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gauche - Page 24

  • Pour un anarchisme conservateur ?...

    A l'occasion de la publication aux éditions Climats de son nouvel essai intitulé Le Complexe d'Orphée - La gauche, les gens ordinaires et la religion du progrès, Le Nouvel observateur a publié un entretien fort intéressant avec Jean-Claude Michéa, que nous reproduisons ci-dessous. 

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    Pour un anarchisme conservateur

    Dans un essai décapant, Jean-Claude Michéa s'interroge sur la gauche et sa religion du progrès, et défend l'idée d'une «société décente» dans la lignée d'Orwell. Entretien avec un philosophe inclassable.

     

    Le Nouvel Observateur - En quoi le complexe d'Orphée, titre de votre livre, définit-il pour vous l'imaginaire de la gauche progressiste?

    Jean-Claude Michéa - Tout comme un pythagoricien aurait préféré mourir plutôt que de traverser un champ de fèves, un militant de gauche éprouve immédiatement une terreur sacrée à l'idée que quelque chose ait pu aller mieux dans le monde d'avant. Une pensée aussi incorrecte le conduirait en effet à remettre en question le vieux dogme progressiste selon lequel il existe un mystérieux sens de l'histoire, porté par le développement inexorable des nouvelles technologies, et qui dirigerait mécaniquement l'humanité vers un monde toujours plus parfait - que celui-ci ait le visage de l'«avenir radieux» ou celui de la «mondialisation heureuse».

    Difficile alors de ne pas penser au pauvre Orphée qui, pour ramener Eurydice des Enfers, avait dû s'engager à aller toujours de l'avant sans jamais s'autoriser le moindre regard en arrière. Mais la comparaison avec le Juif errant d'Eugène Sue aurait été tout aussi appropriée.

    En quoi l'«anarchisme conservateur» d'Orwell et sa défense d'une «décence commune» des «gens ordinaires» restent-ils pour vous d'actualité?

    Contrairement à Marx - pour qui l'idéal socialiste devait uniquement reposer sur la science-, Orwell a toujours pensé que la critique du capitalisme prenait sa source dans un sentiment moral d'indignation et d'injustice. Il retrouvait ainsi l'esprit des fondateurs du socialisme qui dénonçaient d'abord dans l'ordre libéral un système structurellement fondé sur l'égoïsme et la guerre de tous contre tous.

    Or la compréhension morale qu'«il y a des choses qui ne se font pas» (Orwell) suppose des conditions anthropologiques très strictes. Elle implique, disait Mauss, un système de rapports en face à face structurés par la triple obligation de «donner, recevoir et rendre» et qui constitue à ce titre le «roc» (le terme est de Mauss) sur lequel s'édifie toute communauté possible.

    Certes, pour pouvoir placer ainsi l'idée de décence commune au coeur du projet socialiste, il fallait au préalable la dégager de toutes ses limites historiques (limites qui tenaient moins, d'ailleurs, au fait communautaire lui-même qu'à ses différentes formes d'organisation hiérarchique). Il reste que ce mouvement d'universalisation critique de la common decency trouve nécessairement son point d'ancrage dans ces structures élémentaires de la réciprocité qui fondent depuis toujours la possibilité même d'une vie collective.

    Or ce sont justement ces solidarités premières (les fameux «groupes primaires» de Charles Cooley) que le développement illimité du marché et du droit (donc de l'esprit de calcul et de l'esprit procédurier) menace désormais de détruire de façon irréversible. Orwell avait donc parfaitement raison de souligner le moment «conservateur» de tout projet politique révolutionnaire. La possibilité d'une véritable société socialiste dépendra en grande partie de la capacité des gens ordinaires à préserver les conditions morales et culturelles de leur propre humanité.

    La gauche a-t-elle abandonné l'ambition première du socialisme, mot forgé par Pierre Leroux en 1834?

    Je dirais plutôt qu'elle est redevenue ce qu'elle était avant l'affaire Dreyfus. Jusqu'à cette époque, la gauche - nom sous lequel on regroupait alors les différents courants libéraux et républicains - avait toujours combattu sur deux fronts. D'un côté, contre le «péril clérical et monarchiste» - incarné par les «blancs» de la droite conservatrice et réactionnaire - de l'autre, contre le «danger collectiviste» - symbolisé par les «rouges» du camp socialiste fermement attachés, quant à eux, à l'indépendance politique du prolétariat (c'est pourquoi on ne trouvera jamais un seul texte de Marx où il se réclamerait de la gauche ou, a fortiori, de son union).

    Ce n'est qu'en 1899 - face à l'imminence d'un coup d'Etat de la droite d'Ancien Régime et de ses nouveaux alliés «nationalistes» - que la gauche moderne va véritablement prendre naissance, sur la base d'un compromis - au départ purement défensif - entre les «bleus» de la gauche originelle et les «rouges» du mouvement ouvrier (et cela malgré l'opposition farouche des anarcho-syndicalistes).

    C'est donc ce compromis historique ambigu entre libéraux, républicains et socialistes - compromis scellé contre la seule «réaction» et qui allait donner à la gauche du XXe siècle sa mystique particulière - qui s'est trouvé progressivement remis en cause, au début des années 1980, à mesure que s'imposait partout l'idée que toute tentative de rompre avec le capitalisme (c'est-à-dire avec un système qui soumet la vie des gens ordinaires au bon vouloir des minorités privilégiées qui contrôlent le capital et l'information) ne pouvait conduire qu'au totalitarisme et au goulag.

    C'est avant tout dans ce nouveau contexte que la gauche officielle en est venue à renouer - sous un habillage antiraciste et citoyen - avec ses vieux démons modernistes du XIXe siècle, lorsque sous le nom de «parti du mouvement» elle avait déjà pour mot d'ordre «ni réaction ni révolution».

    Et comme la droite d'Ancien Régime a elle-même cédé la place à celle des adeptes du libéralisme économique de Tocqueville et de Bastiat (qui, on l'oublie trop souvent, siégeaient tous les deux à gauche), on peut donc dire que l'opposition de la droite et de la gauche, telle qu'elle fonctionne aujourd'hui, ne constitue plus, pour l'essentiel, qu'une réactualisation de certains clivages qui, à la fin du XIXe siècle, divisaient déjà le vieux «parti du mouvement» (on dirait maintenant le parti de la croissance et de la mondialisation). Cette disparition progressive des anciens partis blanc et rouge au profit d'un antagonisme électoral intérieur au seul parti bleu explique bien des choses.

    En quoi le capitalisme, qui selon vous se pense prospère et sans limites, est-il historiquement suicidaire?

    A l'origine, le libéralisme se voulait simplement une doctrine des limites qu'il convenait d'imposer à l'emprise de l'Etat, des Eglises et de la tradition afin de protéger la liberté individuelle. Dans la pratique, cette doctrine conduisait donc à défendre le modèle d'une société «axiologiquement neutre» (ou sécularisée) dans laquelle chacun pourrait vivre comme il l'entend, sous réserve de ne pas nuire à autrui (le libre-échange n'étant que l'application de ce principe général à la sphère particulière des activités économiques).

    Si ce système a pu fonctionner si longtemps de façon cohérente, c'est toutefois parce qu'il continuait de s'appuyer implicitement sur un certain nombre de valeurs (de «gisements culturels», disait Castoriadis) dont personne ne songeait encore à questionner l'évidence. Presque tout le monde, par exemple, s'accordait sur l'idée qu'il existait des critères de bon sens permettant de distinguer une action honnête d'une action malhonnête, un fou d'un homme sain d'esprit, un enfant d'un adulte ou un homme d'une femme.

    Or, à partir du moment où toutes les formes existantes de catégorisation philosophique commencent à être perçues comme de pures constructions arbitraires et discriminantes (et le libéralisme culturel conduit tôt ou tard à cette conclusion postmoderne), le système libéral devient nécessairement incapable de définir par lui-même ses propres limites. Et de même qu'une croissance économique illimitée est condamnée à épuiser progressivement les ressources naturelles qui la rendent possible, de même l'extension illimitée du droit de chacun à satisfaire ses moindres lubies personnelles ne peut conduire, à terme, qu'à saper tous les fondements symboliques de la vie en commun.

    A l'image du roi Midas, mort de pouvoir tout transformer en or, il semble donc que les élites globales du libéralisme moderne soient désormais philosophiquement prêtes, pour satisfaire leur cupidité, à détruire jusqu'aux conditions même de leur propre survie.

    Propos recueillis par Gilles Anquetil et François Armanet (Le Nouvel Observateur, 22 septembre 2011)

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  • Les snipers de la semaine... (24)

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    Au sommaire :

    - sur Justice au singulier, Philippe Bilger flingue la vulgarité satisfaite et puante d'Eric Besson ;

    Eric Besson devrait "se casser" !

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    - sur Causeur, Coralie Delaume allume la gauche bobo et ses grandes préoccupations "sociétales"...

    Faut-il légaliser le clito ?

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  • A droite et à gauche... (2)

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    "En raison de la la présence en France de près de quatre millions et demi de travailleurs immigrés et de membres de leur familles, la poursuite de l’immigration pose aujourd’hui de graves problèmes. Il faut les regarder en face et prendre rapidement les mesures indispensables.

    La cote d’alerte est atteinte. (…) C’est pourquoi nous disons : il faut arrêter l’immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage.
    Je précise bien : il faut stopper l’immigration officielle et clandestine.
    Il faut résoudre l’important problème posé dans la vie locale française par l’immigration.

    Se trouvent entassés dans ce qu’il faut bien appeler des ghettos, des travailleurs et des familles aux traditions, aux langues, aux façons de vivre différentes.
    Cela crée des tensions, et parfois des heurts entre immigrés des divers pays. Cela rend difficiles leurs relations avec les Français.
    Quand la concentration devient très importante (…), la crise du logement s’aggrave.
    Les HLM font cruellement défaut et de nombreuses familles françaises ne peuvent y accéder. Les charges d'aide sociale nécessaires pour les familles immigrées plongées dans la misère deviennent insupportables pour les budgets des communes." 

     Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste français, dans L'Humanité du 6 janvier 1981

      

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    "Ce n'est pas tant l'Europe qui est fatiguée, ou vieille (selon un fantasme américain), que nous, esprits libres, qui sommes las de ce que l'Europe est devenue par son américanisation : non pas une poubelle ethnique, comme certains le soutiennent avec excès, mais, au contraire, un espace de disneylandisation ethnique, Disneyland n'étant pas seulement un parc d'attraction mais le modèle du « parc humain » de l'avenir, où l'esprit est mis à mal par le divertissement et le spectacle : Disneyland comme résurgence hédoniste des camps de concentration, en même temps que superstition née de la peur du vide. Cette intransigeante gestion de la sous-culture dominante nous en dit plus que bien des traités sur ce que nous sommes appelés à devenir."

    Richard Millet, Fatigue du sens (Pierre-Guillaume de Roux, 2011)

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    "Quand le terrestre – le matériel – ne dispose plus d’une vocation propre à l’élever quelque peu au-dessus du sol et que son niveau ne dépasse guère celui des pâquerettes, les mots cultes tels "humanisme" ou "droits de l’homme" commencent à sonner singulièrement creux. La morale, démonétisée, n’a plus vraiment cours et l’on espère seulement que les poncifs médiatiques habituels feront illusion. Le langage, à son tour, se corrompt. A quoi se réduit alors la politique ? A la gestion empirique, au jour le jour, au coup par coup. Le critère est la réussite : quel que soit son objet, quels que soient les moyens, la fin les justifie. L’étrange est que les politiciens pour qui tout se mesure en productivité, statistiques et rentabilité, n’aient pas abandonné les cérémonies et symboles évoquant d’autres temps. On n’aura jamais autant salué le général de Gaulle en commémorations que depuis l’abandon de toutes ses leçons. On n’aura jamais autant invoqué ses principes depuis qu’ils sont tellement oubliés. Ont-ils une telle peur du vide ceux qui se travestissent en des servants d’un culte qu’ils ne professent plus ? Quand le vertige les saisit, ils parlent des valeurs qu’il convient de maintenir ou même de restaurer. L’ennui est qu’ils en parlent comme de valeurs boursières, en suivent leur cote dans l’opinion et ses fluctuations, en fonction de quoi ils en déterminent l’importance."

    Marie-France Garaud, Impostures politiques (Plon, 2010)

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    "Tant qu'on n'aura pas compris que les droits de l'homme ne peuvent être qu'une conséquence des droits des peuples, les droits des peuples à exister, à perdurer, à avoir leur terre, leur langue, leur autonomie, leur identité, leurs mœurs, leur façon d'écrire l'histoire et ainsi tout simplement leur avenir, on ne fera jamais avancer concrètement les droits humains. Car l'homme concret appartient à un peuple. C'est par la mise en oeuvre des droits des peuples – le droit notamment de contrôler leurs ressources-, de s'émanciper de la dictature mondiale des marchés, de l'empire de la finance – que les droits humains peuvent être pris en compte. L'homme est d'abord un être social, un être en communauté, un être politique."

    Pierre Le Vigan, La tyrannie de la transparence (L'Aencre, 2011)

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    "[...] BHL est certainement le modèle même du « faussaire », le maître absolu, le mètre étalon. Il a créé le prototype et en a fait une référence. [...] Il a bâti sa carrière en maniant sans vergogne le mensonge. Pour autant, il se présente comme l'archétype de l'intellectuel pesant sur la vie des idées et montrant par son engagement un dévouement désintéressé et sans limite pour les causes les plus nobles.

    BHL passe pour un intellectuel éclairant le public alors que c'est un désinformateur. Il passe pour quelqu'un de profondément engagé en faveur de la morale alors que c'est le cynisme même. Il passe pour un défenseur intransigeant de la liberté alors que c'est un maccarthyste virulent. Il passe pour un universaliste alors que c'est un communautariste forcené."

    Pascal Boniface, Les intellectuels faussaires (Jean-Claude Gawsewitch, 2011)

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    "Grâce à Internet, c’est la première fois que l’on voit la société à l’état brut. Sans la mince couche de civilisation qui fait que les relations humaines restent correctes. La violence sur le Net est extraordinaire. C’est l’état primitif de la vie ! C’est le point ultime de la modernité qui nous montre l’état primitif de la société. C’est fascinant. La société sophistiquée peut voir ce qu’elle serait sans sa sophistication.[...] Et cela me rend partisan du suffrage censitaire..."

    Alain Minc, dans un entretien donné à Paris Match (28 septembre 2010)

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    "Il s'est constitué à cette occasion dans la société française une superclasse dirigeante dont, pour parler comme le sociologue Pierre Bourdieu, la droite constitue la fraction dominante et la gauche, la fraction dominée, mais qui, en toute occasion, défend avec âpreté ses intérêts propres, transcendants par rapport aux péripéties de la démocratie électorale. C'est d'elle que je disais ici même, il y a quinze jours, qu'elle fait régner une connivence de tous les instants entre la banque, les affaires, l'administration, le barreau, la politique, le journalisme, parfois les arts, l'université, l'édition ...

    Si vous ne me croyez pas, allez faire un tour, à condition que l'on vous laisse entrer, à l'Automobile Club de France (hôtel Crillon), place de la Concorde, un soir où Le Siècle, le club de cette superclasse dirigeante, se réunit pour dîner. A défaut, vous verrez au moins les chauffeurs des limousines noires qui attendent patiemment la sortie de leurs maîtres. A l'intérieur, des hommes en costume gris et quelques femmes en tailleur sobre échangent des opinions, des adresses, des tuyaux, des services, parfois des fonctions, des positions sociales, voire des amants ou des maîtresses. Dans ce milieu fermé où les socialistes ont leur place à côté des gros bataillons de la droite française, fermente l'idéologie de la classe dominante: modernisme discret, bien-pensance sociale et culturelle, conformisme économique, respect absolu de la puissance de l'argent. La pensée unique, comme dit Jean-François Kahn, est là, et bien là. Il existe, derrière les apparences successives des combinaisons ministérielles, un gouvernement de facto, un gouvernement invisible des élites financières et institutionnelles, qui à défaut de dicter sa loi, fournit la pensée et inspire l'action des élites françaises."

    Jacques Julliard, dans l'article DSK, la gauche et l'argent, publié dans Marianne (4 au 10 juin 2011)

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  • Par delà droite et gauche...

    « Si un jour l’imagination politique, l’exigence et la volonté politiques ont une chance de rebondir, ce ne peut-être que sur la base de l’abolition radicale de cette distinction fossile qui s’est annulée et désavouée elle-même au fil des décennies, et qui ne tient plus que par la complicité dans la corruption »

    Jean Baudrillard, De l ’exorcisme en politique ou la conjuration des imbéciles, Sens et Tonka, 1998

     

    Nous reproduisons ci-dessous un texte intéressant cueilli sur le blog de Maxime Tandonnet. Il livre une vision du clivage droite/gauche plus machiavélienne qu'idéologique.  Maxime Tandonnet est un haut-fonctionnaire, spécialiste des questions d'immigration, conseiller à l'Elysée et auteur de plusieurs essais, notamment : Le Grand bazar ou l'Europe face à l'immigration (L'Harmattan, 2001) ; Migrations, la nouvelle vague (L'Harmattan, 2003) ; Le défi de l'immigration : la vérité, les solutions (François-Xavier de Guibert, 2004) ; Migration : sortir du chaos (Flammarion, 2006) ; et Géopolitique des migrations : la crise des frontières (Ellipses, 2007).

     

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    Par delà droite et gauche

    Il n’existe pas me semble-t-il, d’idée ou de valeur, de gauche ou de droite en soi . Tout dépend des époques et des stratégies de pouvoir.

    Quelques exemples :

    -La Nation, la souveraineté nationale : aujourd’hui plutôt considérées comme des valeurs de droite, elles étaient jadis les marques distinctives des gauches européennes, contre les monarchies et les empires. La Révolution française et les révolutions européennes du XIXème siècle se sont faites au nom des Nations et ce sont les hommes de 1789 qui inscrivent la souveraineté nationale dans la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen.

    -La justice sociale n’était pas spécifiquement une valeur de gauche jusqu’au XXème siècle. En France, sous la Troisième République, les radicaux qui incarnent la gauche ne s’y intéressent pas, leur préoccupation essentielle étant la lutte contre le cléricalisme. Un homme comme Alexandre Millerand, marqué à gauche jusqu’au années 1910, bascule à droite en partie parce qu’il trouve la gauche trop timorée notamment sur les retraites ouvrières.

    -La colonisation a été impulsée sous la Troisième république par le centre gauche – Thiers, Jules Ferry, Freycinet, Méline – au nom de la « mission civilisatrice de la France (sic) », alors que la droite de l’époque, les monarchistes, sont dans l’ensemble défavorables à cette politique.

    -L’égalité hommes-femmes ? La gauche radicale s’est opposée tout au long de la Troisième République au vote des femmes, suspectées d’être sous l’influence des « curés ». C’est le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la République française qui l’a enfin imposé en 1944.

    -L’immigration : on a du mal à le croire mais la gauche française a longtemps été fort réservée sur le sujet, contre le patronat favorable à l’accueil d’une main d’œuvre bon marché. Dans la première moitié du XXème siècle, ce sont le Cartel des gauches dirigé par Edouard Herriot (1924) puis les gouvernements issus du Front populaire (1936-1938) qui prennent les mesures de rigueur en matière d’immigration : voir mon billet sur l’histoire de la déchéance de nationalité. Le 6 janvier 1981, l’Humanité publie une lettre de George Marchais selon laquelle : « la poursuite de l’immigration pose aujourd’hui de graves problèmes. Il faut les regarder en face et prendre rapidement les mesures indispensables. C’est pourquoi nous disons : il faut arrêter l’immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage ». Le 10 décembre 1989, le Président Mitterrand déclare: « En matière d’immigration, le seuil de tolérance a été atteint ».

    Les idéologies relèvent en grande partie des circonstances, des calculs, des intérêts de pouvoir, des postures. L’essentiel, en politique, c’est-à-dire l’organisation et la conduite de la cité, au sens noble du terme, tient à la personnalité des dirigeants plus qu’à leurs idéologies qui sont la façade, l’habillage des choses. Les paramètres qui font un homme d’Etat ne varient guère, eux, en fonction des époques. Ils restent de tout temps à peu près les mêmes : lucidité; courage; sens du bien commun; dynamisme; volontarisme; créativité; capacité de dialogue et d’écoute.

    Je devine que nombre de mes lecteurs ne partageront pas cette vision, ou alors avec des nuances, mais en tout cas la discussion est ouverte si le sujet intéresse certains d’entre eux.

    Maxime TANDONNET (Le blog de Maxime Tandonnet, 1er juin 2011)

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  • Le retour des classes populaires ?...

    Le quotidien Le Monde a publié cette semaine un point de vue du sociologue Christophe Guilluy, qui a récemment publié un essai intitulé Fractures françaises (Bourin, 2010), consacré au retour dans le paysage français des classes populaires.

     

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    Les classes populaires sont de retour en France

    En quelques décennies le Front national est devenu le porte-voix d'une part croissante des catégories populaires. Cette évolution n'est pas la résurgence d'un populisme ancien ou la conséquence d'une droitisation de l'opinion, mais il s'agit d'un processus contemporain lié à une recomposition sociologique et politique sans précédent. Le retour des classes populaires est ainsi corrélé à l'implosion de la classe moyenne tandis que la dynamique frontiste est d'abord le fruit de la fin de la bipolarisation.

    L'éclatement de la classe moyenne a libéré un nouveau "champ sociologique" qui rend de nouveau visibles les catégories populaires. Le surgissement dans le débat public de catégories, hier oubliées au profit des classes moyennes, est un indicateur essentiel de la nouvelle donne sociale.

    Si les classes moyennes avaient accompagné hier la "moyennisation" de la société française pendant la période des "trente glorieuses", plusieurs décennies de précarisation et de déclassement social favorisent aujourd'hui l'émergence de nouvelles catégories populaires. C'est dans ce contexte qu'il faut analyser la résurgence politique et culturelle des milieux populaires. Désormais, ce sont ces catégories qui reflètent avec le plus d'acuité la réalité sociale du pays. Majoritaires dans la population active, les catégories ouvriers-employés représentent aussi une majorité des retraités. Elles recouvrent ainsi un très large spectre de la sociologie française.

    Si ces nouvelles catégories populaires ne se pensent pas comme une nouvelle "classe sociale", elles subissent néanmoins les effets négatifs de la mondialisation. Ainsi, l'essentiel des chômeurs, travailleurs pauvres et/ou à temps partiel sont issus de ces milieux. Cette insécurité sociale se double d'une nouvelle insécurité culturelle liée à l'émergence d'une société multiculturelle.

    Cette double insécurité explique que des catégories populaires très diverses, et hier parfois opposées, se retrouvent dans une même perception de la réalité sociale. L'employé du lotissement pavillonnaire, l'ouvrier rural, le chômeur du bassin minier ou le petit paysan peuvent ainsi partager une même critique des choix économiques et politiques des classes dirigeantes depuis vingt ans. Tous subissent aussi les mêmes logiques foncières et l'éloignement des marchés de l'emploi les plus actifs, ceux des métropoles.

    Ces nouvelles classes populaires sont-elles de droite ? Après la disparition du "peuple de gauche" au XXe siècle, assiste-t-on à l'émergence d'un nouveau "peuple de droite" ? Rien n'est moins sûr. L'analyse par la "droitisation" occulte une donnée essentielle : la fin de la bipolarisation.

    Désormais persuadée de la vacuité du débat droite-gauche, une majorité de Français ne font plus confiance aux grands partis. En 2010, un sondage Sofres/Cevipof estimait à 67 % le nombre de français qui ne faisaient plus confiance ni à la gauche ni à la droite ; une minorité d'entre eux arrivait encore à se situer sur l'échelle gauche-droite. Ce "ni gauche ni droite", particulièrement fort en milieu populaire, n'exprime pas une vague "protestation" ni la résurgence d'un populisme ancien mais résulte d'une réalité sociale et culturelle pour partie occultée par les grands partis.

    Pire, les responsables politiques continuent à vanter les mérites d'une mondialisation heureuse, alors même que les catégories populaires subissent une précarisation objective de leurs conditions de vie. C'est dans ce contexte que l'inanité de la bipolarisation ouvre un nouveau "champ politique" au FN.

    Mais ce n'est peut-être pas le plus important. Si le FN bénéficie de la fin de la bipolarisation et de la résurgence des catégories populaires, il ne capte qu'une part minoritaire de cette majorité de Français qui ne se reconnaît plus ni à gauche ni à droite. Il existe aujourd'hui un espace considérable pour qui souhaiterait répondre à la demande de protection des classes populaires.

    Dès lors, plutôt que de se faire peur avec la montée du "populisme" ou la droitisation des opinions, il convient de prendre acte d'une bonne nouvelle, celle du retour des classes populaires dans le champ politique. Un retour qui impliquera mécaniquement une recomposition politique qu'une majorité de Français attend.

    Christophe Guilluy (Le Monde, 25 mai 2011)

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  • Mitterrand et le mystère français...

    La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque (n°54, mai - juin 2011).

    Le dossier central est consacré à François Mitterand. On peut y lire, notamment, des articles de  Charles Vaugeois ("Un séducteur énigmatique") de Jean-Claude Valla ("La Cagoule : des liaisons dangereuses"), de Dominique Venner ("François de Grossouvre : le mort de l'Elysée"), d'Alain de Benoist ("Réseaux et pouvoirs de l'intelligentsia") et un entretien avec le sociologue Paul Yonnet ("François Mitterrand : une personnalité troublante"). 

    Hors dossier, on pourra lire, en particulier, une analyse d'un ouvrage américain de Christopher Caldwell (Reflections on the Revolution in Europe. Immigration, Islam and the West, Anchor Books, 2009) sous la plume de Jean Monneret, un article de Philippe d'Hugues sur Jean Fontenoy, un article de Péroncel-Hugoz ("Souvenir de la Khadafie") et un entretien avec l'historien Martin Aurell, consacré à la noblesse de l'Occident médiéval. 

     

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