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  • Portrait de la génération qui vient...

    Le numéro 49 du mensuel conservateur L'Incorrect est en kiosque. On peut notamment découvrir à l'intérieur un dossier consacré à la génération Z, celle née à l'orée du millénaire, un autre court dossier sur Houellebecq et son dernier roman, un entretien avec Jordan Bardella et un autre avec Jason Miller, fondateur du réseau social GETTR, ainsi que les rubriques habituelles "Monde", "Essais", "Culture", et "La fabrique du fabo"...

    Le sommaire complet est disponible ici.

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  • Quand la pandémie devient la tempête parfaite...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à l'utilisation de la pandémie de coronavirus pour la mise en œuvre  d'un programme drastique de réduction des libertés.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    Quand la pandémie devient la tempête parfaite

    L’agressivité, la violence même des représentants du Bien sur les antennes doivent nous alerter.

    Nous n’entrerons pas ici dans les débats sur la protéine spike, sur l’hydrogel, l’oxyde de graphène ni sur les divers composants des «vaccins» actuels anti-SARS2-Covid, pas plus que nous n’évoquerons les travaux chinois évoquant la possibilité d’intervenir à distance sur le corps humain, à partir précisément des composants associés dans des vaccins imposés à la population dans un état de désinformation systématique.

    La science est loin d’avoir les mains blanches

    Si le sujet sociétal est celui de notre rapport à la mort, le sujet politique est le rapport de la science et de la liberté. Ces deux autorités, les seules que nous reconnaissons dans le monde moderne, selon Pierre Manent (dans le magistral « Petit manuel de philosophie politique »), n’ont jamais entretenu des rapports simples. Toujours, la science a prétendu détenir le Vrai et le Bien, et pouvoir au nom du Vrai et du Bien limiter, cantonner, confiner les libertés.

    Et toujours la Liberté a rappelé que les sciences ne s’accordent pas entre elles, toujours elle a évoqué l’histoire, les 100 000 sorcières brûlées au nom de la science, la persécution des homosexuels au nom de la science, l’enlèvement des enfants des minorités indiennes ou aborigènes au nom de la science, et les ravages écologiques provoquées par une « science » économique sortie de la nature, de la raison et du sens commun. Sur trois des dogmes de la « modernité », la science est loin d’avoir les mains blanches. Les pires politiques de discrimination raciale du XXe siècle ont trouvé leur fondement dans les travaux de la science la plus officielle du XIXe et du début du XXe siècle.

    Les pires politiques de colonisation, d’ethnocide et d’extermination de la diversité culturelle et religieuse ont elles aussi été nourries des travaux scientifiques sur le progrès, la civilisation et les Lumières de la Raison. Ceux qui affirmaient « au nom de la science » la nécessité des lois criminelles qu’ils promulguaient n’avaient pas d’autres accents que ceux des dirigeants européens, Castex et Véran en tête ; eux aussi ont « la science » avec eux (l’affirmation devrait faire frémir ceux qui sont Bachelard et sa définition de la science comme une accumulation d’erreurs corrigées) !

    Quant aux ravages subis par l’environnement, l’extinction de la biodiversité et les menaces sur les conditions de l’existence humaine, comment ne pas voir qu’ils résultent pour la plus grande part de l’avènement d’une « science économique » qui ne se connaît ni maître, ni limites, au point de devenir la pire menace que nous affrontons ?

    Nous n’échappons pas au conflit déchaîné entre la Science et la Liberté, et nous savons que si la Liberté ne prévaut pas, si la démocratie ne tient pas en laisse la technique, c’est l’existence même de l’humanité que la science condamnera. Et la Liberté d’ajouter ; de même que les plus grands crimes du XXe siècle ont été perpétrés au nom de la science, du marxisme scientifique transposé en communisme soviétique, et du racisme scientifique transposé en nazisme, les plus grands crimes du XXIe siècle sont en train d’être commis au nom du scientisme, de la privatisation de la vie, d’intérêts privés qui s’approprient la santé publique, et d’une technique qui ignore toute limite.

    Une division de la société

    Nous ne sommes pas dans de vaines spéculations politiques. Nous sommes dans la révélation quotidienne du vrai visage de ceux qui nous gouvernent — de beaucoup trop d’entre eux. Enfermer les non-vaccinés dans des camps de détention sans sortie ni visite possible. Obliger les non-vaccinés à porter un bracelet de couleur, ou une puce électronique permettant de tracer leurs déplacements. Priver les non-vaccinés de soins hospitaliers et d’accès aux urgences. Préparer des fiches administratives de dénonciation des non-vaccinés et de signalement aux autorités des manifestations de résistance à la vaccination.

    Exclure les non-vaccinés de toute vie sociale, en faire des parias de la bonne société. Voilà un petit florilège de ce qu’en France comme dans l’Union européenne, les dignes représentants de partis dits de gouvernement nous assènent chaque jour au nom de la science. Voilà les dispositions liberticides, comme la loi du 21 décembre imposée au Parlement français qui prévoit par simple décret la promulgation d’un état d’urgence sanitaire permettant entre autres aux préfets d’enfermer et de déporter les non-vaccinés dans des centres de rétention !

    Voilà ce que des Ministres en exercice, des élus, des Présidents, martèlent à chaque intervention, au nom de la science. Et ils s’en réjouissent ! Il faut voir la satisfaction malsaine avec laquelle ils vitupèrent leurs ordres, tout à l’extase du pouvoir sans limites qu’une panique provoquée et entretenue leur offre ! Et voilà désignés les méchants d’où nous vient tout le mal, contre lesquels tout est justifié, tout est permis au nom de la science — certains ne sont pas loin de dire que s’ils en meurent, c’est tant mieux. Et voilà aussi l’étrange soumission de députés européens qui, sur tous les fronts et tous les continents, contre la Chine, la Russie, l’Iran, etc., n’ont à la bouche que la défense des libertés et le respect des droits fondamentaux de la personne humaine — accompagner les mourants, pratiquer son culte, se réunir, se déplacer, n’est-ce pas là le fond de la dignité humaine ?

    Et voilà le silence assourdissant d’élus français qui sont là, et là d’abord, pour défendre des libertés toujours menacées, toujours à reconquérir. À part, en France, François Xavier Bellamy et Sébastien Meurant, à part Marine Le Pen et Éric Zemmour, qui renvoie l’arrogance scientiste des vaccinistes au respect des libertés fondamentales ?

    Le COVID emporte le peu de démocratie

    Ce que le catastrophisme écologique manipulant les données du réchauffement climatique pour servir le projet d’un gouvernement mondial n’avait pu réaliser,

    Ce que les folles annonces du transhumanisme et de « la mort de la mort» venues de Google n’avaient pu obtenir,

    Ce que l’assujettissement aux réseaux, aux techniques d’ingénierie sociale et à leur propagande de masse n’avait pas suffi à garantir,

    La panique entretenue par l’épidémie de COVID19 est en train de le permettre, tempête parfaite qui peut tout emporter — et d’abord, le peu de démocratie qui nous reste.

    Qui ose s’étonner si les bilans mondiaux à paraître illustrent tous le recul, moins des démocraties elles-mêmes, que de la confiance des populations dans ce qui s’est appelé démocratie, et se noie sous les prescriptions administratives ! Pour n’avoir aucun doute sur la réalité de l’opération, il suffit d’entendre ces conseillers américains évoquer le redéploiement des troupes basées en Afghanistan en Afrique… pour forcer la vaccination de la population africaine ! Il suffit de constater comment les gouvernements des pays occidentaux ont successivement réduit, puis interdit, des traitements qui étaient susceptibles de prévenir, de limiter les effets inflammatoires, si ce n’est de guérir le COVID, mais qui échappaient aux « big pharma », notamment parce que tombés dans le domaine public.

    Pas question qu’un médicament à 7,50 euros vienne concurrencer un traitement à plusieurs centaines d’euros ! Il faut aussi mesurer la dégradation du métier de médecin, devant l’appropriation par les industriels du contrôle des prescriptions, des prises de parole, des recherches, et la soumission en cours de tout le corps médical aux seuls intérêts de Big Pharma — et de ses actionnaires pour lesquels toute menace sur la santé humaine est d’abord une promesse de rendement — les agissements de Gilead et d’autres laboratoires, depuis le début de la crise, disent tout à ce sujet ; la fin des indépendants est programmée, rien ne doit limiter le contrôle de la finance sur la vie humaine — puisqu’elle fait le travail de Dieu ! Mais qu’est-ce qu’une médecine devenue le voyageur de commerce des laboratoires pharmaceutiques ?.

    D’Elsevier au groupe Murdoch, il faut enfin considérer le lien que les groupes de presse éditeurs des plus prestigieuses revues scientifiques « à comité de lecture », mais qui tirent leurs bénéfices de magazines scientifiques gratuits sponsorisés par les industriels et les labos, ont entretenus avec les grands intérêts publics et privés pour ne publier que les articles favorables à la vaccination. L’un des plus reconnus, The Lancet, vient d’être obligé de l’avouer, ayant ouvert ses colonnes sans relecture ni validation scientifique à un Américain, Peter Daszak, lié au pouvoir chinois, en conflit d’intérêt manifeste, qui a publié un article aussi autoritaire qu’infondé, pour interdire d’évoquer toute fuite de laboratoire à Wuhan, et pour accréditer la thèse d’un virus naturel, thèse aujourd’hui formellement démentie (lire Tyler Durden, Zerohedge, 25 décembre 2021). 

    Et il suffit d’anticiper la mise en place du pass numérique obligatoire, conditionnant toute vie sociale, assurant un traçage permanent et universel des individus, mettant fin à tout ce que les révolutions des Lumières avaient assuré comme libertés individuelles et publiques (voir par exemple l’annonce par une société d’armement du « e wallet », identifiant numérique individuel disant tout, tout, tout de chaque individu), pour le comprendre.

    Entre la liberté et la science, le débat est plus que jamais d’actualité. Et si un continent vieillissant, incapable de tenir ses frontières, choisit la soumission à la science plutôt que la liberté devant la mort, nous saurons ce que vaut une civilisation qui n’est plus capable de reconnaître ses ennemis — ceux qui privatisent la santé et la vie au nom du rendement du capital.

    Rien.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 4 janvier 2022)

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  • Jacques Chardonne et Paul Morand...

    Les éditions Gallimard ont publié voici quelques semaines le dernier volume de la Correspondance - 1964-1968 entre Paul Morand et Jacques Chardonne. Diplomate, épicurien et homme de droite, Paul Morand a notamment publié de nombreux romans. Jacques Chardonne a dirigé les éditions Stock et eu en parallèle une carrière de romancier. Ostracisés après la guerre pour leur engagement en faveur de Vichy, voire de la collaboration, ils ont néanmoins été les inspirateurs des écrivains de la jeune génération de droite.

     

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    " Commencée en 1949 et achevée presque vingt ans plus tard avec la mort de Jacques Chardonne, en plein Mai 68, cette correspondance est à tout point de vue celle de la fin d’un monde. Et pour Morand, c’est une amitié littéraire qui disparaît, « une boule de laine dans la gorge ». Cette « paire d’anarchistes conservateurs », comme dit Morand, compte bien être aussi du nouveau monde, en observant avec acuité les bouleversements qui l’inaugurent et en assurant habilement la postérité de leurs œuvres. Tout à trac, les Beatles, la guerre du Vietnam, la Nouvelle Vague ou Jack Kerouac s’invitent chez L’Homme pressé, qui semble toujours partout, en Espagne, à Londres ou en Allemagne, au Masque et la plume et aux « déjeuners Florence Gould ». Chardonne, qui fête ses quatre-vingts ans entouré de jeunes critiques, prépare quant à lui soigneusement sa sortie. Il publie Demi-Jour ; on pose une plaque pour le célébrer au village de Chardonne, en Suisse. Une lettre aimable du général de Gaulle suffit à le convertir au règne du « Monarque », sous l’œil amusé de Morand.
    Les deux farouches épistoliers jugent sans relâche les grands vivants et les grands morts dans l’arène des lettres : Cocteau et Drieu, Mauriac, Sartre, Malraux, Saint-John Perse et Jouhandeau, tout en scrutant les jeunes premiers, Le Clézio ou d’Ormesson. Chardonne a le regard aiguisé de l’ancien éditeur ; et Morand, celui du lecteur érudit, passionné d’histoire. Avec une brillante nostalgie, ce dernier voyage dans le passé, à la faveur de son Journal d’un attaché d’ambassade, retrouve son paradis d’enfance près de la Tour Eiffel, ou revisite déjà Venise. Le temps les rattrape, la fidèle épouse de Morand, Hélène, s’affaiblit et bientôt Chardonne ne répond plus. Dans ses dernières lettres, le moraliste laconique se fait étrangement chinois, s’effaçant dans le « Cosmos »… Et le vernis délicat de son admiration commence à craquer, Chardonne reprochant à Morand sa légèreté coupable en politique, ses errements antisémites. Mais grâce à lui et à leurs milliers de lettres, Morand a tout de même réussi ce « self-portrait » éblouissant qu’il n’avait jamais osé écrire. C’est la Correspondance indispensable avant le Journal inutile. "

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  • Le culte des héros et l'héroïque dans l'histoire...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une nouvelle vidéo d'Ego Non qui évoque la théorie du grand homme dans l'histoire au travers de l'essai du penseur britannique Thomas Carlyle (1795-1881) intitulé Les héros, le culte des héros et l’héroïque dans l’histoire.

     

                                             

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  • De la désindustrialisation à la crise sanitaire...

    Les éditions Tallandier viennent de rééditer un essai de Pierre Vermeren intitulé La France qui déclasse - De la désindustrialisation à la crise sanitaire. Ancien élève de l’École normale supérieure et agrégé d’histoire, Pierre Vermeren est historien et professeur à l'université Panthéon-Sorbonne.

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    " Sentiment de déclassement, blocage de l'ascenseur social, taxation fiscale alourdie : la République a failli dans sa promesse de justice et de réussite par le mérite. En deux générations, l'héritage gaullien a été dilapidé conduisant à une grave crise de confiance des Français envers leurs élites. Fin observateur de notre société, l'historien Pierre Vermeren ausculte l'échec des politiques publiques, économiques et d'éducation depuis la fin des années 1970 : la désindustrialisation destructrice d'emplois, la déshumanisation des services, la déqualification qui entraîne la mésestime de soi, l'absence de réflexion sur l'aménagement du territoire et la rétraction des services publics qui brisent le lien social. Une faillite, aggravée par la crise sanitaire, entraînant le désenchantement des classes populaires et les populismes qui l'accompagnent. L'État doit prendre d'urgence les décisions nécessaires pour considérer la France, toute la France. "

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  • Le covid-19 ou le choc de dépolitisation...

    Nous reproduisons ci-dessous l'analyse, donnée par Jérôme Saint-Marie au Figaro Vox, des événements politiques et sociaux de l'année écoulée à la lumière de l'élection présidentielle qui vient.

    Spécialiste de l'opinion publique, fondateur de la société d'études et de conseil Polling Vox, Jérôme Sainte-Marie enseigne à l'université Paris-Dauphine et est l'auteur de Bloc contre bloc - La dynamique du Macronisme (Cerf, 2019) et de Bloc populaire - Une subversion électorale inachevée (Cerf, 2021).

     

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    Jérôme Sainte-Marie : «Le Covid-19 aura produit un choc de dépolitisation»

    LE FIGARO. - Pré-campagne présidentielle, instauration du passe sanitaire, reprise de l'épidémie avec le variant Omicron… L'année qui s'écoule a été dense. Selon vous, quel événement a le plus bouleversé la France en 2021 ? En quoi ?

    Jérôme SAINTE-MARIE. - À l'évidence, la crise sanitaire a marqué 2021, mais dans la continuation de l'année précédente et de manière finalement banalisée. S'il s'agit de citer un événement emblématique de ce qu'est la France aujourd'hui et qui aura eu un impact significatif sur notre humeur collective, je retiendrais plutôt la crise dite des sous-marins australiens, c’est-à-dire la rupture d'une promesse d'achat présentée comme le contrat du siècle. Il me semble que cette annonce le 15 septembre dernier a cristallisé les doutes, pour ne pas dire l'angoisse existentielle, ressentie par nombre de nos compatriotes. Cet échec n'est bien sûr pas seulement commercial, il illustre un affaiblissement de la position du pays sur la scène mondiale et fait écho au processus de désindustrialisation dénoncé par toute la classe politique ou presque. Derrière la perte financière immédiate pour Naval Group se profile une forme de déclassement du pays, sentiment bien réel, qu'il soit justifié ou non, et lourd de conséquences électorales. Cet événement survenu en 2021 n'est pas en soi un tournant par son intensité, mais par la résonance qu'il trouve dans d'autres revers de l'industrie de pointe française, on songe ici l'affaire Alstom, il me paraît effectivement de nature à impressionner durablement l'opinion publique.

    La mise en place du passe sanitaire a vu naître un mouvement anti-passe, mélange hétérogène de protestataires du type «gilets jaunes» et membres de classes moyennes. Ce fait illustre-t-il l'archipélisation de notre société comme l'a théorisé Jérôme Fourquet ? Comment analysez-vous ce phénomène ?

    Comme vous le notez, il existe une différence profonde entre le phénomène des «gilets jaunes» d'une part et les mobilisations anti-passe d'autre part, même si dans les deux cas les observateurs ont pu être surpris par leur intensité. Il y a trois ans, les rassemblements et les occupations de ronds-points étaient très marqués dans leur sociologie, avec une évidente sur-représentation des travailleurs modestes du privé, salariés ou indépendants. À l'été 2021, les manifestations étaient beaucoup plus interclassistes, ce qui est d'ailleurs très logique puisque celles-ci ne se fondaient pas sur un enjeu de pouvoir d'achat mais sur une cause presque immatérielle. Je ne vois pas très bien cependant comment cela pourrait correspondre à une hypothétique «archipélisation» : il y a toujours eu des mobilisations portant sur des enjeux diversifiés, et au mi-temps des années 1980, par exemple, on pouvait assister à quelques semaines de distance à des manifestations portant sur la querelle scolaire comme à des mouvements d'opposition à la restructuration de la sidérurgie. La France est un pays où l'on manifeste énormément et à tous propos, ce n'est pas nouveau. La polarisation sociale constitue une réalité sur laquelle chacun s'accorde, me semble-t-il, sans que cela n'empêche que l'on puisse se rassembler sur des thèmes transversaux, comme celui des libertés individuelles.

    Peut-il être de grande portée lors de la présidentielle ? Dans quelle mesure ?

    Derrière le rideau des manifestations et des polémiques sur le passe sanitaire, ces dernières très présentes dans les médias comme sur les réseaux sociaux, le fait politique majeur porté par la crise sanitaire me paraît être la dévitalisation du débat public. Après l'intense actualité sociale des deux premières années du quinquennat, les Français sont placés dans une situation artificielle d'atomisation, chacun étant renvoyé à sa santé et à celle de ses proches, à son corps et, si l'on peut dire, à sa peau.

    L'abstention massive lors des scrutins intermédiaires doit beaucoup à ce climat aberrant. La place prise par les échanges sur la qualité des vaccins, l'évolution des courbes de contamination, la pertinence de telle ou telle mesure de santé publique, avec un degré de précision qu'illustre la dernière intervention télévisée du Premier ministre, est bien sûre légitime, mais elle induit une distraction de l'opinion par rapport aux grands enjeux d'avenir du pays. Il reste peu de temps avant le grand rendez-vous démocratique des Français, en avril prochain, pour restaurer la hiérarchie des débats. Le Covid-19 aura produit un choc de dépolitisation.

    Ces manifestations, peu soutenues par la majorité de la population, ont-elles renforcé Emmanuel Macron ?

    Sur le strict plan de l'opinion publique et de sa mesure, la pandémie a abouti en quelques mois à un net redressement de la cote de popularité de l'exécutif. Nous étions il y a deux ans en pleine confrontation entre partisans et adversaires de la réforme des retraites menée par le gouvernement d'Édouard Philippe. Depuis, le niveau du soutien au président de la République a augmenté d'une dizaine de points. Emmanuel Macron n'est pas populaire au sens qu'une majorité de Français en aurait une bonne opinion dans l'exercice de ses fonctions, mais il l'est bien davantage que ne le furent ses deux prédécesseurs, François Hollande et auparavant Nicolas Sarkozy, à ce stade de leur mandat. Le chef de l'État a su apparaître auprès de nombreux Français comme le garant du versement des salaires et des pensions, se prévalant à tort ou à raison d'avoir sur drainer vers la France une part du plan de relance européen. Candidat de la réforme en 2017, il sera devenu le président des garanties. Quand bien même s'agirait-il d'une illusion, cela demeure un bel atout électoral.

    Sur le plan politique, la percée d'Éric Zemmour dans les sondages a rebattu les cartes : le duel annoncé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen est désormais incertain…

    Le phénomène Zemmour à la fin de l'été s'apparente à une déflagration d'opinion. Pour trouver un équivalent, il faut curieusement évoquer la vive ascension de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages d'intention de vote à partir de la mi-mars 2017, l'amenant en cinq semaines à près de 20%. On notera aussitôt la particularité de la percée d'Éric Zemmour, intervenue à un moment où les opinions demeurent très volatiles et où le citoyen n'est pas encore vraiment dans la position de l'électeur. On a d'ailleurs constaté depuis un tassement des intentions de vote. D'une part Marine Le Pen a su stabiliser son socle électoral, à la tonalité populaire marquée, d'autre part la droite classique a réussi son processus de désignation du candidat à la présidentielle. La poussée des intentions de vote en faveur de Valérie Pécresse est un autre indicateur de la fluidité des rapports de force virtuels, ceux mesurés par les sondages, tant que l'offre électorale n'est pas stabilisée ni les Français massivement intéressés par le suivi de la campagne, ce qui intervient généralement à deux ou trois mois du scrutin présidentiel. Il demeure que pour l'heure la candidature d'Éric Zemmour rend la situation de Marine Le Pen plus délicate, sans causer le moindre tort à Emmanuel Macron : dans les sondages actuels, celui-ci passe désormais le premier tour en première position et l'emporte au tour décisif, de manière particulièrement confortable lorsqu'il est opposé au polémiste.

    Le bloc élitaire qui s'est formé autour d'Emmanuel Macron en 2017, se divise-t-il désormais entre Macron et Zemmour ?

    Le bloc élitaire n'existe au sens strict qu'autour d'Emmanuel Macron, dans la mesure où il est formé par une idéologie progressiste se défiant du clivage entre la gauche et la droite. Il est porté par un projet libéral et europhile, dans l'acceptation de la mondialisation sous toutes ses formes. Le profil sociologique du vote Macron en 2017 comme des intentions de vote pour 2022 est avant tout marqué par une forte adhésion de la classe managériale et d'une partie des retraités. Ce n'est pas équivalent pour les intentions de vote en faveur d'Éric Zemmour, au profil relativement interclassiste mais orientées à droite. Présenté comme un atout par le candidat, cela peut constituer également à terme une faiblesse, dans le contexte de polarisation que connaît la société française, sauf à considérer que les considérations matérielles ne compteraient pour rien dans le vote. Emmanuel Macron n'a pas ce problème puisqu'il a su maintenir une vraie cohérence entre la sociologie de ses soutiens, l'adéquation de son idéologie à celle-ci, et la composition de ses équipes, où se sont fondues des personnalités issues de la gauche comme de la droite.

    Autre fait d'importance : la gauche semble toujours incapable d'accéder au second tour malgré la multiplication des candidatures à droite. Peut-elle encore espérer rassembler le «bloc populaire» ? Quel regard portez-vous sur une éventuelle candidature de Christiane Taubira ?

    Tant de choses ont été dites à juste titre sur les difficultés de la gauche que je soulignerais plutôt deux réalités plus appréciables pour elle. Tout d'abord le score cumulé des candidats qui s'en réclament s'établit à un niveau proche de celui de 2017, c’est-à-dire un peu plus du quart des électeurs. Songeons que ce n'est pas très éloigné de celui de la droite si l'on ne prend en compte que les candidats qui s'y rattachent explicitement. Pourquoi un tel maintien, pas toujours perçu ? Sans doute parce que la gauche conserve un socle sociologique qui est à la fois une garantie et une limite : celui de la dépense publique, dont les fonctionnaires constituent le noyau dur. Les facteurs culturels comptent, bien entendu, mais cette dimension prosaïque autant qu'essentielle, l'origine des revenus, conservent une importance majeure dans le choix politique. Du coup, la gauche peut toujours affectionner le mot «populaire», elle ne peut prétendre à constituer un bloc populaire, ayant notamment bien du mal à convaincre les travailleurs du privé.

    Mal à l'aise face au mouvement des «gilets jaunes», contradictoire dans sa relation à la mondialisation, la gauche se survit à travers l'exaltation de valeurs et de positions souvent bien éloignées du point d'équilibre de la société française. L'aura qui dans cette mouvance entoure Christiane Taubira illustre bien cette fuite en avant idéologique, modeste compensation à son confinement sociologique.

    Jérôme Saint-Marie, propos recueillis par Ronan Planchon (Figaro Vox, 31 décembre 2021)

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