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  • Les Corbeaux font de la résistance...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'Observatoire du journalisme et de l'information médiatique consacré à la couverture de la campagne de la candidate du Front National par les médias classiques...

     

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    Les Corbeaux font de la résistance : les médias face au FN en campagne

    Durant l’ère artisanale du totalitarisme, on mettait en prison les opposants politiques. À notre époque autrement plus sophistiquée, on se contente de les mettre en quarantaine symbolique, au nom, bien sûr, de la vertu, afin qu’ils se retrouvent dans l’impossibilité de défendre des opinions divergentes. Fillon sort des urnes à la place de Juppé, plus proche de la « Manif pour tous » que de Pierre Bergé ? Qu’à cela ne tienne ! Une ribambelle de casseroles assez communes au monde politique est soudain désignée dans son dos et Macron surgit, tous les spots braqués sur lui. Marine Le Pen menace pour la première fois l’indiscutable hégémonie en place depuis une trentaine d’années ? La reductio ad hitlerum, bien qu’usée jusqu’à la corde, va être employée à plein régime de manière à détruire moralement l’adversaire, non pour fraude mais pour pensées démoniaques, et qu’importent que celles-ci ne soient jamais formulées dans les propositions de la candidate, qu’elles n’entrent nullement en compte dans le débat rationnel, qu’aucun de ses représentants ne s’en prévalent : on ira chercher l’inconscient fasciste du parti « jusque dans les chiottes », pour paraphraser Vladimir Poutine, par tous les moyens, et même si c’est un vague militant tout juste encarté ivre sur le zinc, un samedi soir, poussé à la confidence : ça prouvera que le scénario pré-monté n’est pas totalement faux, serait-ce à l’encontre de toute déontologie journalistique et même du moindre rudiment de la démarche critique.

    Culture de haine

    Imaginons un journaliste sincère qui s’inquiéterait honnêtement des recrudescences possibles du racisme en France, en 2017, notamment chez les jeunes. Sans même se déplacer de son salon, en cherchant seulement à écouter la musique rap en vogue dans les « quartiers » et au-delà, chez les adolescents et post-adolescents, afin de s’intéresser aux valeurs véhiculées parmi ces adultes de demain encore très influençables, il entendrait ceci, rédigé par le charmant Salif : « Faut que Paris crame (…), on redémarre la guillotine pire qu’à Djibouti, Poitiers brûle et cette fois-ci, pas de Charles Martel, on vous élimine puisque c’est trop tard… » C’est-à-dire un appel au génocide tout à fait décomplexé. « Vingt-quatre heures par jour et sept jours par semaine, j’ai envie de dégainer sur des faces de Noirs. » Ah, non, des « faces de craies », c’est-à-dire blanches : voici un poème de Ministère Amer. « Flippe pour ta femme, tes enfants, pour ta race ! On s’est installés ici, c’est vous qu’on va mettre dehors ! » s’exclame Smala, de son côté. « Les Arabes et les Noirs vont tout niquer ! » renchérit Expression Direkt. « Eh, Négro !, interpellent les rappeurs de Lunatic, dont la future vedette Booba, c’est l’heure de manger, brûler leur sperme en échantillons, souder leurs chattes (…) Quand je vois la France les jambes écartées, je l’encule sans huile. » Bref, ce journaliste découvrirait effaré non pas des reliquats de racisme d’un autre âge, mais bien une émulation toute neuve dans l’incitation à l’extermination ethnique…

    On aurait pu parler, bien que l’argument soit tout à fait spécieux, d’outrances juvéniles sans conséquence, mais depuis janvier 2015, 238 cadavres signent de leur sang les ambitions de cette terreur anti-française sur le territoire national.

    Valeurs divergentes

    Ces appels à la haine du Blanc, ainsi que du Juif, appartiennent tellement à un bain culturel commun dans les banlieues à forte immigration maghrébine et africaine, que la plupart de ceux qui en sont issus, même intégrés, valorisés, voire vénérés en haut lieu, continuent de pratiquer, presque « ingénument », serait-on tenté de dire, cette invraisemblable virulence raciste – bruit de fond de leur milieu d’origine socio-culturel. L’affaire Mehdi Meklat, comme les tweets d’Oulama Amamra, récompensée lors de la dernière cérémonie des Césars (et dont le ressentiment social contre le peuple autochtone pourrait paraître tout de même un rien déplacé) en ont été les derniers retentissants indices. Les indices, donc, de l’extraordinaire banalité de cette haine, dans nos banlieues, lisible en deux clics sur Internet, auraient sans doute fortement impressionné notre journaliste honnête.

    Au-delà des expressions verbales de ce racisme, les violences diverses qu’il entraîne peuvent elles aussi être découvertes en une seule requête sur YouTube. Pourquoi ? Parce que non seulement ce racisme est encouragé par la sous-culture musicale des quartiers immigrés que les médias s’obstinent à qualifier de « populaires » comme si « peuple » correspondait à une couleur de peau, non seulement il est formulé sans complexe, mais encore, il est publicisé par ceux-là mêmes qui le pratiquent ! Quand un acte raciste anti-noir est repéré, cela donne lieu automatiquement à des manifestations, comme lorsque cette militante FN, Anne-Sophie Leclère avait caricaturé Christiane Taubira alors garde des Sceaux, il y a quatre ans, avant d’écoper de neuf mois de prison ferme. Un simple tweet raciste, par la suite, rédigé par un soutien de Madame Leclère, avait été sanctionné de deux mois fermes pour son auteur. Voilà donc pour les tweets anti-Noirs. En revanche, les humiliations publiques, les gifles, les lynchages, qu’entraîne nécessairement la haine anti-Blanc, non seulement ne sont pas des faits sanctionnés, mais ils sont filmés et diffusés par ceux qui les commettent en toute impunité, cela révélant bien à quel point, loin d’être prohibés et conçus comme honteux, ces actes sont, au contraire, valorisés et des motifs de fierté au sein de quartiers immigrés mono-culturels, en grande partie islamisés, et communiant dans le racisme anti-Blanc et l’antisémitisme.

    Zones de non-France

    Si notre journaliste honnête enquêtait sur le racisme, voilà donc la réalité effarante qu’il découvrirait sans même sortir de chez lui ni avoir à se livrer à d’épuisantes recherches. Mais s’il faisait le simple effort de sortir pour enquêter sur le terrain, en vingt minutes de RER, à condition, bien sûr, qu’il ne soit pas trop blanc, trop « fragile », trop inconscient, trop effronté, au point de se faire agresser durant le trajet, il pourra se faire molester devant la mosquée comme Bernard de la Villardière, ou constater la ségrégation misogyne « comme au bled », qui s’exerce dans les bars de Sevran. Bref subir instantanément et physiquement les expressions du racisme commun qui sévissent dans ces banlieues qui sont moins des zones de non-droit que des zones de non-France, où un autre droit que le droit français règne, lequel n’a pas les mêmes visées humanistes universelles que le droit national. Notre journaliste veut du bon racisme dégoulinant de haine ? Il veut du scandale à bon compte ? Du harcèlement de rue ? Du buzz, du clash, du retour de l’antisémitisme aussi furieux que lors des années 30 en Allemagne ? Rien de plus facile. Il suffit de traverser le périphérique.

    Recherche raciste, jeune, blanc, militant FN

    L’ennui, c’est que notre hypothétique journaliste sincèrement préoccupé de la recrudescence de la haine raciale dans notre pays n’existe pas. Du moins dans les médias dominants. Au sein de ces derniers, on trouve surtout inquiétante la possibilité de perdre ses prérogatives en raison d’un raz-de-marée électoral populiste en Europe, dont la déferlante s’abattrait précisément à revers de tout ce qu’une élite prône depuis trente ans et qui a donné lieu à la situation décrite plus haut. Du coup, l’obsession n’est pas le racisme, mais d’empêcher une telle vague. Pour cela, il faut re-diaboliser ceux qui la manifestent. On va donc chercher du racisme, certes, mais pas n’importe où. Pas là où il déborde, où il jubile, où il s’auto-promeut et où il frappe, non, mais parmi cette jeunesse de 2017 qui a fait du Front National son premier parti, comme une réplique ironique à Bérurier Noir qui chantait, en 85 : « La jeunesse emmerde le Front National ! », bien incapable de s’imaginer alors que la jeunesse de 2015, née peu après que soit proféré un tel slogan, emmerderait surtout Bérurier Noir et choisirait le bleu Marine. Et c’est donc parmi ces jeunes Blancs insultés, harcelés, menacés, humiliés, agressés, sur leur propre terre, parce que blancs, en raison des expérimentations multiculturalistes de leurs parents, que notre journaliste va chercher du racisme. Et que découvre-t-il alors, ce journaliste ? Qu’en dépit de la somme de ressentiment bien légitime emmagasinée par ces jeunes, il est nécessaire de les infiltrer trois mois pour parvenir à récolter de-ci de-là quelques vagues assertions qu’on puisse rapidement qualifier de « racistes ». Et c’est donc forcés d’employer les méthodes les plus basses que puisse envisager leur profession que ces journalistes vont réaliser des reportages vides et fastidieux, n’ayant d’autre objectif que de démontrer péniblement le préjugé initial, le préjugé nécessaire, n’ayant d’autre vocation que de désigner à la vindicte publique des gens dupés et filmés à leur insu, et côtoyés des semaines entières grâce à l’endurance et l’abnégation que peut fournir, quand elle est suffisamment intense, la passion de la délation.

    C8 : double attaque

    Voilà à quoi se sont donc employés les journalistes de C8, afin que la chaîne puisse, le 15 mars dernier, consacrer une soirée entière à brouiller le débat démocratique en prétendant délégitimer en amont tout un mouvement après en avoir traqué les « dérapages » en coulisses. Un « documentaire édifiant », une « accablante immersion en caméra cachée », annoncera le jour-même L’Obs, à rebours de toute évidence, les médias dominants se trouvant de plus en plus clairement ligués ensemble pour marteler, non des informations, mais des prophéties auto-réalisatrices, c’est-à-dire une propagande oblique, convaincus qu’à force de répéter l’adjectif « choquant » ou « nauséabond », on finira par rendre objectivement choquants des propos tout au plus triviaux ou sommaires, la plupart du temps. L’attaque anti-FN de la chaîne se décline en deux reportages combinant deux objectifs parallèles : dans le premier, délégitimer par le bas, en dénonçant les comportements ou propos des militants de base. Le second reportage cherche à délégitimer par le haut, en dénonçant les collaborateurs de Marine Le Pen, essentiellement en fonction de leur passé politique.

    Contaminations

    Sur ce premier reportage, son ridicule, sa vacuité, Ingrid Riocreux, analyste des médias qui commit l’an dernier un ouvrage remarqué (La Langue des médias, l’Artilleur), a déjà dit l’essentiel sur son blog : « Pour découvrir quelque chose dans le reportage de C8, il faut vraiment vivre dans un autre monde, celui des journalistes par exemple. » L’essayiste remarque le piège posé par une télévision allemande avec l’arrivée inopinée d’un nouveau militant très caricatural :

    « Il arrive quelques heures avant les caméras des Japonais et des Allemands ! Quelques heures ! Mais évidemment, les téléspectateurs allemands ne sont pas censés savoir qu’il est arrivé quelques heures avant. Comme le dira la voix off : « la séquence est censée n’être diffusée qu’à l’étranger ». La « séquence » en question ne contenait pas l’arrivée du facho puisque les caméras étrangères n’étaient pas encore là. Les journalistes allemands ne pouvaient pas se douter qu’un autre journaliste était déjà dans la place, lequel allait, sans intention maligne, révéler la supercherie. Les Japonais acceptent de retirer la séquence, pas les Allemands, la dame expliquant même que « c’est ça qui nous intéresse ». Ben tiens ! » Par ailleurs, Ingrid Riocreux fait très justement remarquer cet indice de la bêtise insigne du journaliste dénonçant la méfiance des gens du Front National vis-à-vis des médias, comme si elle était dépourvue de fondements, alors même qu’il est parmi eux en infiltré, occuper à les filmer secrètement afin de détruire leur réputation ! Comme il ne trouve manifestement pas de fortes doses de racisme et de fascisme durant ces trois mois passés pourtant dans les entrailles de la bête, notre ingénu va utiliser la rhétorique de la contamination. Si ce n’est pas eux, ce sont leurs frères ! Les jeunes du FNJ ne sont pas franchement racistes, certes, mais ils fréquentent les jeunes Identitaires, dans les soirées « sulfureuses » desquels, on peut entendre des discours qui… font l’éloge de l’identité française. Et donc ?

    Contaminations / 2

    Dans le second reportage, on assiste à cette situation pour le moins étrange : les journalistes interviewent complaisamment des anciens du FN en général évincés par Marine Le Pen en raison de la stratégie de dédiabolisation, donc des « vrais fachos », selon, du moins, la terminologie des enquêteurs, plus ou moins « virés », qui sont censés alors que leur situation démontre éloquemment l’inverse, prouver le fascisme du FN. On dénonce le passé de militants d’extrême-droite de certains collaborateurs de Marine Le Pen, ce dont à peu près tout le monde est au courant, et qui n’éclaire pas davantage que par des suspicions martelées le fascisme actuel du parti dont le programme se montre pourtant strictement républicain. En outre, la plupart des politiques ont milité dans leur jeunesse au sein de formations radicales, ce qui est sans doute une fatalité de l’âge. François Mitterrand fut, jeune, militant d’extrême-droite, Lionel Jospin a un passé trotskiste, Patrick Devedjian, Gérard Longuet ou Alain Madelin, ont tous milité à Occident. Encore une fois, au lieu de se confronter à des arguments rationnels, on préfère faire feu de tout bois pour jeter la suspicion sur le parti de Marine Le Pen, par insinuations, rapprochements, contaminations. Les médias ne cherchent ni l’information, ni le débat, mais à pourrir une réputation.

    Artistocrates et radicaux de gauche

    Après une soirée entière consacrée à la cible par C8, c’est, le lendemain, France 2 qui en remet une couche dans « Envoyé Spécial », un dossier mené avec l’aide de Médiapart et de Marianne, le « parti des médias » s’affichant ouvertement au moment de mener son offensive lourde contre le parti qui menace leur hégémonie, et toujours selon les mêmes procédés, cherchant essentiellement la délégitimation morale de l’ennemi. Le 18, enfin, Florian Philippot était l’invité d’ « On n’est pas couchés », encore sur France 2, devant affronter seul l’hostilité affichée de tous les invités sur le plateau. Daoud Boughezala, dans Causeur, livre une excellente analyse de la séquence en montrant tout le piquant paradoxe. D’un côté, les « stars » redoublent d’anti-fascisme d’apparat, à l’heure où, comme l’affirme le sociologue Christophe Guilluy, « la diabolisation du FN est un révélateur de classe sociale », au point, même, que la comtesse Célarié refuse de serrer la main souillée du représentant des manants. Mais d’un autre côté, Philippot délivre une heure de marxisme culturel ! Un observateur un rien au fait de l’histoire des idées, ne peut que constater que le numéro 2 du FN, tient un discours radical, oui, mais radical de gauche ! Républicaniste, jacobin, laïcard, allant jusqu’à nier toute possibilité d’en appeler à un substrat ethno-culturel minimum du peuple français, comme le faisait de Gaulle ! Entre la revendication de ce substrat et l’appel au génocide, il y a tout de même une marge de manœuvre intellectuelle et morale qu’on pourrait voir exploiter par des politiciens patriotes sans blêmir ! Le souci de la dédiabolisation semblait, ce soir-là, s’être confondu avec une « dé-droitisation », et des artistocrates vomissaient leur haine des pauvres maquillée en un fallacieux et valorisant antifascisme sur un jacobin anti-raciste. Ainsi, totalement absurde du point de vue de la confrontation des idées, cette campagne présidentielle n’en est pas moins extraordinairement révélatrice des rapports de force, des rôles, des monopoles, des tyrannies, qui s’exercent aujourd’hui en France.

    Observatoire du journalisme et de l'information médiatique (OJIM, 27 mars 2017)

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  • Les snipers de la semaine... (141)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Polémia, Benjamin Dormann prend dans son viseur Macron et les réseaux auxquels il est lié...

    Macron : Plus que le choix des médias, le choix des réseaux de pouvoir

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    - sur La voix de nos maîtres, Ingrid Riocreux dézingue les journalistes auteurs du reportage à charge, diffusé sur C8, La face cachée du FN....

    C8 en infiltration au FNJ

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  • Feu sur la désinformation... (129)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés, consacrée au décryptage des médias et dirigée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, avec le concours d'Hervé.

    Au sommaire :

    • 1 : Conditionnement anti-FN dans les médias
      Mensonge et diabolisation : le Front National fait les frais d’une campagne de dénigrement. En 2017, les médias s’appliquent à conditionner les électeurs, pour l’information objective on repassera !
    • 2 : Le zapping d’I-média
      Le journaliste Franz-Olivier Giesbert qualifie le quotidien « Le Monde » de journal incompréhensible. Il est tiraillé entre la ligne Macron, définie par les propriétaires (Xavier Niel, Pierre Berger) et une rédaction qui roule pour Benoît Hamon.

      France info s’essaie à l’information et diffuse une séquence d’astrologie sur le candidat des Républicains François Fillon.

    • 3 : Caricature de Macron, circulez y’a pas de banquier
      Caricature de Macron en banquier ; la sanction médiatique est unanime. Le dessin est antisémite et fait référence aux « heures les plus sombres de notre histoire ». Mieux, dans le
      Huffington Post, Fabrice d’Almeida ira jusqu’à affirmer que cette caricature vient sûrement des plus zélés du camp Fillon c'est-à-dire de la Manif Pour Tous. C’est le point Godwin de la semaine.
    • 4 : Les tweets de la semaine
      Sondage sur le site du Figaro ; quand les internautes répondent « oui » à la question : Etes-vous favorable à la sortie de l’euro, le Figaro modifie sa question en « Craignez-vous les conséquences d’une sortie de l’euro », et tant pis pour ceux qui se sont exprimés.
      Novlangue dans le Nouvel Obs à propos des soutiens sulfureux de François Fillon. Charlotte d’Ornellas propose une autre définition du mot « sulfureux » : « de droite, régulièrement en désaccord avec la rédaction du Nouvel Obs ».
    • 5 : Sevran : décryptage de la contre-enquête du Bondy Blog
      Femmes interdites dans un bar PMU à Sevran, le Bondy Blog publie une contre-enquête. Pour le journal des banlieues, il n’y pas de ségrégation. En fait, la contre-enquête est biaisée et incomplète.

     

                                      

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  • Malika Sorel-Sutter: “Macron est le digne héritier de Terra Nova”

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien de Malika Sorel avec Jean-Paul Brighelli, cueilli sur Bonnet d'âne, le blog de ce dernier. Ils évoquent ensemble les positions d'Emmanuel Macron concernant l'identité française...

     

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    Emmanuel Macron et la « décomposition française »

    J’étais en train de lire Décomposition française, le beau livre de Malika Sorel paru le 12 novembre 2015 — la veille des attentats du Bataclan —, qui vient opportunément de paraître en Poche, quand Emmanuel Macron a fait en Algérie les déclarations que nous savons sur la colonisation (« crime contre l’humanité », etc.) et a, quelques jours plus tard, aggravé son cas en reprenant, en meeting à Toulon, la déclaration quelque peu ambiguë de De Gaulle aux Pieds-Noirs en 1958, le célèbre « Je vous ai compris ».
    Je dis « ambiguë » parce que sur le coup, la foule massée à Alger n’a pas bien compris ce que MonGénéral (comme l’écrivait à l’époque le Canard enchaîné) était en train de lui faire — collectivement. Mais ils ont pigé assez vite.

    J’ai donc eu l’idée de demander son avis à Malika Sorel, ancien membre de ce Haut Conseil à l’intégration dissous sur décision du gouvernement Ayrault (on sait que le PS ne joue pas l’intégration, mais la dispersion façon puzzle de l’identité française en communautés susceptibles de voter pour lui).
    Je reviendrai sur Décomposition française (beau titre !) en évoquant le livre qui vient de sortir d’Amine El Khatmi (Non, je ne me tairai plus, chez Lattès). En attendant, merci à Malika Sorel d’avoir bien voulu répondre aux questions de Bonnet d’âne

    Jean-Paul Brighelli

    JPB.  De passage à Alger, Emmanuel Macron fait les yeux doux à la télévision algérienne et décrète que le colonialisme est globalement « un crime contre l’humanité ». Que vous inspire cette déclaration péremptoire et unilatérale ?

    Sa déclaration constitue une accusation lourde contre plusieurs générations de militaires français. Une accusation qui ravive par ailleurs des plaies encore douloureuses et qui dresse, de fait, les populations les unes contre les autres. Cela ne contribue pas à la pacification des esprits mais entretient la bataille des mémoires et la pente victimaire. L’effet peut être désastreux sur des enfants ou adolescents issus de l’immigration algérienne qui éprouveraient un malaise ou un inconfort sur le plan de leur identité personnelle. La comparaison de la démographie algérienne de 1962 à celle de 1830 met en lumière un fort développement qui invalide le jugement d’Emmanuel Macron. Ce qui est navrant, c’est aussi l’absence de sagesse. Pourquoi ouvrir un tel sujet alors que nous sommes en état d’urgence ? La France se trouve justement ciblée en raison même d’une haine tenace qui puise sa source dans tout ce qu’elle est ou a été.

    JPB.  Quel bénéfice électoral Macron espère-t-il d’une telle prise de position ?

    Il convient de rappeler qu’il n’est pas le premier candidat à aller faire la danse du ventre à Alger dans l’espoir de séduire, en France, une portion de l’électorat issue de l’Algérie et plus largement des anciennes colonies. Les politiques parient sur le fait qu’une part conséquente de l’immigration ne s’est pas assimilée et continue de vibrer au diapason de sa terre d’origine. Et pour cause ! Ils ont eux-mêmes créé les conditions d’une quasi impossibilité d’intégration culturelle : flux migratoires si importants qu’ils ont aidé à la duplication des cultures d’origine sur la terre d’accueil ; évolution des programmes scolaires et des horaires alloués à la langue française dans le sens d’une dégradation constante de la transmission du patrimoine culturel français… Alain Viala, qui avait présidé en 2000 la commission chargée de réformer les programmes d’enseignement du français, l’avait reconnu dans un entretien avec Marcel Gauchet, consigné dans la revue Le Débat. Il s’agissait alors d’adapter les programmes à « l’arrivée des nouveaux publics, autrement dit d’adolescents venant de milieux ne leur permettant pas d’avoir une maîtrise suffisante (de la langue française)» selon ses propres termes. Le misérabilisme d’une partie de nos élites, la propension à penser que les enfants de l’immigration extra-européenne ne seraient pas capables de s’élever comme les autres enfants sont terriblement injustes et blessants. Au fil des accommodements, il est devenu presque impossible aux enfants issus de l’immigration de s’assimiler. De ce fait, nombre d’élus ou de ceux qui aspirent à l’être se croient contraints, en raison de l’évolution de la composition du corps électoral, d’adapter par anticipation leur comportement. Ils pratiquent un clientélisme ouvert ou larvé, pensant ne pas disposer d’autre choix. Ce faisant, ils se lient les mains.

    JPB.  En meeting à Toulon quelques jours plus tard, réalisant la bronca que suscitent ses propos parmi les Pieds-Noirs et leurs descendants (mais pas seulement), Macron lance : « Je vous ai compris ». Cynisme ou gaffe — les ex-rapatriés se souvenant dans leur chair du discours de De Gaulle utilisant cette formule au moment même où il entamait des négociations secrètes avec le FLN ?

    Contrairement à un certain nombre de ses collègues dans le monde politique, Emmanuel Macron ne peut bénéficier de l’excuse de l’ignorance. Cet homme semble disposer d’une solide culture. Il connaît l’histoire, la littérature et le poids des mots. En utilisant cette phrase devenue célèbre du général de Gaulle pour s’excuser auprès de ceux qu’il a pu blesser, il a aggravé son propre cas. Est-ce du cynisme ? De la perversité ? J’ai tendance à penser que c’est surtout un homme pressé qui s’est pris les pieds dans le tapis de son opportunisme. Capable de faire feu de tout bois pour satisfaire son ambition d’accéder à la fonction suprême. Examinez attentivement ce passage de son meeting : « Je le dis aujourd’hui, à chacun et chacune dans vos conditions, dans vos histoires, dans vos traumatismes, parce que je veux être président, je vous ai compris et je vous aime. »

    JPB.  Le discours anti-colonialiste de Macron est-il à rapprocher des suggestions déjà anciennes de Terra Nova conseillant à la gauche de chercher un nouveau socle électoral chez les immigrés et leurs descendants ? À ce titre, le candidat d’En marche pourrait-il être le fils commun de Terra Nova et de l’Institut Montaigne, de Hollande et de Juppé, de la carpe et du lapin ? Mais est-ce vraiment la carpe et le lapin ?

    Je ne sais pas quels sont au juste ses « géniteurs ». Vous auriez pu tout aussi bien joindre à votre liste Jacques Attali, le conseiller de François Mitterrand qui recommandait en 2008 au Président Nicolas Sarkozy de relancer l’immigration (Rapport pour la libération de la croissance française). Votre rappel des recommandations de Terra Nova est tout à fait pertinent. Nous sommes en effet dans la continuité de ce rapport, qui a ensuite donné vie à la fameuse refondation des politiques d’intégration en 2013. Cette volonté de refondation s’était alors traduite en un premier temps par un rapport sur la France inclusive, puis par cinq rapports truffés d’un grand nombre d’assertions et de recommandations toutes plus sidérantes les unes que les autres. Souvenons-nous : il y était question de « faire France en reconnaissant la richesse des identités multiples », de « nous inclusif et solidaire », d’un « vivre-ensemble égalitaire », de « faire de l’en-commun ». Le prix à payer par notre société y était annoncé sans ambages : « apprentissage d’un savoir-faire avec l’hétérogénéité et dans la conflictualité », car « la rencontre interculturelle doit être conçue comme un échange entre personnes, ou groupes de personnes, de différentes cultures permettant l’émergence d’un espace de négociation », nous prévenait-on. Rendez-vous compte : la conflictualité érigée en promesse de progrès. Du cynisme à l’état pur ! Lorsqu’Emmanuel Macron assène dans l’un de ses meetings « il n’y a pas de culture française. Il y a une culture en France. Elle est diverse », il s’érige en digne héritier et défenseur de cette idéologie. Dans le livre des journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, François Hollande le dit : « Emmanuel Macron, c’est moi ». CQFD.

    JPB.  De façon plus générale, le discours culpabilisateur, qui a déjà de belles années derrière lui, n’est-il pas en train de s’essouffler — ou pire, de susciter une réaction inverse ? Une partie du vote FN ne s’explique-t-elle pas ainsi ?

    Malgré les apparences, ce discours a triomphé. Il a imprégné bien des esprits, à telle enseigne qu’un grand nombre d’accommodements déraisonnables de nos principes républicains ne suscitent aucune indignation dans l’opinion publique. Voyez à quel point l’idéologie de culpabilisation-repentance a inspiré l’action du politique ! Prenons simplement ici un domaine que vous connaissez parfaitement, celui de l’éducation-instruction. Nombre des réformes qui ont été déployées depuis 1981 en procèdent. Lorsqu’en 2004 Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, institue la Charte de la diversité qui s’appuie sur le rapport Les oubliés de l’égalité des chances rédigé sous l’égide de l’Institut Montaigne, il persiste dans la voie qui a été ouverte par la gauche : le renoncement au respect du principe républicain d’Égalité, au profit de la discrimination positive introduite par la circulaire du 1er juillet 1981 qui porte création des Zones d’Éducation Prioritaires. L’évolution du contenu des manuels scolaires, la réforme des programmes de français évoquée ci-dessus avec Alain Viala dont on mesure à présent les conséquences dramatiques au travers du classement PISA, les pédagogies mises en œuvre, la manière dont sont parfois notées les copies… Dans un autre domaine, la loi dite SRU procède de la même veine. Quant au vote FN, il faut le lire à l’aune des enquêtes qui se suivent et se ressemblent et qui illustrent le divorce des Français avec leur classe politique. Dès 1997, l’historien Jacques Julliard relevait que « nulle part le divorce entre le peuple et les élites n’apparaît de façon aussi éclatante qu’à propos de l’immigration ». Tout se passe, disait-il, « comme si les classes populaires s’exaspéraient de la sollicitude de la gauche intellectuelle, et même de la classe politique tout entière, envers les immigrés et à leur détriment ». Méditez bien ce « à leur détriment ». Aujourd’hui, Jacques Julliard pourrait ajouter « les classes moyennes ». La clé de décryptage du vote FN est là et nulle part ailleurs. Tous les partis, sans exception, doivent entendre le cri de détresse du peuple français qui a droit au respect de ses fondamentaux culturels et de son identité, comme c’est le cas pour tout peuple sur un territoire qui est sa propriété.

    Malika Sorel, propos recueillis par Jean-Paul Brighelli (Bonnet d'âne, 6 mars 2017)

    PS. 7 mars 2017, Georges Bensoussan vient d’être relaxé de tous les chefs d’accusation de racisme et d’anti-islamisme. Le Parquet et le CCIF sont déboutés et dépités. Champagne !

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  • Guilluy : "Le FN est le parti de la fin de la classe moyenne"...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Christophe Guilluy à l'Express et consacré à la disparition de la classe moyenne et à l'émergence des nouvelles classes populaires de la France périphérique. Géographe, Christophe Guilluy est l'auteur de plusieurs essais marquants comme Fractures françaises (Bourin, 2010), La France périphérique (Flammarion, 2014) ou, dernièrement, Le crépuscule de la France d'en haut (Flammarion, 2016).

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    "Le FN est le parti de la fin de la classe moyenne"

    Dans La France périphérique (1), vous prononciez la mort clinique du concept de "classe moyenne" et plaidiez pour que l'on s'affranchisse sans délai de cette classification... Pourquoi? 

    Je vous le confirme: nous vivons le temps de la disparition de la classe moyenne. En France, mais aussi en Europe et aux Etats-Unis. C'est là le grand événement politique, sociologique, culturel des dernières décennies, et nous faisons comme si cette classe moyenne existait toujours. Je vois bien l'intérêt: continuer d'y ranger artificiellement "deux Français sur trois" - pour reprendre la fameuse estimation de Giscard - permet de prétendre que les politiques menées depuis trente ans n'ont finalement pas trop échoué... Comme si, bon an mal an, elles avaient profité à la majorité, et dysfonctionné seulement "à la marge", en banlieues ou chez les ruraux, par exemple.  

     

    Or la réalité nous dit exactement l'inverse: quand on regarde les niveaux de vie, les taux de chômage, les taux de précarisation et la nouvelle géographie sociale - qui maintient les plus modestes les plus éloignés des zones qui créent l'emploi -, on constate une distorsion de plus en plus importante de ce que j'appelle les nouvelles catégories populaires. 

    Le concept de classe moyenne brouille les cartes: professions intellectuelles à Paris, nous appartiendrions à la classe moyenne, et l'ouvrier d'Hénin-Beaumont aussi? Soyons sérieux! D'ailleurs, ce concept marche tellement mal que vous avez désormais des sociologues qui parlent de classes moyennes inférieures, et même de classes moyennes "inférieures-inférieures"... 

    Quelles sont ces nouvelles catégories populaires dont vous parlez? 

    D'abord les ouvriers, et les employés - qui constituent toujours, rappelons-le, une majorité de la population active. Si l'on y ajoute les petits indépendants, les paysans, mais aussi une partie des jeunes et des retraités issus de ces catégories, on arrive à la majorité de la population française. C'est en travaillant sur la répartition de ces catégories dans l'espace que je suis arrivé au constat de l'existence d'une France périphérique.  

    Pour la première fois dans l'histoire, la majorité de ces catégories ne vit pas là où se crée la richesse, mais à l'écart des métropoles, dans des petites et moyennes villes et des espaces ruraux: contrairement à feu la classe moyenne, elles ne font plus partie de l'histoire économique et presque plus de l'histoire culturelle du pays. Elles sont invisibles. Si vous êtes parisien, vous allez croiser des gens qui vivent à Berlin, à Buenos Aires ou à Milan, mais un habitant de la Creuse, jamais!  

    Oui, c'est ça: il y a moins de distance entre un Parisien et un New-Yorkais qu'entre un Parisien et un Creusois. Tous les grands débats autour de "comment parler aux électeurs du FN" sont hors sol à partir du moment où l'on ne prend pas en compte l'essentiel, c'est-à-dire le système économique mondialisé. Un système qui, en divisant le travail à l'échelle internationale, a induit une sortie de la classe moyenne de presque tous ceux qui la constituaient auparavant. 

    Est-ce la clef essentielle, selon vous, de la compréhension du vote Front national? 

    Oui, le FN est le parti de la fin de la classe moyenne. Comme Donald Trump l'est aux Etats-Unis. Méfions-nous: ceux que l'on nomme "populistes" aujourd'hui sont souvent les responsables politiques qui ont intégré ce fait: une majorité des petites classes salariées est en train de sortir de l'histoire économique des pays développés. Il y a d'abord eu les ouvriers - c'est mathématique: à partir du moment où l'on avait fait le pari de faire travailler l'ouvrier chinois ou indien plutôt que l'ouvrier français, il fallait s'y attendre...  

    Mais l'erreur de diagnostic a été de croire que cela s'arrêterait là! Qu'il y avait un problème très spécifique lié à la désindustrialisation et qu'en aucun cas cela ne toucherait les salariés du tertiaire. Or, aujourd'hui, on constate que même dans la fonction publique, vous avez des cadres catégories B et C qui votent en masse pour le Front national.

    En quoi ces derniers sont-ils touchés par la mondialisation? 

    Quand on s'intéresse à la France périphérique, il faut prendre en compte le facteur social, mais aussi le facteur culturel. J'ai inventé la notion d'"insécurité culturelle" il y a quelques années, alors que je travaillais avec des bailleurs sociaux à tenter d'expliquer la multiplication des demandes de déménagement émanant de cités sans problèmes de violence particuliers. J'y ai découvert un désarroi, né de la combinaison entre une forte instabilité démographique et la conversion de facto de notre société au modèle multiculturel, c'est-à-dire une société où l'autre ne devient pas soi.  

    Forcément, cela génère une inquiétude: l'autre ne devenant pas soi, on a besoin de savoir "combien va être l'autre". Dans son immeuble, son quartier, son village, etc. Le multiculturalisme à 1000 euros par mois, ça n'est pas la même chose qu'à 10000 euros par mois! Cela me frappe, d'ailleurs, de voir que certains quartiers bastions de la gauche bobo sont aussi ceux qui détiennent le record de "gruge" de la carte scolaire! 

    Cela étant dit, dans les cités, l'"insécurité culturelle" est loin de ne concerner que les "petits Blancs", ainsi que le veut la caricature. Si vous étudiez la géographie de la banlieue, vous constaterez, entre autres, qu'il y a eu un fort exode de Maghrébins en pleine ascension sociale: ils ne se sentaient plus "chez eux" avec l'arrivée de nouvelles populations immigrées. 

    Cela contredit un peu l'image des cités ghettos dont on ne peut jamais s'extraire... 

    Cette image du ghetto empêche de penser. D'abord, elle interdit, en effet, de voir qu'il y a ascension sociale des immigrés. D'ailleurs, le terme de "classe moyenne" a été très ethnicisé. Quand on dit qu'il n'y a plus de classe moyenne en banlieue, on sous-entend qu'il n'y a plus de Blancs. Or il y a des classes moyennes issues de l'immigration maghrébine, par exemple. En région parisienne, c'est très net. Comme quoi la République n'a pas été si nulle: il y a eu une intégration!  

    Ensuite, la notion de ghetto empêche de mesurer la réalité des flux migratoires permanents dans ces zones géographiques: beaucoup de gens arrivent, beaucoup de gens partent. La Seine-Saint-Denis, par exemple, a complètement changé. Il y a eu une migration maghrébine d'abord, mais, aujourd'hui, l'immigration y est davantage subsaharienne, sri lankaise ou pakistanaise. Tout s'est transformé. D'ailleurs, si cela ne bougeait pas, on n'aurait pas des jeunes qui dealent dans le hall de l'immeuble, mais des petits vieux qui tapent le carton! 

    Ces dernières années, on a vu le vote Front national grimper dans des endroits où l'on pensait qu'il ne s'y implanterait jamais. Dans des petites ou moyennes villes bretonnes, par exemple, où il n'y a pas beaucoup d'immigrés... 

    Analyse de Libération: ces gens sont complètement tarés, racistes, ils ont trop allumé leur téléviseur, ils ont trop écouté RTL et Zemmour (avant, c'était Pernaud). Il suffit de les rééduquer: ils rentreront dans le droit chemin! [Il rit.] Au passage: c'est très français de penser que tout vient d'en haut et arrive en bas, genre l'intellectuel qui guide le peuple... Et si l'on arrêtait de prendre les gens pour des imbéciles? Ils font un diagnostic de leur situation, de leur vie dans leurs quartiers, de leurs perspectives...  

    Dans le cas des petites et moyennes communes de Bretagne, les habitants ont vu évoluer la métropole du coin - Rennes, Brest ou Nantes -, et notamment les quartiers de logements sociaux de ces villes-là. Ils constatent l'installation progressive de problématiques qu'on leur disait cantonnées à Paris ou à Lyon. Et le vote FN émerge. Les reportages auxquels on a le droit, sur le thème "dans tel village, on a voté FN, alors qu'il n'y a pas d'immigrés", sont d'une condescendance crasse. 

    Pourquoi un type dans un village breton n'aurait-il pas le droit de penser quelque chose sur l'évolution démographique de Rennes? A ce titre, au reste, la dispersion des migrants dans les petits villages est catastrophique: c'est absurde d'installer des migrants afghans dans la Creuse ou la Lozère, où il n'y a pas de travail. On voudrait faire monter le FN qu'on ne s'y prendrait pas autrement! 

    De quel type de responsable politique pourrait venir ce que vous appelez de vos voeux dans vos travaux? 

    Mon espoir serait que tous y aillent. Mais le problème est qu'il leur faudrait penser contre leur camp. Et notamment contre notre modèle économique qui ne dysfonctionne pas stricto sensu. Vue de Paris, de Toulouse ou de Lyon, la mondialisation marche bien. Regardez la courbe du PIB en France: la production de richesses continue. Mais ce modèle ne fait pas société, il n'intègre pas tout le monde.  

    C'est là le grand changement: notre modèle ne fait plus société. Il est très difficile pour les tenants de ce modèle de concevoir qu'il faille y renoncer. Et pourtant! Tout le discours qui consiste à prôner des aménagements à la marge "en attendant le retour de la croissance" est voué à l'échec. On sait très bien que la croissance revenue se concentrerait dans les grandes métropoles!

    N'y aurait-il pas alors un ruissellement depuis les grandes villes vers la périphérie? 

    "Le ruissellement", c'était le grand truc de la Datar du temps du Minitel, dans les années 1970. Et puis il y a eu le numérique: avec le télétravail, on a prophétisé que les cadres allaient s'installer à la campagne, et qu'il y aurait une réintégration des territoires par le digital. Comme si vivre au fin fond du Cantal, c'était la même chose qu'à New York... Quelle arnaque! Evidemment, ce qui compte, à la fin, c'est de se rencontrer, d'échanger dans la vie réelle...  

    Pourquoi toutes les classes supérieures se concentrent-elles dans les grandes métropoles? Parce que c'est là où notre modèle économique fonctionne. Tant qu'on proposera des rustines du type "revenu universel" qui, au bout du compte, permettent juste au système de se maintenir dans son injustice, eh bien, on n'en sortira pas! Ce qui compte, aujourd'hui, c'est donner du pouvoir aux élus de la France périphérique, les laisser développer des projets, favoriser la gouvernance locale. Force est de constater qu'on en est loin, tant les réformes territoriales n'ont cessé d'affaiblir les collectivités (départements en tête) de cette France populaire. 

    On a fait le procès inverse au revenu universel: à savoir qu'il serait utopique et angélique, mais aussi antisocial... 

    Le revenu universel consiste à admettre que le seul avenir qu'on peut imaginer pour ces catégories-là, c'est de leur "refiler un billet", en espérant qu'elles n'iront pas trop exprimer leur colère dans les urnes. Bref, il revient à faire vivre les territoires par la redistribution, plutôt que par la création d'emplois... Et, bien sûr, c'est la gauche qui fait le sale boulot! C'est à désespérer...  

    Je n'exclus pas cependant qu'une partie importante de "la France d'en haut" soit dans cette logique- là. C'est-à-dire, au finish, dans une logique consciente ou inconsciente d'abandon. En vérité, il faudrait avoir le courage intellectuel de délaisser un peu les indicateurs économiques pour investir dans quelque chose qui ne rapporte pas grand-chose à court terme. Qu'est-ce que la base de la démocratie, finalement ? N'est-ce pas donner du pouvoir à ceux qui n'en ont pas? 

    Pour moi, les discours méprisants d'après Brexit - comme celui d'Alain Minc, qui a quasiment traité les électeurs du Brexit de débiles - constituent un grand danger. En France, il faut se pencher sur les catégories qui ne rapportent pas grand-chose économiquement, que l'on a ostracisées à travers le vote FN, et avec qui, pourtant, il faut d'urgence refaire société. Il y a un monde d'en haut qui se ferme de plus en plus et qui, paradoxalement, tient un discours d'ouverture. Il se referme dans un modèle qui ne bénéficie plus qu'à lui, en tenant des discours culturellement très open sur les bienfaits de la diversité, d'une part, et d'excommunication politique, d'autre part. 

    C'est pourquoi je parle de "crépuscule de la France d'en haut" (2). Cette France d'en haut est condamnée. Elle ne le sait pas encore, car elle va de victoire en victoire. Mais comme son modèle ne fait pas société, il n'est pas durable. Ce qui est durable, c'est une vie où les gens modestes ont leur place et ont des perspectives. 

    Les perspectives, c'est important? 

    Capital. Mais cela ne veut pas dire que l'objectif est forcément de devenir ministre ou trader! Rappelons-le, quand on naît dans un milieu populaire, son destin est de mourir dans un milieu populaire, et je vais vous dire, ça n'est pas grave: on peut faire sa vie modestement, et avoir des amours, des amitiés, faire des rencontres... Mais, pour cela, il faut être intégré économiquement, culturellement, politiquement et... géographiquement.  

    Or le modèle économique et territorial tend à restreindre les champs du possible: aujourd'hui, les logiques foncières interdisent aux enfants des catégories populaires de la France périphérique d'intégrer l'enseignement supérieur à Paris, à Lyon: payer une chambre de bonne à Paris, cela devient très compliqué pour quelqu'un qui vit au coeur de la Picardie.  

    Dans le même temps, le bloc du haut - qui repose en fait sur 30 à 40% de la population, et non seulement ce 1% qui est une escroquerie et qui renvoie quasiment à une théorie du complot - est en train de faire sécession. Demain, nous aurons certainement des partis qui représenteront cette France de la mondialisation et des métropoles... Peut-être Macron est-il ce candidat-là, rassemblant les libéraux de droite et de gauche. Ce qui serait cohérent... D'ailleurs, il peut être estimé pour cela: il n'avance pas masqué et met cartes sur table. 

    On assisterait dès lors à une polarisation du paysage politique: le "ni droite ni gauche d'en bas" représenté par Marine Le Pen, versus le "ni droite ni gauche d'en haut" incarné par Emmanuel Macron... Or numérairement, les premiers sont plus nombreux. Est-ce à dire que le FN pourrait l'emporter? 

    N'oubliez pas que "La France d'en haut" ne se résume pas seulement aux "élites", mais à tous ceux qui bénéficient de la mondialisation ou en sont protégés. Cela représente un très vaste électorat qui, en plus, "survote". Par ailleurs, le FN n'est pas le Parti communiste des années 1950. Oui, c'est une masse très importante d'électeurs; c'est un parti qui existe le soir des élections mais qui n'existe pas vraiment dans la vie réelle. Il ne structure pas la société comme jadis le Parti communiste, avec des militants partout, des journaux, des télés... C'est toute la différence entre Marine Le Pen et Donald Trump: Trump avait le Parti républicain avec lui.  

    Mais la présidentielle est une élection particulière, la seule où les classes populaires votent. Par ailleurs, les thématiques portées par le FN sont désormais culturellement majoritaires (régulation des flux migratoires, contestation de la mondialisation). Pour l'instant, ce qui fait défaut au Front national, ce sont les plus de 60 ans, et singulièrement les retraités issus de ces catégories, "les retraités populaires" (expression que j'ai forgée avec le sociologue Serge Guérin).  

    Ce n'est pas le moindre des paradoxes, mais, dans cette France qui ne jure que par le jeunisme, où l'on voit le vieillissement de la population comme un phénomène porteur de réaction, voire de populisme, les seniors en sont le rempart! 

    Christophe Guilluy, propos recueillis par Alexis Lacroix et Anne Rosencher (L'Express, 21 février 2017)

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  • Feu sur la désinformation... (127)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés, consacrée au décryptage des médias et dirigée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, avec le concours d'Hervé.

    Au sommaire :

    • 1 : Agressions des militants du FN à Nantes et mensonges médiatiques
      Des militants du Front National ont été pris pour cible par des « Antifas » à Nantes, en marge du meeting du 26 février. Les médias minimisent les faits et dédramatisent la situation. Mieux, l’Obs évoquera dans un titre « 11 blessés en marge des manifestations contre Marine Le Pen » sans plus de précisions. Le titre de l’article laisse entendre qu’il s’agit de 11 blessés parmi les manifestants, mais en réalité les 11 blessés sont des gendarmes ou des policiers… La presse évoque des « incidents banals » pour une campagne électorale à croire que, pour le Système, les militants du FN l’ont bien mérité.
    • 2 : Le zapping d’I-média
      Grâce aux réseaux sociaux, Lucie, une jeune joggeuse agressée à Lille par des Roms oblige la mairie à évacuer un camp. Lucie nous montre ici la force des médias alternatifs et des réseaux sociaux face aux médias mainstream.

      Laurent Ruquier et Florence Foresti souhaitent la mort de Donal Trump le même jour (25 février) sur France 2, chaine du service public. Malgré l’indignation du syndicat FO de France télévision, Delphine Ernotte présidente du groupe ne réagit pas. CUSPA, le collectif des usagers du service public a décidé de saisir le CSA.

    • 3 : Césars, Oscars : la « diversité » dans les salles noires
      Dans le cinéma, on laisse la place à la « diversité » et on commente l’actualité, les stars en paillettes donnent des leçons de politique… bienpensante.
    • 4 : Les tweets de la semaine
      Après avoir fait la Une de tous les journaux, Emmanuel Macron délègue à sa femme la lourde tâche de prendre la pose. C‘est donc Brigitte qui fait la Une de L’Express et Gala cette semaine. En revanche toujours aucune enquête journalistique sur les déclarations de patrimoine incohérentes du président du mouvement En Marche ! .
    • 5 : Théo : les médias ont eu tout faux
      Enième rebondissement dans l’affaire Théo, les journalistes se sont emballés sur la parole « d’un gentil garçon » victime des « méchants policiers », c’est ballot, les médias avaient tout faux.

     

                              

     

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