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libéralisme - Page 12

  • Alain de Benoist : «Il y a toujours une alternative»...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un court entretien donné par Alain de Benoist au Gruppo Opifice, groupe métapolitique de Cagliari, en Sardaigne, au cours duquel il revient sur le délitement du lien social, internet et les technologie numériques ou encore sur le libéralisme et le refus du système de toute alternative...

     

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  • Une société de narcissiques immatures...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à notre société qui voit le politique s'effacer au profit de l’émotionnel, du compassionnel ou du thérapeutique ...

     

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    « Le contrôle hygiéniste est le début du contrôle social »

    « Bouffe tes cinq fruits et légumes par jour », « Fais du sport », « Arrête de fumer », « Bois un verre mais pas deux », « Mets ta ceinture au volant », « Ne mange pas trop gras », « Fais du tri sélectif »… Après « Big Brother », « Big Mother » ?

     

    À partir du XIXe siècle, l’État-providence s’est progressivement mis en place pour suppléer à la disparition des solidarités organiques et communautaires dissoutes par la montée de l’idéologie individualiste. Il se transforme aujourd’hui en « État thérapeutique », pour reprendre une expression utilisée notamment par Christopher Lasch. Cet État thérapeutique se définit comme une alliance malsaine de la médecine et de l’État qui permet toutes sortes d’entraves injustifiées à la liberté. L’autorité se fait de plus en plus maternante, mais à la façon d’une mère possessive, désireuse de maintenir ses sujets dans la dépendance. La relation unilatérale avec l’État remplace les anciens liens sociaux. Le contrôle hygiéniste est le début du contrôle social. La médecine devient elle-même totalitaire quand elle participe du contrôle des populations.

     

    Le type humain dominant est aujourd’hui celui du narcissique immature, pour qui il n’existe d’autre réalité que lui-même et qui veut avant tout satisfaire ses pulsions. Ce type infantile, d’orientation tout naturellement libérale-libertaire, consonne parfaitement avec un système qui, comme le disait Marx, a tout noyé « dans les eaux glacées du calcul égoïste ». Il en découle une civilisation thérapeutique centrée sur le moi. Pierre Manent dit très justement que le libéralisme est d’abord un renoncement à penser la vie humaine selon son bien ou selon sa fin.

     

    Dans une société où règne l’industrie du divertissement, où personne ne s’interroge plus sur le sens de sa présence au monde, le soin de soi devient l’alpha et l’oméga de la raison d’être. Il ne s’agit plus seulement d’être en bonne santé, mais d’être « bien dans sa peau » pour oublier sa finitude. En attendant l’immortalité en ce bas monde, un rêve de jeunesse éternelle domine chez des individus qui, n’étant jamais devenus adultes, conçoivent la vie comme une fusion maternelle à laquelle aucun ordre symbolique n’a mis fin, et vivent dans une culture de l’instant ayant évacué tout sens de la continuité historique. La société s’organise alors selon le principe de la rivalité mimétique, d’une rivalités d’egos – en termes freudiens, des Moi débarrassés à la fois du Ça et du Surmoi -, tous persuadés d’être au centre du monde, ce qui ne peut que favoriser la lutte de tous contre tous.

     

    Plus profondément, qu’est-ce que cela veut dire ?

     

    La tendance est à la « psychologisation » des problèmes politiques et sociaux. La montée de l’insécurité devient un « problème de société », le chômage un « malheur individuel », l’immigration de masse un « drame humain » (auquel le « vivre ensemble » remédiera). On escamote ainsi le caractère éminemment politique des problèmes et les responsabilités qui vont avec. Il n’y a plus d’exploités, mais seulement des « malheureux », des « victimes », des « plus démunis », etc., qui n’expriment que des « plaintes contre inconnu ».

     

    Plutôt que de mettre en lumière les modes d’aliénation propres au système dominant, on fait appel à des « cellules de soutien psychologique » chargées de remédier au « mal-être ». La montée de l’émotionnel et de l’idéologie de la compassion va de pair avec la glorification libérale de la sphère privée. La diffusion des modes de pensée thérapeutique marginalise la famille et l’école tout en laissant intact le processus de domination. La propagande de la marchandise n’émancipe des anciennes formes d’autorité que pour mieux assujettir au conditionnement publicitaire. Le sociétal remplace ainsi le social, le libéralisme culturel permettant de mieux faire passer les dégâts causés par le libéralisme économique.

     

    Tout désir matériel ou affectif est immédiatement transformé en « droit ». Dans le système capitaliste, la volonté de suraccumulation se nourrit de cette illimitation du désir. L’extension de la logique marchande implique donc la destruction de tout ce qui peut ralentir le désir d’avoir et inciter au désintéressement. Comme l’écrit Jean Vioulac : « L’avènement de la société de consommation impose la dissolution de tout ce qui serait susceptible de freiner l’achat de marchandises, et donc l’abolition de toute loi morale réprimant la satisfaction immédiate du désir. Le libéralisme, en tant qu’il se définit par l’exigence de la dérégulation et de la désinstitutionnalisation de toutes les activités humaines, est le projet politique de démantèlement complet de l’ordre de la loi, et en cela un des plus puissants moteurs du nihilisme. »

     

    Au fil des années, on a voulu nous coller la trouille avec le péril bolchevik, la menace lepéniste, le raz-de-marée islamiste et, désormais, le terrorisme et le réchauffement climatique. Et vous, Alain de Benoist, de quoi avez-vous peur ?

     

    Vous vous souvenez sans doute de ce qu’écrit Beaumarchais dans Le Barbier de Séville : « Quand on cède à la peur du mal, on ressent déjà le mal de la peur. » La peur étant mauvaise conseillère, je crois qu’il faut surtout avoir peur des peurs des autres. Personnellement, je n’ai cessé de souffrir de la bêtise de la droite et du sectarisme de la gauche. Selon les jours, c’est l’une ou l’autre qui m’inquiète le plus. Mais je n’aime pas non plus les « petites brutes » dont parlait Bernanos. Ceux qui se flattent de ne jamais rien donner aux mendiants, et qui ne se font qu’une idée haineuse de la politique. La sensibilité est à la fois le contraire de la dureté de cœur et de la sensiblerie.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 28 mai 2015)

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  • Des électeurs du FN en attente de justice sociale ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la question de l'accroissement des inégalités économiques...

     

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    « 1 % des Terriens est plus riche que les 99 % restants. À quand un peu de justice sociale ? »

    À en croire un récent sondage Cevipof, publié par Le Figaro, un adhérent sur deux du Front national voudrait « établir la justice sociale en prenant aux riches pour donner aux pauvres » et serait favorable à une « réforme en profondeur » du système capitaliste. Révolution ?

    Les électeurs du FN, dont beaucoup proviennent des classes populaires, ne sont pas totalement aveugles. Comme beaucoup de Français, ils constatent que les inégalités économiques ne cessent de croître entre les pays comme à l’intérieur des pays, ce qui montre qu’elles n’ont plus rien à voir avec les capacités ou les mérites.

    La richesse cumulée des 1 % les plus riches de la planète est aujourd’hui en passe de dépasser celle détenue par les 99 % restants. Dans les pays développés, les salaires n’ont cessé de stagner ou de diminuer depuis un quart de siècle, obligeant les salariés à s’endetter toujours plus conserver leur niveau de vie, avec les résultats que l’on sait. Aux États-Unis, où l’inégalité économique a atteint son niveau le plus élevé depuis les années 1930, la somme des bonus octroyés à Wall Street en 2014 a représenté à elle seule le double du total des revenus de tous les salariés américains travaillant à plein temps au salaire minimum. En France, la seule Société générale a distribué l’an dernier 467 millions d’euros de bonus à ses salariés, soit en moyenne une prime équivalente à ce que gagne en dix ans un salarié au Smic. Tout récemment encore, le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, déjà rémunéré 450 000 euros par an, s’est vu accorder un parachute doré d’au moins 200 000 euros, tandis que l’ancien patron de PSA Peugeot-Citroën, Philippe Varin, bénéficiait d’une retraite chapeau de 299 000 euros par an.

    D’autres chiffres ? Le montant des produits dérivés échangés de gré à gré, c’est-à-dire sans passer par les bourses, a atteint en 2014 le niveau astronomique de 652 000 milliards d’euros, soit dix fois le PIB mondial, alors qu’il s’agit pour l’essentiel de produits de spéculation. Quant au marché noir mondial, selon la Cour des comptes américaine, il ne brasse pas moins de 10 000 milliards de dollars par an.

    Sympathisants ou non du FN, les Français voient les scandales financiers se succéder. Ils voient que l’évasion fiscale représente en France un manque à gagner évalué entre 60 et 80 milliards d’euros par an, soit l’équivalent de l’impôt sur le revenu, et que le quart du chiffre d’affaires international des grandes banques françaises est réalisé dans les paradis fiscaux. Ils voient que la dette publique de la France a maintenant atteint 100 % du PIB, que l’austérité libérale sacrifie des populations entières sur l’autel de la rigueur monétaire, que le chômage dans la zone euro est passé de 7,3 % avant la crise à 11 % en 2012 (huit millions de chômeurs de plus), qu’il n’y aura bientôt plus que des embauches par contrats à durée déterminée, et que la « flexibilité » porte atteinte aux exigences minimales de sécurité économique et sociale des personnes. Qu’ils se fassent de moins en moins d’illusions sur un système qui socialise les pertes et privatise les profits, n’est pas vraiment étonnant.

    Cela n’empêche pas que le programme de « patriotisme économique » du FN soit régulièrement dénoncé comme « irréaliste », sinon comme « gauchiste ». Jean-Marie Le Pen – qui, il est vrai, ne paraît pas spécialement décidé à prendre sa retraite ! – a lui-même déclaré dans son fameux entretien dans Rivarol qu’« il est ridicule de demander la retraite à 60 ans »…

    Jean-Marie Le Pen, qui se présentait naguère comme le « Reagan français », a apparemment mal lu le programme de son parti. Sauf erreur de ma part, le FN ne défend pas la « la retraite à 60 ans », mais la possibilité de bénéficier à cet âge d’une retraite à taux plein lorsque l’on a acquitté 40 annuités de cotisation, ce qui n’est pas la même chose (car une minorité seulement de salariés de 60 ans satisfait à cette condition).

    Pour ma part, si j’avais quelques chose à reprocher au programme économique du FN, ce serait plutôt d’en rester trop souvent à un keynésianisme qui, pas plus que le libéralisme, ne permet de sortir des catégories de l’économie néoclassique. Il reste à ses concepteurs à comprendre la nature exacte de la Forme-Capital, le fétichisme de la marchandise et la fuite en avant dans l’illimité de la suraccumulation, la marchandise comme objectivation phénoménale de la valeur et comme élément désormais structurant des rapports sociaux, le potentiel d’autocontradiction interne (entre la valeur d’usage et la valeur d’échange, le travail abstrait et le travail concret, le travail privé et le travail social) que contient le développement capitaliste en général, et bien d’autres choses encore.

    Entre ceux qui veulent tout redistribuer – même donner à ceux qui n’en foutent pas une rame – et les autres qui ne veulent rien partager, n’y aurait-il pas de possibilité de tracer une voie médiane ?

    L’alternative n’est pas de l’ordre du plus ou du moins. Elle est bien plutôt entre ceux qui croient possible de réformer le système capitaliste et ceux qui ne le croient pas. Or, le fait essentiel est que le processus de valorisation du capital n’a rien d’une loi naturelle. C’est au contraire parce qu’il y a une limite interne à la valorisation réelle que l’on est entré depuis une vingtaine d’années dans une économie de bulles financières. Avec la troisième révolution industrielle, succédant à une phase fordiste et keynésienne caractérisée par une montée de la survaleur relative qui permettait un certain niveau de protection sociale, les gains de productivité tendent à rendre inutile une quantité toujours plus grande de travail vivant, ce qui sape les bases du taux moyen de profit de l’économie libérale. La contradiction entre le système créditaire et la production réelle de survaleur fait que le système capitaliste est aujourd’hui menacé d’une dévalorisation généralisée de la valeur, qu’il s’agisse de la force de travail, du capital productif, du capital-marchandise, du capital-crédit ou de l’argent lui-même. Les États y contribuent eux aussi quand ils font fonctionner la planche à billets, annonçant ainsi une nouvelle bulle financière qui sera dévastatrice.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 24 mai 2015)

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  • La trahison de la gauche française...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alexandre Latsa, cueilli sur le site d'information russe Sputnik et consacré à la recomposition politique que peut entrainer la trahison du peuple par la gauche française.

     

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    La trahison de la gauche française

    Le Parti socialiste existe toujours… sur le papier, titrait récemment Slate alors que la direction du parti socialiste venait de rappeler «qu'aucun débat médiatique ne se fera durant cette campagne».

     

    On voit mal comment il pourrait en être autrement alors que les contradictions systémiques qui frappent le parti socialiste sont dues aux mêmes contraintes que celles qui frappent la « droite » française ou du moins ses plateformes de gouvernance, RPR autrefois et maintenant l'UMP.

    Les partis de la gouvernance française, à droite et à gauche, ont peu à peu perdu leurs fonds idéologiques, tout a été dissous au cours des quinze dernières années dans deux objectifs qui sont devenus des obsessions pour la droite et la gauche traditionnelles: les processus autoritaires d'intégration européenne et d'implémentation de la monnaie unique.

    Dans cette grande soumission au « système » de Bruxelles, qui s'est donc historiquement couplée avec une « libéralisation » du marché du travail et une plus grande concurrence (intra-européenne mais aussi à l'échelle mondiale) la gauche française a fini de trahir son héritage politique historique.

     

    En abandonnant les travailleurs face à la dérèglementation transnationale, en contribuant activement à la destruction de l'état français, en oubliant tout patriotisme économique, le parti socialiste prend sans doute une trajectoire historique similaire à celle du parti communiste. C'est à partir des années 70 que le PCF, (parti communiste français) en reniant ses racines staliniennes, a fini par disparaitre idéologiquement mais aussi électoralement.

     

    Il semble probable qu'un destin électoral similaire attende le parti socialiste. Ses leaders actuels semblent manquer d'idées et leur obsession de conquête électorale du centre a totalement vidé le parti de tous ses principes. Il n'a plus d'ambition idéologique en faveur du peuple français, ni la volonté de constituer un authentique projet pour défendre les travailleurs. C'est cette situation qui a provoqué récemment une révolte molle dans la gauche de la gauche.

    Cette situation est l'aboutissement d'une longue évolution qui a commencé quand la nouvelle gauche sociétale a pris le pouvoir dans les esprits, après mai 68. Depuis, deux facteurs sociologiques et économiques lourds ont fini par détruire les ambitions anciennes de la gauche française, et l'électeur de gauche n'est plus ce qu'il était.

     

    D'abord il y a eu la disparition du « populo » français dans l'esprit de nombreux nouveaux électeurs et dirigeants de la nouvelle gauche: les bourgeois-bohème avec leurs attentes sociétales libertaires. Ces habitants du centre des villes qui dirigent le parti ne ressemblent plus beaucoup aux ouvriers, paysans et employés qui historiquement constituent le socle du « peuple » français. C'est tellement vrai que pour l'élite socialiste des beaux quartiers, le mot "populisme" est devenu une grossièreté, voire une injure. On est loin du populisme social du 19° siècle aux USA ou des « Narodniki » russes de l'époque tsariste.

     

    Ensuite, il y a eu la forte immigration que le pays a connue sur les dernières décennies, qui a entrainé la disparition des périphéries urbaines pauvres, les fameuses banlieues rouges, qui constituaient les socles de l'électorat ouvrier de gauche. Si les nouveaux français, issus de l'immigration, votent jusqu'à maintenant plus à gauche qu'à droite, c'est bien souvent par crainte de dérives stigmatisantes et sécuritaires. Cependant nombre de ces nouveaux français (musulmans ou pas) ont des traditions culturelles plutôt conservatrices, et voient d'un œil méfiant les dérives sociétales mises en avant par une partie de la nouvelle gauche.

    Beaucoup d' ouvriers, paysans, employés et beaucoup de chômeurs ont déjà quitté la nouvelle gauche pour voter FN ou à droite tandis que la « nouvelle gauche » semble vouloir se focaliser sur une lutte à mort avec ce qui reste de la droite traditionnelle pour gagner la guerre du centre. Autour de ce grand centre, sur sa droite comme sur sa gauche, l'espace est donc de plus en plus occupé par un parti qui devient de plus en plus un authentique parti de gauche: le Front National qui tend même à laisser l'initiative sécuritaire à une aile de la droite de gouvernance.

     

    Si les dynamiques actuelles devaient se confirmer, le fossé devait s'accroitre au sein de la gauche, au sein d'une élite partagée entre des centristes-sociaux et des ayatollahs de la théorie du genre. Dans ce cas, nul doute que cette nouvelle gauche pourrait perdre le soutien d'une bonne partie des français d'origine immigrée, qui l'ont pourtant massivement soutenue lors des précédentes échéances électorales.

     

    Cette tendance lourde pourrait, pourquoi-pas, entrainer une recomposition bien inattendue de la vie politique française qui verrait un Front National s'ancrer de plus en plus à gauche, des blocs centristes sociaux-libéraux et européistes se coaliser pour avoir accès a la gouvernance et un mouvement souverainiste, protectionniste et étatiste faire son apparition.

     

    En 2022?

    Alexandre Latsa (Sputnik, 14 mai 2015)

     
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  • Se situer à la confluence des revendications nationales et sociales...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la situation politique créée par les succès électoraux du Front national...

     

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    « L’Union des droites ? Une vieille ritournelle qui ne s’est jamais concrétisée ! »

    Depuis les dernières élections départementales, de nombreux commentateurs politiques évoquent la naissance du tripartisme. Est-ce véritablement une nouveauté, sachant qu’après-guerre il y avait en France un quadripartisme (PC-SFIO-MRP-RPF) ?

    C’était à l’époque de la IVe République. Sous la Ve République, la vie politique s’est résumée à l’alternance régulière entre deux blocs dominés chacun par un grand parti. Ce système était favorisé par un mode de scrutin majoritaire à deux tours qui semblait exclure l’arrivée au pouvoir d’un troisième prétendant. Mais ce système ne fonctionne plus dès qu’un tiers parti conquiert de façon durable plus de 25 % de l’électorat. Nous y sommes.

    Le FN a remporté plus de cinq millions de voix au premier tour des dernières élections départementales, contre 3,3 millions au PS et 3,2 millions à l’UMP. Au second tour, dans les 1.109 cantons où il était présent, il a fait en moyenne 35 %, se positionnant même entre 45 et 50 % dans 99 cantons. Cette performance laisse prévoir des résultats encore meilleurs aux régionales, qui doivent se dérouler à la proportionnelle. On peut donc considérer qu’environ un électeur sur trois vote aujourd’hui en faveur du FN, ce qui confirme que nous sommes entrés dans l’ère du tripartisme : le système politique se structure désormais autour de trois formations principales, attirant chacune entre un quart et un tiers des électeurs.

    Dès l’instant où le FN est susceptible d’être présent au second tour de la présidentielle, tout change pour les deux autres partis. Si Marine Le Pen accède au second tour, l’un d’entre eux n’y sera pas. Chacun d’eux doit donc chercher à s’imposer à l’autre dès le premier tour, ce qui implique de changer complètement de tactique et, pour commencer, d’accélérer le processus de désignation de son candidat. Parallèlement, l’élimination du FN devient le but principal des deux autres partis, leur espoir étant de revenir au statu quo ante – alors même que ce sont leurs échecs répétés qui ont fait d’eux, à leur corps défendant bien sûr, les meilleurs sous-marins de la Marine nationale !

    Ce tripartisme actuel ne serait-il pas finalement un nouveau bipartisme déguisé (FN contre UMPS) qui transcenderait définitivement le vieux clivage droite/gauche ?

    Le tripartisme ne peut être que provisoire. On ne connaît en tout cas aucun pays occidental de tradition bipartite où, depuis un siècle, un nouveau parti soit parvenu à exercer le pouvoir. Mais comment faire émerger un nouveau bipartisme ? Marine Le Pen se présente déjà comme seule alternative possible à « l’UMPS ». Mais il faut aussi noter que l’UMP recouvre en réalité deux partis : un parti conservateur souverainiste et un parti centriste libéral. Ces deux éléments ne tiendront pas longtemps ensemble. Il en va de même du PS, qui associe un parti social-libéral et un parti social-démocrate (les « frondeurs »). La logique voudrait que les libéraux de « droite » et de « gauche » se regroupent à terme, et que les souverainistes de l’UMP rejoignent le FN. On y gagnerait en clarté.

    À ce titre, quid de la fameuse « Union des droites », vieille antienne des milieux « nationaux » qui n’a jamais vu le jour, contrairement à l’Union de la gauche qui avait amené François Mitterrand au pouvoir, tout en réduisant l’allié communiste à l’état que l’on sait ?

    L’Union des droites est une vieille ritournelle qu’on entend depuis un siècle et demi, et qui ne s’est jamais concrétisée. L’idée sous-jacente est qu’en dépit de divergences mineures, toutes « les droites » pensent fondamentalement la même chose, ce qui est parfaitement faux. Pour le Front national, d’ailleurs, s’allier à droite, mais avec qui ? Sarkozy s’est déjà déclaré prêt à engager contre le FN une « lutte à mort ». Alors, s’allier avec Christine Boutin ? Avec Dupont-Aignan ? Pour gagner 0,05 % des voix ? Marine Le Pen a au contraire tout intérêt à se situer en dehors d’un clivage gauche-droite qui ne veut plus rien dire, et dont les classes populaires ne veulent plus entendre parler. Entre l’UMP, qui n’ose pas avouer qu’elle n’est plus gaulliste, et un PS qui n’ose pas avouer qu’il n’est plus socialiste, elle a tout intérêt à combattre simultanément ceux qui ont trahi la droite et ceux qui ont trahi la gauche, en récupérant d’un côté les déçus de la nation et de l’autre les déçus du socialisme. Son but principal à droite étant de plumer la volaille UMP, pendant que Manuel Valls, enfermé dans le cockpit, reste sourd aux cris des électeurs qui tambourinent à la porte.

    L’enracinement sociologique du FN (qui mobilise plus de 40 % du vote ouvrier) rappelle celui du Parti communiste à la fin des années 1960. Sa vocation majeure est de se situer au point de confluence des revendications nationales et des revendications sociales, ainsi que le gaullisme l’avait fait en son temps. C’est sans doute possible pour autant que Marine Le Pen se débarrasse définitivement des nostalgiques de tout poil et qu’elle résiste aux sirènes petites-bourgeoises qui voudraient la voir infléchir son programme économique et social dans un sens plus libéral.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 15 avril 2015)

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  • « Le libéralisme économique et le libéralisme "sociétal" procèdent tous deux d’une même matrice idéologique »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré aux liens qui unissent libéralisme et idéologie du progrès...

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    « Il faut être d’une naïveté confondante pour tenir le système capitaliste pour conservateur ! »

    On se souvient de la déclaration de François Hollande quand il était en campagne électorale : « Mon ennemi, c’est la finance ! » Aujourd’hui, elle est apparemment devenue son amie, comme en témoigne l’arrivée aux manettes du banquier Emmanuel Macron. Quant à la loi portant le nom de ce dernier, le MEDEF devait en rêver, le PS l’a faite. Cela vous surprend ?

    Pas du tout. Depuis qu’il s’est officiellement rallié, sinon à la société de marché, du moins au principe du marché, en 1983, le PS n’a fait que dériver toujours plus loin vers un libéralisme social… de moins en moins social. Cela confirme et illustre le propos de Jean-Claude Michéa, selon qui le libéralisme économique et le libéralisme « sociétal » ou culturel sont voués à se rejoindre, puisqu’ils procèdent tous deux d’une même matrice idéologique, à commencer par une conception de la société perçue comme une simple addition d’individus qui ne seraient liés entre eux que par le contrat juridique ou l’échange marchand, c’est-à-dire le seul jeu de leurs désirs et de leurs intérêts.

    « Le libéralisme économique intégral (officiellement défendu par la droite) porte en lui la révolution permanente des mœurs (officiellement défendue par la gauche), tout comme cette dernière exige, à son tour, la libération totale du marché », écrit encore Michéa. Inversement, la transgression systématique de toutes les normes sociales, morales ou culturelles devient synonyme d’« émancipation ». Des slogans de Mai 68 comme « Jouir sans entraves » ou « Il est interdit d’interdire » étaient des slogans typiquement libéraux, interdisant de penser la vie humaine selon son bien ou selon sa fin. La gauche, aujourd’hui, donne d’autant mieux dans le libéralisme sociétal qu’elle s’est entièrement convertie au libéralisme économique mondialisé.

    Le néo-capitalisme financiarisé et mondialisé, que certains s’entêtent à considérer comme « patriarcal et conservateur », ne serait-il pas finalement plus révolutionnaire que notre « socialisme » français, manifestement à bout de souffle ?

    Il faut être d’une naïveté confondante pour voir dans le système capitaliste un système « patriarcal » ou « conservateur ». Le capitalisme libéral repose sur un modèle anthropologique, qui est celui de l’Homo œconomicus, un être producteur et consommateur, égoïste et calculateur, censé toujours chercher à maximiser rationnellement son utilité, c’est-à-dire son meilleur intérêt matériel et son profit privé, et sur un principe ontologique qui est celui de l’illimitation, c’est-à-dire du « toujours plus » (toujours plus d’échanges, toujours plus de marché, de profits, etc.). Cette propension intrinsèque à la démesure le conduit à considérer tout ce qui peut entraver l’extension indéfinie du marché, la libre circulation des hommes ou la marchandisation des biens comme autant d’obstacles à supprimer, qu’il s’agisse de la décision politique, de la frontière territoriale, du jugement moral incitant à la mesure ou de la tradition qui rend sceptique vis-à-vis de la nouveauté.

    N’est-ce pas en cela que le système capitaliste rejoint l’idéologie du progrès ?

    Marx avait déjà constaté que l’avènement du capitalisme avait mis un terme à la société féodale traditionnelle, dont il avait noyé toutes les valeurs de solidarité communautaire « dans les eaux glacées du calcul égoïste ». Observant que la montée des valeurs bourgeoises s’était opérée au détriment des valeurs populaires comme des valeurs aristocratiques (« tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané »), il écrivait que « la bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner en permanence les instruments de production, donc les conditions de production, donc l’ensemble des rapports sociaux ». C’est à ce titre qu’il parlait du « rôle éminemment révolutionnaire »» joué au cours de l’Histoire par le capitalisme, à commencer par l’expulsion des paysans des sociétés rurales par un processus de dépossession de masse qui a vu la destruction du lien immédiat entre le travail et la propriété, afin de créer un vaste marché où, transformés en salariés, ils achèteraient désormais les produits de leur propre travail.

    Plus proche de nous, Pier Paolo Pasolini disait que, du point de vue anthropologique, « la révolution capitaliste exige des hommes dépourvus de liens avec le passé […] Elle exige que ces hommes vivent, du point de vue de la qualité de la vie, du comportement et des valeurs, dans un état, pour ainsi dire, d’impondérabilité – ce qui leur permet d’élire comme le seul acte existentiel possible la consommation et la satisfaction de ses exigences hédonistes. » Le capitalisme libéral exige en effet des hommes hors-sol, des hommes interchangeables, flexibles et mobilisables à l’infini, dont la liberté (à commencer par la liberté d’acquérir, d’échanger et de consommer) exige qu’ils soient déliés de leurs héritages, de leurs appartenances et de tout ce qui pourrait, en amont d’eux-mêmes, les empêcher d’exercer leur « libre choix ». Dans cette perspective, rompre avec les traditions héritées du passé, rompre avec l’humanité antérieure équivaut nécessairement à un bien. D’où l’inconséquence tragique de ces conservateurs ou « nationaux-libéraux » qui veulent à la fois défendre le système du marché et des « valeurs traditionnelles » que ce système ne cesse de laminer.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 25 mars 2015)

     

     

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