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Points de vue - Page 389

  • Des clients du Système ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Jean-Paul Baquiast, animateur du site Europe solidaire, qui touche du doigt une vérité essentielle : les hommes politiques ne veulent pas abattre un système dont ils sont les clients...

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    Vive la banque d'affaire. Vive la fraude

    Les économistes et observateurs les moins portés à la critique du capitalisme affirment aujourd'hui avec une grande unanimité que le salut de celui-ci supposerait le démantèlement de la dictature du pouvoir financier qui parasite dorénavant à son profit l'ensemble des activités productives.

     Ceci devrait se traduire par une double série de réformes: ramener le système bancaire à son rôle premier de gestionnaire des épargnes et de financement des PME, interdire les activités spéculatives se déroulant dans le secret des paradis politiques et technologiques, qui permettent d'échapper aux contraintes fiscales et réglementaires.

    Les mesures à prendre en ce but sont très simples et pourraient être comprises par tous les citoyens. Elles dépendent avant tout de l'intervention des gouvernements et des administrations de contrôle. Faire confiance à la bonne volonté réformatrice du pouvoir financier serait un leurre.

    On pourrait donc penser que, à la veille d'élections générales, les candidats au pouvoir devraient en faire la priorité de leurs programmes. Toutes les autres réformes en découleraient. S'ils expliquaient aux électeurs la nécessité des décisions à prendre, ils auraient le soutien des peuples pour s'attaquer à la mise en oeuvre de ces réformes, malgré les résistances à prévoir. L'objection selon laquelle de telles réformes supposeraient un consensus international ne tient pas. Si personne ne commence, la dictature du pouvoir financier se poursuivra en s'amplifiant. S'en prendre à un tel pouvoir présente certes des risques majeurs, au plan national comme international, mais là encore il faut bien que quelqu'un donne l'exemple. On peut faire une comparaison. Si les manifestants syriens n'acceptaient pas de mettre leur vie en péril pour abattre le régime de Bachar al Hassad, celui-ci continuerait à les opprimer jusqu'à la fin des temps.

    Il est donc curieux de voir, dans le cas des débats entre candidats socialistes à la présidence de la République, qu'en dehors de Arnaud Montebourg (et encore), aucun d'eux n'a vraiment insisté sur la priorité à donner à la réforme du système bancaire et à la lutte contre les gangsters en col blanc que que le courageux journaliste Marc Roche a décrit dans son livre "Le capitalisme hors la loi" (Albin Michel 2011). Les électeurs ne suivraient pas, dira-t-on. Mais, nous venons de le voir, ils suivront d'autant moins que personne ne prendra la peine de leur expliquer les enjeux en cause, et le rôle qu'ils pourraient jouer en tant que citoyens et agents économiques.

    Les cyniques ou réalistes (dont nous ne sommes pas encore tout à fait) feront une autre hypothèse. Les partis de gauche, en France et en Europe, sont depuis des lustres des otages d'un Système qui finalement les nourrit en les pourrissant. Leurs candidats n'iront donc pas risquer de tuer la poule aux oeufs d'or. Les Français de gauche pourront se consoler en pensant que leurs homologues aux Etats-Unis avaient très vite compris que, derrière le Yes we can du sémillant Obama se trouvait et se trouve encore l'homme de confiance de Wall Street et de Warren Buffet.

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 19 septembre 2011)

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  • DSK Mea culpa TV !...

    Vous pouvez lire ci-dessous un bon billet d'humeur de l'avocat Gilbert Collard, cueilli sur Nations Presse.Info et consacré à l'affligeante opération de com' organisée sur TF1 par la journaliste (?) Claire Chazal au profit de son bon ami DSK...

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    DSK Mea culpa TV

    En France, on disait que tout finit par des chansons, même si c’était « le ça ira » ! Aujourd’hui, tout finit par des émissions de télévision, même si, un jour, çà n’ira plus du tout. Et voilà, comme au bon temps d’Anne Saint Clair, Claire Chazal, claire aussi, qui reçoit DSK au confessionnal cathodique, le seul vrai tribunal de notre temps temps. Il fallait bien que cette affaire de cul triste finisse par…une émission… Peu importe que la présentatrice soit une amie de l’épouse et que le rédacteur en chef la connaisse bien du temps impérial de sept sur sept… Les prises d’intérêts amicales n’ont pas d’intérêt pour les média, qui ne se privent pourtant pas de faire la leçon de morale.

    Et voilà la valse des sondages sans lesquels il n’est pas de rigueur apparente : 53 % des français souhaitent que DSK quitte la politique et 22 % qu’il annonce sa candidature ; 22 % ! On rêve. La presque majorité des français semble se foutre (excusez) de ce qui s’est passé dans la chambre des humiliations. Une belle explication à la télé est le tour est joué, la « réconciliation avec la France commence », comme dit un communiquant de DSK. Et Nafissatou aura-t-elle un droit de réponse ? Sera-t-elle l’invitée du salon où l’on cause d’elle, de sa vie, de son honneur ? Cette unilatéralité est intolérable ! Elle révèle le pouvoir absolu de sélection arbitraire de certains média sur les gens, les images, les paroles, les angles ; ici on invite DSK, pas la plaignante, là, on choisit les ahuris de service pour les interviewer, on traque les crânes rasés, quitte même à les tondre pour les exhiber, on guette le doigt dans le nez, l’instant de sieste, le lapsus, la grimace, la pose ridicule rentable. Jusqu’où ira-t-on dans la caricature médiatique qui réduit l’homme à une fraction de seconde immortalisée par des marchands de méchanceté. Ils se sont regardés ? Ils se sont vus, ces railleurs rémunérés au mois pour se payer la gueule de l’autre ?

     

    Mais, dimanche soir, tout était propre, précis comme l’écriture d’un scénario dit par deux acteurs rodés, robotisés dans les questions et les réponses, du petit cinéma télévisuel. On a eu le DSK vêtu de noir, en deuil de son destin, contrit, repentant, repenti, auteur d’une « faute morale dont on ne peut pas être fier », comme si l’on pouvait être, un jour, fier « d’une faute morale » ? Un DSK qui a confessé « une légèreté qu’il a perdu pour toujours. » Légèreté ? Quel mot léger pour une si lourde histoire. Un DSK qui s’accrochait au rapport du procureur qui n’a pas osé affronter un jury par crainte d’un échec. Ce qui n’est pas un non-lieu. Un DSK aux ambitions inhibées mais qui demeurent voraces. J’ai pensé, tout au long de l’interview, à la femme noire, immigrée, abandonnée, pauvre, traitée de menteuse, qui, quelle que soit la vérité que j’ignore toujours, n’était pas dans cette chambre pour son plaisir. A coup sûr ! Et puis, miracle, soudain, on passe de la chambre au coffre-fort monétaire, et là, l’homme redevient le technicien froid, capable de sauver la finance internationale. Il reprend sa place perdue à cause d’une intrigante illettrée qui en voulait à son fric. Je ne sais ce qu’en penseront les français, les sondages nous le dicteront, mais j’ai ressenti cette émission comme une chose indécente, vulgaire, où l’envie de pardon n’agissait pas. Je peux me tromper. Ce serait alors ma sensibilité qui me tromperait. En tout cas un mot aurait passionné un psychanalyste, un seul mot, lâché en fraude de l’inconscient dans une phrase, « en sus de dizaine de mensonges » En sus ! Sur l’écran noir de la vérité comment s’orthographie ce mot ?

    Gilbert Collard (Nations Presse.infos, 19 septembre 2011)

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  • Les faux calculs de l'ingérence...

    Nous reproduisons ci-dessous un article du géopolitologue Aymeric Chauprade, publié dans Valeurs actuelles et consacré à la "victoire" en Libye... 

     

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    Les faux calculs de l'ingérence

    Une nouvelle fois, l’incantation à la religion des droits de l’homme a fait pleuvoir les bombes de l’Otan. Comme toutes les guerres de l’“Empire” auxquelles la France apporte son tribut, l’intervention en Libye a été menée au nom du devoir humanitaire de protection des populations civiles. Tous les ingrédients classiques de la guerre d’ingérence rêvée par Kouchner et ses amis furent au rendez-vous ... : les don­neurs de leçons indignés (hier Glucks­mann, aujourd’hui BHL), le conte pour “enfants de la télé” qui fait fi de toute réalité géopolitique (“un peuple entier dressé contre son dictateur”, alors qu’il s’agit d’une guerre civile Cyrénaïque contre Tripo­litai­ne), l’absence d’esprit critique de la presse occidentale face à la propagande de l’Otan (diffusion de ­fausses scènes de liesse à Tripoli tournées au Qatar alors que les rebelles ne sont pas encore dans la capitale ; chronique de la cruauté du Guide), la contradiction permanente avec les principes affichés (quid de la chasse aux Noirs pratiquée par les rebelles et plus largement de l’épuration massive en cours contre les tribus restées fidèles à Kadhafi ?).

    Et la realpolitik dans tout cela ? Si, en effet, le masque de l’hypocrisie servait un but géopolitique tangible, nous pourrions parler de realpolitik et accepter celle-ci au nom de l’intérieur supérieur du pays. Mais, pour au moins trois raisons géopolitiques fondamentales, l’ingérence en Libye (comme le furent celles en Yougoslavie, en Afghanistan et en Côte d’Ivoire) est l’ennemie des intérêts géopolitiques français.

    La première raison est que l’opposition que nous soulevons n’est plus celle d’un tiers-monde impuissant. Le monde est devenu multipolaire ; les pays émergents n’ont qu’une envie, arracher à l’Occident ce masque humanitaire qui dissimule sa politique de terreur contre la souveraineté des peuples. Russes, Chinois, Indiens, Brésiliens, Sud-Africains : ces gens n’ont aucune illusion quant au but réel de guerres que leurs médias qualifient de néocoloniales et prédatrices (pétrole, gaz). En s’alignant sur les États-Unis, la France détruit son capital principal en politique étrangère : sa position d’équi­libre, qui était respectée et demandée. Le monde change aussi chez nous, en Europe. Avec un double “non” (Irak, Libye), l’Allemagne s’est écartée de la géopolitique états-unienne comme elle rompra demain avec le capitalisme financier anglo-saxon. C’est elle qui demain ajoutera à son prestige industriel international une position d’équilibre qu’elle nous aura ravie.

    La deuxième raison est que la chute de Kadhafi aggrave le chaos dans le Sahel. Le pillage des dépôts de l’armée libyenne dès le début de la guerre civile (comme en Irak en 2003), augmenté de nos parachutages d’armes et de munitions, transforme de fait le territoire libyen en une poudrière. Les tribus sont surarmées, à l’image des Touaregs pro-Kadhafi repliés vers leurs bases arrière nigériennes et maliennes et qui préparent déjà la revanche. Le Tchad ne sera pas épargné. Les trafics en tout genre (drogue, cigarettes, immigration), jusque-là endigués par les régimes autoritaires de Kadhafi et Ben Ali, vont exploser. Quant à nos “amis” rebelles, ce sont presque tous des islamistes radicaux ; les plus aguerris (les chefs) ont gagné leurs “lettres de noblesse” dans le djihad irakien… contre l’armée américaine (ce qui ne veut pas dire contre la CIA). L’assassinat, en juillet dernier, du ministre de l’Intérieur de Kadhafi rallié aux rebelles de l’Est ne s’explique que par la vengeance des islamistes contre leur ancien tortionnaire.

    En favorisant l’effondrement des régimes autori­taires qui formaient le dernier écran protecteur de l’Europe face à la misère africaine, nous avons libéré des énergies qui vont travailler au service de trois buts : davantage d’immigration vers l’Europe, davantage de trafics, davantage d’islamistes.

    Enfin, il existe une troisième raison pour laquelle un éventuel calcul stratégique français était par avance voué à l’échec. L’État libyen était déjà faible sous Kadhafi (lorsque les esprits seront apaisés, il faudra un jour mieux comprendre la nature du rapport entre le Guide de la révolution et son peuple), mais désormais et pour plusieurs années, il faudra parier sur l’absence quasi totale d’État libyen. Malheureusement, les Français, à la différence des Britanniques, n’excellent guère dans la manœuvre politico-économique (obtention des mar­chés) lorsqu’ils ne disposent pas de partenaire étatique clairement identifié. Les clés des marchés libyens se trouveront sans doute davantage au cœur des tribus que dans l’exécutif officiel. Si le président et son entourage voient dans les chefs rebelles auxquels ils ont déroulé le tapis rouge à l’Élysée l’incarnation de l’État libyen de demain, la désillusion risque d’être forte. Car il se pourrait bien que, cette fois, les Américains ne fassent pas l’erreur qu’ils ont faite en Irak en détruisant l’État baasiste et qu’ils cherchent au contraire à s’appuyer sur les anciens de Kadhafi plutôt que sur cette étrange “variété modérée de djihadistes démocrates” (!) dont l’entourage de Sarkozy nous vante les mérites.   

    Aymeric Chauprade, géopolitologue (Valeurs actuelles, 15 septembre 2011)

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  • L'agonie de l'Euro ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Jacques Sapir, cueilli sur le site de L'Observatoire de l'Europe et particulièrement pessimiste quant à l'avenir de l'Euro. Jacques Sapir a publié en début d'année, aux éditions du Seuil, un essai percutant intitulé La démondialisation, qui a permis d'ouvrir le débat sur la possiblité d'une autre politique économique...

     

    L’agonie de l’Euro

     

    L'agonie de l'Euro

    La crise de l’Euro est désormais entrée dans sa phase terminale, comme cela a été prévu à la fin de 2010. La crise actuelle est appelée à s’aggraver, rythmée par le défaut de la Grèce (octobre ou novembre), le déclenchement de la crise Espagnole et une crise bancaire généralisée dans les pays de la Zone Euro. Le temps de la crise s’impose désormais aux politiques. Les conditions de gouvernance de la zone Euro sont clairement inadaptées, mais les conditions de réformes de cette dernière sont incompatibles avec la temporalité de la crise. Nous sommes donc face à l’agonie de l’Euro.

     
     
    I - La crise de la zone Euro connaît depuis ces dernières semaines une accélération dramatique.
     
    Celle-ci apporte le démenti le plus cinglant aux attitudes de déni de réalité dans lesquelles les responsables français, de la majorité comme de l’opposition, se sont pour la plupart enfermés. Désormais nous sommes en présence de la situation suivante :
       
    1. La crise grecque a pris une tournure clairement incontrôlable.Un défaut de ce dernier pays ne peut plus être évité. Il peut seulement être retardé. Il peut survenir à partir du mois d’octobre 2011, même s’il est encore probable qu’il se produira entre novembre et décembre 2011. Ce défaut ne fait sens que si la Grèce sort de la zone Euro, ce qui pourrait survenir soit immédiatement soit dans un délai de 6 à 8 semaines après le défaut. Les conséquences sont alors les suivantes :
      1. La crise Grecque impose de fournir de 2012 à 2019 de 340 à 380 milliards d’Euros à ce pays, et ceci sans tenir compte d’une possible aggravation de son déficit et des besoins d’autres pays qui sont estimés à plus de 1000 milliards.
      2. Ce défaut est déjà clairement anticipé par les principales banques européennes. Mais le processus de transmission des « mauvaises dettes » à la BCE est loin d’être achevé.
      3. L’Allemagne a d’une certaine manière déjà « acté » de la sortie de l’Euro par la Grèce comme le montre le plan de soutien pour ses propres banques.
      4. Il est clair désormais que dans un certain nombre d’établissements bancaires européens on se prépare à la fin de la zone Euro. Les positions qui seront prises dans les jours qui suivent pourraient avoir des effets cumulatifs.
    2. Avec le défaut et avant la sortie de la Grèce de la zone Euro, la spéculation se déchaînera contre le Portugal, l’Irlande, l’Espagne et l’Italie (et peut-être la Belgique). Elle se combinera avec une crise sociale grave en Espagne liée à l’interruption des allocations chômage pour une partie des chômeurs arrivant en fin de droit. Cette crise obligera l’Espagne à demander l’aide du Fond Européen de Stabilisation Financière (FESF) pour des montants excédant largement ce qui est pour l’instant prévu.
      1. Hors la Grèce, les besoins à court terme (2014) peuvent être estimés à 90 milliards pour le Portugal, 50 milliards pour l’Irlande, de 250 à 300 milliards pour l’Espagne. C’est donc un total de 390 à 440 milliards d’Euros qu’il faudra fournir pour les pays déjà en difficulté.
      2. Ce calcul laisse dans l’ombre le fait qu’avec l’aggravation de la spéculation, l’Italie et la Belgique devraient dès le début de 2012 demander une aide supplémentaire.
      3. Par ailleurs le rythme de la crise en Espagne est aujourd’hui imprévisible. Si une accélération se produit, les sommes nécessaires augmenteront en conséquences.
    3. La combinaison de (1) et (2) a déjà été partiellement anticipée par les marchés depuis début août et a entraîné une chute dramatique et spectaculaire de la capitalisation des banques européennes. La chute de la capitalisation des banques européennes aura des conséquences importantes à court terme :
      1. La nécessité d’une recapitalisation de ces banques va se faire jour à très court terme. Elle sera massivement impopulaire dans tous les pays en raison du précédent de 2008.
      2. La crise mettra en évidence le caractère largement factice des « stress-tests » conduits au printemps dernier et qui excluait tout défaut sur la dette souveraine d’un État membre. Les sommes nécessaires, en dépit des dénégations des ministres, pourraient bien être supérieures à 200 milliards d’Euros.
      3. En France, il faut s’attendre à une dégradation de la note des banques qui précèdera celle de l’Etat.
      4. Le risque d’un run bancaire ne peut plus être totalement écarté. Il pourrait nécessiter une nationalisation de l’ensemble du secteur bancaire.
    4. On assiste désormais à un phénomène de fatigue de l’Euro, qui se caractérise par :
      1. Une incapacité des gouvernements à trouver des solutions qui soient à la fois communes et efficaces.
      2. Un sentiment qui gagne l’opinion et les gouvernants, en dépit du déni de réalité qui prévaut encore, comme quoi la bataille est perdue.
      3. Une opposition croissante entre les pays de la zone Euro sur les solutions tant présentes que futures.
     
     
    II - Cette situation va conduire à un enchaînement rapide dans les mois qui viennent, enchaînement qui va rendre obsolète un bon nombre de positions politiques.
     
    Le véritable défi qui est posé à la classe politique consiste à être capable d’anticiper les événements et de réagir en conséquence.
     
    1. L’Euro, dans sa forme actuelle est condamnée. Les moyens évoqués pour stabiliser puis résorber les déséquilibres tant conjoncturels (comme la hausse rapide du poids des dettes souveraines) que structurels (le déficit de croissance avec le reste du monde développé, le phénomène d’euro-divergence entre les pays) sont aujourd’hui soit insuffisants soit politiquement impossibles.
      1. Les Eurobonds. Cette idée est désormais dépassée. L’émission de titres de dettes englobant les pays à risques et les pays réputés « sains » aurait un taux d’intérêt prohibitif.
      2. La monétisation des dettes. Une monétisation des dettes pourrait être faite par la BCE directement en faveur des États et non comme aujourd’hui en rachetant aux banques des titres publics. Mais un certain nombre de pays de la zone Euro s’y opposent.
      3. Une stabilisation volontariste de la dette. Outre qu’elle semble largement impossible dans de nombreux pays, si cette politique était appliquée, elle plongerait la zone Euro dans une profonde dépression que recréerait de la dette par disparition des ressources fiscales.
    2. La poursuite de la politique actuelle tentant de sauver l’Euro va provoquer d’ici quelques mois une grave crise dans les relations franco-allemandes. L’opposition entre les deux pays est désormais systématique. La Chancelière, Mme Merkel, est aujourd’hui politiquement affaiblie et ne peut, sans se suicider électoralement, faire accepter à l’Allemagne l’ampleur de la contribution nécessaire. Cette dernière est estimée à 2% du PIB par an pendant 7 ans en transferts fiscaux et 4% du PIB par an et sur la même période en charge d’emprunts supplémentaires. Il faut donc décider aujourd’hui ce qui est le principal, la « survie » de l’Euro au prix d’un affrontement permanent entre les deux pays, qui risque in fine de compromettre son objectif, ou de bonnes relations entre les deux pays.
    3. Les conséquences sur la France de cette politique risquent d’être dramatiques.Non seulement la contribution que notre pays devra verser, directement ou indirectement, sera lourde, mais les conséquences combinées sur la croissance d’une politique d’austérité draconienne et d’un taux de change surévalué nous condamneront à une longue période de récession et à une accélération du processus de désindustrialisation que nous connaissons déjà.
    4. L’Euro importe moins que le principe de coordination monétaire.Plus que l’Euro, c’est le principe d’une coordination des politiques monétaires qu’il faut sauver. Si des dévaluations sont inévitables, il faut les accepter mais faire en sorte qu’elles ne sortent pas d’un cadre pré-établi. Pour cela, il importe de limiter les espaces de spéculations en contrôlant les mouvements de capitaux et en interdisant un certain nombre d’opérations sur les marchés. Ces mesures auraient du être prises dès le début de la crise en 2008. Il faut tirer les leçons de pourquoi il n’en fut rien et comprendre qu’une gouvernance active n’est pas possible avec un grand nombre de pays. C’est pourquoi il faut accepter de passer du principe de coopération (dont le meilleur exemple est la monnaie unique) au principe de coordination et à terme soit faire évoluer l’Euro, soit le recréer comme une monnaie commune.
     
    L’agonie de l’Euro peut durer de six à dix-huit mois.
    Ses conséquences politiques peuvent être dramatiques tant à l’intérieur de chaque pays (et des élections sont prévues dans de nombreux de ces derniers en 2012 et 2013) qu’au sein de l’Europe.
    Dans la situation actuelle, la meilleure des solutions consisterait en une dissolution de la zone qui permettrait de mettre en avant immédiatement les institutions nécessaires à une transition ordonnée. À défaut d’une telle solution, il convient de se prémunir contre les effets les plus néfastes de cette agonie en prenant les mesures unilatérales de sauvegarde qui ont été détaillées dans des documents ultérieurs et, le cas échéant, en sortant de l’Euro.
     
    Jacques Sapir (Observatoire de l'Europe, lundi 12 Septembre 2011)
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  • Sauver la Grèce ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, publié sur son blog, Regards sur le renversement du monde,  consacré à la Grèce... Faut-il laisser choir ce pays ? le soutenir ?... Une chose est certaine, comme le souligne au final l'auteur, il y a un choix politique à faire : il faut décider ! On recherche d'urgence des hommes (ou des femmes) d'Etat...

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    Grèce

    Sauver la Grèce ou sauver l’Europe ?…

    Vous venez de payer 500 euros pour les Grecs !…

    Pas du tout, c’est 15 milliards d’euro que la France donne aux Grecs – soit la quasi-totalité de l’augmentation d’impôts et de taxes votée le 8 septembre dernier….

    … puisque moins d’un ménage sur deux paie l’impôt, c’est juste 1.000 euros que chaque ménage imposé vient de donner aux Grecs !

    … et d’ailleurs, les avoirs de Grecs en Suisse s’élèveraient à 200 milliards d’euro, soit exactement le montant des aides ( fons structurels, etc.) versés par l’Union à la Grèce depuis vingt ans !

    … les chiffres courent, vérifiables ou non, l’opinion s’agite, la défiance monte.

    Pourquoi ne pas dire la vérité sur les chiffres, sur les scénarios, et pourquoi refuser que les Français, et les Européens avec eux, en débattent ?

    Les montants qui circulent représentent, ou veulent représenter, la contribution des Français aux prêts ( sous un nom ou sous un autre ) que l’Union européenne accorde à la Grèce. Un prêt se rembourse, il rapporte un intérêt, et cet intérêt peut être profitable au créancier ; contrairement à ce qui est généralement dit ou sous-entendu, les prêts accordés aux banques françaises lors du gel du marché interbancaire de 2008 ont été remboursés, la plupart de manière anticipée, avec des vrais euros, et ont rapporté de l’argent à l’Etat !

    La question semble évidente ; la Grèce va-t-elle rembourser

    J’ai récemment fait part de ma conviction ; non. Non sans nouveaux prêts, non sans nouvelles aides, et pour parler clair, non sans nouveaux dons. Il n’existe aucune chance que même une austérité appliquée, des impôts recouvrés et une croissance robuste permettent à la Grèce de rembourser plus de… 20 % ou 30 % de sa dette – risquons un chiffre. Et j’ai aussi écrit que les Grecs n’avaient rien fait pour mériter ces aides et notre solidarité. Que les Grecs commencent par s’aider eux-mêmes, c’est-à-dire lever l’impôt, reconstruire une économie, bâtir une Nation, et on verra.

    Le seul problème est la Grèce pourrait bien sauver l’Europe ! Tout simplement parce que si la Grèce, faute de soutien fait défaut, chacun sait déjà que les acteurs du marché en tireront pour première conséquence que l’Italie aussi, que l’Espagne aussi, et pourquoi pas la France aussi, vont faire défaut, ou peuvent faire défaut, et vont engager toutes leurs forces pour que l’un après l’autre les mâillons de la chaîne sautent. Le scénario est écrit, et il suffit de regarder le marché des CDS pour constater qu’il se met en place. Et c’est un scénario… à combien de milliards de dollars la prime pour ceux qui auront abattu l’euro ?

    C’est un argument du soutien inconditionnel et illimité à la Grèce qui se résume ainsi ; il ne sera jamais trop coûteux d’aider un pays qui représente moins de 2 % de l’Union, si le défaut de la Grèce entraînait une menace de défaut, donc un besoin d’aide inconditionnel, sur des pays qui représentent 8 %, 10 %, 15 % de l’Union !

    Entre la décision par la morale et la décision par l’intérêt bien compris, le débat n’est pas, ne peut pas être technique. La question est simple ; est-ce à la BCE, est-ce au Conseil des Ministres, est-ce aux Européens de trancher ?

    Le dossier n’est pas si complexe qu’il ne puisse être partagé, expliqué, mis en débat. Et le débat n’est pas si obscur qu’il ne puisse faire l’objet d’un choix des Européens. Nous en sommes au point où les décisions techniques, dans l’obscurité des cabinets ou des institutions, de toute façon manqueront leur objet parce que la volonté collective ne les porte pas, parce que le projet européen n’y est pas, ce projet qui sera celui des peuples d’Europe ou ne sera pas.

    De toute manière, l’Union européenne n’échappera pas au débat populaire quand elle comprendra que pour se construire, elle doit d’abord se séparer de ce qui n’est pas elle. La question de la frontière, de la séparation et du lien, avec la Turquie comme avec Israël, avec le Maghreb comme avec l’Afrique subsaharienne, avec la Russie comme avec l’île britannique, est de celles qui ne s’évitent pas. Elle n’évitera pas non plus le débat sur l’unité interne entre ceux qui en sont, et l’écart avec ceux qui n’en sont pas. Le cadeau de la Grèce à l’Europe pourrait bien être de rapprocher l’échéance d’un débat dont seuls les peuples d’Europe diront le dernier mot. Comme savent le dire les (bons ) conseillers en gestion à leurs clients: « votre choix sera le meilleur, puisque c’est le vôtre. Il n’en est pas de pire que de ne pas choisir».

    Hervé Juvin (Regards sur le renversement du monde, 12 septembre)

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  • Du déni des réalités...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Marc Rousset cueilli sur le site Europe Maxima. Marc Rousset, qui a mené une carrière de cadre dirigeant dans de grandes entreprises françaises, a publié en 2009, aux éditions Godefroy de Bouillon, un essai intitulé La nouvelle Europe - Paris-Berlin-Moscou

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    Le déni des réalités, la clef du mystère de notre décadence

     

     

    Le déni des réalités par nos sociétés sous l’emprise des médias politiquement corrects et des politiciens pratiquant l’art de plaire et du  mensonge avec pour seule fin d’être réélus, est l’explication principale de notre décadence.

    Le libre échange mondialiste comme l’a très bien démontré Maurice Allais n’est rien d’autre que le suicide économique des pays occidentaux, l’Allemagne, au-delà des apparences, ne devant être que le dernier pays à connaître à son tour ce sort peu enviable. Alors que le discours dominant du journalisme proclame depuis trois décennies que le protectionnisme européen est le mal absolu, les travaux de Paul Bairoch à Genève et de nombreuses universités américaines (industrialisation de l’Asie, Tariff Growth factories…) aboutissent à un résultat inverse. Quant à la théorie de Ricardo, elle ne vaut que dans un monde stable et figé du XVIIIe siècle faisant abstraction des mouvements internationaux de capitaux de notre monde actuel, des taux de change qui peuvent varier de 50 % et de la mise en œuvre  des technologies de pointe dans les pays à bas salaire. La désindustrialisation et le chômage structurel tant aux États-Unis (17 % au-delà du taux officiel de 9,1 %) qu’en Europe témoignent enfin du déni des conséquences catastrophiques pour les peuples du libre échangisme mondialiste qui ne fait que le bonheur des sociétés multinationales. Enfin, le symbole même de la ligne Maginot qui a parfaitement joué son rôle est un déni historique des réalités; par là même on instille dans nos esprits l’idée fausse qu’il est inutile de réagir et de songer à se défendre ! La seule erreur en 39-40 a pourtant été de ne pas continuer la ligne Maginot jusqu’à Dunkerque et de ne pas avoir de divisions mécanisées blindées. Les Allemands avaient la ligne Siegfried qui elle aussi a magnifiquement fonctionné et coûté de nombreuses vies aux Alliés fin 1944 – début 1945 !

    De même nos élites nient les réalités de la disparition programmée  de la langue française qu’ils trahissent, comme Valérie Pécresse  et tant d’autres, du matin jusqu’au soir, d’une façon éhontée. Selon Claude Hagège du Collège de France, « avant un demi-siècle, les langues autres que l’anglais auront disparu en Europe ou, alors, se seront provincialisées ». Les réalités, c’est le stupide accord de Londres signé sous la présidence de Nicolas Sarkozy qui fait de l’anglo-américain la langue des brevets de l’Europe. Les réalités, c’est qu’en 1945, 95 % des jeunes Italiens étudiaient le français; ils représentent moins de 30 % aujourd’hui et le français n’est même plus enseigné comme première langue en Italie ! La réalité, c’est que la langue française est envahie par les armées du sabir anglo-américain qui la ravagent comme les armées anglaises ravageaient la France pendant la Guerre de Cent Ans et que, si rien ne change, l’on se dirige à terme vers une nouvelle Louisiane !

    Il m’a fallu attendre un grand nombre de printemps pour apprendre que, contrairement à tout ce que j’ai pu voir depuis que je suis sur cette Terre, selon la théorie du « gender », autre énormité qui nous arrive directement des États-Unis, la masculinité et la féminité ne seraient pas déterminées par le sexe de la personne, mais par la culture : bref, on ne naîtrait pas homme ou femme, mais on le deviendrait ! Cette folle théorie heurte le sens commun le plus élémentaire et son grand ennemi est la nature, la loi naturelle que l’on veut  bizarrement nier tant il est facile de jongler et de dire n’importe quoi dans le monde virtuel  des idées…

    Que l’on songe également aux cocoricos démographiques français, soi-disant champions d’Europe de la natalité qui nient la réalité, à savoir la perte du caractère blanc et européen du peuple de France avec un taux de fécondité des femmes européennes de 1,7 enfants par femme, soit moins que le taux de reproduction d’une population à l’identique qui doit être de 2,1, tandis que l’invasion en cours continue avec un taux de natalité des populations immigrées d’origine extra-européenne de 3,4. Les médias en ne publiant que des chiffres globaux, nient les catastrophiques réalités démographiques.

    En matière d’immigration, les bien-pensants à l’humanisme exacerbé, comme le remarque Jean Raspail, déclinent à l’infini les valeurs républicaines oublieux que la France est une « patrie charnelle » qui existait déjà bien avant 1789, avec des frontières; ils  n’arpentent pas assez souvent les couloirs parisiens du métro ou du R.E.R. pour constater l’invasion en cours ! La réalité, c’est que les naissances d’origine extra-européennes représentent 17 % des naissances aujourd’hui et qu’elles atteindront 30 % en 2030 et 50 % en 2050, si rien ne change ! La réalité, c’est que la France compte plus de 550 000 immigrés en situation irrégulière dont le coût annuel est de 4,6 milliards d’euros tandis que le coût global des 7,8 millions d’immigrés légaux et illégaux est de 35 milliards d’euros par an ! Il y a là des premières économies bien réelles à faire, quitte à donner l’ordre de tirer pour défendre nos frontières ou rétablir l’ordre dans nos banlieues criminelles, comme l’auraient fait tout naturellement et sans états d’âmes nos pères depuis la nuit des temps, après sommation !

    La crise de l’endettement public et de l’euro fait penser à ce qu’a connu l’Argentine. Tout allait très bien dans ce pays jusqu’à ce que l’on reconnaisse subitement que c’est la faillite généralisée. L’ancien ministre des Finances d’Argentine, Robert Lavagna, lors d’une rencontre début juillet 2011 à Aix-en-Provence, qui était aux manettes  peu après que son pays ait répudié sa dette souveraine en 2001 – 2002 a pu dire : « Il y a d’abord un refus de la réalité. Puis un retard à reconnaître la crise au fur et à mesure que les déséquilibres s’accroissent : on continue de dire qu’il s’agit d’un problème de liquidités alors que le pays n’est plus solvable ni compétitif ». La réalité, c’est que l’Europe traverse une crise profonde car elle gère ses finances en s’inspirant des idées socialistes irresponsables de Madame Aubry (surnombre de fonctionnaires, 35 h., âge de la retraite, endettement inconscient et sans fin pour relancer la consommation au lieu de consacrer, comme l’Allemagne, ces mêmes ressources pour muscler, créer et développer l’offre, c’est-à-dire investir dans les entreprises !). La réalité, c’est que la France présente des comptes en déficit depuis trente ans quelle que soit la conjoncture économique, qu’elle croule sous 1600 milliards d’euros de dettes et qu’avec des taux d’intérêts aujourd’hui très faibles, elle consacre déjà 50 milliards au paiement de ses seuls intérêts, soit davantage qu’au budget de fonctionnement de l’Éducation nationale ! Merci Monsieur Mitterrand, Merci Monsieur Chirac, sans oublier notre Président actuel légèrement moins irresponsable sur le seul plan économique ! Quant à la Grèce, on a réussi à faire passer pour solvable un pays techniquement en faillite. L’U.E., Messieurs Sarkozy, Trichet, Strauss-Kahn, toutes les banques françaises et allemandes, et la béni oui-oui Madame Lagarde avec sa brillante carrière consistant à plaire dans l’air du temps anglo-saxon, insistaient pour sauver un pays ruiné, avec un déficit budgétaire qui représente 10 % du P.I.B. et une dette de 350 milliards qui dépasse de 150 % la richesse produite en un an ! Telle la Cigale de La Fontaine, après avoir chanté pendant plus de trente ans, voilà venu le temps pour les Européens (tout comme pour les Américains) de rembourser les dettes abyssales bien réelles. Et lorsque les agences de notation font enfin leur travail, en décrivant les tristes réalités, les mêmes bien-pensants hypocrites qui leur avaient reproché de ne pas avoir dévoilé l’escroquerie des « subprimes » crient au scandale en souhaitant casser ce thermomètre inflexible, froid et accusateur qui leur fait si peur ! L’Allemagne, elle est revenue aux quarante heures, va faire passer l’âge de la retraite à 67 ans et a des charges salariales pour ses fonctionnaires qui représentent 7,2 % du P.I.B. contre plus de 13 % du P.I.B. pour la France ! Redresser la France et les comptes français n’est donc pas compliqué; il suffit d’avoir l’estomac et la volonté  d’un de Gaulle : combattre effectivement l’immigration extra-européenne  avec une immigration zéro, la politique du retour et une aide nataliste pour les seules familles européennes, passer aux quarante heures, revenir à l’âge de la retraite à 65 ans de l’avant-catastrophe mitterrandiste, diminuer le nombre des fonctionnaires d’une façon drastique pour gagner 6 % du P.I.B., augmenter le budget de la défense à 3 %du P.I.B., faire preuve d’autorité et demander aux jeunes lycéens irresponsables, endoctrinés qui manifestent pour la retraite à 60 ans de revenir à leurs chères études, ce dont ils ont bien besoin, vu le niveau actuel du baccalauréat… Et, sans même parler de l’Allemagne, voyons comment la Suède et le Canada ont réalisé leur spectaculaire redressement en s’attaquant en particulier à l’inefficacité de la fonction publique, exit donc les énarques carriéristes, technocrates prétentieux, ne songeant qu’à pantoufler dans le privé, avides de privilèges cachés par les nuages de fumées protectrices du service public, aux beaux discours lénifiants, mais irréalistes et incapables depuis la création de l’E.N.A. en 1945 de  mettre en place des structures administratives légères, compétitives et efficaces.

    En matière de défense, au-delà des rodomontades sarkoziennes, la réalité , c’est que la France, avec un effort insuffisant de 1,5 % du P.I.B. (5,1 % sous le général de Gaulle), des régiments qui fondent comme neige au soleil, et des équipements militaires prototypes, devient une puissance militaire de second ordre, un valet de l’O.T.A.N. ! La réalité, suite à l’intervention en Libye, c’est que l’amiral Pierre Forissier, chef de la marine, a insisté publiquement le 10 juin 2011 sur les contraintes de « régénération » des équipements et des hommes. Elles feront que si l’opération libyenne dure jusqu’à la fin de 2011, il faudra se passer de l’unique porte-avions français en 2012. Il est en effet du devoir d’un chef militaire de dire les choses telles qu’elles sont quand il y va du maintien des capacités opérationnelles dans la durée et de la vie des hommes et des femmes qui sont sous ses ordres. Quant à la défense européenne qui devait être la contrepartie de la réintégration de la France dans l’O.T.A.N., la réalité, c’est que le président Nicolas Sarkozy, après son passage en force devant le Parlement pour faire avaler la pilule, nous a illusionné une fois de plus, que le sujet est enterré, suite à l’éternelle opposition britannique, et  que la cellule de planification opérationnelle du Q.G. européen à Cotenbergh dans les environs de Bruxelles qui comprend en tout et pour tout huit personnes, n’a jamais été utilisée, même pour l’intervention au Tchad !

    En ce qui concerne la folie droit-de-l’hommiste propre à notre époque, en opposition totale avec l’histoire vécue  depuis  qu’il y a des hommes sur terre, nous citerons seulement le très réaliste Joseph de  Maistre : « J’ai vu dans ma vie des Français, des Italiens, des Russes. Je sais même grâce à Montesquieu qu’on peut être persan; mais quant à l’homme, je déclare ne l’avoir rencontré de ma vie; s’il existe, c’est bien à mon insu (1) ».

    Nous vivons donc la folie de l’« Irrealpolitik » avec les pertes des valeurs de la  famille, de la  patrie, de l’effort, du dépassement de soi, du travail, de l’autorité, du devoir, bref tout ce qui a fait la grandeur de la France depuis les débuts de son histoire jusqu’à la perte de son Empire ! À ce déni des réalités salvatrices des valeurs traditionnelles et des faits, ont succédé l’individualisme, l’hédonisme matérialiste, l’irresponsabilité, la repentance, le droit-de-l’hommisme, les envolées lyriques humanistes, style Bernard-Henri Lévy, qui nous conduisent à la décadence. Les Européens occultent délibérément les réalités ethniques, géographiques, identitaires, démographiques, économiques, historiques, considérées comme des résidus du passé. De Gaulle parlait de « la lampe merveilleuse qu’il suffirait de frotter pour voler au dessus du réel ». Cioran, lui, au-delà du déni des réalités, dans deux ouvrages écrits en 1956 et 1964, avec des sentiments prémonitoires, nous aide à mieux réaliser le malaise existentiel de l’Européen : « Pauvre Occidental ! La civilisation, son œuvre, sa folie, lui apparaît comme un châtiment qu’il s’est infligé et qu’il voudrait à son tour faire subir à ceux qui y ont échappé jusqu’ici (2) ». « Les traces du barbare qu’il fut, on les chercherait en vain : tous ses instincts sont jugulés par sa décence. Au lieu de le fouetter, d’encourager ses folies, ses philosophes l’ont poussé vers l’impasse du bonheur (3). » « Nous nous illusionnons  à propos de l’idéal du bien vivre qui n’est que la manie des époques déclinantes (4). »

    Marc Rousset

     

    Notes

    1 : Joseph de Maistre, Considérations sur la France, 1797.

    2 : Émile-Michel Cioran, La Chute dans le temps, Gallimard, 1964, p. 36.

    3 : Émile-Michel Cioran, La Tentation d’exister, Gallimard, 1956, p. 30.

    4 : Idem, p. 27.

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