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fn - Page 5

  • Feu sur la désinformation... (70)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés, consacrée au décryptage des médias et dirigée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, avec le concours d'Hervé.

    Au sommaire :

    • 1 : Elections régionales : médias, piège à cons.
    • 2 : Le zapping d’I-Média.

    • 3 : Michel Field, un trotskiste à la tête de l’info sur France TV.
    • 4 : Tweets d’I-Média.
    • 5 : Internet, espace de liberté menacé.
    • 6 : Le bobard de la semaine.

     

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  • Les limites de l'antifascisme carnavalesque...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Mathieu Bock-Côté cueilli sur Figaro Vox et consacré à l'incapacité dans laquelle se trouvent les représentants du système de comprendre la montée en puissance du FN...

    Québécois, l'auteur est sociologue et chroniqueur à Radio-Canada et a déjà publié plusieurs essais.

     

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    Les limites de l'antifascisme carnavalesque

    Les formules sont convenues et un peu creuses, mais elles sont encore utilisées, comme si elles étaient rassurantes, et même réconfortantes: la poussée du Front national aux élections régionales est accueillie par des cris indignés qu'on veut aussi douloureux. Pour les uns, l'intolérance progresse et la percée du FN confirmerait en fait l'avilissement moral des Français. Pour les autres, les années 1930 pointent leur museau. Dans tous les cas, la démocratie serait en danger contre lequel il faudrait se mobiliser. Les éditorialistes, pour l'essentiel, partagent cette grille d'analyse, qui reconduit, pour l'essentiel, les catégories de l'antifascisme des dernières décennies. Et un peu partout, la presse étrangère, avec quelques nuances, reprend ces catégories et annonce une poussée historique de l'extrême-droite en France.

    Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce cri de scandale ne nous aide pas vraiment à comprendre sa progression. Il confirme la vétusté de l'appareil conceptuel utilisé pour penser le populisme européen. Mais quoi qu'on en pense, on ne pourra pas toujours rabattre la vie politique contemporaine sur la Deuxième guerre mondiale. On cherche souvent, pour confirmer la disgrâce démocratique du Front national, à l'associer à différentes figures de la droite antiparlementaire de la première moitié du vingtième siècle. Mais l'opération est moins scientifique que rhétorique: elle vise à confirmer la culpabilité originelle d'un mouvement politique condamné à représenter l'ennemi de la République, même quand il prétend s'y rallier et cherche à y donner des gages.

    Mais dans les faits, la référence à l'extrême-droite est de moins en moins opérante: il faut sans cesse redéfinir cette notion pour y faire entrer ceux qu'on veut y associer à tout prix. Politologues et sociologues en élargissent sans cesse la définition. Mais aujourd'hui, elle sert moins à décrire qu'à décrier. Elle a surtout pour fonction d'assurer l'exclusion politique de ceux à qui on l'accole, à tort ou à raison et en vient presque à relever de la démonologie. De ceux à qui on accolera l'étiquette, on dira qu'ils sentent le soufre, ou encore, qu'ils ont des idées nauséabondes. C'est l'argument olfactif. On renifle l'adversaire, on l'accuse de puer, on le transforme en ennemi, et on le chasse du domaine public. On conviendra qu'il ne suffit plus à détourner massivement les Français du FN. On atteint probablement aujourd'hui les limites d'un antifascisme anachronique.

    On aura aussi cherché, depuis quelques années, à l'étendre à tous ceux qui contestaient d'une manière ou d'une autre l'idéologie multiculturaliste et les vertus du sans-frontiérisme. On a voulu extrême-droitiser la droite lorsqu'elle ne cherchait plus à respecter les critères de respectabilité édictés par la gauche. On a réservé le même sort aux intellectuels qui s'inquiétaient de la dénationalisation de la société française et qui ne célébraient pas systématiquement la diversité à la manière d'une richesse. On les accusera de «faire le jeu du Front national». Il fallait les censurer et maintenir en vie le fantasme médiatique d'une France à la diversité heureuse. Notre époque serait merveilleuse: qui en doutera sera accusé de complaisance réactionnaire.

    Il ne fallait donc pas prendre au sérieux les raisons profondes qui poussaient un nombre croissant d'électeurs vers ce parti. On connaît la formule longtemps ânonnée: par exemple, il n'y aurait pas vraiment d'insécurité en France, mais un sentiment d'insécurité. Il fallait conséquemment dénoncer ceux qui l'entretenaient. De la même manière, on fustigera ceux pour qui la crise de l'école n'était pas simplement le fruit d'une nostalgie réactionnaire, mais une réalité de mille manières documentée. La simple référence à l'identité nationale, d'ailleurs, sera progressivement disqualifiée: on n'y verra qu'une crispation identitaire symptomatique d'une fragilité psychologique malheureuse. Il n'y aurait pas de déclin français, seulement un déclinisme délirant alimenté par des idéologues qu'on désignera à la vindicte publique.

    Depuis une quinzaine d'années, on le sait, on a assisté à la multiplication des phobies. Elles contribuent à la psychiatrisation de la vie politique. La dissidence est associée à une forme de dérèglement psychique, et on assistera à la multiplication des interdits moraux et idéologiques. L'inquiétude devant l'immigration massive ou le multiculturalisme sera assimilée à la xénophobie. Celle par rapport à la difficile intégration de grandes populations musulmanes en France sera quant à elle assimilée à l'islamophobie. La critique de l'intégration européenne relèvera de l'europhobie. À ce catalogue des phobies, il faudrait aussi ajouter l'homophobie et la transphobie, dont on a beaucoup parlé ces dernières années. Le nouveau régime issu de mai 68 exige qu'on s'enthousiasme devant sa promesse d'un avenir diversitaire radieux ou qu'on passe pour fou. Devant le déni de réel des élites médiatiques, certains cherchent la protestation la plus vigoureuse, même si elle est excessive.

    L'idéologie soixante-huitarde, qui prend forme aujourd'hui à travers la sacralisation de la diversité, a besoin du mythe du fascisme pour poursuivre son implantation. Il lui permet d'associer ainsi aux pires horreurs du vingtième siècle la simple défense des valeurs traditionnelles et des institutions qui les pérennisaient. Dès lors, le progressisme dominant propose son alternative funeste: multiculturalisme ou barbarie. Le désaccord populaire est toujours rabattu sur le fascisme, comme s'il représentait la dernière étape avant la conversion décomplexée à l'extrême-droite. En fait, il s'agit de désarmer mentalement le commun des mortels devant ce qui est quand même une entreprise sans précédent d'ingénierie sociale et identitaire visant à modifier en profondeur l'identité du peuple français et de la civilisation européenne.

    Encore aujourd'hui, on peine à traduire politiquement les clivages nés dans la dynamique des radical sixties. Qu'on le veuille ou non, la distinction entre la gauche et la droite structure encore la vie politique, surtout en France qui, à sa manière l'a inventé. Elle n'est pas sans profondeur anthropologique non plus: la gauche et la droite ne sont pas des notions complètement insensées. Mais il faut bien convenir que ce clivage n'est pas parvenu à donner une véritable forme politique aux enjeux qui touchent à la nature même de la communauté politique. Ils ne s'expriment vraiment clairement qu'avec les référendums européens, pour ensuite se dissiper une fois que le système partisan reprend ses droits. Une frange importante du peuple, dans les circonstances, semble privilégier une politique tribunicienne pour se faire entendre, même si, paradoxalement, elle l'isole politique dans les marges.

    On s'est demandé cet automne pourquoi les intellectuels avaient aujourd'hui plus d'influence que les politiques dans la vie publique. Naturellement, leur parole est plus libre. Ils ne sont pas en position de responsabilité. On les suspecte moins, conséquemment, de dissimuler une part de réalité et d'être lié par une attache partisane. Mais l'essentiel était ailleurs: ne cherchant pas à s'inscrire dans un clivage politique usé, ils parviennent plus aisément à réaliser les synthèses nécessaires et à formuler une vision de l'époque et de ses enjeux délivrée de l'écartèlement habituel et exagéré entre ce que la gauche et la droite de gouvernement croient devoir être. Plus souvent qu'autrement, ils expriment une forme de conservatisme qui est peut-être d'abord et avant tout un patriotisme de civilisation. Ce créneau est aujourd'hui idéologiquement majoritaire en France, même s'il demeure vitupéré médiatiquement.

    Si on laisse de côté le grand récit antifasciste maintenu artificiellement en vie par le système médiatique, on découvre une autre histoire de l'émergence du populisme européen. Sa vitalité politique repose sur un double abandon dont se sont rendus coupables les partis de gouvernement. La droite a sacrifié le patriotisme conservateur qui était la marque distinctive du RPR des bonnes années pour se convertir à un libéralisme moderniste qui n'a jamais suscité l'enthousiasme au-delà du cercle étroit des élus de la mondialisation heureuse. La gauche a renoncé à la défense du peuple pour se convertir à la cause de la diversité et à la sacralisation des minorités, en leur prêtant la vertu rédemptrice autrefois réservée au prolétariat. Le Front national a récupéré ces deux créneaux.

    En un mot, les élites françaises ont sacrifié la fonction protectrice du politique, ou sa part conservatrice, si on préfère. Elles ont ainsi renoncé à certaines aspirations fondamentales au cœur de la cité. Elles ont négligé le besoin d'enracinement au cœur de l'âme humaine. Les enjeux sociétaux ont émergé ces dernières années. Ils rappellent que la politique ne saurait être victime de réductionnisme économique sans s'appauvrir existentiellement. Les hommes, quoi qu'on en pense, ne se représentent pas la société comme une simple association contractuelle d'individus sans liens véritables entre eux. Ils veulent habiter un monde commun, noué dans l'histoire et la culture. Mais on a assisté, à bien des égards, à sa dissolution dans la seule logique des droits.

    Plus encore, les grandes réformes sociétales ont été présentées comme relevant de la fatalité historique. Ce sentiment d'impuissance entretenu par le mythe de la fatalité historique revalorise, par effet de contraste, ceux qui croient que la politique n'est pas sans lien et qui misent sur cette dernière pour infléchir autrement le cours de l'histoire, et reconstruire ce qui n'aurait pas dû être déconstruit. Les partis politiques qui prétendent, d'une manière ou d'une autre, sortir la politique de la seule logique de l'extension des droits et du traitement gestionnaire des problèmes sociaux risquent retrouvent aisément un écho populaire. Ils laissent croire, en quelque sorte, que l'homme a une maîtrise sur son destin, même s'ils font preuve souvent de démagogie en laissant croire que cette volonté est toute-puissante et peut s'affranchir des pesanteurs de l'époque.

    On s'est émerveillé, ces dernières semaines, de la réhabilitation de la Marseillaise et du Tricolore, suite aux carnages du 13 novembre. Personne ne s'en désolera, naturellement. Il y avait là une forme de sursaut patriotique absolument admirable, à mille lieux du réflexe pénitentiel dans lequel le système médiatique se complaît spontanément. Mais une certaine autocritique aurait été la bienvenue: pourquoi les élites, et les élites de gauche, en particulier, avaient-elles abandonné les symboles nationaux? Car le Front national avait moins confisqué la nation qu'on ne lui avait concédée. C'est moins sur son programme spécifique qu'il est parvenu à croître, au fil des ans - d'autant que ce programme est assez changeant et ne se caractérise pas exactement par un souci de rigueur - que sur un désir de nation auquel il était à peu près le seul à répondre explicitement, aussi déformée sa réponse soit-elle.

    Il faut voir plus large. C'est à une crise de légitimité qu'on assiste, en fait. Une crise de régime, si on veut, qui touche toutes les sociétés occidentales même si encore une fois, même si c'est en France qu'elle prend une portée civilisationnelle. La France devient le théâtre des grandes contradictions qui traversent le monde occidental. Le pouvoir semble impuissant à affronter une crise de civilisation à peu près sans précédent et se contente de disqualifier ceux qui le rappellent à ses devoirs et l'invitent à ne pas se contenter d'incantations humanitaires devant des problèmes comme la crise des migrants. Il se permet même de persécuter ceux qui dénoncent son impuissance. Ainsi, ils sont de plus en en plus nombreux à défiler régulièrement devant les tribunaux pour avoir nommé la part de réel qui heurte l'idéologie dominante. C'est, à certains égards, le seul ressort qui lui reste.

    Il y a certainement d'excellentes raisons de s'opposer au Front national, mais la réduction de sa progression à la renaissance d'une forme de fascisme intemporel, qui serait la tentation diabolique de la civilisation européenne, n'en est pas vraiment une. Elle rassure certainement une frange significative des élites politiques et intellectuelles, qui peuvent dès lors prendre la pose avantageuse de la résistance contre la bête immonde, mais elle rend à peu près incompréhensible et inintelligible le pourrissement de la situation qui a pourtant propulsé le Front national au rang de premier parti de France. Et pour tout dire, la meilleure manière de lui faire barrage ne consiste certainement pas à pousser encore plus loin la politique qui a contribué à sa croissance.

    Mathieu Bock-Côté (Figaro Vox, 8 décembre 2015)

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  • Feu sur la désinformation... (69)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés, consacrée au décryptage des médias et dirigée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, avec le concours d'Hervé.

    Au sommaire :

    • 1 : La Voix du Nord, tract anti-FN.
    • 2 : Le zapping d’I-Média.

    • 3 : Le bobard antiraciste de France 3 Aquitaine.
    • 4 : Tweets d’I-Média.
    • 5 : Manifestation écolo, la grande mise en scène.
    • 6 : Le bobard de la semaine.

     

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  • Une élection ordinaire...

    Les éditions Ring viennent de publier Une élection ordinaire, un roman politique de Geoffroy Lejeune consacré à l'élection présidentielle de 2017. Rédacteur en chef des pages politiques de Valeurs actuelles, Geoffroy Lejeune se fait-il à travers ce livre le porte-voix de Patrick Buisson, l'ex-éminence grise de Nicolas Sarkozy ? C'est possible... Mais d'ores et déjà, l'un des postulats du livre, le virage à gauche du FN, semble clairement remis en cause par la crise des "migrants", qui a vu ce parti revenir très fermement sur des "fondamentaux" qu'il avait un peu délaissé ces derniers temps. A lire avec curiosité, néanmoins...

     

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    " «Marine Le Pen est de gauche, Sarkozy est un traître, Hollande est mort. Il y a un espace pour toi, Éric. Tu dois y aller.»
    Patrick Buisson Mai 2016.

    La France s'apprête à élire son nouveau président.

    L'hostilité du peuple envers ses élites n'a jamais été aussi vive, la panique gagne toute la classe politique, les sondages se succèdent, catastrophiques. Minée par ses querelles personnelles, la droite est en lambeaux, et face à un Hollande qui espère être réélu, Marine Le Pen accentue son virage à gauche. Dans l'ombre, les couteaux s'aiguisent ; l'heure des changements de ligne et des trahisons a sonné.

    Dans ce jeu de massacre, un outsider émerge. Sa candidature à la présidence recueille les sarcasmes mais très vite, Éric Zemmour devient le porte-voix d'un peuple prêt à faire sécession. Chaque petit point grappillé dans les intentions de votes fait affluer vers lui revanchards, déçus et révolutionnaires. Cette coalition hétéroclite venue des quatre coins de la droite va tenter un coup d'État démocratique.

    Verbatim assassins, secrets inavouables, haines recuites et affrontements idéologiques : fruit de deux ans d'enquête et de centaines de confidences recueillies, Une Élection ordinaire nous entraîne au coeur des coulisses interdites du pouvoir. "

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  • De quoi les partis politiques français sont-ils le nom?...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de Michel Drac, cueillie sur le site d'information Sputnik et consacré au partis politiques français. Penseur original et hors-système, Michel Drac est l'animateur du site Scriptoblog et le fondateur de l'excellente maison d'édition Le retour aux sources. Ses ouvrages comme De la souveraineté ou Crise économique ou crise du sens ? ont été réédités en un volume intitulé Essais (Retour aux sources, 2013).

     

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    De quoi les partis politiques français sont-ils le nom ?

    Nous avons l'habitude de cartographier l'espace politique français en y positionnant nos principaux partis. Et la plupart du temps, nous nous référons pour cela, inconsciemment, à l'imaginaire associé à ces partis. Vues sous cet angle, les choses paraissent simples.

    Des noms comme "Nouveau Parti Anticapitaliste", "Lutte Ouvrière" ou "Parti Communiste Français" évoquent les grandes luttes de classes du passé, quand un prolétariat héroïque affrontait une bourgeoisie conservatrice. Ces noms sonnent comme le célébrissime premier couplet de l'Internationale: "Debout, les damnés de la terre! Debout, les forçats de la faim!".

    "Parti de Gauche" et "Parti Socialiste" réveillent plutôt la nostalgie des Trente Glorieuses. Ces noms résonnent comme l'hymne mitterrandien des années 70: "Ne croyons plus aux lendemains qui chantent, changeons la vie ici et maintenant!". En arrière-plan se profile le lointain souvenir de la Section Française de l'Internationale Ouvrière, de Léon Blum et d'une alliance de classe, bénie par l'instituteur, entre employés et petits fonctionnaires.

    La droite française n'arrête pas de changer de nom. Maintenant, elle s'appelle les "Républicains". Nous avons désormais un grand parti français dont l'imaginaire renvoie à des références états-uniennes. Un parti formé pendant un épisode de "Dallas" et calibré comme un blockbuster hollywoodien. "Saving President Sarko", tel est le nom du film. C'est assez ridicule.

    Depuis quatre décennies, les lettres "F" et "N" sont associées à un logo calqué sur celui du MSI, un parti fasciste italien. Tous les vaincus du XXe siècle français se sont ralliés à cet étendard: les épurés de 1945, les victimes des guerres de décolonisation, une partie des milieux catholiques traditionalistes. Le FN en a retiré une image sulfureuse.

    Tous ces imaginaires partisans n'ont rien à voir avec la réalité. Notre gauche radicale n'est pas ouvrière. Le Parti Socialiste n'est plus vraiment le parti des enseignants et des employés. Les "Républicains" n'incarnent pas le rêve américain — à vrai dire, ils ne font rêver personne. Et le FN n'a plus grand-chose à voir avec ses origines fascisantes.
    Ramener nos partis politiques aux imaginaires qu'on leur associe, c'est fondamentalement se tromper d'époque. Ces imaginaires trouvent leur source dans des luttes de classes du passé, qui ne sont pas les luttes de classes contemporaines. Ils s'organisent autour de rêves que plus grand-monde ne partage, de souvenirs qui s'estompent et de rancunes presque oubliées. On voudrait maintenir l'illusion que nos principales forces politiques sont dans le monde actuel ce qu'elles furent dans un monde disparu. Cela n'a pas de sens. Nos partis ne sont pas ce qu'ils furent.

    Pour commencer, ce ne sont plus vraiment des organisations de masse. A peine 1 % des Français militent réellement. Du coup, ce que nous appelons un parti politique aujourd'hui n'est pas ce qui portait ce nom autrefois. Pendant les deux premiers tiers du XX° siècle, les partis politiques reposaient sur leurs militants. Désormais, ceux-ci en sont souvent réduits à faire de la figuration dans une mise en scène étudiée pour la télévision. En réalité, l'agora française est presque vide. C'est une tombe glaciale, que les médias réchauffent d'un simulacre de vie avec la complicité de partis politiques fantômes.

    Sauf aux marges, la politique n'est plus l'affaire que de ceux qui en vivent. Le PS est à la pointe de cette évolution. Un militant socialiste sur deux est un élu. L'autre est souvent un employé municipal. Le PS est une machine à prendre des places et à se les partager. Les autres partis politiques essayent manifestement de l'imiter.
    Ces machines électorales ont besoin d'électeurs. C'est pourquoi nos partis politiques se comportent comme des gestionnaires de marque. A travers les médias, ils vendent un imaginaire. Ils offrent aussi, plus sérieusement, un programme de défense de telle ou telle catégorie sociale.

    Tous ces partis sans militants reposent en effet sur un "noyau dur" électoral, bien identifiable sociologiquement, autour duquel en période haute, ils parviennent à rallier des électorats plus flottants. Voilà leur réalité: les électorats stables de nos partis politiques sont leur substance dans les luttes de classes contemporaines. Bon gré mal gré, les leaders sont obligés d'en tenir compte. Même si la majorité de l'électorat est flottant, nos politiciens savent bien qu'ils doivent rester fidèles aux fondamentaux qui solidifient le noyau dur de leur clientèle. C'est ce socle qui leur permet d'atteindre en toutes circonstances la taille critique nécessaire pour forcer la porte des médias. Pour l'avoir oublié en 2007, le FN a failli disparaître.

    L'extrême gauche et le PCF n'attirent plus massivement le vote des catégories populaires. L'électeur-type du Front de Gauche n'est certes pas riche, mais ce n'est pas un ouvrier. C'est dans un peu plus de la moitié des cas une électrice. Cette électrice est soit une étudiante, soit une jeune salariée précaire, soit une baby-boomeuse qui a du mal à joindre les deux bouts, par exemple une salariée du public locataire en HLM. Le socle électoral de notre gauche extrême ou radicale, c'est l'alliance du précariat et du bas fonctionnariat. Cette mouvance possède donc une identité de classe, mais celle-ci n'a plus grand-chose à voir avec le mouvement ouvrier. Le Front de Gauche est peut-être le parti des précaires, mais sûrement pas celui des prolétaires.

    Ridicule: le Parti Socialiste chante encore l'Internationale pendant ses congrès. En réalité, dans les catégories populaires, il pèse à peu près deux fois moins que le FN. Chez les ouvriers, il est même relégué en troisième position, derrière la droite classique: Jaurès est vraiment mort. Le PS est plus que jamais un parti de cadres et de professions intermédiaires. C'est le parti des classes moyennes et supérieures d'un secteur tertiaire qui, dans l'ensemble, a jusqu'ici bénéficié de la mondialisation.

    Problème: l'emprise du PS sur le bas de ces catégories intermédiaires commence à s'effriter sérieusement. La crise rattrape maintenant certains secteurs emblématiques de la petite croissance des années 80-90. Solferino songe à un électorat-relais: le vote ethnique, à l'imitation du Parti Démocrate américain. Déjà, les deux tiers des musulmans voteraient PS. Un appoint indispensable: sans sa clientèle immigrée, le parti de Manuel Valls tomberait sous le seuil fatidique des 20 % de suffrages exprimés en moyenne nationale.

    La droite classique, elle, bénéficie pour le moment du soutien d'une catégorie en pleine expansion: les personnes âgées. L'électeur-type des "Républicains" est un retraité aisé. On peut l'imaginer ancien petit patron, ex-cadre supérieur, mais parfois, c'est tout simplement un ouvrier économe propriétaire d'un beau logement. Dans toutes les enquêtes d'opinion dont nous disposons, il apparaît que si seuls les actifs votaient, les "Républicains" retomberaient pratiquement au niveau du FN, voire un peu en-dessous. Notre droite classique, c'est le parti de la stabilité, du "pourvu que ça dure" — et donc, bien sûr, de l'euro comme digue contre l'inflation. Soit dit poliment, c'est le parti des vieux.

    Par symétrie, le socle électoral du FN peut être déduit du positionnement des autres formations politiques.
    Le Front de Gauche attire un électorat majoritairement féminin: l'électorat FN reste majoritairement masculin. Le Front de Gauche allie deux noyaux durs distincts: les étudiants et jeunes salariés précaires, les petits fonctionnaires baby-boomers. Ce sont aussi les seuls segments de la population à faibles revenus où le FN a du mal à percer.
    PS et FN ont des noyaux durs électoraux parfaitement symétriques. Le PS est le parti du secteur tertiaire bénéficiaire de la mondialisation: le FN est le parti des secteurs primaire et secondaire, victimes de la mondialisation. L'électeur-type PS appartient à une "CSP+" et il est plutôt bien diplômé: l'électeur-type FN est "CSP-" et dans l'ensemble plutôt sous-diplômé. Le PS possède une force d'appoint dans l'électorat musulman: le FN conserve sa frange arabophobe, même si celle-ci ne constitue plus vraiment le cœur sociologique de son électorat.

    Les "Républicains" forment le parti des vieux retraités: le FN est, dans l'ensemble, le parti des jeunes actifs. Mais ici, la symétrie est moins grande. Hors le phénomène générationnel, les socles électoraux de la droite classique et du FN possèdent des zones recoupement importantes.

    Faisons la synthèse.

    Nos partis politiques sont le nom des luttes de classes contemporaines. Ces luttes de classes n'opposent plus une bourgeoisie "à l'ancienne" à un prolétariat "à l'ancienne". Elles s'organisent autour des phénomènes majeurs de l'époque: la mondialisation néolibérale, l'hiver démographique, la submersion migratoire. La mondialisation et l'Europe de Bruxelles: ceux qui en bénéficient, les classes moyennes et supérieures, le secteur tertiaire, contre ceux qui en souffrent, les catégories socioprofessionnelles inférieures, les secteurs primaire et secondaire. L'hiver démographique: l'impossible affrontement intergénérationnel — comment ne pas aimer nos parents, comment ne pas leur en vouloir de nous écraser sous leur nombre? La submersion migratoire: d'un côté les riches qui n'en payent pas le prix et n'y trouvent rien à redire, de l'autre les pauvres qui en encaissent les conséquences concrètes, sur leurs salaires, dans leurs quartiers.

    Tout le bla-bla médiatique sur "les valeurs de la République" ne sert qu'à dissimuler ces réalités. Parti des bénéficiaires de la mondialisation, déserté depuis belle lurette par les ouvriers, le PS nous ressort régulièrement ses rengaines sur "l'argent qui corrompt" ou "notre véritable ennemi, la finance". Leader du parti des vieux, Nicolas Sarkozy mime le rêve américain et l'esprit d'aventure. Si l'on plaque sur le FN l'image du bourreau fasciste, c'est pour dissimuler le fait qu'il est aujourd'hui le parti des victimes. Quant au Front de Gauche, tout le monde a compris que volens nolens, il sert de contrefeu au Bloc Institutionnel.

    D'ailleurs, les puissances étrangères ne s'y trompent pas. Leurs sympathies dans l'espace politique français sont cohérentes avec les luttes de classes dont nos partis politiques sont les noms. Les Etats-Unis soutiennent le PS et les "Républicains": la puissance qui conduit pour l'instant la mondialisation néolibérale ne peut qu'appuyer les partis qui en représentent les bénéficiaires. L'Allemagne préfère les "Républicains": un pays riche et vieux soutient le parti des retraités aisés. Et la Russie, comme on le sait, a choisi le FN. Là encore, c'est parfaitement logique: la puissance qui, sur la scène internationale, conteste l'ordre américain, ne pouvait que soutenir le parti qui, sur la scène française, représente les opposants à cet ordre.

    Michel Drac (Sputnik, 14 juillet 2015)



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  • Des électeurs du FN en attente de justice sociale ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la question de l'accroissement des inégalités économiques...

     

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    « 1 % des Terriens est plus riche que les 99 % restants. À quand un peu de justice sociale ? »

    À en croire un récent sondage Cevipof, publié par Le Figaro, un adhérent sur deux du Front national voudrait « établir la justice sociale en prenant aux riches pour donner aux pauvres » et serait favorable à une « réforme en profondeur » du système capitaliste. Révolution ?

    Les électeurs du FN, dont beaucoup proviennent des classes populaires, ne sont pas totalement aveugles. Comme beaucoup de Français, ils constatent que les inégalités économiques ne cessent de croître entre les pays comme à l’intérieur des pays, ce qui montre qu’elles n’ont plus rien à voir avec les capacités ou les mérites.

    La richesse cumulée des 1 % les plus riches de la planète est aujourd’hui en passe de dépasser celle détenue par les 99 % restants. Dans les pays développés, les salaires n’ont cessé de stagner ou de diminuer depuis un quart de siècle, obligeant les salariés à s’endetter toujours plus conserver leur niveau de vie, avec les résultats que l’on sait. Aux États-Unis, où l’inégalité économique a atteint son niveau le plus élevé depuis les années 1930, la somme des bonus octroyés à Wall Street en 2014 a représenté à elle seule le double du total des revenus de tous les salariés américains travaillant à plein temps au salaire minimum. En France, la seule Société générale a distribué l’an dernier 467 millions d’euros de bonus à ses salariés, soit en moyenne une prime équivalente à ce que gagne en dix ans un salarié au Smic. Tout récemment encore, le PDG d’EDF, Jean-Bernard Lévy, déjà rémunéré 450 000 euros par an, s’est vu accorder un parachute doré d’au moins 200 000 euros, tandis que l’ancien patron de PSA Peugeot-Citroën, Philippe Varin, bénéficiait d’une retraite chapeau de 299 000 euros par an.

    D’autres chiffres ? Le montant des produits dérivés échangés de gré à gré, c’est-à-dire sans passer par les bourses, a atteint en 2014 le niveau astronomique de 652 000 milliards d’euros, soit dix fois le PIB mondial, alors qu’il s’agit pour l’essentiel de produits de spéculation. Quant au marché noir mondial, selon la Cour des comptes américaine, il ne brasse pas moins de 10 000 milliards de dollars par an.

    Sympathisants ou non du FN, les Français voient les scandales financiers se succéder. Ils voient que l’évasion fiscale représente en France un manque à gagner évalué entre 60 et 80 milliards d’euros par an, soit l’équivalent de l’impôt sur le revenu, et que le quart du chiffre d’affaires international des grandes banques françaises est réalisé dans les paradis fiscaux. Ils voient que la dette publique de la France a maintenant atteint 100 % du PIB, que l’austérité libérale sacrifie des populations entières sur l’autel de la rigueur monétaire, que le chômage dans la zone euro est passé de 7,3 % avant la crise à 11 % en 2012 (huit millions de chômeurs de plus), qu’il n’y aura bientôt plus que des embauches par contrats à durée déterminée, et que la « flexibilité » porte atteinte aux exigences minimales de sécurité économique et sociale des personnes. Qu’ils se fassent de moins en moins d’illusions sur un système qui socialise les pertes et privatise les profits, n’est pas vraiment étonnant.

    Cela n’empêche pas que le programme de « patriotisme économique » du FN soit régulièrement dénoncé comme « irréaliste », sinon comme « gauchiste ». Jean-Marie Le Pen – qui, il est vrai, ne paraît pas spécialement décidé à prendre sa retraite ! – a lui-même déclaré dans son fameux entretien dans Rivarol qu’« il est ridicule de demander la retraite à 60 ans »…

    Jean-Marie Le Pen, qui se présentait naguère comme le « Reagan français », a apparemment mal lu le programme de son parti. Sauf erreur de ma part, le FN ne défend pas la « la retraite à 60 ans », mais la possibilité de bénéficier à cet âge d’une retraite à taux plein lorsque l’on a acquitté 40 annuités de cotisation, ce qui n’est pas la même chose (car une minorité seulement de salariés de 60 ans satisfait à cette condition).

    Pour ma part, si j’avais quelques chose à reprocher au programme économique du FN, ce serait plutôt d’en rester trop souvent à un keynésianisme qui, pas plus que le libéralisme, ne permet de sortir des catégories de l’économie néoclassique. Il reste à ses concepteurs à comprendre la nature exacte de la Forme-Capital, le fétichisme de la marchandise et la fuite en avant dans l’illimité de la suraccumulation, la marchandise comme objectivation phénoménale de la valeur et comme élément désormais structurant des rapports sociaux, le potentiel d’autocontradiction interne (entre la valeur d’usage et la valeur d’échange, le travail abstrait et le travail concret, le travail privé et le travail social) que contient le développement capitaliste en général, et bien d’autres choses encore.

    Entre ceux qui veulent tout redistribuer – même donner à ceux qui n’en foutent pas une rame – et les autres qui ne veulent rien partager, n’y aurait-il pas de possibilité de tracer une voie médiane ?

    L’alternative n’est pas de l’ordre du plus ou du moins. Elle est bien plutôt entre ceux qui croient possible de réformer le système capitaliste et ceux qui ne le croient pas. Or, le fait essentiel est que le processus de valorisation du capital n’a rien d’une loi naturelle. C’est au contraire parce qu’il y a une limite interne à la valorisation réelle que l’on est entré depuis une vingtaine d’années dans une économie de bulles financières. Avec la troisième révolution industrielle, succédant à une phase fordiste et keynésienne caractérisée par une montée de la survaleur relative qui permettait un certain niveau de protection sociale, les gains de productivité tendent à rendre inutile une quantité toujours plus grande de travail vivant, ce qui sape les bases du taux moyen de profit de l’économie libérale. La contradiction entre le système créditaire et la production réelle de survaleur fait que le système capitaliste est aujourd’hui menacé d’une dévalorisation généralisée de la valeur, qu’il s’agisse de la force de travail, du capital productif, du capital-marchandise, du capital-crédit ou de l’argent lui-même. Les États y contribuent eux aussi quand ils font fonctionner la planche à billets, annonçant ainsi une nouvelle bulle financière qui sera dévastatrice.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 24 mai 2015)

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