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Points de vue - Page 359

  • Vote ethnique ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à l'analyse des excellents résultats obtenus par François Hollande dans les banlieues des villes importantes.

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    L'immigration est aussi une chance pour les socialistes !

    On abordait jusqu’alors la question de l’immigration du point de vue économique : l’impact de l’immigration sur le chômage et sur les comptes sociaux. L’immigration a aussi été approchée du point de vue du « droit » au séjour et à la nationalité, lors de la question des « sans papiers » et du « droit du sol ». Malgré la censure des médias, l’immigration a aussi été évoquée sur le registre de l’insécurité et celui de la délinquance. La question de l’abattage hallal a enfin conduit à poser en termes concrets la question de l’islamisation de notre société et à renouveler le débat sur la laïcité.

    Mais l’immigration n’avait jusqu’alors pas été abordée sous l’angle de la souveraineté politique, sauf par Guillaume Faye dans son livre La Colonisation de l’Europe (paru en 2000), qui lui valut d’ailleurs des poursuites judiciaires. Mais, à la lumière de l’élection présidentielle de 2012 et de la victoire de F. Hollande, on ne peut plus esquiver la question.

    La présidentielle de 2012 renouvelle la question

    Le sujet était jusqu’alors délicat car peu d’études permettaient de l’approcher. En outre, l’idée que les personnes d’origine immigrée répartissaient leurs suffrages d’une façon diversifiée ou bien s’abstenaient majoritairement était largement répandue. G. Faye pensait pour sa part que le vote ethnique ou religieux s’affirmerait et ne profiterait pas aux partis en place. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé en 2012.

    Les images des drapeaux africains et maghrébins agités sur la Place de la Bastille au soir du 6 mai 2012, comme dix ans auparavant au soir du second tour de l’élection présidentielle de 2002, illustrent le fait que nous avons changé d’époque. Comme le montraient aussi les réunions du candidat F. Hollande où l’assistance était nettement plus « ethnique », comme on dit en novlangue, que celle des réunions de N. Sarkozy. Elles ont apporté la preuve visuelle, en effet, que les électeurs issus de l’immigration, et notamment des musulmans, ont voté en très grande majorité pour le candidat socialiste.

    Déjà en 2007

    Cette situation était déjà apparue pour l’élection présidentielle de 2007.

    Le sondage CSA/La Croix du 22 avril 2007 montrait que le comportement des électeurs se déclarant « musulmans » différait radicalement de celui des autres : 78% pour la gauche et l’extrême gauche, contre 35% au plan national. L’analyse des résultats des villes phares de l’immigration en Ile-de-France, en Isère et dans le Rhône donnait des résultats comparables : la candidate socialiste recueillant de 60 à 70% des voix ; une analyse plus fine des bureaux de vote montrait que, dans les quartiers à forte immigration, la candidate socialiste recueillait 80% des voix.

    Une adhésion massive du vote ethnique

    L’élection de 2012 confirme la tendance mais en l’amplifiant.

    Le sondage Opinion Way/Fiducial/le Figaro du 6 mai révèle une adhésion massive des électeurs musulmans en faveur de F. Hollande : 93% des voix. Déjà, au premier tour, la même étude montrait que 59% des ces électeurs avaient voté pour F. Hollande et 23% en faveur de J.L. Mélanchon, N. Sarkozy ne rassemblant que 4% de leurs voix.

    Le score du candidat socialiste dans les départements d’outre-mer (de 62% en Guyane à 71,9% en Guadeloupe) témoigne d’un positionnement comparable : les Antilles et La Réunion lui ont apporté 600.000 voix en effet, un apport qui n’était pas mince alors que l’écart des voix avec N. Sarkozy s’établissait à 1.400.000. De même, le site Guineenews du 28 avril 2012 révélait le démarchage dont la « communauté » guinéenne de France avait fait l’objet de la part du candidat socialiste dans la perspective du second tour de la présidentielle. D’autres « communautés » ont dû faire l’objet du même démarchage. Car d’après certaines études il y aurait 4,5 millions de Noirs de France : une autre cible politique pour la gauche !

    En 2007 le vote préférentiel des musulmans en faveur du candidat socialiste avait pesé mais pas trop, car la candidature de N. Sarkozy était portée par une dynamique forte. Mais en 2012, alors que F. Hollande n’a pas obtenu la majorité des votants et que l’écart avec N. Sarkozy était faible, il en va tout autrement.

    La stratégie de niche ethnique de la gauche

    La stratégie de niche adoptée par la gauche qui, depuis les années 1980, a fait de l’immigré et de « l’autre » – à condition qu’il ne soit pas d’origine européenne – un prolétariat de rechange, a donc porté.

    La droite a, au contraire, adopté une position fluctuante vis-à-vis de la question de l’islam et de l’immigration : tantôt libérale et favorable à « l’immigration choisie » et aux régularisations d’immigrés en situation irrégulière, pour complaire au patronat ; tantôt favorable à un « islam à la française » pour donner le change aux laïcs ; tantôt tentée par un discours plus restrictif pour séduire l’électorat populiste.

    Mais la gauche, elle, n’a pas eu ces hésitations idéologiques et a clairement fait le choix de la préférence ethnique. L’itinéraire d’H. Désir, fondateur de SOS Racisme dans les années 1980 et aujourd’hui cacique du PS, illustre ce positionnement de longue durée.

    En effet, par égalitarisme, la gauche nie tout caractère structurant aux différences humaines : l’immigré, qu’il soit malien, suédois ou algérien, n’est-il pas un homme ayant des droits « imprescriptibles » ?

    Prétendre attacher de l’importance aux différences ethniques, religieuses ou culturelles ne serait donc à ses yeux qu’une preuve de « racisme », « d’islamophobie » ou de « xénophobie ». Un peu d’intégration « républicaine » et tout ira bien ! Laïque par tradition, la gauche est portée aussi à minorer le poids des divergences religieuses ; et tout ce qui nuit à la religion catholique la satisfait de surcroît. Son credo égalitaire ne pouvait enfin que séduire des minorités qui se considèrent, à tort ou à raison, comme victimes de « discriminations » de la part des Français de souche.

    Le remplacement des classes populaires par les classes ethniques

    La gauche a en outre adopté une vision compassionnelle du bon immigré victime des méchants « racistes » et dont le sort serait solidaire de celui des travailleurs exploités. Cette attitude lui a, certes, aliéné une partie de l’électorat populaire autochtone qui souffre de l’immigration, car à la différence des bobos, celui-ci n’a pas la possibilité de se mettre à l’abri. Mais, en contrepartie, la gauche a gagné le soutien d’un groupe en expansion démographique : les personnes d’origine immigrée, d’origine africaine et celles de religion musulmane.

    Les propositions faites en vue du droit de vote des « résidents » aux élections locales s’inscrivent d’ailleurs dans la continuité de cette logique. Car, comme le faisait remarquer N. Sarkozy lors de son débat avec F. Hollande le 2 mai, ce ne sont pas les Suédois qui vont profiter de cette mesure ! Ce sont avant tout les résidents africains ou maghrébins et des musulmans. Ce qui renforcera d’autant le vote à gauche.

    Le vote ethnique a fait la différence

    Alors que le candidat socialiste n’a pas rassemblé la majorité des votants il a au contraire regroupé la majorité des électeurs ethniques.

    En d’autres termes la gauche a commencé de recueillir en 2012 les fruits de sa stratégie de niche ethnique.

    Dans un électorat autochtone qui, malgré le rejet de N. Sarkozy, est resté majoritairement ancré à droite, cela a fait la différence en faveur du candidat socialiste. En effet, dans une élection au suffrage majoritaire, ce qui compte ce n’est pas de s’acharner à mobiliser un électorat dispersé mais au contraire de rassembler le plus de groupes de pression possibles.

    Afrique/islam/socialistes même combat ?

    Il faudrait aussi se demander pourquoi les électeurs musulmans ou d’origine africaine votent socialiste. Sans doute pas parce qu’ils sont séduits par le programme, en particulier en matière de mœurs ! Mais parce qu’ils pensent que la gauche leur sera plus favorable dans la durée : plus favorable en matière de lutte contre les « discriminations », plus favorable en matière « d’égalité des droits » à revendiquer contre les autochtones. Car ces droits sont en réalité des droits créances que l’on exerce à l’encontre de la majorité de la population, comme le démontre la « discrimination positive » dont le concept a été apporté par N. Sarkozy.

    D’après Julien Goarant, directeur d’études chez Opinion Way, les électeurs musulmans auraient aussi voulu sanctionner la « stigmatisation » et « l’instrumentalisation » de leur religion : une réaction lourde de menaces pour l’avenir, quand on sait qu’une majorité d’Européens et de Français estiment de leur côté que l’islam est de plus en plus présent dans l’espace public et que les musulmans s’intègrent mal.

    Mais en votant socialiste, les électeurs musulmans et d’origine africaine ont surtout préféré plus de laxisme en matière d’immigration. En d’autres termes, ces électeurs comptent sur la gauche pour laisser se renforcer le poids de la population d’origine étrangère et de religion musulmane en France. C'est-à-dire pour renforcer leur influence dans la société.

    Sans doute aussi visaient-ils le maintien des avantages que leur offre l’économie-providence. Lors des émeutes de 2005 c’est une économie de rentes qui s’était révoltée. En 2012, c’est une économie de rentes qui s’est mobilisée.

    C’est donc une stratégie à long terme, même si elle profite aux deux parties dans l’immédiat : à la gauche et aux minorités ethniques ou religieuses. Mais on doute qu’elle profite aux Français autochtones !

    Car F. Hollande a été élu grâce à l’appoint des électeurs ethniques et musulmans qui a clairement fait défaut à N. Sarkozy. Ceux-là vont certainement se rappeler à son bon souvenir le moment venu.

    Et surtout cela doit nous interpeller quant à la nature de la « grande substitution » provoquée en Europe par l’immigration de peuplement. Après l’espace économique, après l’espace religieux, c’est maintenant l’espace de la souveraineté politique qui pourrait échapper aux Français de souche.

    Bienvenue dans le XXIe siècle !

    Michel Geoffroy (Polémia, 15 mai 2012)

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  • Vers une ruée sur les banques ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'économiste Jaques Sapir, cueilli sur le site du magazine Marianne, qui évoque le risque d'une véritable ruée des populations grecques et espagnoles sur les banques en vue d'y retirer du numéraire, ruée qui provoquerait immanquablement un effondrement de la zone euro...

     

     

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    «Bank run» en Europe

    La situation économique dans la zone Euro continue de se dégrader rapidement. 

    En Grèce, avec la double annonce de la suspension des négociations avec le FMI et de la suspension des prêts de la BCE aux banques, le « bank run » modéré que l’on connaît actuellement peut à tout moment s’amplifier et devenir incontrôlable. Il faut se souvenir qu’en Russie, en 1998, ce fut un « bank run » qui sonna la fin pour le système économique eltsinien. En 5 jours, les banques étaient exsangues et le gouvernement contraint de déclarer un défaut et de laisser flotter le Rouble, ce qui aboutit à sa dévaluation de 50%. 

    Si le système bancaire grec s’effondre dans les prochains jours, il n’y aura plus d’arguments (autres que politiques) pour refuser un défaut et une sortie – à terme – de l’Euro. 

    En Espagne, l’adjudication aujourd’hui d’une somme de 2,54 milliards d’euros s’est faite dans de mauvaises conditions. Les taux à 4 ans sont montés au-dessus de 5% et les taux à dix ans atteignent 6,3%. Le rapprochement rapide des taux « courts » avec les taux « longs » est un symptôme indubitable d’une crise de liquidité. L’Espagne est, désormais, dans la même situation que début novembre dernier. La dégradation de la note de 16 banques espagnoles est logique quand on sait que le pourcentage de crédits qui ne sont pas remboursés atteint désormais 8,1% de l’encourt total. Encore, ce chiffre est une moyenne. Dans certaines banques, on atteint des taux de plus de 10%. Le pays est coincé entre une récession qui provoque un taux de chômage historique et une crise bancaire massive, qui vient de l’insolvabilité des ménages. Ceci avait été annoncé en septembre dernier. La solution est que l’État prenne à son compte les dettes privées, mais la somme atteint désormais de 170 à 250 milliards. Sous la menace d’un « bank run » qui peut se déclencher très rapidement, le gouvernement ne pourra plus tergiverser et devra demander rapidement à bénéficier de l’aide européenne (FESF). 

    La situation espagnole se traduit par une aggravation rapide de la crise en Italie (ou les taux à 10 ans ont atteint 5,8%), au Portugal (déjà sous perfusion du FESF) mais aussi de la France, dont l’écart des taux avec l’Allemagne a atteint aujourd’hui 1,4% (142 points de base). 

    La mécanique de la crise de l’Euro s’est bien remise en marche (en fait dès la fin du mois de mars). Cette crise s’accélère et devient généralisée avec la concomitance des problèmes grecs et espagnols. Si un « bank run » survient en Espagne, ou si le même mécanisme s’accélère en Grèce, la question d’un effondrement a très court terme de la zone Euro ne pourra plus être éludé. 

    Faute de réponses structurelles, aujourd’hui impossible tant pour des raison politiques qu’institutionnelles, une dissolution ordonnée de la zone apparaît comme la seule solution susceptible de préserver l’avenir et de permettre la survie de mécanismes de coordination monétaire.

    Jacques Sapir (Marianne, 20 mai 2012)

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  • Derrière l'éloge fait à Jules Ferry...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue grinçant de Bernard Lugan , cueilli sur son blog et consacré à l'hommage rendu par François Hollande à Jules Ferry...

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    Derrière l'éloge fait à Jules Ferry
     
    Lorsque l’on est président de la République, l’on se doit d’être prudent avec l’Histoire et de demander à ses conseillers de relire soigneusement leurs fiches. Nicolas Sarkozy et François Hollande l’ont tous deux appris à leurs dépens. Le premier avec son « Discours de Dakar », dans lequel, voulant paraître avoir compris des Afriques dont il ignorait tout, il humilia gravement les Africains. Le second avec son éloge de Jules Ferry, quand, pensant placer son mandat sous la figure tutélaire d’un homme de gauche consensuel, il provoqua la polémique, une grande partie de ses millions d’électeurs issus de notre ancien Empire colonial considérant le « père de l’Ecole républicaine » comme un odieux « raciste ». Adieu le consensus…

    Faut-il que la culture historique des conseillers du nouveau président soit à ce point partielle qu’ils aient pu ignorer que Jules Ferry a, en son temps, tenu des propos qui, aujourd’hui, le feraient très sévèrement condamner par les tribunaux ? Dans son fameux discours du 28 juillet 1885 prononcé devant les députés, il déclara ainsi : « Il faut dire ouvertement qu’en effet, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures ; mais parce qu’il y a aussi un devoir. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures ». Précisant sa pensée, il ajouta même que la colonisation est le « devoir d’hommes de race supérieure »…
    Pour Jules Ferry, la conquête coloniale n’était brutale qu’en apparence puisque son but était civilisateur. La République n’avait-elle pas agi de même avec les « fanatiques » Vendéens pour les libérer de leur « obscurantisme », avec les Bretons, les Occitans ou les Basques et toutes ces « peuplades inférieures » qu’elle brisa et accultura par « altruisme », pour les transformer et les « sublimer » en Français ? Il devait donc en être de même avec les « sauvages » d’Afrique. Toujours par amour de la Liberté et du genre humain.
    Chez Jules Ferry se retrouvent à la fois la notion de conquête émancipatrice et celle d’une France patrie des Droits de l’Homme ne pouvant se dérober devant les exigences de cette croisade laïque, libératrice et pour tout dire républicaine, qu’était la colonisation. D’ailleurs, pour lui, « la race supérieure ne conquiert pas pour le plaisir, dans le  dessein d’exploiter le faible, mais bien de le civiliser et de l’élever jusqu’à elle » (Discours du 28 juillet 1885). 

    Ceux qui ont applaudi le discours prononcé au pied de sa statue dans l’attente fébrile de maroquins tant espérés, Madame Taubira en tête, ainsi que les édiles socialistes qui ont fait débaptiser des universités et des rues portant le nom d’Alexis Carrel, ont donc une mémoire curieusement sélective, pour ne pas dire hémiplégique…
    Pour justifier une politique coloniale qui était à l’opposé du Contrat social, la gauche française établit en effet une hiérarchie entre les « races », entre « les civilisations ». Etant ses héritiers sans même le savoir, par simple imbibition à l’air du temps, messieurs Sarkozy et Guéant firent de même… et il leur en coûta médiatiquement… Pourtant, aussi tard que le 9 juillet 1925, Léon Blum, cette autre grande conscience républicaine elle aussi irréprochable, n’avait pas craint d’affirmer devant les députés : «Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d'attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de les appeler aux progrès réalisés grâce aux efforts de la science et de l'industrie. »
    Lors du congrès de la Ligue des droits de l’Homme qui se tint à Vichy en 1931, Albert Bayet, son président, déclara quant à lui sous les applaudissements nourris des ennemis de toutes les intolérances, que la colonisation française était légitime car porteuse du message des « grands ancêtres de 1789 » et que, coloniser revenant à : « Faire connaître aux peuples les droits de l’Homme, ce n’est pas une besogne d’impérialisme, c’est une tâche de fraternité ».

    A la différence des partisans des lois mémorielles, mille-feuilles historicide interdisant toute recherche, l’universitaire est bien conscient qu’il ne s’agit évidemment pas ici d’oublier le contexte qui prévalait à l’époque. Condamner les propos de Jules Ferry, d’Albert Bayet ou de Léon Blum en ayant l’œil fixé sur l’étalon mètre du politiquement correct que leurs héritiers ont déposé dans le pavillon de Flore de la pensée unique serait en effet une aberration scientifique. Ceci ne doit cependant pas dispenser les héritiers des « grands ancêtres », aujourd’hui si prompts à la repentance et aux condamnations hors contexte, d’oublier de « balayer devant leur porte ».

    En définitive, derrière l’éloge en apparence « innocent » de Jules Ferry prononcé par François Hollande,  se cachent deux hypothèses :

    1) La première est qu’à Sciences-Po et à l’ENA, les professeurs d’histoire du futur président devaient être particulièrement incompétents et que ses actuels conseillers ont de singulières lacunes historiques. Nous aurions là la preuve par 9 des résultats obtenus par ces « pédagogistes » enkystés au ministère de l’Education nationale depuis la Libération et qui, tant sous les régimes de gauche que sous les régimes dits de « droite », n’ont eu de cesse d’assassiner l’enseignement de l’histoire.

    2) La seconde serait au contraire celle d’une volonté clairement affichée d’un grand retour aux sources idéologiques de la gauche française, François Hollande raccrochant ainsi une famille doctrinalement déboussolée par le « mitterrandisme » aux mythes fondateurs de la République, tout en occultant prudemment le fait que le « père de l’école républicaine » fut le chantre d’un certain « racisme philanthropique ».

    Les années à venir nous diront laquelle de ces hypothèses était la bonne…

    Bernard Lugan (Blog officiel de Bernard Lugan, 17 mai 2012)
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  • Pour en finir avec le multiculturalisme ?...

    Laurent Ozon, dans la vidéo que vous pouvez visionner ci-dessous, expose son point de vue quant au caractère destructeur du multiculturalisme pour les sociétés qui acceptent cette idéologie...

    Spécialiste des questions d'écologie, Laurent Ozon a dirigé la revue Le recours aux forêts. Il a récemment fondé Maison commune,  mouvement politique se réclamant du localisme.

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  • S'il avait été Français...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du philosophe italien Costanzo Preve, daté du 16 avril 2012 et traduit par Yves Branca, dans lequel il explique le choix politique qu'il aurait fait aux élections présidentielles, s'il avait été Français. Une prise de position qui devrait faire grincer quelques dents à gauche...

    Marxiste critique et atypique, Costanzo Preve a noué un dialogue fécond avec Alain de Benoist depuis plusieurs années et est maintenant bien connu des lecteurs d'Éléments et de Krisis. Un de ses ouvrages, Histoire critique du marxisme, a été publié en 2011 aux éditions Armand Colin. 

     

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    Si j'étais Français 

    par Costanzo Preve

    Turin, le 16 avril 2012.

     

    1. Ce que je vais écrire va probablement accroître encore sur le Net les rumeurs et l’antipathie à mon égard. Mais comme j’ai encore quelques amis convaincus (à vue de nez, plus de six, et moins de cinquante), c’est à eux, et à eux seuls, que je dois la sincérité et la parrhesia (en grec, le franc parler). 

        En France, le 22 avril 2012, aura lieu le premier tour de l’élection présidentielle, et le 6 mai, le deuxième, qui opposera les deux élus du premier. Si j’étais français, j’irais voter aux deux tours. Au premier (scandale ! horreur!), je voterais pour Marine Le Pen, et au second également, si elle était encore en lice. Mais si les deux rivaux étaient alors Sarkozy et Hollande, je voterais sûrement Hollande, comme moindre mal. Sarkozy, ou pour mieux dire, le trio Sarkozy-Juppé-Bayrou, sont le pire pour la France et l’Europe; c’est Draghi et Monti à la sauce française aromatisée « nouveaux philosophes », « police de la pensée », et interventionnisme armé. 

      Je pense que cette déclaration intéressera moins en soi, que ses motifs. Entrons dans la question, en partant d’un peu loin, au risque de paraître prolixe ; je ne crois pas à la communica-tion via SMS et Twitter. Je suis attaché à la bonne vieille argumentation écrite noir sur blanc. 

       Et comme j’écris ces lignes avant le 22 avril, je ne sais évidemment pas comment tout cela va finir. 

     

    2. En qualité de citoyen italien, je ne vote plus depuis 1992. Cette dernière fois, j’avais voté pour le parti nouveau-né de  Refondation communiste, par inertie, ayant toujours voté depuis 1968 pour l’extrême gauche. Je ne vote plus, par contestation du coup d’état judiciaire extraparlementaire que l’on a qualifié du nom surréaliste de Mains propres (Mani pulite). Je ne vote plus, parce que l’Italie n’a plus aucune souveraineté politique depuis 1945, à causes des bases américaines; mais il y avait au moins alors une opposition communiste, par système. Et puis, après 1991, la souveraineté monétaire elle-même a disparu, le mantra « l’Europe l’exige » l’a remplacée, et c’est l’ex-communiste renégat Napolitano qui le chantonne. Je ne vote plus parce que, si j’ai de l’antipathie pour l’esbroufeur putassier, j’ai toujours refusé de me placer sur le terrain miné de l’antiberlusconisme, qui est une idéologie de recyclage du serpent de mer transformiste PCI-PDS-DS-PD (1). Je ne vote plus, parce que, tout en restant un anticapitaliste radical, l’inoffensif maximalisme verbal des trois petits cochons (Vendola, Diliberto, Ferrero)  ne m’intéresse pas; quant à Bertinotti, je ne vois en lui qu’un personnage grotesque et peu divertissant de la comédie italienne dans quelque banlieue de la Padanie. Je pourrais continuer, mais je crois que c’est assez clair comme cela.  

        En France, grâce au seul mérite de de Gaulle, il y a encore une parcelle de souveraineté nationale. La population est majoritairement contre l’Euro, bien qu’elle soit malheureusement divisée idéologiquement entre Marine Le Pen et Mélenchon, pour lequel je voterais, si je pensais qu’il était sincère, et ne jouait pas un simple jeu de rôle (après de grandes proclamations révolutionnaires, il avait soutenu Mitterrand et Jospin). De plus, pour le moment, la France n’a  pas de nouvelles bases américaines, et l’on y trouve encore des géopoliticiens qui préconisent l’axe Paris-Berlin –Moscou, comme Henri de Grossouvre. En somme, un pays plus sérieux que le nôtre. Et maintenant, en priant que me soit  pardonné mon narcissisme, je vais dire quelques mots de mon rapport avec la France. 

     

    3. Cette relation avec la France, et avec la langue française, que je pratique depuis mon enfance, s’est développée en deux temps. 

       Mon initiation à la philosophie comme au marxisme s’est faite en France. L’Italie n’y a joué aucun rôle. J’ai eu pour amis personnels quelques uns des plus grands penseurs marxistes français de la seconde moitié du XXe siècle : Labica, Vincent, Bidet, Balibar, Andréani, Tosel, et quelques autres ; et ce sont eux qui m’ont pratiquement tout enseigné. J’ai adhéré pendant une quinzaine d’années à la pensée d’Althusser, dont je me suis ensuite radicalement détourné ; mais cet abandon  fut pour moi une maïeutique, parce qu’il m’a obligé à élaborer un code philosophique personnel. En Italie, j’ai le bonheur d’avoir fréquenté quelques penseurs plus âgés que moi (norberto Bobbio, Ludovico Geymonat, Cesare Cases, Franco Fortini, entre autres), mais ceux-ci ont été pour moi des exemples d’humanité, assurément pas en tant que  philosophes. J’estime qu’en matière de philosophie, je n’ai pratiquement rien appris d’eux, et que j’ai dû tout faire par moi-même. 

     

    4. Le second temps est caractérisé par mon amitié avec Alain de Benoist ; une amitié que ceux que je viens de citer auraient condamnée ou condamnent sans autre forme de procès, mais quand on agit selon sa conscience, on ne peut pas plaire à tout le monde. Alain de Benoist est allé jusqu’à me mettre au rang des dédicataires de son dernier livre, ses mémoires sous forme d’entretien (Mémoires vives, entretiens avec François Bousquet, Editions de Fallois, Paris, 2012). 

     

        Je n’entrerai pas ici dans la question de mes très nombreux points d’accord avec A. de Benoist ou sur les points de désaccord (par exemple, l’évaluation philosophique de l’universalisme). J’y ai déjà consacré un essai (Il paradosso de Benoist [Le paradoxe Alain de Benoist], Settimo Sigillo, Rome, 2006). Ce qui m’intéresse ici est seulement d’insister sur trois points. 

        Premièrement : A. de Benoist échappe à la définition fatale des intellectuels comme « fraction sociale distincte », donnée en son temps par Bourdieu : un petit groupe social dominé par la classe dominante. Pour y échapper, il faut violer le tabou de la dictature du Politiquement Correct, comme a eu le grand mérite de le faire récemment Günther Grass sur Israël et la Palestine. En outre, la classe dominante manœuvre un petit théâtre de marionnettes Droite/Gauche, dont un thème fondamental est l’antifascisme sans fascisme, et l’anticommunisme sans communisme. Or, A. de Benoist est tout à fait étranger à ce jeu et à sa manipulation. 

        Deuxièmement: il existe un groupe d’intellectuels de la « croisade humanitaire », entre lesquels se distinguent en France les Glucksmann et les Bernard-Henri Levy, qui ont de nombreux clones en Italie (parmi les pigistes de dossiers journalistiques et les rédacteurs de revues). Et ainsi, des  guerres civiles (comme au Kosovo, en Lybie, en Syrie) se transforment en représentations fantastiques où des peuples entiers se soulèvent unanimement contre des figures de féroces dictateurs hitlérisés ou stalinisés. On se démène en faveur de bombardements humanitaires, et qui s’y oppose est taxé de populisme, d’anti-américanisme, d’antisémitisme : ô honte ! 

       Troisièmement, il y a ce groupe pathétique de « policiers de la pensée », entre lesquels je prendrais pour exemples Rossana Rossanda et Umberto Ecco, en tant que parisiens d’élection francophones. Ceux-ci n’ont jamais rien créé et ne créeront jamais rien, mais ils sont en récompense d’un zèle extrême à « scruter les infiltrations de l’Eternel Fascisme Indirect  (EFI) »; et par là à bloquer et à momifier tout ce qui pouvait rester de créatif et d’anticonformiste dans la pensée de gauche. 

       Il est évident qu’au regard de cette triste typologie, Alain de Benoist se distingue par sa créativité, son originalité, son courage politique et culturel. C’est pour cela que je considère son amitié comme un honneur et un privilège, n’en déplaise à d’autres de mes amis, tant français qu’italiens. 

     

    5 : Et comme je suis un homme qui vit dans les livres, ce dont je n’ai aucune honte, je vais maintenant citer dans l’ordre quatre livres français qui m’ont conduit librement à cette folle décision politiquement incorrectissime, qui devra rester  virtuelle, puisque je n’ai pas de passeport français. 

         Le premier est l’avant dernier livre d’Alain de Benoist ( Au bord du gouffre, Krisis, Paris, 2011). Le second est un essai de Jean-Claude Michéa (Le complexe d’Orphée, Climats, Paris, 2011); le troisième est un essai de Régis Debray (Eloge des frontières, Gallimard, Paris,2011). Le quatrième est de Marine Le Pen en personne, (Pour que vive la France, Grancher, Paris, 2012). A partir d’ici, je les nommerai du nom de leur seul auteur ; je vais en parler dans cet ordre, analytiquement, car je crois que si deux sont déjà traduits en italien, deux autres non; et je vais essayer de raisonner sur ces quatre livres avec calme, sans aucun sectarisme. 

     

     6 : Le livre d’A.de Benoist serait peut-être le plus beau livre « de gauche » publié ces dernières années, si la gauche existait encore et n’avait pas été entièrement phagocytée par la « police de la pensée », par le futurisme progressiste  automate, par la rhétorique des Droits de l’homme dont une des figures est le bombardement, par l’antifascisme nostalgique et paranoïaque en l’absence complète de fascisme, etc..Je sais que ce que j’écris a quelque chose de surréaliste et de kafkaïen, mais il faut le voir, c'est-à-dire le lire, pour le croire. 

       Qui se dit de gauche aujourd’hui devrait être contre la globalisation financière, cette forme post-moderne d’impéria-lisme post-bourgeois et post-prolétarien; et en effet, des livres contre le capitalisme financier, il y en a à revendre (comme ceux de Luciano Gallino); mais Alain de Benoist est vraiment opposé à la globalisation, non par feintise ou d’une façon théâtrale ( comme Les Indignatos ou Occupy Wall Street, etc.); il l’est avec le courage d’en tirer certaines conclusions politiquement incorrectes, qui désormais ne flattent plus les délicats palais de gauche: désignation exacte de l’ennemi principal, appelé par son nom et par son prénom, sans périphrases ; contingentement de l’immigration incontrôlée (sans ombre de racisme); retour à la  souveraineté nationale monétaire, même sous une forme fédéraliste européenne ; protectionnisme modéré, mais affirmé ; opposition au multiculturalisme américanisé, etc. Toutes choses que la gauche politiquement correcte n’ose plus non seulement dire, mais penser. 

         A l’égard de la globalisation, la « gauche » est divisée en deux grandes branches, que j’appellerai les globalisateurs anarcho-utopistes, et les altermondialistes politiquement corrects. 

         Les globalisateurs anarcho-utopistes ( Negri, Hardt, mais aussi Badiou et Zizek) sont sur toute chose ennemis du vieil Etat national autoritaire; et ils voient dans la globalisation de nouvelles possibilités de libération, et l’avènement en puissance d’une nouvelle « multitude » (qui remplacera la vieille et ennuyeuse classe salariée ouvrière et prolétarienne, qui dans ces entrefaites les a « déçus ») ; nouvelle multitude, ou sujet historique capable de « lier ce qui est singulier à ce qui est commun ». Formellement, c’est un marxisme orthodoxe qui se relie par analogie au Marx du Manifeste de 1848 : de même que la société bourgeoise est un progrès par rapport à la société féodale, de même la société mondialisée est un pas en avant par rapport à la réalité des Etats nationaux édifiés par la bourgeoisie, etc. (Voir l’article de G. Giaccio, dans la revue « Diorama Letterario », n° 306, 2011). Mais il s’agit d’une folie hypocrite, répandue à deux extrémités de la société : dans les cafeterias des campus universitaires américains, et dans les centre sociaux où végètent une génération de chômeurs. 

       Quant aux altermondialistes politiquement corrects (par exemple « Le monde diplomatique », les trotskistes français des deux principaux courants, les trois petits cochons italiens Vendola, Diliberto et Ferrero), ils rejettent ces idioties, mais ils estiment en toute bonne foi que les « luttes » (des prolétaires, plus les écologistes, les féministes, les pacifistes, etc.) pourraient « imposer » aux oligarchies un second compromis keynesien-fordiste qui reproduirait les « trente glorieuses » (v. Eric Hobsbawm). Ils condamnent vertueusement la globalisation et la dictature du spread (différentiel) et de la spéculation, mais ils croient que l’on peut en sortir non seulement avec Bersani, Hollande, et la SPD rénovée, mais encore sans payer le prix de mesures déplaisantes comme le contingentement de l’immigration, un certain protectionnisme, et le rétablissement de monnaies nationales souveraines (en gardant au besoin l’Euro, mais seulement comme monnaie commune de réserve). En somme, ils veulent « le tonneau plein et la femme ivre », comme on le dit à l’italienne, ou faire l’omelette sans casser les œufs. 

      Ce livre d’Alain de Benoist rompt avec l’hypocrisie politiquement correcte, et fait comprendre encore mieux pourquoi la « police de la pensée », qui le condamne à la damnatio memoriae (flétrissure éternelle), consacre Negri, Badiou, et Zizek. 

     

      7 : Le livre de Michéa affronte d’une manière incomparable un thème dont seul Georges Sorel, un siècle avant lui, avait su traiter aussi bien, quoique Sorel n’eût pas connu de phéno-mène contre-révolutionnaire de la nature de la prétendue révolution de mai 68 (v. à ce sujet Minima mercatalia, de Diego Fusaro, Bompiani, Milan, 2012, pp.372-394). Michea explique comment la « gauche » a pu s’aliéner « les simples gens » en adoptant dogmatiquement la « religion du progrès ». Le paradoxe qu’il éclaire d’une façon magistrale tient à ce que la gauche critique d’une part le libre-échangisme économique et le libéralisme politique, où elle voit justement le cocon du règne des oligarchies financières, et d’autre part accepte paresseusement son complément culturaliste : la « libération » des mœurs ; ladite religion du progrès, le mythe du Futur nécessairement supérieur au Passé, du « Mouvement » contre la « Régression » ; la morale, considérée par définition comme d’un ordre strictement privé. Michéa ne cultive aucune nostalgie réactionnaire ; il explique simplement, grâce à de riches références historiques, philosophiques, et anthropologiques, de quelle manière la schizophrénie progressiste a investi l’Enclos sacré de la gauche, enceinte si surveillée par la « police de la pensée » bien connue, et les « croisés » de l’interventionnisme humanitaire.  

      Il faut le lire pour le croire. 

     

    8 : Régis Debray a derrière lui toute une longue histoire personnelle révolutionnaire qui l’a conduit du Che Guevara à François Mitterrand et à la défense de la liberté sacrée de la Yougoslavie en 1999. Debray voit dans la « frontière » une limite opposée à la mondialisation, parce qu’elle est à la fois la condition préalable à la souveraineté monétaire nationale et un obstacle au « mondialisme planétaire », qui s’enveloppe de bonnes intentions de multiculturalisme, d’assistanat international, et de pacifisme, recouvrant un interventionnisme à cent quatre-vingt degrés (V. Carl Schmitt, Danilo Zolo (2)). Le discours de Régis Debray est véritablement dirigé contre le politiquement correct « sans frontières et sans papiers » ; celui qui le tient est un homme qui a parcouru le monde, qui a ses lettres de créance « internationalistes » en règle, et qui est polyglotte. C’est justement parce qu’il n’a pas besoin de s’envelopper dans le manteau ridicule du multiculturalisme politiquement correct, qu’il peut tranquillement restaurer la signification positive et non négative du mot « frontière » : une limite que l’on peut sans doute passer facilement avec une simple carte d’identité, mais qui est aussi la limite en quelque sorte physiologique de la souveraineté communautaire praticable. 

     

    9 : Venons-en maintenant au livre de Marine Le Pen. Mais puisque j’ai fait cette déclaration scandaleuse, je dois d’abord à mes amis de « gauche » (et j’en compte encore) une explication sur la raison pour laquelle je ne lui préfère pas les deux trotskistes Arthaud et Poutou, ou le communiste-souverainiste Mélenchon, « homme de gauche » plus ordinaire.  

     

    10 : Il existe en France, à côté de la « Quatrième internationale », deux groupes trotskistes organisés qui se présentent aux élections. L’un est Lutte Ouvrière (Arthaud), l’autre est l’ex-Ligue Communiste Révolutionnaire, rebaptisée récemment Nouveau Parti Anticapitaliste (Poutou). L’un et l’autre ont décidé de ne pas s’unir au Front de Gauche de Mélenchon, pour bien montrer qu’ils ne veulent pas servir de roue de secours maximaliste à François Hollande. 

       Au contraire de ce que l’on pourrait croire, j’approuve fortement l’existence organisée de groupes testimoniaux  ouvertement anti-capitalistes, quand bien même leur analphabétisme politique (qui d’ailleurs est très grave)  les conduit à de véritables idioties, comme leur soutien à l’opposition islamiste à Kadhafi en Libye, et à Assad en Syrie. Mais en ce qui concerne les trotskistes, j’ai pris en dégoût leur attitude testimoniale conservatrice pétrifiée ; à leurs yeux, des analyses comme celles d’Alain de Benoist, de Jean-Claude Michéa, ou de Régis Debray n’existent pas ; ils sont assurément des révolutionnaires, mais avant toute chose, des esprits politiquement corrects d’extrême gauche. D’une part, ils continuent à chanter la vieille antienne « Staline chef thermidorien des bureaucrates de l’aristocratie ouvrière privilégiée » ; et d’autre part ils croient pouvoir relever un peu la saveur du vieux trotskisme par de toutes petites doses d’américanisme écologiste, féministe, et pacifiste, et quelques grains de sel pris chez Negri, Badiou, et Zizek, en quantités homéopathiques. Il faut bien le dire: il ne s’agit là que de temps perdu, à entretenir une équivoque. Quant à Mélenchon, mes amis français de gauche vont certainement voter pour lui. Il a déjà déclaré qu’il voterait Hollande au second tour ; ce qui ne me scandalise pas, car je le ferais, et j’ai dit pourquoi. Ce qui m’importe, c’est que Mélenchon est un plaisantin ; il reste un altermondialiste-souverainiste politiquement correct typique, fasciné pat le fétiche de l’unité de la gauche et du clivage  droite/gauche, qui selon moi est obsolète. Quant à Hollande, le compère de Bersiani, il sait bien tout cela, mais il file droit, sans toutefois descendre jusqu’à cette abjection très italienne qui soutient ouvertement un Monti par antiberlusconisme frénétique.  

       Voilà en bref somment je vois les choses.  

     

    11 : Entrons maintenant dans la question. On va me dire que le livre de Marine Le Pen est de la propagande, conçue pour séduire les gens de gauche naïfs, comme moi. Mais moi, je ne fais pas partie des policiers de la pensée ; j’ai déjà payé un lourd tribut à la malveillance cancanière. Je lis, je me fie à ce que je lis ; et rarement j’ai eu l’occasion de tomber si souvent d’accord avec un texte de théorie politique. Page 135, Marine Le Pen insiste sur l’actuel dépérissement du clivage droite/gauche. Si elle le fait, c’est qu’elle cherche des suffrages à droite, au centre, et à gauche. Fort bien; c’est exactement ce que, depuis quinze ans, j’attends d’un homme politique ! Pourquoi devrais-je soupçonner une intrigue au moment où cela arrive ? Elle critique la guerre d’Irak (P.37). Elle affirme que la bulle spéculative immobilière a été une stratégie concertée (p.36). Elle affirme avec Polanyi que « le marché s’ajustant lui-même » est plus utopique que la planification (p.26). Avec Maurice Allais, que le libéralisme a une dogmatique « stalinienne », et que le mondialisme est une alliance du consumérisme et du matérialisme (P.49 et suiv.). Avec Emmanuel Todd, que le libre-échange et la démocratie sont incompatibles (p.50). Elle soutient que s’il y a quelque chose de « fasciste », c’est l’euro (pages 54-61), affirmation sans aucun doute un peu hard, mais il vaut mieux exagérer que sous-estimer. L’infamie de l’interventionnisme humanitaire de Kouchner lui est évidente (p.127). Elle se réfère positivement à Gilles Lipovetsky, à Michéa, et à Bourdieu, et cite avec sympathie tant de Gaulle, que Georges Marchais. 

       Deux points surtout sont importants. En premier lieu, à la différence du commun des politiciens ignorants, Marine Le Pen esquisse une véritable généalogie théorique du capitalisme libre-échangiste, des physiocrates à Adam Smith. En second lieu, elle ne laisse planer aucun doute sur le fait que la mondialisation est nocive en soi, que le mondialisme est « l’horizon du renoncement » (c’est le titre même de la première partie de son livre, p.19) ; que le modèle américain est au cœur du projet mondialiste (p.34) ; que la dette publique est « une bonne affaire mondialiste » (p.72) ; que l’organisation européenne de Bruxelles est l’avant-garde européenne du mondialisme (p.74) ; et enfin, que l’immigration incontrôlée fait partie d’une offensive économique et culturelle du mondialisme (p.80). Cette dernière affirmation offense tout particulièrement les belles âmes politiquement correctes de gauche, parce qu’elle est identifiée à du racisme et à du populisme. Marine Le Pen affirme aussi que le sarkozyzme est « le stade suprême du mondialisme » (p.151) ; que la nation ne doit pas être « diabolisée » (p.103) ; que l’école et la culture classique doivent être défendues (p.111, et pp. 235-246) ; que le peuple est devenu « indésirable » et l’objet d’un véritable « déni de démocratie » par les élites politiques, médiatiques, et financières (pp.128-129) (d’où l’usage du terme vide et captieux de « populisme » par la police de la pensée à leur service) (3) ; et je pourrais continuer. 

       Je dois souligner ici, pour être clair, que ma déclaration « scandaleuse » doit être jugée seulement et exclusivement sur la base de ce livre, et des thèmes que j’ai cités. Elle ne signifie en aucune façon de ma part le moindre racisme ni la moindre xénophobie à l’égard des immigrés, questions que Marine Le Pen doit et devra nécessairement affronter sur le plan électoral. Le prévention des « belles âmes » de gauche à ce sujet est en partie fondée. Ici, l’on pourra toujours me dire, si l’on veut, que je suis un vieux birbe naïf qui se laisse charmer pat une adroite « populiste ». J’avoue que j’ai un fraternel ami que je ne nommerai pas ici, qui a rallié le cercle politique de Marine Le Pen. Il m’affirme, et je le crois, que ce livre est véridique, et que Marine pense vraiment ce qu’elle écrit. J’aime mieux me tromper par ingénuité, que d’être soupçonneux par paranoïa. Et je terminerai par une brève remarque.  

     

    12 : Je demeure un anticapitaliste radical. Je le suis devenu à dix-huit ans, en 1961, et il est clair que cela s’est fait dans le cadre de la « culture de gauche ». Mon père, qui est mort en 1993, ne me l’a jamais pardonné, parce qu’il était un anticommuniste viscéral, et il l’a pris comme la pure et simple trahison d’un fils ingrat. C’est en partant ce ces positions de gauche que je me suis mis à étudier la philosophie, Hegel, Marx, le marxisme, dans lequel je suis devenu expert, sans trop me soucier si l’on partage ou non mon interprétation. Sans les années soixante, à Paris, je me suis intéressé tant à l’althussérisme, auquel j’ai adhéré plus de dix ans (d’où mon amitié avec Gianfranco La Grassa) (4) ; qu’aux différences entre les trois courants stalinien, trotskiste, et maoïste. Dans les années soixante-dix, j’ai fait organiquement partie de la gauche grecque, après un long séjour à Athènes (5), et de ces années soixante-six à la fin des années quatre-vingt, j’ai activement milité à gauche, dans ma ville de Turin. Comme on le voit, j’ai un pedigree fort respectable, et j’estime que je n’ai rien à me reprocher. Sur toute chose, je considère que je n’ai pas de « squelette dans l’armoire », et que j’ai toujours fait publiquement ce que j’ai fait. Un ami m’a déconseillé de publier ces pages sur Internet, parce qu’elle paraissent faites tout exprès pour provoquer et nourrir une  rumeur malveillante. Mais je pense que si l’on commence à s’autocensurer par introjection du politiquement correct, mieux vaut aller demander sa propre admission à l’hospice,  tant que nos jambes peuvent nous porter. 

                                     

    Traduit de l’italien par Yves Branca. 

     

    Notes du traducteur. 

     

    1 : Parti Communiste Italien-Parti Démocrate Socialiste- Démocratie Sociale- Parti Démocrate.

     

    2 : On peut consulter à ce sujet : Carl Schmitt, Guerre discriminatoire et Logique des grands espaces, Préface de Danilo Zolo, Editions Krisis, Paris, 2010. 

     

    3 : la remarque entre parenthèses est de Costanzo Preve. 

       Le terme de « populisme » n’apparaît pas dans le livre de Marine Le Pen, qui a très bien fait de le retourner contre ses adversaires, de le revendiquer, en lui donnant un véritable contenu social et patriotique, dans ses discours de campagne, à partir de la fin du mois de février 2012.  

     

    4 : Gianfranco La Grassa, né en 1935, fut en Italie le principal introducteur de la pensée de Louis Althussser. 

     Touchant l’« expertise » de Preve en matière de Marxisme, on pourra consulter son Histoire critique du Marxisme, traduite par Baptiste Eychart, Armand Colin, Paris, 2011; et ses articles que j’ai traduits pour les revues Eléments, Krisis,  Nouvelle Ecole, et Rébellion

     

    5 : Les ancêtres maternels de Costanzo Preve sont grecs, d’origine arménienne. Helléniste accompli, Preve maîtrise parfaitement, comme le français, le grec moderne.

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  • Les populistes contre les médiagogues...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Andrea Massari, cueilli sur Polémia  et consacré aux médiagogues, ces hommes (ou femmes...) politiques qui collent aux idées dominantes propagées par les médias... 

     

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    Les populistes contre les médiagogues


    « Le camp du bien »

    A quelques exceptions près, les journalistes appartiennent au « camp du bien » (selon Robert Ménard). Ils partagent un ensemble de valeurs communes à base de mondialisme, d’antiracisme, d’autoculpabilisation européenne et de rupture des traditions. Les médias ne sont pas neutres. Ils sont engagés. Les hommes politiques invités dans les médias doivent tenir compte de cette réalité.

    Pour les socialistes, c’est assez facile : cela correspond globalement aux idées qu’ils défendent. Il en va de même pour l’histrion pseudo-révolutionnaire Mélenchon. D’ailleurs, des votes effectués dans les écoles de journalisme à l’occasion du premier tour de l’élection présidentielle de 2012 ont montré que 71% des élèves du CELSA et 85% de ceux de l’ESJ de Lille votaient à gauche ou à l’extrême gauche. Les candidats de ces formations sont reçus à domicile dans la presse !

    Les médiagogues

    Il n’en va pas de même pour ceux de l’UMP (et a fortiori du FN). C’est pour cela qu’on a vu apparaître à l’UMP une nouvelle catégorie d’hommes politiques : les médiagogues, ceux qui choisissent délibérément de flatter les journalistes et de tenir un discours proche des idées dominantes dans les médias. L’objectif des médiagogues est d’obtenir une bonne visibilité et une bonne image, ce qui leur permet de progresser dans la carrière et de passer de député à ministre, de ministre à présidentiable.

    Ainsi dès les années 1990, Alain Juppé s’est forgé une image d’homme hostile au Front national dans l’espoir de devenir maire de Paris ou présidentiable. Lors du débat sur le PACS, en 1999, une parfaite inconnue, Roselyne Bachelot, est devenue la coqueluche des médias en votant avec la gauche contre l’avis de ses amis. Ce qui lui a permis de devenir ministre et de le rester sept ans. Aujourd’hui un certain nombre de bébés présidentiables suivent la même stratégie : Nathalie Kosciusko-Morizet, Valérie Pécresse et Bruno Lemaire par exemple. Chantal Jouanno qui vise Paris joue la même partition. Deux marqueurs suffisent pour être dans le « camp du bien » : être favorable au « mariage gay » et à « l’homoparentalité » et préférer le PS au Front national.

    Les populistes

    Les populistes sont dans une logique radicalement différente. Ils sont en phase avec l’opinion de la majorité des Français. Ainsi les deux tiers des Français trouvent qu’il y a trop d’immigration et que des mesures protectionnistes seraient utiles : Marine Le Pen a exprimé leurs préoccupations, dans un environnement médiatique de plus en plus hostile. Nicolas Dupont-Aignan s’est inscrit dans une logique voisine. Il n’a par ailleurs pas hésité sur Canal+ à mettre en cause les journalistes et leur coupure avec la France profonde.

    Un certain nombre de députés UMP et la « droite populaire » défendent aussi des idées médiatiquement hétérodoxes sur l’identité ou les valeurs. Christian Vanneste, qui s’oppose au lobby homosexualiste, a même fini par être exclu de l’UMP. Il faut ici apporter une précision : les médias insistent sur le fait qu’il y aurait une majorité de l’opinion qui serait favorable au « mariage gay ». Le seul problème c’est que partout où il y a eu des référendums (Californie, Arizona, Floride, Arkansas et Slovénie) le « mariage gay » a été repoussé…

    Sarkozy et Copé : le grand écart !

    Il faut ici analyser la stratégie de Nicolas Sarkozy. Elle systématise la dissociation de l’action et de la parole. Nicolas Sarkozy a beaucoup agi dans le sens du médiatiquement correct : il a supprimé la « double peine » (permettant ainsi aux délinquants étrangers de rester en France), il a mis en œuvre la discrimination positive, il a promu l’enseignement de la « théorie du genre » au lycée et a poursuivi la politique d’ouverture des frontières. Mais la parole sarkozyste a souvent été en rupture avec l’action : en 2007, le candidat Sarkozy a prétendu rompre avec l’esprit de Mai-68 ; en 2012, le sortant Sarkozy s’est fait le chantre des frontières. Paroles, paroles… mais des discours qui ont été singulièrement efficaces : permettant une victoire nette en 2007 et limitant une défaite inéluctable en 2012.

    Copé s’inscrit strictement dans la même stratégie. Deux axes dominent la prochaine campagne législative de l’UMP : en direction des électeurs, un message patriotique et tricolore ; en direction des médias, un discours d’exclusion du Front national.

    Que feront les populistes de l’UMP ?

    La force de l’UMP, c’est son double positionnement : un clin d’œil populiste pour les électeurs, un clin d’œil médiagogique pour la caste dominante. Mais c’est aussi sa faiblesse.

    La question est la suivante : jusqu’à quand les populistes vont-ils continuer à jouer les porteurs d’eau des Juppé, Copé, Jouanno, Pécresse, Bachelot et autres NKM ? Jusqu’à quand les électeurs vont-ils se laisser berner ? Le jeu des médiagogues est une insulte à la démocratie.


    Andrea Massari (Polémia, 11 mai 2012)

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