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Points de vue - Page 255

  • Marc Lévy et Victor Hugo...

    Nous reproduisons ci-dessous la dernière chronique de Richard Millet, cueillie sur son site et consacrée à la dégénérescence des goûts culturels des Français. Cruel et réjouissant...

    Auteur de nombreux romans, récits et essais, Richard Millet vient de publier récemment le Dictionnaire amoureux de la Méditerranée (Plon, 2015) et Solitude du témoin - Chronique de la guerre en cours (Léo Scheer, 2015).

     

     

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    Henri Dutilleux

     

    Marc Levy et Victor Hugo

    Eclairant, le sondage réalisé pour Le Figaro sur les goûts littéraires des Français : d’après cette consultation para-démocratique (un sondage ayant valeur de journal quasi-officiel), il ressort que les écrivains préférés des Français sont, pour les vivants, Marc Levy, Jean d’Ormesson, Guillaume Musso, Max Gallo et Amélie Nothomb. Pour les morts : Victor Hugo, Marcel Pagnol, Jules Verne…

    Si ce sondage est reçu sans sourciller par le monde littéraire comme par les honnêtes gens, c’est que la cause est entendue : la « littérature française » est une grande famille sympa et tolérante, qui ne saurait exclure personne ni stigmatiser aucun de ses membres, appartinssent-ils à la sous-littérature, comme c’est le cas de quatre des cinq premiers écrivains vivants – d’Ormesson étant un cas à part, un écrivain sans importance, qui représente une littérature bourgeoise depuis longtemps disparue, et justement aimé pour cela : le Paul Bourget de notre temps, le corpus ormessionnien pouvant se ranger sous ce générique : Mon dernier pet sera pour vous, le comte d’Ormesson étant d’ailleurs appelé à bientôt péter dans la soie de la Pléiade, c’est-à-dire plus haut que son cul.

    Dans ce « peloton de tête », on s’étonnera de ne trouver ni Das Klezio ni Modiano, pourtant nobélisés, non plus qu’aucun représentant de la « diversité » ethnique ou sexuelle – la femme Nothomb sauvant l’honneur de l’ex-« beau sexe » devenu le sexe fort et puissamment représenté dans la production romanesque. Sans doute est-on allé au plus lisible, les « Français » ayant donné là leurs « coups de cœur », encore que Levy et  Musso soient l’exemple même de l’illisibilité contemporaine.

    La même confusion vaut pour la liste des morts, qui mêle trois degrés de l’échelle littéraire. Gageons que, de Hugo, on ne connaît plus que des résumés des Misérables, peut-être Ruy Blas revu par Oury et de Funès, et quelques poèmes. Jules Verne est, lui, aussi un véritable écrivain, sans doute inclassable. Quant à Pagnol, c’est un bon cinéaste.

    Nous touchons donc le fond : la faute en incombe non seulement à la presse dite littéraire qui s’emploie à mettre sur le même plan tous les « auteurs » afin de les faire accéder au statut d’écrivains, mais aussi à l’Education nationale qui, non contente de ne plus fournir d’échelle historique aux élèves, réduit leur jugement esthétique à la binarité « j’aime/j’aime pas », laquelle interdit évidemment toute évaluation critique qui puisse être vécue comme stigmatisante.

    Il en va de ce sondage comme des « personnalités préférées » des Français : on en a honte – et l’un des effets de cette honte est d’empêcher qu’on se sente encore français. Comment être, en effet, le concitoyen de Marc Levy et de Yannick Noah ? Imaginons un étranger lisant le résultat de ces sondages : il constatera que la France n’existe plus ; et il aura raison. Autant être maltais, chypriote ou australien.

    Dans le même temps, de bons musulmans afghans tuaient à coups de pied une femme accusée d’avoir profané le coran, de bons sunnites abattaient 142 mauvais chiites dans des mosquées de Sanaa, et la mémoire d’Henri Dutilleux, un des plus grands compositeurs du XX° siècle, était de nouveau offensée par le pouvoir socialiste, qui a décidément du mal avec lui : l’auteur de Métaboles et de Timbre Espace Mouvement (titres élitistes, discriminatoires !) avait eu le mauvais goût de mourir, en 2013, le même jour que le chansonnier Georges Moustaki, ce qui explique qu’il n’y ait eu, à ses obsèques, pas même un sous-secrétaire d’Etat. J’ignore par ailleurs si le pouvoir moustakiste a dépêché quelqu’un aux obsèques de Demis Roussos… Le cas Dutilleux n’est cependant pas réglé : un certain Christophe Girard, commissaire politique de la mairie de Paris, vient d’empêcher qu’on appose une plaque commémorative sur la maison habitée par le compositeur, dans l’île Saint-Louis, sous le prétexte que Dutilleux a composé, au temps du Maréchal, la musique d’un film destiné à la jeunesse vichyste. Suggérons à ce fasciste culturel d’étendre son prurit épuratif à tous les lieux parisiens portant les noms d’Aragon, d’Eluard, de Beauvoir, de Sartre et de tous ceux qui se sont compromis avec le totalitarisme communiste ou qui ont été joués sous l’Occupation : ce ne serait que justice. Il est vrai que la schizophrénie politique de gauche se double d’une volontaire confusion des valeurs qui rend possible le sondage du Figaro ou le fait que la première manifestation de la Philharmonie de Paris, grandiose salle vouée à la musique classique, soit une exposition consacré à David Bowie, qui est à la musique ce que les romanciers post-littéraires sont à la vraie littérature. A-t-on par ailleurs vu les écrivains bowifiés protester contre l’affront posthume fait à Dutilleux? Ils ne savent même pas qui est ce compositeur. Tel est l’état de la culture, en France.

    La plaque commémorative consacrée à Dutilleux portait ce texte : « Compositeur de musique contemporaine », autant dire : « Passant, oublie Dutilleux, il composait une musique inaudible du bon peuple métissé, post-moderne, démocratique »… Au moins le compositeur aura-t-il échappé à ce ridicule.

    Richard Millet (Site officiel de Richard Millet, 21 mars 2015)

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  • Halte à la tintinophobie !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Xavier Ajavon, cueilli sur le Figarovox et consacré aux accusations de racisme qui visent périodiquement les albums de Tintin, le héros d'Hergé...

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    Halte à la tintinophobie !

    Les polémiques autour de Tintin poussent comme des champignons après la pluie, comme les champignons sur l'Étoile mystérieuse... Dernière péripétie médiatique en date autour du sulfureux reporter à la houppette blonde et au chien parlant: la charge de la communauté amérindienne de Winnipeg (capitale du Manitoba, au centre du Canada) contre la bande dessinée Tintin en Amérique qu'ils voudraient interdire à la vente dans une chaîne de librairies de la ville.

    L'album, publié initialement en 1932 puis réédité dans une version couleur modernisée en 1946, véhiculerait selon eux des stéréotypes racistes à l'égard des indiens «Peaux-rouges». L'avocate à l'origine de cette virulente charge communautaire explique: «Les indiens sont présentés comme des êtres sauvages et dangereux, des êtres que l'on doit craindre». Cette représentation des autochtones chez Tintin ferait écho, d'après elle, au racisme subi de nos jours par les amérindiens. La chaîne de librairies visée par cette opération, Chapter's, a d'abord retiré l'album présumé honteux de la vente -avant de vite le remettre en rayon... le temps de mesurer le manque à gagner d'une telle décision (c'est l'album de la série Tintin qui se vend le mieux à travers le monde...)? Ou de simplement le lire? Et de constater -à condition d'aller au-delà de la couverture (où l'on voit Tintin en mauvaise posture, ficelé à un poteau, sous la menace du tomawak d'un chef indien)- que le portrait fait par Hergé des amérindiens est plus complexe que ne veulent bien le dire ses détracteurs...

    À Chicago, aux grandes heures de la prohibition, Tintin entreprend de lutter contre la pègre en général et Al Capone en particulier (Dans le précédent opus -Tintin au Congo- le petit reporter était parvenu à démanteler un trafic de diamants organisé par le Saint-Patron de tous les gangsters). Armé de son courage, de sa carte de presse et de son chien Milou, Tintin poursuit l'aventure, se fait enlever par des bandits, est pris dans une guerre des gangs, et finit par atterrir sur les terres des Peaux-Rouges.

    Commencée à l'ombre des gratte-ciels de Chicago, l'aventure se poursuit sous la forme d'une sorte de western belge où le reporter abandonne son style vestimentaire habituel, pour un accoutrement de cow-boy -chemise à carreaux, Stetson avantageux et révolver à la ceinture- que n'aurait pas renié John Wayne. Afin de se tirer d'affaire, l'un des gangsters que pourchasse Tintin convainc les indiens que le petit reporter cherche à les dépouiller de leurs terres. S'ensuit une dizaine de pages où l'on voit le héros de Hergé aux prises avec les autochtones. Le chef déterre la hache de guerre et Tintin est capturé. Voit-on des «sauvages»? Non, mais un peuple défendant sa terre... Le méchant de l'histoire est le gangster américain qui a poussé Tintin dans ce traquenard. À l'issue de la péripétie du pétrole est découvert sur la réserve des Peaux-rouges. Des nuées d'hommes d'affaires cherchent à acheter les terres. L'un de ces vautours offre 25$ au chef, qui refuse, puis toute la tribu est délogée manu militari. On voit une ville entière se construire sur les terres pétrolifères indiennes, en une nuit seulement... On voit par là non seulement qu'Hergé n'a pas méprisé les indiens, mais qu'il attribuait plutôt le mauvais rôle aux colonisateurs avides de richesses.

    Ce n'est pas la première fois que Tintin est la cible des militants besogneux du politiquement correct et des censeurs hyperactifs des causes communautaires... L'album Tintin au Congo est régulièrement la cible de procès, de déclarations indignées sur le racisme supposé d'Hergé, et de happenings tragi-comiques dans les librairies. A la fin de l'année 2014 un angoissant «Groupe d'intervention contre le racisme» a organisé une opération coup de poing contre l'aventure congolaise de Tintin: des membres de ce groupuscule sont entrés en force à la Fnac des Halles à Paris pour coller sur les albums d'Hergé le sticker de la honte: «Produit toxique, relents racistes. Peut nuire à la santé mentale»…

    Afin de faciliter la tâche de la police de la Bande-dessinée (qu'il faudra bien finir par créer...) nous suggérons plusieurs actions afin de rendre les albums de Tintin parfaitement conforme à l'hygiène mentale et morale de notre temps:

    - commencer par faire disparaître totalement le personnage du Capitaine Haddock, qui est une honteuse caricature de marin alcoolique. Le syndicat des officiers de marine alcolo-dépendants ne saurait tolérer plus longtemps cette situation.

    - il sera nécessaire de revoir intégralement le personnage de la Castafiore, qui pourrait incommoder par son caractère et ses traits bien des chanteuses lyriques en surpoids.

    - comment tolérer plus longtemps le personnage de petit démon d'Abdallah, qui tyrannise littéralement Tintin dans plusieurs épisodes? Cette représentation des mineurs issus des pays orientaux pourrait tomber sous le coup de poursuites.

    - il faudra aussi penser à ménager le peuple imaginaire de Syldavie, on ne sait jamais... certains syldaves imaginaires pourraient déposer plainte.

    - et que penser de la représentation de la gémellité à travers le tandem bouffon des Dupont-d?! Une commission consultative de jumeaux devra rendre un rapport sur la question. Des États-généraux s'ensuivront. Puis un Grenelle.

    - et les sourds, ne pourraient-ils pas se sentir blessés par le professeur Tryphon Tournesol, son cornet auditif et le génie qu'il a d'être toujours à côté de la plaque?

    Quand tous les albums seront épurés, nous pourrons à nouveau les rééditer. Ils seront conformes au temps, et ne blesseront personne.

    Toutes les pages seront blanches...

    François-Xavier Ajavon (Figarovox, 18 mars 2015)

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  • Du rôle de l'état...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue Patrice-Hans Perrier, cueilli sur De Defensa, animé par Philippe Grasset, et consacré au phénomène de la dissolution de l'état...

     

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    Du rôle de l'état

    Tentative d’explication du phénomène de la dissolution de l’état

    L’état, pour ce qu’il en reste en 2015, constitue l’appareil de représentation des intérêts en jeu au sein de la cité. À l’époque de la Grèce antique, la Polis désignait une communauté de citoyens libres et autonomes. Par-delà les débats entourant la notion équivoque de liberté, c’est l’autonomie politique qui nous interpelle avant tout.

    Le communautarisme, ce cancer des sociétés postmodernes occidentales, agit comme un dissolvant qui prive les citoyens d’une réelle autonomie. La joute qui oppose les avatars communautaires et la représentation étatique corrode toute notion de patriotisme. Derrière les avatars du communautarisme se profile une lutte de «tous contre tous», dans un contexte où la politique des lobbies (et autres obédiences) pervertit les échanges au sein d’une agora ressemblant à une place boursière.

    Voilà ce qui explique pourquoi nos états sont corrompus jusqu’à la moelle. Les politiques, acteurs cooptés par le monde du spectacle, sont élus par des minorités agissantes sur la base de fausses promesses qui ne seront jamais tenues au final. Le jeu politique consiste en une médiation entre l’ordre économique et les intérêts réels des citoyens. Cette médiation a pour but d’apaiser les craintes exprimées par les citoyens à propos de la violence vécue au quotidien.

    De citoyens à simples payeurs de taxes

    Les citoyens sont des payeurs de taxes, donc les pourvoyeurs d’un immense fond d’investissement qui profite à cette bienveillante «main invisible du marché» qui dicte l’agenda politique. Une partie des subsides de l’état sert à l’entretien d’infrastructures qui permettent aux «forces du marché» de mener à bien leurs entreprises. Une autre partie est ponctionnée au profit de «l’intérêt sur la dette». Finalement, ce qui reste est attribué aux instruments de contrôle, de répression et d’endoctrinement de la populace. Puisqu’il faut bien le dire : la citoyenneté est morte, c’est le peuple des consommateurs qui est convié à assister, en toute impuissance, à la joute politique consacrée par l’appareil médiatique.

    La politique, médiation des intérêts en lice au sein de la Polis, est tombée en désuétude. Le «monde du spectacle» a pris le relais comme médiation obligée entre les représentants de la populace et les véritables tenants du pouvoir. La médiation ne concerne plus l’équilibrage des intérêts des citoyens, elle s’apparente plutôt à une mise-au-foyer des icônes de la représentation. Voilà pourquoi nous vivons dans un monde iconoclaste et c’est, par voie de conséquence, ce qui explique pourquoi le pouvoir de la rente mobilise ses activistes stipendiés pour avilir ou détruire certaines icônes représentant l’ordre ancien.

    Les marchands du temple

    Qu’il nous soit permis de rappeler à nos lecteurs que la médiation au sein de la Polis se joue sur la valeur marchande des échanges, non plus à partir d’une verticalité ontologique. Le Veau d’or, pourtant conspué dans la Bible, a retrouvé sa place à New-York, Babylone des temps modernes. Et, ses vestales sont les opérateurs de transactions boursières qui ressemblent de plus en plus à des incantations qui échappent aux citoyens.

    Ce changement d’allégeance explique la frénésie actuelle des élites aux commandes pour ce qui est de permuter les valeurs symboliques, dans un contexte où la «liberté d’expression» est, plus que jamais, à géométrie variable. Puisque, ne l’oublions pas, c’est la sphère marchande qui dicte l’ordre moral. Plus que jamais les ministères à vocation éducative, culturelle, ou qui s’occupent du monde de la communication, se voient investis d’une mission capitale pour le capital. Il s’agit de neutraliser tous les relais de la représentation pour que la mémoire collective soit harnachée en fonction de ce fameux «narratif» de service.

    L’histoire est prise en otage par les prescripteurs embauchés par le «monde du spectacle». Le monde de la «politique spectaculaire». Plus que jamais, les vainqueurs réécrivent l’histoire à leur avantage et, bien avant qu’un événement ne se produise, il convient d’afficher le récit officiel qui finira par s’imposer de lui-même. La sphère politique est comparable à un prétoire à l’intérieur duquel les représentants du grand capital font semblant de … nous représenter.

    La corruption et la vertu

    L’état serait, toujours de l’avis de nos habiles prescripteurs, cet arbitre impartial qui a pour mandat de faire en sorte que les «affaires de la cité» soient menées au bénéfice du plus grand nombre. Justement, le plus grand nombre désigne cette masse protéiforme qui se déplace en fonction des flux monétaires qui détruisent certains marchés économiques pour en reconstruire d’autres. Sous d’autres latitudes et en fonction d’agendas géopolitiques qui satisfont aux desideratas de la nouvelle gouvernance mondialiste.

    Il s’agit de satisfaire aux caprices (travestis en aspirations) du plus grand nombre à l’intérieur d’un grand «marché maximus» s’adaptant aux objectifs de la rente. C’est ce qui explique pourquoi les anciennes vertus ont cédé la place aux vices de la surconsommation à outrance. Et, à défaut de denrées et services en espèces trébuchantes, il restera toujours de l’information à consommer. Comme l’explique Guy Debord dans son essai «La Société du Spectacle», le spectacle de la consommation se suffit à lui-même et les consommateurs sont assujettis à un ordre marchand qui édicte une doxa que nul ne peut contester.

    Le procès de la consommation fonctionne comme une concaténation qui se nourrit, inexorablement, de corruption et de prébendes. La «rectitude politique» réclame toujours plus de vertu, d’intentions vertueuses; alors que les « forces du marché » tablent sur la corruption totalitaire à tous les échelons du spectacle ambiant. La corruption permet d’accélérer le processus de liquidation des «places fortes» de nos antiques démocraties mourantes. Le modus operandi est simple : il suffit d’acheter des dirigeants et des politiques, de les corrompre et de les remplacer par de nouveaux acteurs. Cette machination a été calquée sur le modèle du «star system» hollywoodien.

    Le pouvoir est corruptible

    Les lobbies, et autres obédiences qui oeuvrent en sous-main, s’accaparent la meilleure part du gâteau. Il s’agit de faire adopter divers agendas qui constituent les pierres d’un édifice qui nous embastillera tous, de manière inexorable. L’agenda consiste à laisser pourrir de l’intérieur l’état et tous ses relais : de l’entretien des infrastructures jusqu’à l’éducation nationale, en passant par la défense nationale. De toutes manières, les partenariats public-privé (PPP) ont déjà pris le relais.

    Ainsi, le plus simplement du monde, les écoles et les prisons sont privatisées, les multinationales des grands travaux publics et des infrastructures de l’eau ont été mis dans le coup et, jusqu’aux ministères de la défense qui doivent sous-contracter des mercenaires (de type Blackwater ) afin d’assurer la projection militaires sur certains terrains d’opération. De grands groupes d’actuaires (KPMG et consorts) viennent auditionner les comptes courants de nos gouvernements, en attendant que les agences de notation privées ne décident de faire plonger dans le rouge la cote financière des états qui refusent de s’aligner sur les politiques du jour.

    La société liquide

    La pression du grand capital a fini par faire éclater les digues qui protégeaient la cité. Les flux financiers se déplacent de manière instantanée grâce à la numérisation des transactions. Le monde de la finance impose sont ubiquité à tous les relais du pouvoir et les agences de notation donnent le «la».

     

    Les grands prêtres de la finance ont décidé quand et comment il fallait mettre en place des sanctions économiques contre la Russie. Ensuite, ils ont concocté les montages financiers destinés à armer la junte au pouvoir en Ukraine. Puis, les agences de notation ont abaissé la note de crédit souverain de la Russie … les dirigeants russes ont rétorqué par l’entremise du premier ministre russe Dimitri Medvedev que «l’abaissement de la notation d’un pays constitue un élément politique pur et dur». En fait, les dirigeants russes ont très bien compris que la politique internationale se décide sur les places financières de la cité virtuelle par excellence : la City.

    Outre le fait que les dirigeants russes ne désirent plus transiger en utilisant les pétrodollars, c’est leur entêtement à vouloir conserver une direction politique qui choque les milieux financiers. Contrairement à leurs alliés chinois, les parlementaires russes refusent de laisser les places sacrées de leur Polis être souillées par les incantations des grands prêtres de la finance.

    La politique internationale est, désormais, au service de la haute finance qui, en dernier ressort, exécute les desseins d’une caste de grands prêtres aux commandes. Les religions antédiluviennes refusent de céder la place. La Grèce antique avait façonné le logos. La Chrétienté mettra de l’avant la charité. De cette alliance historique naîtra la civilisation européenne.

    Une société liquide vient de leur succéder. L’indifférenciation constitue une des pierres d’assise du nouveau contrat social. Tout doit pouvoir s’échanger de manière fluide et sans contraintes politiques. Voilà pourquoi la politique fonctionne comme une entreprise de relations publiques totalement assujettie aux marchés financiers.

    Le traité transatlantique (TAFTA), qui devrait être adopté en 2015, si tout va bien, poursuivra l’œuvre de laminage entreprise par l’Union européenne. De la sorte, une poignée de puissants conglomérats pourra dicter sa loi aux états moribonds situés de part et d’autre de l’Atlantique. Tous les Council on Foreign Relations (FCR) et les Round Table de ce monde n’auront servi qu’à aplanir les divergences émanant de nos gouvernement tenus en otage. Pour que le «langage machine» des opérateurs financiers finisse par remplacer la dialectique d’une «rectitude politique» qui ne sert plus à rien au bout du compte. Le compte y est.

     

    Patrice-Hans Perrier (De Defensa, 11 mars 2015)

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  • Information, désinformation, manipulation: cessons de fabriquer un ennemi russe...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Philippe Migault, directeur de recherche à l'Institut de Relations Internationales et stratégiques, cueilli sur le site de l'agence de presse Sputnik et consacré à la désinformation systématique dont fait l'objet la Russie dans les médias français...

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    Information, désinformation, manipulation: cessons de fabriquer un ennemi russe

    La dépouille de M. Nemtsov n'avait sans doute pas encore fait l'objet de l'autopsie de rigueur que déjà la twittosphère française vibrait de messages d'indignation avec, en ligne de mire, Vladimir Poutine. "Coupable, forcément coupable, Vladimir P. " pourrions-nous dire pour paraphraser Marguerite Duras. Celle-ci, rappelons-le, couvrait une autre affaire sordide d'assassinat il y a trente ans pour le quotidien Libération. Elle avait attribué la culpabilité d'un crime à la mère d'un enfant-martyre, sans la moindre preuve, la moindre enquête. Le procédé foulait aux pieds toutes les règles de la profession journalistique mais qu'importe: l'émotion primant sur la réflexion, Libération avait publié cette infamie sans plus de précautions. L'art officiel, n'est-ce pas, peut l'emporter sur les faits.

    Nous ne savons pas encore qui a tué Boris Nemtsov. Peut-être ne le saurons-nous jamais. Mais ce qui est certain c'est que nous savons qu'il existe un double standard dès qu'il s'agit de parler de Vladimir Poutine, dès qu'il s'agit de parler de la Russie. Pour le chef de l'Etat russe, pour son peuple qui, les sondages en attestent, le soutient massivement, pas de présomption d'innocence. Ex-agent du KGB, Vladimir Poutine est nécessairement un nostalgique de l'Union Soviétique qui, via une propagande magistralement orchestrée par des médias sous contrôle total du Kremlin, a hypnotisé son opinion publique et l'entraîne dans une dangereuse spirale ultranationaliste et impérialiste. Cette dérive, bien évidemment présentée comme fascisante par les médias occidentaux, est susceptible de selon eux de mener le Président russe à conquérir l'Ukraine et, qui sait, demain les pays Baltes, ou la Pologne.

    Il suffit d'ouvrir n'importe quel journal, d'écouter quelques heures la radio pour que, sans cesse, le même mythe d'un retour de la guerre froide revienne avec, en arrière-plan, le spectre menaçant d'une armée rouge ressuscitée. Français stockez des pâtes. Comme en mai 1981, les chars russes se préparent à défiler place de la Concorde. Tout cela serait comique si, en définitive, un vrai climat de haine et de paranoïa ne s'installait pas peu à peu en France, tout individu ne hurlant pas avec les loups contre le péril russe étant qualifié d'agent d'influence à la solde de Moscou. Il n'est plus possible aujourd'hui de parler, d'échanger, de raisonner, d'argumenter dès qu'il s'agit de la Russie, de Vladimir Poutine. Vous êtes contre et vous êtes dans le camp du bien. Ou bien vous n'êtes pas sur la ligne dominante et vous participez de l'axe du mal ou, au mieux, êtes suspect de trahison envers la nation. Ne parlons même pas de ceux qui écrivent dans les colonnes d'un média gouvernemental russe…

    Le pire est que l'on retrouve ce manichéisme dans certains des cercles de réflexion supposés les mieux informés. Loin des caméras et des micros, alors que la discussion pourrait être sereine entre individus aux opinions divergentes, mais censés se caractériser par leur sang-froid, leurs capacités d'analyse, les craintes les plus folles s'expriment vis-à-vis de la Russie. La Russie c'est l'ennemi. Et gare à celui qui ose apporter la contradiction. "Il suffit d'observer les programmes militaires que les Russes développent prioritairement pour se rendre compte qu'il s'agit essentiellement de programmes défensifs", constatait récemment un brillant penseur militaire français, ancien officier supérieur, lors d'une discussion à laquelle l'auteur de ces lignes prenait part. Le silence de plomb qui a suivi ses propos en disait long sur la prudence de ceux qui, partageant cette opinion n'osaient acquiescer, et la réprobation de ceux qui le tenaient pour un individu "politiquement incorrect".

    Nous sommes sortis du raisonnable. Il convient de vite y revenir. Fragile, le cessez-le-feu tient malgré tout pour l'heure, dans le Donbass. Timidement, pas à pas, certains dirigeants européens renouent un dialogue plus apaisé avec la Russie. Il faut poursuivre dans ce sens, dans les mois qui viennent, pour régler le problème ukrainien en concertation, avec toutes les parties concernées en Europe. Les responsables français, allemand, russe et ukrainien ont signé un accord à Minsk  et évoquent "la création d'un espace humain et économique commun, de l'Atlantique au Pacifique". On n'avait pas évoqué une perspective aussi ambitieuse et optimiste depuis l'époque de François Mitterrand, Helmut Kohl et Mikhaïl Gorbatchev, il y a de cela vingt ans. Vingt ans perdus. Nous devons nous accrocher à cet espoir et cesser en France et en Russie —car les médias russes ont leur part de responsabilité — une guerre médiatique absurde qui ne fait que creuser le fossé entre les nations. "Une information et son démenti, cela fait deux informations", déclarait Pierre Lazareff, le plus célèbre des patrons de presse français, cité encore en exemple dans toutes les rédactions et toutes les écoles de journalisme de l'hexagone. Il faut en finir avec ce cynisme. Car le démenti arrive toujours trop tard et le mal est fait.

    Philippe Migault (Sputnik, 10 mars 2015)



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  • Pourquoi Valls sonne-t-il le tocsin ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 10 mars 2015 et consacrée à l'hystérie qui semble s'être emparée du premier ministre qui multiplie les déclarations outrancières à l'encontre du Front national à l'approche des élections départementale de la fin mars...

     


    "Manuel Valls peut tout jouer, mal mais tout... par rtl-fr

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  • Qu'est-ce qu'être français ? La réponse d'un Québécois...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Mathieu Bock-Côté, cueilli sur Figarovox et consacré à la question de l'identité française. Québécois, l'auteur est sociologue et chroniqueur à Radio-Canada et a déjà publié plusieurs essais.

     

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    Qu'est-ce qu'être Français? La réponse d'un Québécois

    Le Français de souche est victime d'un vilain paradoxe: officiellement, il n'existe pas, fondamentalement parce qu'il n'existerait plus. La nation française serait tellement métissée aujourd'hui qu'on ne saurait plus discerner quelque population de souche que ce soit. Il s'agirait d'un fantasme généalogique d'extrême-droite, référant à un âge d'or révolu de l'homogénéité ethnique qui aurait en fait été un enfer. En fait, il se pourrait même qu'il n'ait jamais existé: le métissage serait la véritable loi de l'histoire et d'une époque à l'autre, il aurait imposé ses codes à la France, qui n'existerait qu'au pluriel. Le Français de souche n'aurait même jamais existé, car il n'y aurait jamais eu d'époque d'avant l'immigration de masse.

    Et pourtant, de temps en temps, sans avertir, il revient à l'avant-scène, à la manière d'un affreux personnage qui sent très mauvais et qu'on évoque publiquement pour en dire du mal. C'est ce qui lui arrivé il y a quelques jours lorsque François Hollande y a fait référence pour préciser que les barbares qui avaient profané les sépultures dans un cimetière juif n'étaient pas seulement des «jeunes» parmi d'autres, pour reprendre la formule médiatiquement convenu, mais bien des Français de souche -autrement dit, ils n'étaient ni arabes, ni musulmans, et dans ce cas, il était tout à fait pertinent de rappeler leur origine ethnique sans que personne ne hurle à l'amalgame. On peut parler du Français de souche, mais seulement pour dire qu'il est un salaud.

    La chose n'est pas nouvelle et dépasse les seules préoccupations sémantiques. Il y a plus de dix ans, on s'en souvient, s'inquiétant de la persistance de l'identité française dans un pays qu'il aurait voulu soumettre au génie de la mondialisation et de la construction européenne, Philippe Sollers s'était permis une tirade contre la France moisie. Il pensait à la France béret-baguette, gouailleuse, enracinée, celle du terroir, qui préfère la souveraineté nationale au fédéralisme européen et qui s'imagine encore qu'il faut posséder quelques rudiments de culture française pour se dire français. Plus récemment, dans le débat sur l'identité nationale qu'il avait enclenché, Nicolas Sarkozy avait dit vouloir du gros rouge qui tache, manière comme une autre de tourner en dérision ce qu'il croyait être les préjugés de la France de souche devant les étrangers.

    D'une fois à l'autre, on le verra, c'est la même logique qui se met à l'œuvre: ce qui est spécifiquement français n'existe pas, et si cela existe, c'est très mal et il faut s'en distancier, s'en séparer, s'en débarrasser pour que naisse une nouvelle France post-identitaire, post-historique et post-nationale. Au mieux, ce sera pittoresque, et alors, on transformera cela en décor pour les touristes. Mais il n'est plus possible de se représenter autrement que négativement toute forme de substrat historique spécifique à la France. La poussée à l'indifférenciation qui traverse la mondialisation fait en sorte que ce qui est spécifique à un peuple et ne se laisse pas aisément traduire dans la culture globale des droits de l'homme est connoté négativement de manière automatique.

    C'est le paradoxe de l'identité française, en fait, et un semblable raisonnement pourrait s'appliquer aux autres nations occidentales, qui sont aussi soumises à la censure de fer propre à l'idéologie multiculturaliste. On dira que la France qui mérite d'être célébrée se distingue par les valeurs de la République, mais on oublie que ces valeurs, du moins, telles qu'elles se formulent aujourd'hui, ne se distinguent pas fondamentalement des valeurs revendiquées par d'autres nations, comme l'Allemagne, les États-Unis, le Canada, le Québec ou l'Italie. Autrement dit, la France cherche à se définir par ce qu'elle n'a pas de singulier, et refoule dans des stéréotypes négatifs ce qu'elle pourrait avoir en propre.

    Qu'est-ce qui fait que la France n'est pas le Danemark? On ne trouvera pas vraiment la réponse à cette question dans le seul universalisme républicain. D'une manière ou de l'autre, et en parlant ou non du Français de souche, il faudra bien rappeler les droits de l'histoire, ou si on préfère, des cultures historiques, celles qui font que les peuples ne sont pas interchangeables, qu'ils ont chacun une personnalité singulière, qui s'exprime dans l'appropriation des paysages, dans la cuisine (il est amusant de noter que dans Soumission, la jeune Myriam, qui l'a quitté pour Israël, exprime sa nostalgie de la France en parlant des fromages! Quant à lui, Éric Zemmour, dans la tournée de promotion du Suicide français, a donné le même exemple pour parler concrètement de l'identité française), dans la chanson, dans les contes et légendes, autrement dit, dans les mœurs, dans le mode de vie. Bien évidemment, le culte de la république à la française caractérise aussi le particularisme français.

    Devenir Français, cela ne consiste pas, alors, à se contenter d'une carte d'identité comme si un pays n'était qu'une association administrative s'ouvrant à n'importe qui s'y installe, mais cela ne saurait exiger non plus le partage d'une généalogie pluri centenaire. Mais cela consiste à s'approprier une culture, à s'en approprier la mémoire, aussi, pour la faire sienne. Cela consiste à envoyer les signaux, nombreux, qui témoignent de mille manières d'une appartenance héritée ou revendiquée à un peuple, à une identité qui a noué ses fils intimes au fil de l'histoire, et qu'il serait bien triste de voir aujourd'hui se dissoudre. Nous ne pourrons pas toujours vivre dans le déni des cultures.

    Mathieu Bock-Côté (Figarovox, 3 mars 2015)

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