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  • L’agriculture et l’alimentation modernes préparent l’Homme Augmenté...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien consacré à la question agricole, donné par Hervé Juvin à la revue trimestrielle de Paul-Marie Coûteaux, Le Nouveau Conservateur.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

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    L’agriculture et l’alimentation modernes préparent l’Homme Augmenté

    Notre dossier «agriculture, alimentation, santé» est au cœur de votre œuvre, comment l’expliciteriez-vous en quelques mots?

    C’est simple : nous sommes ce que nous mangeons. Le geste de manger est à la fois le plus intime, le plus indispensable et le plus risqué qui soit. D’autant plus qu’il est plus inconscient… Notre corps est fait de ce que nous mangeons, ce qui signifie que la santé de la population passe d’abord par la qualité de la nourriture qui améliore son immunité naturelle à travers les vitamines et les autres éléments nutritifs, notamment ceux des fruits et légumes non industriels. L’histoire montre que ce qui a fait décoller l’espérance de vie et la santé de la population française, c’est d’abord l’hygiène et la nourriture, bien avant la médecine. Faut-il ajouter que la dégénérescence d’une majeure partie de la population occidentale, par obésité, abus de sucre et de graisse, manque d’efforts physiques soutenus, est d’abord un effet de la dégradation des pratiques alimentaires ? Et que l’empoisonnement des eaux, des sols et de l’air par l’agrochimie est une menace sur la santé humaine ? 

    Ce constat est de grande conséquence. L’agriculture consista longtemps à produire. Elle sera de plus en plus une question de santé. Le couple « santé sécurité » est en passe de prendre le pas sur tout le reste – libertés publiques, traditions, préférences individuelles, tout aussi bien aménagement du territoire, protection de la diversité, etc. Quelle démonstration éclatante que le régime de la peur qui s’est mis en place en un tournemain à l’occasion de la propagande vaccinale lors de la prétendue « pandémie » dite de la Covid !

    Vous avez développé dans plusieurs ouvrages le localisme dont vous jugez – nous le pensons nous-mêmes – qu’elle peut apporter bien des solutions aux problèmes contemporains. Pouvez-vous nous dire en quelques mots en quoi elle consiste et surtout en quoi elle répond aux maux du mondialisme?

    Le localisme n’est pas une théorie. C’est une approche politique, économique et sociale, celle d’une transformation radicale de nos modes d’agir.

    Politique ; face à l’Etat totalitaire que l’Union européenne entreprend de mettre en place, rien n’est plus urgent que de refonder nos démocraties en partant de la base, c’est-à-dire des citoyens sur leur territoire. Politique aussi, en ce que l’Etat a la responsabilité de l’aménagement du territoire. Il l’a abandonnée, la multiplication des emplois dans les chambres d’agriculture et autres organismes servant à cacher la réalité : l’industrialisation a détruit 80 % des exploitations en quelques décennies, tandis qu’une écologie punitive chasse les habitants des zones rurales et que les SAFER continuent de privilégier les concentrations de terre, au détriment de l’installation de jeunes agriculteurs. Est-ce un désert que nous voulons voir naître entre les métropoles ?

    Economique ; face au capitalisme totalitaire des monopoles, de l’uniformisation des normes et des lois et de l’étouffement de la liberté d’entreprendre, rien n’est plus urgent que de rendre de l’air aux PME et aux indépendants, de restaurer la concurrence et de valoriser nos atouts territoriaux. En matière agricole aussi, l’Etat doit organiser des marchés libres, ouverts et concurrentiels, sinon, la fiction de marchés déréglementés n’aboutit qu’aux monopoles, aux abus de positions dominantes et aux rentes issues de captations réglementaires dont nous voyons les effets. Les agriculteurs ne sont que les faire valoir des banques, du machinisme agricole et des groupes industriels !

    Social, enfin ; la participation à la décision collective et aux bénéfices d’actions réussies, la satisfaction de voir son travail profiter à son lieu de vie et à sa communauté, le constat que son travail est utile, sont des moyens puissants de corriger ce « gouvernement du désir » par lequel la propagande des entreprises nous enchaîne. A cet égard, le localisme est une pratique, mais aussi une éthique, qui consiste à privilégier partout où cela est possible l’impact positif des décisions individuelles ou collectives pour les entreprises locales, la collectivité rurale, l’environnement local.

    J’ajouterais que le localisme est un projet intégral, en ce qu’il intègre par exemple un travail de fond sur le droit de propriété, sur les brevets, sur l’Intelligence Artificielle et le numérique, sur l’usage des techniques et les libertés fondamentales, sur la médecine et la reproduction, bref, autant de sujets qui échappent largement à ce qui continue de s’appeler la politique, bien qu’elle laisse échapper l’essentiel. J’ai choisi de contribuer à un mouvement informel, en mettant le terme de localisme dans le domaine public et j’ai la satisfaction de le voir largement repris, y compris dans le dictionnaire où il a fait son apparition récemment. M. Dupont Moretti, après la première conférence de presse que nous avions tenue, avec Andréa Kotarac et quelques autres, nous avait fait beaucoup d’honneur en attaquant le localisme, l’assimilant au racisme dans un raccourci pour le moins audacieux.

    Le localisme, au contraire, est un moyen d’intégration ; d’où qu’ils viennent, ceux qui partagent un territoire ont quelques raisons de devoir se parler d’abord, de négocier ensuite, d’agir ensemble enfin. Bien loin d’être repli sur soi, le localisme met la mondialisation à l’endroit, celle-ci signifiant que les excellences et singularités de chaque territoire rayonnent et se font valoir sur un marché mondial. Le champagne de France, le cochon noir ibérique ou la burrata italienne sont des vestiges de cette mondialisation des excellences qui a été sacrifiée au profit de l’industrialisation, de la standardisation et des concentrations industrielles. Des drapeaux bretons dans les stades du Qatar, devant la Maison Blanche ou la Grande Muraille de Chine, voilà le localisme !

    Parmi les maux du mondialisme, il y a une agriculture complètement saccagée, aussi bien dans les pays du Nord, notamment en France, que dans les pays du Sud. Vous êtes député européen, ce qui est un poste d’observation, guère d’action. Si vous étiez Ministre de l’Agriculture, quelles seraient les trois priorités de votre action?

    Votre remarque est pertinente. Le député européen d’un groupe minoritaire, ou non inscrit, est d’abord la justification d’un système qui lui laisse peu de capacité à agir ; voilà pourquoi le mouvement localiste accorde tant d’importance à l’aide au développement d’entreprises ou de filières d’excellence, quand du moins je peux leur faire bénéficier d’une ouverture internationale que j’ai cultivée depuis trente ans.

    Votre question est un peu théorique, car je ne suis pas ministre de l’Agriculture. J’y répondrai néanmoins sans hésiter. D’abord, définir notre modèle. Une nourriture de qualité, vendue à des prix accessibles à tous et rémunérant le producteur, et produite en France ; c’était le modèle gaulliste, il est à l’origine de la modernisation de l’agriculture française dans les années 1960, sous l’égide d’Edgar Pisani, en particulier en Bretagne, région la plus pauvre de France dans les années 1950 devenue l’une des plus florissantes trente ans plus tard, non certes sans effets indésirables. Qu’avons-nous à ajouter ?

    Ensuite, restaurer ce modèle, ou aller vers celui que nous aurons défini. Ce n’est pas l’Etat qui va recréer des exploitations, rétablir les revenus de l’élevage et gérer l’alternance des cultures ou décider de la transition en « bio » ! Mais l’Etat peut déjà supprimer les incohérences, voire les contradictions, de sa politique, notamment des aides (plus de 340 !), créer des incitations positives et décider de sanctions qu’il appliquera pour garantir une saine concurrence. Mais l’Etat peut aussi contrôler plus strictement la conformité des produits importés. Si l’objectif est de stabiliser le nombre d’exploitations et de maintenir une agriculture dite « paysanne », peu industrialisée et dispersée, il faut travailler sur des revenus complémentaires à ceux qui sont assurés par la vente des produits – comme l’entretien des haies, des zones humides, de la biodiversité.

    Si l’objectif est de favoriser les circuits courts et la consommation locale, les cahiers des charges des collectivités et leurs appels d’offre peuvent jouer un grand rôle. Et si la question du niveau des prix et du pouvoir d’achat se pose, la régulation des relations entre producteurs et distributeurs peut appeler à un renouveau des coopératives de producteurs, distinctes des fonctions de conseil et des moyens de la mise en marché. La nouvelle PAC, avec les Plans Stratégiques Nationaux, nous en donne la possibilité, mobilisons-là ! Et n’hésitons pas à employer les techniques disponibles lorsqu’elles vont dans le sens de nos objectifs ; des territoires sains, porteurs de productions diversifiées et moins dépendants de l’extérieur ! L’un des moyens les plus puissants du progrès vers une agriculture saine et durable, c’est l’information du consommateur. Les QR code sont le moyen d’une information intégrale ; que contient le produit, d’où il vient, comment il a été produit ou fabriqué, quels en sont les composants, etc.

    Encore, construire le modèle institutionnel de coopération entre écologie et agriculture. Il faut libérer le Ministère de l’Ecologie de l’influence d’ONG et de Fondations étrangères, comme il faut libérer le Ministère de l’Agriculture de la tutelle d’un syndicat de céréaliers qui prétend abusivement parler au nom de toute l’agriculture ! L’opposition entre les deux n’a pas de sens à long, voire à court terme. Il n’y a pas de territoires divers et vivants sans agriculteurs, il n’y a pas d’agriculteurs sans terres vivantes, sans biodiversité. Et il n’y a pas de puissance agricole dans la dépendance aux fournisseurs étrangers, ni dans l’épuisement de nos terres.

    Enfin, reprendre la main sur l’aménagement du territoire, la santé publique et les échanges internationaux. Au Parlement européen, j’ai eu l’occasion de débattre des accords de libre échange dans la commission du Commerce International. Par hasard, la Commission est présidée par un Allemand ; par hasard, les Allemands sont surreprésentés parmi les fonctionnaires de la Commission en charge du commerce ; par hasard aussi, l’agriculture française est sacrifiée à l’intérêt industriel allemand ; il faut que les agneaux, la poudre de lait et les œufs de Nouvelle-Zélande entrent en France pour que l’Allemagne continue à lui vendre ses machines-outils. Je n’accepte pas une situation où l’indépendance et la sécurité alimentaire de la France sont sacrifiées pour sauver l’Allemagne de ses colossales erreurs, dont l’Energiewende (la fin du nucléaire) est la plus éclatante. Je n’accepte pas un modèle agricole industriel tel que les bénéfices des groupes privés signifient une dépendance toujours plus grande à des fournisseurs étrangers d’engrais azotés, de pesticides, d’OGM et des détenteurs de brevets sur le vivant. L’industrialisation de l’agriculture a pour résultat que nous importons les 3/4 de notre consommation de fruits, le tiers de notre consommation de légumes et, sans cesse, plus de poulets, d’agneaux et de viande.

    La puissance de notre agriculture ne peut être fondée sur une dépendance toujours accrue à des pays extérieurs. La responsabilité des politiques dans l’abandon de l’agriculture nationale est criante. Ici comme ailleurs, les politiques ont abdiqué devant le marché ou ce qui est en réalité la loi des plus forts et d’intérêts étrangers, et laissé faire des mouvements dont ils déploraient en public les conséquences. Qu’il s’agisse des prix qui ne rémunèrent plus le producteur, qu’il s’agisse de l’invasion de produits qui ne respectent aucune des conditions imposées à nos propres producteurs, qu’il s’agisse d’obligations administratives multipliées sans compensation ou indemnisation, les pouvoirs publics et les élus ont laissé s’instaurer un protectionnisme à l’envers ; nous imposons à nos producteurs des contraintes qui ne le sont pas aux produits importés. Dans le domaine alimentaire comme dans celui des migrations, l’intérêt national a dû céder devant un dogme contraire aux réalités les plus éclatantes.

    Les localistes ne sont pas naïfs. Nous faisons face à des intérêts puissants, qui ne sont pas les nôtres et qui sont hostiles à ce que nous reprenions le contrôle de nos propres affaires. Est-ce pourquoi les effectifs de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence), entité performante chargée de traquer les fraudes des entreprises et garante de la qualité sanitaire de nos aliments, sont constamment réduits depuis vingt ans ? Nous les augmenterons fortement, comme ceux des Douanes chargés de contrôler la conformité des produits importés. La santé des Français vaut mieux que le « laissez faire, laissez passer » qui tient lieu de politique.

    Lors d’une conférence devant l’Academia Christiana, vous montriez une certaine angoisse devant ce qu’il est convenu d’appeler la privatisation du vivant. Quels en sont les aspects les plus graves et les conséquences, notamment sur l’agriculture? Vous posiez la question de l’expansion des techniques OGM et NGT, qui permettra à quelques multinationales, comme Bayer ou BASF, de contrôler toute notre agriculture?

     « Qui possède les semences, possède le pouvoir. » Main basse sur la vie, expulsion de ceux qui vivent de la nature qui les entoure : je pourrais résumer ainsi l’une des transformations décisives du capitalisme contemporain, qui s’éloigne de plus en plus du libéralisme.

    Première transformation ; le retour des grandes découvertes. Dans les années 1980, sous l’effet d’une intense pression des entreprises et des cabinets d’avocats spécialisés, l’autorité américaine des brevets reconnaît la brevetabilité des découvertes et non plus seulement des inventions. L’évolution est majeure. Alors que seule l’invention d’une nouvelle technique, d’un nouveau procédé, etc., permettait de déposer un brevet, il suffit désormais d’être le premier à décrire une singularité, un élément, une propriété alléguée d’un organisme ou d’un gène pour pouvoir déposer un brevet et s’assurer ainsi la perception de royalties sur toute exploitation ultérieure de cette singularité ou de cet élément. A titre d’exemple, une université australienne a déposé un brevet portant sur la découverte du lien entre un gène et un cancer du sein ; tout laboratoire qui voudra développer une thérapie sur ce sujet devra payer des royalties à l’Université puisqu’elle exploite sa « découverte ». La démarche reproduit, cinq siècles plus tard, celle qui a permis à l’Europe de parler de découvertes là où il s’agissait de territoires habités, organisés, certains d’un haut niveau de civilisation, comme les Aztéques, les Zulus ou les Incas, mais territoires que les Colomb, Pizarre, Stanley ou Léopold, considéraient terra nullius, « terre de personne », parce que leurs habitants n’étaient pas des Européens.

    La colonisation, pourtant jugée crime contre l’humanité trouve une actualité saisissante dans la colonisation du vivant par les entreprises déposant par milliers des brevets sur leurs « découvertes », ce qui a pour premier effet de privatiser les services des écosystèmes et d’en finir avec les gratuités de la nature – nous sommes tous les colonisés des envahisseurs du vivant. Ce mouvement majeur, passé largement inaperçu, a transformé les entreprises américaines d’abord, dont beaucoup ne sont plus que des gestionnaires de portefeuilles de brevets ; l’entreprise sans usine, dont Nike est le modèle, est née de cette évolution juridique. Il bouleverse ensuite les conditions de l’innovation et de la recherche ; les détenteurs de brevets peuvent protéger leur activité de toute concurrence, lever le seuil d’accès et s’entendre avec d’autres codétenteurs pour former de véritables oligopoles protégés de la concurrence de nouveaux entrants. Une économie de péages voit le jour, voire une économie de rentes. Enfin, et surtout, la brevetabilité du vivant découle de la transformation du droit des brevets ; et des entreprises s’engouffrent dans la brèche, accumulant des milliers de brevets sur tous les êtres vivants de manière à s’assurer ensuite des revenus sur toute exploitation d’espèces sur lesquelles des brevets ont été déposés. A titre d’exemple, une seule entreprise, BASF, possède aujourd’hui plus de la moitié des droits existants sur les génomes des organismes marins !

    Avec des effets redoutables. Le maïs fait l’objet d’hybridations depuis un bon demi-siècle. L’objectif unique était de produire plus et le maïs « amélioré » a perdu sa capacité naturelle à se défendre contre la pyrale, en émettant une molécule qui attirait le prédateur de la pyrale dès qu’elle s’attaquait aux racines. Capacité gratuite, fruit de la coévolution sur des millénaires entre le maïs et deux espèces d’insectes. En même temps, la suppression des haies a fait disparaître les oiseaux, mangeurs des pyrales à l’état de papillons. Et voilà comment la disparition de mécanismes naturels bénéfiques a permis à l’industrie de vendre des pesticides, d’abord, puis du maïs « OGM Bt [bacillus thurigiensis] » breveté produisant une toxine qui tue tous les insectes sensibles à cette toxine – toxine présente dans tous les organes de la plante et donc dans ce que nous mangeons ! Et voilà comment l’extinction des ressources de la nature permet à l’industrie d’y substituer ses produits ! Rappelons par ailleurs que les OGM ou autres NGT ne font pas baisser la quantité de pesticides ou d’herbicides utilisés au contraire ; les données du Brésil et de l’Inde montrent que les résistances développées très vite par les plantes invasives supposent au contraire l’usage plus abondant de ces produits, puis le recours à des composants plus toxiques.  

    Seconde transformation ; le retour du mouvement des enclosures, mouvement d’expulsion de millions d’Anglais de leurs terres, quand les propriétaires ont commencé à interdire aux populations locales de faire valoir leurs droits coutumiers à l’affouage, au ramassage du bois mort, à la pêche ou la chasse et à supprimer the chapter of the forests, contemporain de la Magna Carta (1217) et qui garantissait à toute la population l’accès aux biens communs et aux services gratuits des écosystèmes. Nous vivons à bas bruit le même « mouvement des enclosures » sur l’ensemble du vivant ; l’industrie entend substituer partout ses produits et procédés payants aux gratuités de la nature. Nous payons déjà l’air que nous respirons à travers les diverses taxations du CO2. Les heureux propriétaires d’un jardin devront de plus en plus payer redevance aux semenciers ou aux reproducteurs ; plus question de voir les plants de tomates ou de pommes de terre, les poules ou les lapins, échapper au péage des manipulateurs de gènes ! Et les agriculteurs pris au piège des OGM devront chaque année payer pour utiliser des semences dont ils ne sont plus propriétaires ; les propriétaires des brevets font main basse sur toutes les variétés culturales, rachetant les petites structures propriétaires de semences « naturelles » pour les faire disparaître !

    Ce mouvement est décisif. Nous sommes expulsés du vivant. L’industrie entend s’interposer à travers les brevets déposés, entre chacun de nous et les services gratuits de la nature. Quel plus bel exemple que la Banque du Vivant, créée par le WEF en janvier 2018, qui permet aux sociétés privées de détenir la propriété du génome de toutes les espèces vivantes et de se la répartir sous forme de blockchain, tout en ménageant avec générosité une part de revenus aux territoires dont elles sont issues ! Ou encore, celui de ces sociétés qui proposent de remplacer les abeilles par des drones ! L’extinction totale des abeilles leur ouvrirait un marché de dizaines de milliards de dollars ; allez vous étonner si les abeilles disparaissent !

    Les localistes ne sont pas plus naïfs à ce sujet. Le combat pour la vie est engagé. Il faut saluer le courage et le rôle clé pour notre avenir des paysans et des jardiniers qui continuent d’assurer la culture de plantes dont la commercialisation est interdite et qui prennent le risque de les diffuser, comme les associés de Kokopelli ! Pour gagner leur combat, il faudra dénoncer les brevets ne portant pas sur des inventions et refuser totalement les brevets qui privatisent le vivant, les gènes des plantes, des animaux et des hommes. Et il faudra réactiver les procédures employées contre les cigarettiers, en créant la qualification pénale d’entreprise criminelle pour celles qui ne peuvent ignorer les effets nuisibles pour la santé humaine de leurs produits ou d’un modèle économique, qui produit de la fausse science en achetant la complicité des medias et des dirigeants. La société anonyme ne peut pas disposer d’une irresponsabilité illimitée et la dissolution de sociétés dont les opérations menacent la santé humaine doit entrer dans le droit, leurs actifs venant indemniser leurs victimes.

    Autre point concernant l’agriculture; vous affirmez que, à force d’engrais et de surexploitation des terres, certaines des meilleures terres de France, notamment la Beauce, seront dans vingt ou trente ans improductives, comme stériles; cela signifierait-il, entre autres maux, la fin de notre souveraineté alimentaire, déjà très mise à mal, alors qu’elle était assurée depuis des siècles?

    J’ai cité, dans mon ouvrage Chez nous! Pour en finir avec une économie totalitaire, une déclaration du PDG de Nestlé, géant de l’agroalimentaire, évoquant son inquiétude sur la dégradation des terres en Europe.

    Quelle est la situation ? Depuis la révolution agricole de la mécanisation et de la « chimie verte », les mécanismes de la nature ont été de plus en plus artificialisés et transformés par les engrais, par les pesticides et herbicides, par les apports de toute sorte, des labours profonds aux mutations génétiques. Le résultat est paradoxal ; une partie croissante des terres agricoles est « hors sol ». Nos terres sont ce que l’industrie en a fait. Et elle les détruit. Notre puissance est en danger, car la destruction des terres est une perte de puissance et d’autonomie. Et elle est en cours. L’abus d’intrants, de labours profonds, provoque l’érosion des sols, la perte des vers de terre, des bactéries, des insectes qui font la vie des sols. La monoculture épuise les sols en exploitant la même profondeur, alors que les cultures en mélange ou en rotation utilisent différents niveaux de sol sans en épuiser aucun. Les études ont montré que la diversité des espèces en forêt expliquait la résistance aux maladies, aux évènements extrêmes, en même temps qu’elle augmente la captation de carbone.

     Il faut mesurer l’ampleur de l’artificialisation qui nous met hors sol. Parler d’agriculture, d’alimentation, de santé, c’était parler de modes de vie, de lieux de vie, de relief et de terre – la campagne, et tout ce qui va avec – et c’était parler de ce qui dure. C’est parler de business, de capital investi, de rendement financier et d’entreprises. De brevets, de technique, d’innovation. Oublier la nature, le territoire et la vie. L’histoire veut que les patrons des compagnies pétrolières n’aient jamais vu un derrick ; les agriculteurs de demain n’auront jamais tenu de la terre dans leurs mains. Agriculture, alimentation et santé sont pris à leur tour dans la révolution résumée par Hayek : « Ce qui n’a pas de prix n’a pas de valeur ». Pas de valeur un troupeau sur les Causses, pas de valeur la tomate cueillie à la main, chaude encore du soleil d’après-midi ; pas de valeur, le retour des champs derrière le troupeau qui musarde ; pas de valeur, l’ordonnancement de la campagne française ou de ce qu’il en reste – murets suivant les courbes de niveau, haies sculptant le paysage, palette entière des verts, des jaunes, exaltés par les jeux d’ombre et de lumière dessous les arbres, et pas de valeur non plus pour le bond du lièvre, la charge des sangliers, la veille obsédée du busard. Agriculture, alimentation et santé se réduisent aux prix, au rendement et au chiffre des ventes, rien de plus et rien de moins. Et fruits et légumes se réduisent à un prix au kilo et à un bel aspect – quant à la saveur et au goût… L’alliance de la chimie et du numérique promet à l’exploitant d’oublier la terre comme géographie, relie, exposition – ces artifices oblitèrent lieu et temps ; l’agriculture moderne est hors sol !

    Le projet poursuivi par tous les accords de libre échange est d’en finir avec toute marque ou appellation territoriale. La terre est un actif comme un autre, évaluée selon son rendement à l’hectare et son statut d’investissement refuge, et négociable sur le marché mondial des terres. Et de même, c’en est fini et bien fini du médecin qui connaissait l’histoire de la famille, des maladies d’enfance aux accidents de toute vie, et qui jugeait d’un coup d’œil si « c’est grave, docteur ? » Contre toute l’expérience de l’art médical, le corps humain est pris pour une mécanique comme une autre et la médecine est priée de se plier à sa vocation – devenir le prescripteur des Big Pharma qui lui fournissent de quoi soigner, surtout pas guérir – l’idéal étant le vaccin qu’il faudra refaire sa vie durant, source de revenus inépuisables et prévisibles ! Autant dire qu’il n’y a plus aucun respect de l’être humain dans cette vision, de même qu’il n’est plus question de respect du vivant dans l’agro-industrie. Quant à l’alimentation, qui y voit autre chose que le moyen de soumettre les peuples, selon le fort mot de Kissinger, « On tient les Etats par l’énergie et les peuples par l’alimentation » ? Les commentateurs naïfs ont cru que c’était un constat ; ils n’ont pas compris que c’était un programme, que les multinationales américaines ou chinoises se mettent en demeure de réaliser à travers la concentration, la norme et le droit. Qui croit que le territoire, la tradition ou la liberté ont quelque chose à y voir ?

    Si la première priorité est celle de l’autonomie alimentaire, elle dépend d’abord, sur le moyen et long terme, de terres vivantes et fécondes. C’est pourquoi il est non seulement vain, mais dangereux, d’opposer écologie et puissance. Au moment où plus de 60 % des terres agricoles européennes sont menacées de devenir stériles du fait de mauvaise pratiques culturales, la priorité s’impose : la restauration de la nature, des haies, des zones humides, la protection des sols, le retour de la biodiversité, ne s’opposent pas à la puissance, comme une propagande dictée par les industriels de l’agrochimie le fait accroire, mais elle en est une condition. Ajoutons ce constat ; même si quelques entreprises agricoles issues de la coopération, comme Limagrain, le groupe Avril, etc., ont connu de remarquables succès à l’international, contribué à la balance commerciale de la France et bien servi la puissance de la France dans le monde, cette contribution à la sécurité et à l’autonomie alimentaire est contestable. Plus la France est engagée dans la globalisation et les échanges de marché, plus elle est dépendante d’intérêts qui ne sont pas les siens. Plus la France parvient, dans le cadre des accords de libre-échange et dans les quelques domaines où elle atteint une excellence reconnue, par exemple les vins, à gagner des parts de marché et à s’ouvrir de nouveau marchés, plus elle est dépendante de contre-mesures et plus elle est en danger, puisque toute interdépendance est aussi une dépendance.

    Hervé Juvin (Le Nouveau Conservateur, 24 janvier 2024)

    La suite de cette analyse est à retrouver dans le numéro XII du Nouveau Conservateur.

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  • Pour une écologie nationale !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré au localisme.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

     

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    Pour une écologie nationale !

    Ce mois de mai 2023, le localisme fait son entrée dans le dictionnaire Petit Larousse ! Cette reconnaissance d’un mouvement qui grandit en Europe et dans le monde salue tous ceux, de France et d’ailleurs, qui bénéficient d’un environnement sain, bienveillant et beau, qui veulent le conserver, le promouvoir et le transmettre.

    Ces localistes ont quatre ennemis.

                1 ) Les apprentis sorciers qui veulent leur faire croire qu’en abandonnant leurs traditions, leurs frontières et leurs identités, et en donnant les clés à ceux qui se croient supérieurs par élection divine ou par leur génie propre, le monde sera meilleur. L’autonomie locale, territoriale, communautaire, est la voie de la transition écologique réussie.

                2 ) La financiarisation qui veut que tout soit à vendre, les hommes comme les gênes et la terre comme l’air, que les biens communs soient privatisés, et que le monde ne soit plus qu’un marché commandé par la rentabilité du capital. L’écologie est la forme la plus actuelle du combat social pour l’égalité et les libertés. Décidons nous-mêmes de ce qui nous concerne !

                3 ) La globalisation, qui conduit à proposer des réponses globales à des problèmes tels que la disparition de la biodiversité, l’épuisement des ressources naturelles et le dérèglement climatique, qui ont pour première cause la globalisation elle-même. L’avenir est à l’éloge des frontières :

                4 ) L’intrusion du numérique dans chacun des aspects de la vie, à travers l’identité numérique, la monnaie numérique, la santé numérique, qui séparent l’homme de la nature plus radicalement encore que la révolution industrielle. « Tapez 2, tapez 3″ est l’arme de destruction massive des communautés, des proximités, et du localisme. Plus jamais ça !

                Le silence des prétendus « Verts » sur le sujet est assourdissant. L’écologie est le prétexte aux politiques les plus anti-sociales, anti-démocratiques et anti-libérales poursuivies depuis trente ans. La transition écologique est un chèque en blanc donné aux dérives de techniques qui menacent l’existence de l’humanité elle-même, de l’IA aux vaccins à ARN messager. Et l’alignement des Verts au Parlement européen sur les intérêts américains devrait avertir sur leur complicité avec la ploutocratie qui s’est emparée de Washington, et dont le grand peuple américain entreprendra tôt ou tard de se libérer.

                Le temps est venu d’élever la voix sur ces quatre sujets. Pour que renaissent nos villages, nos villes et nos régions. Pour que nos traditions, nos singularités, et ces cultures nées de siècles d’intimité avec des écosystèmes tous différents, tous uniques, redeviennent notre bouclier contre les illusions du changement. Pour renouer l’alliance entre les hommes et la nature dont ils sont membres.

                Ceux qui prétendent nous conduire vers un monde meilleur n’ont réussi à ce jour qu’à nous diriger vers le pire des mondes, celui des zélateurs de Davos, des Hariri et cie, celui contre lequel Claude Lévi Strauss, Noam Chomsky ou Hannah Arendt n’ont cessé de nous prévenir, un monde dont la diversité humaine et naturelle, notre trésor commun, aurait disparu. La banalité du mal est là, chez ceux qui prétendent changer l’humanité et faire advenir l’homme nouveau, ce qui a toujours, toujours désigné une tentation totalitaire.

    Attendre le salut du génie inventif de l’homme libéré de toutes entraves n’a fait à ce jour qu’aggraver les dégâts provoqués par la fuite en avant technique. La priorité écologique est de rendre à nos démocraties le pouvoir sur la science et la technique qu’elles ont abandonné. Il est urgent de retirer aux usuriers de la brevetabilité du vivant, de la privatisation de la santé, comme aux rentiers des « Intellectual property rights » les privilèges que nos démocraties leur ont abandonnés. Sinon, la science et la technique détruiront nos démocraties comme la « woke » culture détruit la nature humaine. Les économies de rente sont les pires ennemies du progrès collectif.

                La prétendue « transition écologique » ordonnée par l’Union européenne est au service du globalisme. Elle est à l’origine d’une régression sociale sans précédent. Elle est intrusive, supprime des libertés essentielles, et menace de s’en prendre à la propriété privée — les habitations qualifiées de « passoires thermiques » interdites à la location le seront bientôt à la vente. Qu’en diront des millions de Français, propriétaires expulsés ? Elle affirme comme des faits établis des paris incertains, comme les bénéfices écologiques du tout électrique, tout renouvelable, tout numérique. Et elle porte atteinte aux droits humains fondamentaux, suivant les commandements du World Economic Forum qui vient de déclarer que l’accès à l’eau n’était pas un droit humain (le 5 mai) !

                Cette transition est dictée de l’extérieur, par des ONG, des Fondations et des organisations étrangères aux Nations européennes. Elle a pour fonction stratégique de détruire les moyens de l’indépendance européenne, le nucléaire étant suivi par l’automobile allemande et l’armement français. La contrainte énergétique aggravée par les sanctions contre la Russie conduit les pays de l’Union à devenir des économies de service, dépendants de l’extérieur pour satisfaire les besoins vitaux de leurs populations. Les paniques écologiques, et d’abord le réchauffement climatique, ont été instrumentalisées pour obtenir le résultat attendu ; le sabordage par l’Europe des moyens de son indépendance — et d’abord, sa compétitivité industrielle, ses excédents commerciaux, bientôt, sa monnaie elle-même (qui analyse l’effet sur l’euro du déficit commercial allemand en 2022, 85 milliards d’euros, le premier depuis deux générations ?)

    La priorité écologique est localiste. Elle consiste à rendre nos territoires autocentrés et autosuffisants, à la fois pour réduire les risques liés aux dépendances extérieures, les pollutions de la mobilité forcée, et pour leur permettre d’exprimer le meilleur d’eux-mêmes pour l’exporter. Elle place sous contrôle citoyen les organisations financées depuis l’étranger. Les Français responsables de leur territoire, dans leurs frontières, au nom de ceux qui sont morts avant eux et de ceux qui naîtront après eux, sont les meilleurs intendants de la nature et de la vie que les nomades prédateurs sont prêts à vendre au plus offrant.

                L’alignement de l’Union européenne sur l’agenda globaliste mobilise la transition écologique pour mieux aligner, conformer, uniformiser, un cadeau aux groupes mondialisés dont le naufrage des PME européennes va révéler l’ampleur. La plus grande sottise, partout répétée, est que le changement climatique étant universel, appelle des réponses universelles. Double sottise, puisque le changement climatique dramatique ici peut être bénéfique là — la Russie pourrait en être bénéficiaire. Sottise encore, puisque la réponse à un dérèglement directement issu de la globalisation — transports, besoins en énergie, niveau de consommation — ne réside pas dans plus de globalisation, mais dans des approches locales, différenciées selon les territoires, respectueuses de traditions dont beaucoup résultent de l’adaptation séculaire à des écosystèmes spécifiques — qui peut soutenir que la réponse pertinente au dérèglement climatique soit identique en Finlande et en Sicile, au Bangla Desh et au Sahel, en Israël et en Alaska ?

    Et qui ne voit que beaucoup des normes dictées par les lobbys ont pour première fonction d’éliminer les PME et les artisans comme les solutions locales, au profit des produits standardisés des multinationales, ennemies de notre patrimoine comme de la beauté de nos villages et de nos villes ? Les normes éliminent la capacité d’organisation spontanée des sociétés humaines, pour la remplacer par les modèles des consultants, les tableurs des auditeurs, et la conformité globale. Voilà pourquoi toute politique écologique est conservatrice, localiste, et sociale — affirmant les droits des sociétés politiques au-dessus de ceux de la cupidité individuelle, de la rentabilité du capital et de la privatisation des biens communs.

                La transition écologique européenne est une aubaine pour la finance globale. Que signifient tant de milliards d’investissements dont seule la dépense publique assure la rentabilité ? L’indécence des subventions publiques que mobilise la transition écologique européenne, notamment dans les renouvelables, n’a d’égale que la violence des rentabilités atteintes grâce à l’argent public ; les contribuables européens financent à travers les prix d’achat garantis aux éoliennes l’une des pires escroqueries de leur histoire ! Le pillage de l’argent public a trouvé dans la transition écologique un eldorado.

                Il est tout aussi grave que la centralisation favorable aux géants de la gestion de capitaux et du crédit contribue à la destruction des autonomies territoriales et des singularités nationales et régionales. Elle se déroule au détriment des banques locales ou régionales, des coopératives et des mutuelles, des logiques territoriales et localistes. Son premier effet est l’éloignement des centres de décision, pour lesquels tout projet se réduit à des états financiers, sans visage, sans poignée de main, sans rien de ce qui fait société.

    Le second est l’alignement sur de prétendues normes de rentabilité internationales, souvent supérieures à 15 % annuels, qui n’ont rien à voir ni avec le niveau soutenable d’exploitation des ressources naturelles, ni avec le niveau soutenable des revenus d’une banque durable, de l’ordre de 5 % à 7 % — de quoi rémunérer un réseau, des salariés, des sociétaires, et le coût du risque. Enfin, c’est la difficulté d’accès à l’offre écologique que ces investissements sont supposés financer ; l’augmentation des rendements financiers se traduit toujours par une raréfaction de l’offre et de la demande solvables.

    Les exigences de rendement financier actuel sont en elles-mêmes destructrices de l’environnement et de la société ; il est grave que la transition écologique européenne se présente d’abord comme une aubaine pour la finance globale, appelée à mobiliser des capitaux, arbitrer des projets, gérer les investissements, sans aucun rapport avec l’utilité réelle, les services écosystémiques et la réalité territoriale (lire Arnaud Berger, Annales des Mines, XXX). Toute économie repose sur la gratuité des processus naturels — la germination des plantes, la croissance des arbres, le cycle de l’eau, la photosynthèse, n’ont pas de prix. Qui dira qu’ils n’ont pas de valeur ? Les systèmes par lesquels la prétendue transition écologique donne un prix à la vie, à la reproduction et à la nature sont des systèmes de mort — des systèmes qui réalisent la malédiction biblique de l’homme maître et possesseur de la nature, et condamnent ceux qui s’en inspirent à la ruine, à la haine, et à l’extermination finale. Tout projet écologique est localiste ; il restaure la liberté des acteurs à s’organiser selon leurs choix, à déterminer eux-mêmes les cadres et les statuts de leur action collective — et les formes associatives, coopératives ou mutualistes, comme les monnaies locales, qui préviennent l’accumulation des réserves ou leur concentration privée sont au cœur des solutions efficientes de financement. Et tout projet écologique appelle au contrôle collectif des techniques et de la science — le gouvernement des experts a toujours débouché sur les pires régimes politiques, l’avènement de l’homme nouveau a toujours ouvert des horizons de cauchemar, et ceux qui prétendent conduire l’humanité vers des jours meilleurs ont toujours été les pires ennemis des hommes d’ici, de chez nous et de leur terre que nous sommes.  

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 9 mai 2023)

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  • Hervé Juvin et la démondialisation de l’économie...

    Le 17 juin 2022, Clémence Houdiakova recevait Hervé Juvin dans la matinale de Radio Courtoisie, Ligne droite, à l’occasion de la sortie de son nouveau livre intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

                                                 

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  • Chez nous !...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un essai d'Hervé Juvin intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    " La crise de la Covid-19 n’a pas seulement changé nos vies, elle a révélé au grand jour les impasses d’une globalisation imposée à marche forcée par les marchés et la financiarisation des choses et des êtres, à telle enseigne que le trajet du coronavirus a suivi celui des lignes aériennes. Ce virus est à la fois l’avatar de la globalisation – et son échec le plus patent. Extension du contrôle social, restriction des libertés, toute puissance de Big Pharma et des Gafam, dérive de la séparation des pouvoirs, faillite de notre industrie. Pour autant, ce n’est pas la fin de tout ; une solution existe pour que l’économie redevienne plus humaine, le monde plus vert et l’homme plus libre…
    Et cette solution s’appelle le « localisme » ! Rien de tel pour réduire le pouvoir de la finance, restaurer une écologie créative et non plus punitive, redonner à l’homme le goût et le sens de la liberté. Revenir au plus proche, au plus concret, au plus vivant. Du rôle de l’État à la refondation de l’entreprise, les pistes ne manquent pas pour réaffirmer le droit de choisir notre destin en garantissant aux Français que nous sommes bel et bien « chez nous » ! Voilà ce que permet le localisme, voilà ce qu’explique cet ouvrage. "

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  • Écologie politique ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à la question de l'écologie politique...

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    Écologie politique ?

    La science des systèmes vivants complexes est mobilisée pour garantir les conditions favorables à l’existence humaine sur terre. C’est tout le sens d’une écologie politique, écologie des ressources et de la vie. Mais aussi, écologie des pouvoirs et des intérêts. Des Nations et des civilisations. Trop longtemps, le discours de l’écologie politique a ignoré les questions géopolitiques. Il a ignoré la puissance, la Défense, et la sécurité. Alibi de la globalisation, il s’est abandonné aux platitudes de l’universalisme marchand et il leur a sacrifié la réalité des écosystèmes et des cultures qui leur sont liées, tous différents, tous enfants de la géographie et de l’histoire, à la fiction d’un monde humain uniformisé par la technique, d’un côté, de l’autre, à une sacralisation de la nature importée du mythe américain du « wilderness » — que le monde serait beau sans hommes !

    Une évidence

    L’urgence est d’accepter l’évidence ; parce qu’elle concerne l’eau et la terre, la diversité animale et végétale, la qualité de l’air et des aliments, parce qu’elle touche à la fertilité et à la fécondité animale, végétale et humaine, parce qu’elle entre en consonance avec les identités collectives, les traditions et les frontières, l’écologie est aussi un savoir de la sécurité, de la défense — et de la paix. Les circonstances dramatiques déclenchées par l’invasion russe de l’Ukraine appellent aussi une révision drastique des politiques dites « environnementales ». D’abord pour affirmer sans ambiguïté que l’écologie humaine est seule capable d’assurer dans la durée les ressources naturelles et les services écosystémiques nécessaires à la vie de nos concitoyens sur leur terre et dans leur Nation. Une terre épuisée par l’abus de traitements artificiels et des exigences de rendement excessives met en danger la sécurité alimentaire de la population qu’elle nourrit et la rend dépendante de l’extérieur. À long terme, la qualité environnementale qu’exprime notamment la biodiversité est un facteur décisif de cette sécurité qui commence par l’autonomie ; produire chez soi ce que l’on consomme, qui se nourrit de l’économie circulaire ; rien ne se perd, rien ne se jette, tout se récupère, se répare ou se transforme, et qui s’achève par la conscience du devoir de transmission familiale, locale et nationale ; transmettre aux siens un territoire plus beau, plus riche et plus vivant.L’écologie nous appelle à ménager la terre, à respecter les cycles de la vie, et à imposer des limites à la croissance des productions animales et végétales ; rien ne le dit mieux que ces terres mortes, parce que les insectes qui assurent la fécondation ont disparu, éliminés par les pesticides, comme les oiseaux qui tuent les ravageurs, et parce que la matière vivante du sol est épuisée, jusqu’à plusieurs dizaines de centimètres de profondeur, par l’abus des fongicides et autres chimies du sol — des terres qui ne produisent plus que gorgées d’engrais, des terres écrasées par des machines de plus en plus lourdes, travaillées par des agriculteurs devenus les faire valoir du machinisme, des semenciers et des chimistes allemands, au moment où les prix des engrais vont exploser ! Où sont la sécurité alimentaire, l’autonomie nationale et le devoir de transmettre ?

    Des singularités nationales

    Ensuite pour promouvoir le respect des singularités nationales, régionales et locales qui s’expriment dans les traditions, dans les modes de faire et de vivre, et qui traduisent la coconstruction millénaire des hommes par leur foyer territorial, et de leur foyer territorial par les hommes. Cette intimité est la première source de la richesse culturelle européenne. Elle est bafouée par des réglementations et des obligations intrusives qui alignent, uniformisent et nivellent au nom de la technique, pour le plus grand profit des multinationales, dans une logique de concentration délétère. L’Union des directives, des normes et de la conformité fait de l’Europe un non-lieu, archipel de bulles métropolitaines artificielles, séparées par des déserts à exploiter et à faire obéir.L’intérêt des multinationales est que tous les hommes construisent les mêmes maisons avec les mêmes matériaux standardisés, mangent les mêmes produits sans origine, sans saveur et sans goût, avalent les mêmes images et soient soumis aux mêmes informations — que tous les hommes deviennent les mêmes, ce qui impose l’artificialisation de leurs conditions de vie. Numérique, climatisation et individualisation vont de pair ; la sortie de la nature est le projet du capitalisme totalitaire. Face à son emprise, le localisme est la voie de la liberté, le choix politique d’une écologie humaine ; celle de l’alliance renouvelée entre l’homme et la vie.Encore, pour reconnaître que l’écologie est la science de bien vivre sur son territoire, parmi les siens, avec toutes les formes de la vie. Une écologie humaine est aussi une écologie des pouvoirs, de la puissance, de la sécurité et de la Défense. Une écologie des frontières, des États, et des marchés. Des rêves, et des désirs. L’écologie n’est pas une punition infligée à des populations qui auraient tort de vouloir défendre leurs libertés, conserver leur mode de vie, et demeurer ce qu’elles sont. Le naufrage de l’écologie politique ne s’explique pas sans le caractère anti-social, anti-national et punitif de dispositions contraires aux libertés individuelles comme aux choix de vie de nos concitoyens, des dispositions qui multiplient les exclusions, les inégalités et les discriminations, des dispositions concernant aussi bien le transport routier que les automobiles, le chauffage que l’alimentation, et qui ajoutent à la pauvreté la mauvaise conscience.
    Bouée de sauvetage du globalisme en perdition, le dérèglement climatique a été instrumentalisé pour accréditer l’idée fausse que les mêmes solutions vont résoudre un problème unique. Dans la réalité, il n’est pas deux écosystèmes touchés de la même manière par le dérèglement du climat, qui peut signifier ici refroidissement quand il entraîne ailleurs réchauffement, ma perte de biodiversité quand ici il va favoriser la fécondité du vivant ! Dans la réalité, les capacités d’adaptation humaines aux extrêmes climatiques se sont révélées extraordinaires ; et si le temps semble cette fois compté, l’urgence est tout aussi bien d’adapter et de s’adapter qu’elle est de lutter contre le changement du climat par des moyens autoritaires qui sont bien proches de devenir totalitaires.

    Pour réconcilier écologie et économie

    Inutile de rappeler les complexités à court terme. À long terme, relocalisation, réduction des intrants et des composants réalisent l’idéal de toujours des ingénieurs ; faire pareil avec moins, moins d’énergie, de matière ou d’argent. C’est la voie de l’écologie sociale, nationale et heureuse. À long terme, démocratie et écologie se rejoignent pour faire du nouveau combat pour l’autonomie humaine leur cause commune ; le grand enjeu politique du moment est de reprendre le contrôle sur la technique, de ne pas laisser les techniques, notamment numériques, disposer de nos vies et de la vie comme elles tentent de le faire à travers la sujétion inouïe des politiques aux maîtres des écrans et des algorithmes. Le nouveau combat pour l’autonomie est le combat contre l’obéissance numérique, contre la sidération numérique, contre la saisie de l’esprit par l’écran. Et l’écologie et la démocratie se rejoignent pour dénoncer la fuite en avant qui veut qu’aux imperfections des marchés, une seule solution existe ; plus de marché ! Le capitalisme devenu totalitaire à la faveur de systèmes comptables, juridiques et numériques invasifs entend que pas un grain de sable, un atome d’air, une goutte d’eau, un gène ou un être vivant, n’échappent à la loi du rendement maximal. Cette privatisation universelle est une privation généralisée. La protection abusive du capital se tourne contre la propriété, elle se tourne contre la liberté politique et la souveraineté des Nations, elle finit par ruiner la notion même de politique — la capacité des peuples de décider eux-mêmes de ce qui les concerne. Sur les limites des opérations économiques, sur les limites de l’entreprise privée, sur le contrôle des techniques et des marchés, l’écologie est la science qui peut réconcilier économie et démocratie, et tenir cette promesse fondatrice ; remettre l’économie au service de la bonne vie.

    Écologie des Nations et des civilisations

    Un écosystème qui se ferme à tout échange avec l’extérieur dépérit et meurt, un écosystème ouvert à tout ce qui lui vient de l’extérieur dépérit et meurt. Nous en sommes là. L’écologie nous enseigne qu’un certain degré de fermeture et de protection est une condition de la survie, parce que « c’est la condition de la stabilité du milieu intérieur » (Claude Bernard). Un certain degré de séparation entre sociétés humaines garantit leur liberté réciproque, leur capacité de se donner leurs lois et de suivre leur destin. Comment mieux dire qu’une globalisation qui signifie alignement et mise en conformité universelle appelle le conflit, la guerre, et la destruction ?   Nous y sommes. Il est vain de demander à l’écologie des réponses à l’urgence de la paix et de nouvelles relations internationales. Mais il n’est pas inutile de rappeler le doux savoir que la science de la vie doit infuser aux rapports internationaux comme aux relations humaines, un doux savoir des limites, de la mesure et de la modestie.
     
    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 15 avril 2022)
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  • Relocaliser l’économie : un impératif vital !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Eman cueilli sur son blog A moy que chault ! qui rappelle que la résistance identitaire à la mondialisation passe par un localisme économique bien compris.

    Animateur du site Paris Vox, rédacteur en chef de la revue Livr'arbitres et collaborateur de la revue Éléments, Xavier Eman est l'auteur de deux recueils de chroniques intitulé Une fin du monde sans importance (Krisis, 2016 et la Nouvelle Librairie, 2019) et d'un polar, Terminus pour le Hussard (Auda Isarn, 2019).

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    Relocaliser l’économie : un impératif vital

    La rupture effective avec le totalitarisme de la mondialisation exige le retour à des espaces limités, autonomes, largement auto-suffisants, à taille humaine au sein desquels des communautés homogènes et solidaires puissent s’épanouir autour de leurs identités charnelles régénérées.

    Pour qu ce « retour au localisme », tel que notamment théorisé par la Nouvelle Droite1, ne reste pas une simple utopie romantique servant à nourrir les conversations de fin de soirées de jeunes urbains alcoolisés, il nécessite plusieurs impérieux préalables :

    - La fin de l’omnipotence citadine et le renoncement à l’idéologie pavillonnaire (qui n’est rien d’autre que l’extension infinie d’une non-ville au sein d’une non-campagne composant peu à peu un immense no-man’s land individualisto-petit bourgeois) au profit d’un réel réaménagement du territoire réinvestissant la ruralité 2.

    - La dénonciation de l’idéologie de la croissance perpétuelle et du gaspillage organisé nécessitant une production toujours plus massive et toujours plus délocalisée pour en minimiser les coûts et en augmenter ainsi l’attractivité, à laquelle on substituera la valorisation de la frugalité et de la simplicité volontaire.

    - La réhabilitation de l’apprentissage des arts, techniques et métiers, préféré au culte délirant d’un secteur tertiaire déifié et producteur de cet immense prolétariat « intellectuel » pourrissant sur pattes dans les blocs de bétons de nos cités tentaculaires.

    La tâche est donc immense mais seul ce triptyque semble capable de permettre une évasion viable du système libéral et financier globalisé, nouvel esclavagisme moderne, en permettant non pas une fumeuse, bien que séduisante en théorie, « sortie de l’économie » mais une refondation de celle-ci sur des principes de proximité, d'utilité collective et de mesure. En un mot et pour rependre l’analyse aristotélicienne: s’arracher à la chrématistique (volonté d’accumulation des moyens d'acquisition en général, et plus particulièrement la monnaie, pour eux-mêmes et non en vue d'une fin autre que son plaisir personnel) pour revenir à une économie « naturelle » (les échanges nécessaires à l'approvisionnement de l'oïkos, c'est-à-dire de la famille élargie au sens de communauté).

    Non pas nier l’économie mais la remettre à sa place.

    Pour réaliser ce qui n’est rien moins qu’une révolution civilisationnelle, un certain nombre de prises de conscience et de changements de comportements, individuels puis collectifs sont nécessaires, aussi modestes dans leur apparence qu’immenses dans leurs conséquences.

    Chacun doit notamment comprendre que tous ses actes d’achats de biens ou de services sont des actes politiques sans doute concrètement aussi importants, si ce n'est plus, que le collage d’une affiche ou l’assistance à une conférence (l’un n’excluant évidemment pas l’autre, bien au contraire.). Ainsi l’analyse systématique des origines des produits consommés et leur « discrimination » en fonction de celles-ci permettra sur le long terme une « pression au local » susceptible de susciter un certain nombre de « relocalisations ».

    Car il faut garder à l’esprit qu’acheter un tshirt fabriqué en Chine et imprimé en Indonésie barré d’un slogan farouchement révolutionnaire européen ou d’un symbole de la Tradition n’est pas un acte réellement identitaire mais simplement une participation à l’une des innombrables « niches tribales» de la consommation mondialisée. Achetez ses fruits et légumes, ses œufs et son fromage en vente directe auprès d’agriculteurs locaux, choisir un pull marin tricoté dans un atelier de Bretagne, privilégier systématiquement les artisans sur les grandes surfaces, renoncer à une futilité technologique fabriquée par les enfants-cerfs du tiers-monde sont par contre de véritables actes de résistance identitaire. Moins « visibles » peut-être, mais plus utiles assurément3.

    Cette optique est bien entendu incompatible avec la recherche perpétuelle du « plus bas prix », cette idéologie de l’accumulation névrotique par le « discount »; c’est au contraire une prise en compte permanente de la « qualité », de « l’éthique » et de la « durabilité » et non uniquement du « prix » affiché, généralement inversement proportionnel au coût social et identitaire. Une telle démarche nécessite des moyens financiers importants ? C’est en effet un contre-argument souvent avancé mais qui ne résiste pas à l’analyse.

    Ainsi lorsque l’on sait qu’entre 30 et 35% de la nourriture achetée est finalement jetée sans être consommée, il apparaît évident qu’une gestion plus raisonnée des quantités acquises compenserait largement le surcoût de produits alimentaires locaux, de saison et de qualité4.

    Ainsi une telle volonté de « politisation des achats », pour être viable, doit s’accompagner de l’acceptation d’une sobriété bien comprise. «Moins mais mieux », encore et toujours.

    Cet « activisme de la consommation », s’il est indispensable, n’est évidemment pas à lui seul suffisant pour entraîner une rupture profonde avec la logique mondialiste de la production marchande. Pour y parvenir, l’action politique étatique parait incontournable. Celle-ci pourrait prendre notamment la forme d’une fiscalité progressive en fonction de le proximité du producteur et du consommateur (« TVA local » : plus la production est proche, plus la TVA est basse. Proposition intéressante avancée notamment par les Identitaires lors de leur convention d’Orange). Elle pourrait aussi s'incarner dans une rigoureuse politique de sanctions, au niveau européen, envers les entreprises recourant aux délocalisations (amendes, fermeture des marchés à leur production, saisie des avoirs...).

    Les possibles destructions d'emploi provoquées au sein des usines à gadgets et des diverses multinationales par une décroissance raisonnée pourraient pour leur part être compensées par un renouveau des services de proximité (petits commerces, services à la personne, enseignement, dépannages et réparations, atelier coopératifs travaillant sur les matières premières locales, mise en valeur du patrimoine...) et par un recours plus massif à la main d'œuvre dans des exploitations agricoles désindustrialisées. Ainsi, aux États-Unis, certains agriculteurs productivistes, confrontés à une prolifération de mauvaises herbes devenues résistantes à toutes les saloperies chimiques balancées sur leurs champs (notamment ce poison violent qu'est le round-up), ont été contraints de stopper l'utilisation de pesticides et de recourir à l'arrachage manuel, créant ainsi, à leur corps défendant, un cercle vertueux: création d'emplois générant des revenus permettant d'écouler en local des fruits et légumes au coût de production plus élevé mais à la qualité gustative et sanitaire bien supérieure.

    Politiquement, socialement, écologiquement, la relocalisation de notre économie est une nécessité absolue. A nous d’opposer à l’uniformisation mercantile de la globalisation ce que les Anciens appelaient le « genus loci » et Heidegger le « Er-örterung », c’est-à-dire « l’assignation au site».

    « Ce que nous appelons un site est ce qui rassemble en lui l’essentiel d’une chose » précisait le philosophe allemand.

    Il est grand temps aujourd’hui d’y revenir.

    Xavier Eman (A moy que chault ! , 29 mars 2021)

     

    Notes :

    1 Revue « Eléments », numéro 100.

    2 Le néo-ruralisme, comme son nom l'indique d'ailleurs, n'est pas une imitation plus ou moins maladroite d'un modèle passé mais une recréation, une nouvelle forme d'investissement de l'espace rural. Ainsi le « retour à la paysannerie » est-il simplement l'un des aspects de cette démarche et non la voie unique d'une réappropriation de la terre. Les courageuses initiatives de quelques camarades néo-paysans sont autant d'exemples remarquables, démontrant la faisabilité de ruptures radicales. Cependant tout le monde n'a pas été et ne sera pas paysan et c'est bien l'ensemble du spectre des activités humaines qu'il faut redéployer dans la sphère rurale, selon le génie propre de chacun.

    3 Certains sites internet permettent d'aiguiller cette pratique de « l'achat localiste

    4 Cet exemple est transposable à bien d'autres domaines, de l'habillement, avec ses armoires dégueulant d'habits jamais portés, aux équipements hifi ou audiovisuels inutiles, sitôt achetés sitôt « dépassés » par de nouvelles versions, en passant par les voyages lointains mais inutiles car réduits au préfabriqué occidentaliste des « agences de voyages » et même criminels car participant à la destruction des identités réelles sous l'action du rouleau compresseur du tourisme international de masse.

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