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Points de vue - Page 359

  • La domination de l'empire global...

    Vous pouvez regarder ci-dessous une présentation par Alain Joxe de son dernier livre, Les guerres de l'empire global (La Découverte, 2012), dans le cadre d'une émission mise en ligne sur Xerfi canal, la chaîne de la réflexion économique.


    Xerfi Canal Alain Joxe La domination de l’empire... par GroupeXerfi

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  • Drieu La Rochelle et François Brigneau...

    Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Dominique Venner, cueilli sur son site et consacrée à la publication de Drieu La Rochelle dans La Pléiade et à la mort de l'écrivain et polémiste François Brigneau.

     

    Brigneau - Drieu-La-Rochelle.png

    Drieu la Rochelle et François Brigneau

    La publication ces jours-ci des Romans, récits et nouvelles de Pierre Drieu la Rochelle dans la Pléiade (Gallimard) revêt une signification de plus longue portée que les péripéties politiques du moment.  Le grand suicidé de 1945 a bénéficié du temps qui passe, de la médiocrité de ses imitateurs, de son prestige de dandy romantique, sans compter l’amitié de Malraux, son exécuteur testamentaire. Pourtant que n’avait-on entendu quand fut publié en 1992 son Journal 1939-1945 par Gallimard ! « Les mémoires d’un dandy hitlérien » selon Bernard Le Saulx (le bien nommé) dans L’Événement du Jeudi du 23 avril 1992). « Cette lecture donne la nausée » écrivait BHL dans Le Point du 9 mai 1992. « L’ultra-fasciste se fera clouer aux portes de la grange où l’Histoire exhibe ses petits nuisibles », prophétisait sans crainte du ridicule Bertrand Poirot-Delpech, de l’Académie français, dans Le Monde du 8 mai 1992. « Détestable discours », ronchonnait le même jour François Bott, souvent mieux inspiré. « Un journal d’infamie » pour Jean-Paul Enthoven, Le Nouvel Observateur du 30 avril 1992. « Un pauvre type, sinon un triste con », renchérissait délicatement Angelo Rinardi, dans L’Express du 14 mai, 1992. Renaud Matignon n’avait pas fait tellement mieux que les autres dans Le Figaro littéraire. Les chacals hurlaient à l’unisson.

    Je pensais à ce florilège de basses invectives en lisant dans un journal du soir les commentaires contrastés annonçant deux morts presque simultanées. Dans le numéro du jeudi 12 avril 2012, large photo à l’appui, le journal « de référence » titrait en première page : « La mort de Raymond Aubrac. Un grand résistant disparait à 97 ans. » L’information se poursuivait sur toute la p. 27 (consacrée aux Disparitions). Elle rendait un hommage appuyé à l’ancien agent communiste, membre de l’Union juive française pour la Paix (UJFP), dont le rôle, ainsi que celui de sa femme, Lucie Aubrac (1), reste très discuté et même suspect dans la ténébreuse affaire de Caluire (arrestation de Jean Moulin, le 21 juin 1943). Cela n’a pas empêché de célébrer ces deux personnages équivoques à l’égal de saints. Une société se juge à ses héros.

    Dans la même édition du même quotidien, en haut de la p. 4 (consacrée aux Présidentielles 2012), une information était titrée : « Mort de François Brigneau, ancien milicien et cofondateur du FN ». Quel rapport avec les élections présidentielles ? François Brigneau avait rompu avec le FN depuis 1999. À la différence d’Aubrac qui, dans sa vie publique, ne fut qu’un agent actif et parfois occulte du communisme entre Caluire, Paris, Marseille, Prague et Hanoï, François Brigneau fut surtout un grand journaliste et un écrivain talentueux. Au nom de quoi son existence devrait-elle être réduite exclusivement à des engagements politiques momentanés ? C’est pourtant ce qui était retenu de nouveau dans le même journal du 18 avril, sur quatre colonnes cette fois, titrées « Figure de l’extrême droite français ». Suivait un article rédigé dans le style chaussettes à clous des fiches de police. Le journaliste de service s’était borné à recopier longuement ce que vomissent les officines de délation.

    Né à Concarneau le 30 avril 1919, Emmanuel Allot est devenu François Brigneau en littérature. Il a écrit aussi sous le nom de Julien Guernec, de Coco-Bel-Oeil ou de Mathilde Cruz (pour d’hilarantes chroniques de télévision). L’écrivain était issu d’une famille de la gauche républicaine, fils d’un instituteur socialiste, dont il partageait les idées. Après la défaite de 1940, comme tant d’autres hommes de gauche, il évolua vers le maréchalisme, puis la collaboration franco-allemande. Engagé par bravade dans la Milice après le débarquement de Normandie (8 juin 1944) alors que les « carottes étaient cuites », il n’eut aucune action, échappa miraculeusement aux exécutions sommaires de l’Épuration sauvage. Il fut bouclé à Fresnes pour une grosse année sur la foi d’un dossier vide. Ce qu’il vécut alors à proximité du couloir de la mort, près de l’écrivain et poète Robert Brasillach, fusillé le 6 février 1945, devait le marquer à jamais (2). Il n’avait guère plus de vingt ans.

    Plus tard, dans un livre de souvenirs, Mon après-guerre (Éditions du Clan, 1976), il a narré avec talent son expérience cruelle de l’Épuration et ses difficiles débuts professionnels. Parmi d’innombrables aventures, ses futurs grands reportages au Katanga ou en Algérie, il révèle aussi pudiquement sa rencontre avec la femme de sa vie, mère de ses cinq enfants, la délicieuse Sabine, nièce de Georges Suarez, le premier écrivain fusillé à la Libération. Cela créait des liens… Plus tard, leur petite maison de Saint-Cloud fut à moitié démolie par un attentat de gens qui leur voulait du bien.

    Avec une gouaille ironique qui fait son charme, Mon après-guerre retrace les tribulations du jeune journaliste aussi doué que réprouvé, devant qui les portes se fermaient en raison de son passé. Il eut quand même la chance d’être accueilli par Antoine Blondin, devenu son ami, par Pierre Boutang, Roger Nimier, Jacques Perret et d’anciens camelots du roi, une famille politique qui n’était pourtant pas la sienne. Il en a gardé un souvenir ému qui va plus loin qu’on ne le croit.

    Au lendemain de la guerre, rappelle Brigneau, « comme les autres formations politiques françaises, l’A.F. a explosé. Des camelots, il y en a eu partout, de 1940 à 1945 : à Londres, à Alger, dans les Maquis, déportés dans les camps allemands, à Vichy, dans la Milice, dans la L.V.F., et même dans la Waffen, emprisonnés par milliers dans les prisons de la Liberté, ou enfouis dans les charniers de la Résistance. Certains sont morts qui portaient l’uniforme américain et d’autres le casque allemand. Seule une petite minorité d’initiés et d’intellectuels s’est tenue, pendant quatre ans, en équilibre instable sur la ligne de crête pour la simple raison qu’il est difficile de garder la balance égale entre ceux qui vous tuent et ceux qui vous protègent. Dans le désordre, les puissants remous de la guerre et de la guerre civile, dans l’affrontement général des hommes et des idées, des passions, des intérêts et des races, l’A.F. a perdu son unité politique. Mais elle a gardé son unité sentimentale et les haines communes qui soudent plus encore que les amours partagées. Dans l’Europe des vaincus, ajoute Brigneau, c’est la seule Eglise qui soit encore debout, une Eglise bombardée, sans évêque ni pape, une Eglise où les fidèles ne suivent plus les mêmes rites et n’ont plus les mêmes prières, mais une Eglise tout de même, fraternelle, chaude, vivante, vibrante de musique et de ferveur. »

    Superbe tableau ! Je crois que jamais rien n’a été écrit en peu de mots de plus profond et sans doute de plus vrai sur la vieille A.F. de ce temps-là, ce qui voudrait pour d’autres communautés fidèles. Et celui qui traçait ces lignes, il faut le souligner, n’avait jamais été maurrassien : « Je suis trop européen et pas assez romain », précisait Brigneau. Cela donne du prix à son témoignage. Ce qu’il dit ce cette « Eglise bombardée, sans évêque ni pape… mais une Eglise tout de même, fraternelle, chaude, vivante, vibrante de musique et de ferveur », suggère en moi comme une image de ce que j’ai appelé « le corps mystique » de ceux qui entrent en politique comme on entre en religion (Le Choc de l’Histoire) par opposition à ceux qu’attirent les ambitions de la politique, avec leurs contraintes cyniques ou sordides, souvent très éloignées de l’idéal.

    Revenons à François Brigneau. Il fut l’un des plus grands journalistes et pamphlétaires de sa génération contribuant par sa faconde pamphlétaire au succès de l’hebdomadaire Minute de la grande époque, qui tirait chaque semaine à 250 000 exemplaire sur la direction de Jean-François Devay. La richissime Mme Sinclair, épouse DSK, en sait quelques chose qui fit férocement condamner Brigneau pour une saillie assez peu méchante, dont elle aurait pu rire si l’humour et non la haine l’avait habitée.

    De fait, le bougre avait le rire  volontiers carnassier pour se moquer de ceux qu’il n’aimait pas. Tout en collaborant à la « grande presse » des années 1950-1960, France-Dimanche, Paris-Presse, L’Aurore et d’autres, il écrivait des romans noirs que n’aurait pas renié Michel Audiard. Ils lui valurent le Grand prix de la littérature policière en 1954 pour La Beauté qui meurt. Il s’offrit même le plaisir de provoquer une émeute de papier dans l’édition d’extrême gauche un an avant sa mort, quand les Editions Baleine rééditèrent en 2010 son Paul Monopol (1949) sous le titre rénové Faut toutes les buter. Un certain Didier Daeninckx (surnommé Didier Dénonce par Patrick Besson) en avala son encrier, ne voulant pas cohabiter avec un « écrivain fasciste », dont ce fut l’ultime pied de nez avant de tirer sa révérence.

    Dans un monde littéraire devenu terne, nombriliste et compassé, François Brigneau a longtemps fait passer l’esprit vif d’un anarchisme de droite qui se fait rare. Cela lui restera. Il a été inhumé au cimetière de Saint-Cloud en présence de quelques amis et sans service religieux. Tout comme sa femme Sabine, l’écrivain qui aimait bien le courage de Mgr Lefèvre, était resté pour sa part un fidèle mécréant.

    Dominique Venner (Le site de Dominique Venner, 24 avril 2012)

     

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  • Le vrai vote révolutionnaire ?...

    Nous reproduisons ci-dessous, en ce jour de la Fête du Travail, une analyse très lucide de Françoise Fressoz, éditorialiste politique du quotidien Le Monde.

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    La guerre des deux Fronts

    Une des façons de prendre la mesure du bouleversement politique qui s’est produit dimanche, au soir du premier tour de l’élection présidentielle est de se souvenir des ambitions de Jean-Luc Mélenchon .

    Après avoir ressuscité les communistes et attiré vers lui une bonne partie de l’extrême gauche, le leader du Front de gauche avait clairement désigné l’adversaire : il voulait vaincre Marine Le Pen dont il dénonçait "l’odieuse présence" et qu’il qualifiait de "semi-démente".

    Son but était de se placer devant elle au premier tour et même largement devant. Et c’est elle qui a emporté la bataille en obtenant 17,9 % des suffrages soit 6,3 millions de voix alors qu’il n’en a capitalisés que 11,1 % soit 3,9 millions.

    La campagne de Jean-Luc Mélenchon visait les perdants de la mondialisation. Le candidat  promettait de rompre avec l’Europe libérale mais refusait toute stigmatisation de l’étranger. Son projet était d’abord social : la réforme fiscale, le smic à 1 700 euros, la fin de l’emploi précaire, l’accès au logement pour tous, la restauration des services publics…

    Ses troupes agitaient les drapeaux rouges comme aux grandes heures du communisme. La révolution, c’était lui ! Et bien non. Dans l’électorat populaire, Jean-Luc Mélenchon arrive très loin derrière Marine Le Pen.

    Il ne recueille que 12 % du vote ouvrier alors qu’elle en attire 29 %. Chez les employés, il fait dix points de moins qu’elle  (12 % contre 22 %) et ne la rattrape que dans les professions intermédiaires où il prend un léger avantage (15 % contre 12 %).

    La conclusion est dérangeante. Pour l’électorat populaire, ce n’est pas le vote Mélenchon qui est révolutionnaire mais le vote Le Pen, autrement dit l’extrême droite et non plus l’extrême gauche.

    Quelques chercheurs comme Alain Mergier ou François Miquet-Marty avaient vu monter le phénomène ; ils ont réalisé ces derniers mois des entretiens dans un électorat particulièrement fragilisé par la crise économique.

    Ils avaient vu se nouer de façon inextricable la question sociale et la question identitaire, la peur de la mondialisation et le rejet de l’islam, la contestation de l’euro et la préférence nationale.

    Ils avaient noté à quel point Marine Le Pen adaptait son discours pour devenir non seulement la candidate du rejet mais aussi celle du recours .

    Il n’a pas fallu beaucoup de jours pour mesurer les bouleversements politiques que cela entraîne. Nicolas Sarkozy a comme perdu la boussole. Il court derrière le Front national et rompt les digues, sous les yeux d’une partie de la droite horrifiée et pourtant silencieuse.

    Il se noie, laissant sur les épaules de François Hollande le poids d’une alternative républicaine qui a peu de moyens pour réussir mais  aucun droit à l’erreur.

    Françoise Fressoz (Le Monde, 27 avril 2012)

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  • Prendre de l'altitude !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue éclairant de Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, consacré au choix offert aux Français pour le deuxième tour de l'élection présidentielle qui se déroulera dimanche 6 mai 2012...

     

    Château cathare.jpg

    Le 6 mai je prendrai de l'altitude !

    Le 6 mai le spectacle présidentiel prendra fin.

    Enfin ! Après six mois de simulacre démocratique, de tyrannie médiatique et de scénarisation théâtrale.

    Avec son vrai-faux duel annoncé à l’avance, en forme de prophétie auto-réalisatrice, par les vrais maîtres : les médias et les agences de communication.

    Avec la promotion d’un histrion révolutionnaire de carton-pâte et son vrai-faux suspense autour du « troisième homme ». Un vrai-faux suspense permettant de protéger les deux grands duellistes du Système. Et surtout d’empêcher une femme de devenir le deuxième homme !

    Avec des médias accordant les deux tiers de leur temps de parole, jusque fin mars, à deux candidats et à deux seuls, au nom de… « l’équité » ; avant de réduire à presque rien les émissions politiques, pendant la campagne officielle, pour contourner la règle d’égalité.

    Avec des « petits candidats » volés de leur campagne et scandaleusement traités par les grands seigneurs des médias au mépris aussi extravagant que leurs salaires.

    Avec les deux favoris trahissant leurs promesses électorales… avant même l’élection : avec François Hollande annonçant une accélération du retrait des troupes françaises d’Afghanistan et envoyant immédiatement un émissaire à Obama pour apaiser ses inquiétudes ; ou le même Hollande dénonçant la finance à Paris avant d’aller rassurer la City à Londres ; avec Nicolas Sarkozy fustigeant urbi et orbi le halal avant d’expliquer en catimini aux autorités musulmanes et juives qu’il s’opposerait à tout étiquetage de l’abattage rituel !

    De qui se moque-t-on ? De l’électeur pardi !

    L’électeur n’est pas là pour choisir le président de la République. Il a simplement pour rôle d’apporter une légitimité démocratique à un candidat jugé acceptable par la superclasse mondiale pour représenter ses intérêts en France.

    Il y avait de vrais choix au premier tour. Il n’y en a plus au second tour.

    Nicolas Sarkozy et François Hollande sont d’accord sur l’essentiel : sur les règles bureaucratiques de l’Europe de Bruxelles, sur la soumission des lois françaises aux juges des Cours européennes de Strasbourg et de Luxembourg, sur l’intégration militaire à l’OTAN, sur l’acceptation des règles du libre-échangisme mondial voulu par l’OMC, sur l’abandon de la souveraineté monétaire à la Banque centrale européenne. Sur tout cela, Hollande ou Sarkozy, quelle marge de manœuvre ? A part les coups de gueule de l’un et les postures de l’autre, quelle différence ?

    En politique intérieure, Sarkozy et Hollande sont aussi interchangeables aux yeux des grands lobbies financiers ou communautaires : lors de son dîner annuel, tenu en présence des 1000 plus grands oligarques français, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) a fait de Sarkozy son invité d’honneur… tout en se préparant à accueillir Hollande l’année prochaine. Où serait le changement ? La présidente du MEDEF a, elle, fait un pas de deux : au final, Hollande lui paraît aussi patrono-compatible que Sarkozy. Et le lobby homosexualiste s’est vu promettre le mariage gay par Hollande dès 2013, pendant que Sarkozy lui demandait simplement d’être un peu plus patient… bref, d’attendre 2014. Quant à l’enseignement de la théorie du genre à l’école, rien à craindre de Hollande : Sarkozy l’a déjà mis en œuvre !

    On me dit aussi que Hollande voudrait donner le droit de vote (aux élections locales) aux étrangers. Mais, sans l’intervention du Raid, le tueur islamiste Mohamed Merah aurait déjà pu voter à l’élection présidentielle puisqu’il était « français » : non par la culture, non par la civilisation, non par le sentiment, mais par les lois acceptées ou votées par Sarkozy !

    Des docteurs de la foi et des adeptes du « vote utile » nous disent qu’il faudrait choisir le « mal » pour éviter le « pire » ! Cela, la « majorité silencieuse » le fait docilement depuis trente ans, avec le succès que l’on sait ! Et le mal devient le pire. Car si le mieux est l’ennemi du bien, le mal est l’ami du pire.

    Le 6 mai prochain, « faire son devoir électoral » reviendrait donc pour moi à cautionner une tromperie.

    En m’abstenant, je refuse d’apporter la légitimité de mon vote à des candidats dont les priorités réelles sont nuisibles aux intérêts du peuple français, à sa substance, à son identité et à sa dignité.

    C’est pourquoi, dimanche 6 mai, je prendrai de l’altitude et j’irai méditer sur les cimes.

    Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 25 avril 2012)

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  • Pierre Le Vigan : Sarkozy et la stratégie de Patrick Buisson...

    Pierre Le Vigan, essayiste et collaborateur habituel de la revue Eléments, analyse pour Métapo infos la campagne du deuxième tour et, notamment, la stratégie de Nicolas Sarkozy...

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  • Le nouveau Kulturkampf...

    Nous reproduisons ci-dessous un article passionnant de l'intellectuel non-conformiste allemand Werner Olles, collaborateur de l'hebdomadaire Junge Freiheit, publié initialement dans la revue Catholica et que nous avons découvert sur le site d'Euro-Synergies.

     

    junge-freiheit.jpg

    [Werner Olles fait partie, comme Günter Maschke ou Botho Strauss, des Konvertiten, ces anciens activistes du mouvement de 1968 qui ont abandonné leurs attaches d’origine. En 1968-1969, Werner Olles militait à Francfort dans les rangs du SDS de Rudi Dutschke. Après être passé dans différents mouvements de la gauche radicale, il est devenu permanent des jeunesses socialistes (Juso) entre 1973 et 1977. Ce n’est que dans la fin des années soixante-dix qu’il rompt avec ce milieu. Il collabore aujourd’hui régulièrement à l’hebdomadaire berlinois Junge Freiheit, organe de presse non conformiste, idéologiquement composite, stupidement désigné du doigt comme néonazi par la propagande marxiste toujours culturellement dominante outre-Rhin, particulièrement haineuse contre les transfuges de son camp.]

     

    Le nouveau Kulturkampf

    C’est dans les années soixante, alors que l’école de Francfort prend ses distances avec le marxisme pour se rallier à la variante antifasciste du libéralisme, que l’on assiste à la fin des débats intellectuels entre gauche et droite. Pour les deux camps, bien qu’ils ne l’avouent pas, il s’agit d’une défaite intellectuelle : pour la gauche, car même si elle conserve certains restes du marxisme, elle poursuit désormais une forme de sentimentalisme moralisateur fondé sur l’antifascisme ; pour la droite conservatrice, dans la mesure où, se définissant par opposition, elle perd son adversaire et donc sa raison d’être intellectuelle.

    Dans son cas la crise prend cependant l’allure d’une tempête dans un verre d’eau, car il est difficile d’identifier chez elle le moindre projet, qu’il s’agisse d’un projet intellectuel, populiste, voire même terroriste. L’époque est aux grandes ruptures. L’Eglise catholique n’arrête pas de se réformer et les syndicats se transforment en sociétés d’assurances, tandis que les partis font semblant de faire de la politique. L’extension de l’utilitarisme a joué un rôle important dans cette évolution, avec pour effet de transformer en norme le matérialisme, sous la forme d’une idolâtrie de la marchandise, et de disqualifier la différence entre la vérité et l’erreur, ce qui fait que tout est possible pour arriver à ses fins. Dans cette idolâtrie de la marchandise, les verts allemands, les Grünen, ont joué un rôle d’avant-garde. Le communiste Rudolf Bahro disait à leur sujet : « La classe la plus corrompue psychologiquement est la classe intellectuelle bourgeoise de type alternatif dont le seul objectif est l’expansion de son propre style de vie ». Il y a quelque temps, nous avons eu un grand débat visant à faire le bilan du mouvement de 1968. La conclusion s’est imposée : la protestation révolutionnaire, loin de donner un coup de frein à la société de consommation, a paradoxalement accéléré son développement. L’adaptation a été si parfaite que les soixante-huitards n’ont même pas remarqué qu’ils étaient devenus les défenseurs d’un système qu’ils étaient censés avoir attaqué. C’est l’une des forces de ce système que de pouvoir anéantir ses ennemis par l’intégration. Dans cette grande révolution sociale, on a donc cherché la rupture avec la tradition, mais sans trop savoir vers où on allait, et c’est de cette manière que s’est construite la critique sociale. Mais maintenant que l’Etat est aux mains des soixante-huitards, les masques sont tombés et avec eux les grands idéaux, et le climat est donc au désarroi : désarroi des militants qui ont l’impression d’avoir été trompés, désarroi de la société qui ne parvient plus à distinguer les messages des uns et des autres. Et cette nouvelle situation engendre une crise de confiance vis-à-vis de la sphère politique, chacun prenant peu à peu conscience du décalage entre les discours et les actes. Au-delà des grands objectifs proclamés, il devient manifeste que les hommes politiques constituent une classe homogène qui cherche avant tout son intérêt propre. Le discrédit se porte donc à la fois sur les hommes du fait de leur hypocrisie, et sur les idées qu’ils véhiculent parce qu’elles apparaissent de plus en plus clairement comme un vulgaire alibi. Les grands concepts de souveraineté populaire et de représentation perdent leur brillant et apparaissent brutalement comme des concepts vides visant à masquer la captation du pouvoir par une classe spécialisée.

    Dans cette situation de désillusion, il est étonnant de constater à quel point l’imagination politique a pu manquer. Si la classe politique n’a pas intérêt à sortir de ce système, qui constitue son gagne-pain, la société, de son côté, tient aux avantages acquis et ne souhaite en rien sacrifier son mode de vie individualiste et hédoniste. En définitive, c’est la peur de l’inconnu qui domine : même si les gens ne sont pas satisfaits du régime actuel, ils craignent les nécessaires remises en cause que pourrait impliquer un changement. En fait, ils ne sont pas suffisamment désillusionnés pour passer à un rejet militant. Toute forme d’alternative semble impensable, si bien qu’on assiste à la victoire du mot d’ordre de Churchill : « La démocratie est le pire des régimes à l’exception de tous les autres ». Quant aux milieux conservateurs dont on attendrait une opposition plus résolue, c’est le fatalisme du fait accompli qui les anéantit. Ils sont tellement englués dans la réalité quotidienne de l’ordre des choses en vigueur que celui-ci leur masque toute autre perspective. L’imagination et l’audace politique disparaissent, la seule réponse possible restant de nature purement défensive.

    Si l’on veut comprendre ce phénomène de résignation désillusionnée ou de désillusion résignée, il faut prendre la mesure de l’extension aux masses de l’utilitarisme ironique. Si personne ne croit plus aux grands discours, seule compte désormais l’utilité individuelle. On retrouve le même processus d’ironisation du côté de l’Etat et du côté du peuple, les deux se conditionnant d’ailleurs mutuellement. Alors qu’autrefois l’Etat était convaincu de la noblesse de sa mission, aujourd’hui tel n’est plus le cas. La crise touche tout autant la classe politique que celle des fonctionnaires qui, persuadés jusque-là d’assurer une mission de bien public, tombent désormais dans la désillusion et se mettent comme les autres à adopter l’utilitarisme ambiant. Du côté de la société, le processus est analogue. A la différence d’il y a une cinquantaine d’années, personne ne croit plus aux grands discours et à la mission de l’Etat. Dans ce climat, chacun se met donc à chercher son bien propre. La société se transforme en une juxtaposition de mafias qui cherchent toutes leur intérêt. Cependant, puisque personne ne croit plus à rien si ce n’est à l’organisation du bien-être personnel, on pourrait imaginer que l’espace public affiche cet individualisme radical. Or, il semble que l’ensemble des acteurs tiennent malgré tout à sauver la face en faisant comme si de rien n’était. Pour maintenir l’illusion, on trouve de nouveaux projets ou, pour reprendre l’expression du président Kennedy, de nouvelles frontières. La construction de l’Europe tout comme le bricolage du vivant remplissent typiquement cette fonction.

    Si l’on voulait adopter une perspective de rupture, il faudrait identifier les lieux de production de l’idéologie et du conformisme, car ce sont eux qui font constamment de la publicité pour le monde tel qu’il est. La gauche, qui est allée à pas de géant de Marx à Habermas, n’est plus en mesure d’analyser les structures d’encadrement intellectuel et social des masses. Tout occupée avec sa propre subjectivité, elle n’en finit plus de s’autocélébrer. La « postpolitique » constituant le paradigme dominant, il s’opère une clôture de l’organisation sociale sur elle-même, ce qui fait que plus personne ne pense à la remettre en cause. Il n’y a plus ni ami ni ennemi, mais seulement des malades et des gens en bonne santé. Tout cela débouche sur une nouvelle forme de Kulturkampf, où il n’y a plus de véritable débat, où toutes sortes de placebos sont administrés pour faire face à la dépression de chaque camp et où l’opposant doit être « traité » pour revenir à la normalité. Ce que l’on appelle en Allemagne la « révolte des bien-pensants » (Der Aufstand der Anständigen) est typique de ce phénomène : il s’agit en effet d’une coalition hétéroclite regroupant Eglises, syndicats, partis et bonnes gens de toute couleur politique dont l’objectif est de pourchasser tous ceux qui ne sont pas dans la ligne en les accusant de néonazisme. L’ironie de l’histoire, c’est que ceux qui sont exclus se prennent pour des résistants héroïques au même titre que les bien-pensants, ce qui vient confirmer que l’idéologie actuelle fonctionne comme une machine à fabriquer de l’autosatisfaction.

    Même si on ne peut reporter toute la responsabilité sur le mouvement de 1968, il est évident que toute cette agitation a contribué à la déconstruction de l’Etat dans sa forme autoritaire telle qu’elle a existé jusque dans les années cinquante. L’objectif était de casser ce qui pouvait rester d’unité sociale pour aboutir à l’éclatement dans tous les domaines : politique, culturel, et aussi religieux. Et ce processus a pris corps avec la politisation et la démocratisation de tous les secteurs de la vie. L’une des fonctions essentielles de 1968 aura été de faire sauter un certain nombre de verrous. Dans les années soixante, la société était mûre pour se libéraliser tandis que l’Etat travaillait à sa propre dissolution/recomposition (Entkernen). La nouveauté, c’est alors l’éclatement de la société en de très nombreux petits groupes d’intérêt qui fonctionnent tous à la manière de gangs. L’Etat lui-même est devenu mafieux au point qu’il n’est plus possible de le distinguer du reste de la société. Certes, nous ne touchons pas encore le fond et il est difficile de discerner la sortie de ce processus de déclin, mais personne ne paraît aujourd’hui en mesure de donner un coup de frein. En fait, le système a découvert les lois de l’éternelle stabilité ! Il s’agit d’une grande tromperie dont personne n’est dupe mais que tout le monde accepte.

    C’est là que la question du « que faire ? » prend tout son sens. Malheureusement, du côté de ceux qui sont censés refuser l’effondrement, on ne peut que constater le manque d’idées visant à arrêter ce dernier. Et pourtant il y a suffisamment de raisons qui devraient pousser à la révolte contre le système technocratique, d’autant plus que si ce dernier est très puissant, il est en même temps très vulnérable. Du fait de cette contradiction interne, je pense qu’il vaudrait mieux parler d’ordre instable. Le paradoxe est si fort que le scénario de l’implosion n’est pas à exclure : ce serait la réitération à l’Ouest de ce qui s’est passé à l’Est pour le régime communiste. Cependant, il nous faut prendre conscience qu’aussi longtemps que la grande coalition de technocrates-chrétiens et des sociaux-technocrates, des réalistes pragmatiques et des gens de droite, s’appuyant sur les restes de la théorie critique, entretiendra son hégémonie culturelle sous la forme de l’évangile de la « société civile » ou sous la forme de l’engagement en faveur des droits de l’homme, toute révolte contre cette technocratie sera impossible et de ce fait devra être pensée dans la durée. Une autre difficulté vient du caractère insaisissable des centres de pouvoir, puisque la technocratie est tout à la fois partout et nulle part. Auparavant, il était facile d’identifier les lieux du pouvoir : c’était l’empereur, le tsar, le roi. Avec la nouvelle technocratie, le pouvoir devient à la fois tentaculaire et anonyme. La révolte devient de ce fait beaucoup plus difficile.

    * * *

    Plusieurs éléments peuvent cependant jouer à l’avenir et la démographie n’est pas l’aspect le moins important. On va en effet tout droit vers le suicide démographique : il s’agit d’une vague de fond irrésistible. Le système a trouvé malgré tout la parade en recourant massivement à l’immigration. Et je ne crois pas que de ce fait nous allions au devant d’une grande guerre civile, car les nouveaux arrivants vont progressivement s’assimiler et, un jour ou l’autre, ils seront aussi décadents et corrompus que le reste de la population. Certes, on peut imaginer qu’une minorité restée religieuse garde un mode de vie différent, mais il ne peut s’agir que d’une minorité. De toute façon, si elle garde sa religion, ce sera uniquement à titre privé. Même si les futurs immigrés parviennent à constituer une force sociale, ils prendront les mêmes habitudes et deviendront aussi mafieux que les autres. Je ne crois ni à un clash violent ni à la république islamique. En revanche, la décadence occidentale se renforcera.

    Aussi, je ne vois aujourd’hui aucune issue dans la décennie qui vient. Même en France où un contexte plus favorable permet l’expression politique dissidente, le système sait gérer cette « crise » en mettant en place tous les contre-feux nécessaires. Je suis donc plutôt pessimiste dans le court terme. Avec la disparition de l’attachement à la religion, à la nation ou à la famille, on assiste à une nouvelle aggravation du drame de l’homme moderne. Il est vrai que la société atomisée peut encore enivrer ses membres avec plus de loisirs, de vacances, de télévision, de consommation et de drogue. Comme dirait mon ami Günter Maschke, il nous faut faire face à un phénomène d’« individualisation sur fond de massification totale ». Tandis que la reproduction industrielle de l’homme est à portée de la main, jamais on ne lui a autant expliqué combien il constituait une créature singulière ! Mais parallèlement l’homme expérimente quotidiennement sa solitude, son désarroi et sa totale impuissance. Il va donc falloir admettre un jour que le projet des Lumières a échoué et que la société moderne est régie par un anti-humanisme. Mais comme personne n’ose le dire — car il faudrait alors admettre que l’existence humaine est une « vallée de larmes » — le train est déjà parti et on ne peut plus l’arrêter.

    Pourrait-on reprendre contre le système technocratique la révolte inaugurée par le surréalisme à l’encontre la domination de la raison ? Ce ne serait qu’un jeu, une mise en scène esthétique. « Qui ne fait plus aucune conquête, consent à être conquis », écrivait Cioran. Il est difficile de discerner les contours que la dissidence peut et doit prendre si elle veut échapper à certains courants pessimistes. Sans objectif, elle oscillera en tout cas entre ralliement « réaliste » et opposition totale mais stérile. Je ne vois malheureusement nulle part une volonté politique de dépasser la situation présente. Il se passera encore beaucoup de temps avant que les nappes de brouillard ne se dissipent et que l’on puisse distinguer les nouvelles lignes de front pour que finalement sonne l’heure du politique et du réveil national. Si bien qu’aujourd’hui je pense que notre devoir est de créer un peu de désordre intellectuel dans une sphère publique occupée par un Kulturkampf au rabais, et dont le caractère artificiel tient à la mise en scène stéréotypée des protagonistes, la figure du conservateur jouant le rôle de bouc émissaire. Je ne crois pas au caractère réformable du système et toute stratégie participative, notamment par l’insertion au sein des partis, est vouée à l’échec. En revanche, il est possible à mon sens de travailler dans deux directions. C’est ce que j’ai eu l’occasion d’expliquer, il y a un certain temps, en marge d’une conférence tournant autour de mon article Das Verlust des Politischen (« La perte du politique », Junge Freiheit, 11 août 2000). Une première piste consiste à tisser des liens micro-sociaux. Face à l’isolement, la survie ne peut passer que par l’entretien de relations actives à cette échelle. L’autre piste, c’est le travail intellectuel, sachant qu’il ne faut surestimer aucune des deux pistes. En effet, d’un côté, il y a ceux qui croient à l’activisme — au collage d’affiches ! — mais qui ne se rendent pas compte que cela ne sert à rien, tandis que de l’autre il y a ceux qui écrivent des articles pour une douzaine de personnes qui acquiescent tout en se demandant ce qu’il faut faire. Le drame, c’est que ces deux populations ne se rencontrent pas. Tout se passe comme s’il existait un fossé entre les pragmatiques et les intellectuels. Or il est important d’unir les deux dimensions si l’on veut éviter l’écueil de l’intellectualisme désincarné tout comme celui de l’activisme irresponsable. Mais avant cela, il faut fixer les objectifs et se clarifier les choses à soi-même. Et en ce sens, démystifier l’ordre existant est un moyen de comprendre ce qui se passe et de saisir les occasions quand elles se présentent.

    Werner Olles (Catholica, 22 juillet 2008)

    Article disponible sur le site de la revue Catholica: http://www.catholica.presse.fr

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