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identité - Page 26

  • La seule exactitude...

    « La politique européenne d’immigration repose sur l’idée que les individus sont interchangeables.
    (…) L’un peut faire office de l’autre et l’autre de l’un : aux yeux de ceux qui comptent, le monde est un immense réservoir de travailleurs inconnus. Si nous n’abandonnons pas cette anthropologie désespérante, elle finira par avoir raison de notre civilisation. »

     

    Les éditions Stock viennent de publier La seule exactitude, le nouvel ouvrage d'Alain Finkielkraut, qui regroupe ses chroniques publiées dans le mensuel Causeur. Après la violente polémique déclenchée par la publication de L'identité malheureuse (Stock, 2013), Alain Finkielkraut doit à nouveau faire face avec la sortie de ce livre à la meute ds roquets de la bien-pensance...

     

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    " Les années trente, dit-on, sont de retour. La droite intégriste et factieuse occupe la rue, l'ordre moral sort des catacombes, la crise économique pousse à la recherche d'un bouc émissaire et l'islamophobie prend le relais de l'antisémitisme. Cette analogie historique prétend nous éclairer : elle nous aveugle. Voulant lire ce qui arrive à la lumière de ce qui est arrivé, elle en occulte la nouveauté inquiétante.
    Montrer que nous vivons un tournant historique, paradoxalement masqué par la référence incessante à l'Histoire ; appréhender ce moment crucial dans ce qu'il a d'irréductible au répertoire de nos vicissitudes : tel est le pari de ce livre. Et l'enjeu est existentiel autant qu'intellectuel. Si, comme l'écrit François Mauriac, "l'épreuve ne tourne jamais vers nous le visage que nous attendions", il nous incombe d'être à l'heure au rendez-vous et de regarder en face le visage que nous n'attendions pas.
    Dans une époque qui tend à se prendre pour une autre, l'exactitude devient la tâche prioritaire de la pensée. "

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  • La France au risque de l'immigration : le choc du réel...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Mathieu Bock-Côté, cueilli sur Valeurs actuelles et consacré à la question de l'immigration. Québécois, l'auteur est sociologue et chroniqueur à Radio-Canada et a déjà publié plusieurs essais.

     

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    La France au risque de l'immigration : le choc du réel

    On ne relit jamais sans étonnement les essais du début des années 1990, qui prophétisaient l’avènement de la mondialisation heureuse. Les frontières s’aboliraient progressivement et le métissage des peuples permettrait à l’humanité de faire l’expérience de sa profonde unité. D’ailleurs, les grands enjeux de notre temps, comme la lutte contre le réchauffement climatique ou contre les inégalités croissantes de développement, exigeraient d’en finir avec la souveraineté nationale.

    C’est un peu comme si l’optimisme progressiste des modernes les poussait à se croire délivrés de la part tragique de la condition humaine. On pourrait parler d’une “jacquesattalisation” de la pensée française. L’histoire d’avant la mondialisation n’aurait plus rien à nous dire, ce serait celle d’hommes divisés contre eux-mêmes. Les civilisations devraient désormais se fondre dans une même société planétaire et chaque société se convertir au modèle multiculturel. Vingt-cinq ans plus tard, on se demande comment on a pu errer autant.

    Les indices nous laissant croire qu’un tel récit n’était qu’une utopie ne manquaient pourtant pas. La migration de masse n’a pas commencé avec l’actuelle crise des migrants, que l’idéologie médiatiquement dominante entend réduire à sa part humanitaire, alors qu’elle représente aussi une révolution démographique majeure. Cela fait plusieurs décennies, en fait, que les observateurs nous prévenaient pourtant des risques liés à l’immigration massive et à l’idéologie multiculturaliste.

    Mais la “crise des migrants” agit à la manière d’un formidable révélateur. C’est une part du réel longtemps occultée mais pourtant déterminante qui remonte à la surface : les cultures, les civilisations et tout ce qui déborde d’une définition strictement juridique et administrative de la citoyenneté. La sociologie est la première surprise : elle avait décrété que les nations, les cultures et les civilisations étaient des constructions sociales artificielles, que les hommes pouvaient délaisser sans risque.

    On constate que c’est faux. Derrière la déconstruction, on trouve souvent une rage nihiliste, comme si l’intelligentsia désirait néantiser tout ce qui n’est pas recyclable dans son utopie globale. Mais ce n’est pas parce qu’on s’aveugle volontairement devant un pan du réel qu’il disparaît soudainement. Il est vrai que les nations occidentales ont cherché à se déraciner volontairement. On croyait émanciper les hommes en les affranchissant de leur culture. On les a plutôt condamnés à une forme terrible d’errance et de dépersonnalisation collective.

    Et pourtant demeure quelque chose comme un instinct de survie des peuples, qui les pousse à protester contre leur disparition, même s’ils n’ont plus les mots pour le dire. On les accuse de toutes les phobies lorsqu’ils protestent contre le progrès de l’indifférenciation. De la dénonciation de la xénophobie à l’europhobie, en passant par l’homophobie et la transphobie, c’est tout un dispositif de censure idéologique qui s’est mis en place. On psychiatrisera même la nostalgie : il est inconcevable de croire que le monde d’hier pouvait valoir mieux que celui qu’on nous impose.

    Sans faire du populisme à deux sous qui sacralise le peuple, on constatera néanmoins que c’est en se rapprochant des classes populaires qu’on retrouve un attachement aux vieilles vertus, aux appartenances nouées dans l’histoire et aux repères anthropologiques fondamentaux. On comprend dès lors pourquoi la politique contemporaine se clive autour des enjeux sociétaux : ce sont des visions de l’homme assez contrastées qui s’opposent. C’est ce qui se dévoile à travers la fameuse question identitaire.

    La réaction des élites médiatiques et intellectuelles est au mieux navrante, mais plus souvent qu’autrement désolante. Elles savent seulement reprocher aux peuples de ne pas s’enthousiasmer de leur possible dilution. Ils se rendraient ainsi coupables de repli identitaire et de fermeture à l’autre, ce qui est aussi une manière de les psychiatriser. On en comprend qu’il faut être malade ou simplement méchant pour ne pas consentir à la marée migratoire. Autour de la question nationale se joue aujourd’hui une nouvelle lutte des classes.

    Mathieu Bock-Côté (Valeurs actuelles, 28 septembre 2015)

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  • Cinéma et identité...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un article de Michel Mourlet cueilli sur le site Papiers en ligne et consacré à la question de l'identité au travers du cinéma. Ce texte a été publié dans le numéro de la revue Krisis intitulé Identité ? (n°40, mars 2015).

     

    CINÉMA ET IDENTITÉ

    par Michel Mourlet

    Cette étude prend appui sur deux de mes ouvrages : l’Écran éblouissant (Presses Universitaires de France, 2011) et Français, mon beau souci (France Univers, 2009). Plutôt que de me répéter, j’ai choisi d’en citer les passages qui, sur certains points, m’ont paru adaptés au sujet. 

     

    L’identité, ce qui fait qu’A est A et n’est pas non-A, reste un concept anthropologique peu utilisable tant qu’on n’en a pas précisé la qualification. Il existe plusieurs identités principales, s’appliquant soit aux individus, soit aux collectivités,  telles que la personnelle, la génétique, l’ethnique, la nationale, et secondaires, comme l’appartenance à un métier par exemple. On peut se représenter cela comme autant de cercles concentriques s’élargissant à partir du point central qu’est l’individu ; ces multiples identités s’imprègnent les unes les autres et se confondent dans l’identité personnelle complète. Cependant, nettement séparées par leurs attributs, elles  ne concernent pas les mêmes objets : avant d’examiner les rapports qui peuvent s’établir entre cinéma et identité, il importe donc de sélectionner la ou les identités pertinentes eu égard à de tels rapports.

    Il va sans dire que l’identité personnelle ne saurait être accueillie ici qu’à la faveur de l’étude d’œuvres particulières : quelle relation entre l’homme Welles et ses films, produits de son idiosyncrasie ? Ce point de vue, quoique d’un intérêt primordial, n’est pas notre sujet, car il introduirait des facteurs personnels valables pour n’importe quelle activité créatrice. Or ce qui se propose ici à notre réflexion est « le cinéma » en général, et seulement le cinéma, tel qu’il se pratique sur l’ensemble de la planète, à présent et depuis ses débuts, avec les ressemblances et les dissemblances qui composent son histoire et sa diversité. Vers quel référentiel identitaire se tourner pour rendre compte du cinéma en général, du point de vue du déroulement de son histoire et de la diversité de ses œuvres ?

    On le savait même avant Malraux : le cinéma est à la fois un art et une industrie. L’industrie, en l’occurrence production et distribution, est liée de manière simple à l’économie et au savoir scientifique et technique, qui renvoient en gros à l’identité nationale, les économies continentales ou mondiale n’étant ‒ on le voit un peu plus clairement chaque jour de crise ou de non crise ‒ que des ensembles abstraits, fragiles, pour tout dire virtuels, qui reposent concrètement, tout comme le savoir d’ailleurs, sur les capacités propres à chaque nation.

    Les arts renvoient à un système plus composite où s’interpénètrent les identités nationale, religieuse, ethnique, et, si l’on quitte le plan général, l’identité personnelle, voire familiale (dynasties artistiques). Le cinéma, art et industrie, considéré globalement, est par conséquent en relation directe avec les identités ethnique, nationale et religieuse, cette dernière composante demeurant relativement secondaire dans la mesure où elle réside au fond des œuvres et n’influe guère sur leur forme : « L’art catholique italien (peinture, sculpture, architecture) n’entretient aucun autre rapport que thématique avec l’art catholique espagnol », écrivais-je dans l’Écran éblouissant. Ce qui prédomine dans les ouvrages en question, c’est le style italien, le style espagnol. Le phénomène est encore plus flagrant au cinéma, art tout récent privé de tradition religieuse. À l’exception de quelques cinéastes tels que DeMille ou Bresson par foi, Rohmer par éducation morale, Rossellini par sensibilité, le christianisme au cinéma aura suscité plus de révolte ou de blasphèmes que de Magnificat. Et dans les films qui s’en réclament ‒ par le scénario et les dialogues ‒, rien en matière de mise en scène et en images qui soit le reflet partagé et spécifique d’une identité religieuse commune.  On voit bien en revanche par quoi DeMille est typiquement américain, Bresson et Rohmer, français jusqu’au bout des ongles.

    Quant à l’identité ethnique, si tant est qu’on puisse employer de nos jours cette alliance de mots (il faudrait avoir suivi avec assez d’attention les derniers progrès accomplis dans les démocraties libérales par la libre circulation des idées), on en fera vite le tour, du fait que le cinéma est un art totalement européen et plus largement occidental (Etats-Unis) dont l’invention, les techniques, les formes, la théorisation, la pratique et la critique ont pris naissance et se sont développées pour l’essentiel dans les pays appartenant à la partie du monde ainsi désignée. Éric Rohmer, comme le remarque Antoine de Baecque dans sa récente biographie du cinéaste, n’a pas manqué dans ses écrits théoriques d’insister sur cette unicité originelle – et originale ‒ du cinéma. La conséquence en est que même des cinématographies extra-européennes majeures, comme celle du Japon (les chefs-d’œuvre de Mizoguchi et Ozu au tout premier rang), bien que  son écriture soit nourrie de traditions nipponnes notamment théâtrales, ne peuvent faire qu’elles n’aient comme ultime horizon la mise en scène et les techniques définies et pratiquées en Occident.

    On objectera qu’à l’intérieur de ce périmètre occidental délimité ici par le cinéma agissent des identités culturelles plus spécifiques, moins étendues, à quoi se rattachent des cinématographies diversifiées. Ici apparaît à l’évidence l’identité nationale, sur laquelle nous allons revenir ; mais aussi deux autres variantes souvent mises en exergue aujourd’hui en France au détriment de l’identité nationale, pour tenter de les substituer à celle-ci  : la régionale et la continentale ; en ce qui nous concerne, « européenne » Si l’on peut discuter à l’infini de l’importance des identités picarde, bretonne, provençale dans le domaine des arts traditionnels ou de la langue, l’objection régionaliste en matière de cinéma, d’où le recours à un passé multiséculaire est exclu d’office, apparaîtrait vide de sens. Reste l’autre identité culturelle de substitution, dite européenne :

         …je sais bien que la mode est actuellement d’invoquer une « culture européenne », mais de quoi parle-t-on exactement ?

       Certes, tous les peuples d’Europe peuvent se réclamer de deux grands courants intellectuels, littéraires et artistiques : l’antiquité gréco-latine et le judéo-christianisme. Ce n’est évidemment pas suffisant pour justifier le concept d’une culture à l’échelon continental. Ce qui importe, c’est l’usage que chacun de nos peuples a fait à travers les siècles et continue à faire de ces deux instruments qu’il a façonnés selon les besoins, les aspirations, les contraintes nés de son sol, de son ciel, de son tempérament et de son histoire.

       Les œuvres produites sont-elles interchangeables ? Rossini aurait-il pu composer l’Or du Rhin ? Dostoïevski écrire comme Voltaire ou Ibsen comme Marivaux ? Canova sculpter les statues polychromes du musée de Valladolid ou Le Vau concevoir les façades tourmentées de Gaudi ? Turner peindre la Montagne Sainte-Victoire ? Sibelius faire danser comme Théodorakis ?  Évidemment non, et ces incompatibilités aussi flagrantes que si l’on rapprochait la musique japonaise de la musique chinoise, ces disparates de style, de pensée, de couleurs, de dessin, de rythme, d’atmosphère, chacun le sent bien au fond de lui-même, ne sont pas issues de différences personnelles. Elles procèdent de quelque chose de plus vaste qui rattache entre elles, par des traits fondamentaux et spécifiques (la clarté française, le baroquisme espagnol, les brouillards scandinaves, etc.) toutes les œuvres norvégiennes ou toutes les œuvres d’outre-monts, et qu’on appellera l’identité culturelle nationale, irréductible tant aux individus qu’à l’empire-mosaïque de Bruxelles ou de Charlemagne.

    Français, mon beau souci, « Souveraineté culturelle et linguistique »

    Il suffit d’appliquer les considérations ci-dessus à l’histoire du cinéma. Qu’y a-t-il de commun entre Affreux, sales et méchants et les Vacances de M. Hulot ? Rien de plus qu’entre une pièce de Goldoni et un portrait de La Bruyère : quoi de plus italien que Barouf à Chioggia ? Quoi de plus français que Ménalque ? Imagine-t-on la froideur allemande, méthodique et implacable de Fritz Lang derrière la caméra de Jean Renoir ? Le pince-sans-ririsme de Guitry trempé dans l’acide de Jules Renard, au service d’un baroque espagnol obsédé par le crucifix ? À part leur localisation sur la mappemonde, on voit mal ce que partageraient les films de Tati et de Comencini. En revanche, on distingue clairement ce qui rapproche le premier de toute la  psychologie française de caractère, comique ou tragique, et le second de la longue tradition italienne de la comédie de mœurs.

    Après avoir placé entre parenthèses l’identité personnelle, réduit à leur juste rôle les identités religieuse, ethnique, régionale, continentale, que reste-t-il comme identité de référence en relation forte et légitime avec le cinéma ?

    Toute l’histoire de ce dernier, les analyses critiques, théoriques, sociologiques, économiques qu’il a suscitées, ses modes de production et de diffusion, les batailles d’influence qui continuent de se livrer en son sein sont engendrés par le statut national des entités productrices qui le constituent. Les coproductions internationales, où s’exerce par nécessité une seule responsabilité créatrice, ne modifient pas cette règle générale.  Le « cinéma », notion  abstraite obtenue en additionnant une par une les cinématographies du monde, deviendrait inanalysable hors du contexte des identités nationales.

    Penchons-nous comme il est naturel sur le cas du cinéma français.

        Bien que d’apparition récente, le Septième Art prend place parmi les éléments fondateurs de notre culture telle qu’on peut l’appréhender aujourd’hui. Cela pour une raison historique précise, quelles que soient les revendications adventices et subalternes : dans la grande chaîne d’inventions  qui va de la photographie de Niepce et Daguerre au premier film tourné en 1953 selon le procédé du Pr Chrétien (cinémascope et son stéréophonique), la part de loin la plus importante revient à la France, et guère moins que dans l’histoire de l’aviation. C’est pourquoi, en dépit des chausses baissées de nos élites « morales » toujours à l’affût des plus tartuffiennes résipiscences, nous avons célébré en 1995 le centenaire de la première séance de cinéma publique au monde, celle des Frères Lumière.

       D’autres motifs font que le cinéma, comme art et comme industrie, revêt en France une extrême importance : notre patrimoine cinématographique compte un nombre considérable de chefs-d’œuvre reconnus par la communauté internationale. D’autre part, c’est dans notre pays qu’ont vu le jour et se sont développées une véritable critique et une véritable esthétique de l’« image mécanique »[1]. Dès avant la guerre de 1914, avec le futur « capitaine Canudo », ami d’Apollinaire et chantre (d’origine italienne) de l’« impérialisme artistique français », avec Louis Delluc, avec les éclairs prophétiques d’Abel Gance, jusqu’au milieu des années soixante, durant un demi-siècle s’est affirmée chez nous, et presque exclusivement chez nous, une faculté quasiment spontanée, sans précédent,  d’appréhender et de théoriser le cinéma selon des critères aussi ambitieux et complexes que ceux qu’avaient suscités les arts traditionnels. Ainsi les Français et, partant, les Francophones dans leur ensemble (cf le lustre des cinématographies québécoise, belge, suisse, algérienne, etc.), sont-ils fondés à considérer le Septième Art (terme inventé par Canudo) comme un des piliers de leur culture.

    Ibid., « Cinéma, langue et exception culturelle »

    Un des aspects les plus caractéristiques de cette part occupée par le cinéma dans l’identité culturelle française est la rivalité entre notre cinématographie et celle des Etats-Unis. Depuis Edison et les Frères Lumière, et surtout depuis le début du XXe siècle, Français et Américains ne cessent de se mesurer et de se combattre sur ce terrain, tout en reconnaissant toujours les mérites de l’adversaire.

        L’histoire de notre cinéma sous l’aspect de ses relations conflictuelles avec celui des Etats-Unis offre depuis l’origine un modèle réduit et précurseur de ce qu’on nomme à présent la mondialisation, euphémisme destiné à diluer, ad usum populi, dans une apparente globalisation des échanges l’économie du « nouvel ordre mondial » sous hégémonie américaine. Depuis le début du siècle dernier, en effet, on assiste à un duel entre nos deux « industries du rêve », duel inégal, non point tant par les moyens mis en œuvre (ils étaient même supérieurs du côté français avant la Grande Guerre) que par les circonstances historiques ayant entraîné pour les cinématographies des deux nations des effets opposés.

       Bref rappel. Avant la première guerre mondiale, prépondérance du cinéma français, du fait d’avoir été pratiquement le premier en date et d’avoir installé non seulement sur son territoire mais dans le monde entier un système de distribution (Gaumont et Pathé) sans concurrence.

       Cela fonctionna très bien jusqu’à la date fatidique de 1914, qui vit à la fois l’interruption totale de la production française et l’installation de Cecil B. DeMille à Hollywood, dans son premier studio, une grange de ce village appelé à devenir la « Mecque du cinéma ».[2] À partir de ce moment, l’intention américaine tantôt affichée, tantôt dissimulée, de conquérir la plus grande part et si possible la totalité du marché mondial du film s’est continuellement manifestée.

       La guerre terminée, le cinéma français se releva de ses ruines. La machine recommença de tourner. Cela dura jusqu’à la seconde guerre mondiale et même pendant celle-ci, puisque les effets sur notre production en ont été fort différents de la première. Paradoxalement, la période 1940-1944 aura été l’une des plus brillantes de notre histoire cinématographique, avec une multitude d’œuvres présentes dans toutes les mémoires, de Carné, Decoin, L’Herbier, Gance, Clouzot, Guitry, Pagnol, Grémillon, Christian-Jaque, Daquin, Autant-Lara, Bresson, Delannoy, Becker, etc. Alors que dans le même temps, la production allemande se révélait particulièrement médiocre, cette vitalité du cinéma occupé constitua une forme de résistance authentique, aussi exemplaire que celle de la culture hellénique durant l’occupation romaine.

        Dans l’immédiat après-guerre, la capacité de résistance  du cinéma français devait à nouveau être mise à l’épreuve et ne plus cesser de l’être. Mais cette fois on revenait à une autre guerre, celle que se livraient depuis le début du siècle Français et Américains à coups de faisceaux lumineux sur leurs écrans de toile blanche.

       En mai 1946, sortie exsangue du conflit et de l’Occupation, la France signe avec les Etats-Unis les accords Blum-Byrnes : elle obtient l’annulation de 2,85 millions de dollars de dettes et un crédit de 1,4 million en échange de l’ouverture de son marché aux produits américains. Pendant quatre ans, le cinéma d’outre-Atlantique avait été absent d’Europe, situation qui avait entraîné une accumulation considérable de films en souffrance que les distributeurs devaient absolument dégorger dans les salles de notre continent. En vertu des accords, le cinéma français se trouvait contingenté sur son propre sol au bénéfice du concurrent.

       C’était la première manifestation ostensible du projet américain d’étouffer systématiquement les autres cinématographies nationales. Car, depuis 1945, et surtout depuis une trentaine d’années, on assiste au grignotement progressif de toutes les industries cinématographiques européennes, à l’exception de la nôtre. (…) Le lent amaigrissement des cinématographies nationales  (en chiffres de production, mais davantage encore en parts de marché) est la conséquence directe de la diffusion hégémonique dans nos pays de la production d’outre-Atlantique, tant destinée au grand qu’au petit écran, puisque les deux supports, on le sait, tendent de plus en plus à unir leurs forces et à confondre leurs objectifs.

       Si cette hégémonie résultait d’une excellence incontestable des œuvres, ce serait de bonne guerre et l’observateur impartial ne pourrait que s’incliner. Mais, inondés de sitcoms débiles, de séries toutes sorties du même moule, de comédies cucu-la-praline, de crétins sanguinolents et d’héroïnes de bandes dessinées, à des années-lumière du grand cinéma américain que nous aimions, nous sommes loin de compte et voyons bien que le combat est truqué.

       D’une part, il convient de remarquer qu’avant toute exportation les produits audiovisuels américains sont déjà largement amortis et bénéficiaires sur le territoire d’origine (300 millions de téléspectateurs, un milliard d’entrées en salle par an). Ils peuvent dans ces conditions arriver sur les marchés étrangers soit, en ce qui concerne le cinéma, appuyés sur des budgets de distribution et de publicité colossaux, soit, pour la télévision, en cassant les prix ; ce qui suffit à expliquer leur omniprésence en dépit d’une qualité artistique souvent faible, voire calamiteuse (bien que nous connaissions à cette triste règle toutes les notables exceptions).

       D’autre part, il n’est pas possible non plus de lutter à armes égales chez l’adversaire, puisqu’un dispositif de règlements et de pratiques établi par notre bon Oncle Sam (si libéral pour ses propres produits) limite de façon draconienne l’accès de nos films à son marché intérieur.

        En 1980, avec le large sourire rayonnant du crocodile repu, Jack Valenti, président de la Motion Picture Association of America qui regroupe les grandes compagnies et les représente à travers le monde[3],  ne craignait pas de déclarer à la presse française : « Il y a en Amérique un formidable marché pour les films français. Les Etats-Unis sont un marché libre. Tout film étranger peut y entrer sans problème, exactement sur les mêmes bases qu’un film américain. Il n’existe ici aucune restriction de quelque nature que ce soit. Vous payez les mêmes taxes. Il n’y a pas de discrimination. » 

       Puisque tout cela allait tellement de soi, convenait-il de se demander pourquoi M. Valenti éprouvait la nécessité de le dire ? Contentons-nous de citer, tenue dans la foulée, une remarque de M. Yves Rousset-Rouard, alors président d’Unifrance Film : « La pénétration des films français sur le marché américain se heurte à une sorte de protectionnisme latent qui est sans doute plus le fait, d’ailleurs, des structures professionnelles en place que du public. »

       Au même moment, le directeur général de Gaumont, Daniel Toscan du Plantier,  confirmait : « Le fameux libéralisme américain admet, dans la pratique et dans le droit, quelques nuances : c’est un imbroglio extraordinaire et rien n’est fait à ce niveau pour que les étrangers réussissent. Rien ! »

        On n’eût pu mieux dire que le modèle libéral américain est un leurre destiné aux naïfs, leurre qui, malgré leurs perpétuelles déconvenues, continue à les faire rêver – et disserter avec assurance – des bienfaits du capitalisme mondial.

          Dans cette guerre économique sans merci livrée par les Etats-Unis aux cinématographies rivales, il reste pourtant, on l’a dit, un bastion, le bastion français, qui agace beaucoup les Américains et contre lequel ils s’acharnent depuis des années.[4]

      Une fois dévoilé le contenu des accords Blum-Byrnes, le tollé des professionnels du cinéma français fut tel qu’il fallut parvenir à un modus vivendi en assouplissant les règles du jeu. C’est ainsi que notre cinéma retrouva peu à peu sa vigueur.

       Depuis les années cinquante, le système français de production repose en grande partie sur le fonds de soutien et l’avance sur recettes. Le fonds de soutien est une idée géniale du premier directeur du C.N.C. : afin de constituer cette réserve, Michel Fourré-Cormeray a imaginé de prélever une taxe sur chaque billet d’entrée, pour tout film aussi bien étranger qu’indigène. En conséquence de quoi les Américains se sont aperçus avec horreur que leurs propres films contribuaient à financer leur plus coriace adversaire. D’où leur acharnement, dès lors, à tenter de démanteler notre système en cherchant parfois, à Bruxelles, des alliés.

       Le fonds de soutien alimente l’avance sur recettes. Ce serait bel et bon si cette avance était toujours répartie à bon escient. Or nous trouverons ici, sans doute, une des causes de la relative désaffection du public, exprimée en parts de marché, à l’égard de notre cinéma : l’avance est saupoudrée par des commissions dont la compétence artistique n’est pas toujours indiscutable et dont les critères relèvent trop souvent des idéologies à la mode, de l’épate-bourgeois ou du simple « copinage ». Pour des raisons quelque peu voisines, les fameux quotas télévisuels au service de la production nationale, arrachés de haute lutte, engendrent des investissements parfois aberrants, dans des films si exécrables qu’ils ne sont pas même diffusés par les chaînes commanditaires. Lesdits quotas, faut-il le rappeler ? firent l’objet de batailles acharnées contre la bureaucratie européiste entraînée à se courber sous les fourches caudines de Washington.

    Ibid.

    En dépit de ces carences occasionnelles mais qu’il ne faut pas dissimuler, abolir le système français de financement comme le préconisent parfois des irresponsables serait renoncer à notre privilège : rester le seul cinéma national à faire pièce au rouleau compresseur hollywoodien. N’oublions pas que les studios britanniques survivent pour le principal grâce aux tournages internationaux sous obédience américaine, que le cinéma espagnol, en déroute, ne conservait plus sur son propre territoire que 13 % de part de marché en 2013 (chiffre fourni par Cinespagne), qu’à l’exception de Nanni Moretti le cinéma italien est en crise permanente depuis un quart de siècle, sans parler du notable recyclage en Allemagne de la production grand écran dans le petit. À l’inverse, signalons qu’en France les premiers chiffres de 2014 indiquent près de 47 % de part de marché pour les films français contre 40 % pour les films d’outre-Atlantique.

        Un dernier danger guette la production audiovisuelle française et francophone, tous écrans confondus ; le même que celui qui menace notre langue : le mimétisme.

       C’est en raison d’un effondrement de nos ventes de films sur le marché américain (effondrement au demeurant guère catastrophique, vu le faible volume de notre chiffre d’affaires moyen sur ce marché) que les années 1978-1980 ont vu apparaître dans les milieux professionnels concernés une réflexion d’ensemble plus systématique et plus fouillée sur les raisons de nos échecs, de nos médiocres résultats et sur les pistes à suivre pour tenter d’y remédier. Entre 1975 et 1978, les ventes de films français aux Etats-Unis ont chuté de 48 millions de francs à 11 millions et demi, soit de plus des trois quarts. Il y avait de quoi réfléchir, en effet !

       Toujours sur la brèche (la nôtre), l’inévitable Jack Valenti, de son bureau, lança : « Le cinéma français peut tripler son chiffre d’affaires dans ce pays. (Après avoir dégringolé des trois quarts : M. Valenti ne prenait pas un gros risque…) L’influence des cinéastes français y est considérable. L’avenir ne devrait pas présenter de problème pour les producteurs français s’ils font le genre de films que les gens d’ici veulent voir. » 

       Cette dernière petite phrase fut lourde de conséquences dans les cerveaux fumants de la profession et les avis divergents qu’elle suscita ne sont pas encore complètement parvenus à se rejoindre. Grosso modo, deux écoles s’affrontèrent, dont nous avons une longue expérience car elles accompagnent toute l’histoire de la France : celles de la résistance et de la collaboration. Autrement dit, en termes de sujets et de narration sur pellicule, il y eut ceux qui pensèrent que pour plaire au public américain il fallait faire des films comme les Américains, et ceux qui pensèrent qu’il fallait faire des films résolument français.[5]

       En tout état de cause, le point important était que tout le monde prît conscience de la nécessité d’une analyse globale des faiblesses structurelles – et non pas seulement conjoncturelles – de notre système de soutien à l’exportation : renforcement de l’action d’Unifrance, entretien de bureaux à l’étranger, investigations et documentation sur les marchés extérieurs, relations publiques, promotion par des manifestations occasionnelles et les festivals, etc. Cette dernière partie de l’analyse devait d’ailleurs, en réponse à Deauville, déboucher à plus ou moins long terme sur  la création de plusieurs rendez-vous très appréciés du public et des professionnels américains avec le cinéma français : le V.C.U. de Richmond, Col Coa à Los Angeles, Sacramento, Saratosa…

       L’infrastructure économique était évidemment primordiale, mais il ne suffisait pas de parvenir jusqu’au public américain ; encore fallait-il l’intéresser. Précédant de quelques années l’effondrement de nos ventes et de nos parts de marché sur le sol national, une déclaration de M. Gérald Calderon, un des financiers du cinéma français, mérite un sort particulier : « La conquête du marché américain ne peut passer que par une certaine adaptation à ses standards (sic, sans doute pour « modèles », « canons », « archétypes », « moules », etc., selon la nuance désirée). Notre film national ne deviendra un véritable produit d’exportation que dans la mesure où le principe de la double version originale, impliquant un tournage direct en langue américaine, sera passé dans les mœurs et qu’à la condition expresse que nos productions sachent intégrer le concours des scénaristes et surtout des vedettes américaines, seules à posséder, pour l’heure, la « classe » internationale qui justifie des cachets de plusieurs millions. » 

       Il semble difficile d’accumuler plus de contrevérités, de contresens, d’abandons, de soumission à l’adversaire qu’en cette profession de non-foi dans  les ressources de la créativité nationale. On pataugeait, il est vrai, dans la pleine période du pseudo  réalisme  masochiste et capitulard à la Servan-Schreiber (anti-nucléaire, anti-Concorde, anti-Le France (le navire), anti-nation, anti-toute manifestation de puissance et d’identité française quelle qu’elle fût), tandis qu’un certain polytechnicien au pouvoir fondait arithmétiquement le poids et le rayonnement de la France dans le monde sur le rapport du nombre de ses habitants à la population  du globe. N’osant sans doute pas aller jusqu’au bout de sa pensée, M. Calderon nous privait d’une solution plus réaliste encore : renoncer carrément à notre cinématographie et nous borner à financer Hollywood. (D’aucuns s’y essayèrent d’ailleurs, qui ne s’en sont pas encore remis.)

       Les propos de ce financier comme de ses pareils s’appuyaient sur l’idée qu’il y aurait des films « internationaux » qui marchent et d’autres, nationaux, qui ne marchent pas. Or un examen même rudimentaire de la saga hollywoodienne montre que son succès repose essentiellement, on pourrait dire uniquement, sur le nationalisme pur et dur, l’ethnicité, les présupposés politiques, la fierté historique, la revendication scientifique et jusqu’à la religiosité exacerbée propres au peuple américain. Rien n’est moins « international » que la substance de ce cinéma, de la comédie sentimentale jusqu’à l’Odyssée de l’espace en passant par le western, la guerre de Sécession, le Débarquement  ou la Bible en images.

         J’ai cité dans la Télévision ou le Mythe d’Argus la réponse judicieuse du président de Gaumont, M. Nicolas Seydoux, solidement épaulée entre 1975 et 1978 par Cousin Cousine de Tacchella, Coup de tête de Jean-Jacques Annaud, l’oscar de Bertrand Blier ou encore la notoriété des films de Truffaut outre-Atlantique.

    Ibid.

        Ce détour par la guerre des écrans n’avait d’autre objet que de mettre en relief le lien entre cinéma et identité française, la culture stricto sensu faisant partie de l’identité nationale au même titre que l’histoire politique de la nation, sa géographie, sa langue ou les constantes de sa psychologie collective. Il n’est pas jusqu’aux politiciens les moins guidés par le sens de la nation qui ne perçoivent le cinéma comme un enjeu, non seulement économique, mais politique. C’est pourquoi, comme nous l’avons vu, ils ont toujours plié sous sa pression corporative, au risque de fâcher Washington ou Bruxelles.

    Est-il besoin de le dire : ce qui est valable pour le cinéma français ne l’est pas moins pour les autres cinématographies. Certaines facettes des films de Risi ou de Monicelli brilleront davantage aux yeux d’un connaisseur du théâtre transalpin, depuis Ruzzante jusqu’à Dario Fo. Et comment pénétrer la substance intime de Voyage à Tokyo, de Fin d’automne, sans avoir contemplé, au moins en imagination, un jardin au Soleil Levant ?

    À la question qui me fut posée en 2008 : « Y a-t-il un génie national qui s’exprimerait dans le cinéma, comme dans l’art en général, et, en ce qui concerne le cinéma français, comment celui-ci se manifesterait-il ? », je répondis :

       Il y a un génie national, que des gens comme Debussy ou Barrès, qui n’avaient pas comme nos contemporains l’esprit paralysé par des utopies de fraternité et la sanctification de l’individu (chaque époque sécrétant ses mythes et ses tabous), percevaient avec  autant de finesse que de vigueur. Ce génie national est le génie du lieu (les sources, les forêts, les ciels et les dieux qui les hantent) combiné avec la mémoire historique la plus longue. De ce creuset sortent, si on le leur permet, les œuvres enracinées : dans un terroir, un passé, une langue. Ce sont les seules qui durent. Voyez Gance, Renoir, Pagnol, Guitry, Rohmer, Sautet, Pialat, Gérard Blain, Tavernier, Bertrand Blier, certains films de Chabrol et de Corneau…[6] Comment définir ce génie pour que la définition englobe des tempéraments et des inspirations aussi diverses ? Je dirais peut-être : une grâce poétique et une liberté d’allure consubstantiellement liées à la clarté toujours lumineuse de l’expression. 

    L’Écran éblouissant

    Tout langage, et donc tout langage artistique, moyen d’expression de quelque pays que ce soit, considéré dans son ensemble et non sous l’angle particulier de telle ou telle œuvre,  entretient avec l’identité nationale de ce pays ‒ qui lui apporte, imprimé par la matrice de l’Histoire et de la Géographie, l’essentiel de son message ‒ une relation privilégiée, plus étroite qu’avec aucun autre déterminant. Si, comme c’est le cas en France et pour le cinéma, ledit langage, depuis la formation de son embryon le plus sommaire jusqu’à nos jours, y a toujours été brillamment pratiqué, la relation est évidemment plus « fusionnelle » encore. C’est sans doute pourquoi, tant qu’existera la France, ni le capitalisme cannibale ni la bureaucratie apatride ne parviendront à démanteler notre « industrie du rêve ».

    [1] Fait établi et admis même par la critique d’outre-Atlantique, comme en témoigne cette phrase de Peter von Bagh, préfacier d’un récent ouvrage sur Raoul Walsh : « les meilleures études (et la meilleure approche) semblent toujours venir de France » (2003).

    [2] Cf. Cecil B. DeMille, le Fondateur de Hollywood (éd. la plus récente : Durante Poche, 2002).

    [3] Décédé en 2007, J. Valenti a été décoré de la légion d’honneur en 2004… probablement pour avoir activement promu le festival  de Deauville, d’ailleurs souvent d’excellente qualité mais tête de pont publicitaire en France des films américains de petit ou moyen budget.

    [4] Pour plus de détails, se reporter à l’Envahisseur américain, Hollywood contre Billancourt (Éd. Favre, 1999), par Philippe d’Hugues, historien du cinéma, ancien administrateur général du Palais de Tokyo et conseiller scientifique au C.N.C. On peut consulter également, dans les numéros de mars et avril 2000 du mensuel La Une, les extraits du débat que j’ai organisé et conduit autour du même sujet, en décembre 1999, au Centre Multimédia de l’ADAC-Ville de Paris.

    [5] J’ai également abordé cette question, en insistant sur la production télévisuelle, dans la Télévision ou le Mythe d’Argus, au sous-chapitre intitulé « Mariages de carpes et de lapins », pp. 132 à 134. (Éd. France Univers, 2002.)

    [6] Si nous avions abordé le sujet sous les espèces particulières des cinéastes et de leurs oeuvres, l’identité nationale n’y serait pas moins présente puisque nous avons observé qu’elle participe de l’identité personnelle complète. Cependant, d’autres éléments tout aussi prégnants viendraient complexifier l’analyse.

     

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  • L'Europe doit se défendre dans les nouvelles formes de guerre de 4e génération...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur Europe solidaire et consacré à la guerre des "réfugiés" qui est mené contre l'Europe et à la légitimité de mesures de riposte fermes...

     

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    L'Europe doit se défendre dans les nouvelles formes de guerre de 4e génération

    Il est devenu courant de désigner par le terme de guerre de 4e génération (G4G), dite aussi guerre asymétrique, des guerres menées contre un Etat dominant par des militants dotés d'armes légères, telles que les mines ou les kalachnikovs, mais surtout impliquant la population civile. Ainsi, au sein de celle-ci, on recrutera des propagandistes de plus en plus relayés par Internet, des candidats aux actions suicides, puis progressivement de véritables armées de l'intérieur, analogues à celles des « partisans » de jadis.

    Les pays dits pauvres mènent depuis longtemps de telles guerres contre les pays riches. L'Amérique en a particulièrement souffert dans ses campagnes malheureuses au Moyen Orient. Mais les pays riches peuvent procéder de même, en suscitant notamment par l'intermédiaire de forces spéciales ou d'innombrables actions de corruption, des oppositions civiles dans les pays où ils veulent obtenir des changements de régime (regime change). La Russie non sans raisons s'en est plainte.

    Aujourd'hui, contre les pays riches et plus particulièrement contre les plus fragiles d'entre les pays européens, sont conduites des guerres que l'on pourrait dire de 4e génération et demi, ou plus explicitement guerres des réfugiés ou guerre de l'humanitaire. Il s'agit d'inonder progressivement ces pays de milliers de tels réfugiés, qui bientôt pourront devenir des centaines de milliers voire des millions. Leur arrivée submergera progressivement les structures d'accueil des pays ciblés, puis leurs structures sociales et politiques. Progressivement, les pays européens encore riches se transformeront en pays pauvres, avec tous les conflits internes inhérents à cette situation. Mais les Européens ne pourront pas se défendre, autrement dit repousser ces flux migratoires, parce que leurs convictions y verront des victimes fuyant des tyrannies ou des conflits, plutôt que des combattants d'une nouvelle forme de guerre.

    La très grande majorité d'entre eux seront effectivement des victimes, avec leurs cortèges de femmes et d'enfants attendrissants. Mais parmi eux, il y aura de plus en plus de combattants dissimulés, organisés pour mener sinon le djihad proprement dit, du moins la destruction progressive des pays d'accueil. Il y aura aussi des trafiquants de la pire espèce qui, non contents de s'enrichir aux frais des migrants pour lesquels ils auront joué le rôle de passeur, répandront en Europe, qui déjà n'en manque pas, toutes les pratiques maffieuses imaginables.

    Les bonnes âmes refuseront cette vision qui sera qualifiée de conspirationniste, selon laquelle les flux actuels et futurs de réfugiés, au lieu de se produire spontanément, seraient organisés sciemment par des intérêts hostiles aux Européens. Mais elles seraient bien naïves. Même si ce n'est pas encore le cas aujourd'hui, cela le deviendra vite. La tentation est trop grande et sera exploitée sur des échelles de plus en plus étendues.

    Les moyens pour y arriver sont particulièrement économiques. Il suffit de quelques mouvements du type de Boko Aram pour terrifier les populations et de réseaux de passeurs ou simplement d'incitateurs à passer pour organiser les migrations. Les cargos pourris ne manquent pas, pour la voie maritime, mais la voie terrestre sera de plus en plus utilisée.

    Que faire contre cette forme de guerre?

    Mais, à supposer que l'on accepte l'analyse présentée ici, que faire? Une partie des Etats européens affirment encore qu'il n'y a rien à faire de plus que les mesures actuelles, d'une inefficacité croissante et qui sont par ailleurs principalement à la charge de l'Italie. Ils changeront d'avis quand ils seront directement touchés,mais ce sera trop tard. C'est maintenant qu'il faut agir. Le gouvernement italien pour sa part appelle l'Union européenne à l'aide, mais sans résultats. Aussi, en Italie, une partie de l'opposition, notamment appartenant à la droite radicale, commence à intervenir directement, notamment par des destructions de centres d'hébergement. Les attaques physiques contre les migrants ne tarderont pas. Les bonnes âmes, là encore, s'indigneront. Mais ces mêmes bonnes âmes accepteraient-elles d'héberger des familles de migrants dans leurs domiciles? On peut en douter. L'humanitaire se limitera souvent à offrir de recharger les batteries de téléphones portables.

    Plus officiellement, dans certains pays, Italie, France, Espagne, des parlementaires ou des militaires affirment qu'il faut agir en amont, c'est-à-dire intervenir militairement dans les pays qui aujourd'hui ou demain, serviront de base arrière aux passages, Libye notamment. Mais sous quelles formes, bombardements aériens, corps expéditionnaires à terre? Et où exactement? Pourquoi ne pas envisager d'autres pays africains, eux-aussi bases de départ, Mauritanie, Érythrée, Éthiopie, Somalie, voire une dizaine d'autres. Cependant il faut bien voir que, simplement en Libye, et malgré les demandes de l'Egypte, des interventions européennes seraient hors de porté d'une défense européenne qui pour le moment encore, n'existe pas. A plus forte raison serait-ce le cas s'il fallait faire la guerre dans pratiquement les trois quarts des pays africains.

    Une solution plus simple, et qui serait légitime au cas où une guerre de 4e génération contre l'Europe, utilisant l'arme des migrations, se précisait, serait de couler les navires affrétés par les passeurs et, par ailleurs, comme les Etats-Unis commencent à le faire sur leur frontière avec le Mexique, de tirer à vue sur les groupes de migrants. Il y aurait évidemment de nombreux morts, parmi ceux-ci, suscitant l'indignation d'une partie des opinions européennes, celles n'étant pas aux première ligne des vagues d'invasion notamment. Mais il faut bien voir, comme cela a d'ailleurs été dit sans résultats plusieurs fois, que les associations humanitaires européennes sont complices de la mort des migrants, en laissant espérer à ceux-ci qu'ils seront finalement accueillis et intégrés en Europe, ce qui n'aura évidemment pas lieu.

    Il n'est pas interdit de penser au contraire que, devant une réaction dure de l'Europe, les candidats aux migrations prendraient leur sort en mains dans leurs propres pays. Plutôt que se laisser terroriser par des bandes armées autochtones, ils s'armeraient pour se défendre contre ces dernières. C'est ce qu'ont fait récemment les Kurdes face aux agressions de Daesh et d'autres pays décidés à leur refuser des droits politiques. Ils ont constitué une armée qui commence à les faire respecter. Indiquons que la chose, sur un plan différent, se présente un peu similairement concernant les droits des femmes en pays musulmans. Si les femmes ne s'y défendent pas elles-mêmes, comme l'avait fait leurs sœurs ainées en Europe il y a un siècle, nul ne le fera à leur place. Ce ne sera pas en rêvant d'émigrer en Europe qu'elles pourront espérer changer de statut.

    Jean Paul Baquiast (Europe solidaire, 15 avril 2015)

     

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  • « La repentance n’a strictement rien à faire en politique »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la question de la repentance...

     

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    «La repentance n’a strictement rien à faire en politique »

    Peu de temps avant son décès, François Mitterrand avait eu ces mots définitifs vis-à-vis d’un Jean-Pierre Elkabbach éberlué : « La France n’a pas à s’excuser. » Il parlait des fameuses « heures les plus sombres de notre histoire ». Aujourd’hui, la mode est à la « repentance ». Qu’est-ce que cela signifie ?

    Réduite à sa plus simple expression, la repentance peut se résumer ainsi : des gens s’excusent de méfaits qu’ils n’ont pas commis pour complaire à d’autres qui ne les ont pas subis. Ceux qui se repentent n’ont commis aucun tort, ceux qui reçoivent la demande de pardon n’en ont subi aucun. Tout cela est donc parfaitement ridicule. La repentance consiste, en fait, à faire un choix sélectif dans notre histoire, et à n’en retenir que certaines périodes, toujours les mêmes (esclavage, colonisation, etc.), considérées comme « sombres » au regard des idées actuelles pour s’en repentir officiellement. Une très imaginaire culpabilité collective héréditaire s’ajoute à cet anachronisme majeur qui consiste à « rétrojecter » dans le passé des jugements de valeurs qui n’appartiennent qu’à notre époque. Le passé étant réduit au « devoir de mémoire », le présent devient flottant, autoréférentiel, existentiellement vide.

    Mais le procédé n’est évidemment pas innocent. D’un côté, il s’agit de convaincre nos compatriotes qu’en se retournant sur leur passé, ils ne découvriront que de l’horreur. Corollaires : l’identité est forcément douteuse, le nouveau est forcément meilleur. De l’autre, à une époque où le statut de victime s’avère extrêmement rentable, il s’agit d’assurer aux descendants de victimes présumées divers avantages, qui vont de la bonne conscience à la supériorité morale en passant par les « lois mémorielles » et les réparations financières. L’enjeu de ces invocations du passé se situe donc dans le présent : les « heures sombres » sont alléguées ou instrumentalisées pour légitimer ou délégitimer des opinions actuelles. Mgr Nunzio Galantino, secrétaire général de la Conférence épiscopale, déclarait ainsi récemment qu’« accueillir les immigrés est une sorte de réparation pour les dommages que nous avons accomplis pendant des années […] Nous devons l’hospitalité aux migrants pour ce que nous avons fait dans le passé dans leur pays. » Le problème de l’immigration est ainsi traité sous l’angle de l’expiation. Ce qui permet à des groupes de pression minoritaires d’exciper de leur qualité de victimes par procuration pour s’ériger en justiciers du présent.

    Le pape Jean-Paul II, en son temps, a lui aussi fait repentance pour certains crimes commis par l’Église au cours de son histoire. On peut dire à sa décharge que le catholicisme est une religion qui exige que ses fidèles confessent régulièrement leurs péchés…

    Ce qui est sûr en tout cas, c’est que la dialectique du péché, de la repentance, de l’expiation, de la réparation, de la téchouva et du pardon appartient au langage religieux. Elle n’a donc strictement rien à faire en politique. La collectivisation du repentir ne doit en revanche pas nous faire oublier que la civilisation européenne est la seule à ce jour qui se soit mise en question jusqu’à intérioriser sa propre critique. Comme le disait Jean-François Mattéi, « la raison n’a pas à demander pardon pour répondre à ses critiques car elle comparaît toujours devant son propre tribunal ».

    N’y a-t-il pas un risque, pour ceux qui refusent la repentance, de tomber dans l’excès inverse, c’est-à-dire de nier purement et simplement l’existence de zones d’ombre dans notre histoire ?

    C’est en effet un risque symétrique. Tous les pays du monde ont eu leurs heures sombres et leurs périodes lumineuses. Dans un État normal, on apprend aux jeunes à être fiers de leur pays en leur inculquant le souvenir de ce que celui-ci a fait de plus grand. Cela ne signifie pas que le reste n’a pas d’existence, mais que l’on a conscience que l’estime de soi commence par l’estime de ce dont on a hérité et qui contribue à nous définir. Il n’y a sans doute pas à être fier de l’esclavage, mais il n’y a pas non plus à être fier du sac de Béziers, de la Saint-Barthélemy, des dragonnades, du génocide vendéen ou de la répression de la Commune. Toute la question est de savoir si l’on veut ou non inculquer aux Français la fierté d’eux-mêmes plutôt que la honte ou le doute de soi.

    Quant au reste, il est inutile, et même nuisible, d’entretenir ad aeternam les guerres civiles. L’Histoire est un tout, et l’on ne va pas loin en égrenant comme des perles de chapelet l’inusable séquence Clovis-Charles Martel-Jeanne d’Arc en croyant ainsi répliquer ainsi à ceux pour qui l’Histoire de France commence en 1789. Le passé n’est pas un patrimoine « muséifié » ni une essence immuable, mais une substance narrative complexe dont le récit, sans cesse revisité, permet à un peuple de se raconter sa propre histoire. Vouloir d’un côté identifier l’« anti-France », s’en tenir de l’autre à « la France, pays des droits de l’homme », c’est pareillement mutiler notre histoire. Marc Bloch disait très justement qu’être vraiment Français, c’est être capable de vibrer au souvenir du sacre de Reims aussi bien qu’à celui de la Fête de la Fédération. C’était aussi l’avis de Charles Péguy – et c’est le mien.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 30 juin 2015)

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  • « Reprenons notre destin en main ! »...

    Vous pouvez ci-dessous découvrir le remarquable entretien avec Hervé Juvin réalisé le 18 juin 2015 par Élise Blaise pour TV Libertés à l'occasion de la sortie du nouvel essai de cet auteur, Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé (Pierre-Guillaume de Roux, 2015).

     

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