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Points de vue - Page 389

  • Trop, c'est trop ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Michel Geoffroy, cueilli sur le site de Polémia et consacré au ras-le-bol des classes moyennes et populaires françaises...

     

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    Trop, c'est trop : vers une révolte des Français de souche ?


    1) Trop d’immigrés qui ne manifestent aucune volonté de « s’intégrer » et de devenir de vrais Français par la civilisation et la culture ; trop d’immigrés qui cultivent leurs particularismes d’une façon ostentatoire, et qui affirment de plus en plus leur religion – l’islam – dans l’espace public, au mépris de la laïcité et avec la lâche complicité des pouvoirs publics ; trop d’Africains qui se constituent en communautés.

    2) Trop de culpabilisation et de repentance à l’encontre des seuls Européens et des seuls Français de sang et de souche ; trop de mépris de la nation française et de son histoire ; trop de parti pris en faveur de nombreux allogènes, dont il est interdit de critiquer le comportement même délictueux, sous peine de « racisme » ; trop de discrimination à l’encontre des Français de souche.

    3) Trop d’insécurité pour les honnêtes gens, trop de bienveillance pour les criminels et délinquants récidivistes ; trop de délinquants d’origine immigrée ; trop de « zones de non-droit » ; trop de corruption dans la classe politique ; trop de police, trop de radars et trop de juges mais pas assez de sécurité et de moins en moins de liberté pour le citoyen.

    4) Trop de politiquement correct ; trop de répression de la liberté de parole, trop de propagande et de travestissement de la réalité dans les médias ; trop de publicité cynique et agressive ; trop d’américanisation de la culture.

    5) Trop de déni de démocratie ; trop de « minorités » bruyantes, trop de « communautés », trop « d’autorités morales », trop de lobbies qui prétendent imposer leurs préjugés et leurs seuls intérêts à la majorité des Français ; trop de mépris du peuple français de la part de l’oligarchie politico-médiatique ; trop de promesses non tenues par les politiques, qu’ils soient de gauche comme de droite.

    6) Trop de violences et de dégradations à l’école ; trop de maîtres qui capitulent devant les élèves et devant leurs parents ; trop de laxisme éducatif et universitaire ; trop de diplômes qui ne valent plus rien sur le marché du travail.

    7) Trop de chômage, trop de petits boulots, trop de contrats à durée déterminée, trop de délocalisations, trop de désindustrialisation ; trop d’inégalités sociales, trop de profits pour les uns, trop d’insécurité économique pour les autres ; trop de difficultés à se loger lorsqu’on est jeune ; trop d’impôts et de taxes pesant sur les classes moyennes et populaires.

    8) Trop de « réformes » inutiles qui ne s’attaquent pas aux vraies questions qui préoccupent les Français ; trop de services publics « reformés » mais qui ne fonctionnent plus ; trop de fonctionnaires découragés ; trop de fermetures de services publics de proximité.

    9) Trop d’inquiétudes sur l’avenir : trop de dépenses sociales que les actifs ne peuvent plus financer, trop de menaces sur les économies et les retraites ; trop de dettes publiques et privées.

    10) Trop de diabolisation des Français qui respectent les lois, qui demandent que cesse cette situation qui les révolte, qui ne sont ni « racistes », ni « fascistes », ni « d’extrême droite » mais qui veulent enfin être entendus de la classe politique et voir leur opinion représentée dans les médias.

    Michel Geoffroy
    04/10/2011

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  • Je ne veux pas mourir Chinois !...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de l'écrivain italien Antonio Scurati paru dans le quotidien La Stampa et publié sur le site Presseurop. Antonio Scurati est romancier et essayiste. Deux de ses livres ont été traduits en français Le survivant (Flammarion, 2008) et L'enfant qui rêvait de la fin du monde (Flammarion, 2011).

     

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    "Je ne veux pas mourir Chinois"

    Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais, en ce qui me concerne, je n’ai aucune envie de mourir chinois. Pourtant, au train où vont les choses, c’est hautement probable.

    A la mi-septembre, juste au moment où le Sud de l’Europe se précipitait vers le désastre, au cours du congrès annuel du World Economic Forum – qui depuis 2007 se tient (est-ce un hasard ?) en Chine et porte cette année le titre de  "New Champions 2011" – le premier ministre Wen Jiabao annonçait que son pays allait investir de plus en plus sur le "vieux" continent.

    Sauveurs ou envahisseurs ?

    Avec un sens de l’opportunité assez terrifiant, des voix insistantes avaient circulé les jours précédents sur des intentions d’acquisitions massives par les Chinois de bons du Trésor italien, corroborées par le voyage à Rome du président de la China Investment Corp, un des fonds d’investissements les plus riches du monde, venu discuter de l’achat de parts consistentes dans des entreprises stratégiques de notre économie nationale. Depuis lors, il ne se passe pas un seul jour sans que nous ne nous demandions tous si les Chinois sont en train de nous sauver ou de nous envahir.

    Dans mon cas personnel, la demande est on ne peut plus inquiétante, car le hasard a voulu que mon dernier roman – La seconda mezzanotte  [ “Le Second minuit”- ou “La seconde moitié de la nuit”, éditions Bompiani] –  soit sorti par pur hasard le 14 septembre, le jour précisément où les agences de presse battaient le tambour après les annonces de Wen Jiabao.

    J’y ai imaginé qu’en 2092 l’Italie serait devenue un pays satellite de la Chine après lui avoir cédé la totalité de sa dette extérieure et que Venise, à la suite d’une terrible inondation, aurait été achetée par une entreprise transnationale de Pékin. Refondée avec le statut de Zone Politiquement Autonome, son nouveau destin serait dés lors celui d’un parc d’attractions voué au luxe et aux vices effrénés des nouveaux riches orientaux. A cette question inquiétante, je ne peux donc qu’apporter une réponse tout aussi inquiétante.  

    Conflit de civilisation

    Catastrophismes littéraires mis à part, il me semble tout à fait évident que l’avènement d’une souveraineté politico-financière chinoise sur notre vieux continent précipiterait le déclin de la civilisation européenne telle que nous l’avons connue, rêvée et aimée (ne serait-ce que dans nos visions idéales). Je crains que ce ne soit une grave menace pour les fondements culturels de la civilisation occidentale européenne moderne : souveraineté politique du peuple, liberté de pensée et d’expression, droits des travailleurs et du citoyen, autonomie de chacun, solidarité entre les individus réunis en société, valeur de la personne, sécurité alimentaire, respect du caractère sacré de la vie.

    Oui, je crains tout cela, pas seulement parce que j’ai encore devant les yeux ce jeune homme qui, place Tien An Men, avait affronté un tank, armé seulement de ses deux sacs de courses (n’oublions pas que le jeune homme était, lui aussi, Chinois), ou parce que je prévoit un conflit de civilisation entre l’Europe et la Chine, mais parce que je suis effrayé par la dérive d’un capitalisme financier dont les fonds souverains chinois représentent aujourd’hui le fer de lance, par un usage du capitalisme conçu pour financer le travail et l’entreprise mais qui a fini par les enterrer.

    Si dans un avenir proche la politique ne parvenait pas à refaire en sens inverse le chemin qui l’a conduite de la souveraineté à l’obscénité, le risque serait effectivement que dans un avenir pas si lointain un gigantesque conflit se déchaîne entre les intérêts spéculatifs de la finance apatride – –  et qu’elle soit chinoise, américaine ou de chez nous importe peu –  et les besoins, les attentes légitimes, les espoirs de chacun d’entre nous.

    Antonio Scurati (La Stampa, 6 octobre 2011)

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  • Maternelle, ton univers impitoyable !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Natacha Polony, publié sur son blog Eloge de la transmission et consacré à l'instauration d'une évaluation en classe de grande section de maternelle. Une mesure qui ne fait qu'illustrer la crise de notre système éducatif dans sa globalité...

     

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    Maternelle, ton univers impitoyable

    Le monde éducatif est en ébullition. Une fois de plus, sont convoquées les « heures les plus sombres de notre histoire », le « fichage » et le « tri », la « stigmatisation ». Le ton est dramatique, les fronts sont plissés, les voix altérées par l’émotion. D’autant plus qu’il s’agit cette fois d’enfants de maternelle. Ce que nous avons de plus cher. L’innocence même.

    Quel est donc ce texte ministériel porteur de noirs desseins ? Le protocole qui met en émoi syndicats et fédérations de parents fut présenté jeudi matin par la direction de l’enseignement scolaire à des inspecteurs de l’Education Nationale. Il préconise des évaluations pour les élèves de grande section de maternelle. Des évaluations destinées à repérer les élèves « à risque » ou « à haut risque » dans quatre domaines, comportement (joue-t-il avec les autres, exécute-t-il le travail prescrit … ?), langage (prononce-t-il correctement, sait-il construire des phrases complexes… ?), motricité (sait-il découper des formes… ?) et conscience phonologique (sait-il distinguer les sons, a-t-il conscience de la structuration de la langue en phonèmes ?). Bref, tout ce qui détermine la capacité de l’enfant à devenir un élève de CP, apprendre à lire et écrire, à se concentrer… L’idée est de repérer dès le mois de novembre les enfants en difficulté, pour utiliser les heures d’aide personnalisée afin de combler leur lacunes et de remédier à leurs problèmes.

    La crispation du milieu éducatif se focalise sur divers points : les uns accusent les exercices répétitifs proposés pour faire travailler les élèves en difficulté d’être « normatifs », ce qui vaut condamnation immédiate. Les autres font remarquer que l’évaluation du comportement apparaît en premier dans le document du ministère ; entendez que l’on veut repérer – et « ficher » - les élèves « déviants », dans la droite ligne du rapport de l’Inserm de septembre 2005 sur le repérage des « troubles de conduite » dès trois ans. A cet âge, répondent syndicats et psychologues, il peut s’agir d’un simple retard de maturité. Et le destin d’un enfant n’est pas scellé dès la maternelle.

    Les arguments sont recevables. Et le rapport de l’Inserm, fondé sur les outils de la psychologie behavioriste américaine semblaient réduire l’appréhension de l’humain à une dimension purement mécaniste. Pour autant, l’évaluation proposée par le ministère peut-elle être assimilée à ce genre de démarche ? La Direction générale de l’enseignement scolaire se défend de toute volonté « stigmatisante » et fait valoir que ce protocole s’appuie sur les travaux de Michel Zorman, du laboratoire de Sciences de l’Education de Grenoble, nouvelle référence éducative depuis que l’Institut Montaigne s’est chargé de mettre en avant ses expérimentations. Ajoutons à cela le « modèle québequois », en passe de remplacer le modèle finlandais dans le cœur des décideurs, et l’on comprend la filiation du projet.

    Le problème vient sans doute du fait que ces évaluations qui surgissent à tous les niveaux de l’Education Nationale emploient le vocabulaire de la « performance », des « scores » et des « items » chers au management. Les protocoles normalisés envahissent un domaine où, plus que partout ailleurs, l’humain devrait primer. L’humain, c’est-à-dire l’appréhension de la personne dans sa globalité, comme porteur d’une histoire à la fois collective et individuelle, loin de tout systématisme.

    Mais les belles âmes qui s’insurgent oublient trop souvent que cette évaluationnite aigüe qui saisit l’Education Nationale – comme chaque strate des sociétés occidentales – se nourrit de la destruction des savoir-faire anciens, en l’occurrence du métier d’instituteur (ah, la belle alliance objective des pédagos libertaires et des libéraux modernistes…). Il est de bon ton de couper court à toute discussion sur l’état de la maternelle d’un lapidaire : « le monde entier nous l’envie ! » Un peu succinct. D’autant que les difficultés que rencontrent les élèves dans l’apprentissage de la lecture, et qu’ils traineront tout au long de leur vie (des futurs illettrés à tous ceux, plus discrets, qui n’accèderont simplement jamais au statut de lecteur par plaisir), ces difficultés sont sans doute le résultat, non seulement des dérèglements sociaux importés dans l'école (précarité, omniprésence des écrans et absence de repères), mais aussi de méthodes défaillantes dans les petites classes. Activités qui échouent à cadrer dès le matin les enfants, à leur apprendre la concentration et le calme, privilège donné à l’« autonomie » des enfants plutôt qu’à la capacité à respecter des règles…

    Quelques rares instituteurs se sont élevés contre les carences de formation des jeunes professeurs de maternelle, et contre la déperdition d’un savoir-faire essentiel. Les avoir traités d’affreux réactionnaires ne suffit pas à occulter les échecs d’une école qui médicalise progressivement son incapacité à éduquer, inventant des cohortes d’« hyperactifs », de « dyslexiques » et autres « dyscalculiques ». Car les carences d’apprentissage en maternelle ont ceci de formidable qu’elles ne se voient que plusieurs années plus tard, quand les difficultés s’accumulent. Ni responsables ni coupables (d'aucuns s'évertuent à s'en émouvoir dans l'indifférence générale). La démarche de la Direction générale de l’enseignement scolaire a du moins le mérite de s’inquiéter de ce qui se passe dès le début de la scolarité, là où – chaque professeur un tant soit peu honnête le sait – on pressent les difficultés de certains enfants. Il est déplorable qu’elle s’appuie sur un petit remplissage de cases, réduisant à néant ce qu’on appelait autrefois l’ « intelligence du métier ». Mais cette intelligence-là se porte mal depuis bien longtemps déjà. Et de ne pas s’en préoccuper, de le nier même farouchement, on ouvre la voie à des protocoles « scientifiques » contestables, mais qui ne sauraient être franchement pires que le néant actuel.

    Natacha Polony (Eloge de la transmission, 14 octobre 2011)

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  • L'essor du séparatisme culturel...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du géographe Christophe Guilluy, publié dans le quotidien Le Monde à la suite de la parution du rapport de l'Institut Montaigne sur les banlieux. Christophe Guilluy est l'auteur d'un essai percutant intitulé Fractures françaises (Bourin, 2010)  et consacré  à la crise profonde du "vivre ensemble" dans la France d'aujourd'hui.

     

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    La fable de la mixité culturelle

    Plus que son contenu, c'est d'abord la surmédiatisation du rapport de l'Institut Montaigne qui est frappante. Le constat, celui d'une forme d'islamisation de certains territoires, n'est pas véritablement une découverte. On rappellera à ce titre que le rapport Obin de l'éducation nationale montrait déjà, en 2004, le débordement dans l'espace public des pratiques communautaires dans les établissements scolaires situés dans des communes à forte population musulmane.

    Rien de bien nouveau donc, le problème est en réalité sur la table depuis au moins dix ans. Cette question culturelle et identitaire est d'abord le fruit d'une dynamique démographique. La question de l'islam ne serait pas aussi présente si elle ne s'inscrivait pas dans un contexte démographique, celui de la croissance forte et récente du nombre des musulmans en France et en Europe.

    Rappelons ici que les communes ciblées par l'Institut Montaigne se caractérisent d'abord par une transformation démographique sans précédent. Entre 1968 et 2005, la part des jeunes d'origine étrangère (dont au moins un parent est né à l'étranger) est passée de 22 % à 76 % à Clichy-sous-bois et de 29 % à 55 % à Montfermeil. Ce basculement démographique est un point fondamental. Une majorité de ces jeunes est musulmane ou d'origine musulmane.

    La visibilité de l'islam et de ses pratiques est ainsi directement liée à l'importance de la dynamique démographique : flux migratoires et accroissement naturel. La question est d'autant plus sensible qu'elle s'inscrit dans un contexte démographique instable où les "minorités" peuvent devenir majoritaires et inversement. Sur certains territoires, les populations d'origine musulmane sont donc devenues majoritaires. C'est le cas à Clichy et Montfermeil. La passion qui entoure les débats sur l'islam est directement liée à la croissance du nombre de musulmans. La question du débordement des pratiques religieuses interroge l'ensemble des Français musulmans ou non.

    Au-delà, ce débat interroge aussi la question du multiculturalisme. Ainsi, si l'on remplaçait demain les 6 millions de musulmans par 6 millions de sikhs, les controverses sur le port du kirpan (comme cela a été le cas au Québec), poignard mais aussi symbole religieux pour la communauté sikh, se multiplieraient.

    L'importance des réactions suscitées par le rapport Kepel révèle en filigrane le malaise de la société française face au surgissement d'une société multiculturelle encore impensée. Il faut dire que, en la matière, nous nous sommes beaucoup menti. Convaincus de la supériorité du modèle républicain, en comparaison du modèle communautariste anglo-saxon, nous nous sommes longtemps bercés d'illusions sur la capacité de la République à poursuivre, comme c'était le cas par le passé, "l'assimilation républicaine".

    La réalité est que, depuis la fin des années 1970, ce modèle assimilationniste a été abandonné quand l'immigration a changé de nature en devenant familiale et extra-européenne (pour beaucoup originaire de pays musulmans). Alors que l'on continuait à s'enorgueillir du niveau des mariages mixtes, les pratiques d'évitement explosaient.

    Aujourd'hui, le séparatisme culturel est la norme. Il ne s'agit pas seulement d'un séparatisme social mais d'abord d'un séparatisme culturel. Pire, il frappe au coeur des classes populaires. Désormais, les classes populaires d'origine étrangère et d'origine française et d'immigration ancienne ne vivent plus sur les mêmes territoires. Les stratégies résidentielles ou scolaires concernent une majorité de Français, tous cherchent à ériger des frontières culturelles invisibles. Dans ce contexte, la fable des mariages mixtes ne convainc plus grand monde et ce d'autant plus que les chiffres les plus récents indiquent un renforcement de l'endogamie et singulièrement de l'homogamie religieuse.

    La promesse républicaine qui voulait que "l'autre", avec le temps, se fondît dans un même ensemble culturel, a vécu. Dans une société multiculturelle, "l'autre" reste "l'autre". Cela ne veut pas dire "l'ennemi" ou "l'étranger", cela signifie que sur un territoire donné l'environnement culturel des gens peut changer et que l'on peut devenir culturellement minoritaire. C'est ce constat, pour partie occulté, qui explique la montée des partis populistes dans l'ensemble des pays européens.

    Si le rapport Kepel est "dérangeant", c'est d'abord parce qu'il nous parle d'un malaise identitaire qui touche désormais une majorité de Français. A ce titre, il faut relever l'importance de cette question pour l'ensemble des classes populaires d'origine française ou étrangère. C'est dans ce contexte qu'il faut lire la montée de l'abstention et de la défiance pour les grands partis aussi bien en banlieue que dans les espaces périurbains, ruraux et industriels.

    Si un islam identitaire travaille les banlieues, l'adhésion pour les thèses frontistes d'une part majoritaire des classes populaires de la France périphérique souligne que la question sociale est désormais inséparable de la question culturelle.

    Christophe Guilluy (Le Monde, 14 octobre 2011)

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  • L'émergence des guerres criminelles...

    Nous reproduisons ici un article du criminologue Alain Bauer, cueilli sur le site du Nouvel Economiste et consacré à la montée en puissance des organisations criminelles dans le monde chaotique qui nous entoure.

     

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    L'émergence des guerres criminelles

    Longtemps on a vu le criminel comme un individu singulier, parfois épaulé par un petit groupe (une bande, un gang, un posse…) qui, au rythme d’une carrière plus ou moins spectaculaire, construisait une légende ou un mythe. Chefs de gang, meurtriers en série ou de masse ont ainsi construit leur image au rythme du développement des moyens de communication. Quel média pourrait survivre sans sa (ses) page(s) de faits divers ?

    Public, journalistes, et parfois policiers étaient eux- mêmes fascinés par ces “beaux voyous” et quelques road-movies plus ou moins imaginaires mais basés sur des faits réels, condensés dans le temps et dans l’espace.

    Depuis la reconnaissance, un peu forcée, par Edgar Hoover de l’existence de la Mafia aux Etats-Unis, après le “raid d’Apalachin” fin 1957, le crime organisé a trouvé sa place. Mais pendant longtemps, il n’était identifié que par des chefs de file de familles, ayant développé des “business models” marqués par des opérations criminelles classiques (racket, prostitution, trafics) largement sous-estimées. L’industrialisation financière du crime a connu sa première étape marquante dans les années 80 par le siphonage des caisses d’épargne américaines (160 milliards de dollars) puis des banques hypothécaires japonaises (plus de 800 milliards de dollars détournés). Les organisations criminelles russes ne rateront pas les opportunités de la privatisation des années 90 en détournant près de 100 milliards de dollars. Les Mexicains prendront immédiatement la suite en prélevant près de 120 milliards durant la crise “Tequila” en 1994/1995. Puis le crime organisé thailandais en 1997, les Argentins en 1998, avant le retour de la crise des subprimes en 2009 qui cette fois-ci atteindra la planète entière.

    Non seulement la mondialisation criminelle n’a pas attendu celle des Etats, mais elle les a atteints au cœur. De plus, considérant la faiblesse de certains Etats, les cartels criminels ont décidé de recréer des territoires qui ne sont plus limités à quelques jungles difficiles d’accès, comme ce fut le cas pour les FARC en Colombie ou du Triangle d’or birman.

    Ainsi, depuis quelques années, les conflits entre cartels mexicains au nord du pays se sont traduits par des massacres dont la quantification dépasse désormais le bilan des conflits afghans etirakiens réunis. Dans certaines villes mexicaines, de véritables armées, équipées et en uniforme, tentent de prendre le contrôle des localités dans des batailles rangées. C’est d’ailleurs irrégulièrement le cas lors de confrontations avec les garde-frontières américains confrontés à des véhicules blindés des cartels.

    Le 20 septembre dernier, l’un des cartels a ainsi “livré” en pleine ville de Boca del Rio une cargaison de 35 cadavres, la plupart torturés ou mutilés.

    A Karachi, une ville de 20 millions d’habitants, la guerre se poursuit au quotidien et dépasse largement les opérations commandées par des talibans contre l’Etat pakistanais ou les Occidentaux.
    La situation se dégrade au jour le jour au Guatémala, fief des Maras. La piraterie se développe à un rythme quasi exponentiel dans le golfe d’Aden et au large de la Somalie, gagnant des territoires maritimes de plus en plus étendus.

    Les autorités chinoises, souvent discrètes, ont ainsi annoncé publiquement avoir démantelé des triades fortement implantées et arrêté plusieurs milliers d’individus en raison de leurs activités criminelles.

    Les actions de la criminalité organisée sont devenues de véritables opérations militaires, disposant de moyens de plus en plus modernes et capables de se confronter aux forces étatiques les plus structurées, et pas seulement dans des Etats échoués.

    Il semble encore difficile à certains grands Etats d’admettre la réalité d’un monde chaotique qui se développe malgré eux. Les structures publiques rêvent encore d’un espace disparu où seules des superpuissances feraient régner un ordre supérieur, uniquement perturbé par quelques opérateurs criminels se contenant du tout-venant habituel. Il sera toujours temps de forger un concept médiatique pour traiter, après “l’hyperterrorisme”, de “l’hypercriminalité”. En attendant cette révélation tardive, le crime se développe. Il est devenu un acteur financier majeur. Il est en train de se construire un espace géopolitique impressionnant.

    Le rôle des criminologues ne se limite pas à celui de Pythie désespérée ou de Cassandre désabusée. Avec mes collègues Xavier Raufer ou François Haut, dans ces colonnes et ailleurs, notre rôle est d’informer et d’alerter, y compris en tentant de sortir du conformisme ambiant. Nous ne prévoyons ou n’anticipons rien qui n’aurait, sur cette question, déjà eu lieu. Rien de ce qu’un esprit honnête ne puisse constater par lui-même. Le temps stratégique s’accélère au rythme d’Internet. Comme l’enracinement criminel un peu partout sur la planète.
    Il serait temps de se rendre compte de la réalité. Au Mexique, au Pakistan, en Amérique centrale… Et ailleurs.

    Alain Bauer (Le nouvel Economiste, 30 septembre 2011)

    1. Voir notamment son excellent Quelles guerres après Oussama ben Laden, Plon 2011.

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  • Mort à crédit !...

    Le nouveau numéro d'Eléments est en kiosque. il est aussi disponible sur le site de la revue.  Vous pouvez lire ci-dessous l'éditorial de Robert de Herte, alias Alain de Benoist, consacré au système du crédit.

     

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    Mort à crédit

    Ezra Pound, au chant XLV de ses célèbres Cantos : « Par usura n’ont les hommes maison de pierre saine / blocs lisses finement taillés scellés pour que / la frise couvre leur surface / per usura / n’ont les hommes paradis peint au mur de leurs églises […] Par usura péché contre nature [with usura sin against nature] / sera ton pain de chiffes encore plus rance / sera ton pain aussi sec que papier / sans blé de la montagne farine pure / per usura la ligne s’épaissit / per usura n’est plus de claire démarcation / les hommes n’ont plus de site pour leurs demeures / et le tailleur est privé de sa pierre / le tisserand de son métier […] Les cadavres banquettent / au signal d’usura [Corpses are set to banquet / at behest of usura] ».

    Les excès du prêt à intérêt étaient condamnés à Rome, ainsi qu’en témoigne Caton selon qui, si l’on considère que les voleurs d’objets sacrés méritent une double peine, les usuriers en méritent une quadruple. Aristote, dans sa condamnation de la chrématistique, est plus radical encore. « L’art d’acquérir la richesse, écrit-il, est de deux espèces : l’une est sa forme mercantile et l’autre une dépendance de l’économie domestique ; cette dernière forme est nécessaire et louable, tandis que l’autre repose sur l’échéance et donne prise à de justes critiques, car elle n’a rien de naturel […] Dans ces conditions, ce qu’on déteste avec le plus de raison, c’est la pratique du prêt à intérêt parce que le gain qu’on en retire provient de la monnaie elle-même et ne répond plus à la fin qui a présidé à sa création. Car la monnaie a été inventée en vue de l’échange, tandis que l’intérêt multiplie la quantité de monnaie elle-même […] L’intérêt est une monnaie née d’une monnaie. Par conséquent, cette façon de gagner de l’argent est de toutes la plus contraire à la nature » (Politique).

    Le mot « intérêt » désigne le revenu de l’argent (foenus ou usura en latin, tókos en grec). Il se rapporte à la façon dont l’argent « fait des petits ». Dès le haut Moyen Age, l’Eglise reprend à son compte la distinction qu’avait faite le droit romain pour le prêt de biens mobiliers : il y a des choses qui se consument par l’usage et des choses qui ne se consument pas, qu’on appelle commodatum. Exiger un paiement pour le commodat est contraire au bien commun, car l’argent est un bien qui ne se consume pas. Le prêt à intérêt sera condamné par le concile de Nicée sur la base des « Ecritures » – bien que la Bible ne le condamne précisément pas ! Au XIIe siècle, l’Eglise reprend à son compte la condamnation aristotélicienne de la chrématistique. Thomas d’Aquin condamne également le prêt à intérêt, avec quelques réserves mineures, au motif que « le temps n’appartient qu’à Dieu ». L’islam, plus sévère encore, ne fait même pas de distinction entre l’intérêt et l’usure.

    La pratique du prêt à intérêt s’est pourtant développée progressivement, en liaison avec la montée de la classe bourgeoise et l’expansion des valeurs marchandes dont elle a fait l’instrument de son pouvoir. A partir du XVe siècle, les banques, les compagnies de commerce, puis les manufactures, peuvent rémunérer des fonds empruntés, sur dérogation du roi. Un tournant essentiel correspond à l’apparition du protestantisme, et plus précisément du calvinisme. Jean Calvin est le premier théologien à accepter la pratique du prêt à intérêt, qui se répand alors par le biais des réseaux bancaires. Avec la Révolution française, le prêt à intérêt devient entièrement libre, tandis que de nouvelles banques apparaissent en grand nombre, dotées de fonds considérables provenant surtout de la spéculation sur les biens nationaux. Le capitalisme prend alors son essor.

    A l’origine, l’usure désigne simplement l’intérêt, indépendamment de son taux. Aujourd’hui, on appelle « usure » l’intérêt d’un montant abusif attribué à un prêt. Mais l’usure est aussi le procédé qui permet d’emprisonner l’emprunteur dans une dette qu’il ne peut plus rembourser, et à s’emparer des biens qui lui appartiennent, mais qu’il a accepté de donner en garantie. C’est très exactement ce que nous voyons se passer aujourd’hui à l’échelle planétaire.

    Le crédit permet de consommer l’avenir dès le moment présent. Il repose sur l’utilisation d’une somme virtuelle que l’on actualise en lui attribuant un prix, l’intérêt. Sa généralisation fait perdre de vue le principe élémentaire selon lequel on doit limiter ses dépenses au niveau de ses ressources, car on ne peut perpétuellement vivre au-dessus de ses moyens. L’essor du capitalisme financier a favorisé cette pratique : certains jours, les marchés échangent l’équivalent de dix fois le PIB mondial, ce qui montre l’ampleur de la déconnection avec l’économie réelle. Lorsque le système de crédit devient une pièce centrale du dispositif du Capital, on rentre dans un cercle vicieux, l’arrêt du crédit risquant de se traduire par un effondrement généralisé du système bancaire. C’est en brandissant la menace d’un tel chaos que les banques ont réussi à se faire constamment aider des Etats.

    La généralisation de l’accession au crédit, qui implique celle du prêt à intérêt, a été l’un des outils privilégiés de l’expansion du capitalisme et de la mise en place de la société de consommation après la guerre. En s’endettant massivement, les ménages européens et américains ont incontestablement contribué, entre 1948 et 1973, à la prospérité de l’époque des « Trente Glorieuses ». Les choses ont changé lorsque le crédit hypothécaire a pris le dessus sur les autres formes de crédit. « Le mécanisme de recours à une hypothèque comme gage réel des emprunts représente infiniment plus, rappelle Jean-Luc Gréau, qu’une technique commode de garantie des sommes prêtées, car il bouleverse le cadre logique d’attribution, d’évaluation et de détention des crédits accordés […] Le risque mesuré cède la place à un pari que l’on prend sur la faculté que l’on aura, en cas de défaillance du débiteur, de faire jouer l’hypothèque et de saisir le bien pour le revendre à des conditions acceptables ». C’est cette manipulation d’hypothèques transformées en actifs financiers, jointe à la multiplication des défauts de paiement d’emprunteurs incapables de rembourser leurs dettes, qui a abouti à la crise de l’automne 2008. On voit l’opération se répéter aujourd’hui, aux dépens des Etats souverains, avec la crise de la dette publique.

    C’est donc bien au grand retour du système de l’usure que nous sommes en train d’assister. Ce que Keynes appelait un « régime de créanciers » correspond à la définition moderne de l’usure. Les procédés usuraires se retrouvent dans la manière dont les marchés financiers et les banques peuvent faire main basse sur les actifs réels des Etats endettés, en s’emparant de leurs avoirs au titre des intérêts d’une dette dont le principal constitue une montagne d’argent virtuel qui ne pourra jamais être remboursé. Actionnaires et créanciers sont les Shylock de notre temps.

    Mais il en est de l’endettement comme de la croissance matérielle : ni l’un ni l’autre ne peuvent se prolonger à l’infini. « L’Europe commise à la finance, écrit Frédéric Lordon, est sur le point de périr par la finance ». C’est ce que nous avons écrit nous-mêmes depuis longtemps : le système de l’argent périra par l’argent.

    Robert de HERTE (Eléments n°141, octobre-décembre 2011)

     

     

     

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