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hégémonie - Page 2

  • La stratégie du chaos contrôlé...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Richard Labévière, cueilli sur le site des Observateurs et consacré à la stratégie du chaos contrôlé développée avec un certain succès par les Etats-Unis... Ancien journaliste à Radio France internationale et à la Télévision suisse romande, Richard Labévière est spécialisé dans les questions de défense et de relations internationales.

     

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    Dae’ch et les autres : bienvenue dans le «monde VUCA» !

    L’ensemble de la presse mondiale a, dernièrement commémoré le premier anniversaire de la Coalition internationale qui a déclenché ses premiers bombardements contre des positions de l’organisation « Etat islamique » (Dae’ch) en Irak et en Syrie, le 2 août 2014. Un an plus tard, tout le monde s’étonne que cette « alliance », réunissant quand même les armées les plus puissantes du monde, n’ait pas réussi à éradiquer une organisation constituée de quelque 30 à 35 000 fusils tout au plus. Le même constat vaut également pour Jabhat al-Nosra et les autres résidus d’Al-Qaïda ayant prospéré en Asie, en Afrique ou en Europe.

    Pourquoi un tel étonnement, sinon une telle cécité ? La réponse est pourtant aussi claire et limpide que La Lettre volée d’Edgar Allan Poe, posée  là, sous nos yeux, alors que personne ne veut vraiment la voir… Les experts militaires américains, qui donnent le « la » en matière de « guerre contre la terreur » depuis quatorze ans, l’ont dit, redit et écrit : il ne s’agit nullement d’éradiquer le terrorisme, d’en neutraliser définitivement les protagonistes, de casser définitivement ses inspirateurs et d’en assécher les financements. L’objectif principal est de « gérer » son développement, ses mutations et l’évolution de sa cartographie afin d’accompagner la reconfiguration, la modernisation et la diversification de l’hégémonie stratégique, économique et politique des Etats-Unis et de leurs alliés.

    En août dernier, le président de la République française - à l’unisson avec ses homologues américains, britannique et allemand -, l’a expliqué très clairement à ses ambassadeurs : « la guerre contre Dae’ch va durer dix, quinze ou vingt ans ». Cette fatalité de la longue durée correspond, non pas à une espèce de complot centralisé ni à une conspiration globale, mais s’inscrit dans la logique d’un « procès sans sujet », conforme aux motivations, aux stratégies et aux intérêts de la mondialisation néo-libérale. Cette incapacité à éradiquer Dae’ch est d’autant plus assumée par les grands décideurs mondiaux qu’ils savent parfaitement que l’action militaire extérieure n’est qu’un segment limité de la panoplie contre-terroriste. Ils savent tout aussi pertinemment que Dae’ch ne pourra être éradiqué durablement sans « assécher » politiquement et idéologiquement l’extrémisme sunnite dont les bailleurs de fonds sont devenus nos meilleurs partenaires commerciaux. Dae’ch est une chose, les affaires en sont une autre : vive la « politique sunnite » de François hollande et Laurent Fabius ! 

    Orphelines de l’ennemi communiste, les officines stratégiques du Pentagone, leurs tutelles politiques et les industries de défense occidentales de l’après Guerre froide (garantissant des millions d’emplois et de sous-traitants) devaient impérativement - au risque d’entrer en déshérence -, trouver une autre figure du « mal », définir une menace « globale », autrement dit se fabriquer un nouvel ennemi commun. Ce fût chose faite dès le 11 septembre 2001. Là encore, soyons clairs : il ne s’agit pas de céder à la moindre tentation des théories conspirationnistes et autres « effroyables impostures » ayant fait florès après l’effondrement des tours du World Trade Center, mais bien de restituer rigoureusement pourquoi et comment les administrations Bush successives et celles qui suivirent, ont magistralement « utilisé » cette tragédie afin de pousser leurs pions.

    A l’époque, plusieurs économistes réveillés relevaient que le budget du Département américain de la Défense avait enregistré ses hausses les plus importantes depuis la guerre de Corée. Avec un certain étonnement, les mêmes constataient que George W. Bush - digne héritier de Ronald Reagan et de  Margaret Thatcher -, adepte d’un monétarisme des plus classiques et de toutes les recettes les plus libérales, s’était brusquement converti à une politique budgétaire farouchement keynésienne ! En effet, les attentats du 11 septembre 2001 ont fortement contribué à la relance de l’économie américaine qui marquait alors le pas. Mais ce bon usage de la terreur ne profita pas qu’aux seuls investisseurs américains et devait impulser une nouvelle révolution dans les affaires militaires qui s’esquissait depuis la fin des années 90.

    Dans les amphithéâtres de l’US-Army-War-College de Carlisle en Pennsylvanie, des professeurs de stratégie militaire commençaient alors à populariser un nouveau concept en quatre lettres pour résumer le monde : VUCA, pour Volatility, Uncertainity, Complexity, Ambiguity. Dans le monde de la fin des années 90, ces experts nous expliquaient que toute espèce de projets et d’actions étaient devenus « volatiles ». Par conséquent, chaque option stratégique était appelée à changer extrêmement rapidement, la visibilité à moyen terme n’étant pas seulement devenue « incertaine », mais proprement impossible. La « complexité » des interactions, des facteurs d’influence et des acteurs devenait la norme, l’ « ambiguïté » étant désormais la règle et non plus l’exception.

    Et toujours très positifs, nos amis américains se félicitaient que dans un tel monde devenu « VUCA », l’incertitude ne constituait nullement un problème, mais présentait au contraire une chance à saisir comme levier d’innovation et de performance. « Les acteurs qui réussissent », affirmaient ces professeurs, « sont ceux qui investissent dans la connaissance de soi, cultivent le succès collectif et encouragent l’agilité et la fluidité efficaces ». La loi de la variété requise, développé par R. Ashby en 1956 (dans An Introduction to Cybernetics) stipule que seule la « variété » peut répondre à la variété. En d’autres termes : plus une personne ou un système génère et active « sa diversité », plus elle est capable de s’adapter aux changements provenant de son environnement et d’assurer son existence. Appliquée à VUCA, cette loi nous enseigne que seul VUCA sait répondre à VUCA.

    Les nouveaux chefs (militaires, économiques et politiques) doivent donc incarner un « projet de sens » qui libère les engagements tout en laissant s’exprimer les ruses de la volatilité, comme autant d’opportunités à saisir et à utiliser afin de promouvoir des « changements incessants ». L’incertitude invite ces chefs à profiter des situations inédites pour apprendre… Au lieu de renforcer les procédures de contrôles connues et des actions propices à la reproduction du système en vigueur. Ils « trouvent alors le courage de créer des espaces de liberté, de créativité et d’expérimentation rapide ». La complexité oblige les acteurs clés à coopérer et à privilégier le succès collectif. Pour saisir la complexité d’une situation, ses multiples enjeux et ses différents leviers, il est obligatoire de créer des groupes divers, transversaux et hétérogènes. Pour trouver des solutions véritablement innovantes, il s’agit donc de travailler en grand groupe, d’oser le chaos provisoire, de privilégier l’expérimentation ciblée au lieu de déployer un plan convenu. Sont alors privilégiées « les dynamiques alternatives ». L’ambiguïté se manifeste à travers des figures ambivalentes, par la non-cohérence d’un projet, le mélange des responsabilités, les multiples interprétations d’un concept. Cette ambiguïté doit devenir la culture dominante des nouveaux chefs : celle consistant à vivre avec une variété de solutions au lieu de s’attacher à l’obsession de la clarification, à la recherche d’une cohérence, ainsi qu’à celle d’une quête de « la » solution à déployer. Dans un monde VUCA, rien n’est acquis d’avance, rien n’est durablement stable et tout est opportunité !

    Enfin, nos professeurs édictaient cinq principes à l’usage des nouveaux chefs voulant réussir « dans la joie » : 1) dans un monde VUCA, l’agilité d’une organisation se débloque en passant de la réaction à l’action par le « sens » ; 2) dans un monde VUCA, tout se transforme quand le système se libère d’une obsession de performance opérationnelle pour privilégier la recherche d’excellence relationnelle ; 3) dans un monde VUCA, le chaos devient créateur, le vide faisant place à de nouvelles solutions ; 4) dans un monde VUCA, l’individu peut se sentir perdu mais l’intelligence collective en action s’affirmera comme le nouveau levier de performance ; 5) Dans un monde VUCA, la notion de « leadership » est renversée pour laisser place à la puissance d’une nouvelle posture … celle du « Followership ». Bref, dans ce meilleur des mondes possibles, les chefs et, en définitive tous les acteurs qui savent conjuguer la joie et le « sens » vont être en mesure d’inventer des formules inédites de performance.

    C’est presque aussi bien que La Richesse des nations d’Adam Smith et c’est à Donald Rumsfeld - secrétaire d’Etat à la Défense (2001-2006) - que l’ont doit l’application de cette idéologie aux affaires militaires. Sans y changer une seule virgule, la première administration Obama renonçait ainsi aux réponses classiques : les guerres conventionnelles et de contre-insurrection. On assistait alors à des redéploiements élargis dans les zones économiques et stratégiques considérées prioritaires pour les grandes sociétés (armements, aéronautiques, BTP et infrastructures, etc.). Enfin, selon un officier général des Forces spéciales, le Pentagone cherchait à maintenir autant que faire se peut la « clandestinité la plus totale afin de privilégier des campagnes médiatiques et de communication parfaitement maîtrisées ».

    En juin 2014, dans une conférence publique tenue à Beyrouth, nous expliquions alors, que cette « non doctrine » militaire s’articulait sur sept piliers : 1) montée en puissance des forces spéciales ; 2) prééminence du renseignement ; 3) extension de la géographie des drones ; 4) choix de la cyber-guerre ; 5) développement d’ « armées de substitution » ; 6) formation et manœuvres avec les partenaires ; et enfin 7) médiatiser et communiquer. Ce dernier pilier chapeaute l’ensemble ! Le plus vieux métier du monde ! Pour qu’elle atteigne ses objectifs, toute opération militaire doit être non seulement comprise mais aussi « partagée » par les opinions publiques du ou des pays qui la mènent. Sont alors appelés en renfort les bataillons de journalistes « embeded » chargés d’expliquer et de diffuser les raisons et le phasage de la « guerre juste », forcément juste. Au hardpower des armées doit s’adjoindre organiquement le softpower -madame Clinton préfère parler de smartpower -, des journalistes, des « experts » et autres « communicants ». Ces sept piliers requièrent, non pas la « sagesse » de Lawrence d’Arabie, mais une transparence imposée, c’est-à-dire opaque, la clandestinité et le secret.

    Dans le meilleur des mondes VUCA possibles, Dae’ch, Al-Qaïda, Nosra et les autres ne peuvent et ne doivent pas être éradiqués parce qu’ils sont absolument nécessaires à la reconfiguration permanente du « sens », de la « joie » et des « profits » des nouveaux chefs militaires, économiques et politiques du monde. Sur le plan intérieur, les recettes VUCA servent tout aussi bien à déconstruire les frontières nationales, le droit du travail et toute autre loi garante du contrat social des vieilles républiques pour nous convertir aux fluidités multiples d’une mondialisation heureuse où tout devient possible et principalement le retour à l’état de nature où règne, en définitive, la loi du plus fort.

    Lorsque notre ami Alain Joxe souligne, à juste titre, que les Etats-Unis ont régulièrement perdu les guerres asymétriques qu’ils ont déclenchés depuis la fin de la Guerre froide, il n’en tire pourtant pas la conclusion ultime : ces défaites apparentes sont en réalité des victoires inestimables pour les stratèges du Pentagone, de Tel-Aviv, de Wall Street, de la City et de Bruxelles. D’un état de non guerre conventionnelle, les délices du monde VUCA nous embarquent dans celui d’une guerre asymétrique généralisée, permanente et nécessaire. 

    Richard Labévière (Les Observateurs, 15 septembre 2015)

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  • L'Amérique et la stratégie du bélier...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Jean-Claude Empereur, cueilli sur le site d'Europe solidaire et consacré aux méthodes hégémoniques des Etats-Unis avec leurs "alliés"...

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    L'Amérique et la stratégie du bélier

    Le président de la République a choisi de présenter ses vœux aux armées depuis le porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle. Ce navire est emblématique de la multiplicité des talents et des capacités français.

    Mettre en avant la réussite conceptuelle, technologique et opérationnelle de la France dans le domaine de la défense, en l’occurrence du Rafale, du Mistral ou de nos sous-marins nucléaires, c’est inciter les États-Unis à nous neutraliser et surtout à nous interdire d’entraîner nos partenaires européens dans ce qu’ils considèrent comme une forme de dissidence stratégique.

    Les Anciens, pour détruire les murailles des fortifications de leurs adversaires, avaient inventé et perfectionné, au cours des siècles, le bélier. Les Américains ont repris le concept, pour détruire systématiquement ce qui subsiste encore des faibles protections de la vieille Europe dans des domaines pourtant stratégiques. Les exemples sont multiples. On ne retiendra que les plus récents.

    Dans l’affaire Alstom, non seulement General Electric a pris le contrôle de la branche énergie de l’entreprise, en particulier la fabrication des turbines (éléments essentiels des systèmes de propulsion de nos navires), mais aussi de manière plus subreptice, comme l’a souligné sur ce site Nicolas Gauthier, un véritable joyau technologique, une filiale spécialisée dans la surveillance des satellites.

    Dans le domaine aéronautique, la stratégie du bélier a pour nom F-35. Ce programme, le plus coûteux de l’histoire de l’aéronautique et sans doute le plus incontrôlable, avait initialement pour objectif de doter la défense américaine d’un avion de cinquième génération multi-mission adapté aux besoins des quatre armes. Mais le programme avait aussi une autre mission, moins connue mais tout aussi essentielle : détruire les capacités industrielles et financières européennes en le substituant progressivement aux développements européens, en asséchant ainsi les ressources disponibles pour de nouveaux projets. De nombreux pays de l’Union européenne ont accepté d’entrer dans ce jeu, ce qui en dit long sur la fiabilité de nos partenaires en matière de défense commune.

    Il y a quelques mois, l’affaire Snowden, dévoilant le programme d’espionnage informatique de la NSA, avait fait grand bruit. La chancelière allemande s’était émue des écoutes dont elle avait fait l’objet. La France, pour diverses raisons, était restée très discrète. Le président Obama avait promis que l’on ne l’y reprendrait plus. Depuis, plus rien. De nombreux rapports parlementaires français, du Sénat en particulier, décrivent pourtant en détail la mise en œuvre d’une stratégie américaine de « colonialisme numérique » et l’organisation systématique du pillage de nos données, ou les failles des systèmes de sécurité informatiques de nos entreprises et de nos administrations. Personne ne semble s’en émouvoir. Le récent Chaos Communication Congress, le bien nommé, vient de mettre en évidence la focalisation des moyens de la NSA sur les techniques lui permettant de neutraliser les protections érigées par les États ou les entreprises sur Internet. Le bélier numérique fonctionne à plein rendement et dans l’impunité. On pourrait multiplier les exemples.

    Le grand marché transatlantique négocié dans l’opacité et le secret viendra, si l’on n’y prend garde, parachever ce travail de démolition. Comme le récent rapport de la délégation parlementaire au renseignement le souligne de belle manière : « L’espionnage pourra se parer des vertus de la légalité. » Ainsi que l’a indiqué, non sans une feinte candeur, Barack Obama, il s’agit, grâce à ce traité, « d’otaniser » l’économie européenne. Vaste programme dont l’ultime phase sera la création d’une communauté euro-atlantique arrimant technologiquement, économiquement, financièrement et, au bout du compte, politiquement l’Europe aux États-Unis.

    Le bélier aura achevé son œuvre : il pourra se tourner vers d’autres cibles. Les Européens auront perdu non seulement leur souveraineté mais aussi leur identité. Nous regretterons alors, non pas « l’Europe-forteresse » bête noire des serviteurs zélés de la « concurrence libre et non faussée » chère à Bruxelles, mais plus sombrement « l’Europe aux anciens parapets » que chantait jadis Rimbaud dans Le Bateau ivre, image prémonitoire de notre Europe à la dérive.

    Jean-Claude Empereur (Europe solidaire, 22 janvier 2015)

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  • Embargo américain : ce que révèle l'affaire BNP Paribas...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Jean-Michel Quatrepoint, cueilli sur Xerfi Canal et consacré à l'affaire de l'amende de plusieurs milliards de dollars que la justice américaine menace d'infliger à la banque BNP Paribas pour avoir violé divers embargos décrétés unilatéralement par les Etats-Unis...

     

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  • Le gouvernement du ciel...

    Les éditions Les prairies ordinaires viennent de publier un essai de Thomas Hippler intitulé Le gouvernement du ciel - Histoire globale des bombardements aériens. Philosophe et historien, maître de conférences à Sciences-Po Lyon, Thomas Hippler est notamment l’auteur de Soldats et citoyens. Naissance du service militaire en France et en Prusse (PUF, 2006) et de Bombing the People: Giulio Douhet and the Foundations of Air-Power Strategy, 1884-1939 (Cambridge University Press, 2013).

     

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    " L’aviation incarne, dès son invention, le rêve cosmopolitique d’une paix perpétuelle entre les nations de la terre, dont le revers n’est autre que le cauchemar d’une puissance meurtrière sans précédent. Puissance qui s’exerce d’abord à l’encontre de populations jugées un peu trop remuantes par les colonisateurs, dans le cadre d’opération de maintien de l’ordre, avant de s’abattre sur les villes européennes et japonaises, durant le second conflit mondial.
    Mais surtout, la guerre aérienne brouille définitivement les frontières entre guerre et paix. Ce brouillage constitue un symptôme de la « démocratisation » de la guerre. Car c’est désormais le peuple que l’on prend directement pour cible, le peuple soutien de l’effort de guerre, et le peuple souverain, identifié à l’État. Ainsi s’enclenche un mouvement politique qui nous conduit aujourd’hui à une gouvernance mondiale sous hégémonie états-unienne, définie par une « guerre perpétuelle de basse intensité », qui frappe pour l’instant des régions comme le Yémen ou le Pakistan mais pourrait s’étendre demain à l’ensemble de la population mondiale.
    La guerre aérienne croise ainsi les grands thèmes du siècle passé : la nationalisation des sociétés et de la guerre, la démocratie et les totalitarismes, le colonialisme et la décolonisation, le tiers-mondisme et la globalisation, l’État social et son déclin face au néolibéralisme. L’histoire des bombardements aériens constitue un point de vue privilégié pour écrire une histoire globale du XXe siècle. "

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  • Do you speak european ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Lydie Marion, cueilli sur le site de Causeur et consacré à la domination de la langue anglaise dans les institutions européennes.

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    Do you speak european ?

    Dès le XVIIe siècle, l’esprit français règne sur les grandes cours européennes. Le français a vocation à être universel et essaime partout. L’intelligentsia se rallie sous cette bannière, signe de distinction, de savoir-vivre et d’élévation. Avec De L’Allemagne, Madame de Staël décrit en 1810 l’aura d’une France à son apogée européenne et ses échanges outre-Rhin. Elle s’accommode de son exil forcé pour arpenter cette Europe qui la fascine. Germanophile et anglophile, elle pressent dans son ouvrageque le classicisme de la langue française sera bientôt supplanté par l’esthétique romantique du Nord.

    Invariablement, le destin européen semble lié à la domination d’un pays et de sa langue. Malgré l’avènement des idées de Bonaparte, selon lequel les peuples d’Europe doivent s’unir autour des valeurs de la Révolution Française, Madame de Staël reste fidèle à l’aristocratie. Aussi s’érige-t-elle en chantre de l’Ancien Régime abattu qui avait été propice à l’expansion du français dans l’Europe entière. Reconnaissant l’âpreté de la langue allemande, elle rend hommage à la légèreté du français, langue par excellence de la conversation. Légèreté ne signifie pas frivolité mais un sens de la justesse qui naît d’une spontanéité calculée. Jamais l’exigence d’intelligibilité n’a été plus forte que dans la langue française.

    La monarchie avait compris que l’influence d’un pays se mesure à la pratique de sa langue dans les lieux de pouvoir. Pour l’intelligentsia européenne, parler français, c’est exercer l’art supérieur de la conversation et de la sociabilité. Le salon est un lieu d’influence. Cependant, la conquête des élites européennes ne s’est pas opérée par la violence mais par le consentement. C’est la reconnaissance de l’excellence de la civilité à la française. Après la violence de la Révolution de 1789, l’Europe de la pensée, dominée par la France, s’oriente vers l’Angleterre et les Etats qui formeront plus tard l’actuelle Allemagne.

    Aujourd’hui, si géographiquement les lieux de pouvoir européens se trouvent dans des espaces francophones, on n’y parle plus français. Subrepticement, en tant que langue officielle de l’Union Européenne, le français s’efface alors qu’il rivalisait autrefois avec l’anglais. Pourtant, sous l’impulsion de la France, la construction européenne avec les premiers états membres, majoritairement francophones, visaient à instaurer une paix durable entre les nations du continent. C’était la perspective de transformer cet espace économique en espace politique sous influence française.

    Dans cette optique, le général de Gaulle craignait à juste titre l’arrivée de la Grande-Bretagne dans l’Union Européenne pour défendre une stratégie nationale dont il fallait préserver l’Europe continentale. Naguère, les « père fondateurs » défendaient une vision française de l’Europe qui reposait sur une perception collective et enthousiasmante de cet édifice qui devait prendre une envergure politique. En définitive, l’Europe s’est muée en une vaste zone de libre-échange, creuse, sans assise politique sérieuse et sans ancrage dans la population. Le triomphe de l’anglais dans les institutions est le signe de cette hégémonie qui ne cherche même plus à se dissimuler.

    Depuis 2004, date de l’adhésion des anciens pays du bloc soviétique au sein de l’UE, la déroute du français n’a fait que s’accentuer. Pourtant, l’arrivée de pays de l’Est avait été présentée comme une chance pour la France d’étendre son cercle d’influence ainsi que de promouvoir sa langue. Las, le principal acteur de la fondation européenne est marginalisé au sein même des institutions. Les chiffres officiels sont sans appel. En 1997, l’anglais et le français faisaient jeu égal. Au Conseil de l’Union Européenne, 41%  des textes étaient rédigés en anglais, contre 42% en français et 5% en allemand. Les proportions sont similaires dans la Commission Européenne.

    Celle-ci  révèle dans un rapport de 2011 que seuls 6% des documents sont en français. Ce n’est plus une dilution, c’est une débâcle. Jugé plus pratique, l’anglais s’impose dans les réunions et dans les rédactions de rapports. Dès lors, la France en est réduite à invoquer la résolution de 2004 sur la diversité linguistique dans l’Union Européenne. La langue française qui se voulait jadis la plus intelligible devient inintelligible dans les instances où la politique intérieure de la France se décide de plus en plus. Même si les fonctionnaires de l’Union Européenne doivent maîtriser au moins trois langues des pays membres, le français devient subalterne.

    Ainsi, plusieurs travaux importants de la Commission Européenne n’ont été rendu publics qu’en anglais, ne suscitant qu’une réaction molle des autorités françaises. En outre, la nomination de Catherine Ashton, représentante britannique de la diplomatie européenne, symbolise également une forme d’éviction. Au-delà des nominations aux postes stratégiques, c’est la conception même d’une Europe à la française qui s’éteint avec l’avènement d’un fonctionnement à l’anglo-saxonne des institutions européennes. La contribution de la France, notamment grâce à sa langue, pour  marquer de son empreinte la construction européenne est pourtant essentielle. En effet, l’identité des pays de la zone Euro ne doit pas se réduire à un ersatz anglo-saxon. Pourtant, la construction européenne se poursuit sans les peuples, dans l’entre-soi des élites anglicisées qui considèrent la culture et la langue française comme des reliques de musée.

    Plus largement, la francophonie recule sur le vieux continent de manière inquiétante. Alors que l’Union Européenne se targue de préserver le multilinguisme dans ses lieux de décision, l’hégémonie de l’anglais, présenté comme un espéranto par défaut, remet en cause cette diversité. Si la France existe de moins en moins sur le plan économique, elle ne peut se permettre de disparaître des institutions. Son influence dépend de la vivacité et de la pérennité du français dans les instances européennes et internationales. L’Assemblée nationale et le Sénat multiplient les rapports alarmistes, en pure perte. Pour l’instant, aucune mesure concrète n’a été prise pour inverser la tendance. Cette reconquête linguistique est pourtant impérative. Une nouvelle Défense et Illustration de la langue française ne serait pas de trop pour ressaisir un esprit français qui se voulait être le souffle du continent européen.

    Lydie Marion (Causeur, 20 janvier 2014)

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  • Poutine et la place de la Russie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à l'importance du rôle que la Russie de Poutine joue comme môle de résistance face à la puissance américaine...

     

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    Poutine et la place de la Russie

    La fin du monde n’a pas eu lieu.

    Quoiqu’il ne faille pas exclure, qu’à terme, ne se produise la fin d’un monde, celui, américano-centré, unilatéral et formidablement dangereux pour la paix, que l’on voudrait, ici, en Occident, voir s’installer durablement.

    Pourquoi pas pour mille ans !

    La récente conférence de presse de Vladimir Poutine, s’adressant durant quatre heures trente à plus de mille journalistes de toutes nations, le jeudi 20 décembre, a rappelé cette vérité qui dérange : la Russie est toujours là. Mieux : elle incarne, par sa volonté de ne pas se plier à l’hégémonie étatsunienne, la perspective d’un monde multipolaire, pluri-civilisationnel, pour l’avènement duquel d’autres nations luttent, celles notamment représentées par le BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, République Sud-africaine), mais aussi l’ALBA, en Amérique latine, ce qui démontre, à l’encontre de ce que la presse mainstreams prétend, que les Russes sont loin d’être « isolés ».

    C’est une rengaine qui révèle, chez les journalistes liés à l’Otan, une réelle absence d’imagination. Il est vrai qu’en général, l’activité propagandiste ne demande comme aptitude que celle qui consiste à se répéter pour faire pénétrer dans le cerveau assoupi des masses des « vérités » infaillibles. Encore que l’imagination soit un ingrédient indispensable pour donner du sel aux scénarios susceptibles de remplacer la réalité. Il est vrai que le matraquage manichéen a réussi avec l’Irak, la Serbie, la Libye, et que la légende d’une démocratie militante et internationaliste éradiquant le Mal dictatorial de la planète a plutôt bien marché ; ce qui révèle, pour ceux qui croient encore aux lendemains qui chantent, combien les peuples occidentaux ont vendu leur liberté pour un plat de lentilles, qui s'avèrent, par ces temps de crise, plutôt passablement avariés. Et pour le coup, ils ont abandonné aussi leur droit d’aînesse.

    Une chansonnette qui a les faveurs des salles de rédaction, en ce moment, est que la Russie serait sur le point d’abandonner « le régime de Bachar al Assad » (dixit). On s’appuie, pour étayer ce qui ressemble furieusement à des lubies arrosées d’après dîner (du Siècle ou du crif, comme vous voulez), sur de soi-disant déclarations, d’un sous-ministre ou d’un ambassadeur russes, voire de Poutine lui-même.

    En vérité, la position russe n’a jamais changé : la Russie n’appuie pas un homme, mais un Etat légitime, la nature du régime et la composition du gouvernement syrien doivent résulter du choix du peuple syrien lui-même, une conférence de conciliation doit avoir lieu, et les forces étrangères n’ont pas à intervenir dans le conflit. Rien de nouveau sous le soleil, donc !

    Contre toute évidence, nos braves Tintins de comptoirs (désirant sans doute redonner de l'espoir à des « rebelles » singulièrement étrillés) entonnent le refrain bien appris de l’armée syrienne qui perd du terrain, du régime qui s’effrite, avant de s’effondrer, de l’isolement de ses partisans, de son encerclement etc. Que les « rebelles », dont la majorité sont des membres d’Al-Qaeda, des salafistes takfriristes, des frères musulmans, des Talibans, des Tchétchènes, des Turcs, Irakiens, Libyens, Tunisiens, Marocains, des Yéménites djihadistes, qui n’ont rien à voir avec les Syriens de souche, et qui sont payés par le Qatar, soutenus pas les USA, Israël, l’Angleterre et la France, pays qui prétendent, par ailleurs, combattre le fléau islamiste, soient exterminés par la valeureuse armée républicaine syrienne, cela semble leur échapper. Ils en restent à une explication fort simple, digne d’une cour de récréation de collège : Bachar étant un méchant, les Russes, ayant une propension à la méchanceté, comme chacun sait, sont naturellement portés à lui porter leur aide. Mais, surtout, la Russie s’accrocherait à la base de Tartous, afin de maintenir sa présence en Méditerranée orientale, mais serait bien obligée de tenir compte du rapport de force défavorable. 

    Autrement dit, la presse raisonne comme si elle jouait aux dames avec un damier singulièrement étriqué, alors qu'il s’agit d’un jeu d’échecs à l’échelle asiatique, voire mondiale. Quand le sage montre la lune, dit un proverbe chinois, l’idiot regarde le doigt.

    Au lieu de prendre des vessies pour des lanternes, la presse collaboratrice devrait plutôt abandonner ses vains espoirs. D’abord parce que le « régime » syrien tient, tout simplement pour des raisons faciles à comprendre : si les fanatiques islamistes l’emportent, ce sera un génocide, les minorités ethniques et confessionnelles seront exterminées, les femmes retourneront en esclavage, et une chape de plomb s’abattra sur un pays encore indépendant et libre. D’autre part, la Russie possède largement de quoi tenir tête aux puissances militaires locales et internationales, qui se mêlent de semer la zizanie dans cette région. Non, l’ours n’est pas affaibli !

    Surtout, il est évident que si la Russie laisse le terrain à l’Occident, c’en est fini de ses rêves d’indépendance, et même de sa volonté de survie. L'ours joue ici sa peau, et il est prématuré de vouloir d’ores et déjà la vendre !

    Pourquoi ? Il n’est qu’à regarder une carte pour comprendre. Qui contrôle cette région, où aboutissent, aboutiront, des terminaux gaziers et pétroliers, lesquels sont vitaux pour des pays comme l’Iran, partant la Chine, ceux d’Asie centrale, la Russie même, qui aurait voix au chapitre en Europe occidentale, région maritime où baignent des Etats déstabilisés ou stratégiquement essentiels, parfois surarmés, où l’on a trouvé des réserves immenses de gaz, cette énergie du XXIe siècle, qui la contrôle, donc, contrôle l’avenir. La Russie sait aussi que, comme dans un jeu de dominos, perdre la partie ici entraînerait un déplacement du conflit tout près de ses frontières, dans cette Asie centrale où s’agitent déjà des intégristes musulmans. Qui occupe l'Eurasie tient les rênes de la planète.

    C’est pourquoi il est réjouissant de voir revenir, sur le théâtre international des nations, une Russie forte, fière et digne. La conférence de presse du président Poutine nous rappelle, nous, Français, celles du général de Gaulle, qui soutenait que la place de la France devait être au premier rang. La noblesse de notre histoire ne laissait pas d’autre alternative. C’était compter sans la trahison de nos « élites », qu’il pressentait néanmoins, lesquelles ont vendu notre indépendance, celle de l’Europe aussi, à ceux que Mitterrand, qui les avait portant bien installé dans notre culture, considéraient comme nos pires ennemis, les Etats-Unis d’Amérique.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 21 décembre 2012)

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