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  • Nicolás Gómez Dávila, penseur de l'antimodernité...

    Les éditions l'Harmattan ont récemment publié un essai de Michaël Rabier intitulé Nicolás Gómez Dávila, penseur de l'antimodernité - Vie, œuvre et philosophie.  Docteur en philosophie et membre associé du Laboratoire Hannah Arendt de l'Université Paris XII, Michaël Rabier, après avoir été journaliste, enseigne aujourd'hui la philosophie.

     

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    " Le philosophe colombien Nicolás Gómez Dávila (1913-1994) a tardivement développé, à l'écart de l'Université, une oeuvre constituée principalement de cinq volumes d'aphorismes réunis sous le nom énigmatique de Scholies à un texte implicite. Malgré leur dispersion thématique, c'est en fait une seule œuvre continue, presque une suite au sens musical du terme, composée de courtes variations sur des problèmes récurrents de la philosophie occidentale, mais développant surtout une interrogation sur les conséquences du progrès et une critique des fondements de la Modernité. Cet ouvrage replace la pensée du « Nietzsche colombien » dans le fil de la philosophia perennis et permet de comprendre pourquoi il fut admiré de García Márquez, Mutis, Jünger ou Simon Leys. "

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  • On peut éventuellement assimiler des individus, mais pas des communautés...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque l'impossible assimilation des communautés immigrées.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (Pierre-Guillaume de Roux, 2021) et L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021).

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    Alain de Benoist : « L’assimilation des immigrés n’est ni une bonne ou une mauvaise idée… Elle est juste impossible ! »

    Le débat sur l’« intégration » des immigrés s’enlise depuis des décennies, ne serait-ce que parce qu’il n’est jamais précisé à quoi il s’agit de s’intégrer : à une nation, à une histoire, à une société, à un marché ? C’est dans ce contexte que certains préfèrent en appeler à l’« ». Il y a deux mois, le magazine Causeur consacrait tout un dossier à cette notion en titrant, en première page : « Assimilez-vous ! » Ça vous inspire quoi ?

    Dans les milieux qui s’inquiètent le plus du flot migratoire, on entend en effet souvent dire que l’assimilation serait la solution miracle : les immigrés deviendraient des « Français comme les autres », et le problème serait résolu. C’est la position défendue avec talent par Causeur, mais aussi par des auteurs comme Vincent Coussedière, qui va faire paraître un Éloge de l’assimilation, ou Raphaël Doan (Le rêve de l’assimilation, de la Grèce antique à nos jours). D’autres objectent que « les immigrés sont inassimilables ». D’autres, encore, refusent l’assimilation parce qu’elle implique nécessairement le métissage. Ces trois positions sont très différentes, et même contradictoires, mais elles ont en commun de considérer que l’assimilation est possible, au moins en théorie, même si certains n’en veulent pas ou considèrent que les immigrés ne jouent pas le jeu.

    L’assimilation est un concept de nature universaliste, hérité de la philosophie des Lumières (le mot se trouve déjà chez Diderot). Il présuppose que les hommes sont fondamentalement tous les mêmes. Pour faire disparaître les communautés, il faut donc amener les individus qui les composent à s’en détacher. C’est en quelque sorte un marché que l’on se propose de passer avec les immigrés : devenez des individus, comportez-vous comme nous et vous serez pleinement reconnus comme des égaux, puisqu’à nos yeux l’égalité suppose la mêmeté.

    Vous vous souvenez de l’apostrophe de Stanislas de Clermont-Tonnerre, en décembre 1789 : « Il faut tout accorder aux Juifs comme individus, il faut tout refuser aux Juifs comme nation ! » (Les Juifs n’ont pas cédé à ce chantage, sans quoi ils auraient dû renoncer à l’endogamie et il n’y aurait plus de communauté juive aujourd’hui.) ne dit pas autre chose quand il affirme que la citoyenneté française reconnaît « l’individu rationnel libre comme étant au-dessus de tout ». Raphaël Doan est très clair sur ce point : « L’assimilation est la pratique qui consiste à exiger de l’étranger qu’il devienne un semblable […] Pour assimiler, il faut pratiquer l’abstraction des origines. » Autrement dit, qu’il cesse d’être un Autre pour devenir le Même. Pour ce faire, il doit oublier ses origines et se convertir. « Émigrer, c’est changer de généalogie », dit Malika Sorel. C’est plus facile à dire qu’à faire. Car s’assimiler aux « valeurs de la République », cela ne veut rien dire. S’assimiler, c’est adopter une culture et une histoire, une sociabilité, un modèle de relations entre les sexes, des codes vestimentaires et culinaires, des modes de vie et de pensée spécifiques. Or, aujourd’hui, les immigrés sont dans leur majorité porteurs de valeurs qui contredisent à angle droit celles des populations d’accueil. Quand on leur propose de négocier leur intégration, on oublie tout simplement que les valeurs ne sont pas négociables (ce qu’une société dominée par la logique de l’intérêt a le plus grand mal à comprendre).

    Et vous, l’assimilation, vous la jugez bonne ou mauvaise ?

    Ni bonne ni mauvaise. J’ai plutôt tendance à la croire impossible. La raison principale est qu’on peut assimiler des individus mais qu’on ne peut pas assimiler des communautés, surtout quand celles-ci représentent 20 à 25 % de la population et que celles-ci sont concentrées – « non parce qu’on les a mis dans des ghettos, mais parce que l’être humain cultive naturellement le voisinage de ceux qui vivent comme lui » (Élisabeth Lévy) – sur des territoires qui favorisent l’émergence de contre-sociétés exclusivement basées sur l’entre-soi. C’est surtout vrai dans un pays comme la France, marquée par le jacobinisme, qui n’a cessé de lutter contre les corps intermédiaires pour ramener la vie politique et sociale à un face-à-face entre l’individu et l’État. Colbert avait déjà déployé de grands efforts pour « franciser » les Indiens d’Amérique. Ce fut évidemment un échec.

    En France, l’assimilation a connu son apogée sous la IIIe République, à une époque où la battait son plein à l’initiative des républicains de gauche alors désireux de faire connaître aux « sauvages » les bienfaits du « progrès ». Mais la IIIe République a aussi été une grande éducatrice : dans les écoles, les « hussards noirs » mettaient un point d’honneur à enseigner l’histoire glorieuse du roman national. Nous n’en sommes plus là. Toutes les institutions (Églises, armée, partis et syndicats) qui facilitaient l’intégration et l’assimilation dans le passé sont en crise. L’Église, les familles, les institutions ne transmettent plus rien. L’école elle-même, où les programmes sont dominés par la repentance, n’a plus rien à transmettre, sinon la honte des crimes du passé.

    L’assimilation implique qu’il y ait une volonté d’assimiler du côté du pouvoir en place et un désir d’être assimilé du côté des nouveaux arrivants. Or, il n’y a plus ni l’une ni l’autre. En décembre dernier, Emmanuel Macron l’a explicitement déclaré à L’Express : « La notion d’assimilation ne correspond plus à ce que nous voulons faire. » On voit mal, d’autre part, quelle attractivité le modèle culturel français peut encore exercer sur des nouveaux venus qui constatent que les autochtones, qu’ils méprisent souvent, quand ils ne les haïssent pas, sont les premiers à ne vouloir rien savoir de leur histoire et à battre leur coulpe pour se faire pardonner d’exister. Dans ce qu’ils voient, qu’est-ce qui peut les séduire ? Les enthousiasmer ? Les pousser à vouloir participer à l’histoire de notre pays ?

    Dernière remarque : dans le modèle assimilationniste, l’assimilation est censée progresser de génération en génération, ce qui peut paraître logique. Or, on s’aperçoit qu’en France, c’est exactement le contraire. Tous les sondages le démontrent : ce sont les immigrés des dernières générations, ceux qui sont nés français et possèdent la nationalité française, qui se sentent le plus étrangers à la France, qui pensent le plus que la charia prime la loi civile et trouvent le plus inacceptable tout « outrage » à leur religion. En août dernier, interrogés sur la proposition « L’islam est-il incompatible avec les valeurs de la société française », 29 % des musulmans répondaient par l’affirmative, tandis chez les moins de 25 ans, cette proportion était de 45 %.

    Un tel débat est-il propre à la France ? Aux pays occidentaux ? Ou bien la question de l’intégration par l’assimilation se retrouve-t-elle un peu partout ?

    Les pays anglo-saxons, n’ayant pas été marqués par le jacobinisme, sont plus hospitaliers aux communautés. Par ailleurs, aux États-Unis, les immigrés n’ont en général aucune animosité envers le pays dans lequel ils cherchent à entrer. La grande majorité d’entre eux, à qui l’on a inculqué le respect des Pères fondateurs, veulent être américains. Le « patriotisme constitutionnel » fait le reste. En Asie, c’est encore différent. La notion d’assimilation y est inconnue, pour la simple raison que la citoyenneté se confond avec l’appartenance ethnique. Pour les deux milliards d’individus qui vivent dans le nord et le nord-est de l’Asie, en particulier dans la zone d’influence confucéenne, on naît citoyen, on ne le devient pas. C’est la raison pour laquelle la et le Japon refusent de faire appel à l’immigration et ne naturalisent qu’au compte-gouttes (les très rares Européens qui ont obtenu la nationalité japonaise ou chinoise ne seront, de toute façon, jamais considérés comme des Japonais ou des Chinois).

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 14 mars 2021)

     

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  • Pour répondre aux « décoloniaux », aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance...

    Sous couvert de sa revue L'Afrique réelle, Bernard Lugan vient de publier un essai de combat intitulé Pour répondre aux « décoloniaux », aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance.

    Historien et africaniste, Bernard Lugan a publié de nombreux ouvrages, comme  Osons dire la vérité à l'Afrique (Rocher, 2015), Heia Safari ! - Général von Lettow-Vorbeck (L'Afrique réelle, 2017), Atlas historique de l'Afrique (Rocher, 2018) et Esclavage, l'histoire à l'endroit (L'Afrique réelle, 2020), mais aussi deux romans avec Arnaud de Lagrange, dont Les volontaires du Roi (réédition, Balland, 2020) et un récit satirique, Le Banquet des Soudards (La Nouvelle Librairie, 2020).

    L'ouvrage est disponible sur le site de L'Afrique réelle ou sur le site de La Nouvelle Librairie.

     

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    " Alliés à l’islamo-gauchisme, les « décoloniaux » ont entrepris de déconstruire la France au moyen d’un terrorisme médiatique et intellectuel sans précédent. Ce n’est pas de « séparatisme » qu’il s’agit. Ils ne veulent en effet pas faire sécession. Ils bénéficient de tant d’avantages dans cette France qui les accueille, les nourrit, les loge, les soigne, les éduque… et qu’ils haïssent… À l’image d’Hafsa Askar, vice-présidente du syndicat étudiant UNEF, qui, le 15 avril 2019, jour de l’incendie de la cathédrale, a écrit : « Je m’en fiche de Notre-Dame de Paris, car je m’en fiche de l’Histoire de France… Wallah… on s’en balek [traduction : on s’en bat les c…], objectivement, c’est votre délire de petits blancs. »
     
    Leur but est d’invertir la France. Pour ensuite la soumettre en lui imposant des normes raciales, philosophiques, culturelles, sociales, politiques, historiques, alimentaires, vestimentaires, artistiques, sexuelles et religieuses qui, toutes, vont à l’encontre de sa nature profonde.
     
    En pleine déroute intellectuelle, acculés dans l’impasse idéologique des « droits de l’homme », du « vivre ensemble », du « pas d’amalgame » et du sépulcre phraséologique de  la « laïcité », les  dirigeants français  sont désarmés face à cette entreprise de subversion et de conquête, unique dans l’Histoire millénaire de ce pays.
     
    Quant aux indigènes français, sommés de débaptiser leurs rues, de dépouiller leurs musées, de renier leur Histoire, d’abattre leurs statues, et, quasiment, de devoir s’excuser d’exister, ils ont le choix entre la « soumission » et la réaction.
     
    Or, cette dernière passe par la totale remise en question du corpus idéologique dominant, terreau sur lequel se développent et prospèrent les pensées invasives qui veulent faire de la France autre chose que la France… "
     

    Table des matières :

    I) Ces trois gauches qui ont enfanté les « décoloniaux »
    - La gauche coloniale et son universalisme dévastateur
    - La gauche tiers-mondiste, son dolorisme, son misérabilisme et son christiano-marxisme
    - La gauche universitaire, ses errances scientifiques et son aveuglement idéologique
    II) La francophobie des « décoloniaux », un produit de la gauche « morale »
    - La France et le « pillage » de l’Afrique
    - Le franc CFA, une « danseuse » entretenue, pas une « vache à lait »…
    - La guerre d’Algérie ou l’ethno-masochisme de gauche
    III) Le corpus idéologique des « décoloniaux », entre postulats et terrorisme intellectuel
    - La « primauté créatrice » de la « négritude », un transfert psychanalytique valorisant
    - Le courant « décolonial », un racisme noir assumé
    - De la concurrence des mémoires victimaires au cas d’école de Madame le député Obono
    IV) Remettre ordre et cohérence dans l’esprit des « décoloniaux »
    - Ce n’est pas la colonisation qui a provoqué la catastrophe africaine, mais la décolonisation
    - Ce n’est pas la France qui a pillé l’Algérie, mais les dirigeants algériens
    - Ce n’est pas l’apartheid qui a ruiné l’Afrique du Sud, mais l’ANC de Nelson Mandela
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  • Tout détruire par les flammes...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Raphaël Doan, cueilli sur Figaro Vox et consacré à ces universitaires américains "progressistes" qui veulent éradiquer l'enseignement de l'héritage gréco-latin. Un nouveau front pour la cancel culture...

    Agrégé de lettres classiques, Raphaël Doan est l'auteur de Quand Rome inventait le populisme (Cerf, 2019).

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    Raphaël Doan: «Ces historiens de l’Antiquité qui haïssent l’Antiquité»

    Faut-il brûler l’héritage gréco-romain? Cette question saugrenue n’émane pas d’un Wisigoth du Vème siècle, mais des meilleures universités américaines du XXIème.

    Un professeur d’histoire romaine de Stanford, Dan-el Padilla Peralta, a ainsi qualifié ce que les Anglo-saxons appellent les classics, à une conférence de la Society of Classical Studies de janvier 2019, de matière «mi-vampire, mi-cannibale». «Loin d’être extérieure à l’étude de l’Antiquité, affirmait-il, la production de la blanchité réside dans les entrailles même des classiques.» Aussi concluait-il, sous les applaudissements: «j’espère que la matière va mourir, et le plus tôt possible.»

    Padilla est loin d’être seul dans cette croisade. Pour un autre professeur de Stanford, Ian Morris, «l’Antiquité classique est un mythe de fondation euro-américain. Est-ce qu’on souhaite vraiment ce genre de choses?» Johanna Hanink, professeur associé de lettres classiques à l’université de Brown, voit dans la discipline «un produit et un complice de la suprématie blanche.» Donna Zuckerberg, classiciste et fondatrice du site Eidolon, se demande si l’on peut sauver une «discipline qui a été historiquement impliquée dans le fascisme et le colonialisme, et qui continue d’être liée à la suprématie blanche et à la misogynie.»

    Conclusion logique: une colonne régulière sur son site pour appeler à «tout détruire par les flammes» une expression courante de ce mouvement. Bref, résume Nadhira Hill, doctorante en histoire de l’art et archéologie à l’université du Michigan, «les classiques sont toxiques

    Ce n’est bien sûr pas la première attaque subie par les études anciennes. Mais elle est inédite par son caractère kamikaze - de la part de spécialistes de l’Antiquité - et par son ambition explicitement destructrice.

    Longtemps, le débat public sur l’intérêt de ces études, cristallisé dans la question de l’enseignement du latin et du grec, a porté sur l’utilité de ces disciplines. Est-il encore nécessaire, au XIXème, XXème ou XXIème siècle, d’étudier ces civilisations mortes il y a deux millénaires? Nos élèves n’ont-ils pas mieux à apprendre? Le monde n’a-t-il pas changé ?

    À la limite, certains y voyaient une matière élitiste, bourgeoise, un peu snob, justement parce qu’elle semblait inutile. Toutefois, même chez les adversaires du latin et du grec, on affichait une déférence polie: on les jugeait superflus, mais il ne serait venu à l’idée de personne d’y voir une influence néfaste. Tout au plus débattait-on de la nature de notre lien à ces civilisations anciennes.

    Face à ceux qui voyaient dans les Grecs et les Romains la source d’une grande tradition dont nous étions les héritiers, et qui méritait d’être étudiée en tant que telle, d’autres affirmaient s’y intéresser au contraire comme à de riches mondes perdus, sans aucune ressemblance avec le nôtre, et pour cette raison même intéressants car fortement exotiques.

    Parmi les premiers, la plus importante figure française a été Jacqueline de Romilly, qui a consacré la plupart de sa carrière à défendre une «certaine idée de la Grèce» propre à inspirer le monde contemporain ; dans le camp d’en face, on compte des savants comme Jean-Pierre Vernant ou Paul Veyne, qui se plaisent à révéler l’étrangeté des mondes antiques. Mais cette opposition intellectuelle, au demeurant parfaitement amicale, se dissipait sur un point: tous étaient d’accord pour défendre l’extrême intérêt de l’étude des civilisations classiques, et aucun ne la jugeait dangereuse.

    La nouvelle guerre qui fait rage en Amérique est de tout autre nature. Il s’agit de spécialistes de l’Antiquité, ayant consacré leur vie à ces études, et qui pourtant les condamnent et aspirent à les voir brûler. Comme ce qui s’invente dans les universités aux États-Unis surgit souvent chez nous quelques temps plus tard, il n’est pas inintéressant de chercher les raisons d’une telle manie destructrice.

    Les motivations de ces chercheurs activistes ne sont pas toujours d’une parfaite clarté, mais on peut en identifier deux principales.

    1) Selon eux, l’étude du monde gréco-romain aurait servi les mauvaises causes: l’imitation de l’Antiquité aurait justifié, à travers les siècles, l’esclavage, la colonisation, le racisme, le fascisme, le nazisme, la «domination blanche», et même récemment les émeutes du Capitole.

    2) Plus profondément, les mondes grec et romain eux-mêmes n’auraient rien d’admirable, étant esclavagistes, misogynes et inégalitaires, et ne mériteraient pas plus d’attention, voire moins, que d’autres mondes anciens.

    Premier résultat: à force d’expliquer que notre monde n’avait aucun lien de filiation avec les Grecs et les Romains et que ces civilisations n’avaient aucun intérêt particulier, certains chercheurs se sont eux-mêmes plongés dans de véritables crises existentielles.

    Matt Simonton, professeur à l’université de l’Arizona, explique avec candeur s’être «beaucoup demandé récemment la justification de son propre travail comme historien de la Grèce antique.» Il rappelle avec le ton de l’évidence que ce n’est «pas pour révéler un lien supposément continu» entre la Grèce antique et «l’Occident moderne» (expression qu’il récuse). Il ajoute que ce n’est pas non plus pour «explorer la supériorité de certaines civilisations par rapport à d’autres».

    Bref, ce n’est ni parce que les Anciens seraient nos ancêtres, ni parce qu’ils seraient particulièrement brillants. Alors, pourquoi étudie-t-il l’histoire grecque? Réponse embarrassée: «je ne peux pas l’articuler en termes pragmatiques.» Certains spécialistes ont tenté, par bonne conscience, de briser les liens qui pourraient unir l’extrême-droite américaine avec l’Antiquité: ils ont par exemple cherché à montrer que les mondes anciens n’étaient pas des modèles de «domination blanche.»

    Tentative louable qui les a cependant poussés à des excès inverses, par exemple en s’efforçant de démontrer que la polychromie des statues antiques aurait constitué un symbole de non-blanchité dissimulé à dessein par les historiens de l’art modernes.

    D’autres, comme l’historienne britannique Mary Beard, ont insisté sur les qualités d’ouverture à l’autre du monde romain, afin de combattre leur récupération par les xénophobes contemporains. Bref, des classicistes ont pensé sauver leur matière, et le monde gréco-romain avec, en montrant que l’extrême droite avait tort d’y chercher un modèle de civilisation.

    Toutefois, l’objet des plus radicaux de ces chercheurs n’était pas de sauver l’Antiquité gréco-romaine, mais bien d’en faire la purge. Selon Dan-el Padilla Peralta, le but même de son engagement est de «briser à la hache» l’idée que notre civilisation serait l’héritière du monde gréco-romain.

    Son parcours personnel ressemble pourtant à un conte de fée méritocratique, tout à l’honneur des études classiques: un jeune élève, fils d’immigrés sans papiers, repéré par ses professeurs et propulsé dans le monde universitaire par son goût pour le latin, le grec et l’histoire ancienne. Ses premiers travaux portaient sur la classe sénatoriale romaine, un sujet on ne peut plus traditionnel. Mais un beau jour, explique-t-il, il s’est senti le besoin de «déconstruire le cadre de suprématie blanche dans lequel les lettres classiques et moi avions été enfermés. Je devais m’engager activement dans la décolonisation de mon esprit.»

    En pratique, et au-delà des slogans appelant à «tout brûler», en quoi consiste cette entreprise? D’abord, ses partisans préconisent d’abandonner le mot même de classics ainsi que les départements spécialisés qui y sont consacrés. À les en croire, il ne devrait plus y avoir que des départements d’histoire, de linguistique ou d’archéologie, sans prédominance particulière de la civilisation gréco-romaine. Car c’est là l’autre ambition: briser la suprématie des Grecs et des Romains, pour les remplacer par l’étude d’autres peuples soi-disant «invisibilisés»: Numides, Phéniciens, Carthaginois, Hittites…

    Par suite, ces chercheurs se refusent à exiger une bonne connaissance du grec et du latin chez leurs étudiants. Katherine Blouin, professeur associé d’histoire romaine à l’université de Toronto, a appelé à abandonner «l’orthodoxie selon laquelle tous les classicistes devraient avoir une maîtrise de niveau philologique de ces deux langues», jugeant qu’il y avait de la «violence» et de la «cruauté» à attendre des chercheurs en lettres classiques qu’ils connaissent bien le latin et le grec - au motif que la version latine constituerait un «héritage colonial».

    Imagine-t-on dispenser les chercheurs en mathématiques de maîtriser l’algèbre, sous prétexte qu’elle aurait aussi été enseignée dans les écoles coloniales? Mais peu importe, l’objectif est de marginaliser les langues classiques, éventuellement au profit d’autres langues des mondes antiques, et peu importe si aucune d’entre elles ne compte de littérature aussi riche et abondante que le grec et le latin.

    Enfin, le but ultime est de faire de cette discipline un lieu de contestation et d’expression pour les «communautés qui ont été dénigrées par elle dans le passé.» Par exemple, faire des textes anciens un champ de laboratoire pour la «théorie critique de la race» ou pour des «stratégies d’organisation militante».

    En réalité, cela signifie que l’ambition est principalement raciale: «quand les gens pensent aux classics, affirme Padilla, je veux qu’ils pensent à des gens de couleur.” Mais si cela ne fonctionne pas, prévient-il, il faudra supprimer purement et simplement la discipline. «Je me débarrasserais carrément des lettres classiques», affirme Walter Scheidel, autre historien de Stanford, «je ne pense pas qu’elles devraient exister comme champ académique.»

    Pour le moment, ces chercheurs militants ne sont pas parvenus à détruire les départements de classics des universités américaines. Mais ils sont devenus très influents dans le contenu des enseignements qui y sont dispensés et des recherches qui y sont menées.

    Le mois dernier, l’université de Wake Forest, en Caroline du Nord, a annoncé que tous les étudiants du département seront désormais contraints de suivre un cours appelé «les classiques au-delà de la blanchité», qui portera sur «les préjugés selon lesquels les Grecs et les Romains étaient blancs, la race dans les sociétés gréco-romaines, le rôle des classiques dans les politiques raciales modernes, et les approches non-blanches des lettres classiques.» Petit à petit, l’enseignement du grec, du latin et de l’histoire ancienne dans les universités américaines est donc rabaissé, minimalisé et détourné, au nom d’une pureté morale intransigeante.

    Impossible, pour l’observateur extérieur, de ne pas voir une part de délire dans cette attaque en règle contre les études classiques. Qu’on puisse vouloir bannir l’enseignement du grec et du latin sous prétexte que les fascistes ont affiché des références antiques - comme toutes les sociétés occidentales depuis le Moyen-Âge, dans tous les camps et à toutes les époques - est passablement absurde: à ce compte-là, il ne faudrait pas non plus célébrer Rousseau ni la Révolution française, qui ont fait des républiques antiques leurs sources explicites d’inspiration. On pourrait également bannir les études médiévales, dès lors que l’alt-right américaine se revendique des chevaliers croisés.

    Qu’on juge problématique l’étude de la philosophie antique parce que les textes d’Aristote ont un jour servi à justifier l’esclavage américain est tout aussi ridicule. Mais le véritable fondement de cette idéologie doit être pris au sérieux, car il est plus répandu et moins extravagant: c’est l’idée que la civilisation gréco-romaine ne serait qu’une époque historique parmi d’autres, ni plus ni moins significative pour nous que le Japon féodal ou l’Empire inca.

    Or, si l’étude de l’Antiquité classique est, en Occident, plus nécessaire que d’autres, c’est précisément parce que nos sociétés se sont construites, siècles après siècles, en référence à cette civilisation modèle: des rois médiévaux qui voulaient recréer l’Empire romain au néoclassicisme du XVIIIe siècle, en passant par la querelle des Anciens et des Modernes du Grand Siècle ou la prière sur l’Acropole d’Ernest Renan.

    Si les lettres classiques sont importantes, c’est parce que nos sociétés, nos littératures, nos vies politiques ont été construites en référence explicite aux civilisations grecque et romaine, restées omniprésentes dans nos imaginaires, contrairement à l’Assyrie antique ou à l’Egypte.

    Il faut donc espérer que nos propres universités résistent à l’influence américaine en la matière ; on a déjà vu qu’une représentation des Suppliantes d’Eschyle a été censurée à la Sorbonne au nom d’un antiracisme dévoyé, alors que son metteur en scène, Philippe Brunet, ne cherchait que la fidélité à la tradition théâtrale antique.

    Le latin, le grec et leurs littératures sont déjà suffisamment mal en point aujourd’hui, où l’on supprime des heures d’enseignement par mesure d’économie et où l’apprentissage sérieux des langues anciennes tend à être remplacé par de vagues activités pluridisciplinaires, pour ne pas, en plus, accabler l’héritage gréco-romain d’une condamnation morale infondée et franchement stupide.

    Raphaël Doan (Figaro Vox, 11 mars 2021)

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  • La revue de presse d'un esprit libre... (49)

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    La revue de presse de Pierre Bérard

    Au sommaire :

    • Dans son émission « Le Monde de la Philosophie » sur Radio CourtoisieRémi Soulié reçoit Alain de Benoist pour son dernier livre La puissance et la foi paru aux éditions Pierre-Guillaume de Roux. La conversation érudite se déroule autour du syntagme de théologie politique dont Alain de Benoist souligne la polysémie mais parvient à en dégager les contours avec précision :

     
    • La race et son obsession envahissante dans les rangs de l’extrême gauche et de certains islamistes est au sommaire de Cette année là, l’émission de la revue Éléments sur TV-Libertés :
     
    • Pour être totalement inclusif il convient que les hommes aient également leurs menstruations, du moins si l’on en croit un communiqué de l’Unef, syndicat étudiant qui fait là un grand pas dans la direction du « progressisme ». Une rubrique de Marie Chancel sur le site d’Éléments :
     
    • Rétablir l’autorité pour restaurer l’unité de la nation; c’est le pari que veut faire l’avocat Thibault de Montbrial, président de Centre de réflexion sur la sécurité intérieure et auteur de Osons l’autorité récemment paru aux éditions de L’Observatoire. Délinquance, radicalisation islamisme, ensauvagement, tous ces signes de délitement sont en expansion rapide et ne trouvent face à eux qu’une réponse pénale insuffisante dont nos gouvernants sont les premiers responsables (anarcho-tyrannie). Il est ici interviewé par Sputnik :
     
    • Julien Langella, l’un des fondateurs de Génération Identitaire et présentement porte parole d’Academia Christiana publie un livre-manifeste intitulé Refaire un peuple, pour un populisme radical aux éditions de La nouvelle Librairie. Un excellent ouvrage présenté ici sur le site de Breizh-info : 
     
    • Rudy Reichstadt et Tristan Mendès-France épinglé par l’OJIM pour leur « Complorama » mis en scène par Franceinfo sur la Russie, la Chine et l’Iran qui ourdiraient un vaste complot géopolitique et antisémite mondial:
     
    • La tyrannie des minorités. Michel Onfray était l’invité de l’émission de Laurent Ruquier samedi 6 mars pour la dénoncer. Mieux que de la dénoncer, il faut évidemment la combattre et pour ce faire voici les recettes suggérées par la fondation Polémia :
     
    • Jean-Paul Brighelli retrace dans un entretien sans concession le délitement accéléré de l’école de la maternelle à l’université et le place dans l’évolution de notre civilisation, qu’il dit à bout de souffle et dans la voie d’une décadence comparable à celle de la Rome antique. Excellente vidéo de Vincent Lapierre :
     
    • L’écrivain Pierre Jourde qui anime son blog sur le site de L’Obs se déchaîne à propos  des collaborateurs de l’islamo-gauchisme qui bien sûr n’existe pas, et leur envoie une bonne volée de bois verts, sans mâcher ses mots. Ici commenté par Pascal Tenno :
     
    • Cordicopolis, cité où le coeur a tous les droits à condition qu’il évolue exclusivement dans le camp du « bien ». Olivier Amiel sur le site de Causeur met en cause les Woke (les éveillés) en s’inspirant des réflexions du génial Philippe Muray. Il les désigne comme les principaux coupables de la mise sous tutelle de la jeunesse par les schémas de la cancel culture et les désignent  comme des maître subversif à l’instar de ceux qui embrigadait les jeunes générations dans 
    les Hitlerjugend ou les Komsomol.
     
    • Jean-Marc Jancovici face à Natacha Polony. Pourquoi les médias ne comprennent-ils rien aux questions d’énergie ? Une réflexion pleine de subtilité :
     
    • Jean-Marc Jancovici. Climat, quelle équation pour la chaine alimentaire? Brève intervention lors d’une conférence organisée par la Coopération agricole :
     
    • Les hommes sont trop nombreux sur terre. Didier Barthès, porte-parole de l’association Démographie responsable, tire la sonnette d’alarme. N’est-il pas trop tard pour agir ? Le mode de vie des populations les plus riches est-il un problème ? L’Afrique, souvent pointée du doigt, est elle une bombe à retardement ? En incitant à limiter la natalité, l’invité de « Politique & Eco » milite pour la stabilisation de la population, qui a déjà eu lieu en Europe. Une démarche qui pourra provoquer nombre de croyants et pourtant nécessaire si nous voulons avoir quelques chance de maintenir un planète durable :
     
    • Dans une excellente critique des films de Jean-Pierre Melville (notamment Le Cercle Rouge), Jean-Loup Bonnamy découvre avec talent la nostalgie de la France d’avant qui n’était ni moisie ni rance comme se plaisent à nous la conter des idéologues mal intentionnés mais respirait au contraire la joie de vivre :
     
    • Régis de Castelnau, avocat pénaliste, invité par Élise Blaise fait une bonne radiographie de la justice à l’époque du système Hollande-Macron: 
     
    • Une évolution qui séduit Rokaya Diallo. On attend avec impatience un acteur noir dans la peau d’Adolf Hitler :
     
    • Prenons exemple sur les Anciens qui célébraient sans honte la beauté des femmes et faisons du 8 mars la fête du beau sexe contre ceux qui entendent les dissimuler sous la bâche de leurs préjugés sexistes.
    Ci-joints les mosaïques de la Villa Romana del Casale, en Sicile (IV siècles ACN)
     
     
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  • Feu sur la désinformation... (322)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Nicolas Faure.

    Au sommaire :

    • 1 : L’image de la semaine
      C’était l’un des événements médiatiques les plus commentés des derniers jours, Meghan Markle et Harry étaient interrogés par la star américaine des médias Oprah Winfrey. Le couple a attaqué la famille royale créant l’émoi.
    • 2 : Féminisme : propagande médiatique et occultations
      Le 8 mars avait lieu la journée des droits des femmes. Les médias ont évidemment fêté cette date… tout en omettant plusieurs éléments troublants sur cette journée...
    • 3 :  Revue de presse
    • 4 : Sciences Po Grenoble : l’islamo-gauchisme en action
      Sciences Po Grenoble est secouée par une grosse polémique. Les noms de deux professeurs de l’établissement accusés d’islamophobie ont été placardés sur les murs de l’école. Les réactions médiatiques ont été timides… sauf sur CNews.

     

                                                  

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