Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Points de vue - Page 391

  • La gouvernance contre la démocratie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la menace que fait peser la gouvernance sur la souveraineté du peuple.

     

    jeanne-d-arc.jpg


    La gouvernance contre la démocratie

    L’ordre politique européen s’est forgé au cours de l’histoire autour de différents principes que l’on nomme aujourd’hui « démocratie » pour faire court, mais qui sont en réalité beaucoup plus anciens :

    • - le respect de la souveraineté des Etats et aussi de la personne des gouvernants, même en cas de guerre ;
    • - le consentement des citoyens à la guerre ;
    • - la définition d’un ordre judiciaire propre, découlant des législations adoptées par les citoyens et fondé progressivement sur l’égalité juridique des citoyens ;
    • - le consentement aux dépenses de l’exécutif, et par conséquent à l’impôt qui les finance, par ceux qui y sont soumis.

    Ces principes sont aujourd’hui – et de plus en plus – bafoués au sein de la prétendue Union européenne (UE). En d’autres termes, nous ne vivons plus en démocratie telle que la concevaient les Européens jusqu’alors.

    Aux ordres de l’OTAN

    Le consentement à la guerre n’existe plus aujourd’hui. C’est l’OTAN et donc en réalité les Etats-Unis qui décident à notre place. Les Européens ne font que suivre.

    La Constitution de 1958 prévoyait que la déclaration de guerre devait être autorisée par le Parlement au-delà d’un certain délai. Cette disposition répondait, bien sûr, au souci de la mise en œuvre immédiate de la dissuasion nucléaire, qui s’accommodait mal d’un débat parlementaire. Mais l’exception est devenue la règle.

    Les multiples aventures militaires dans lesquelles nous avons été impliqués depuis le dernier quart du XXe siècle, que ce soit dans les Balkans ou pour « protéger le peuple libyen », ont été imposées par les exécutifs et, en outre, sans déclaration de guerre en bonne et due forme. « L’UE c’est la paix » mais on fait quand même la guerre aux autres sans le reconnaître.

    Le fait que les forces armées soient de plus en plus, en Europe, constituées de soldats de métier ne change rien à la chose : les nations sont mises devant le fait accompli. D’ailleurs l’exemple de la Belgique est caricatural : alors que ce pays n’avait plus de gouvernement, il s’est trouvé engagé dans une « coalition » pour aller guerroyer en Afghanistan ou ailleurs. La guerre est l’ « ultima ratio regum », comme il était écrit sur l’artillerie de Louis XIV, c'est-à-dire le « dernier argument des rois », l’expression suprême de la souveraineté. Le fait qu’un pays sans gouvernement parte en guerre démontre que son peuple a en réalité perdu toute souveraineté et qu’il ne joue plus que le rôle de valet d’armes au service des puissants.

    Il n’y a plus de souveraineté des Etats ni de statut spécial de leurs dirigeants

    Aujourd’hui les soldats européens sont de plus en plus requis pour imposer par la force des changements politiques à des Etats souverains, sous des motifs les plus divers mais en général présentés comme « humanitaires », que ce soit sous l’égide de l’OTAN ou de « coalitions » de rencontre. Il s’agit d’imposer aux Serbes la partition du Kossovo, de faire partir Saddam Hussein ou Kadhafi, voire demain d’imposer à la Syrie ou à l’Iran de changer de gouvernement.

    Le principe « d’ingérence humanitaire » et le « devoir de protéger », forgés pour la circonstance, servent de justification médiatico-politique à ces aventures. Mais ces dernières violent en réalité un principe jusque-là essentiel : celui de la non-ingérence dans les affaires des Etats, justement, principe dont la France s’était pourtant faite le champion au XXe siècle. Or l’ingérence tue la démocratie, au lieu de la promouvoir comme voudrait nous le faire croire l’oligarchie. Elle introduit la violence dans la politique. Cette utilisation de la force contre des Etats souverains qui ne nous menacent point aboutit à banaliser l’idée que l’on n’a plus à respecter la souveraineté d’autrui. Or la souveraineté n’est que l’acception politique du mot liberté, pourtant aujourd’hui si galvaudé.

    Comme le montre aussi le livre d’Etienne Dubuis L’Assassinat des dirigeants étrangers par les Etats-Unis (Favre, 2011), ces opérations militaires camouflées n’hésitent plus à frapper directement les dirigeants et leurs familles. En rupture, là aussi, avec une tradition européenne séculaire.

    Elles créent un fâcheux précédent, enfin. Car qui nous dit que demain on ne mobilisera pas la force pour chasser du pouvoir un gouvernement européen qui déplairait aux autres ? Ou qui provoquerait une prétendue « urgence humanitaire » en voulant, par exemple, rétablir l’ordre des banlieues en proie aux violences ethniques ?

    La mise en tutelle des législateurs

    L’ordre juridique n’est plus défini par les législateurs mais par les juges. C’est ce que l’on nomme en novlangue « l’état de droit » ; traduisez par : souveraineté des juges et plus précisément de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

    Au nom de cet « état de droit », les lois votées par les parlements ne sont valides que si elles sont conformes à l’idéologie dont la CEDH se veut le farouche gardien en dernier ressort ; en particulier si elles se conforment à l’idéologie des droits de l’homme et au fameux principe de « non discrimination ». Les législations doivent aussi passer le premier filtre du contrôle de constitutionnalité (le Conseil constitutionnel en France) qui remplit au niveau des Etats la même fonction. Une pyramide d’engagements internationaux achève de boucler le dispositif. Cela signifie, en fin de compte, que des juges inamovibles se font juges des lois votées par les parlements qui, eux, sont élus.

    De fait les parlements ont vu leurs attributions législatives se réduire de plus en plus : pour l’essentiel ils se bornent à traduire en droit national (on dit « transposer ») des directives élaborées ailleurs, par les fonctionnaires de l’Union européenne. L’initiative des lois est, en outre, désormais avant tout dans les mains des exécutifs. En clair : ce ne sont plus les « représentants du peuple » qui font les lois mais l’oligarchie de ceux qui ne sont pas élus par le peuple. L’absence de referendum d’initiative populaire renforce évidemment cette évolution oligarchique du système politique.

    La destruction de la citoyenneté

    Cette prise du pouvoir par les juges s’est traduite non par un progrès, comme voudrait nous le faire croire la propagande de l’oligarchie, mais par une profonde régression politique : elle signe en effet la destruction de la conception européenne de la citoyenneté.

    La citoyenneté reposait, en effet, sur une logique de préférence, principalement nationale et donc territoriale. La mise en œuvre du principe de « non-discrimination », sur lequel se fonde la jurisprudence des juges « européens », détruit cette logique. En fait, il détruit tout ordre politique et c’est d’ailleurs bien sa fonction dernière puisque l’UE veut détruire les Etats et les nations. Ce principe n’est en effet que le reflet, dans l’ordre juridique, de la théorie du laisser faire laisser passer économique : il sert à détruire les protections culturelles et politiques créées par les sociétés humaines.

    Selon le principe de non-discrimination, les étrangers sont appelés à avoir en tout les mêmes droits que les nationaux, que les autochtones. « Les étrangers sont chez nous, chez eux » disait François Mitterrand. Il n’y a donc plus de limite à l’espace politique et la citoyenneté se trouve dévalorisée. Les débats récurrents sur le droit de vote des étrangers s’inscrivent dans cette logique perverse : le droit de suffrage, qui est pourtant un droit politique essentiel puisqu’il détermine soit le choix des représentants, soit, en cas de référendum, une décision directe, est ainsi en passe d’être galvaudé. N’importe qui, dès lors qu’il est présent sur un territoire, devrait avoir les mêmes droits politiques que les citoyens qui y résident d’une façon permanente. En outre les gouvernements, par crainte de « discriminer » et d’être sanctionnés par les juges, en viennent à se préoccuper prioritairement des « minorités » et à délaisser la majorité de la population.

    Le vieux principe européen qui voulait que la politique soit déterminée par l’accord de la majorité, qui remonte au moins aux cités grecques, est aujourd’hui foulé aux pieds. Les majorités ne sont plus seulement « silencieuses » : elles sont muselées.

    La fin de la démocratie financière

    L’Union européenne, et tout particulièrement la zone euro, s’est construite par la destruction de la souveraineté monétaire et douanière des Etats et sur l’encadrement de leur souveraineté budgétaire. Le principe du consentement à l’impôt par les citoyens était donc déjà un peu encadré par les exigences du pacte de stabilité et de la mise en place de l’euro.

    Mais la crise des dettes souveraines nous fait franchir une nouvelle étape, celle de la mise en place progressive d’une « gouvernance financière » : en clair, de la mise en place d’une tutelle des Etats par les marchés.

    L’exemple de la Grèce est éclairant. Les ministres des Finances de la zone euro lui ont non seulement imposé des plans de rigueur à répétition, impliquant notamment une hausse des impôts sans demander leur avis aux citoyens grecs, mais, en outre, quand le premier ministre a envisagé de soumettre ces mesures à référendum, on l’a menacé de suspendre l’aide à la Grèce. Enfin la Commission européenne, la BCE et le FMI ont exigé, le 7 novembre, pour verser la 6e tranche de l’aide, que les partis qui soutiennent le gouvernement prennent l’engagement par écrit de respecter les mesures réclamées par les bailleurs européens et le FMI.

    C’est la première fois que l’on prend ainsi en otage les partis d’un pays : en clair, en Grèce, la politique des partis de gouvernement n’est plus définie par leurs adhérents ni leurs dirigeants mais par les banques et les marchés.

    Par ailleurs, lorsqu’a été évoquée l’éventualité d’une sortie de la Grèce de la zone euro, la Commission européenne a tenu à rappeler que cette éventualité n’était nullement prévue par les traités : l’euro serait donc un choix irréversible ? C’est une contradiction dans les termes…

    Les changements de gouvernement dans la zone euro, que ce soit en Grèce, en Italie ou en Espagne doivent maintenant complaire plus aux financiers internationaux qui constituent les fameux « marchés » qu’aux électeurs.

    Mais ce n’est évidemment pas fini. La Commission européenne vient de proposer un renforcement de son rôle et un contrôle plus strict des budgets nationaux, avec la possibilité de recommander des amendements en cours d’exécution, car il convient, a souligné M. Barroso, de « rendre les parlements nationaux plus conscients des règles européennes »… sic ! (le Bulletin quotidien du 17 novembre 2011). Traduisez par : plus obéissants !

    Le président de l’Union européenne, H. Van Rompuy, a pour sa part été plus loin le 16 novembre en proposant de retirer le droit de vote aux pays jugés « laxistes » en matière de finances publiques. Sa position a sa logique, tant il est vrai que celui qui perd la maîtrise de ses finances perd sa souveraineté tout court ! Mais cela confirme que le législateur budgétaire est appelé à devenir un législateur croupion au sein de l’UE, avant tout soumis à la Commission et au diktat des marchés, et, d’une façon beaucoup plus épisodique, aux électeurs.

    La gouvernance contre les peuples

    Il est manifeste que l’oligarchie entend profiter de la crise des dettes souveraines – qu’elle a pourtant provoquée et qui constitue de ce fait un échec manifeste de sa part – pour renforcer sa domination sur les peuples européens.

    Dans le paradis de l’UE, les frontières sont des passoires, les délinquants sont multirécidivistes, on a instauré la préférence immigrée, on fait la guerre chez les autres et le chômage progresse. Car les marchés exercent la véritable souveraineté et mettent les peuples en sujétion.

    On aurait donc pu s’attendre à un peu de modestie de la part de ceux qui sont responsables du naufrage. Mais c’est mal les connaître !

    Pour l’oligarchie, les peuples européens, qui sont perçus non comme des compatriotes mais comme une simple ressource au service des marchés, doivent désormais filer budgétairement et économiquement droit, comme ils doivent obéir au politiquement correct et comme ils ne doivent voter que pour les seuls candidats intronisés par le système. Tout se tient.

    C’est d’ailleurs pourquoi tout s’effondrera en même temps : l’économie financière, le politiquement correct et le pouvoir de l’oligarchie !

    Michel Geoffroy (Polémia, 30 novembre 2011)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 1 commentaire Pin it!
  • Fracture de Maastricht : le retour...

    Dans sa chronique du 1er décembre sur RTL, Eric Zemmour voit réapparaître au grand jour dans le paysage politique actuel le clivage autour de la question européenne qui s'était substitué au clivage droite-gauche à l'époque du réferendum sur le traité de Maastricht, en 1992, comme en 2005, au moment du référendum sur la constitution européenne...

     

    Lien permanent Catégories : Multimédia, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Le temps des colons...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son blog Regards sur le renversement du monde et consacré à l'emprise des multinationales sur l'agriculture européenne.

     

    Monsanto.jpg

     

    Le temps des colons

    La nouvelle passera inaperçue de tous ceux qui n’entretiennent pas un lien direct avec l’agriculture. La Chambre des Députés examine le 28 novembre un projet de loi qui oblige les agriculteurs à payer des droits à l’industrie des semences, sur les semences issues de leurs propres récoltes de fruits et de légumes – obtenues gratuitement. De nombreuses organisations appellent à manifester ce même jour, à Paris, devant ce qu’elles dénoncent comme un hold-up des industries du vivant. De quoi s’agit-il ?

    Qu’elle soit entièrement naturelle ou gérée par l’homme, la reproduction végétale a lieu à partir de graines, de semences, qui produisent de nouvelles plantes. La terreur des famines vient beaucoup de ce dilemme qui a longtemps hanté la conscience occidentale; soit manger toutes les graines disponibles, de blé par exemple, et condamner la récolte future ; soit conserver une part des graines pour les planter, et mourir de faim… L’intervention humaine a su jouer de la sélection naturelle, puis des hybridations, pour produire de nouvelles variétés, choisir les variétés les plus résistantes, les plus productives ou les mieux adaptées. Tout a changé quand l’industrie des semences a pu déterminer scientifiquement les caractères des plantes, fruits et légumes – substituer le produit de l’industrie au fait de la nature. D’immenses travaux, des investissements, ont permis d’augmenter les rendements, de raccourcir les exigences et le temps du cycle végétal, etc. Pour une part au moins, l’industrie a contribué à la fameuse « révolution verte », et à la fin de la famine.

    De marginale, l’industrie des semences est aujourd’hui devenue dominante ; pour de nombreuses cultures, l’utilisation de semences achetées sur le marché est obligatoire, pour d’autres, elle est très majoritaire. Dans un exemplaire processus de captation réglementaire, les semenciers ont réussi un hold-up sur le vivant ; eux qui ont fondé leurs travaux, leurs produits et leur chiffre d’affaire sur la nature, entreprennent d’en finir avec le processus naturel scandaleusement gratuit. Qu’est-ce qu’un paysan qui travaille avec la nature et ne rémunère pas le capital concurrent de la nature ? De sorte que tout se renverse, et les industriels considèrent à présent l’usage de semences issues de la récolte précédent comme une concurrence déloyale. Des affrontements internationaux sévères ont assuré aux Etats-Unis un quasi-monopole sur la plupart des filières, même si quelques entreprises françaises, souvent coopératives, ont efficacement résisté. Mais à quel prix ! Celui du ralliement à un modèle d’appropriation du vivant qui ne va pas sans problèmes. De même que Monsanto poursuit impitoyablement les paysans qui auraient réutilisé des semences et contourné son monopole du vivant ( et se trouve probablement à l’origine de plusieurs milliers de suicides de paysans indiens chaque année), l’ensemble des semenciers entend mettre fin, non au mécanisme de la nature, mais à leur libre disposition par l’homme. Les exploitants qui utilisent des semences naturelles pour les 21 espèces autorisées par l’Union européenne ( blé, pommes de terre, entre autres ) devront payer un droit pour financer la recherche des semenciers… sous prétexte de protéger la propriété intellectuelle ! L’information peut sembler anodine, elle ne l’est pas. Vous ne rêvez pas ; pour toutes les autres variétés ( légumes, céréales ), il est interdit aux agriculteurs d’utiliser leurs propres semences ! Vous ne rêvez pas ; la biodiversité n’est plus gérée que par l’industrie des semences, qui a dramatiquement réduit la diversité des variétés locales ou régionales de maints légumes et plantes. Et vous ne rêvez pas ; même quand les agriculteurs utiliseront leurs semences, ils devront payer des droits à l’industrie !  Elle marque un pas supplémentaire dans la suppression de la gratuité décrétée et poursuivie sans relâche par les nouveaux esclavagistes, ceux qui entendent que pas un hectare, pas une graine, n’échappent à la loi du rendement maximal et au service du capital investi.

    Il est permis d’ironiser sur l’urgence européenne de réglementation des semences, quand la maison euro coule. Les fonctionnaires fonctionnent, c’est même tout ce qui leur est demandé. Il est plutôt permis d’analyser un hold up sur le vivant, de même nature que celui réalisé par les autorités américaines quand elles ont étendu le droit des brevets, non plus aux inventions mais aux découvertes, entendues dans le sens très extensif de description d’un mécanisme naturel quand elle est faite pour la première fois. Au nom de la recherche et du droit, il s’agit d’assurer la mainmise sur le vivant des industriels, de manière à mettre fin à la scandaleuse gratuité de la nature ; comment, des productions qui ne rapportent pas, qui ne rémunèrent pas le capital et qui ne paient pas l’impôt ? L’expulsion des hommes de leur monde par la privatisation et par l’entreprise se poursuit, elle se précise, elle gagne des domaines inouïs, comme celui de la reproduction animale, où il sera bientôt interdit que des particuliers laissent leurs animaux de compagnie ou d’élevage se reproduire sans payer un droit à l’industrie de la reproduction animale – sous couvert d’amélioration de la race, sans doute ? Et c’est un autre épisode de la colonisation de nos sociétés par l’entreprise privée et par l’économie financière qui se joue, comme il s’est joué à propos du gaz de schiste, comme il se joue à propos du coup d’Etat perpétré en Europe par les banques et les marchés, comme il joue à propos du démantèlement des frontières et de l’importation du sous-développement, de l’esclavage et de la misère sur notre sol. La séparation entre l’homme, la nature, sa terre et les siens se poursuit. Tous nomades, tous nomades – c’est-à-dire dépossédés de la sûreté d’être qu’assure le rapport direct avec la nature. Le banquier et le marchand veillent à cette dépossession, qui fait d’eux les colons du monde à venir. La production du monde de l’artifice, qui est aussi celui de la rente, ou du racket, s’accélère même à la mesure que la crise enlève toute pudeur ou toute retenue à l’exigence de rentabilité du capital investi. Et la question est posée ; n’est-ce pas un nouveau et vaste mouvement des enclosures, analogue à celui qui a expulsé les petits fermiers britanniques ou écossais de leurs terres, et grossi l’esclavage des forges, des aciéries et des filatures, au début de la première révolution industrielle qui se déroule avec l’expulsion du paysan européen de la nature, gratuite, inappropriable, et jamais asservie ?

    Hervé Juvin (Regards sur le renversement du monde, 28 novembre 2011)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Happening partout, action nulle part !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Romaric Sangars, cueilli sur Causeur et consacré aux formes parodiques de contestation que le système fait prospérer...

    Indignés.jpg

    Happening partout, action nulle part

    Il existe de nombreuses manières d’agir sur le monde. La violence – que d’aucuns nommèrent l’ « action directe »- mais aussi tout un faisceau de possibilités plus subtiles qui se révèlent parfois d’une efficacité nettement supérieure. L’action sur les esprits et sur les cœurs, par exemple, n’est pertinente que si elle les dilate, les exhauce et les renforce.

    Aujourd’hui domine surtout une forme parodique de l’action liée à la pratique du « happening » : ce qui « arrive », se contente d’ « arriver » sans changer quoi que ce soit lorsque plus rien n’a lieu.

    Prenant le métro ce mois-ci, ce qui n’est guère dans mes habitudes, j’ai cru voir Paris délirer dans les affres d’une perpétuelle « Nuit blanche ». Station Porte de Montreuil, quelque incendiaire, à la grâce d’un cocktail Molotov, parvient à convaincre une bande de caricaturistes ringards qu’ils sont encore dans le camp de l’irrévérence, alors que leurs rôts de bourgeois 68 ne représentent que les mots d’ordre de la vulgate passés au Stabilo Boss.

    Station Châtelet, des catholiques « traditionalistes », qu’on aurait espérés moins perméables aux festivités ambiantes, se prennent au cirque moderne avec œufs et huile de vidange et réussissent l’exploit de faire passer pour subversif l’anti-christianisme « branché », ou suspecté tel1, d’une pièce qu’ils n’ont pas vue. Seule performance notable de leur happening : avoir fait applaudir les CRS venus les virer par un parterre de bobos frustrés de leur heure de transgression.

    Tous des « indignés », en somme. Faits pour perpétuer la farce. Tous vautrés dans le « happening » permanent. Voilà la réflexion que je me faisais, secoué par les zigzags abrupts de la rame que j’avais empruntée. Terminus La Défense. Claquement de portes, sirènes, couloirs. Puis, sur l’immense parterre glacial, nos « Indignés », copyrightés comme tels. Les paumes usées par le jonglage, les voix cassées d’avoir trop entonné les mêmes ritournelles débiles, ils s’autorisent une pause bien méritée pour reprendre leur souffle dans ce long marathon révolutionnaire : ceux qui le désirent, clame une organisatrice, pourront, après s’être tamponné un cœur sur la main, dispenser et recevoir de gros câlins roboratifs.

    Considérons et méditons la scène. Une jeunesse pas suffisamment pauvre pour prendre les armes, pas suffisamment éduquée pour élaborer des doctrines de combat ou des appareils critiques efficients, pas suffisamment mystique pour renoncer au monde qu’elle condamne et y tracer d’autres voies en déambulant vêtue de hardes, pas suffisamment imaginative pour proposer un autre spectacle que celui joué quarante ans plus tôt et à un niveau encore plus faible par les parents, une jeunesse sans aucune des forces de la jeunesse et avec toutes ses tares, s’effondre sur elle-même tout en se câlinant.

    Sous la grande arche blanche, bousculé par des cadres robotiques sans doute enjoints par leurs patrons d’adopter une quelconque « positive attitude » avant leur prochain séminaire de travail, non loin du ridicule pouce géant de César, j’observais simplement comment les rames les plus éloignées se rejoignent. Tous vautrés dans le « happening » permanent, tous configurés au Spectacle qui est la culture et les mœurs produites par la Marchandise. Qu’importe les couleurs ou les chiffres exhibés, les ennemis sont similaires et, à l’instar de la Finance qu’ils prétendent ou non combattre, multiplient de grandes bulles de vide qui explosent.

    Romaric Sangars (Causeur, 28 novembre 2011)

    1. En fait, « branché » depuis deux siècles sur le même canal
    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • De la psychopathologie en économie libérale...

    Nous avons reproduit ci-dessous un excellent point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré aux ravages provoqués par l'idéologie libérale...

    Psychopathologie.jpg

     

    De la psychopathologie en économie libérale
     
    Tout béotien inculturé par des lustres d’endoctrinement lobobotisant, tout modeste consommateur dysneylandisé, a besoin un jour d’y voir clair, surtout quand il se prend des coups. D’où vient donc cette bastonnade qui lui meurtrit l’échine, quand, il n’y a guère, fleurissait le lendemain radieux de la nouvelle société ?

    L’atroce assassinat d’une jeune fille projette une lumière lugubre sur notre époque. Voilà un établissement scolaire réputé, une sorte de terre promise réservée aux familles pouvant aligner 12 000 € d’inscription, une structure harmonieuse, parfaite, mirifique, intégrée à un cadre bucolique, gérée par une équipe au-dessus de tout soupçon, aux racines protestantes bien établies, donc mue par la rationalité bien assise, décente et illuminée, qui sied à la gouvernance paisible de notre époque. Voilà qui ne pouvait qu’éblouir et rassurer les familles. Et pourtant…

    Ne jetons certes pas l’opprobre sur nos pauvres protestants, qui ne sont là que comme un paradigme, dans une société complètement protestantisée, à la bien pensance optimiste, à la raison doucement raisonnable, pourvue néanmoins d’une haine sournoise pour tout ce qui peut fêler la confiance dans l’intelligence humaine. Un tel drame aurait pu se produire n’importe où, et il n’est pas rare qu’un crime soit perpétré par un récidiviste dont les spécialistes en psychiatrie assuraient les capacités à se réinsérer. D’autant plus qu’aux dernières nouvelles, la direction du collège n’avait pas été tenue informée de la nature exacte de la condamnation du jeune homme, pour un viol sur mineur de quinze ans en août 2010. Encore eût-il été judicieux d’être plus curieux, et d’exiger des explications. En revanche, le thérapeute qui le suivait savait, ainsi que les services de justice qui avaient donné leur aval pour son placement dans l’établissement, n’étaient pas sans savoir...

    Cela n’enlève rien au fond du problème, et ne fait que déplacer la question d’une instance à l’autre, d’une naïveté à l’autre.

    Car pour ce qui est de la fêlure, c’en est une, une bien belle, comme si le Diable s’était rappelé à nos bons souvenirs. Pensez donc : un mineur violant, saccageant une vie sauvagement, brûlant le cadavre… et ayant prémédité froidement cet assassinat. La barbarie aurait-elle l’audace de se produire avant 18 ans ? Pourtant, le rapport du psychiatre assurait bien qu’il pouvait aisément s’intégrer, qu’il n’était pas dangereux, malgré ses antécédents, à tel point qu’on n’avait même pas prévenu ses camarades, ni leurs familles, ni les responsables du collège, d’une potentielle dangerosité liée à son cas ?

    Il est vrai que, pour une fois, c’est un milieu aisé qui est touché. Nul doute qu’on demandera des comptes à qui de droit. Mais à qui s’adresser quand pédophiles, fous et criminels récidivistes sont lâchés inconsidérément dans la nature, au milieu d’une population ignorante, et soumise à la prédation de fauves qu’il faudrait enfermer ? Pourquoi les psychiatres, qui prennent si légèrement de si graves décisions, ne devraient-ils pas héberger quelques fous dans leurs foyers ?

    La question, du reste, s’était posée en matière d’immigration : pourquoi les riches, ceux qui pèsent sur l’orientation politique de la société, ceux dont les représentants, à droite ou à gauche de l’agent, décident, n’acceptent-ils pas dans leurs beaux quartiers, les flots d’immigrés à qui ils ont ouvert généreusement les portes du pays, et qui se massent dans des ghettos ? Pourquoi ne traque-t-on pas efficacement, sans pitié, les pourvoyeurs de drogue, les assassins de la jeunesse ? Pourquoi est-on si indulgent pour une sous culture mortifère, qui abrutit les gens et les livre à un déracinement nihiliste ? Pourquoi a-t-on ouvert les frontières à une marchandise fabriquée par des esclaves, au point de détruire notre économie ? Pourquoi mène-t-on un processus d’annihilation de notre éducation nationale ?

    Les questions de ce genre sont innombrables. A croire qu’une équipe de psychiatres intoxiquée par leur logique froide et méprisante pour le bon peuple (« qui ne comprend pas tout ») s’est emparée du pouvoir…

    Pourquoi ? Parce que ceux qui ont pris ces décisions l’ont fait au nom du bonheur. Leur idéologie repose sur la croyance que les hommes peuvent vivre en se mêlant, en effaçant des aspérités qui séparent, en menant une existence raisonnable, guidée par la main assurée de l’utilité. L’utopie a empoisonné les consciences. La foi dans la rationalité humaine, aux dépens des liens subjectifs, affectifs, irrationnels, au détriment des attaches, en dépit même de la nature humaine, empreinte d’agressivité, de violence, pourvue d’un instinct que seule une éducation ferme et lucide peut canaliser, sans l’éradiquer, a conduit à une schizophrénie périlleuse : d’un côté, on nous a promis la lune, et de l’autre, on nous a mené en enfer.
    Claude Bourrinet (Voxnr, 22 novembre 2011)
     
    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Pour une Afrique maîtresse de son destin !...

    Vous pouvez visionner ci-dessous une présentation par Bernard Lugan de son livre Décolonisez l'Afrique !, publié aux éditions Ellipses. Pour l'auteur, "l'Afrique subit une recolonisation économique, politique et morale. Un demi siècle après les fausses indépendances, la véritable libération de l'Afrique est donc à la fois nécessaire et urgente."


    Bernard Lugan : "Décolonisez l'Afrique !" par realpolitiktv

    Lien permanent Catégories : Livres, Multimédia, Points de vue 0 commentaire Pin it!