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  • Notre histoire de France...

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    Le numéro de décembre 2011 de la revue Le spectacle du monde est en kiosque. 

    Le dossier est consacré à l'histoire de France. On pourra y lire , notamment, des articles d'Alain de Benoist ("Pourquoi l'histoire ?"), de Jean-Marie Le Pen ("Jeanne d'Arc"), de François Bayrou ("Henri IV"), de Jacques Vergès ("Abd el-Kader"), de Ghislain de Diesbach ("Ferdinand de Lesseps"), de Marie-France Garaud ("L'élection du président de la République au suffrage universel") ou de Dominique Venner ("L'insolence des anarchistes de droite"), ainsi qu'un entretien avec Pierre Nora ("Va-t-on transformer la France en musée de la France ?").

    Hors dossier, on pourra aussi lire des articles d'Alexandre Grandazzi ("Europe, la Hanse, préfiguration de l'Union ?"), de Philippe Barthelet ("Le «noble jeu» d'André Malraux") ou de Jean-François Gauthier ("Franz Liszt, un bouquet d'Europe"). Et on retrouvera aussi  les chroniques de Patrice de Plunkett et d'Eric Zemmour ("Le parti des tricheurs").

     

     

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  • "Les classes moyennes en voie de prolétarisation..."

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Louis Chauvel, paru en octobre dans Marianne et consacré à la prolétarisation accélérée des classes moyennes. Sociologue, Louis Chauvel a publié en 2006, aux éditions du Seuil, un essai intitulé Les classes moyennes à la dérive. 

     

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    Marianne : Vous avez montré dans « Les classes moyennes à la dérive » la rupture générationnelle à l'œuvre dans la société française. 1983, 1995, 2005...quid de celle d'après.. Mais cette dynamique laisse t elle invariant le concept de classe moyenne? Ne voit on pas apparaitre à présent un nouveau modèle de société? Une nouvelle classe populaire? Une fragmentation définitive de cette ensemble déjà hétéroclite?

    Louis Chauvel : Du point de vue des classes moyennes, le mandat présidentiel qui s'achève a été catastrophique. Mais en réalité, le Président Sarkozy n'y est pas pour grand chose puisque, ici (aux Etats-Unis où je réside cette année), Monsieur Obama n'a pas su mieux faire. Nous sommes aujourd'hui dans une crise d'une profondeur que seuls les Cassandre avaient vu venir. Mais il est vrai que même les plus pessimistes sont en dessous des hypothèses de travail.

    Que se passe-t-il en réalité ?

    L'Europe continentale rencontre une nouvelle crise tous les dix ans en moyenne (1973, 1983, 1992, 2001, 2008, ...). En période de crise, face au ralentissement et au chômage, on ponctionne dans l'épargne ou on s'endette, et on reconstitue le matelas dans les périodes un peu meilleures. Le problème est que le rythme des crises cycliques s'accélère singulièrement, et que le matelas amortisseur n'a pas eu le temps de se remplir de nouveau. Pour les classes moyennes, c'est la confrontation à la théorie du sucre au fond d'une tasse de café : on croit que la délitescence est celle des niveaux inférieurs, mais c'est l'ensemble de l'édifice social qui sera touché. Les problèmes sociaux en 1975 étaient ceux du quart monde ; en 1981 des jeunes chômeurs ; en 1990 de la nouvelle pauvreté puis celle de la fracture définitive entre les classes populaires et les classes moyennes ; maintenant, c'est au tour des classes moyennes de considérer le précipice. Le secteur public conserve la sécurité de l'emploi, mais la pénurie de postes, l'accroissement des contrôles et des cadences, la dégradation générale des conditions de travail a profondément changé le rapport au métier.

    Dans le privé, la détérioration des perspectives de croissance du pouvoir d'achat et le risque accru de chômage sont des facteurs qui poussent beaucoup vers un de profond désengagement. Pourquoi se battre pour une entreprise qui fait semblant de vous payer et qui vous enverra par dessus bord au premier signe de tangage, quel qu'ait été votre engagement jusque là ? Surtout, pour une masse de salariés, même de bon niveau de vie, constater que les prix de l'immobilier dans le centre des grandes villes et à fortiori à Paris ne fléchit pas, bien au contraire, produit la preuve que ce n'est plus par le salaire que l'on peut vivre. Le risque est bien de voir apparaître une forme de prolétarisation d'une classe moyenne, une prolétarisation du point de vue du logement et des perspectives de vie. 

    La crise, la dette....et éventuellement le coût de la dépendance qui apparait avec l'allongement de la vie, ne sont elles pas en elles mêmes des promesses à d'avantage d'efforts pour les salariés, du smicard aux cadres aisés? 

    Pour ce qui est des perspectives d'avenir, il est certain qu'au versant « dépenses » les besoins exploseront. La machine économique fonctionne (de plus en plus mal) avec de moins en moins de personnel (dans les pays anciennement développés), d'où la nécessité de subventionner un loisir de plus en plus long : préretraite, retraites, dépendance, etc. sans compter les longues périodes de chômage à l'entrée dans la vie, qui ne sont pas sans coût, comme le savent bien les parents concernés.
    Dans un pays où le socialisme s'est construit depuis quarante ans dans son éloignement vis-à-vis du travail, la population en emploi continuera de connaître l'écart béant entre le coût du travail (le coût tout inclus, avant charges, celui que regarde l'employeur) et le niveau de vie (après charge, ce que le banquier regarde avant de consentir un prêt).
    En même temps, même si aujourd'hui encore, un certain nombre de services ne coûtent en apparence rien (école, santé, etc.), l'exemple américain que j'étudie de près actuellement montre bien les marges de progression des coûts des mutuelles et de bien d'autres postes qui pourraient bien nous attendre. La santé aujourd'hui ne coûte rien car le généraliste accepte encore les 20 minutes à 23 euros. Ce sont des humanistes, car dans mon quartier à New York, on atteint plutôt les 300 dollars, et dans les autres aussi. Même chose pour les écoles : la dégradation du secteur public porte en germe une dérive dont je vois bien ici ce qu'elle porte à l'horizon de moins de 20 ans : il faut payer entre 20 et 30.000 dollars par an pour donner un avenir à ses enfants. Ainsi, les classes moyennes salariées pourraient bien connaître un sort assez intéressant : (mal) payées comme en France et devant faire face aux mêmes structures de coût qu'aux Etats-Unis.

     


     

    Vers une nouvelle classe populaire?
    Vers une nouvelle classe populaire?
     

    Quels sont les enjeux en terme de detention d'actifs, tant matériels que culturels? 
     

    L. C. : Nous n'avons pas vu la fin de l'histoire. Les créanciers sont rarement remboursés, sinon en monnaie de singe : que l'inflation passe ou que l'euro casse, il n'est pas nécessaire d'avoir une boule de cristal pour imaginer le devenir des emprunts russes de la génération présente. Pour ce qui est des assignats universitaires diffusés par la massification, nous savons aussi ce qu'ils deviennent, en Italie, en France, et même maintenant aux Etats-Unis et en Chine.

    Aux Etats-Unis, on détecte maintenant l'émergence d'une « Generation Limbo » (qui se prononce comme « bimbo »), une « génération des limbes », des « graduates », de « colleges », même de la « Ivy league » qui ne trouvent pas d'autres « jobs » que ceux de « bar managers » ou de « MacDo specialists »... Les vieux pays occidentaux connaissent bien ce phénomène, mais on le retrouve également au Japon avec les « Parasaito Shinguru » (célibataires parasites vivant au crochet des parents), voire en Chine avec les « ant tribes », la « tribu des fourmis », en stages à répétition pour des niveaux de revenus ne permettant pas de vivre dans la Chine urbaine d'aujourd'hui. Les mieux protégés parmi les titulaires de titres de propriété ou de titres scolaires les plus prisés font face aujourd'hui à des soucis qu'ils ne connaissaient pas voilà encore quatre ans. 
     

    Vous avez longuement évoqué la question du prix des actifs, et notamment celui des logements. Selon vos calculs, sur les 20 dernières années le pouvoir d'achat des salariés a été amputé de 15% si l'on tient compte de la dérive du prix de la pierre....
     

    Par rapport au renchérissement de l'immobilier, les moins de quarante ans ont perdu près de 25% de leur pouvoir d'achat: en 1981, on se logeait mieux en ne consacrant que 15% de son budget annuel qu'aujourd'hui en y laissant 30%. Depuis 2008, les prix de l'immobilier ont continué à grimper à Paris et au centre des grandes villes de région. Cela s'inversera tôt ou tard, comme le mouvement est déjà très largement amorcé en Espagne. Mais les jeunes Espagnols en ont-ils bénéficié ? Non, car la situation de l'emploi s'est dégradée plus encore. Le pire est réservé à ceux qui ont emprunté dans le haut de la bulle spéculative et doivent rembourser des années un bien qui peut avoir perdu près de la moitié de sa valeur. 
     

    Comment les partis, les syndicats, dont la pyramide des âges de leurs adhérents, donc un biais prenant plus largement en compte les intérêts des classes d'âges proches de la retraite, peuvent-ils trouver des solutions équilibrées?
     

    La masse des élites politiques et syndicales en France est en bout de course générationnelle. Comparée à l'assemblée danoise nouvellement élue, la France fait figure de pays d'un autre monde. L'essentiel du personnel politique français avait 20 ans en 1968 et est resté jeune toute sa vie. Beaucoup de députés, jeunes sexagénaires, pourront se présenter de nouveau en 2012, notamment parce qu'il n'existe pas de relève et que c'est un métier dur mais stimulant qui offre quelques compensations. En réalité, le renouvellement est certain et fracassant à l'horizon de 2017, mais il est totalement douteux dans la perspective de 2012. En attendant, les enjeux d'aujourd'hui continueront d'être toisés à l'aune de ce qui était bien ou mal dans les AG de 1968. 
     

    Idéalisée comme socle de la démocratie, la classe moyenne doit elle être reconstruite? Est ce un objectif politique nécessaire?
     

    Que faire ? disait Lénine. Si l'on souhaite vraiment éviter les remèdes de cheval néo-libéral dont le FMI a déjà fait l'expérimentation dans de nombreux pays avant le nôtre (mais en même temps on fait tout pour s'y précipiter au plus vite), il faut réinvestir dans l'avenir, dans la science, le travail, les industries que nous pourrons vraiment maîtriser dans 30 ans. Nous vivons encore aujourd'hui sur les rentes du TGV, du téléphone, de l'aérospatiale, des investissements réalisés à la fin des Trente glorieuses. Sans ce retour à la centralité du travail qualifié dans la construction de l'avenir et du progrès, nous laisseront à d'autre le soin d'inventer le 21e siècle.

    Louis Chauvel, propos recueillis par Emmanuel Lévy (Marianne, 15 octobre 2011) 

     
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  • Mensonges historiques...

    Les éditions Dualpha viennent de publier Mensonges historiques, un essai de Jean Bourdier consacré aux falsifications de l'histoire. Ecrivain, journaliste politique, traducteur réputé et fin connaisseur de la littérature policière, Jean Bourdier est décédé en 2010. Il a notamment écrit une histoire du roman policier ainsi qu'une histoire des Armées blanche (avec Marina Grey, la fille du général Denikine...).

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    L'Histoire est la mémoire des peuples.
    Et un peuple qui oublie son Histoire perd son identité et donc sa liberté. Un peuple amnésique est un peuple esclave. Mais cette amnésie, totale ou partielle, est bien rarement volontaire. Elle est généralement le fruit de l'inlassable travail d'hommes et de groupes pour qui le secret et le mensonge ont, de toute éternité, représenté des moyens de gouvernement, des instruments de pouvoir. Or, dans la panoplie des tromperies, le mensonge par omission n'est certes pas l'arme la moins redoutable.
    Et c'est celle qui, on va le voir, est la plus fréquemment maniée par les déformateurs de l'Histoire. S'appuyant sur des exemples précis empruntés aux périodes les plus diverses de l'Histoire mondiale - encore que l'époque contemporaine ait souvent retenu notre attention - le texte qui va suivre n'a, bien entendu, aucunement la prétention de constituer une "somme" Al n'entend qu'attirer, faits en main, l'attention du lecteur sur les monstrueuses déformations infligées à l'Histoire.
    De tout temps, mais plus encore en notre orgueilleuse époque, où comme on a pu le voir assez récemment avec les événements de Roumanie et le conflit du Golfe, les techniques les plus modernes d'information se sont plus volontiers mises au service de la duperie générale qu'à celui de la vérité.

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  • Mon prénom est personne...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à la vogue des prénoms sans racine...

     

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    Mon prénom est personne

    Une famille nordiste voulant prénommer Daemon leur fils nouveau-né, s'est vue assignée à comparaître devant le tribunal de Cambrai, qui juge cette initiative non conforme à l'intérêt de l'enfant, en vertu de l'article 157 du code civil. Porter un tel prénom, qui rappelle plus le Malin que le facétieux génie socratique, risque fort, en effet, de livrer ce pauvre môme à la risée de ses petits camarades. Les parents avancent qu'il est porté par de nombreux Américains, et qu'il apparaît dans la distribution d'un feuilleton télévisuel.

    Mais il est vrai que le ridicule, dans ce domaine, n'a plus de limites. Non seulement des abrutis lobotomisés, américanisés, exhibent leur aliénation comme un trophée, mais même le clergé y va de sa partition, que l'on connaît bien, sur l'air gentillet que l'on emprunte maintenant pour tout excuser ou justifier. Ainsi, ces sectateurs de la boîte à décerveler, paradoxalement, ont-ils eu l'idée de faire baptiser leur diablotin. Que croyez-vous qu'il arriva ? Un exorcisme ? Non, le prêtre, bien représentatif d'une l'Eglise abandonnée à la modernité la plus stupide, n'y a vu aucun inconvénient, "tous les enfants étant fils de Dieu".

    Certains parents inventent des prénoms, qui sonnent comme des pseudonymes showbiz, ou carrément comme des marques ou des noms de médicaments, dotés qu'ils sont de sonorités rares, de ce snobisme qui aime les syllabes en xy, en a, les hiatus inouïs, les combinaisons improbables, les articulations qui accrochent comme des slogans. Ou bien, on traficote des prénoms déjà existants, les amputant, les tordant, les mettant à la question. Chacun aura un exemple proche à fournir, une invention grotesque pour nourrir le rire moqueur ou le rictus de mépris. C'est le produit infect de notre société narcissique, égocentrique et consumériste, en même temps qu'un aveu de déracinement. La règle est le caprice. On crée son nom comme on adopte un chien, comme on achète un produit, ou plutôt comme on mène désormais sa vie, à la manière de l'enfant qui mélange tout, salé, sucré, visqueux et caca, pipi et rêvasserie.

    Dans la Tradition la plus antique, le nom que l'on portait indiquait la lignée à laquelle on appartenait, par exemple la gens Julia, désignait un sens religieux, ou bien une signification existentielle. Hélène vient de Sélèné, qui est la déesse de la Lune. Sophie renvoie à la Sagesse. Théophile est celui qui aime Dieu. Toutes les religions proposent des prénoms qui, si on les prend au sérieux, sont susceptibles d'induire un comportement, voire un destin. Même ceux qui n'ont pas de signifié intrinsèque, peuvent évoquer des personnages. Pierre, Jean, Jacques, sont des noms qui appartenaient à des apôtres. Combien de Sud Américains ont-ils appelé leur fils Napoléon, ou Lénine ? L'octroi ou le don d'un nom n'était pas à prendre à la légère.

    Dans les romans de Chrétien de Troyes, par exemple, le chevalier ne le livre pas spontanément. Il y réside une charge secrète, un pouvoir qui rend fort, si l'on sait l'utiliser de manière adéquate, en le révélant à un ami, ou qui rend faible, quand on le donne inconsidérément à un ennemi. Dans le même temps, le nom participe à la construction de la personne : Perceval ne connaît le sien que par une demoiselle, et en même temps comprend-il la réalité des choses, et son propre être, sa propre autonomie. Lorsque Ulysse répond à Polyphème, qui signifie en grec ancien « qui parle beaucoup, bavard » ou « très renommé », que son nom est « Personne », il nous conduit, par anticipation, à une analyse très perspicace de notre société : elle est ce géant, ce cyclope, qui devient vite aveugle, qui s'enivre et se laisse berner, brutal, barbare, stupide, croyant toute parole mensongère tout en en abreuvant autrui, vivant dans l'illusion de la grotte, et ayant perdu le sens véritable du langage. Aussi, en traquant « Personne », ne rencontre-t-il que le vide. Littéralement, le nom de cette société est bien un agglomérat de sons creux, un assemblage insane d'anonymats : elle vit dans la fausseté des opinions vulgaires, dans l'oubli de l'origine, dans l'obscurité des passions viles, et dans une erreur douloureuse, qui, finalement, la conduit à la catastrophe.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 3 décembre 2011)

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  • La technique et la chair...

    Les éditions Parangon viennent de publier La technique et la chair - Essai de philosophie de la technique, un essai de Daniel Cérézuelle. Philosophe, influencé par Jacques Ellul, Daniel Cérézuelle a consacré un essai au penseur de l'écologie Bernard Charbonneau, intitulé Ecologie et liberté (Parangon, 2006).

     

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    "On ne peut comprendre la dynamique technicienne caractéristique de notre civilisation sans tenir compte d’un esprit du technicisme qui n’a rien à voir avec la raison utilitaire. C’est pourquoi le champ de l’imaginaire technique est d’une importance politique cruciale. Le rythme d’expansion de notre système technique s’avère de plus en plus insoutenable. De nombreux signaux suggèrent qu’il bute déjà sur des limites et que si l’on veut éviter le chaos écologique et social il faudra procéder à des révisions déchirantes ; une remise en cause profonde de notre mode de vie techniciste et consumériste semble inévitable. Une telle politique devra affronter un obstacle redoutable : les croyances et l’imaginaire collectif. Mobilisant la notion de chair comme fil conducteur, les essais réunis dans ce volume proposent une exploration de cet imaginaire techniciste. Le rapport de l’homme moderne aux techniques est nécessairement médiatisé par un imaginaire qui s’organise en mythes sensibles tout autant qu’en idées abstraites. C’est également parce que l’homme est un être de chair que le déploiement rapide de la puissance technicienne peut avoir des effets désorganisateurs, voire déshumanisants, individuellement et collectivement. Mais évoquer l’idée d’un renoncement à certaines formes de puissance, c’est suggérer à « l’homme-dela- société-du-développement » de s’arracher la peau ; il ne sait répondre que par un appel à plus de technique. C’est pourtant parce que l’homme est un être de chair qu’il est vital d’imposer un rythme plus lent au changement technique : tâche difficile à laquelle nous sommes bien mal préparés et dont une des premières conditions est de procéder à une démythologisation de notre imaginaire technique."

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  • La gouvernance contre la démocratie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la menace que fait peser la gouvernance sur la souveraineté du peuple.

     

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    La gouvernance contre la démocratie

    L’ordre politique européen s’est forgé au cours de l’histoire autour de différents principes que l’on nomme aujourd’hui « démocratie » pour faire court, mais qui sont en réalité beaucoup plus anciens :

    • - le respect de la souveraineté des Etats et aussi de la personne des gouvernants, même en cas de guerre ;
    • - le consentement des citoyens à la guerre ;
    • - la définition d’un ordre judiciaire propre, découlant des législations adoptées par les citoyens et fondé progressivement sur l’égalité juridique des citoyens ;
    • - le consentement aux dépenses de l’exécutif, et par conséquent à l’impôt qui les finance, par ceux qui y sont soumis.

    Ces principes sont aujourd’hui – et de plus en plus – bafoués au sein de la prétendue Union européenne (UE). En d’autres termes, nous ne vivons plus en démocratie telle que la concevaient les Européens jusqu’alors.

    Aux ordres de l’OTAN

    Le consentement à la guerre n’existe plus aujourd’hui. C’est l’OTAN et donc en réalité les Etats-Unis qui décident à notre place. Les Européens ne font que suivre.

    La Constitution de 1958 prévoyait que la déclaration de guerre devait être autorisée par le Parlement au-delà d’un certain délai. Cette disposition répondait, bien sûr, au souci de la mise en œuvre immédiate de la dissuasion nucléaire, qui s’accommodait mal d’un débat parlementaire. Mais l’exception est devenue la règle.

    Les multiples aventures militaires dans lesquelles nous avons été impliqués depuis le dernier quart du XXe siècle, que ce soit dans les Balkans ou pour « protéger le peuple libyen », ont été imposées par les exécutifs et, en outre, sans déclaration de guerre en bonne et due forme. « L’UE c’est la paix » mais on fait quand même la guerre aux autres sans le reconnaître.

    Le fait que les forces armées soient de plus en plus, en Europe, constituées de soldats de métier ne change rien à la chose : les nations sont mises devant le fait accompli. D’ailleurs l’exemple de la Belgique est caricatural : alors que ce pays n’avait plus de gouvernement, il s’est trouvé engagé dans une « coalition » pour aller guerroyer en Afghanistan ou ailleurs. La guerre est l’ « ultima ratio regum », comme il était écrit sur l’artillerie de Louis XIV, c'est-à-dire le « dernier argument des rois », l’expression suprême de la souveraineté. Le fait qu’un pays sans gouvernement parte en guerre démontre que son peuple a en réalité perdu toute souveraineté et qu’il ne joue plus que le rôle de valet d’armes au service des puissants.

    Il n’y a plus de souveraineté des Etats ni de statut spécial de leurs dirigeants

    Aujourd’hui les soldats européens sont de plus en plus requis pour imposer par la force des changements politiques à des Etats souverains, sous des motifs les plus divers mais en général présentés comme « humanitaires », que ce soit sous l’égide de l’OTAN ou de « coalitions » de rencontre. Il s’agit d’imposer aux Serbes la partition du Kossovo, de faire partir Saddam Hussein ou Kadhafi, voire demain d’imposer à la Syrie ou à l’Iran de changer de gouvernement.

    Le principe « d’ingérence humanitaire » et le « devoir de protéger », forgés pour la circonstance, servent de justification médiatico-politique à ces aventures. Mais ces dernières violent en réalité un principe jusque-là essentiel : celui de la non-ingérence dans les affaires des Etats, justement, principe dont la France s’était pourtant faite le champion au XXe siècle. Or l’ingérence tue la démocratie, au lieu de la promouvoir comme voudrait nous le faire croire l’oligarchie. Elle introduit la violence dans la politique. Cette utilisation de la force contre des Etats souverains qui ne nous menacent point aboutit à banaliser l’idée que l’on n’a plus à respecter la souveraineté d’autrui. Or la souveraineté n’est que l’acception politique du mot liberté, pourtant aujourd’hui si galvaudé.

    Comme le montre aussi le livre d’Etienne Dubuis L’Assassinat des dirigeants étrangers par les Etats-Unis (Favre, 2011), ces opérations militaires camouflées n’hésitent plus à frapper directement les dirigeants et leurs familles. En rupture, là aussi, avec une tradition européenne séculaire.

    Elles créent un fâcheux précédent, enfin. Car qui nous dit que demain on ne mobilisera pas la force pour chasser du pouvoir un gouvernement européen qui déplairait aux autres ? Ou qui provoquerait une prétendue « urgence humanitaire » en voulant, par exemple, rétablir l’ordre des banlieues en proie aux violences ethniques ?

    La mise en tutelle des législateurs

    L’ordre juridique n’est plus défini par les législateurs mais par les juges. C’est ce que l’on nomme en novlangue « l’état de droit » ; traduisez par : souveraineté des juges et plus précisément de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH).

    Au nom de cet « état de droit », les lois votées par les parlements ne sont valides que si elles sont conformes à l’idéologie dont la CEDH se veut le farouche gardien en dernier ressort ; en particulier si elles se conforment à l’idéologie des droits de l’homme et au fameux principe de « non discrimination ». Les législations doivent aussi passer le premier filtre du contrôle de constitutionnalité (le Conseil constitutionnel en France) qui remplit au niveau des Etats la même fonction. Une pyramide d’engagements internationaux achève de boucler le dispositif. Cela signifie, en fin de compte, que des juges inamovibles se font juges des lois votées par les parlements qui, eux, sont élus.

    De fait les parlements ont vu leurs attributions législatives se réduire de plus en plus : pour l’essentiel ils se bornent à traduire en droit national (on dit « transposer ») des directives élaborées ailleurs, par les fonctionnaires de l’Union européenne. L’initiative des lois est, en outre, désormais avant tout dans les mains des exécutifs. En clair : ce ne sont plus les « représentants du peuple » qui font les lois mais l’oligarchie de ceux qui ne sont pas élus par le peuple. L’absence de referendum d’initiative populaire renforce évidemment cette évolution oligarchique du système politique.

    La destruction de la citoyenneté

    Cette prise du pouvoir par les juges s’est traduite non par un progrès, comme voudrait nous le faire croire la propagande de l’oligarchie, mais par une profonde régression politique : elle signe en effet la destruction de la conception européenne de la citoyenneté.

    La citoyenneté reposait, en effet, sur une logique de préférence, principalement nationale et donc territoriale. La mise en œuvre du principe de « non-discrimination », sur lequel se fonde la jurisprudence des juges « européens », détruit cette logique. En fait, il détruit tout ordre politique et c’est d’ailleurs bien sa fonction dernière puisque l’UE veut détruire les Etats et les nations. Ce principe n’est en effet que le reflet, dans l’ordre juridique, de la théorie du laisser faire laisser passer économique : il sert à détruire les protections culturelles et politiques créées par les sociétés humaines.

    Selon le principe de non-discrimination, les étrangers sont appelés à avoir en tout les mêmes droits que les nationaux, que les autochtones. « Les étrangers sont chez nous, chez eux » disait François Mitterrand. Il n’y a donc plus de limite à l’espace politique et la citoyenneté se trouve dévalorisée. Les débats récurrents sur le droit de vote des étrangers s’inscrivent dans cette logique perverse : le droit de suffrage, qui est pourtant un droit politique essentiel puisqu’il détermine soit le choix des représentants, soit, en cas de référendum, une décision directe, est ainsi en passe d’être galvaudé. N’importe qui, dès lors qu’il est présent sur un territoire, devrait avoir les mêmes droits politiques que les citoyens qui y résident d’une façon permanente. En outre les gouvernements, par crainte de « discriminer » et d’être sanctionnés par les juges, en viennent à se préoccuper prioritairement des « minorités » et à délaisser la majorité de la population.

    Le vieux principe européen qui voulait que la politique soit déterminée par l’accord de la majorité, qui remonte au moins aux cités grecques, est aujourd’hui foulé aux pieds. Les majorités ne sont plus seulement « silencieuses » : elles sont muselées.

    La fin de la démocratie financière

    L’Union européenne, et tout particulièrement la zone euro, s’est construite par la destruction de la souveraineté monétaire et douanière des Etats et sur l’encadrement de leur souveraineté budgétaire. Le principe du consentement à l’impôt par les citoyens était donc déjà un peu encadré par les exigences du pacte de stabilité et de la mise en place de l’euro.

    Mais la crise des dettes souveraines nous fait franchir une nouvelle étape, celle de la mise en place progressive d’une « gouvernance financière » : en clair, de la mise en place d’une tutelle des Etats par les marchés.

    L’exemple de la Grèce est éclairant. Les ministres des Finances de la zone euro lui ont non seulement imposé des plans de rigueur à répétition, impliquant notamment une hausse des impôts sans demander leur avis aux citoyens grecs, mais, en outre, quand le premier ministre a envisagé de soumettre ces mesures à référendum, on l’a menacé de suspendre l’aide à la Grèce. Enfin la Commission européenne, la BCE et le FMI ont exigé, le 7 novembre, pour verser la 6e tranche de l’aide, que les partis qui soutiennent le gouvernement prennent l’engagement par écrit de respecter les mesures réclamées par les bailleurs européens et le FMI.

    C’est la première fois que l’on prend ainsi en otage les partis d’un pays : en clair, en Grèce, la politique des partis de gouvernement n’est plus définie par leurs adhérents ni leurs dirigeants mais par les banques et les marchés.

    Par ailleurs, lorsqu’a été évoquée l’éventualité d’une sortie de la Grèce de la zone euro, la Commission européenne a tenu à rappeler que cette éventualité n’était nullement prévue par les traités : l’euro serait donc un choix irréversible ? C’est une contradiction dans les termes…

    Les changements de gouvernement dans la zone euro, que ce soit en Grèce, en Italie ou en Espagne doivent maintenant complaire plus aux financiers internationaux qui constituent les fameux « marchés » qu’aux électeurs.

    Mais ce n’est évidemment pas fini. La Commission européenne vient de proposer un renforcement de son rôle et un contrôle plus strict des budgets nationaux, avec la possibilité de recommander des amendements en cours d’exécution, car il convient, a souligné M. Barroso, de « rendre les parlements nationaux plus conscients des règles européennes »… sic ! (le Bulletin quotidien du 17 novembre 2011). Traduisez par : plus obéissants !

    Le président de l’Union européenne, H. Van Rompuy, a pour sa part été plus loin le 16 novembre en proposant de retirer le droit de vote aux pays jugés « laxistes » en matière de finances publiques. Sa position a sa logique, tant il est vrai que celui qui perd la maîtrise de ses finances perd sa souveraineté tout court ! Mais cela confirme que le législateur budgétaire est appelé à devenir un législateur croupion au sein de l’UE, avant tout soumis à la Commission et au diktat des marchés, et, d’une façon beaucoup plus épisodique, aux électeurs.

    La gouvernance contre les peuples

    Il est manifeste que l’oligarchie entend profiter de la crise des dettes souveraines – qu’elle a pourtant provoquée et qui constitue de ce fait un échec manifeste de sa part – pour renforcer sa domination sur les peuples européens.

    Dans le paradis de l’UE, les frontières sont des passoires, les délinquants sont multirécidivistes, on a instauré la préférence immigrée, on fait la guerre chez les autres et le chômage progresse. Car les marchés exercent la véritable souveraineté et mettent les peuples en sujétion.

    On aurait donc pu s’attendre à un peu de modestie de la part de ceux qui sont responsables du naufrage. Mais c’est mal les connaître !

    Pour l’oligarchie, les peuples européens, qui sont perçus non comme des compatriotes mais comme une simple ressource au service des marchés, doivent désormais filer budgétairement et économiquement droit, comme ils doivent obéir au politiquement correct et comme ils ne doivent voter que pour les seuls candidats intronisés par le système. Tout se tient.

    C’est d’ailleurs pourquoi tout s’effondrera en même temps : l’économie financière, le politiquement correct et le pouvoir de l’oligarchie !

    Michel Geoffroy (Polémia, 30 novembre 2011)

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