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Entretiens - Page 98

  • Avec la surpopulation, c’est un monde invivable qui se dessine…

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la question de la surpopulation. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « Avec la surpopulation, c’est un monde invivable qui se dessine… »

    La population mondiale ne cesse d’augmenter. La procréation, par nature, peut être exponentielle, alors que les ressources terrestres ne le sont pas. C’est ce que disait déjà Malthus, dont certains pensent qu’il n’a jamais eu que le tort d’avoir raison trop tôt. Aujourd’hui, y a-t-il péril en la demeure ?

    Passé un certain seuil, toute augmentation en nombre entraîne un « saut qualitatif » qui se traduit par un changement de nature. Comme chacun le sait, la population mondiale augmente régulièrement, mais, surtout, elle augmente de plus en plus vite. Vers 1700, on comptait moins de 700 millions d’habitants sur Terre. En 1900, on en était à 1,6 milliard. Aujourd’hui, avec plus de 250.000 naissances par jour, on a dépassé les 7,7 milliards. Pour la fin du siècle, les estimations moyennes tournent autour de douze milliards, les estimations hautes autour de seize milliards. Bien entendu, on peut discuter à perte de vue sur le nombre de bipèdes qui peuvent vivre sur cette planète. La seule chose qui est sûre, c’est qu’il y a une limite : pas plus qu’il ne peut y avoir de croissance matérielle infinie dans un espace fini, la population ne peut s’accroître indéfiniment sur une étendue limitée. Malheureusement, nous sommes à une époque qui ne supporte pas les limites. Malthus (Essai sur le principe de population, 1803) ne se préoccupait que de l’épuisement des ressources. Aujourd’hui, c’est le nombre qui, à lui seul, pose problème : la quantité est plus que jamais le contraire de la qualité. Avec trois ou quatre milliards de bipèdes en moins, le monde se porterait beaucoup mieux !

    La surpopulation aggrave mécaniquement tous les problèmes, en les rendant peu à peu insolubles. Elle est belligène, car la pression démographique crée des conflits nouveaux. Elle accélère l’épuisement des réserves naturelles. Elle accroît la dépendance économique et la soumission aux fluctuations ravageuses des marchés mondiaux, elle favorise les migrations de masse en provenance des pays surpeuplés, elle aggrave les effets de la surconsommation, de l’épuisement des sols, de la pollution des nappes phréatiques, de l’accumulation des déchets. Il n’y a déjà plus de réserves de productivité en matière agricole, l’extension des terres agricoles est en train d’atteindre ses limites et les ressources halieutiques des océans s’épuisent également. Plus de 90 % de toute la biomasse produite annuellement dans le monde sont d’ores et déjà exploités.

    Il est révélateur que la plupart des écologistes autoproclamés se comportent comme si la démographie et l’environnement étaient des sujets séparés, alors qu’ils sont indissociablement liés. À quoi bon parler de préservation des écosystèmes et de sauvegarde de la diversité, à quoi bon s’inquiéter de la gestion des déchets et des effets de la combustion des énergies fossiles si la croissance démographique entraîne toujours plus de pollutions et de déchets et que l’espace laissé aux espèces sauvages est appelé à disparaître ? À quoi bon vouloir limiter les émissions de gaz à effet de serre si on ne limite pas aussi la population ? Dans trente ans, du fait de l’accroissement naturel et de l’exode rural, 68 % de la population mondiale vivra dans des villes, soit 2,5 milliards d’individus de plus que maintenant. Avec des bidonvilles de plus de vingt millions d’habitants et des mégapoles de plus de cent millions d’habitants, c’est un monde proprement invivable qui se dessine.

    La mondialisation aggrave apparemment la situation, mais elle révèle aussi des disparités considérables. Au-delà de la surpopulation, n’avons-nous pas également affaire à un problème de répartition ?

    C’est évident. En 1950, avec 228 millions d’habitants, le continent africain représentait 9 % de la population mondiale. En 2017, avec 1,2 milliard d’habitants, il en représentait près de 17 %. À la fin du siècle, avec 4,2 milliards d’habitants (dont 89 % au sud du Sahara), il en représentera le tiers. Avec un taux de fécondité moyen de 4,6 enfants par femme, l’Afrique accroît sa population de 2,5 % par an, soit un doublement tous les vingt-huit ans. L’Europe, elle, ne représentait plus que 9,8 % de la population mondiale en 2017, et ce chiffre est encore appelé à baisser. Depuis la chute du mur de Berlin, l’Europe centrale et orientale a perdu 24 millions d’habitants. En France, on vient d’enregistrer la quatrième année consécutive de baisse des naissances : l’âge moyen à la maternité ne cesse de reculer et le solde naturel n’a jamais été aussi bas depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

    Le problème, ici, n’est toutefois pas d’abord le nombre, mais la détérioration de la pyramide des âges. Que l’Europe soit moins peuplée n’est pas un drame, loin de là ; ce qui est un drame, c’est qu’elle vieillit inexorablement. Cela dit, il n’est pas sérieux d’imaginer que les Européens peuvent se lancer dans une course à la concurrence démographique où ils feraient « mieux » que les 6,4 enfants par femme de la République démocratique du Congo ou les 7 enfants par femme du Niger !

    « Croissez et multipliez », lit-on dans la Genèse, adresse qui vaut tout autant pour les chrétiens que pour les musulmans et les juifs. Cet axiome religieux vous paraît-il toujours d’actualité ?

    À une époque où la plus grande partie du monde était inhabitée et où le premier impératif, pour les petites communautés existantes, était de s’étendre numériquement pour maximiser leurs chances de survie, le « croissez et multipliez » était parfaitement justifié. Le problème commence lorsqu’on ignore le contexte et qu’on soutient qu’un principe valable dans telles ou telles circonstances est à considérer comme un dogme valable en tous temps et en tous lieux. C’est la raison pour laquelle, dans nombre de milieux, la surpopulation est un sujet tabou : au nom de l’« accueil de la vie » et de la critique du « malthusianisme », on préfère se mettre un bandeau sur les yeux. Or, le laisser-faire nataliste est aujourd’hui irresponsable, et le « respect de la vie » ne saurait s’étendre à ceux qui ne sont pas encore conçus. Quelle est, alors, la solution ? Avec des mesures coercitives, la Chine est parvenue à freiner sa natalité, mais les « incitations » à ralentir la croissance démographique sont généralement des vœux pieux, surtout dans les pays où les enfants sont l’équivalent d’une assurance-vieillesse. L’émigration de masse vers d’autres planètes relève de la science-fiction. Que reste-t-il, alors ? Les épidémies, peut-être !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 25 janvier 2020)

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  • Conversations avec Jean-François Gautier... (1)

    "Les conversations de Paul-Marie Couteaux" permettent de partir à la découverte d'une personnalité en évoquant avec elle ses passions, ses souvenirs et les éléments fondateurs de sa vie pour mieux comprendre son œuvre. Volontairement intimiste, "Les conversations de Paul-Marie Couteaux" sont filmées in situ, là où ces personnages hors du commun trouvent leurs forces et leur inspiration.

    Dans cette nouvelle série d'émissions, Paul-Marie Couteaux part à la rencontre de Jean-François Gautier, philosophe, musicologue et étiopathe, bien connu des lecteurs de la revue Éléments et auteur de plusieurs essais comme L’univers existe-t-il ? (Actes Sud, 1994) ou Le sens de l'histoire (Ellipses, 2013).

     

                             

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  • Le modèle Macron, le peuple n’en veut pas !...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la fronde autour de la réforme des retraites. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « Grève contre la réforme des retraites ? Le modèle Macron, le peuple n’en veut pas ! »

    En matière de retraites, Emmanuel Macron veut nous vendre un « régime universel » qui soulève une vive opposition, mais auquel on ne comprend pas grand-chose. Entre le « bonus » et le « malus », l’« âge pivot » et la « clause du grand-père », de quoi s’agit-il exactement ?

    Le dossier des retraites est en effet compliqué. Essayons donc d’aller à l’essentiel. Comme vous le savez, il faut déjà distinguer deux grandes catégories : le système par capitalisation, qui est d’essence individualiste (chacun pour soi), et l’actuel système par répartition, qui repose sur le principe de la solidarité des générations. Pour justifier la nécessité de réformer ce dernier, on invoque l’allongement de l’espérance de vie et la diminution régulière du nombre des actifs par rapport à celui des retraités. Concernant l’augmentation de l’espérance de vie, on oublie trois choses : d’abord que si la durée de vie augmente, la durée de vie en bonne santé n’augmente pas forcément au même rythme ; ensuite que, par définition, la durée de vie actuelle ne nous dit rien de ce que sera la durée de vie de la prochaine génération ; enfin que l’espérance de vie n’est pas la même pour tout le monde, puisqu’elle varie selon le sexe (les femmes vivent plus longtemps que les hommes, mais personne n’envisage de leur demander de travailler plus longtemps) et selon la classe sociale (l’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de six ans à celle d’un cadre). Quant à la diminution du nombre des actifs, on ne doit pas oublier non plus que la productivité d’un actif est aujourd’hui très supérieure à ce qu’elle était dans le passé, puisque l’on produit toujours plus de biens et de services avec toujours moins d’hommes.

    Le régime « universel » de Macron ? Dès qu’on parle de rendre quelque chose « universel », il faut se méfier. Vouloir supprimer tous les régimes spéciaux est, par exemple, parfaitement stupide et, d’ailleurs, sans doute impossible à réaliser. Il y a des régimes spéciaux qui n’ont pas (ou plus) de raisons d’être, et il faut les supprimer, mais il n’y a aucune raison de toucher à ceux qui sont parfaitement justifiés.

    Pour faire baisser la part des retraites dans le PIB (aujourd’hui 13,8 %, mais la Commission européenne voudrait la ramener à moins de 12 %) et éviter le déficit qui s’annonce (qui est, en réalité, surtout dû à la non-compensation des exonérations de cotisations sociales par l’État et à la baisse de la masse salariale de la fonction publique), le gouvernement a choisi d’imposer le modèle de la retraite à points, que réclamaient en chœur le patronat et la Commission européenne, sans oublier Laurent Berger et Thomas Piketty. C’est le pire qui existe. Dans ce système, ce n’est plus le salaire de référence mais le nombre de points accumulés qui sert de base pour chiffrer la pension. Au lieu de travailler durant un certain nombre d’années pour obtenir une retraite complète, on cotise pour acheter un certain nombre de points, la valeur de service du point n’étant connue qu’au moment du départ en retraite. Par ailleurs, toute la carrière est prise en compte dans le calcul des retraites, et non plus seulement les quinze dernières années d’activité, ce qui pénalise les carrières morcelées, notamment celles des femmes.

    On assure que la valeur du point ne baissera pas, mais cette promesse n’a aucun sens dans la mesure même où cette valeur dépend de l’évolution de la conjoncture, laquelle est largement imprévisible. En cas de crise financière généralisée, la valeur du point diminuera automatiquement. Dans les faits, tous les pays qui ont adopté le système à points ont vu la situation des retraités se dégrader. En Suède, pays cité en exemple par Macron, le montant des retraites représente, aujourd’hui, 53,4 % du salaire de fin de carrière, contre 60 % il y a encore vingt ans, et le taux de pauvreté des plus de 65 ans a atteint, en 2018, 15,8 % (contre 7,3 % pour les Français). Ce taux de pauvreté des seniors atteint 18,7 % en Allemagne, et même 21,6 % au Royaume-Uni ! En France, l’adoption de ce système devrait entraîner, pour pratiquement toutes les catégories de population, à quelques rares exceptions près, une baisse moyenne de 20 % des pensions par rapport aux salaires des actifs, ce qui incitera bien entendu à travailler toujours plus longtemps (pour acquérir un plus grand nombre de points) ou à se tourner vers la capitalisation.

    Tel est, d’ailleurs, sans doute, l’objectif réel de la réforme : inciter les salariés à jouer leur retraite en Bourse et vendre le marché des retraités aux compagnies d’assurance, aux fonds de pension et aux marchés financiers. Le 10 mars 2016, parlant devant un parterre d’organisations patronales, François Fillon avait vendu la mèche : « Le système de retraite par points, en réalité, ça permet une chose qu’aucun homme politique n’avoue : ça permet de baisser chaque année la valeur des points et donc de diminuer le niveau des pensions. »

    Hostile au système de la retraite à points, vous soutenez donc la grève ?

    Je la soutiens à fond, bien entendu. Non seulement je la soutiens, mais j’aimerais la voir déboucher sur une grève générale ! Mais, je dois l’avouer, ce qui me choque le plus, c’est l’attitude de ces petits-bourgeois droitards qui ne manquent pas une occasion d’entonner la ritournelle des méchants grévistes qui « prennent les usagers en otages » et veulent « ruiner le pays ». Ce sont les mêmes qui condamnaient aussi les gilets jaunes. Ces gens-là, qui s’imaginent que les travailleurs en grève se privent de deux mois de salaire pour le simple plaisir d’embêter le monde, n’ont toujours pas compris que la cause majeure de nos problèmes vient de ce que nous vivons dans un monde capitaliste, dans un système de marché et dans une société d’individus. Ils ont voté Fillon, qui voulait privatiser la Sécurité sociale (ou instaurer un système de santé à deux vitesses dont profiteraient les assureurs privés), ils voteront demain Macron parce qu’à la justice sociale, ils préféreront toujours le désordre établi. S’ils le pouvaient, ils supprimeraient le droit de grève et tout le modèle social français. Ce qu’ils veulent surtout éviter, ce sont les barricades et les violences de rue. S’il y a une révolution, j’espère qu’elle les emportera.

    Après des mois de contestation des gilets jaunes, Macron doit maintenant faire face à des syndicats d’autant plus revendicatifs qu’ils sont poussés par leur base. Qu’est-ce que cela nous dit de l’état actuel du pays ?

    Cela dit tout. Une grève de cinquante jours : du jamais-vu. Des gilets jaunes qui en sont à leur 62e semaine de revendications : du jamais-vu également. Les avocats jettent leur robe publiquement, les chefs de service hospitaliers démissionnent par centaines, les paysans se suicident, les policiers aussi, les pompiers sont dans la rue, tout comme les infirmières et les enseignants. Y a-t-il, aujourd’hui, une seule catégorie sociale qui ne bouillonne pas de fureur ou de désespoir ? Ce n’est pas un hasard si la majorité des Français soutient les grévistes, tout comme elle a soutenu (et continue de soutenir) les gilets jaunes, en dépit des gênes occasionnées par le mouvement. Sauf chez les actionnaires du CAC 40, premiers bénéficiaires de la financiarisation de l’économie (qui se sont vu verser, pour 2019, le montant record de 49,2 milliards d’euros de dividendes), le pouvoir d’achat stagne et la précarité s’étend partout. La part du travail dans la valeur ajoutée est passée, en Europe, de 68 %, en 1980, à 60 %, aujourd’hui. Emmanuel Macron, qui a été placé au poste qu’il occupe pour adapter la France aux exigences du capitalisme mondialisé et d’un libéralisme qui entend laminer les protections sociales et les services publics au nom de la concurrence mondiale et de l’ouverture des frontières, a tout fait pour dresser contre lui un corps social aujourd’hui en voie de « giletjaunisation ». Le choix du système de retraite dépend, en fait, du modèle social que l’on souhaite. Le modèle Macron, le peuple n’en veut pas.

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  • La désinstruction nationale: non-assistance à une jeunesse en danger !...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par René Chiche à Figaro Vox à l'occasion de la sortie de son essai La désinstruction nationale (Ovadia, 2019). Professeur agrégé de philosophie,  René Chiche enseigne en lycée depuis trente ans.

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    «La désinstruction nationale: une non-assistance à une jeunesse en danger»

    FIGAROVOX.- Qu’est-ce que la désinstruction nationale que vous dénoncez dans votre ouvrage?

    René CHICHE.- Il fut un temps, pas très lointain d’ailleurs, où l’on quittait l’école en sachant convenablement lire et écrire, c’est-à-dire où l’école instruisait. On entre aujourd’hui à l’université en sachant à peine lire et en ne sachant pas du tout écrire. C’est un fait. Et cela est proprement stupéfiant. Comment peut-on tolérer que des générations entières passent une quinzaine d’années sur les bancs de l’école et parviennent jusqu’aux portes du supérieur en maniant leur propre langue comme s’il s’agissait d’une langue étrangère? Ce n’est d’ailleurs même pas assez dire pour qualifier le charabia dans lequel sont écrites la plupart des copies que je lis. Il y a toujours eu un petit nombre de très mauvaises copies comme de très bonnes mais désormais les copies indigentes à tout point de vue constituent la grande majorité des copies, au point qu’on juge bonnes des copies qui étaient hier seulement médiocres.

    Pour qu’on comprenne bien que je ne suis pas en train de hurler à la catastrophe à cause de quelques fautes d’orthographe ou de quelques perles qu’il est si facile d’exhiber mais dont on ne peut en réalité tirer aucune conclusion, j’ai pris la peine de donner un échantillon représentatif de ces copies dans le premier chapitre, lui-même intitulé «bac à l’oréat» parce que c’est ainsi que je l’ai vu écrit une fois sur l’en-tête d’une copie d’examen. J’aurais pu en remplir dix volumes. Ceux qui liront cet échantillon comprendront alors immédiatement ce qu’est la «désinstruction»: lorsque l’institution censée prendre soin de l’esprit des jeunes gens les laisse dans un tel état de quasi-illettrisme tout en leur promettant «la réussite» matin, midi et soir, je crois que ce néologisme n’est même pas assez fort pour décrire ce qui est de la non-assistance à jeunesse en danger, affamée de lettres et de culture que l’école renonce à transmettre parce qu’un grand nombre des acteurs considère que ce sont des vieilleries inutiles. L’école n’instruit plus et laisse l’esprit en jachère.

    Le problème, ou plutôt le scandale, est qu’on a interdit de dévoiler la réalité aussi bien que l’ampleur de cette désinstruction. Tous ceux qui osent soulever un coin du voile se font immédiatement rappeler à l’ordre par quelque colonel de pensée veillant à l’orthodoxie en la matière. «Les jeunes de maintenant savent d’autres choses», dit-on. Ils ont «d’autres compétences». Ah bon? Parce que la dextérité dans la manipulation du clavier virtuel serait une «compétence»? L’aptitude à baragouiner la langue de Shakespeare compenserait l’incapacité à manier passablement celle de Molière? Bien sûr que non! Ce sont des fadaises, et j’ai écrit ce petit livre pour qu’on cesse une bonne fois de nous les servir et qu’on ait enfin le courage de regarder la réalité en face. La langue est l’instrument de toute connaissance, y compris et surtout l’instrument de la connaissance de soi. On ne peut rien savoir vraiment quand le moyen de la compréhension n’est pas maîtrisé. À défaut de savoir, on apprend par cœur des cours auxquels on ne comprend strictement rien, comme je le relate par des anecdotes dont j’aurais pu là encore remplir plusieurs volumes. Or, entre croire et savoir, il faut choisir.

    Quand penser devient de plus en plus difficile pour les élèves (par manque de mots, de concepts), quelles sont les conséquences à venir pour ces futurs citoyens?

    Penser n’est pas difficile pour les élèves, penser est interdit. Vous savez, penser est difficile et le demeure, même pour des penseurs professionnels! Car «penser, c’est dire non!»: non à la première idée qui se présente, non à la facilité, non à l’habitude et ainsi de suite. Il ne s’agit donc pas que penser devienne facile. Il est si facile de se contenter d’à-peu-près. Or savoir à peu près lire, c’est en réalité ne pas savoir lire. Et ainsi du reste: penser approximativement, c’est adhérer à un discours et réagir à des mots comme un taureau devant le chiffon rouge.

    C’est croire, et non penser. On n’apprend à penser qu’en grande compagnie. Alors oui, on doit s’inquiéter des conséquences politiques de la désinstruction, parce qu’en République, l’école est d’abord instituée non pour procurer un métier ou je ne sais quel savoir-faire mais pour qu’il y ait des citoyens dignes de ce nom, capables de juger et de critiquer. Oui, il faut s’inquiéter de ce que deviendront des élèves qui n’ont presque rien lu, qui ne connaissent Montesquieu ou Montaigne que de nom, à qui l’on apprend, en croyant bien faire, à décrypter les «fake news» pendant des heures où l’on renonce à leur apprendre les subtilités de leur propre langue. Il faut s’inquiéter du devenir de ceux que l’on a privés d’heures de français au cours desquelles ils auraient acquis la maîtrise de la langue en puisant à la source et que l’on préfère faire débattre de tout et de rien sous couvert d’un prétendu «enseignement moral et civique» qui est une forme de dressage, quand on ne va pas jusqu’à faire commenter des «tweets» en classe!

    Mais la formation du citoyen n’est pas seulement intellectuelle, elle est aussi morale, et de ce point de vue encore, l’école renonce. Presque personne n’ose déplaire. Il faut non seulement aimer mais faire aimer la difficulté si l’on veut penser et se tenir debout, puisque c’est la difficulté surmontée qui fait progresser. Mais on fait tout le contraire: on cherche à intéresser au lieu d’instruire et l’on traite l’élève en consommateur, allant jusqu’à dévoyer la pédagogie pour la mettre au service de la paresse et de la désinstruction. Songez par exemple que le Code de l’éducation lui-même a banni le mot «instruction» de la loi et que la noble tâche de l’école n’est plus d’instruire, comme le voulait Condorcet, mais de garantir (oui, garantir!) la «réussite»! La belle affaire! On réclamera bientôt la réussite par pétition!

    D’ailleurs on le fait déjà. On oublie toutefois que la réussite présuppose le travail, l’effort et même l’échec, duquel on apprend à se relever par persévérance, et c’est cela qui est formateur. Les professeurs sont aux premières loges de ce triste spectacle et ne cessent de dénoncer et déplorer ce fonctionnement absurde auquel tous cependant consentent ou se résignent. Un élève qui a des difficultés passera tout de même dans la classe supérieure, où ses difficultés grossiront et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elles deviennent des lacunes qui paraîtront insurmontables. On ne lui fera pas trop remontrance, de peur de le traumatiser. Il parviendra jusqu’en Terminale en ne sachant pas écrire. Il se trouve enfin des gens, même parmi les professeurs, ceux que j’appelle les militants de la désinstruction, pour justifier ce passage automatique d’un niveau à l’autre. Ils ont d’ailleurs supprimé la notion même de niveau et l’ont fait remplacer par celle de «cycle» en prétextant qu’il fallait respecter les «rythmes» d’apprentissage: voilà, entre autres choses, comment des élèves arrivent jusqu’au baccalauréat non seulement en ne sachant pas s’exprimer avec clarté mais en n’ayant parfois jamais travaillé.

    Face aux «pédagogistes», existe-t-il encore des enseignants fidèles à un enseignement classique, historiquement républicain?

    On ne devrait pas qualifier de «pédagogistes» ceux qui s’emploient à détourner la pédagogie de sa vocation, qui n’est pas de s’adapter mais bien d’élever. Il y a en effet une poignée de militants de la désinstruction, y compris dans le corps enseignant, mais ce qui est en cause, c’est le fonctionnement de l’institution plutôt que le rôle et la responsabilité de tel ou tel. Les «pédagogistes» sont avant tout des carriéristes. Quand on aime son métier, on le fait et on ne passe pas son temps à en parler. L’artiste puissant, dit Alain, ne parle guère.

    Dans un chapitre intitulé «Les boutons de manchettes», j’explique et décris assez crûment la façon dont le professeur que vous qualifiez de «classique», c’est-à-dire «à l’ancienne» (manière de parler à la fois révélatrice et dramatique), est aujourd’hui menacé par ceux qui étaient auparavant chargés de le protéger, chefs d’établissement aussi bien qu’inspecteurs. Il faut aller sur le terrain pour observer comment les choses se passent. Les chefs d’établissement sont poussés à se prendre pour des «managers» et, pour se faire bien voir de leur propre hiérarchie, ont tendance à inciter les professeurs à faire de même. On voit ainsi proliférer une nouvelle espèce d’enseignants prompts à faire des «projets», à faire parler d’eux, à faire les intéressants. La plupart du temps, ces «projets» sont affligeants. Mais, voyez-vous, un professeur qui fait simplement son travail, qui ne fait pas de bruit, qui ne cherche pas à faire parler de lui dans le journal de la commune, est considéré par sa hiérarchie comme un mauvais professeur, voire un encombrant que l’on attend de pouvoir remplacer par un enseignant (j’emploie ce mot à dessein pour le distinguer de celui de professeur) docile, recruté par contrat, taillable et corvéable à merci.

    On parle désormais de «l’équipe» pédagogique comme de «la communauté éducative»! Il y a cependant toujours des professeurs, de vrais hussards noirs, et en réalité ils le sont encore presque tous, et cela en vertu de leur mode de recrutement. Car un professeur est avant tout un intellectuel. C’est sans doute la raison profonde pour laquelle, si on veut en finir avec les hussards et les remplacer par des animateurs ou de simples assistants dans le face-à-face entre l’élève et l’écran auquel certains voudraient que ressemble dorénavant l’enseignement, on cherchera d’abord à réformer le mode de recrutement et le concours, qui fait encore la part belle à la maîtrise d’un champ disciplinaire. L’autorité morale du professeur a pour fondement son autorité intellectuelle. Et depuis toujours ceux qui font profession de penser ont pour ennemis jurés, à leur corps défendant, tous ceux qui mettent l’administration des choses au-dessus du gouvernement des hommes et du soin que l’on doit à l’esprit.

    René Chiche, propos recueillis par Marguerite Richelme (Figaro Vox, 10 janvier 2020)

     

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  • Tirs à balles réelles des policiers: Zemmour a-t-il raison?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné à Sputnik par Guillaume Jeanson, avocat et porte-parole de l'Institut pour la Justice, et consacré à l'action de la police dans des banlieues transformées en zones de non-droit...

     

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    Tirs à balles réelles des policiers: Zemmour a-t-il raison?

    Pour ne pas être débordée «par les caïds et les voyous», la police doit riposter proportionnellement et à balles réelles si nécessaire, affirme Éric Zemmour. Doit-on craindre une escalade des bavures policières et de la violence en France? Dans les quartiers sensibles, comment la police peut-elle agir quand elle est prise à partie? Alors que la tension monte en France et que n’importe quelle étincelle semble pouvoir mettre le feu aux poudres, le débat est crucial. Alors où placer le curseur entre violence illégitime et violence légitime? L’avocat Guillaume Jeanson, porte-parole de l’Institut Pour la Justice, nous répond.

    Sputnik France : Y-a-t-il vraiment une spécificité française en matière d’usage des armes, qui rend les forces de l'ordre de notre pays moins violentes que d'autres, comme l’a affirmé Éric Zemmour?

    Guillaume Jeanson: «Il est difficile de répondre précisément à cette question, tant les comparaisons raisonnables apparaissent ici délicates. Une comparaison avec les États-Unis paraît même presque dépourvue de sens, étant donné que les armes à feu sont beaucoup plus répandues là-bas, et que par conséquent les criminels sont beaucoup plus souvent armés. Dans ces circonstances, il est évident que les policiers américains doivent faire beaucoup plus souvent usage de leurs armes que chez nous. Qui plus est, il y a forcément des différences importantes selon les États.»

    Sputnik France: Alors, restons en Europe: qu'en est-il par exemple en Grande-Bretagne, pays dont les forces de l’ordre ont pendant longtemps patrouillé sans armes à feu?

    Guillaume Jeanson: «En ce qui concerne la Grande Bretagne, la très grande majorité des policiers continuent à ne pas porter d’arme à feu, même si leur nombre a augmenté suite aux attentats islamiques. Seulement 10 % environ des forces de police seraient entraînées à l'utilisation d'armes à feu. Ceux qui sont armés demeurent donc très largement minoritaires. En revanche, en Irlande du Nord, ils sont à l’inverse tous armés. Font-ils alors plus souvent usage de leurs armes que les policiers français dans des situations comparables ? Outre le fait qu’on peine à trouver des situations vraiment comparables, cela parait très difficile à établir d’un point de vue statistique sur le principe, et je ne dispose en tout cas pas pour ma part de chiffres sur ce point.» 

    Sputnik France: En France, l'usage des armes à feu est encadré strictement, même s'il a été assoupli à la suite de l'attaque de Viry-Châtillon en 2016. Il doit répondre à une absolue nécessité et à une stricte proportionnalité. Le cadre légal est il aujourd’hui adapté? Les policiers sont armés, mais la loi les désarme-t-elle?

     

    Mais vous avez raison, en 2017, c’est-à-dire quelques mois après cette terrible attaque au cocktail molotov de Viry-Châtillon sur des policiers, le parlement a voté un nouveau texte pour aligner les régimes juridiques applicables aux policiers et aux gendarmes. Il existait en effet une différence de taille entre ces derniers, puisque seuls les gendarmes pouvaient par exemple faire feu lorsqu'ils étaient agressés ou menacés par des individus armés, pour "défendre" une zone qu'ils occupaient, si des sommations répétées restaient sans effet, ou pour immobiliser des véhicules.

    Le nouveau texte inséré dans le code de la sécurité intérieure offre désormais aux policiers un cadre commun à celui des gendarmes et des douaniers. Sous condition qu'ils agissent en cas d'absolue nécessité et de manière proportionnée dans l'exercice de leurs fonctions, qu'ils portent un uniforme ou un brassard, les policiers sont autorisés à utiliser leurs armes dans cinq situations. Afin de s’assurer du bon déroulement et de la bonne compréhension par les policiers de l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles d’usage des armes, 124.000 agents, relevant tant de la sécurité publique, de la police aux frontières que des CRS, ont pu bénéficier de quatorze «simulations chocs et pédagogiques.»

    Sputnik France: Les contrôles de l’usage des armes à feu et des bavures potentielles par les autorités sont-ils suffisants, ou au contraire trop sévères?

    Guillaume Jeanson: «L’usage de l’arme par la police fait systématiquement l’objet d’un examen rigoureux en France suivant l’ensemble de ces critères juridiques en vigueur. A chaque fois qu’un policier utilise son arme, cela donne lieu automatiquement à une ouverture d’enquête par l’IGPN. La lourdeur des contrôles de l’institution et la rigueur, parfois extrême, de l’interprétation des critères de légitime défense conduisent de nombreux professionnels à dénoncer le sentiment d’inhibition qui entrave aujourd’hui bon nombre de fonctionnaires de police quant à l’utilisation de leurs armes. L’ancien préfet Michel Auboin met en cause «une question de doctrine» : «les policiers de la BAC, qui y risquent leur vie chaque soir, craignent la sanction plus que la blessure, à cause d’une interpellation qui aurait mal tournée. La peur de la bavure les accompagne en permanence

    C’est donc sans doute moins les textes qui désarment que la manière de les appliquer. Ce qui invite alors, en miroir, à vouloir corriger certains de ces textes pour inciter à faire évoluer la manière de les interpréter. Ainsi en va-t-il par exemple de cette revendication portée depuis longtemps par l’IPJ, et récemment aussi par le député Joachim Son Forget de prendre en considération, à l’instar du droit pénal suisse, l’état émotionnel de la personne agressée dès lors qu’on apprécie la proportionnalité de sa riposte.»

    Sputnik France: Donc légalement, la police serait dans son droit. Mais que dire en pratique? Doit-on, comme Zemmour, craindre la création d’enclaves et exiger la riposte des forces de l’ordre, ou craindre au contraire qu’un tir ne mette le feu aux poudres, ce qu'il manque pour une escalade définitive de la violence?

    Guillaume Jeanson: «Zemmour n’est pas le seul à craindre la création d’enclaves. Les pouvoirs publics n’ont-ils pas évoqués eux-mêmes ces «quartiers de reconquêtes républicaine» comme pièce du dispositif de leur fameuse «police de sécurité du quotidien» ? Sauf à ce que les mots soient dépourvus de sens, le constat du phénomène inquiétant de sécession, d’abord dénoncé par une poignée d’enseignants courageux, puis, ces toutes dernières années, par un président de la république «qui ne devrait pas dire ça», et un ministre de l’intérieur du présent quinquennat, transcende enfin à peu près désormais les clivages politiques. Si l’on s’accorde sur le constat, les modes d’actions à entreprendre divisent en revanche toujours autant. La situation s’est en outre tellement dégradée en certains endroits que la crainte qu’un tir mette, comme vous le dites, «le feu aux poudres» n’a plus rien de théorique.

    Cette crainte est donc double. Elle est d’abord que la situation devienne véritablement en elle-même incontrôlable et génère de nombreuses victimes. Elle est ensuite, que la situation se révèle coûteuse pour la carrière du responsable politique qui servira de fusible. Nul besoin de s’étendre sur ce fameux «syndrome Malik Oussekine», qui conduit le politique à exercer des pressions sur la hiérarchie policière pour donner des ordres officieux aux hommes du rang de bien souvent laisser faire. Ce qui aggrave la perte de crédibilité des forces de l’ordre, renforce le sentiment d’impunité des délinquants et accélère d’autant la dégradation de la situation. Parmi de nombreux ouvrages ayant dénoncé ces dernières années ce phénomène, celui de votre confrère Frédéric Ploquin La peur a changé de camp (Albin Michel, 2018) est à cet égard sans doute l’un des plus édifiants. Le journaliste y évoque en effet «une impunité nourrie par les lendemains d’émeutes, de poubelles brûlées ou de guet-apens, quand les chefs freinent des quatre fers et retiennent les troupes avec l’espoir que le feu s’éteigne tout seul.»

    Sputnik France: dans les quartiers criminogènes, les policiers subissent des lancers de cocktails molotov et des tirs de mortiers d'artifice. Une gendarmerie a été attaquée il y a quelques jours. Doit-on craindre un usage d'armes lourdes à court ou moyen-terme? 

    Guillaume Jeanson: «Depuis la chute du mur et les conflits des Balkans, il n’est un mystère pour personne que les armes de guerre prolifèrent dans certaines zones. La hausse des homicides, elle-même souvent liée à la montée des règlements de compte sanglants sur fond de guerre de « points deal » ces derniers mois, devrait assez logiquement entrainer une course à l’armement qui pourrait encore accroître la disponibilité d’armes de plus en plus lourdes dans ces enclaves. On le voit, plus les autorités tardent à agir efficacement, plus le problème sera difficile à résoudre.

    Il faut évidemment que la police parvienne dans ces zones à rétablir l’ordre de la loi. Or, plus elle perd du terrain, plus cette entreprise est difficile. Aujourd’hui, la tâche est déjà ardue et le politique et la hiérarchie policière feraient bien d’épauler les hommes de terrain pour y parvenir. On a pourtant le sentiment qu’ils font tout l’inverse, qu’ils donnent des ordres de ne pas agir quand il le faudrait et qu’à la première orchestration médiatique – tout le monde se souvient de l’affaire Théo – ils n’hésitent pas à abandonner ces hommes à la vindicte publique. Bien sûr, comme toute appréciation générale, ce tableau manque certainement de nuances, mais il est inquiétant de mesurer combien cette perception est aujourd’hui répandue.

    Le problème ici tient donc à la fois à une question de courage du politique et des institutions et à une question de discernement. Non, la riposte systématique à balles réelles n’est sans doute pas à privilégier, mais – compte tenu de la dangerosité à laquelle sont aujourd’hui parfois exposés les forces de l’ordre,– il existe bien des situations où, dans le respect des critères fixés par la loi, une telle riposte devrait s’imposer et faire l’objet d’un soutien de la part de la hiérarchie policière et du politique. A défaut, la situation continuera de dégénérer.»

    Sputnik France: Sujet connexe: les tensions dans les quartiers dits «sensibles» ne sont pas les seules. Les bavures semblent se multiplier face aux gilets jaunes, avec ou sans flashball. Les non lieux doivent-ils nous inquiéter ? 

    Guillaume Jeanson: «Ce sujet n’est au contraire pas si connexe que cela. Non seulement parce que la police perd autant en crédit en désertant qu’en agissant illégalement, mais aussi parce que les bavures éloignent la population de sa police. Or, une police sans contact avec sa population perd considérablement son efficacité et ses moyens d’actions. Sans parler du fait même qu’elle manque à l’une de ses missions prévues par l’article R. 434-2 Code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale: celle d’être justement «au service de la population». La justice doit donc se montrer aussi inflexible envers ceux qui défient la police qu’envers la police elle-même dès lors qu’elle n’agit plus dans le cadre de la loi. A cet égard, si en 2018 l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) a enregistré une hausse de 8,8% des saisines judiciaires et de 5,1% des saisines administratives, la justice a pour sa part saisi l’IGPN de 1.180 enquêtes.

    Vous évoquez les flashballs et les gilets jaunes. Cet exemple me paraît significatif de ce que j’exprimais au sujet de la responsabilité du politique dans cette fracture qui pointe entre police et population. Il a en effet été mis en exergue ces derniers mois que de nombreux cas de bavures aux flashballs étaient principalement imputables à des unités de police chargées par les autorités d’exercer des missions pour lesquelles elles n’avaient été ni formées ni entrainées. Quand on connaît les conséquences dramatiques que cela a eu pour certains manifestants, on ne peut faire l’impasse sur la responsabilité de ceux qui ont décidé d’employer ces unités-là à de telles missions. Ont-ils seulement été inquiétés?»

    Guillaume Jeanson, propos recueillis par Edouard Chanot (Sputnik, 11 janvier 2020)

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    Le 6 janvier 2020, Pierre Bergerot recevait, sur TV libertés, André Perrin à l'occasion de la récente publication de son ouvrage intitulé Journal d'un indigné (Toucan, 2019) Professeur de philosophie, André Perrin, est déjà l'auteur d'un essai décapant intitulé Scènes de la vie intellectuelle en France (Toucan, 2017).

     

                                           

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