Pierre Le Vigan, essayiste et collaborateur habituel de la revue Eléments, analyse pour Métapo infos, à l'occasion du 1er tour des élections législatives, l'état de la démocratie dans notre pays...
Points de vue - Page 361
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La démocratie en France ? Un bilan avant le 1er tour des législatives...
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La campagne de Russie (partie 1)...
Les éditions Tallandier viennent de rééditer au format poche, dans leur collection Texto, La campagne de Russie, un ouvrage de l'historien américain Curtis Cate. C'est l'occasion pour Pierre Le Vigan de revenir dans une série de chroniques sur ce conflit qui a conduit l'empire napoléonien à sa disparition...
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L'homme sur la photographie...
Nous reproduisons ci-dessous une analyse de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la photographie officielle de François Hollande, président de la République... Bien vue !...
L'homme sur la photographie
Le « changement » se niche partout. Y compris dans la photo officielle du nouveau président de la République, prise par Raymond Depardon dans les jardins de l’Elysée.
La nouvelle photographie a été annoncée comme un grand événement. C’est « un moment d’histoire », a déclaré le directeur de cabinet du président. Certains se contentent de peu.
Que voit –on en effet sur cette photographie ?
Rien. Ou beaucoup de choses, au contraire.Un homme dans un parc
On voit d’abord un homme dans un parc, vêtu d’un complet sombre.
L’Elysée étant pris sous un angle inhabituel, on ne sait pas au premier regard que l’on a affaire au premier personnage de l’Etat. On voit au loin deux vagues bâtisses et, à gauche, des étoffes qui pendent : trois couleurs et quelque chose de moins identifiable à côté (c’est, semble-t-il, le drapeau de l’Union européenne).
Est-ce le château de Moulinsart ? Est-ce une publicité pour le catalogue de Relais et Châteaux ? On ne sait pas bien. Tout est flou et loin. Fuyant même.
Et le parc en arrière plan est désert : pas de fleurs, pas d’animaux, pas d’enfants qui courent, pas de garden-party. Rien que de l’herbe. Un ennui sidéral se dégage de ce parc. Il n’y a qu’un arbre, à droite de la photographie : il se situe en arrière-plan, éclairé, alors que l’homme est dans un clair-obscur. Il n’a manifestement pas eu la chance de passer de l’ombre à la lumière comme J. Lang en 1981 : lui, il y est resté.
Un homme tronc
L’homme est pris en « plan américain », il a les jambes coupées. Mauvais présage.
L’homme nous regarde mais son corps est orienté de trois quarts vers sa gauche, comme s’il allait bouger : ses mains, assez grosses d’ailleurs par rapport à son visage, ne sont donc pas au même niveau, ce qui fait bizarre. Dans un western, on pourrait penser qu’il va dégainer, mais il est désarmé.
Aurait-il un bras plus court que l’autre, comme Guillaume II ? La photo donne l’impression que l’homme voudrait avancer ou nous dire quelque chose, mais qu’il ne le peut pas. Il reste muet et figé. Comme paralysé dans son élan.
Un homme banal
Cet homme pourrait être n’importe qui : le responsable du marketing d’une grande multinationale, un cuisinier renommé, un notaire ou le cousin machin. Rien dans la photographie ne nous indique sa fonction, sinon son sous-titre : « François Hollande, Président de la République Française ». Française : il faut préciser, en effet ; il pourrait être élu au Bundestag ou aux Cortes, le décor serait le même. C’est à cela qu’on reconnaît habituellement « l’art contemporain » : il faut que quelqu’un décode l’œuvre, sinon personne ne comprend le « geste » de l’artiste !
La légende nous éclaire : voilà un président « normal ». C’est un Français banal, mais qui habite dans un château et qui doit s’enquiquiner toute la journée dans son grand parc désert ; un milliardaire qui s’ennuie, comme le dessinateur Sempé savait les croquer. On comprend qu’il n’ait pas envie de rire, surtout s’il pense aux impôts et aux charges qu’il va devoir bientôt payer.
Suivez son regard
Son directeur de cabinet croit nécessaire de nous indiquer qu’il a le regard « tourné vers la France, avec à la fois beaucoup d’attention, beaucoup d’humanité et beaucoup de vigilance ».
On a, en effet, besoin de cette explication pour comprendre qu’il s’agit d’un homme politique. Mais un examen plus attentif de la photographie montre que, compte tenu de son orientation, l’homme ne nous fixe pas vraiment : il vise notre épaule droite et au-delà. Son regard passe donc au-dessus de nous. Mais que regarde-t-il ? L’horizon électoral ? La crise financière qui revient ? Les entreprises qui vont fermer ? Les futurs cortèges de « partenaires sociaux » ? On ne sait pas trop.
Une posture inconfortable
A l’évidence son sourire est indéfinissable. Il ne respire ni la joie de vivre ni la grande santé. L’inclinaison vers le bas de ses yeux n’arrange rien. Le propriétaire des lieux a le front dégagé, mais il a l’air préoccupé, crispé même. Comme s’il ne savait que faire.
Avancer ? Mais il ne le peut pas puisque ses jambes sont coupées : c’est un homme tronc qui nous regarde. Pivoter vers sa gauche ? Il irait encore plus dans l’ombre : vers le côté obscur de la force politique, en quelque sorte. Pivoter vers sa droite ? Difficile dans la position où il se tient : il va se faire un tour de reins. Reculer ? Mais il va se perdre dans ce grand parc désert et lugubre ! La photo nous montre qu’il se tient déjà dans une posture bien inconfortable !
Objectif atteint
Il paraît qu’il a fallu prendre 200 clichés avant d’arriver à celui-là. Les autres devaient être pires, sans doute ! Ce portrait tranche assurément avec celui de ses prédécesseurs et sur ce plan l’objectif de communication est atteint.
Ce portrait n’exprime pas, en effet, la solidité des institutions ni la grandeur de l’Etat comme au temps d’un De Gaulle ou d’un Mitterrand. Non : dénué de tous les symboles de l’autorité républicaine, le personnage paraît au contraire flotter dans sa photo, comme si ce rôle était trop vaste pour lui. Sans ses jambes, il manque d’assise.
Le portrait n’exprime pas vraiment non plus le mouvement ni les lendemains qui chantent : c’est une photographie qui ne se veut pas pausée, mais qui n’en est pas moins figée.
La photo n’exprime pas, enfin, la détermination qu’on attendrait de la part du capitaine quand la tempête menace. L’homme a l’air gentillet, mais ses bras sont ballants et ses mains ouvertes. Il ne tient rien, il ne s’appuie sur rien, il ne désigne rien. Il est là, c’est tout : enfoncé jusqu’à mi-cuisses dans ce parc, déjà englué dans la réalité.
C’est à sa manière, un portrait qui inquiète.
Michel Geoffroy (Polémia, 6 juin 2012)
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Euro : une crise sans fin ?...
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jacques Sapir, cueilli sur le site de l'agence de presse russe Ria Novosti et consacré aux derniers développements de la crise de l'euro...
Euro : une crise sans fin ?
L’Espagne a fait franchir un nouveau stade décisif à la crise de l’Euro. La crise bancaire espagnole a en effet atteint un seuil critique.
Les banques ont largement financé par le biais de prêts hypothécaires à 30 ans une immense bulle immobilière avant 2008. L’éclatement de cette bulle s’est traduit par un effondrement de l’emploi (près de 24% de la population est au chômage, et 50% pour les moins de trente ans). Les ménages, en pleine crise de solvabilité, ont de plus en plus de mal à faire face aux intérêts de leur dette. Ceci se traduit par un taux de défaut de 8,3% de l’actif des banques, mais, en réalité pour les banques travaillant essentiellement avec la population espagnole, par des taux de défaut de 12% à 15%. La crise touche donc de manière très spécifique une partie des banques espagnoles, les caisses d’épargne et les banques régionales. Le montant des aides publiques a varié depuis le 15 mais de 4,5 milliards d’euros à 50 milliards d’euros, mais il est clair que le processus de révélation des pertes des banques est loin d’être terminé. Au total, le coût est estimé entre 150 et 250 milliards d’euros.
De plus, le gouvernement espagnol est confronté à une véritable crise des finances publiques:
(i) La récession que l’Espagne connaît réduit mécaniquement les recettes fiscales.
(ii) La hausse du chômage, en dépit de mesures drastiques, se traduit par une hausse des dépenses publiques (allocations chômage).
(iii) Le gouvernement central a brutalement contraint les budgets des gouvernements régionaux. Ces derniers, se trouvant de fait exclu des marchés financiers par la hausse brutale des taux d’intérêts, ont réagi en suspendant leurs paiements, provoquant une crise massive des impayés. En réponse, les entreprises ont suspendu le paiement de leurs impôts (TVA essentiellement).
(iv) Le risque d’un effondrement brutal des économies à l’échelle locale a contraint les gouvernements régionaux à reprendre certains de leurs paiements et à demander des aides supplémentaires au gouvernement central (actuellement estimés à 30 milliards d’euros).
Projections budgétaires pour l’Espagne en 2012
2012 (A) 2012 (B) PIB courant en milliards d’Euros 1083,043 1075,530 Déficit espagnol annoncé en % du PIB -5,4% -5,4% Taux de croissance nominal prévu par l’OCDE 0,9% 0,2% Montant du déficit en milliards d’euros 58,138 58,079 Déficit après révision suivant les hypothèses
de décroissance des recettes fiscales-6,5% -6,9% Montant du déficit en milliards d’euros après révision 70,398 74,212 Déficit en milliards d’euros accru
des subventions aux régions (30 milliards)100,398 104,212 Déficit en milliards d’euros
accru sur la base de la recapitalisation
du système bancaire, en milliards d’euros175,398 254,212 Déficit budgétaire en % du PIB -16,2% -23,6% Source : OCDE et données collectées par le CEMI-EHESS
Le résultat est tel (un déficit allant de 16% à 23,6% du PIB) qu’il est évident que l’Espagne devra rapidement demander l’aide du Mécanisme Européen de Stabilité (MES).
La contagion s’est aussi installée sur l’Italie, certes déstabilisée par les tremblements de terre à répétition qu’elle subit, mais où la politique de Mario Monti touche à ses limites. Obligé, pour tenir ses objectifs, de faire rentrer l’argent rapidement, il a mis sur pied une politique de répression fiscale qui commence à être contre productive. En effet, les mesures prises pour lutter contre la fraude sont sans effets sur les plus gros fraudeurs, mais soumettent petits commerçants, industriels et artisans à une pression fiscale destructrice aux conséquences dramatiques (cas de suicides en fortes hausses et d’actions désespérées contre l’administration fiscale). Les taux italiens sont désormais revenus pratiquement au même niveau où ils étaient en décembre dernier, et ce niveau est insupportable pour un pays qui a une dette publique égale à 124% de son PIB.
Avec le Portugal, entraîné par l’Espagne dans sa chute, et l’Irlande où les besoins de financement ont été sous-estimés, c’est – hors le cas de la Grèce toujours pendant – à une crise de liquidité sans précédent que désormais la zone Euro doit faire face.
Mais cette crise n’est pas la seule, ni même la première, même si elle est la plus visible. Elle est produite fondamentalement par la crise structurelle, engendrée par l’explosion des écarts de compétitivité au sein de la zone Euro. Ces écarts ne cessent de s’approfondir comme en témoignent les divergences de conjonctures entre l’Allemagne et les autres pays. Cette crise-là est le soubassement de la crise de liquidité que nous connaissons actuellement car elle engendre une pression déflationniste meurtrière pour les économies dont la compétitivité s’est dégradée, pression déflationniste qui déséquilibre leurs finances publiques et qui engendre la dette.
Toutes les solutions qui y ont été apportées n’ont été que partielles et temporaires. Les crédits de la BCE n’ont été efficaces qu’environ trois mois. Continuer dans cette voie implique d’affaiblir toujours plus la stabilité financière des pays considérés tout en mettant en cause celle des pays qui, pour l’instant, ne sont pas touchés par le phénomène de contagion.
Cette dégradation constante a deux effets. D’une part, elle est très corrosive pour la confiance en l’Euro, qui est abandonné par de nombreux agents dans et hors la zone Euro. La baisse depuis deux ans de la part de l’Euro dans les réserves mondiales (de 27,6% à 25%) en est l’un des symptômes. D’autre part, on voit depuis quelques mois une migration des comptes privés au sein de la zone Euro (touchant désormais 1000 milliards d’euros), avec l’accélération de la fuite des capitaux hors des pays « à risque » (66 milliards d’Euros pour l’Espagne au mois de mars).
La fin de l’Euro se profile à l’horizon.
Les tentatives des résoudre la crise structurelle par l’équivalent de déflations internes risque d’avoir un coût en emploi exorbitant. Le chômage pour passer de 9,8% de la population active à 20% en France, de 24% à 29% en Espagne, de 21% à 52% en Grèce. Ces politiques ne sont que l’équivalent moderne des politiques de « déflation » mises en œuvre en Europe en 1930 et qui sont les principales causes de l’arrivée d’Hitler au pouvoir.
Une dissolution ordonnée et concertée de la zone Euro pourrait se révéler une solution bien plus préférable.
Jacques Sapir (Ria Novosti, 3 juin 2012)
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Comprendre l'Empire et y survivre...
Vous pouvez visionner ci-dessous une intervention de Piero San Giorgio, aux côtés d'Alain Soral, dans le cadre d'une conférence organisée à Nantes, le 24 mars 2012, par l'association Egalité et Réconciliation. Piero san Giorgio est l'auteur de Survivre à l'effondrement économique, un essai et un guide pratique publié aux éditions Le Retour aux sources en 2011.
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Le vol du bourdon...
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré aux débuts de la présidence Hollande...
Le retour de la gauche : le vol du bourdon
Aux législatives de juin, la gauche devrait obtenir, selon les sondages actuels, moins de voix que la droite mais elle gagnerait pourtant la majorité de l’Assemblée nationale : cela grâce à la désunion suicidaire de la droite.
La gauche va donc bientôt cumuler tous les pouvoirs, mais on voit bien que le cœur n’y est pas. Car nous ne sommes plus en 1981.
Pas d’état de grâce
Le sondage Harris Interactive du 16 au 18 mai 2012 (soit après l’annonce de la composition du nouveau gouvernement) montre que si F. Hollande jouit pour le moment d’une opinion favorable (54% déclarent lui faire confiance), il est loin d’atteindre les scores de ses prédécesseurs. Le sondage TNS Sofres/Sopra group/ Figaro Magazine des 25 et 26 mai 2012 (leFigaro.fr du 31 mai 2012) donne des résultats voisins (55% d’opinions favorables). Mais Mitterrand en 1981 atteignait 74% d’opinions favorables et Sarkozy 63% en 2007. En d’autres termes, F. Hollande ne bénéficie pas d’un véritable état de grâce. Ces sondages ne doivent pas surprendre : ils reflètent en effet une réalité politique simple : F. Hollande n’a pas été élu à la majorité des votants (seulement 48,6% des votants).
Certes, les sondages montrent aussi qu’une majorité de personnes interrogées ne veulent pas d’une nouvelle cohabitation, qui signifierait un nouvel immobilisme, ce qui laisse présager une majorité socialiste aux élections législatives. Mais cela ne signifie pas que le programme socialiste soit « majoritaire » pour autant.
Un mauvais goût de déjà vu
En 1981, la gauche avait la satisfaction de parvenir enfin seule au pouvoir, une première depuis la Libération. Elle était en outre bardée des certitudes du Programme commun et promettait la « rupture ». Aujourd’hui, la victoire de la gauche a un mauvais goût de déjà vu et dans les beaux quartiers on ne croit plus que les chars russes vont bientôt déferler sur les Champs-Elysées.
En 1981, des fonctionnaires avaient quitté leurs fonctions pour ne pas collaborer avec le nouveau pouvoir socialo-communiste. Aujourd’hui, personne ne l’a fait. La gauche a repris l’Etat comme si de rien n’était, car elle fait partie des meubles désormais.
Ce n’est pas la normalité qui triomphe, c’est la morosité
Ce n’est pas la « normalité » qui triomphe mais la morosité qui est générale. Il n’y a que les Français de papier pour agiter des drapeaux – étrangers – de la liesse « populaire ».
Car si la droite est une fois de plus dans les choux, la gauche aborde 2012 avec un logiciel idéologique dépassé. Mais elle donne le sentiment d’en avoir vaguement conscience, au surplus.Cela ajoute au malaise, et explique sans doute le visage crispé et triste du nouveau président, qui se demande sans doute comment il va « appliquer son programme » de changement après les élections. Mais pour changer quoi, au juste ?
Un logiciel économique dépassé
Par exemple F. Hollande a demandé à la Cour des comptes un audit des finances publiques… comme en 1981. Mais F. Hollande semble ignorer que depuis 2006 les comptes de l’Etat sont tenus en comptabilité générale et certifiés : on mesure exactement ses engagements. On connaît avec précision l’ampleur de la dette et des déficits publics. L’audit ne sert à rien, sauf à faire de la communication sur « l’héritage » de Sarkozy ; et aussi à semer l’inquiétude sur la situation de la France.
Car la gauche française, qui promet de maîtriser les déficits en retrouvant la croissance, ne sait pas – et n’a jamais su – réduire les dépenses publiques. Dans le meilleur des cas elle gagera laborieusement d’un côté le surplus de dépenses qu’elle a promis de faire de l’autre. Son truc c’est, au contraire, toujours d’augmenter les impôts, bien sûr au nom de la « justice sociale », en fait de l’égalitarisme. C’est bien plus facile à réaliser avec une majorité godillot qui vient d’être élue ; et c’est bien plus porteur que de mécontenter les différentes clientèles qui bénéficient des largesses publiques, en particulier dans les « banlieues » qui ont voté pour la gauche.
Bien sûr, la gauche prétend que les dépenses publiques vont stimuler la croissance tant attendue et réduire le chômage. Tous les socialistes européens le croient depuis 1848. Les Français espèrent aussi profiter d’un relâchement des disciplines budgétaires avec l’affaiblissement politique de Mme Merkel.
Nous ne sommes plus au temps de Blum, de Keynes ni de Mitterrand
Mais, à la différence de 1936 ou de 1981, nous vivons dans une économie désormais ouverte, sous la surveillance constante des opérateurs financiers. Tout relâchement des efforts budgétaires est interprété en temps réel et provoque la défiance des marchés et se répercute sur la valeur de la monnaie. A peine le gouvernement a-t-il annoncé un relèvement du SMIC que les avertissements de Bruxelles pleuvent sur lui. Un premier avertissement sans frais, avant celui des marchés. Et la croissance se développe en Asie, pas dans la vieille Europe vieillissante et désindustrialisée. Les dépenses publiques n’y changeront rien. Pour retrouver la croissance, il faudrait changer de système. Mais la gauche, ralliée au libre-échangisme, en est incapable.
Le salut par les partenaires sociaux ?
L’autre solution miracle de la gauche consiste à en appeler aux « partenaires sociaux » : Grenelle, le retour IV !
Mais c’est un mauvais remake car les syndicats sont aujourd’hui encore moins crédibles qu’hier. Et les apparatchiks syndicaux, qui arrivent à Matignon dans leurs belles voitures de fonction, déballent déjà leur cortège de revendications catégorielles, toutes moins finançables les unes que les autres.
Si M. Hollande s’en tient à son programme nous aurons donc plus d’impôts, plus de déficits et plus de chômage financé sur fonds publics. Cela ne sera pas vraiment le « changement » pour la classe moyenne ! S’il change de programme, il devra affronter la grogne des camarades syndiqués. Bonjour tristesse !
Jules Ferry le retour
Dépassé aussi le logiciel pédagogique de la gauche : on appelle encore les mânes de Marie Curie et Jules Ferry à la rescousse, comme au bon vieux temps de la communale !
Cela doit sans doute réjouir les vieux militants, mais manifestement d’aucuns n’ont pas vu le terrifiant film Entre les murs, de Laurent Cantet, ou La Journée de la jupe… Car aujourd’hui Marie Curie se ferait violer et Jules Ferry serait traité de céfran raciste par les « jeunes », en classe.
Mais on va recruter de nouveaux « enseignants », revoir l’autonomie des universités (pour leur donner plus de moyens, on suppose) et augmenter l’allocation de rentrée scolaire, comme si de rien n’était. Tout ira certainement pour le mieux dans le Tonneau des danaïdes pédagogiques…
Le retour des bisounours
Dépassé aussi le logiciel sécuritaire de la gauche : on va créer des zones de sécurité prioritaires (avec le succès des ZEP, sans doute…) et, bien sûr, revenir sur la justice des mineurs, jugée trop répressive. La première sortie officielle de Mme Taubira a malheureusement permis à un détenu de prendre la fuite (Le Monde du 23 mai 2012). Tout un programme.
Que dire aussi de la façon dont la gauche approche le défi de l’immigration ?
Le vol du bourdon
Comme un bourdon pris au piège, la gauche se cogne aux fenêtres de la réalité, avant même d’avoir commencé à agir. A peine installés, les jeunes ministres socialistes nous paraissent déjà prématurément vieillis. On a l’impression qu’ils sont là depuis dix ans. Mais c’est sans doute parce qu’ils y étaient sous un autre nom.
Bien sûr, la gauche saura se donner du mouvement, au début, pour faire croire au « changement » : un peu de droits des femmes par ci, un peu de réduction des rémunérations par là, un peu de taxe sur les « riches » aussi, et un zeste de droit de vote des immigrés pour pimenter la sauce médiatique. Mais, pour les vrais miracles, il va falloir attendre un peu plus longtemps !
A peine élu, F. Hollande s’est précipité à Berlin et à Washington. Tout un symbole : le bourdon triste au pays des abeilles. Car c’est là, et non à Paris, que se prennent les vraies décisions de nos jours. Mais en se rendant en Allemagne son avion a été foudroyé. Comment les anciens Grecs auraient-ils interprété ce signe des dieux ?
Michel Geoffroy (Polémia, 31 mai 2012)