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Entretiens - Page 68

  • Quand Frédéric Taddeï reçoit Eric Zemmour...

    Le 8 novembre 2021, dans son émission « Interdit d'interdire », sur RT France, Frédéric Taddeï recevait Eric Zemmour pour évoquer son dernier livre intitulé La France n'a pas dit son dernier mot (Rubempré, 2021), et, bien sûr, son entrée tonitruante dans la campagne présidentielle, en tant que potentiel candidat...

     

                                                 

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  • Sur le privilège blanc...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Georges Guiscard à Ego Non et consacré à la question du soit-disant "privilège blanc". Auditeur de l'Institut Iliade, Georges Guiscard vient de publier Le privilège blanc - Qui veut faire la peau aux Européens ? (La Nouvelle Librairie, 2021).

     

                                              

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  • Transmettre ou disparaître...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Ambroise Tournyol du Clos, au site de la revue Conflits et consacré à l'enseignement, comme art de la transmission. Professeur agrégé d'histoire, Ambroise Tournyol du Clos a publié Transmettre ou disparaître - manifeste d'un prof artisan (Salvator, 2021).

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    Professeur : l’artisan et le poète. Entretien avec Ambroise Tournyol du Clos

    Vous définissez le travail du professeur comme celui d’un artisan, en quoi consiste précisément cet artisanat ?

    La comparaison de l’enseignement avec l’artisanat ne relève pas d’une vague métaphore : elle exprime la nature même de l’acte pédagogique. Comme l’ébéniste s’applique à reconnaître l’essence d’un bois, à repérer les nœuds de la poutre qu’il s’apprête à tailler, le professeur doit cultiver le sens de l’observation pour s’adapter aux contours irréguliers de la classe qui lui est confiée, à la pâte singulière dont chaque élève est pétri. Parce qu’il repose sur la qualité d’une relation personnelle et collective à la fois, l’enseignement est toujours un tâtonnement. Une certaine maîtrise se développe pourtant au fil des années. Comme le maçon jette sa truelle de chaux avec un coup de main assuré, l’enseignant apprend peu à peu comment rythmer son cours, lui donner un ordre et une direction sans perdre ses élèves.

    Mais, contrairement à la dérive actuelle, utilitariste et matérialiste, qui s’étourdit de comparaisons internationales pour jauger l’efficacité prétendue des systèmes scolaires, cette expérience n’est pas une expertise. L’enseignement ne consiste pas en l’application d’une procédure industrielle, d’une méthode sans faille dont la standardisation pourrait être à même de satisfaire l’usager. Les libertés qui nous sont confiées peuvent toujours nous échapper. La transmission est une corde raide qui met à l’épreuve l’équilibre du pédagogue. Chaque classe et même chaque élève appellent l’enseignant à chercher la ligne de crête à partir de laquelle il pourra transmettre. Voilà pourquoi le professeur, tout en s’assurant d’être écouté et compris, ne doit pas chercher à quantifier les fruits de la transmission. Il est bon qu’ils lui échappent en large part et qu’il se tienne à l’abri du désir de maîtrise dans lequel il pourrait facilement se complaire. Comme l’artisan, le professeur élabore avec chaque groupe une œuvre singulière qui ne peut souffrir un vulgaire et paresseux plagiat.

    L’enseignement serait un « acte poétique ». Dans quel sens entendez-vous cela ? Faire advenir les élèves et les aider à se découvrir ou bien leur faire découvrir des savoirs qu’ils ne connaissent pas ?

    La poésie est un dévoilement du sens. Tout enseignant qui prend au sérieux sa discipline, quelle qu’elle soit, participe à cet effort poétique. Il ne s’agit pas d’ornementation ou de lyrisme, moins encore de sentimentalisme. Mais nos élèves peuvent découvrir à travers l’étude de l’Empire romain, d’une fonction affine ou d’une version anglaise, que le monde a un sens et que cet ordre attend un regard de contemplation et de gratitude, bien supérieur à nos velléités de transformation. La poésie naît à la fois de l’effort que chaque discipline déploie pour comprendre le monde, mais aussi, à travers ce détour, de l’opportunité qu’elle offre à chaque élève d’approfondir le sens de son existence personnelle.

    Le regard poétique, celui de Blaise Pascal, de Marie-Noël, de René Char, est une source de liberté profonde. Il dévoile dans la stricte condition matérielle de nos vies les signes d’un « pays d’essence plus haute » (Yves Bonnefoy) qui nous incite à nous tenir debout, à nous laisser purifier de tout ce qui peut avilir le cœur de l’homme, sans renoncer. Dans son dernier recueil, paru de manière posthume, et au titre évocateur, La Clarté Notre-Dame, le poète Philippe Jaccottet, reprenant un thème qui lui est cher, insiste sur cette ouverture métaphysique offerte par la poésie : « Comme maintenant, si tard dans ma vie, cela me devenait clair et profond […] c’est à peine si je ne me sentirais pas tenté de demander à mon tour une « eau innocente » et des ailes, pour une traversée impensable, et pourtant… ».

    L’école semble aujourd’hui de plus en plus réduite à une fonction utilitaire : il s’agit d’acquérir des compétences et des savoir-faire. N’est-elle pas plus que cela et une certaine forme de gratuité éducative ne peut-elle pas s’y trouver ?

    La finalité que nous assignons aujourd’hui à l’école, « trouver une place sur le marché du travail », est en effet très réductrice, voire désespérante. Elle justifie désormais une approche très utilitariste de nos enseignements comme de l’évaluation que nous en faisons. La question de l’élève désabusé, « à quoi ça sert ? », est devenue celle de la société de consommation en général et d’une institution scolaire qui lui ressemble chaque jour un peu plus.

    Ainsi, sur le modèle du contrôle technique de nos véhicules, les grilles de compétences se sont-elles multipliées ces dernières années, forçant les professeurs à cocher de manière abrutissante les cases « acquis, non acquis, en cours d’acquisition » sur tout objet d’enseignement. Celui-ci semble devenu secondaire et ne fournit qu’un prétexte à l’évaluation des compétences, skills en anglais, sur le modèle anglo-saxon d’une société à la recherche de l’efficience permanente. Il y a fort à parier que cet utilitarisme soit l’une des causes de la crise de notre modèle scolaire. L’épanouissement du cœur et de l’intelligence suppose au contraire une certaine forme de gratuité, une confiance fondamentale dans la culture, une joie à se laisser dépayser. La culture occidentale est née de cette gratuité et a su produire, en retour, un immense sentiment de gratitude.

    Dans son célèbre texte de 1913, L’Argent, Charles Péguy, imprégné de la doxologie qui clôt le Canon (« Per ipsum et cum ipso et in ipso »), chantait cette gratuité liturgique : « J’ai vu toute mon enfance rempailler des chaises exactement du même esprit et du même cœur, et de la même main, que ce même peuple avait taillé ses cathédrales. Il fallait qu’un bâton de chaise fût bien fait. Il ne fallait pas qu’il fût bien fait pour le salaire ou moyennant le salaire. Il ne fallait pas qu’il fut bien fait pour le patron. Il fallait qu’il fût bien fait lui-même, en lui-même, pour lui-même. » L’école doit retrouver cette intuition fondamentale qui seule peut faire éclore des libertés authentiques, capables de résister au nihilisme ambiant et à la toute-puissance du marché.

    Vous revenez souvent dans votre ouvrage sur l’art, la beauté, la poésie, la musique. Quelle place leur donnez-vous dans l’enseignement ?

    La quête du Beau est l’un des plus hauts horizons que nous puissions donner au geste pédagogique. Nous savons qu’il appartient avec le Bien et le Vrai aux transcendantaux et qu’ils se rejoignent. Cette conviction a été largement balayée par le nihilisme contemporain. Nous avons sans doute à la retrouver parce qu’elle peut fournir à nos existences inquiètes et fragiles un fondement plus solide et des perspectives plus enthousiasmantes. Toute notre culture s’est nourrie de la recherche du Beau. Elle occupe donc une place cardinale dans mon enseignement. Je m’efforce d’y éveiller mes élèves par l’histoire de l’art (les détails délicats de la frise du Parthénon, le classicisme pur de la maison carrée de Nîmes, la naïveté touchante de la déposition de la Croix d’Antelami etc.).

    Si les sorties scolaires sont rares, en raison des nombreuses contraintes administratives qu’elles supposent, elles offrent cependant de belles expériences. Je revois encore mes élèves de Terminale, si peu au fait de culture picturale, saisis par L’Adoration des mages de Rubens exposée au musée Saint Pierre de Lyon. De manière plus ordinaire et quotidienne, j’invite mes élèves à s’émerveiller de la beauté du monde et je suis toujours impressionné de la qualité d’attention qu’ils prêtent à mes propos dans ce domaine. Le désir du Beau est inscrit dans le cœur de l’homme, mais il demande à être cultivé.

    Comme professeur d’histoire, vous êtes chargé d’une discipline particulière puisque l’histoire a toujours une place importante dans le cursus scolaire. Pourquoi enseigner l’histoire aujourd’hui ?

    L’enseignement de l’histoire bénéficie en effet, dans notre pays, d’une place particulière au sein de la culture scolaire. Nos élèves s’y intéressent facilement, plus qu’à la géographie, matière également passionnante, mais desservie par des programmes mal fagotés. Pourtant l’enseignement de l’histoire a aussi subi de nombreuses déformations en raison des attentes politiques et civiques que nous lui avons assigné.

    À travers l’histoire, nous voulons trop souvent inculquer à nos élèves une certaine hiérarchie des valeurs et nous prenons ainsi le risque d’en faire un tribunal. L’écriture de l’histoire relève pourtant elle aussi d’un modeste artisanat. Comme l’a bien montré Marc Bloch dans son Apologie pour l’histoire, il s’agit de comprendre plutôt que de juger. Cet exercice de l’intelligence est essentiel, mais il appelle la nuance et les distinctions plutôt que la condamnation. Cette catharsis mérite d’être transmise à nos élèves pour éveiller en eux un sens critique qui ne se réduise pas à la critique. À l’heure où le champ médiatique et la paresse intellectuelle conduisent à des polarisations insignifiantes, l’enseignement de l’histoire ouvre la possibilité d’une compréhension plus fine du passé et prépare, mieux qu’un cours d’éducation morale et civique, à la pratique apaisée du débat contradictoire. L’histoire peut agir aussi comme vecteur d’intégration : en invitant nos élèves à scruter la lente construction de nos identités politiques et culturelles, nous les aidons à construire la communauté politique de demain.

    Que faudrait-il introduire dans la formation des professeurs pour les aider à être davantage de bons professeurs ?

    D’abord, je crois que nous ne devons pas renoncer à fixer des critères de recrutement exigeants pour nos professeurs. La dérive actuelle qui consiste à baisser les seuils d’admission au concours et à multiplier les contractuels (1 professeur sur 5 en Seine-Saint-Denis) relève d’un profond cynisme et ne peut qu’aggraver la crise scolaire actuelle.

    De bonnes dispositions existent déjà dans la formation enseignante qui pourraient être renforcées, le préceptorat par exemple. L’accompagnement des professeurs-stagiaires par des collègues expérimentés est sans doute une très bonne manière d’entrer dans la carrière. Quant aux INSPE, Instituts supérieurs du professorat, ils sont animés parfois par des formateurs de qualité, mais la formation y est encore trop aléatoire. Les jeunes enseignants doivent continuer à approfondir la maîtrise de leur discipline afin de mieux l’enseigner : c’est l’une des sources profondes de leur autorité et de leur légitimité.

    Nous devons par ailleurs les aider à prendre conscience que la pédagogie ne se satisfait pas du pédagogisme : ils n’auront pas d’abord à appliquer des formules à la mode (la classe collaborative, le travail de groupe, la pédagogie inductive…), mais à créer dans leurs classes les conditions de l’écoute, de l’attention et du travail. Les pédagogues du mouvement, de la dispersion et du divertissement, devraient ainsi relire les pages que Simone Weil a consacrées à l’importance de l’attention : « Mais le pire attentat, celui qui mériterait peut-être d’être assimilé au crime contre l’Esprit, qui est sans pardon, s’il n’était probablement commis par des inconscients, c’est l’attentat contre l’attention des travailleurs. Il tue dans l’âme la faculté qui y constitue la racine même de toute vocation surnaturelle. La basse espèce d’attention exigée par le travail taylorisé n’est compatible avec aucune autre, parce qu’elle vide l’âme de tout ce qui n’est pas le souci de la vitesse. Ce genre de travail ne peut pas être transfiguré, il faut le supprimer. » (Conditions premières d’un travail non servile, 1942)

    Ambroise Tournyol du Clos, propos recueillis par Jean-Baptiste Noé (Site de la revue Conflits, 7 novembre 2021)

     

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  • Réindustrialisation : reprendre son autonomie ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Anais Voy-Gillis à Thinkerview, consacré à la question de la réindustrialisation. Anaïs Voy-Gillis est docteur en géographie à l'Institut Français de Géopolitique et a participé à un ouvrage collectif intitulé Vers la renaissance industrielle (éd. Marie B, 2020). Ses travaux portent notamment sur les modalités de la réindustrialisation de la France.

     

                                            

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  • Pierre Drieu la Rochelle : Auteur fascinant ou écrivain maudit ?...

    Dans ce nouveau numéro de l'émission de TV Libertés, « Les idées à l’endroit », Rémi Soulié, pour évoquer Pierre Drieu la Rochelle, reçoit Julien Hervier, professeur honoraire de l’université de Poitiers, auteur notamment de l'essai Deux individus contre l’Histoire - Pierre Drieu la Rochelle et Ernst Jünger. Julien Hervier a également participé à l’établissement de l’édition des œuvres de Drieu dans la collection La Pléiade (Gallimard).

     

                                          

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  • « L’islam est plus un projet politique qu’une religion »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Louis Harouel au site de la revue Éléments et consacré à la question de l'islam. Agrégé de droit, professeur émérite de l'Université Panthéon-Assas, Jean-Louis Harouel a, notamment, publié Les droits de l'homme contre le peuple (Desclée de Brouwer, 2016), Libres réflexions sur la peine de mort (Desclée de Brouwer, 2020) et L'Islam est-il notre avenir ? (La Nouvelle Librairie, 2021).

     

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    Jean-Louis Harouel : « L’islam est plus un projet politique qu’une religion »

    ÉLÉMENTS : Qu’est-ce qui rend selon vous l’Occident et l’Orient, l’Europe et l’islam si peu compatibles ? Cela tient-il à la façon dont les Européens et les musulmans se représentent la liberté ? Ou à d’autres explications ?

    JEAN-LOUIS HAROUEL : Effectivement, alors que la supériorité intellectuelle, scientifique et technique de l’Occident s’est construite sur la liberté de l’esprit, celle-ci est obstinément refusée par l’islam. Dans la Déclaration sur les droits de l’homme en islam, adoptée au Caire en 1990 par l’Organisation de la coopération islamique (OIC), regroupant 57 États se réclamant de l’islam, il est interdit d’exprimer toute opinion qui serait « en contradiction avec les principes de la charia ». Celle-ci, qui est censée être la loi divine, limite la pensée humaine, laquelle est soumise à un conformisme bigot envers toutes les prescriptions et interdictions édictées par l’islam. Fondamentalement, l’incompatibilité entre l’islam et les sociétés européennes se situe au niveau de la liberté de l’esprit.

    Cette question de la liberté doit être rattachée à un autre clivage majeur entre la civilisation européenne et l’islam, qui concerne la question des rapports du spirituel et du temporel. Autant le principe de la disjonction du politique et du religieux a joué un rôle décisif dans l’essor matériel et intellectuel des populations européennes, autant l’absence d’une telle disjonction dans l’islam explique la grande stase pluriséculaire du monde musulman. Tandis que la tension entre le spirituel et le temporel inhérente au monde occidental a créé un espace où se sont glissés l’esprit de liberté et la curiosité scientifique, inversement, l’intrication musulmane du politique et du religieux a empêché cet esprit de liberté et cette curiosité de se développer. La séparation du politique et du religieux étant étrangère à la logique du système total que constitue l’islam, le déficit de liberté qui en résulte contribue grandement à expliquer le fait que, comme l’observe le célèbre écrivain algérien Boualem Sansal, « les pays musulmans sont à un stade de développement politique, culturel et scientifique très archaïque ».

    ÉLÉMENTS : Diriez-vous de l’islam ce que Clemenceau disait de la Révolution : c’est un bloc ?

    JEAN-LOUIS HAROUEL : Assurément, l’islam n’est pas un bloc. Outre la fracture majeure entre sunnisme et chiisme, il existe un troisième grand groupe, celui des kharidjites. De plus, il y a eu formation au sein de l’islam de sectes dont les plus connues relèvent du courant mystique appelé soufisme. Et puis, au sein même du sunnisme, il existe depuis le VIIIe siècle quatre écoles théologiques : le malikisme, le chaféisme, le hanafisme, le hanbalisme. Ce dernier correspond à une tendance très exigeante, réclamant un respect intégral du Coran et de la Sunna, qui fut illustrée au tournant des XIIIe et XIVe siècles par le théologien syrien Ibn Taymiyya et au XVIIIe siècle par un cheikh arabe du Nadjd, Mohammed ibn Abd al-Wahab, lequel professa un retour à l’islam des premier califes et la suppression de toutes les innovations introduites au cours des temps. Ce qui est l’origine du wahhabisme, promu par l’Arabie saoudite et dont l’hégémonie croissante est source de grandes tensions au sein du monde sunnite.

    Il n’en reste pas moins que l’islam, dans sa version sunnite qui regroupe près de 90 % des musulmans et qui est pratiquement la seule présente sur le sol européen, fonctionne comme un bloc sur un point capital : l’affirmation dogmatique que le Coran n’est pas un livre inspiré mais qu’il est la parole même d’Allah, éternelle et dictée en une descente du ciel. Sur la base de cette certitude officielle, sont rejetés ou même persécutés les groupes musulmans minoritaires jugés hérétiques. C’est ainsi que le Parlement du Pakistan a décidé que le courant de l’islam d’inspiration réformatrice appelé ahamadisme n’était pas musulman. En conséquence, sur la tombe du physicien pakistanais Abdus Salam, décédé en 1996, où il était inscrit « Premier lauréat Nobel musulman », le mot « musulman » a été effacé. Ce reniement par l’islam d’un de ses rares très grands savants de science expérimentale (formé à Cambridge) montre combien il est illusoire d’espérer faire évoluer le monde musulman par la création de courants modernisateurs, voués à être taxés d’hérésies. C’est ce qui ne manquerait pas d’arriver à ce fameux « islam de France » dont nos gouvernants successifs s’obstinent à rêver le miraculeux avènement.

    ÉLÉMENTS : Vous citez Pierre Manent et son livre brillant, mais naïf, Situation de la France (2015), où il appelait de ses vœux une sorte d’aggiornamento avec l’islam. Comment cela serait-il possible au vu des pièces et des arguments que vous réunissez ?

    JEAN-LOUIS HAROUEL : Le généreux projet exposé par Pierre Manent dans ce livre, une sorte d’union ou d’alliance des chrétiens, des juifs et des musulmans au service de la nation France, ne peut que se heurter à de grandes difficultés, voire à une impossibilité. On peut penser qu’il y a pour le moins une part d’irréalisme dans son estimable confiance quant à l’aptitude de l’islam à respecter loyalement les traces symboliques de la matrice chrétienne de la France. Les restes de cette empreinte chrétienne de notre pays ne peuvent être qu’un objet d’abomination et de détestation pour bon nombre de musulmans. Il est vain d’attendre de l’islam qu’il respecte la spécificité d’un pays de « marque chrétienne » alors qu’il peut espérer le transformer en pays musulman. 

    Il n’est pas dans la logique de l’islam de s’astreindre à une « conversation civique » et de collaborer avec d’autres religions pour entretenir un état de choses dans lequel il n’est pas le maître. Il n’est pas dans la logique de l’islam d’obéir ou de négocier là où il peut commander. Il est voué à se saisir du pouvoir là où cela lui est possible. L’islam est voué à s’emparer de nouveaux territoires et à n’y laisser subsister les membres d’autres religions que sur le mode subordonné et humiliant de la dhimmitude. C’est cet esprit de conquête de l’islam qui se déploie actuellement sous nos yeux et à notre détriment. Car l’islam est aujourd’hui lancé dans la conquête de l’Europe en général et de la France en particulier, submergeant des zones entières et y installant avec arrogance sa civilisation, ses minarets, son droit, ses mentalités, ses modes de vie. Car l’islam n’est que très secondairement une religion au sens que l’on donne à ce mot en Europe, à la lumière de deux millénaires de chrétienté. L’islam est aussi et surtout un projet politique, si bien qu’il vise à imposer son code de droit et ses règles de civilisation. De sorte qu’en de nombreux points de son territoire, la France, qui est la nation européenne comptant sur son sol le plus grand nombre de musulmans, s’est aujourd’hui transformée en un autre pays que la France : un pays musulman.

    ÉLÉMENTS : Ce n’est pas la première fois dans l’histoire que l’islam se lance à l’assaut de l’Europe. Mais comment notre continent, soumis à la « religion » des droits de l’homme, auxquels vous avez consacré un ouvrage, pourrait-il se défendre ?

    JEAN-LOUIS HAROUEL : Cette conquête silencieuse de l’Europe par l’islam se fait effectivement au moyen des droits de l’homme qui, transformés depuis plusieurs décennies en une religion séculière obsédée par la non-discrimination, exposent chaque peuple européen à voir des membres d’autres peuples s’installer chez lui et à mettre à profit ces droits pour travailler à le détruire et à le remplacer. Les droits de l’homme tels qu’on les conçoit maintenant permettent à un groupe identitaire installé au sein d’une nation européenne, étranger à elle par les origines et les sentiments, de la combattre de l’intérieur, cherchant à s’emparer du sol de cette nation et à éliminer son être afin de se substituer à elle. La religion des droits de l’homme – ou religion humanitaire – est aujourd’hui la religion d’État des nations occidentales. Instaurant une morale d’État vertueusement suicidaire, cette religion séculière handicape ainsi la France et les autres pays européens face au déferlement de l’immigration et à la présence sur leur sol d’un islam de masse, car elle interdit aux dirigeants de s’attaquer à ces problèmes et d’y répondre d’un point de vue politique.

    Or, pour combattre efficacement le processus de la conquête musulmane, il faut indiquer clairement aux populations musulmanes que l’accueil bienveillant dont elles bénéficient ne transforme pas pour autant des morceaux de France (et d’autres pays européens) en terre d’islam. Le groupe identitaire politico-religieux résultant de l’immigration musulmane doit être amené à se rapprocher de la conception européenne de la religion en mettant complètement de côté son arsenal de règles juridiques et de normes sociales. Il doit cesser de nous imposer sa civilisation, ses modes de vie, ses règles alimentaires et vestimentaires, ses mosquées triomphalistes de style arabe ou ottoman. L’exemple d’une résistance efficace nous vient de la vieille et exemplaire démocratie helvétique, où il est interdit d’édifier des minarets alors qu’il est toujours possible d’y élever des clochers. Les Suisses ont ainsi signifié aux musulmans vivant sur leur sol qu’ils n’étaient pas en terre d’islam. Ils ont refusé l’islamisation visuelle de leur pays, sa prise de possession symbolique par une civilisation étrangère, sans pour autant restreindre la liberté de culte. La Suisse a assujetti l’islam à un statut particulier, elle a institué une discrimination. Elle a tranché le nœud gordien des droits subjectifs, qui ligotent le pouvoir politique et le réduisent à l’impuissance.

    ÉLÉMENTS : Cette place occupée par les droits subjectifs en Occident n’est-elle pas à la fois ce qui démarque fondamentalement l’Occident de l’Orient – et ce qui, en l’état et aujourd’hui, rend l’Occident incapable de se défendre ?

    JEAN-LOUIS HAROUEL : Au nom des droits subjectifs et en vue de l’extirpation de toute forme de discrimination, nous sommes soumis à un régime disciplinaire qui vise à nous rééduquer. Dans les démocraties occidentales perverties par la religion des droits de l’homme, comme naguère dans la prétendue démocratie qu’était le monde soviétique, les citoyens sont écrasés par des tabous idéologiques dont la transgression est durement punie par le droit pénal : le totalitarisme droits-de-l’hommiste a pris la suite du totalitarisme communiste dans la volonté d’empêcher l’individu occidental de penser et d’agir librement. Pour autant, il faut faire une distinction entre les anciens droits de l’homme – c’est-à-dire les libertés publiques – et les nouveaux droits de l’homme, ceux créés par la religion séculière des droits de l’homme, qui détruisent ces libertés publiques. Tandis que les anciens droits de l’homme visaient à protéger les citoyens contre les excès du gouvernement, le peuple est aujourd’hui victime des nouveaux droits de l’homme, qui le privent de ses libertés et lui interdisent de se protéger contre la présence envahissante d’autres peuples, d’autres civilisations. Pour espérer pouvoir se défendre, l’Occident doit combattre résolument les nouveaux droits de l’homme, et remettre à l’honneur les anciens droits de l’homme, les libertés publiques, au premier rang desquelles la liberté d’exprimer sa pensée ou son opinion.

    Jean-Louis Harouel, propos recueillis par François Bousquet (Site de la revue Éléments, 28 octobre 2021)

     

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