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Points de vue - Page 392

  • Quand 15 000 milliards de dollars partiront en fumée !...

    Nous reproduisons ci-dessous le dernier communiqué du GlobalEurope Anticipation Bulletin, la lettre confidentielle du Laboratoire européen d'anticipation politique...

     

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    Dernière alerte avant le choc de l'Automne 2011 : Quand 15.000 milliards USD d'actifs financiers partiront en fumée
     
    Le 15 Décembre 2010, dans le GEAB N°50, l'équipe de LEAP/E2020 anticipait l'explosion des dettes publiques occidentales pour le second semestre 2011. Nous décrivions alors un processus qui partirait de la crise des dettes publiques européennes (1) pour mettre ensuite le feu au cœur du système financier mondial, à savoir la dette fédérale US (2). Et nous voici, avec ce GEAB N°56, à l'orée du second semestre 2011, avec une économie mondiale en plein désarroi (3), un système monétaire global de plus en plus instable (4) et des places financières qui sont aux abois (5), tout cela malgré les milliers de milliards d'argent public investis pour éviter précisément ce type de situation. L'insolvabilité du système financier mondial, et au premier chef du système financier occidental, revient à nouveau sur le devant de la scène après un peu plus d'une année de politiques cosmétiques visant à noyer ce problème fondamental sous des tombereaux de liquidités.

    Nous avions estimés en 2009 que la planète comptait environ 30.000 milliards USD d'actifs-fantômes. La moitié à peu près s’est envolée en fumée en six mois entre Septembre 2008 et Mars 2009. Pour notre équipe, c'est maintenant au tour de l'autre moitié, les 15.000 milliards d'actifs-fantômes restants, de s'évanouir purement et simplement entre Juillet 2011 et Janvier 2012. Et cette fois-ci, les dettes publiques seront de la partie également, contrairement à 2008/2009 où ce sont essentiellement les acteurs privés qui avaient été touchés. Pour prendre la mesure du choc qui se prépare, il est utile de savoir que même les banques américaines commencent à réduire leur utilisation des Bons du Trésor US pour garantir leurs transactions, par crainte des risques croissants pesant sur la dette publique US (6).

    Pour les acteurs de la planète financière, le choc de l'Automne 2011 va ainsi correspondre au sens littéral au fait de sentir le sol se dérober sous leurs pieds, puisque c'est bien le socle du système financier mondial, le Bon du Trésor US, qui va s'enfoncer brutalement (7).
     


     

    Evolution de la dette fédérale US et projections (2000-2016) (en Milliards USD) - Sources : US Treasury / Berruyer / GEAB, 06/2011
    Evolution de la dette fédérale US et projections (2000-2016) (en Milliards USD) - Sources : US Treasury / Berruyer / GEAB, 06/2011
    Dans ce GEAB N°56, nous abordons les deux aspects les plus dangereux de ce choc de l'Automne 2011, à savoir :
    . le mécanisme de détonateur des dettes publiques européennes
    . le processus d'explosion de la bombe US en matière de dettes publiques.

    Parallèlement, dans ce contexte d'accélération du rééquilibrage des rapports de force planétaire, nous présentons l'anticipation d'un processus géopolitique fondamental concernant la tenue d'un sommet Euro-BRICS d'ici 2014.

    Enfin, nous concentrons nos recommandations sur les moyens d'éviter de faire partie de ces 15.000 milliards d'actifs-fantômes qui vont s'envoler en fumée dans les prochains mois, avec une mention toute particulière pour l’immobilier résidentiel occidental dont l’effondrement des prix que nous anticipons pour 2015 commence en fait dès 2012.

    Dans le communiqué public du GEAB N°56, nous présentons une partie de l'anticipation sur le mécanisme de détonateur des dettes publiques européennes.
     


     

    Composition du bilan de la Banque Centrale Européenne (rouge : titres adossés à des actifs / bleu clair : bons du secteur public / vert : titres bancaires / bleu foncé : titres d'autres entreprises / beige : autres) - Sources : Spiegel / BCE, 05/2011
    Composition du bilan de la Banque Centrale Européenne (rouge : titres adossés à des actifs / bleu clair : bons du secteur public / vert : titres bancaires / bleu foncé : titres d'autres entreprises / beige : autres) - Sources : Spiegel / BCE, 05/2011
     
     

    Le mécanisme de détonateur des dettes publiques européennes

    Les opérateurs financiers anglo-saxons jouent aux apprentis-sorciers depuis maintenant une année et demie et les premiers titres du Financial Times en Décembre 2009 sur la crise grecque devenue rapidement une soi-disant « crise de l'Euro ». Nous ne reviendrons pas sur les péripéties de cette formidable manipulation de l'information (8) orchestrée depuis la City de Londres et Wall Street puisque nous y avons déjà consacré de nombreuses pages dans plusieurs GEAB tout au long de cette période. Contentons-nous de constater que dix-huit mois plus tard, l'Euro se porte bien alors que le Dollar continue sa descente aux enfers par rapport aux grandes devises mondiales ; et que tous ceux qui ont parié sur la dislocation de la zone Euro ont perdu beaucoup d'argent. Comme nous l'avions anticipé la crise favorise l'émergence d'un nouveau souverain, l'Euroland, qui permet aujourd'hui à la zone Euro d'être bien mieux préparée que le Japon, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni (9) au choc de l'Automne 2011 … même si elle est en train de jouer un rôle de détonateur en la matière, bien malgré elle. Le « bombardement » (car il faut bien appeler les choses par leur nom) (10), entrecoupé de pauses de quelques semaines (11), auquel est soumis l'Euroland depuis tout ce temps, a en fait eu trois effets majeurs consécutifs, très éloignés pour deux d'entre eux des résultats escomptés par Wall Street et la City :

    1. Dans un premier temps (Décembre 2009 – Mai 2010), elle a fait disparaître le sentiment d'invulnérabilité de la devise européenne tel qu'il s'était constitué en 2007/2008, en introduisant le doute sur sa pérennité et surtout en relativisant l'idée que l'Euro était l'alternative naturelle au Dollar US (voire son successeur).

    2. Puis, dans un deuxième temps (Juin 2010 – Mars 2011), elle a amené les dirigeants de l'Euroland à mettre en chantier à « très grande vitesse » toutes les mesures de sauvegarde, de protection et de renforcement de la monnaie unique (mesures qui auraient dû être prises il y a déjà de nombreuses années). Ce faisant elle a redynamisé l'intégration européenne, replacé à la tête du projet européen le noyau fondateur, et marginalisé le Royaume-Uni en particulier (12). Parallèlement elle a stimulé un soutien de plus en plus appuyé à la monnaie européenne de la part des BRICS, Chine en-tête, qui après un moment de flottement se sont rendus compte de deux choses fondamentales : d'une part les Européens agissaient sérieusement pour faire face au problème ; et d'autre part, au vu de l'acharnement anglo-saxon, l'Euro était sans aucun doute un instrument essentiel pour toute tentative de sortie du « monde Dollar » (13).

    3. Enfin, actuellement (Avril 2011 – Septembre 2011), elle conduit la zone Euro à entreprendre de toucher aux sacro-saints investisseurs privés afin de les mettre à contribution pour résoudre le problème grec via notamment des extensions « volontaires » des délais de remboursement (ou toute autre forme de coupe dans les profits escomptés) (14).

    Comme on peut l'imaginer, si le premier impact était bien l'un des objectifs poursuivis par Wall Street et la City (outre le fait de détourner l’attention des problèmes massifs du Royaume-Uni et des Etats-Unis), les deux autres en revanche sont des effets totalement contraires au but recherché : affaiblir l'Euro et réduire son attractivité mondiale.

    Surtout qu'une quatrième séquence se prépare qui va voir, d'ici le début 2012 (15), le lancement d'un mécanisme d'Eurobonds, permettant de mutualiser une partie des émissions de dettes des pays de l'Euroland (16), ainsi que l'inévitable pression politique croissante (17) à augmenter la part de la contribution privée dans ce vaste processus de restructuration (18) de la dette des pays périphériques de la zone Euro (19).
     


     

    Evolution de la dette grecque et de sa composition (2011-2015) (en Milliards €) (rouge : dette arrivant à échéance ; vert : déficit budgétaire ; violet : prêts UE ; marron : prêts FMI ; bleu : autre) - Sources : Le Figaro / SG CIB, 05/2011
    Evolution de la dette grecque et de sa composition (2011-2015) (en Milliards €) (rouge : dette arrivant à échéance ; vert : déficit budgétaire ; violet : prêts UE ; marron : prêts FMI ; bleu : autre) - Sources : Le Figaro / SG CIB, 05/2011
    Et avec cette quatrième séquence on entre dans le cœur du processus de contagion qui va faire exploser la bombe de l'endettement fédéral US. Car, d'une part, en créant un contexte médiatique et financier mondial ultra-sensibilisé aux questions d'endettement public, Wall Street et la City ont rendu visible l'ampleur insoutenable des déficits publics US, britannique et japonais (20). Cela a même obligé les agences de notation, fidèles chiens de garde des deux places financières, à se lancer dans une folle course à la dégradation des notes des Etats. C'est pour cette raison que les Etats-Unis se retrouvent maintenant sous la menace d'une dégradation, comme nous l'avions anticipé, alors même que cela paraissait impensable à la plupart des experts il y a seulement quelques mois. Et parallèlement, le Royaume-Uni, la France, le Japon, … se retrouvent également dans le collimateur des agences (21).

    Rappelons-nous que ces agences n'ont jamais rien anticipé d'important (ni les subprimes, ni la crise mondiale, ni la crise grecque, ni le Printemps arabe, …). Si elles dégradent à tout va aujourd'hui, c'est qu'elles sont prises à leur propre jeu (22). Il n'est plus possible de dégrader A sans toucher à la note de B si B n'est pas en meilleure situation. Les « présupposés » sur le fait qu'il est impossible à tel ou tel Etat de faire défaut sur sa dette n'ont pas résisté à trois ans de crise : c'est en cela que Wall Street et la City sont tombés dans le piège qui guette tous les apprentis-sorciers. Ils n'ont pas vu qu'il leur serait impossible de maîtriser cette hystérie entretenue autour de la dette grecque. Ainsi aujourd'hui, c'est au Congrès US, dans le cadre du violent débat sur le plafond d'endettement et les coupes budgétaires massives, que se développent les conséquences des articles manipulateurs de ces derniers mois sur la Grèce et la zone Euro. Encore une fois, notre équipe ne peut que souligner que si l'Histoire a un sens, c'est indéniablement celui de l'ironie.

     


     

    Evolution de la production industrielle en Chine (rouge) et en Inde (vert) (2006-2011) - Source : Marketwatch / Factset China / India Stats, 06/2011
    Evolution de la production industrielle en Chine (rouge) et en Inde (vert) (2006-2011) - Source : Marketwatch / Factset China / India Stats, 06/2011
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    Notes:

    (1) Y compris le fait que les investisseurs privés (notamment les banques) seraient mis à contribution pour résoudre le problème de la dette grecque.

    (2) Sans oublier bien sûr les dettes des collectivités locales américaines.

    (3) Les Etats-Unis repartent en récession. L'Europe ralentit tout comme la Chine et l'Inde. L'illusion d'une reprise mondiale est désormais bien terminée. C'est d'ailleurs cette situation très inquiétante qui explique pourquoi les grandes entreprises accumulent de la trésorerie : elles ne veulent pas se retrouver comme en 2008/2009 dépendantes de banques elles-mêmes en panne de liquidités. Selon LEAP/E2020, les PME et les particuliers devraient utilement méditer cette situation. Source : CNBC, 06/06/2011

    (4) James Saft, éditorialiste de renom pour Reuters et le New York Times, en est même au point de souhaiter « bon vent à l'hégémonie du Dollar ». Source : Reuters, 19/05/2011

    (5) Les bourses savent que la « fête » est finie avec la fin du Quantitative Easing US et le retour de la récession. Et les opérateurs financiers ne savent plus comment trouver des placements profitables et pas trop risqués.

    (6) Source : CNBC/FT, 12/06/2011

    (7) Même l'Arabie saoudite s'inquiète désormais publiquement par la bouche du Prince AlWaleed qui évoque la « bombe de la dette US ». Source : CNBC, 20/05/2011

    (8) Dernier exemple en date : la manifestation anti-austérité du 04/06 à Athènes qui a péniblement rassemblé moins de 1.000 manifestants alors que les médias anglo-saxons ont à nouveau titré sur cette preuve de rejet de la population grecque … évoquant des milliers de manifestants. Sources : Figaro, 05/06/2011 ; Financial Times, 05/06/2011 ; Washington Post, 06/06/2011

    (9) Le Telegraph du 07/06/2011 nous apprend par exemple que depuis les années 1980, le Royaume-Uni a dépensé 700 Milliards £ de plus qu'il n'a gagné. Une bonne partie de cette somme entre dans les 15.000 Milliards d'actifs-fantômes qui vont disparaître prochainement.

    (10) On peut constater l'épuisement du discours sur la "fin de l'Euro" par le fait que Wall Street en est réduit à faire intervenir régulièrement désormais Nouriel Roubini pour tenter de crédibiliser cette fable. Le pauvre Roubini, dont les travaux d'anticipation n'ont ni prévu la crise mondiale ni jamais dépassé six mois, se voit réduit à devoir prévoir la "fin de l'Euro" d'ici cinq ans, ou au moins une réforme fondamentale de la zone Euro pouvant d'ailleurs aboutir à une intégration européenne renforcée. Nous citons l'auteur d'après sa récente intervention dans un congrès à Singapour reprise dans le Figaro du 14/06/2011. Donc, si on résume la prédiction de Nouriel Roubini, il y aurait une fin de l'Euro d'ici 5 ans sauf si en fait l'Euro se retrouve renforcé via la mise en place définitive d'un "nouveau souverain", l'Euroland. Quelle anticipation ! Au-delà de l'effet d'annonce racoleur, cela consiste à dire que d'ici cinq ans (durée infiniment longue en temps de crise, et Roubini parlait d'échéances beaucoup plus rapprochées il y a encore quelques mois), il peut se passer une chose ou son contraire. Merci Docteur Roubini ! C'est difficile d'essayer de faire de la prospective et de travailler pour Wall Street en même temps. Enfin, il faut ce qu'il faut pour essayer de convaincre (en vain) les Asiatiques de ne pas vendre les actifs en Dollars au profit de ceux en Euro.

    (11) Quand les experts et médias anglo-saxons ne peuvent vraiment plus rien inventer pour légitimer de garder « la crise de l'Euro » en une.

    (12) Mais aussi la Suède dont les élites continuent à vivre dans le monde d'après 1945, celui où elles ont pu s'enrichir en profitant des problèmes du reste du continent. A propos du Royaume-Uni, la City continue à tenter en vain d'éviter de passer sous le contrôle des autorités européennes comme nous l'apprend cet article du Telegraph du 30/05/2011. Le plus amusant dans cet article est l'image retenue par le journal : un drapeau européen en lambeaux. Pourtant c'est bien la City qui est en train de perdre son indépendance historique au profit de l'UE et pas le contraire. C'est une illustration flagrante de l'impossibilité de comprendre les évènements qui se déroulent en Europe en passant par les médias britanniques, même quand il s'agit du Telegraph, excellent par ailleurs en ce qui concerne sa couverture de la crise.

    (13) D'où leur motivation à acheter la dette de l'Euroland. Source : Reuters, 26/05/2011

    (14) Sources : YahooActu, 13/06/2011 ; DeutscheWelle, 10/06/2011 ; Spiegel, 10/06/2011

    (15) La crise ne permettra pas à l'Euroland d'attendre 2013, date prévue pour réviser le système adopté en Mai 2010, pour trancher ce débat.

    (16) Diverses formules sont à l'étude mais les plus probables s'organisent toutes autour d'un système d'émission de dette publique à deux niveaux : une émission bénéficiant de la signature commune de l'Euroland (et donc de taux très bas) pour un montant allant jusqu'à un pourcentage maximum du PIB de chaque Etat (40%, 50%, 60% … aux dirigeants de l'Euroland de choisir) ; au-delà de ce seuil, les émissions ne sont plus garanties que par la seule signature de l'Etat concerné, impliquant des taux rapidement très élevés pour les élèves les moins sérieux de la classe.

    (17) A ce sujet, il est regrettable que les médias internationaux s'intéressent plus aux quelques milliers de manifestants grecs (voir plus loin dans ce numéro du GEAB un exemple flagrant des différences immenses entre chiffres réels et chiffres des médias anglo-saxons) censés incarner le refus de l'austérité européenne et la faiblesse de la zone Euro, plutôt qu'à l'attente réelle des Grecs dont cette lettre ouverte des intellectuels grecs qui accusent non pas l'Euroland mais leurs propres élites politiques et financières d'être incapables de respecter leurs engagements et appellent à la mise à niveau du système politico-social grec avec celui du reste de l'Euroland. Source : L'Express, 09/06/2011

    (18) A propos du mot « restructuration » sur lequel délirent à longueur d'articles ou d'émissions les économistes et financiers en tous genres, notre équipe souhaite apporter une précision limpide de simplicité : il est évident qu'une partie de la dette grecque appartient à ces 15.000 milliards d'actifs-fantômes qui vont s'évaporer dans les mois à venir. Peu importe le mot utilisé, « restructuration », « défaut », …, comme nous l'avions indiqué dans des GEAB précédents, l'Euroland organisera un processus qui fera perdre aux moins puissants ou aux plus exposés des créanciers une partie significative de leurs engagements sur la Grèce. C'est cela qu'on appelle une crise. Et la « raison d'Etat » fonctionne toujours de la même manière. Mais, de toute façon, d’ici là, le problème se sera déplacé vers les Etats-Unis, le Japon, le Royaume-Uni, et plus personne ne prêtera attention au cas grec dont les montants sont ridicules en comparaison : Grèce, 300 milliards EUR ; USA, 15.000 milliards USD.

    (19) Et l'examen prochainement par la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe de recours contre le Fonds de stabilisation européen, s'il ne remettra pas en cause les décisions prises, va accroître la pression en Allemagne pour que le secteur privé soit partie prenante des solutions, c'est-à-dire des pertes. Source : Spiegel, 13/06/2011

    (20) Un calcul très simple permet de prendre la mesure de la différence entre le problème grec actuel et la crise US en préparation : les banques en particulier vont être obligées de prendre en charge entre 10% et 20% du coût de renflouement de la dette grecque, soit entre 30 et 60 Milliards EUR. C'est ce qui "excite" les agences de notation ces jours-ci à propos des banques européennes. L'explosion de la bombe de la dette fédérale US imposera au minimum un coût aux proportions identiques pour les banques et autres détenteurs institutionnels de cette dette. On parle donc dans ce cas (une estimation conservatrice car la nature même de l'utilisation des Bons US impliquera une contribution privée plus importante) de montants compris entre 1.500 et 3.000 milliards USD. C'est cohérent avec notre estimation des 15.000 milliards d'actifs-fantômes qui disparaîtront dans les trimestres à venir.

    (21) Sources : Reuters, 08/06/2011 ; Le Monde, 11/06/2011 ; FoxNews, 30/05/2011

    (22) Et l'une des conséquences de ce jeu, c'est que les Européens se préparent non seulement à encadrer sévèrement les méthodes des agences de notation, mais ils vont tout simplement créer des concurrents aux agences anglo-saxonnes, comme l'ont déjà fait les Chinois dont l'agence Dagong estime que les Etats-Unis sont entrés dans un processus de défaut sur leur dette. En perdant le monopole de la mesure du risque, Wall Street et la City vont ainsi perdre leur aptitude à faire ou défaire les fortunes. Sources : CNBC, 02/06/2011 ; YahooNews, 10/06/2011
     


     

    Mercredi 15 Juin 2011



     

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  • Couple franco-allemand et Europe fédérale...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur le site De Defensa. L'auteur, animateur du site Pour une Europe intelligente, y défend l'idée de l'importance vitale d'un couple franco-allemand fort pour construire une Europe fédérale puissante ; une importance que les Anglo-saxons ont bien comprise depuis longtemps...

     

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    Couple franco-allemand et Europe fédérale

    L'urgence à renforcer le couple franco-allemand viendra-t-elle en contradiction avec une autre urgence, donner à l'Union européenne le statut d'un Etat fédéral?

    Nous sommes de ceux qui pensent que les deux nations, l'Allemagne et la France, ont manqué le rendez-vous de l'histoire il y a quelques années lorsque l'idée de renforcer les liens institutionnels entre l'Allemagne et la France, y compris en partageant des responsabilités politico-administratives, avait été évoquée. Faute d'hommes d'Etat visionnaires, dans les deux pays, ce projet n'a pas été encouragé. Aujourd'hui, nous allons le voir, le besoin s'impose plus que jamais. Mais ceux qui reprendraient une telle initiative viendraient-ils en contradiction avec une exigence beaucoup plus pressante, transformer progressivement l'Union européenne en Etat fédéral? On pourrait craindre en effet que si un pôle de puissance se constituait autour de l'Allemagne et de la France, les 25 autres Etats redouteraient de voir le cadre fédéral amputer leurs autonomies au profit de ce pôle. Nous croyons pour notre part qu'à condition de déployer un peu de diplomatie, il n'en serait rien. Toute Fédération juxtapose sans conflits des Etats fédérés inégalement puissants. Des dispositifs constitutionnels existent pour la défense des partenaires moins importants. Encore faudrait-il convaincre les opinions publiques de leur efficacité.

    Le couple Franco-allemand. Les Allemands en veulent-ils encore?

    Partager avec l'Allemagne des politiques communes, voire des institutions communes, devrait être généralement bien vu en France. Les Allemands sont appréciés et admirés, même s'ils suscitent moins de sympathies spontanées que d'autres voisins, Espagnols ou Italiens par exemple. Ces partages pourraient se faire dans des domaines où les deux pays disposent d'atouts semblables qui pourraient ainsi être renforcés. Il en serait ainsi par exemple des programmes de recherche scientifique ou des budgets d'éducation. Ils pourraient parallèlement être encouragés dans des domaines où les défaillances d'un pays seraient compensées par les avancées de l'autre. Evoquons par exemple la Défense, point fort de la France ou les coopérations stratégiques avec la Russie ou la Chine, point fort de l'Allemagne.

    Beaucoup d'observateurs considèrent par contre que des mises en commun avec la France seraient aujourd'hui refusées par les Allemands, que ce soit par les grands intérêts industriels qui font aujourd'hui la loi à Berlin ou par l'opinion publique, laquelle se sent plus spontanément proche de l'Europe du Nord et de l'Est. Les Français seraient considérés avec la méfiance condescendante qui caractérise les relations de l'Europe centrale “sérieuse”, avec l'Europe méditerranéenne plus insaisissable. Les changements de pied continuels et le culte de l'égo ayant caractérisé Nicolas Sarkozy ces dernières années n'auraient rien fait pour revaloriser l'image de la France.

    De nombreuses analyses récentes, d'origine anglo-saxonne, vont plus loin. Elles visent à démontrer que l'Allemagne a désormais choisi d'une part de s'imposer en leader sans partage dans l'Union européenne et d'autre part de constituer, avec un groupe de pays suiveurs dans lequel la France n'aurait pas sa place, un axe de puissance intégrant la Russie et tourné vers la coopération d'égal à égal avec les pays asiatiques, notamment la Chine. Un article récent du New York Times, «Europe's Economic Powerhouse Drifts East», montre avec des exemples précis comment de grandes entreprises allemandes ont décidé de concentrer au profit de l'Est, notamment de la Chine, leurs efforts commerciaux et surtout leurs investissements. Elles ne tournent pas systématiquement le dos avec l'Europe, qui continue à jouer un rôle important pour elles, mais ce sera dorénavant l'Asie qui sera leur champ de bataille principal.

    Ces entreprises et le gouvernement allemand à leur suite ne craignent apparemment pas la concurrence chinoise ni même des mesures unilatérales visant à les exclure du marché chinois. Elles font confiance pour cela à leur avance technologique qui les rendra incontournables à l'avenir, quels que soient les investissements de recherche/développement des entreprises chinoises. On conçoit que dans ces perspectives, le rapprochement avec des entreprises françaises poussives, n'investissant pratiquement pas et voyant se réduire leurs marchés, n'intéresse plus les Allemands. Ils craindraient par ailleurs comme la peste les tentations de protectionnisme que pourraient avoir le gouvernement français en cas d'aggravation de la situation économique intérieure.

    Les mêmes think-tanks atlantistes opérant sans contrainte en Europe même font valoir qu'un éventuel couple franco-allemand renforcé (dont ces think-tanks ne veulent pas) terrifierait les autres pays européens. Ces pays ne craindraient pas dans ce couple le leadership allemand, au contraire. Selon l'image du New York Times, beaucoup seraient prêts à reprendre le refrain du Deutschland über allés. Mais ils craindraient par dessus tout l'influence et les initiatives françaises, présentées comme franco-centrées, irresponsables et politiquement aventureuses. A cet égard, il est certain que la France aurait beaucoup à faire pour mieux faire admettre à ses voisins les politiques ambitieuses dont elle pourrait rêver et dont le couple franco-allemand pourrait être un des acteurs. L'arrogance supposée de la “Grande Nation” n'a pas fini de faire des ravages.

    Il faut prendre garde cependant que les analyses évoquées ci-dessus, même si elles reposent sur des observations incontestables, ont tendance à dramatiser la montée en puissance de l'Allemagne et sa volonté de devenir une sorte de nouveau führer au sein d'une Europe réduite aux tâches mineures. Elles émanent en effet de sources anglo-américaines pour qui traditionnellement la constitution en Europe d'un axe franco-allemand fort a toujours été considéré comme le risque absolu. Le capitalisme industriel allemand, sur le modèle dit rhénan, comme les politiques économiques régaliennes et interventionnistes traditionnelles en France, contredisent en effet directement le modèle néo-libéral anglo-saxon reposant sur la prédominance des intérêts financiers dans un monde systématiquement voulu sans frontières. Il y a donc intérêt pour les Etats-Unis à maximiser les différentiels de civilisation entre l'Allemagne et la France et présenter par ailleurs comme dangereux pour le rêve toujours vivace d'un “grand marché nord-atlantique” les stratégies allemandes d'ouverture à l'Est (voir sur ce “rêve”, notre “brève” ) .

    Concernant l'avenir des projets allemands en Asie, il faudrait en Europe même rester prudent. Bien que la Chine accepte encore volontiers des partenariats avec le capitalisme industriel allemand, elle sera tentée en cas de renforcement de ses difficultés intérieures de se recentrer sur ses propres ressources, privant ainsi à l'avenir l'économie allemande d'un de ses moteurs. Si l'Europe, et plus particulièrement la France, savaient au contraire sortir de leur atonie et offrir à l'Allemagne, comme d'ailleurs à la Russie, de nouvelles opportunités de développement, ces grandes nations cesseraient de se détourner des enjeux de la coopération intra-européenne. C'est sur un tel pari que reposerait un ambitieux projet fédéral européen, lui même axé sur un couple franco-allemand renforcé.

    Un ensemble franco-allemand fort dans une Fédération européenne forte.

    Si l'on voulait que les deux exigences résumées dans ce sous-titre puissent progresser en parallèle, il faudrait convaincre les intérêts économiques mais aussi les opinions publiques, dans les deux pays comme dans le reste de l'Europe, que la chose serait possible et bénéfique. Autrement dit, il faudrait montrer que des partenariats stratégiques accrus entre l'Allemagne et la France bénéficieraient à tous les pays européens, voire à des pays non-européens voisins, autour de la Méditerranée notamment.

    Les exemples de tels bénéfices possibles ne manquent pas. D'ores et déjà la coopération historique qui s'était établie autour d'un pôle franco-allemand dans les industries aéronautiques et spatiales a entrainé de nombreux partenaires européens. Aujourd'hui, si Daimler semble bouder ce secteur pour lui préférer la mécanique, l'avenir devrait rester prometteur, à condition de savoir se garder des abandons prématurés de savoir-faire. Il pourrait en être de même du ferroviaire et des grandes technologies intéressant les réseaux terrestres, l'aménagement du territoire, le traitement des déchets et la protection des littoraux. Concernant les industries de défense et leurs applications duales, la France et l'Allemagne disposent d'une compétence sans égale dont pourront un jour bénéficier tous les pays européens, s'ils acceptaient de se rallier au concept d'une défense européenne s'émancipant de la tutelle politique et technologique américaine.

    De la même façon, sans mentionner le cas particulier du nucléaire, on pourrait admettre qu'en ce qui concerne toutes les énergies non productrices de CO2, la nécessité d'une concurrence interne entre industries européennes, à laquelle tient beaucoup l'Allemagne, ne devrait pas exclure des coopérations entre l'Allemagne, la France et les autres pays. Il en serait de même dans le domaine des industries chimiques, pharmaceutiques et du vivant, du numérique, de la robotique et de l'intelligence artificielle.

    Dans tous ces cas, et bien d'autres que nous ne citerons pas ici mais qui sont très connus de nos lecteurs, le projet fédéraliste que nous avons présenté par ailleurs, visant à constituer un grand fonds stratégique d'investissement financé par les épargnes européennes, pour un montant cumulé d'au moins 1000 à 1500 milliards, permettrait d'ouvrir de larges espaces de développement aux champions industriels et scientifiques allemands, français ainsi qu'à ceux existant ou à créer dans l'ensemble des autres pays européens, petits ou grands.

    Ceci pourrait permettre, sans rien retirer à la puissance propulsive du moteur industriel allemand, de mieux assurer ses échanges avec des concurrents/partenaires européens. Le moteur allemand pourrait ainsi contribuer plus qu'aujourd'hui au développement de l'Union toute entière, ainsi qu'au couple franco-allemand au sein de celle-ci.

    Mais il faudrait pour que tout ceci se produise que la France, l'Allemagne et les autres Etats européens adhérent au projet fédéraliste que nous avons décrit dans plusieurs articles (voir notamment récemment cet article). Il faudrait aussi que les nains qui nous gouvernent cèdent la place, sous la pression d'opinions populaires enfin convaincues, à des dirigeant(e)s de très grande stature. Ce serait sans doute là le pas le plus difficile à franchir. Mais les crises font parfois surgir des ressources humaines inattendues.

    Jean Paul Baquiast (De Defensa, 21 juillet 2011)

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  • Sur l'archéofuturisme...

    Les éditions de L'AEncre viennent de rééditer L'Archéofuturisme, un essai de Guillaume Faye paru initialement en 1998. Figure de la Nouvelle Droite dans les années 70-80, auteur d'essais importants, servis par un style étincellant, comme Le système à tuer les peuples (Copernic, 1981) ou L'Occident comme déclin (Le Labyrinthe, 1984), Guillaume Faye revenait avec cet essai au combat idéologique après dix années d'errance dans les milieux de la radio et du show-businness. Premier d'une nouvelle série d'écrits de combat, il est d'évidence le plus intéressant, le plus travaillé et le le plus percutant avec ses idées-force d'archéofuturisme, de constructivisme vitaliste et de convergence des catastrophes. Par la suite, l'auteur s'est enfermé dans un anti-islamisme rabique qui semble lui avoir fait perdre de vue l'ennemi principal et l'avoir amené à opérer des rapprochements surprenants.

    Nous reproduisons ci-dessous la critique de L'Archéofuturisme qu'avait publiée la revue Eléments dans son numéro de juin 1999, sous la plume de Charles Champetier.

     

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    Sur l'archéofuturisme

    Après treize années passées dans le milieu du show business et de la presse populaire, Guillaume Faye, ancien animateur de la Nouvelle Droite, revient au combat des idées en publiant un essai, L'archéofuturisme. A tout seigneur tout honneur: le livre s'ouvre sur une critique de la Nouvelle Droite, critique qui a pour principal mérite d'être formulée sur un ton amical et constructif. Que reproche sur le fond Guillaume Faye à la ND?

    a) De s'être coupée du politique, alors qu'un gramscisme bien compris l'invitait à se faire l'école de pensée d'un parti (en l'occurrence, le FN);

    b) de s'être soumise à la censure en renonçant à développer des thèses « provocatrices» et « radicales»;

    c) de se réclamer de l'ethnopluralisme, du différentialisme et du communautarisme à l'heure où le clivage principal opposerait non plus l'Est et l'Ouest, mais le Nord et le Sud.

    Nous sommes en désaccord sur ces trois points. La métapolitique, travail de défrichage du champ intellectuel et de cristallisation de clivages idéologiques dans la société, n'a jamais été un autre moyen de faire de la politique, mais autre chose que la politique: 1'« intellectuel de parti » produit des slogans vides et des idées creuses. Quant aux mouvements politiciens (la bande des six, sept, huit ou neuf), ils n'ont aujourd'hui d'autres perspectives que la vaine conquête d'un État réduit à la gestion (sociale-libérale, libérale-conservatrice voire nationale-conservatrice) de la mondialisation médiatique, technologique et financière. Le forme-parti est épuisée et la dissémination du politique appelle d'autres modes d'action - ce qu'une certaine gauche impliquée dans les « nouveaux mouvements sociaux» a compris depuis longtemps.

    La « provocation» et la « radicalité », loin d'être les adversaires de la censure (dont Faye sous-estime par ailleurs la puissance) et plus généralement du système, en sont les meilleurs alliés: le raciste, l'eugéniste, l'antisémite, l'intégriste, le nazi ou le stalinien servent tour à tour de repoussoirs imaginaires à une modernité intellectuellement essoufflée, réduite à fantasmer sur ses errements et ses refoulements, prête à récupérer médiatiquement toutes les contestations dans la case « déviance» ou « folklore » de son spectacle permanent. Accessoirement, un discours est d'autant plus « radical» qu'il ne s'affiche pas comme tel, et vice-versa: une partie de l'extrême gauche antifasciste, par exemple, utilise aujourd'hui ce thème de la « radicalité » pour sublimer son ralliement à un système dont elle se veut le plus fidèle chien de garde. 

    La thèse du méga-affrontement Nord-Sud et l'analyse de l'immigration (en fait des immigrés) comme ennemi principal de l'Europe, thèse qui parcoure l'ensemble de l'essai, relèvent à mon sens de l'erreur de jugement (sur le plan analytique) et de la fausse conscience (sur le plan psychologique). Erreur de jugement car l'immigration actuelle n'est pas tant une colonisation que le dernier revers de la colonisation, c'est-à-dire l'ultime conséquence de l'occidentalisation du monde, de la réduction de l'homme à l'état de producteur-consommateur anonyme et de l'imposition d'un mode unique de développement fondé sur le mythe de la croissance perpétuelle. On ne résoudra certes pas les problèmes du tiers-monde en le faisant venir en Europe; mais on n'évitera pas qu'il y vienne en surfant sur le fantasme de la forteresse assiégée et en s'épargnant ainsi une critique des sources mêmes des déséquilibres planétaires. Fausse conscience car la focalisation des esprits sur 1'« immigration-invasion» évite de dési­gner le libéralisme comme ennemi principal de tous les enracinements (autochtones et immigrés), alimente l'imaginaire réactif et conspirationniste (« l'islamiste au sabre entre les dents» et la « cinquième colonne» comme béquilles de la pensée), décerne trop souvent un faux « brevet d'enracinement» à ceux qui tirent alibi du refus de la différence ethnique pour entériner l'indifférenciation de leur monde vécu. Définir l'immigré comme la « victime innocente de la société» (à gauche) ou comme le « virus pervers de la décadence » (à droite) sont deux lignes de fuite devant la réalité.

    La solution communautarienne a bien sûr ses limites: mais parce qu'elle part du principe de défense de toutes les identités face à l'uniformisation mar­chande, parce qu'elle refuse la reproduction du Même indifférencié, elle me paraît toujours plus porteuse de rupture cr de sens que le double mirage de l'assimilation et de l'exclusion. Au-delà de cette critique de la ND, la thèse centrale de l'ouvrage concerne l'implosion de la modernité et les contours du monde qui lui succédera. Pour Faye, la modernité se voit menacée pour la première fois par des lignes convergentes de catastrophes: financière (éclatement de la bulle spéculative mondiale), économique (impossibilité de généraliser le niveau de vie occidental à la planète), écologique (confrontation de l'exploitation marchande aux limites de la biosphère), démographique (chute de la natalité, allongement de la durée de vie) ou encore ethnique (Nord vieillissant et opulent face à un Sud prolifique et pauvre). Ainsi appelée à s'écraser sur le mur du réel, la modernité sera supplantée par un système « archéofuturiste », où se conjugueront les réflexes archaïques et les fulgurances futuristes, les technologies libérées des préventions humanistes cr les systèmes sociaux traditionnels. Pour faire bref, et en s'inspirant de la nouvelle de science fiction qui clôt l'essai, une société à deux vitesses où se superposent une élite confisquant les avancées de la technoscience et des peuples revenus à un mode de vie néolithique - des hoplites transgéniques partant à la conquête de Mars et des paysans revenus au rythme des saisons et des jours.

    La modernité est effectivement arrivée à saturation, et l'essai de Guillaume Faye a le mérite de rompre avec l'optimisme niais des mondialisateurs béats pour pointer quelques-unes des crises majeures qui la menacent. Son propos est surtout convaincant dans les domaines économiques et écologiques. Mais l'hypothèse archéofuturiste appelle quelques critiques. On peut douter du caractère convergent de ces catastrophes : Faye, qui vitupère fort justement la « croyance au miracle», verse à son tour dans la « croyance en l'apocalypse» et indexe l'avenir des peuples européens à un « grand soir » que l'histoire pourrait fort bien différer de quelques décennies, voire de quelques siècles. La convergence des catastrophes est un « mythe négatif» séduisant, mais dont il ne faut pas sous-estimer la portée incapacitante pour ses adeptes : si la fin du monde moderne est pour 2010-2020, pourquoi ne pas l'attendre en se crosant les bras et en se persuadant que l'on comptera parmi les élus ? 

    Si l'on ne partage donc pas la structure de la prophétie fayenne, soulignons pour conclure que nombre de ses micro-analyses, servies par un sens remarquable des formules-choc et animées d'une saine volonté polémique, stimulent souvent l'esprit et enflamment parfois l'imagination. En ce sens, l'essai parvient à son but : ouvrir des débats dans l'esprit du « et si? » plutôt que de les clore dans la logique du « il faut! ».

    Charles Champetier (Eléments n°95, juin 1999)

     

     

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  • Qu'est-ce que la décroissance ?...

    Qu'est-ce que la décroissance ?... Serge Latouche, auteur notamment du Petit traité de la décroissance sereine (Mille et Une Nuits, 2007) , s'explique dans cette vidéo que vous pouvez visionner ci-dessous.

     


    Qu'est ce que la décroissance? par Sinelefilm

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  • Réflexions sur un carnage...

    Nous reproduisons ci-dessous un très bon article de Jean Bonnevey, cueilli sur Metamag, le magazine de l'esprit critique, à propos de la tuerie de vendredi dernier en Norvège.

    Sur le tueur, Jacques de Guillebon, dans un article publié sur le site Atlantico, dit des choses justes et résume le personnage en une formule saisissante :

    "La mise en avant de ses références pseudo-chrétiennes, comme les croisades, les Templiers ou même, absurdité suprême, son passeport facebookien sur lequel les consommateurs de réseau sociaux déclarent leur appartenance religieuse, est d’évidence destinée à faire oublier le fond réel du personnage : si Breivik est fondamentaliste de quoi que ce soit, c’est plutôt du néolibéralisme.

    Dans sa haine de soi, le bonhomme qui ne comprend pas pourquoi le doux commerce avec son ouverture irraisonnée des frontières a fini par se retourner contre lui-même, se prend à rechercher dans le passé toutes les figures d’autorité ou de force dont une époque insensée l’a privé, avec tous ses commensaux européens. Breivik, c’est au final, un personnage de Dantec qui assassine en masse ses contemporains perdus pour ne pas devenir un héros de Houellebecq. Pas grand chose de plus."

     

    On lira aussi avec intérêt la mise au point de Laurent Ozon sur son blog politique après la polémique suscitée par certains de ses propos, évidemment tronqués, à propos de l'affaire d'Oslo...

     

     

    Anders Behring Breivik.jpg

     

    Réflexions sur un carnage

    Il est bien trop tôt, et cela risque d’être valable un certain temps, pour analyser, comprendre et tirer toutes les leçons du terrible carnage norvégien. Au-delà de l’horreur et de l’indignation. Il y a cependant, déjà, des enseignements.

    Le premier est justement de ne pas parler trop vite. Dès l’annonce de l’explosion, avant même la fusillade, dont on ignorait la portée, l’Otan, Obama et Sarkozy ont dénoncé. Il est bien évident que, sans le citer, ils désignent alors clairement le terrorisme islamique. Dans les premiers communiqués, la Norvège aurait été visée comme pays membre de l’Otan qui participe aux guerres d’Afghanistan et de Libye, et se protège moins que d’autres.

    Cela est révélateur d’une psychose et d’une inquiétude des services occidentaux. La menace d’Al Qaïda bien sûr. Mais ils redoutent manifestement, aussi, un terrorisme pour soutenir Kadhafi. Pour le moment, cela ne s’est jamais produit ,pas plus que pendant les guerres de Serbie ou d’Irak.

    Le second enseignement est le soulagement idéologique des médias. Dès qu’on a su que l’auteur présumé de l’attentat était un Norvégien, blond et aux yeux bleus, sa photo est apparue partout, avant même que son identité ne soit confirmée par la police. Il n’a pas été longtemps présumé et ses origines raciales ont été plus qu’exploitées, pour bien marteler qu’il ne s’agissait pas d’un attentat islamiste. Les médias, qui refusent la notion d’Européens « de souche », la redécouvrent quand il s’agit d’un terroriste.

    Premières contradictions

    Troisième enseignement : l’amalgame. L’indignation générale exploite cet acte horrible pour discréditer des mouvements populistes, qui montent, partout en Europe. C’est la stratégie de l’amalgame, que l’on refuse quand il s’agit de l’Islam. Mais elle devient légitime quand il s’agit de chrétiens. Là encore, un chrétien fondamentaliste, anti-musulman, ne peut être assimilé à la droite identitaire dans son entier. Et il faut se méfier, car on ne sait pas tout sur ce criminel de masse. C’est peut être un « fou de Dieu », mais peut être aussi un laïc extrémiste.

    S’il se décrit, sur Facebook, comme «chrétien » et « conservateur » -ce qui n’est guère original en Norvège- en revanche, dans ses activités, il n’évoque aucune pratique religieuse, mais seulement son appartenance… à la franc-maçonnerie. Ce qui est, tout de même, moins courant! Il appartiendrait à la loge John Piliers (« Søilene », sur le site de laquelle figure en effet comme adhérent un certain Anders Behring). Pourquoi ce fait, peu compatible avec le « fondamentaliste chrétien », et, en tout cas, troublant, n’est-il pas mentionné ?

    Quatrième enseignement : un raté très organisé. Le tueur va être présenté par des psychiatres, en paquets serrés, comme un raté se vengeant de sa nullité. Si ce type de passage à l’acte est, effectivement, révélateur de troubles mentaux, il n’est pas exclusif d’une certaine lucidité. Le tueur a préparé son acte, avec minutie, depuis 2009 et le résultat a été épouvantablement efficace. On a même du mal à croire qu'il ait pu agir seul.

    Des objectifs ciblés

    Cinquième enseignement : la cible. Si l’on admet qu’il s’agit d’un geste raciste et anti-musulman d’une fureur de souche, la cible est intéressante. L’homme n’a pas mitraillé une mosquée, ni un rassemblement d’immigrés. Il s’en est pris au parti au pouvoir, jugé par lui comme traître à sa race et à son pays, au parti immigrationiste travailliste favorisant l’immigration, comme les jeunes militants, rescapés de la tuerie et interviewés, le prouvent amplement.

    Un geste qui, dans cette hypothèse, prétend alors dénoncer une immigration-islamisation par des partis voulant s’assurer une base électorale d’origine étrangère, Et n’a pas visé les immigrés en tant que tels, mais les responsables de la politique multiculturaliste et ceux qui y participent.

    Sixième enseignement : autoportrait. Le terroriste admet qu’il sera considéré comme le pire des monstres norvégiens, depuis la Deuxième guerre mondiale. Il reconnaît la cruauté de son acte si bien préparé.  Personne ne dira le contraire. Il se voit aussi comme un éveilleur. Là, il se trompe certainement, totalement.

    Dernier enseignement plus général : à quoi sert le terrorisme ? Il sert a semer la terreur pour détruire un ennemi détesté : puissance étrangère ou son propre gouvernement. Mais cette idéologie du terrorisme, depuis Cadoudal jusqu’à Netchaïev, Carlos ou Abou Ali Mustafa, échoue le plus souvent. Le terrorisme contemporain révèle cependant, un problème de fond : humiliation du monde musulman ou désespoir identitaire. Deux frustrations qui se rejoignent dans les tensions nées de l’immigration et de la mondialisation capitaliste.

    Il y a bien des leçons à tirer de l’horreur norvégienne, mais pas trop vite. Et en évitant amalgame grossier ou exploitation politicienne qui ne peuvent qu’occulter l’esprit critique. Ceux qui veulent lutter contre l’immigration ne peuvent être assimilés à un délire meurtrier, même préparé et justifié avec la lucidité d’une folie organisée. Pas plus que les chrétiens fondamentalistes ou les laïcs radicaux. Sinon, il faudrait accepter toutes les confusions, même celles concernant l’Islam, à cause justement du terrorisme qu’il engendre.

    Jean Bonnevey (Metamag, 24 juillet, 2011)

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  • Guerriers et boutiquiers...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Romaric Sangars, animateur du Cercle Cosaque, publié initialement sur Causeur, le site de la revue d'Elisabeth Lévy. L'auteur distribue quelques beaux coups de sabre !...

     

    Mac donald.jpg

     

    Guerriers et boutiquiers

    Georges Kaplan concluait son dernier article en citant Bastiat : « si les marchandises ne traversent pas les frontières, les soldats le feront ». Cette allégation imbécile renferme un chantage implicite qui sous-entend : « si vous ne voulez pas jouer le jeu du grand marché mondial, on viendra mitrailler vos familles ». Voilà qui vous pose un pacifiste.

    On peut lui objecter que le chantage, la terreur sournoise et l’injonction autoritaire indirecte sont typiques du langage marchand. Les publicités omniprésentes nous disent en substance : « si vous n’achetez pas le dernier Smartphone, vous demeurerez une merde insignifiante ». Fort de ce constat, on vous propose la camelote dernier cri pour que vous puissiez consommer au nom de la sacrosainte « liberté ».

    Il est frappant d’observer que les apôtres de la déesse Marchandise produisent une rhétorique, des réflexes et des valeurs de pisseuse. Tout cela donne la nostalgie des confrontations franches d’autrefois. Il fut en effet un temps où la guerre était à la fois considérée comme la pire calamité possible et comme la mère de toutes les vertus. Quel paradoxe ! Mais toute vérité profonde n’est-elle pas paradoxale ?

    L’ethos consumériste ne déteste pas tant la guerre que les vertus militaires

    A contrario, la paix marchande qui, pour paraphraser Clausewitz, n’est que la guerre poursuivie par des moyens économiques, se révèle mère de tous les vices. Car la guerre économique en cours repose sur la capacité de chaque individu à se faire acheter. Cet éthos consumériste ne déteste pas tant la guerre classique, qui peut tout aussi bien interrompre les flux commerciaux qu’ouvrir de nouveaux marchés, que les vertus militaires : honneur, sacrifice de soi et fidélités supérieures. Ce triptyque de valeurs forge des types d’hommes peu maniables, sinon réfractaires à la marchandisation.

    Or, la marchandise n’a pas besoin d’hommes prêts à mourir – d’ailleurs, qui mourrait pour elle ?- mais de femelles prêtes à se coucher. Lorsque plus personne ne sera en mesure de prendre les armes pour défendre une souveraineté, donc une liberté concrète, lorsque tout aura été pris en charge par l’alliance du Droit et du Marché (1), la marchandise pourra pleinement étendre son empire.

    Ce jour-là, le Droit totalitaire aura triomphé, permettant la poursuite incessante de la guerre économique mondiale. Un Droit totalitaire dont Eva Joly aimerait exalter le triomphe par des « défilés citoyens » dont l’exemplarité morale désignerait fatalement tous ceux qui ne savent pas suffisamment « vivre-ensemble » et autres sociaux-traîtres présumés.

    Les conséquences monstrueuses de cette guerre économique étant indénombrables, ne mentionnons que ses ravages les plus visibles : inégalités comme aucune époque n’en a jamais connues, esclavage industriel dans des proportions inouïes, millions de déportés économiques qui migrent (il)légalement pour occuper des franges sinistrées des territoires autochtones avec le ressentiment et le désespoir des vaincus, colonisations culturelles nivelant par le bas la diversité des créations humaines et minant les plus anciennes et les plus hautes civilisations, etc.

    Quand les hommes ont des mentalités de pisseuses

    Avec désormais en ligne de mire la possible destruction de la planète elle-même, la marchandise poursuit sa course effrénée. Pour quelque idéal inatteignable brandi comme un étendard au-dessus du monde en souffrance ? Pour la gloire de quelque civilisation supérieure ? Pour le rayonnement d’un mot sacré ? Non, rien de tout cela.

    Ce processus qui s’autoalimente ne vise qu’à dorer les chiottes du yacht privé de quelque boutiquier milliardaire, ou autres joyeusetés frivoles.

    Alors, contrairement à la phrase imbécile de Bastiat prétendant nous préserver de grands maux grâce à un déversement massif de camelote, le 14 juillet, tandis que la circulation automobile avait en grande partie cessé et que le ciel se voyait fendu d’escadrilles, je pensais à la Justice, à la Paix et à l’Honneur de l’Homme.

    Je me disais que pour préserver ces mots trop grands et trop fragiles, il nous faudrait moins d’hommes aux mentalités de pisseuses. Moins d’individus convaincus d’exister le dernier Smartphone en poche et davantage d’hommes fiers, libres, intransigeants à la mentalité de soldats. Non pas davantage de soldats mais plus d’hommes capables, pour défendre un peuple et une liberté, de partir exploser en plein ciel aux commandes d’un Rafale.

    Romaric Sangars (Causeur, 20 juillet 2011)

    (1) Comme l’a brillamment démontré Jean-Claude Michéa.

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