme cause d’effondrement direct de notre pays à court terme. Il faudrait un livre entier pour répondre à votre question. Je vous renvoie au livre de Joseph Tainter : L’effondrement des sociétés complexes (2013).

    Pour faire simple, disons que notre avenir peut être de deux ordres : écroulement ou translation. Je m’explique. L’Empire romain ne s’est pas effondré à cause des grandes invasions, mais, sur une période de 140 années approximativement, durant lesquelles il a du faire face à la nécessité de faire fonctionner son organisation par sa propre production, sans compter sur de nouvelles conquêtes qui finançaient jusqu’alors le renforcement de sa complexification (administration, réseau routier, etc.) Lorsqu’il n’a pu continuer à financer sa complexification par de nouvelles conquêtes, il a du augmenter sa pression fiscale pour maintenir le même niveau d’organisation et assurer la sécurité des territoires vastes à complexifier. Plus la pression était forte et l’hétérogénéité de population importante, plus il a du faire face à des comportements asociaux et à une dégradation du civisme. Pour la compenser, il a dû renforcer son appareil administratif, son armée, etc.

    Le transfert de la communauté de proximité à l’État puis de l’État au marché, est une tendance lourde de nos sociétés actuelles. Lorsque les charges et taxes augmentent et que l’État, en contrepartie, ne peut plus fournir le même niveau de prestation, l’incivilité augmente aussi et donc les coûts de fonctionnement de l’État en sont encore augmentés, ce qui rétroagit sur tout le reste : maîtrise des frontières, lutte contre le crime organisé, délinquance, efforts pour échapper à l’impôt, baisse du niveau de l’enseignement, dégradation des compétences, et j’en passe. La complexité d’une société se mesure, pour faire simple, à la différenciation/spécialisation horizontale et à la hiérarchisation verticale.

    En clair, une société complexe (comme la nôtre) est déjà largement engagée dans ce processus. Elle se désintégrera dans l’anarchie, la violence et l’incompétence sous le poids des révoltes sociales, fiscales, ethnico-religieuses ou sanitaires. Il y aura bien sûr des évènements déclencheurs ; mais ils ne seront que des révélateurs non des causes suffisantes et nécessaires.

    L’alternative c’est la translation, c’est à dire la reconstruction d’un ordre économico-politique plus durable qui permettra de donner, sur des bases d’organisation renouvelées, des solutions à ce que nous ne pouvons plus résoudre dans celui-ci. Il y a eu de nombreux exemples de translations politiques dans le passé de l’Europe. Nous en vivrons d’autres. Le plus important n’est pas là.

    R&N : Que répondez-vous à ceux qui, de bonne foi, craignent de voir dans le localisme une tendance utile à la bureaucratie bruxelloise pour affaiblir les nations ?

    Laurent Ozon : C’est un discours classique des souverainistes qui pensent vraiment que toute décentralisation des pouvoirs est un abandon de puissance organisé par les adversaires de la France. Je ne dis pas que ce calcul-là n’existe pas, mais il faut relativiser cette analyse. Les États les plus souverains ou puissants ne sont pas les plus centralisés, les plus républicains et les plus jacobins. J’évoquais précédemment la Suisse, l’Allemagne ou la Russie. La France peut engager sa décentralisation autrement qu’en transférant les tares de ses élites nationales et les dysfonctionnements de ses institutions nationales à l’échelon régional, départemental ou local. Les diplodocus s’inquiètent mais le localisme n’est absolument pas incompatible avec l’existence d’un État souverain et puissant, au contraire. Il est un facteur de densification territoriale, culturelle, économique et de stabilité. Il sera l’une des clés de notre reconquête de souveraineté, pour peu qu’on n’oublie pas que la souveraineté n’est pas seulement une affaire nationale mais doit se penser de la famille à l’État. Il n’est pas raisonnable, et fort peu « souverainiste », de ne dépendre que de nœuds de productions d’énergies centralisés, d’infrastructures d’approvisionnement fragiles, de bassins céréaliers dédiés aux monocultures, de denrées dont l’approvisionnement ne repose que sur les échanges internationaux, de composants électroniques importés, et j’en passe.

    L’intérêt général est aujourd’hui de donner à chaque peuple les moyens de subvenir à une part importante de ses besoins, en particulier ce qui relève de l’économie de subsistance, par ses propres moyens et de reconquérir ainsi sa souveraineté. Seule notre capacité à satisfaire nos besoins vitaux pourra conjurer les explosions de violences qui ne manqueront pas d’arriver si la situation devait continuer à se dégrader.
     
    J’estime qu’une politique de relocalisation est inévitable à terme et qu’elle serait, si les politiques voulaient bien sortir de leur autisme, la seule option réaliste à suivre pour anticiper les déstabilisations sociales, économiques et identitaires à venir. Cette politique localiste sera un complément utile à un néo-protectionnisme dont je perçois mieux l’efficacité au niveau européen. La France peut créer l’électrochoc en Europe. C’est aussi dans ce cadre là que nous devons agir. Nos outils sont locaux, régionaux, nationaux.

    R&N : Quelles sont, de nos jours, les forces réellement « écologistes » à vos yeux ?

    Laurent Ozon : Toutes celles qui poursuivent les objectifs précédemment évoqués. Tous ceux qui cherchent à renverser l’oligarchie de l’argent, la mafiacratie des transnationales et à soutenir les alternatives économiques, énergétiques, technologiques, etc. Tous ceux qui luttent contre la souffrance animale, tous ceux qui luttent pour protéger les paysages, tous ceux qui cherchent à satisfaire leurs besoins autours d’eux et à servir leur environnement proche.

    R&N : Dans ces conditions, le Front National est-il une force « écologiste » ? Plus largement, quelles sont les propositions ou initiatives politiques, émanant de partis ou d’autres structures, en France ou ailleurs, qui vous semblent utiles ?

    Laurent Ozon : Le Front National est indispensable pour déstabiliser le système politique et faire avancer les thèmes de souveraineté et d’arrêt des flux migratoires dans la vie politique française. Pour le reste, il faut une force politique d’un nouveau genre aux français. Une force qui ne devra pas contrarier les épuisantes activités du FN, au moins jusqu’à 2017 mais qui avancera des propositions et une organisation crédible. Il faudra vite ouvrir les fenêtres. L’air devient irrespirable.

    R&N : Ne pensez-vous pas que la sémantique de « droits des animaux » est une erreur de marketing politique portant préjudice à la cause de la défense animale ? Ne faut-il pas plutôt, tout simplement, défendre un principe de compassion envers les plus faibles ?

    Laurent Ozon : Vaste question. Dans une société hyper-normative, certains ont pensé que c’était la meilleure façon de faire avancer ce combat. Je partage vos réserves sans oublier que le résultat reste le plus important. Pour défendre les animaux, il y a de nombreuses choses concrètes à faire. La première et la plus simple : ne plus acheter de produits industriels ou testés sur les animaux.

    R&N : Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait mettre sa vie quotidienne en cohérence, dans la mesure du possible, avec une prise de conscience écologique ? Peut-être pouvez-vous nous donner quelques exemples personnels ?

    Laurent Ozon : En six points :
    1) travailler et militer dans un cadre local écologique et enraciné ;
    2) rester en bonne santé mentale et physique ;
    3) ne pas s’isoler ;
    4) s’assurer d’être capable de maintenir son autonomie et sa sécurité ;
    5) faire des enfants ;
    6) être un vecteur d’informations alternatives et argumentées.

    R&N : Y a t-il des livres et/ou des auteurs phares que vous conseilleriez ?

    Laurent Ozon : Ne lisez pas trop, vivez, parlez, sentez, battez-vous. Tout est déjà en vous. Les livres ne vous apporteront pas ce qui vous manque. Éveillez par l’exemple plutôt que de chercher à convaincre par les mots en ayant toujours à l’esprit cette phrase de Nietzsche : « Là où il n’y a plus rien à aimer, passe ton chemin ».

    Laurent Ozon (Le Rouge & le Noir, 5 décembre 2013)

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  • Bretagne : vers un modèle économique localiste et identitaire...

    Dans cette chronique, mise en ligne sur Realpolitik.tv,  Hervé Juvin analyse les causes de la crise de la filière agroalimentaire bretonne, qui met la région en ébullition, et prône l'adoption d'un modèle économique localiste et identitaire...

     


    Le modèle breton en question par realpolitiktv

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  • Laurent Ozon chez Pro Russia...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un long entretien donné par Laurent Ozon, animateur du mouvement identitaire et localiste Maison commune, à la chaîne de télévision ProRussia.

     

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  • Le grand basculement qui vient...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Jean-Yves Le Gallou, cueilli sur Polémia et consacré à la montée des mouvements de protestation populaire en Europe...

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    Populisme, mouvements dissidents : le grand basculement qui vient

    Épuisement du cycle d’alternance politique classique né en 1980

    Les électeurs ne croient plus au « changement » entre partis du Système, simulant depuis 40 ans des oppositions artificielles mais conduisant dans les faits les mêmes politiques. C’est l’épuisement d’un cycle commencé dans les années 1980 où à chaque élection, un coup, le vainqueur socialiste remplaçait le vaincu RPR (puis UMP), en attendant le coup suivant, où le vainqueur RPR/UMP remplaçait le vaincu socialiste. La scénarisation d’un jeu de rôles entre compères a cessé d’intéresser les électeurs qui se réfugient dans l’abstention ou le vote populiste.

    Épuisement du cycle de révolution sociétale de 1968

    Les événements de Berkeley en Californie puis de Mai-68 ont débouché sur une rupture avec les valeurs traditionnelles sur fond de libération, de découverte des paradis artificiels, de dislocation de la famille. Cinquante ans plus tard, les enfants ou petits-enfants des soixante-huitards découvrent l’envers d’une société individualiste et les limites d’une éducation sans transmission. La fuite en avant vers le mariage gay et la marchandisation du corps se heurte à une opinion de plus en plus rétive malgré un matraquage médiatique intense.

    Épuisement du cycle de mondialisation et de libre-échange ouvert en 1962

    Depuis le Kennedy Round (1962), les négociations internationales se sont succédé pour faire disparaître les frontières économiques : Tokyo Round, réforme du Gatt, cycle de Doha. Dans le même temps le marché commun est devenu l’Union européenne qui s’est élargie et est devenue l’espace le plus ouvert du monde à la libre circulation des hommes, des capitaux, des marchandises. Les gagnants de la mondialisation veulent parachever le cycle avec un nouveau traité transatlantique. Les perdants du sans-frontiérisme se révoltent et les tenants de la réindustrialisation réclament de plus en plus fort le retour des frontières.

    Épuisement du cycle de culpabilisation engagé en 1945

    Ce cycle a commencé en 1945 : l’Allemagne vaincue a été culpabilisée du fait de la seconde guerre mondiale. Etrangement, cette culpabilisation s’est progressivement étendue aux autres pays européens, coupables d’avoir été vaincus ou d’avoir collaboré avec l’occupant allemand ou tout simplement de n’avoir pas assez résisté. Mais 70 ans après la fin de la seconde guerre mondiale, la reductio ad hitlerum perd de plus en plus de sens pour ne plus devenir qu’une figure de rhétorique au service des intérêts en place. L’élargissement de la culpabilité européenne à la colonisation dans les années 1960 puis à l’esclavage dans les années 1980 a fait déborder la coupe ; et tient de plus en plus difficilement la route malgré la multiplication des lois liberticides (en France : Pleven, Gayssot, Taubira, Perben).

    Épuisement du cycle de 1914

    La Guerre de 1914 a été le tombeau des sociétés traditionnelles. Sur leur ruine quatre idéologies sont nées et se sont affrontées : le fascisme et le national-socialisme, disparus en 1945 ; le communisme, qui s’est effondré dans les années 1990 ; reste le mondialisme anglo-saxon, dont la crédibilité financière et militaire est en voie de disparition ; lors de sa chute prochaine, les cartes idéologiques et géopolitiques seront rebattues. Et l’Europe pourra, selon la formule de Dominique Venner, sortir de sa « dormition ».

    Épuisement du cycle des Lumières né au XVIIIe siècle

    Allons plus loin encore. Depuis le XVIIIe siècle la philosophie rationaliste et utilitariste des Lumières s’est imposée. L’arraisonnement utilitaire du monde à la technique et à l’argent n’a cessé de s’étendre. Comme l’avait prophétisé Paul Valéry dans les années 1920 « Le temps du monde fini commence ». Ce qui débouche sur une crise identitaire et environnementale majeure.

    Identité, traditions, localisme

    « L’avenir n’est écrit nulle part », avait justement écrit Michel Poniatowski. Et les forces favorables à la poursuite des tendances dominantes sont puissantes : appareils de propagande des médias, des communicants et des publicitaires ; appareils de manipulation, de provocation et de coercition des Etats et singulièrement des Etats profonds.

    Pourtant, signe incontestable de l’épuisement des cycles en cours, les mouvements de contestation se multiplient et convergent par-delà leur différence. Et c’est toujours par une coagulation de « non » que commencent les grands mouvements historiques. Difficile de dire sur quoi déboucheront ces phénomènes nouveaux. Mais plusieurs tendances émergent : la préoccupation identitaire, le choix localiste, le retour des traditions. Comme l’analyse avec finesse l’essayiste Hervé Juvin, le temps de « La Grande Séparation » arrive.

     Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 6 novembre 2013)

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  • La croissance est morte dans les années 70...

    Nous reproduisons ci-dessous un long entretien avec Serge Latouche, cueilli sur Ragemag. Economiste, sociologue et fondateur du MAUSS (Mouvement anti-utilitariste en sciences sociales), Serge Latouche est le principal théoricien français de la décroissance et dirige la revue Entropia. Il a publié de nombreux essais, dont, notamment,  L'occidentalisation du monde (La découverte, 1989 ), La mégamachine (La découverte, 1995), Le Pari de la décroissance (Fayard, 2006) et Sortir de la société de consommation (Les liens qui libèrent, 2010).

     

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    Serge Latouche : « La croissance est morte dans les années 1970. »

    Les statistiques de croissance du PIB au 2e trimestre viennent d’être publiées [NDLR : l’interview a été réalisée le 20 septembre] et il semblerait que la zone euro retrouve le chemin de la croissance : qu’en pensez-vous ?

    Je pense que c’est totalement bidon ! D’une part, savoir si la croissance est de +0,5% ou -0,5% n’a pas de sens : n’importe quelle personne qui a fait des statistiques et de l’économie sait que pour que cela soit significatif, il faut des chiffres plus grands. Ensuite, de quelle croissance s’agit-il ? Nous avons affaire à cette croissance que nous connaissons depuis les années 1970, à savoir une croissance tirée par la spéculation boursière et immobilière. Dans le même temps, le chômage continue de croître et la qualité de vie continue de se dégrader dangereusement. Il faut bien comprendre que la croissance est morte dans les années 1970 environ. Depuis, elle est comparable aux étoiles mortes qui sont à des années-lumière de nous et dont nous percevons encore la lumière. La croissance que notre société a connue durant les Trente Glorieuses a disparu et ne reviendra pas !

    La récession était-elle l’occasion idéale pour jeter les bases d’une transition économique ?

    Oui et non : le paradoxe de la récession est qu’elle offre les possibilités de remettre en question un système grippé, mais en même temps, le refus de l’oligarchie dominante de se remettre en cause – ou de se suicider – la pousse à maintenir la fiction d’une société de croissance sans croissance. Par conséquent, elle rend encore plus illisible le projet de la décroissance. Depuis le début de la crise, il y a un tel délire obsessionnel autour de la croissance que les projets alternatifs ne sont pas audibles auprès des politiques. Il faut donc chercher de manière plus souterraine.

    La décroissance est souvent amalgamée à la récession. Pourtant, vous affirmez que celle-ci n’est qu’une décroissance dans une société de croissance et qu’une vraie décroissance doit se faire au sein d’une société qui s’est départie de l’imaginaire de la croissance. Pouvez-vous détailler ?

    Le projet alternatif de la décroissance ne devait pas être confondu avec le phénomène concret de ce que les économistes appellent « croissance négative », formulation étrange de leur jargon pour désigner une situation critique dans laquelle nous assistons à un recul de l’indice fétiche des sociétés de croissance, à savoir le PIB. Il s’agit, en d’autres termes, d’une récession ou d’une dépression, voire du déclin ou de l’effondrement d’une économie moderne. Le projet d’une société de décroissance est radicalement différent du phénomène d’une croissance négative. La décroissance, comme symbole, renvoie à une sortie de la société de consommation. A l’extrême limite, nous pourrions opposer la décroissance « choisie » à la décroissance « subie ». La première est comparable à une cure d’austérité entreprise volontairement pour améliorer son bien-être, lorsque l’hyperconsommation en vient à nous menacer d’obésité. La seconde est la diète forcée pouvant mener à la mort par famine.

    Nous savons, en effet, que le simple ralentissement de la croissance plonge nos sociétés dans le désarroi, en raison du chômage, de l’accroissement de l’écart qui sépare riches et pauvres, des atteintes au pouvoir d’achat des plus démunis et de l’abandon des programmes sociaux, sanitaires, éducatifs, culturels et environnementaux qui assurent un minimum de qualité de vie. Nous pouvons imaginer quelle catastrophe serait un taux de croissance négatif ! Mais cette régression sociale et civilisationnelle est précisément ce que nous commençons déjà à connaître.

    Depuis la récession de 2009, l’écart entre la croissance du PIB et celle de la production industrielle s’est accentué dans les pays développés : sommes-nous entrés dans une nouvelle phase de la société technicienne ?

    Oui et non là encore. Oui, dans la mesure où depuis de nombreuses années, on parle de « nouvelle économie », « d’économie immatérielle », « d’économie de nouvelles technologies » ou encore « d’économie numérique ». On nous a aussi parlé de « société de services ». Nous voyons bien que ce phénomène n’est pas nouveau et qu’il y avait déjà dans les sociétés industrielles un phénomène de désindustrialisation. Pourtant, ce n’était pas un changement dans le sens où l’industrialisation existe toujours. Mais elle est partie en Inde, en Chine ou dans les « BRICS ». Il y a eu une délocalisation du secteur secondaire, ce qui nous amène à réimporter, à un chômage très important et à cette croissance spéculative. Nos économies se sont spécialisées dans les services haut de gamme : les services financiers, les marques, les brevets, etc. La production est délocalisée tout en conservant la marque, ce qui est plus rentable. Mais nous assistons aussi à un développement par en bas des services dégradés ou à la personne et à une nouvelle forme de domesticité qui se développe avec cette désindustrialisation.

    Est-ce que vous confirmeriez les prévisions de Jacques Ellul qui voyait la naissance d’une dichotomie entre d’un côté les « nations-capitalistes » du Nord et de l’autre les « nations-prolétaires » du Sud ?

    Cela n’est pas nouveau, ni totalement exact ! Les nations occidentales se prolétarisent aussi. Avec la mondialisation, nous assistons surtout à une tiers-mondisation des pays du Nord et un embourgeoisement des pays du Sud. Il y a par exemple aujourd’hui 100 à 200 millions de Chinois qui appartiennent à la classe moyenne mondiale, voire riche.

    Le 20 août dernier, nous avons épuisé les ressources de la Terre pour 2013 et nous vivons donc à « crédit » vis-à-vis de celle-ci jusqu’à la fin de l’année. Il faudrait donc réduire d’environ un tiers notre consommation en ressources naturelles si nous voulons préserver notre planète. N’a-t-on pas atteint le point de non-retour ? La décroissance se fera-t-elle aux dépens des pays en voie de développement ?

    Déjà soyons clairs, la décroissance est avant tout un slogan qui s’oppose à la société d’abondance. Ensuite, il ne s’agit surtout pas de régler les problèmes des pays du Nord aux dépens de ceux du Tiers-Monde. Il faudra résoudre simultanément les problèmes et du Nord et ceux du Sud. Évidemment, ce que vous évoquez, et que l’on appelle l’over shoot day, n’est qu’une moyenne globale. La réduction de l’empreinte écologique pour un pays comme la France n’est pas de l’ordre de 30%, mais de 75%. Une fois explicité comme cela, les gens se disent que ça va être dramatique. Justement, ce n’est pas nécessaire : nos modes de vie sont basés sur un gaspillage fantastique de la consommation et encore plus de la production, donc des ressources naturelles. Il ne faudra donc pas forcément consommer moins, mais consommer mieux. Tout d’abord, la logique consumériste pousse à accélérer l’obsolescence des produits. Il ne s’agit donc pas forcément de consommer moins mais de produire moins en consommant mieux.

     

    Au lieu de consommer une seule machine à laver dans notre vie, nous en consommons 10 ou 15, de même pour les réfrigérateurs et je ne parle même pas des ordinateurs ! Il faut donc un mode de production où les individus ne consomment qu’une seule voiture, une seule machine à laver, etc. Cela réduirait déjà énormément l’empreinte écologique. Nous savons aussi que la grande distribution entraîne un grand gaspillage alimentaire. Environ 40% de la nourriture va à la poubelle, soit à cause des dates de péremptions dans les magasins, soit chez les particuliers qui ont emmagasiné de la nourriture qui finit par périmer. L’idée n’est pas de décroître aux dépens des pays pauvres, qui eux doivent au contraire augmenter leur consommation et leur production, mais de changer cette logique de gaspillage forcenée et de fausse abondance.

    Nicholas Georgescu-Roegen, affirmait : « Chaque fois que nous produisons une voiture, nous le faisons au prix d’une baisse du nombre de vies à venir. » La décroissance doit-elle être accompagnée d’un contrôle démographique pour être soutenable ?

    Il est toujours délicat d’aborder la question démographique. Les prises de position sur le sujet sont toujours passionnelles car touchant à la fois aux croyances religieuses, au problème du droit à la vie, à l’optimisme de la modernité avec son culte de la science et du progrès, elles peuvent déraper très vite vers l’eugénisme, voire le racisme au nom d’un darwinisme rationalisé. La menace démographique, vraie ou imaginaire, peut donc être facilement instrumentalisée pour mettre en place des formes d’écototalitarisme. Il importe donc de cerner les différentes dimensions du problème et de peser les arguments en présence, avant de se prononcer sur la taille d’une humanité « soutenable ».

    Si l’insuffisance des ressources naturelles et les limites de la capacité de régénération de la biosphère nous condamnent à remettre en question notre mode de vie, la solution paresseuse consisterait, en effet, à réduire le nombre des ayants droit afin de rétablir une situation soutenable. Cette solution convient assez bien aux grands de ce monde puisqu’elle ne porte pas atteinte aux rapports sociaux et aux logiques de fonctionnement du système. Pour résoudre le problème écologique, il suffirait d’ajuster la taille de l’humanité aux potentialités de la planète en faisant une règle de trois. Telle n’est évidemment pas la position des objecteurs de croissance, ce qui n’empêche qu’ils soient taxés de malthusianisme parfois par ceux-là mêmes qui condamnent les deux tiers de l’humanité à l’extermination.

    Il est clair que si une croissance infinie est incompatible avec un monde fini, cela concerne aussi la croissance de la population. La planète, qui n’a que 55 milliards d’hectares, ne peut pas supporter un nombre d’habitants illimité. C’est la raison pour laquelle presque tous les auteurs de référence de la décroissance, ceux qui ont mis en évidence les limites de la croissance (Jacques Ellul, Nicholas Georgescu-Roegen, Ivan Illich, René Dumont, entre autres) ont tiré le signal d’alarme de la surpopulation. Et pourtant, ce ne sont pas, pour la plupart, des défenseurs du système… Même pour Castoriadis, « la relation entre l’explosion démographique et les problèmes de l’environnement est manifeste ».

    Cela étant, ce que la décroissance remet en cause, c’est avant tout la logique de la croissance pour la croissance de la production matérielle. Même si la population était considérablement réduite, la croissance infinie des besoins entraînerait une empreinte écologique excessive. L’Italie en est un bon exemple. La population diminue, mais l’empreinte écologique, la production, la consommation, la destruction de la nature, des paysages, le mitage du territoire par la construction, la cimentification continuent de croître. On a pu calculer que si tout le monde vivait comme les Burkinabés, la planète pourrait supporter 23 milliards d’individus, tandis que si tout le monde vivait comme les Australiens, d’ores et déjà le monde serait surpeuplé et il faudrait éliminer les neuf dixièmes de la population. Il ne pourrait pas faire vivre plus de 500 millions de personnes. Qu’il y ait 10 millions d’habitants sur Terre ou 10 milliards, note Murray Bookchin, la dynamique du « marche ou crève » de l’économie de marché capitaliste ne manquerait pas de dévorer toute la biosphère. Pour l’instant, ce ne sont pas tant les hommes qui sont trop nombreux que les automobiles… Une fois retrouvé le sens des limites et de la mesure, la démographie est un problème qu’il convient d’affronter avec sérénité.

    Si une croissance infinie est incompatible avec un monde fini, cela concerne aussi la croissance démographique. La population ne peut, elle non plus, croître indéfiniment. La réduction brutale du nombre des consommateurs ne changerait pas la nature du système, mais une société de décroissance ne peut pas évacuer la question du régime démographique soutenable.

    Que faire pour changer de régime ? Combattre l’individualisme ?

    Les gens accusent souvent les partisans de la décroissance d’être des passéistes. Pourtant, nous ne souhaitons pas un retour en arrière. Mais, comme le préconisaient Ivan Illich ou même Castoriadis, il s’agit d’inventer un futur où nous retenons certains aspects du passé qui ont été détruits par la modernité. Sur ce sujet, un grand sociologue français, Alain Touraine, vient de sortir un livre intitulé La Fin des sociétés. C’est vrai qu’avec la mondialisation, on assiste à la fin des sociétés.

    À ce sujet, un ancien Premier ministre anglais, Margareth Thatcher, a dit : « Il n’existe pas de société, il n’existe que des individus ». C’est énorme de dire cela ! Donc, dans le projet de la décroissance, il ne s’agit pas de retrouver une ancienne société disparue, mais d’inventer une nouvelle société de solidarité. C’est-à-dire qu’il faut réinventer du lien social, parfois par la force des choses comme avec la fin du pétrole, sur la base d’une économie de proximité, avec une relocalisation de la totalité de la vie. Ce n’est pas un repli sur soi, mais une nouvelle redécouverte de la culture, de la vie, de la politique et de l’économie.

    Justement, relocaliser les activités humaines serait une nécessité écologique. Mais la réindustrialisation potentielle qui en découlerait ne serait-elle pas une entrave à la décroissance ?

    Non, parce qu’il ne s’agit pas de la réindustrialisation prônée par notre système. Madame Lagarde, quand elle était ministre de l’Économie, avait inventé le néologisme « rilance » : de la rigueur et de la relance. Pour nous, c’est exactement le contraire : nous ne voulons ni rigueur, ni relance, ni austérité. Évidemment qu’il faut sortir de la récession et récréer des emplois, non pas pour retrouver une croissance illimitée, mais pour satisfaire les besoins de la population. En fait, la réindustrialisation dans une optique de décroissance est plus artisanale qu’industrielle. Il faut se débarrasser des grosses entreprises au profit d’une économie composée de petites unités à dimensions humaines. Ces dernières peuvent être techniquement très avancées mais ne doivent en aucun cas être les monstres transnationaux que nous connaissons actuellement. Elles doivent être plus industrieuses qu’industrielles, plus entreprenantes qu’entrepreneuses et plus coopératives que capitalistes. C’est tout un projet à inventer.

    L’État moderne se comporte toujours comme un soutien au productivisme, soit en favorisant l’offre pour les libéraux, soit en favorisant la demande pour les keynésiens. La décroissance a-t-elle besoin d’une disparition de l’État ?

    Cela dépend de ce que nous mettons derrière le mot « État ». Même si l’objectif n’est pas de maintenir cet État-nation, bien sûr qu’une société de décroissance devra inventer ses propres institutions. Elles devront être plus proches du citoyen avec une coordination au niveau transnational. Celle-ci est vitale, car beaucoup de phénomènes environnementaux sont globaux : il est alors impossible d’imaginer un repli total. Il faudra donc inventer de nouvelles formes qui diffèrent de l’appareil bureaucratique moderne.

    La décroissance implique aussi un changement de mode de vie. Comment faire pour lutter contre la société marchande sans se marginaliser ?

    Effectivement, il faut les deux. Il y a d’ailleurs dans les objecteurs de croissance des gens très investis dans des coopératives alternatives comme des écovillages. De plus, il faut tenir les deux bouts de la chaîne : une société ne change pas du jour au lendemain. Il faut donc penser la transition sans attendre un changement global simultané. Les meilleurs exemples sont les villes en transition où l’on essaie de réorganiser l’endroit où l’on vit afin de faire face aux défis de demain comme la fin du pétrole. Ce qui m’intéresse surtout dans les villes en transition, c’est leur mot d’ordre : « résilience », qui consiste à résister aux agressions de notre société. Mais cela n’implique pas de revenir à l’âge de pierre, comme les Amish. Au contraire, cela implique une qualité de vie maximale sans détruire la planète.

     

    Changer de régime économique est-il possible pour un pays seul ? Une initiative isolée ?

    Ça rappelle le vieux débat qui a opposé Staline à Trotsky pour savoir si le socialisme pouvait se faire dans un seul pays. Mais en réalité, la réponse n’est pas « oui » ou « non ». La question ne peut pas être posée de façon manichéenne, simplement parce que nous ne pouvons pas changer le monde du jour au lendemain et il faut bien commencer ! Donc, le commencement se fait petit à petit, au niveau local, en visant le global. La parole d’ordre des écologistes fut pendant longtemps : « Penser globalement, agir localement ». Ce n’est pas qu’il ne faille pas agir globalement, mais c’est plus compliqué. Donc le point de départ est local pour une visée plus large. De toute manière, le projet ne se réalisera ni totalement ni globalement. La société de décroissance est un horizon de sens, mais pas un projet clé en main réalisable de façon technocratique.

    La décroissance, selon vous, commencerait-elle par une démondialisation pour tendre vers une forme d’altermondialisme ?

    Je n’aime pas le terme « altermondialisme ». Il s’agit évidemment d’une démondialisation, qui n’est pas une suppression des rapports entre les pays. Mais qu’est-ce que la mondialisation que nous vivons ? Ce n’est pas la mondialisation des marchés mais la marchandisation du Monde. Ce processus a commencé au moins en 1492 quand les Amérindiens ont découvert Christophe Colomb (rires). Démondialiser veut surtout dire retrouver l’inscription territoriale de la vie face au déménagement plantaire que nous connaissons. Car la mondialisation est surtout un jeu de massacres ! C’est-à-dire que nous détruisons ce qui fonctionnait traditionnellement bien dans les différents pays pour les asservir aux marchés. Par exemple, l’agriculture était fleurissante en Chine mais le capitalisme occidental a déraciné la majorité des paysans qui sont devenus des min gong : des ouvriers qui s’entassent en périphérie des grandes villes, comme Pékin ou Shanghai. Mais, dans le même temps, ces ouvriers chinois détruisent nos emplois et notre industrie. Nous nous détruisons mutuellement. Il faut au contraire que nous nous reconstruisons les uns les autres. La solution est une relocalisation concertée par un dialogue interculturel et non pas par l’imposition de l’universalisme occidental.

    Les nouvelles technologies, et plus globalement la technique et la science, peuvent-elles être employées contre l’oligarchie ou sont-elles intrinsèquement néfastes ?

    Ça c’est une très grande question, très difficile. Jacques Ellul avait énormément réfléchi dessus et n’avait jamais dit qu’elles étaient intrinsèquement mauvaises. Il pensait même que, dans certaines situations, elles pouvaient être utiles à la société d’avenir. Celle qui est, selon lui, intrinsèquement mauvaise, c’est la structure sociale dans laquelle la technique et la science sont produites et utilisées. Alors bien évidemment, il faut les détourner et c’est ce que certains font. Il y a une sorte de guérilla. Sur internet, par exemple, nous le voyons. Dans ma jeunesse, nous parlions de retourner les armes contre l’ennemi. Dans une société de décroissance, qui n’est plus une société dominée par la marchandisation et le capital, ces techniques fonctionneraient autrement. Il y a aussi plein de choses intéressantes créées par le génie humain qui ne sont pas utilisées, car elles ne correspondent pas à logique du système. Nous aurons besoin de ces derniers dans une société différente. Nous devons, en réalité, surtout concevoir un nouvel esprit. Notre système est dominé – d’un point de vue technico-scientifique – par un esprit prométhéen de maîtrise de la nature, que nous ne maîtrisons pourtant pas. Il faudra donc se réinsérer dans une vision plus harmonieuse des rapports entre l’Homme et la nature.

    Jacques Ellul estimait que le travail était aliénant. Est-ce à dire que la décroissance doit passer par l’abolition du salariat ?

     

    Il n’y a pas d’urgence à l’abolir. Dans l’immédiat, il faut surtout créer les postes de salariés nécessaires. Il faut surtout réduire l’emprise de la nécessité en développant notamment la gratuité. Je pense que l’idée d’un revenu universel, ou au moins d’un revenu minimal assurant la survie, n’est pas une mauvaise chose car il réduirait l’espace de la nécessité. Dans une société de décroissance, il faudra des échanges d’activités et d’œuvres qui auront remplacé le travail. Mais ce n’est évidemment plus l’échange marchand obsédé par le profit. Il faut réintroduire l’esprit du don – qui n’a pas totalement disparu – dans les rapports de clientèle et dans les marchandages. En Afrique, par exemple, il existe encore une sorte de métissage entre la logique marchande et celle du don. Ce qu’il faut surtout abolir, c’est le travail salarié en tant qu’abstraction inhumaine.

    Pensez-vous que la monnaie s’oppose à la logique du don et qu’en conséquence, une société de décroissance doit abolir le système monétaire ?

    Sûrement pas ! Par contre, il doit y avoir l’abolition de certaines fonctions de la monnaie. Il faut par exemple en finir avec la monnaie qui engendre de la monnaie, car l’accumulation monétaire est très perverse. Mais la monnaie comme instrument de mesure et d’échange est une nécessité dans une société complexe. Je dirais même que c’est un acquis de la civilisation.

    Des personnalités de gauche comme de droite se revendiquent aujourd’hui de la décroissance. Qu’en pensez-vous ?

    Que la décroissance soit un projet politique de gauche constitue, pour la plupart des objecteurs de croissance, une évidence, même s’il en existe aussi une version de droite. Allons plus loin : il s’agit du seul projet politique capable de redonner sens à la gauche. Pourtant, ce message-là se heurte à une résistance très forte et récurrente. La décroissance constitue un projet politique de gauche parce qu’elle se fonde sur une critique radicale du libéralisme, renoue avec l’inspiration originelle du socialisme en dénonçant l’industrialisation et remet en cause le capitalisme conformément à la plus stricte orthodoxie marxiste.

    Tout d’abord, la décroissance est bien évidemment une critique radicale du libéralisme, celui-ci entendu comme l’ensemble des valeurs qui sous-tendent la société de consommation. On le voit dans le projet politique de l’utopie concrète de la décroissance en huit R (Réévaluer, Reconceptualiser, Restructurer, Relocaliser, Redistribuer, Réduire, Réutiliser, Recycler). Deux d’entre eux, réévaluer et redistribuer, actualisent tout particulièrement cette critique. Réévaluer, cela signifie, en effet, revoir les valeurs auxquelles nous croyons, sur lesquelles nous organisons notre vie, et changer celles qui conduisent au désastre. L’altruisme devrait prendre le pas sur l’égoïsme, la coopération sur la compétition effrénée, l’importance de la vie sociale sur la consommation illimitée, le local sur le global, l’autonomie sur l’hétéronomie, le raisonnable sur le rationnel, le relationnel sur le matériel, etc. Surtout, il s’agit de remettre en cause le prométhéisme de la modernité tel qu’exprimé par Descartes (l’homme « comme maître et possesseur de la nature ») ou Bacon (asservir la nature). Il s’agit tout simplement d’un changement de paradigme. Redistribuer s’entend de la répartition des richesses et de l’accès au patrimoine naturel entre le Nord et le Sud comme à l’intérieur de chaque société. Le partage des richesses est la solution normale du problème social. C’est parce que le partage est la valeur éthique cardinale de la gauche que le mode de production capitaliste, fondé sur l’inégalité d’accès aux moyens de production et engendrant toujours plus d’inégalités de richesses, doit être aboli.

    Dans un deuxième temps, la décroissance renoue avec l’inspiration première du socialisme, poursuivie chez des penseurs indépendants comme Elisée Reclus ou Paul Lafargue. La décroissance retrouve à travers ses inspirateurs, Jacques Ellul et Ivan Illich, les fortes critiques des précurseurs du socialisme contre l’industrialisation. Une relecture de ces penseurs comme William Morris, voire une réévaluation du luddisme, permettent de redonner sens à l’écologie politique telle qu’elle a été développée chez André Gorz ou Bernard Charbonneau. L’éloge de la qualité des produits, le refus de la laideur, une vision poétique et esthétique de la vie sont probablement une nécessité pour redonner sens au projet communiste.

    Pour finir, la décroissance constitue une critique radicale de la société de consommation et du développement, la décroissance est une critique ipso facto du capitalisme. Paradoxalement, on pourrait même présenter la décroissance comme un projet radicalement marxiste, projet que le marxisme (et peut-être Marx lui-même) aurait trahi. La croissance n’est, en effet, que le nom « vulgaire » de ce que Marx a analysé comme accumulation illimitée de capital, source de toutes les impasses et injustices du capitalisme. Pour sortir de la crise qui est inextricablement écologique et sociale, il faut sortir de cette logique d’accumulation sans fin du capital et de la subordination de l’essentiel des décisions à la logique du profit. C’est la raison pour laquelle la gauche, sous peine de se renier, devrait se rallier sans réserve aux thèses de la décroissance.

    Tout le monde se souvient de l’échec de la commission Stiglitz-Sen mise en place par l’ex-Président Sarkozy dans le but de trouver un indicateur de « bien-être » autre que le simple PIB. Le problème ne viendrait-il pas de l’obsession des mesures quantitatives ?

    Il est certain que nous devons nous débarrasser de l’obsession des mesures quantitatives. Notre objectif n’est pas de mesurer le bonheur puisque cet objectif n’est par définition pas mesurable. Mais je ne crois pas que nous puissions parler d’échec de la commission Stiglitz-Sen, puisqu’elle a quand même proposé des indicateurs alternatifs pertinents. D’un autre côté, et malgré toutes les critiques qui peuvent lui être adressées, le PIB est tout à fait fonctionnel dans la logique de la société mondialisée de croissance. Il existe bien sûr d’autres indicateurs intéressants comme l’Happy Planet Index (HPI) mis au point par la fondation anglaise New Economics Foundation, mais ce dernier n’est pas fonctionnel dans notre système. Il est cependant intéressant comme indicateur critique du PIB. Pourquoi ? Parce que les États-Unis est en termes de PIB au 1er rang mondial, en termes de PIB par tête au 4ème rang et en termes de bonheur au 150ème rang ! La France se situe dans les mêmes ordres de grandeur. Tout cela signifie que si nous mesurons le bonheur par l’espérance de vie, l’empreinte écologique et le sentiment subjectif du bonheur — qui sont les trois critères du HPI —, les pays qui arrivent en tête sont le Vanuatu, le Honduras, le Venezuela et d’autres pays de ce type [ndlr : le trio de tête de 2012 est composé, dans l’ordre, du Costa Rica, du Vietnam et de la Colombie] . Malheureusement, il n’est pas fonctionnel dans notre système. Un autre indice de ce type qui pourrait être retenu, c’est l’empreinte écologique qui est elle-même synthétique. Le problème n’est pas de trouver l’indicateur miracle mais bel et bien de changer la société. Ces indices ne sont que des thermomètres et ce n’est pas en cassant le thermomètre que la température du malade change.

    La rupture avec la croissance n’est-elle pas aussi une rupture avec l’économie comme science au profit d’autres disciplines comme la philosophie ou la sociologie ?

    Oui, il s’agit bien d’une rupture avec l’économie. Mais celle-ci ne s’effectue pas seulement avec l’économie en tant que science mais aussi avec l’économie en tant que pratique. Il faut réenchâsser l’économique dans le social, au niveau théorique mais surtout au niveau pratique. Au niveau théorique d’abord parce que la « science économique » est une fausse science, et que la manière de vivre des Hommes appartient à l’éthique au sens aristotélicien du terme et donc à la philosophie ou à la sociologie. Sinon, pour paraphraser Lévi-Strauss, il n’existe qu’une seule science humaine : l’anthropologie. Au niveau pratique ensuite, en réintroduisant l’économique dans les pratiques de la vie et pas ne pas la laisser dans l’obsession du quantitatif avec la valorisation de l’argent, du profit ou du PIB.

    Serge Latouche, propos recueillis par Kévin Victoire (Ragemag, 15 octobre 2013)

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