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  • Tour d'horizon... (230)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur le site de la revue Le Nouveau Conservateur, Caroline Galactéros revient sur l'impuissance de la politique étrangère française et développe les principes qui devraient la guider...

    À la recherche d’une politique perdue : les Affaires étrangères

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    - sur le site Le Grand Continent, Florian Louis indique que la guerre en Ukraine impose à l'Europe de revenir à une pensée géopolitique...

    La transition géopolitique européenne

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  • Feu sur la désinformation... (387)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Jules Blaiseau.

    Au sommaire :

    • 1 - L'image de la semaine
      Notre image de la semaine concerne la reprise du conflit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie. Les médias minorent l'événement, mais pourquoi ? Jean-Yves Le Gallou vous explique les enjeux en coulisse.
    • 2 - Criminalité immigrée : faut-il parler de "francocide" ?
      Pour qualifier la criminalité immigrée, doit-on parler de "francocide" ? Eric Zemmour pense que oui et veut imposer son néologisme dans le débat. Clément Victorovitch, chroniqueur chez Quotidien, et le reste de la classe médiatique sont loin de lui donner raison. Découvrez avec nous la bataille politique, linguistique et sémantique de la semaine.
    • 3 - Revue de presse
      Qu'est-il advenu des personnalités que nous avons évoqué la semaine dernière ? Ségolène Royal, Renaud Pila, Alexandra Pizzagalli ... Revenez également avec nous sur tous les mensonges proférés par les médias pendant la semaine (il y en a beaucoup).
    • 4 - La reine est morte, vive le roi !
      La reine d'Angleterre est décédée et la nouvelle a capté toute l'attention médiatique cette semaine, au point d'occulter tous les autres sujets importants. Une nouvelle lucrative pour les médias qui, entre éloge de la monarchie et envies de réforme de la couronne, n'ont pas cessé d'en parler.

     

                                                

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  • De Maurras à Houellebecq : le style réactionnaire...

    Les éditions Amsterdam viennent de publier un essai de Vincent Berthelier intitulé Le style réactionnaire - De Maurras à Houellebecq. Vincent Berthelier est agrégé de lettres et docteur en langue française.

     

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    " En matière de littérature et de style, dit-on, les conservateurs révolutionnent et les révolutionnaires conservent. Les amis du peuple parlent le français de Richelieu, les amis de l’ordre jargonnent comme des Apaches. L’idée a la peau dure : remontant au moins à Stendhal, il n’est pas rare de la trouver sous la plume des réactionnaires d’aujourd’hui, chez Houellebecq, par exemple, qui fait dire à l’un de ses personnages que tous les grands stylistes sont des réactionnaires. La droite ferait passer le style avant toute chose. À preuve, Céline, dont il serait dès lors possible d’ignorer les idées antisémites et exterminatrices, ou du moins de les dissocier radicalement du style constitutif de sa grandeur.

    Or, Vincent Berthelier le montre, ce discours remplit historiquement une fonction politique. Il se solidifie après- guerre, chez des Hussards soucieux de minimiser l’engagement vichyste ou hitlérien de la droite littéraire et de réhabiliter leurs aînés en les présentant comme des stylistes.

    Plus largement, en étudiant un large corpus d’auteurs de droite et d’extrême droite, ce livre ambitieux voudrait repenser les rapports entre style, langue et politique. Il s’intéresse d’abord à la conception du style et de la langue défendue par certains écrivains, tout en proposant des analyses précises de leur écriture. À chaque étape, il s’agit d’explorer la problématique du style à partir des enjeux idéologiques du moment : dans l’entre-deux-guerres (Maurras, les puristes, Bernanos, Jouhandeau), dans la période de l’essor du fascisme et de la Libération (Aymé, Morand, Chardonne), enfin des années 1970 à nos jours, dans la période où s’élabore une nouvelle pensée réactionnaire (Cioran, Millet, Camus, Houellebecq). "

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  • Réflexions et prospective sur l'avenir de la France...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une longue intervention de Julien Rochedy dans laquelle il nous fait part de ses réflexions sur l'avenir de la France.

    Publiciste et essayiste, Julien Rochedy, qui est une figure montante de la mouvance conservatrice et identitaire, a déjà publié plusieurs essais dont Nietzsche l'actuelL'amour et la guerre - Répondre au féminisme et Philosophie de droite.

     

     

                                             

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  • Le Jardin des femmes perdues...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier le nouveau roman de Thomas Clavel intitulé Le Jardin des femmes perdues. Écrivain, chroniqueur et professeur de français, Thomas Clavel est déjà l'auteur d'un recueil de nouvelles, Les Vocations infernales (L'Harmattan, 2019) et de deux romans, Un traître mot (La Nouvelle Librairie, 2020) et Hôtel Beauregard (La Nouvelle Librairie, 2021).

     

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    " Victor Sabran est un sabreur de femmes. Magali Bavoir, sa voisine de palier, se rêve croqueuse d’hommes. Si notre séducteur arpente les jardins parisiens pour y cueillir la fleur de l’innocence, c’est dans son jardin secret que se réfugie cette trentenaire déçue par des amours virtuelles et frelatées. Lui, le bourreau des cœurs en guerre contre un féminisme conquérant et enragé. Elle, la victime autoproclamée d’une société misogyne et patriarcale. Tout semble opposer leurs deux journaux. Et pourtant, c’est à la même montagne qu’ils s’attaquent : celle du désir, dont on ne revient peut-être jamais.

    Tantôt des Hespérides, tantôt désespéré, Le Jardin des femmes perdues nous invite à parcourir les sentiers édéniques et diaboliques de la convoitise. "

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  • Guy Debord, penseur de la dépossession de l'homme moderne...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Emmanuel Roux à Figaro Vox et consacré à Guy Debord. 

    Agrégé de philosophie, Emmanuel Roux, qui est notamment l'auteur de Michéa, l'inactuel (Le Bord de l'eau, 2017), avec Mathias Roux, vient de publier Guy Debord - Abolir le spectacle (Michalon, 2022).

     

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    « Guy Debord est le penseur de la dépossession de l'homme moderne »

    FIGAROVOX. – Au début de votre livre, vous constatez, en parlant de la société du spectacle, que «rarement un tel concept aura connu une diffusion proportionnelle à la mesure de l'oubli de son sens originel». Comment expliquez-vous cette évolution de la pensée de Guy Debord ?

    Emmanuel ROUX. - Dans ce livre j'ai voulu m'écarter du «mythe» de Debord, qui tient en partie à la légende du personnage et à la vie radicalement libre d'un homme qui a été, seul ou avec ses amis situationnistes, de bout en bout dédié à la négation de l'ordre existant. Or, c'est à partir de cette figure que Debord est devenu petit à petit un mythe spectaculaire, récupéré, et assimilé (par exemple avec une reconnaissance officielle à la Bibliothèque nationale de France en 2013 autour d'une exposition, «Debord: un art de la guerre» qui a présenté une version assez dépolitisée de son œuvre). Debord est un grand styliste certes, ses textes sont littérairement très beaux, mais ce style est au service d'une puissance spéculative toute entière tournée vers la contestation, ce qu'il a appelé le «travail du négatif».

    De plus, quand on le lit, je pense notamment à ses Commentaires sur la société du spectacle, on est absolument sidéré de la puissance prophétique de Debord. Il a publié ce livre en 1988, on dirait que cela a été écrit maintenant. Relisant toute l'œuvre, voyant ou revoyant tous ses films, j'ai été frappé par la puissance de sa critique de la société capitaliste moderne qui me semble toucher si juste avec la notion de «spectacle» et de «spectaculaire». Cette puissance, je crois aussi qu'on la doit à la capacité de Debord à se situer au carrefour de trois courants majeurs de la pensée moderne: le dépassement de l'art par la création de «situations», la critique de la marchandise et de la valeur d'échange, la tradition civique du conflit et de la vie libre. Il est passé en quelque sorte de Breton à Marx et de Marx à Machiavel tout en gardant son inspiration première, rimbaldienne, celle de «changer la vie».

    Quel est le véritable sens de «la société du spectacle» chez Guy Debord ?

    Pour Debord, le monde est condamné pour avoir planifié la négation de la vie à travers l'extension illimitée de la valeur d'échange, c'est-à-dire du devenir monde de la marchandise. C'est la première signification du «spectacle»: l'homme se dépossède de ce qu'il produit à travers le primat de la valeur d'échange, il contemple passivement le monde dont il est dépossédé et de plus en plus séparé. Le spectacle est ainsi un processus total de dépossession, de passivité et de contemplation. Le monde que je produis m'échappe et, plutôt que d'agir dessus, je ne fais plus que le contempler ; il n'est plus que spectacle. Fondamentalement la dynamique du spectacle est de passer de la dépossession du travailleur qui contemple la marchandise qu'il a créée à la dépossession de l'homme qui contemple le monde en tant que devenir de la marchandise.

    Le développement de cette logique initiale enclenche une fuite en avant à la fois par les forces conjuguées de l'économie et de l'État et par la neutralisation progressive de toute pensée critique et de toute action de contestation. Car le spectacle, ce «soleil qui ne se couche jamais sur l'empire de la passivité moderne», n'est pas que le monde résultant de l'extension illimitée de la valeur d'échange, il est aussi un système de gouvernement et de domination.

    Car le spectacle ne veut pas être critiqué, il entend persévérer dans l'être. Il nous rend de plus en plus impuissant face à la destruction du monde mais il n'autorise qu'une action à la marge. Il faut éventuellement ajuster et réparer les choses mais sans jamais remettre en cause le fait qu'il entend être la seule radicalité, celle de la transformation permanente. Au nom de quoi ? On ne sait pas.

    Or il est alarmant de constater que c'est au moment où les effets destructeurs du spectacle sur le monde se lisent à ciel ouvert (destruction du vivant, subversion climatique, dégradation des conditions de vie, épuisement et saccage des grands lieux historiques et naturels par la surexploitation touristique, etc.) que la contestation intellectuelle et politique du spectacle devient inaudible, invisible ou alors détournée de son objet.

    Car la grandeur de la modernité a été et est sa capacité à contester l'ordre existant, sans laquelle il n'y a plus de politique, donc plus d'édification collective d'un monde humain. Or cette contestation a toujours pris les formes d'un processus de limitation et d'exténuation de la domination du plus grand nombre par le petit nombre. En ce sens Debord s'inscrit dans une grande tradition civique qui commence avec Aristote, s'est continuée avec Machiavel, Spinoza, et même Tocqueville, et s'est poursuivie au vingtième siècle avec Orwell et Simone Weil. La radicalité de Debord est d'avoir à la fois renforcé cette tradition en lui donnant une forte dimension de critique économique et culturelle tout en lui conférant aussi une dimension pratique par l'action d'éliminer la séparation et de mettre fin à la domination des bureaucraties. Cela a été le moment 68.

    Guy Debord a justement critiqué la façon dont une partie des soixante-huitards ont été absorbés, récupérés, par le système qu'ils prétendaient combattre…

    68 est l'événement majeur de la pensée et de l'œuvre de Debord et des situationnistes. En 1967 paraissent d'ailleurs les deux «arcs-boutants» de la contestation «in situ»: La société du spectacle de Debord et le Traité de savoir-vivre à l'usage des jeunes générations de Raoul Vaneigem, deux textes puissants, exigeants, magnifiques, dont l'impact sur les événements de mai, et au-delà, a été majeur.

    Debord a vécu cette abolition de la séparation à travers un moment d'unité profonde de la vie de la pensée, de la théorie et de la pratique de cessation de la coupure entre les gouvernants et les gouvernés, entre les bureaucrates et les producteurs, etc. C'est un moment fondateur pour Debord, le surgissement d'une occasion politique dans laquelle s'incarner, un peu comme la Fronde avait révélé le cardinal de Retz à lui-même.

    Mais cette ouverture a été vite refermée. Debord l'a discerné extrêmement rapidement puisque la dissolution de l'Internationale situationniste en 1972 actait qu'il y avait dans le mouvement une forme d'opportunisme politique, un développement de la posture situationniste complètement insincère qui faisait que la révolution était devenue en quelque sorte une marchandise: on pouvait la consommer. Guy Debord visait donc une forme d'insincérité du militant «pro-situ», dont la rhétorique pseudo-radicale masquait une volonté d'arriver en substituant un capitalisme «hédoniste» à un capitalisme «à la papa», en cassant le patriarcat tout en préservant la valeur d'échange, etc. Pasolini et Michéa ont parfaitement expliqué tout ça.

    Il faut dire ainsi que cette critique n'a rien à voir avec la critique de mai 68 par la droite conservatrice qui s'en prend aux boomers d'avoir expédié les «valeurs». Cette critique oublie que le capitalisme post-68 s'est construit sur un imaginaire hédoniste et festif, totalement soluble dans la nouvelle consommation. C'est comme si on contestait les effets d'un système sans en discuter jamais les causes. Or, il n'y a rien de plus étranger au capitalisme que les valeurs morales, relisons Mandeville !

    Pour Debord, le «vrai» mai 68, c'est le comité d'occupation de la Sorbonne, le CMDO installé rue d'Ulm, composé de toux ceux qui ont œuvré à la jonction de la révolte estudiantine et la révolution sociale, de l'étudiant, l'ouvrier, le paysan. Mais cette jonction a été rendue impossible par les appareils staliniens, le PCF au premier chef, qui s'est empressé de mettre fin à la contestation au moyen de hausses de salaires rapidement annulées par l'inflation.

    Les «vrais» soixante-huitards, ce sont ceux qui ont essayé de faire cette jonction et ne se sont jamais remis de cet échec (d'où la tristesse amère et la colère froide du film de Debord In girum imus nocte et consumimur igni) tout le contraire des Cohn-Bendit, July, Goupil qui étaient là pour gouverner le spectacle et non le renverser (et qui ont réussi sans doute au-delà de l'espérance de leurs vingt ans).

    En quoi la société du spectacle conduit-elle au règne de l'économie, et des experts ?

    Debord analyse la mise en place de l'État moderne comme étant précisément la structure politique qui permet au marché de conquérir en permanence de nouveaux espaces d'extension, mais avec la complexité que Karl Polanyi a bien vue: plus l'État fait la courte échelle au marché, plus il doit assumer les effets négatifs de cette extension. L'État renforce au bout du compte ce qu'il est censé limiter, un peu comme à chaque crise financière lorsque la socialisation massive par l'État des pertes créées par le marché permet à ce dernier de repartir de plus belle. C'est pourquoi il ne faut jamais opposer l'État d'un côté et l'extension illimitée de la valeur d'échange. Sur le long terme, le premier est l'instrument de la seconde. C'est ce que Debord appelle la «fusion économico-étatique». Or, le règne de l'économie ne se réduit pas à l'économie. Il est aussi politique et culturel.

    D'ailleurs, nous-mêmes sommes de plus en plus obligés de faire progresser la part spectaculaire en nous pour acquérir une identité sociale. Nous devenons entrepreneurs de nous-mêmes, nous entretenons notre capital à travers les images de nous-mêmes que nous produisons. Nous sommes sommés de cultiver notre valeur d'échange, de devenir bankable. C'est le nouvel âge de la conscience séparée !

    Ce règne de l'économie, vous avez raison, s'accompagne de celui de l'expert pour plusieurs raisons. D'abord parce que tout devient fonctionnel. Dans le monde dépolitisé du spectacle il n'y a plus de choix de valeurs. Il y a ce qui marche et ce qui ne marche pas. Or, dans tout choix qui concerne la vie en société, il y a un choix sur le genre de vie qu'on veut mener. C'est la grande leçon des Grecs contre tous ceux qui expliquent que la politique est affaire de technique, qu'il n'y a pas de droite et de gauche mais que des bonnes et des mauvaises recettes. La politique, c'est en permanence des choix: comment veut-on éduquer ses enfants ? Préfère-t-on les emmener au musée ou à Disneyland ? Préfère-t-on qu'ils fassent une école de commerce, aillent vivre à Singapour et empochent de gros bonus ou deviennent maraîchers ou apiculteurs dans le Perche ? (Ou les deux, pourquoi pas?) Dans toute décision qui engage notre vie il y a un choix qui met en jeu des préférences et ces préférences se réfèrent à des visions de la vie. Mais quand on évacue la question des finalités, tout devient technique et requiert un expert.

    Ensuite parce que le spectacle est fondé sur la succession des images du réel en lieu et place de notre rapport direct au réel, (Debord dit à ce sujet que dans le spectacle «le vrai est un moment du faux»), parce que le spectacle va produire le réel dont il a besoin pour persévérer dans son être, de là vient l'incapacité de savoir et vérifier par soi-même. Quand on vous montre quelque chose à la télévision, vous ne disposez plus des éléments qui permettent à votre raison de faire une idée juste des choses, et donc vous avez en permanence besoin que l'expert arrive et vous explique ce qu'il faut penser. La pandémie a été de ce point de vue un exemple de cette comitologie expertale permanente dans une sorte de remake du film de Pierre Richard «Je ne sais rien mais je dirai tout»…

    La pandémie a aussi montré que le spectacle est illogique en ce sens qu'il peut dire sans broncher le contraire que ce qu'il disait la veille. Le vrai et le faux oscillent sans qu'aucune continuité discursive rationnelle ne soit assurée. Orwell avait aussi vu cela: il n'est pas nécessaire de démentir un propos, il suffit juste de ne plus en parler. C'est ainsi que le règne de l'expert va occuper le vide et l'incapacité de la raison humaine à vérifier quoi que ce soit par elle-même.

    La phase dans laquelle on est aujourd'hui est marquée par la perte de la confiance en l'expert: le système arrive à un point où il n'y a même plus d'instance de la raison ou de la vérité à laquelle on pourrait se référer. Le règne de l'expert est à la fois la conséquence logique du développement de la société du spectacle et en même temps le signe que cette société va droit dans le mur.

    De là je pense la montée en puissance de la thématique du «complotisme». Lorsque la raison n'a plus d'endroit pour se tenir, lorsque les institutions du logos ne tiennent plus leur place ni leur rang, toutes les «théories» les plus farfelues ou délirantes poussent comme dans le désert après la pluie. La mode est à déconstruire le conspirationnisme mais il faudrait aussi s'interroger sur les raisons pour lesquelles notre système sécrète son propre conspirationnisme et aussi pourquoi d'aucuns voient des conspirationnistes et complotistes partout. Je crains que quiconque cherche à cerner les causes politiques du réel ne soit à terme suspecté de «complotisme». Debord sera sans doute tôt ou tard qualifié comme tel.

    Quel lien entre la «société du spectacle» chez Debord et son usage dévoyé pour désigner la «politique spectacle» ?

    L'expression «politique spectacle» a un lien très ténu avec ce que pense Debord. De tout temps la politique a été l'espace des signes, de la visibilité, de la mise en scène, des apparences. Hobbes a utilisé la métaphore de l'auteur et de l'acteur pour penser le pacte social ; pour le cardinal de Retz, agir politiquement implique d'entrer sur la scène du théâtre. Pour Debord, la politique, c'est-à-dire l'art de gouverner, a été profondément transformée par le spectacle.

    Je dirai d'abord qu'il a radicalisé l'art machiavélien de la production des apparences. D'ailleurs on peut observer la grande mutation du journalisme politique, qui ne parle plus des idées, des alliances, de la manière de gouverner mais qui commente la politique comme si elle n'était qu'affaire de communication, comme si les idées politiques et les rapports de force qui les sous-tendent n'avaient plus cours, comme évacuées par le spectacle. Or quand la communication prime, on peut dire et faire à peu près n'importe quoi du moment qu'on en acquiert de la visibilité, qui est un nouveau capital politique. De là ce qu'un bon auteur a appelé la «tyrannie des bouffons»: la politique devient une bouffonnerie, un jeu de rôle, des petites phrases, des postures, des effets d'annonce, quelque chose de complètement auto-référent. Debord disait que l'homme politique devient ainsi une «vedette».

    Mais le spectacle fait muter la politique en autre sens, assez inquiétant. Ici, je ne peux m'empêcher de mentionner le lien profond entre Orwell et Debord. Je renvoie à ce que j'ai écrit dans le livre sur le spectacle comme nouveau régime de gouvernabilité ou d'ingouvernabilité. Plus le spectacle envahit la totalité de la vie sociale, moins il tolère d'être contesté, plus il entend être aimé. Il me semble que la puissance de Debord, notamment dans les Commentaires, est certes d'avoir affiné la description des transformations du spectacle mais d'avoir surtout anticipé ce que seront les techniques de gouvernement lorsque les effets mortifères du spectacle sur la vie commenceront à devenir visibles et éprouvés, comme si la tautologie du spectacle (il est bon parce qu'il est, il est parce qu'il est bon) devenait un pur argument d'autorité annonciateur d'un nouveau régime autoritaire. Telle est mon sens la question dont il faut se saisir.

    Emmanuel Roux, propos recueillis par Martin Bernier (Figaro Vox, 19 août 2022)

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