Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 6

  • Porteurs d'âmes

    Porteurs d'âmes, le roman de Pierre Bordage, publié initialement en 2007, est récemment ressorti dans la collection Livre de poche. Nous publions ici la recension qu'en avait fait Arnaud Bordes dans la revue Eléments.

    Bordage.jpg
    Quand les âmes migreront... jusqu'à l'«hyper-classe» 

    Explorant avec une égale réussite les domaines variés de la science-fiction façon space opera (Les guerriers du silence), du merveilleux (Les fables de l'Humpur), de la politique-fiction avec la trilogie des Prophéties, ou encore le roman historique à connotations magistes et conspirationnistes avec L'enjomineur, Pierre Bordage se signale par l'ampleur de son imaginaire, à la fois humaniste, violent, sordide et sexuel, par l'envoûtement du suspense et des exigences de style, et d'écriture, qui souvent font cruellement défaut à la littérature dite de genre.

    Avec Porteurs d'âmes, il s'inscrit dans la veine du thriller un rien anticipatif, celui, semble-t-il, d'un très proche avenir, évoqué et à peine suggéré par touches fines et subtiles impressions, dont la noirceur n'est pas sans rappeler peut-être les sombres prospectives faîtes par des auteurs tels que Jérôme Leroy ou J.G. Ballard, où la décomposition sociale va s'accroissant, où le cynisme est loi, où le fantasme sécuritaire, dressant murs et interdictions, contient clandestins et invasions, et sépare inclus et exclus, démunis et nantis. Une machine a été inventée: elle permet la translation des âmes .

    Et cette migration des âmes, si elle a quelques liens avec l'hypothèse fameuse de la near death expérience (expérience de la mort prochaine), n'est pas pour autant un désir de transcendance ou de spiritualité, ou une foi en l'au-delà, et moins encore une tentative de réguler le délitement du lien social en proposant un autre mode de connaissance d'autrui. Implacablement, elle sert et favorise la domination d'une société secrète, Les Titans.

    Celle-ci, qui réunit gens du pouvoir politique, médiatique et économique, n'est jamais que la métaphore, filée à l'extrême, des think-tanks et autres clubs de cette hyper-classe qui, émergeant en ce monde ultra-libéral, apprécient certes la démocratie, mais sans le peuple.

    À quoi s'ajoute, sur le mode des récits croisés (comme presque toujours chez Bordage), l'enquête policière d'un inspecteur fatigué, dépressif, bien sûr divorcé, «fajardien » pourrait-on dire, qui exhumera un charnier sur les bords de la Marne (on appréciera l'esthétique de la décomposition en milieu fluvial; avec pluie, boue, vent, rives désertes, cadavres gonflés et mous...), puis découvrira la piste d'une bande de tueurs pratiquant avec une méthodique délectation la torture et l'exécution. Des bourreaux qui participent d'une moderne barbouzerie, et illustreront plus en avant dans le récit la notion d'alliés objectifs: c'est-à-dire du principe selon lequel, pour se maintenir et se justifier, et cela lui fût-il apparemment contraire, le Système doit toujours veiller à maintenir la présence d'une certaine qualité de désordre et de chaos.

    On notera enfin, et là réside peut-être le sens véritable du titre et des migrations d'âmes, l'histoire d'amour sans mièvrerie ni lourdeur qui se dessine tout au long du récit.

    Arnaud Bordes (revue Eléments, n°125, été 2007)

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Un nouveau siècle de feu et de sang...

    Nous publions ici une recension, parue dans la revue Eléments sous la plume d'Alain de Benoist, du livre de Colin S. Gray, La guerre au XXIe siècle - un nouveau siècle de feu et de sang, publié aux éditions Economica.

    Colin S. Gray.jpg
     

    « Il ne s'agit pas de proclamer qu'on aime la paix, disait Montherlant. Il s'agit d'être assez fort pour imposer la paix à ceux qui veulent la guerre». Grand spécialiste des questions stratégiques, l'Anglo-Américain Colin S. Gray appartient à l'école « réaliste», qui croit que la guerre est consubstantielle à la nature humaine et qu'en dépit du changement constant de la plupart des contextes conflictuels l'essentiel dans la guerre et dans la façon de la mener ne varie pas du tout. C'est ce qu'il démontre dans cette étude prospective, véritable panorama des nouvelles frontières ouvertes par l'expansion de la géographie du combat, notamment dans ses dimensions désormais extra-atmosphériques (guerre dans l'espace, guerre dans le cyberespace). Conscient que la guerre irrégulière entre États et adversaires non étatiques a de bonnes chances de constituer la forme dominante de la belligérance dans les années à venir, il n'en estime pas moins que la guerre entre États et entre grandes puissances est toujours bien vivante. Distinguant entre la nature immuable de la guerre et son caractère fortement variable, il se sépare de nombre de ses confrères (notamment le major général J.F.C. Fuller) en affirmant, d'abord que la guerre « est par-dessus tout un comportement politique», et donc une affaire de pouvoir, ensuite que « l'histoire de la guerre n'est pas synonyme d'histoire des techniques». Il écrit enfin que « la prochaine manche du cycle historique stratégique de l'antagonisme des grandes puissances est déjà en train de prendre forme», un axe sino-russe étant en cours d'émergence, « ce qui pose un formidable défi à la notion américaine d'un ordre mondial unipolaire». Une somme remarquablement informée.

    Alain de Benoist (recension publié dans la revue Eléments, n°128, printemps 2008)

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Stalker dissèque le métacortex de Dantec !...

    Stalker livre la première critique de Métacortex, le dernier roman de Maurice G. Dantec, publié chez Albin Michel.

    Métacortex.jpg
     
    A propos de Métacortex
     
    Curieuse, étrange même, fascinante malédiction que celle qui semble s'être abattue sur les livres les plus ambitieux de Maurice G. Dantec.
    Ses romans, en règle générale, se lisent bien. Souvent même, ils se lisent trop facilement, cette particularité qui a été maintes fois reprochée au romancier constituant une signature pourtant claire que telle mégère acéphale n'est jamais parvenue à déchiffrer.
    Cette facilité de lecture qui n'est qu'un leurre, tant fourmillent les pistes de réflexions, parfois de véritables fulgurances, tant est diversifiée, pour ce deuxième volume de la trilogie Liber Mundi, la matière capable d'être développée par une bonne demi-douzaine d'autres romans, cette facilité de lecture est bien incapable de se sustenter par ses propres forces. Arrive, tôt ou tard certes mais toujours, dans le cours de la narration, le moment où l'auteur essaie de nous montrer l'envers du décor (j'allais écrire, décorps, tant ce procédé concerne également la chair, retournée comme un gant, du personnage principal, simple vecteur d'une parole qui le fait éclater), surgit encore, brutalement, la volonté de transformation d'une réalité nous montrant sa véritable face.
    Dantec n'écrit pas, comme l'affirment celles et ceux qui ne savent pas lire, des romans de science-fiction, des romans policiers ou bien encore, ambition affichée par la réclame, des livres qui parviendraient à marier plus ou moins subtilement les deux genres. Dantec écrit des livres pour affirmer qu'il ne sait pas écrire, que chacune de ses œuvres n'est qu'un échec ou un simple barreau de cette échelle sur laquelle Jean Gobi fait monter et descendre ses métaphores, comme montent et descendent les anges sur cette passerelle entre la création et la surnature selon la Genèse (28, 12). Si toute réalité, sans transfiguration esthétique, est purement pédestre, l'ambition de Dantec est de nous forcer à lever les yeux, comme Verlande, à la fin du roman, lève les yeux au ciel nocturne et y contemple l'inouï.
    Dantec rêve du livre impossible, (lire la suite...)
    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Le système et l’arme des émotions

    Métapo infos publie un point de vue de Pierre le Vigan :

    Pierre le Vigan.jpg
    Le système et l'arme des émotions
     

    Le monde moderne est régi par la politique des émotions. Elles sont devenues des instruments majeurs de la politique. Dans le même temps, plus personne ne se réclame d’une idéologie. Il est loin le temps où Chirac fut reagano-thatchérien en 1986, après avoir été travailliste « à la française ». Aujourd’hui, Nicolas Sarkozy se réclame avant tout du pragmatisme et de la… capacité d’écoute.


    L’essentiel, c’est de voir « ce qui marche » disent nos politiques. Après les idéologies du XXe siècle ce sont maintenant les « émotions » qui justifient les politiques qui, bien entendu, sont pourtant d’abord toujours des politiques de pouvoir. La peur, l’envie, la compassion, l’espoir, l’orgueil mènent le monde. Exemple : avec Obama, l’Amérique a choisi une image lui permettant de s’aimer à nouveau et de se faire aimer, les deux étant liés. Même s’il y a de fortes chances pour que les constantes de la politique américaine restent inchangées, comme les premières initiatives diplomatiques d’Obama le laissent prévoir tout comme son entourage pouvait permettre de le supposer.


    De même, quand la Russie de Poutine et Medvedev « inquiète » à nouveau les professionnels de l’atlantisme, c’est une autre émotion, – la peur – qui joue. Ou, pour être plus précis, c’est la peur qui est mobilisée. On mobilise les émotions, et ensuite on mobilise les forces réelles, économiques, politiques et militaires. On l’a vu avec les nombreuses fables inventées de toute pièce contre l’Irak de Saddam Hussein (à tel point qu’on en oublierait presque les crimes bien réels du dictateur). Parfois, c’est tout simplement la puissance qui inspire le respect. Encore une émotion. « Quand les types de 100 kg disent certaines choses, les types de 60 kg les écoutent. » disait Michel Audiard.


    Emotions ? C’est ce qui met en mouvement, dit l’étymologie. La politique, c’est justement de mettre en mouvement. Platon, Hobbes, Kant, Hegel parlaient des passions. La passion est proche de l’émotion. La principale des passions qui mènent le monde est maintenant celle de l’identité. C’est un sujet sur lequel Todorov a écrit Nous et les autres (Seuil, 1989), et de Benoist, Nous et les autres. Problématique de l’identité (Krisis, 2006). L’identité, c’est le problème. Lévinas disait que l’on emploie le mot quand la chose n’est plus. Dominique Moïsi, de l’Institut Français des Relations Internationales, écrit : « Si le XXe siècle fut tout à la fois le siècle de l’Amérique et de l’idéologie, tout porte à croire (…) que le XXI e siècle sera celui de l’Asie et de l’identité. » (La géopolitique de l’émotion, Flammarion).


    Petit tour d’horizon. L’Asie, - et la Chine bien plus que l’Inde – est dans la culture de l’espoir : l’espoir de se faire une place au soleil. Coute que coute. De son coté, le monde arabe est dans une culture de l’humiliation. Un traumatisme qui date, pour n’envisager que la période récente, de la guerre des Six Jours en 1967. Et un traumatisme qui a été aggravé par les deux « guerres «  du Golfe : en vérité la liquidation d’une armée irakienne hors d’état de résister et l’anéantissement de toute l’armature d‘une nation.


    Une autre émotion est la culture de peur. Certains Européens, marqués par l’histoire des années trente et quarante (« les Allemands, sur leur terrain, faut jamais les sous-estimer.- Parfois même sur le notre. » disait encore Audiard), eurent peur de la réunification allemande, comprenant mal qu’à tous points de vue, les temps avaient changé. Plus récemment, les néoconservateurs ont peur de ce qu’ils appellent parfois l’ « islamo-fascisme », devant lequel il ne faudrait pas « reculer », comme à Munich en 1938, rajoutent certains – la référence à Munich étant devenu un poncif incontournable.


    Il y a encore la peur de la Turquie en Europe. Ou la peur du futur. Et des peurs très concrètes, comme la peur de ce que Serge Paugam appelle la « disqualification sociale » (PUF, 2002), une peur qu’analyse encore Camille Peugny dans « le déclassement » (Grasset, 2009). Toutes choses qui nous renvoient à la panne de l’ascenseur social (et au caractère vermoulu et branlant de l’escalier). C’est dire que la peur ne correspond pas à de faux problèmes mais bien souvent à des dangers réels. Reprenons l’exemple de l’entrée de la Turquie en Europe – entendons : dans ses structures politiques. Elle n’est pas souhaitable actuellement mais ne changerait pas grand-chose au fait que l’Europe actuelle, celle de Bruxelles, ne protège pas les peuples européens de la mondialisation, de la perte de leur identité, de la domination du grand capital.


    En outre, l’exemple de la Turquie montre la difficulté de saisir les enjeux. On peut voir la Turquie comme l’instrument des USA en Europe. On peut la voir tout au contraire comme une puissance qui pèsera, tout au moins à long terme, dans le sens d’un non alignement de l’Europe sur Israël et sur les USA. En fonction des prédictions que chacun fera, on peut donc, avec des systèmes de valeurs opposés, faire le même choix (par exemple être pour la Turquie en Europe parce qu’on est pour une Europe pro-américaine ou pour la Turquie en Europe parce qu’on est pour une Europe libre vis-à-vis de l’Amérique). On peut aussi au contraire, avec le même système de valeurs, faire des choix opposés, comme en 1942, deux patriotes français pouvaient s’engager dans deux camps différents au nom d’une conception différente des urgences mais d’un même amour de la patrie.


    Ce qui est assuré, c’est que moins les enjeux réels sont analysés, plus les émotions prédominent. « Je ne peux plus saisir ou comprendre – sans parler de le maîtriser – le monde dans lequel je vis. Je dois donc exalter ma différence et donner priorité à mes émotions. » résume Dominique Moïsi quant à ce qu’est devenu le sentiment dominant.


    Emotions et illusions


    Le problème des émotions est qu’elles se nourrissent beaucoup trop des illusions. C’est le cas des illusions de tout concilier : la croissance et l’écologie, le flicage anti-automobiliste et l’envie d’acheter des voitures, la qualité et la quantité, la vitesse et la sécurité, l’amour et le libertinage, moins d’impôts et plus de services publics, l’ouverture totale aux autres et la préservation de l’identité de soi, l’immigration de masse et l’intégration, etc.


    C’est ce que Bertrand Méheust appelle, dans son essai sur les rapports entre l’écologie et les injonctions contradictoires de notre société, « la politique de l’oxymore » (Comment ceux qui nous gouvernent nous masquent la réalité du monde, La Découverte, 2009). La Révolution française voulait apporter le bonheur aux Français, et au genre humain : elle a plongé l’Europe dans la guerre et a inventé le concept de guerre totale par idéologie. C’est l’hétérotélie : on vise un but et on en atteint un autre, comme l’avait vu Jules Monnerot (Intelligence de la politique, Gauthier-Villars, 1978). S’il y a tant d’hétérotélie, c’est que l’histoire est faite d’oxymores. L’un des plus massifs parmi les oxymores contemporains est celui-ci : le volontarisme technologique ou la volonté de maitrise technologique est un oxymore car la biosphère restera toujours en partie imprévisible et que ses mécanismes – ou plus exactement sa vie – excèdent toute intelligence humaine.


    Prenons comme cas la géo-ingénierie. C’est par exemple l’idée de larguer des tonnes de souffre dans la stratosphère pour modifier le climat, en l’occurrence le refroidir. C’est encore l’idée de créer une banquise artificielle pour relancer le Gulf Stream. Ces idées peuvent être excitantes. Elles sont surtout très incertaines. Il y a des expériences que l’homme risque de ne pouvoir faire qu’une fois. La question que pose l’écologie à l’homme est celle-ci : l’homme peut-il exister sans cesser d’inventer ? Ou plutôt : peut-il vivre sans l’obsession d’inventions qui soient toutes de l’ordre de la puissance technologique ?


    Car il n’y a pas de société sans horizon commun, sans ambition commune. L’idéologie de la transparence a fait perdre à la société son épaisseur. Des philosophes l’ont vu et l’ont dit mais c’est peut-être un Alphonse Boudard qui le mieux exprimé cette perte de l’épaisseur du monde dans Mourir d’enfance (1995). Notre société impose dans le même temps, sous le signe de l’équivalence des valeurs, un devoir-être parfaitement totalitaire : interdiction de toute polémique un peu soutenue, tri sélectif des ordures obligatoire, criminalisation des automobilistes à la moindre infraction, pro-féminisme idéologique obligatoire, larmoysme pro Ingrid Bettancourt obligatoire jusqu’il y a sa libération, niaiserie de la repentance obligatoire, etc.


    Les distances sociales implicites s’effacent au moment où un devoir-être identique s’impose à tous. Et dans le même mouvement, la « pipolisation » de la politique enlève toute sacralité au pouvoir. Les filiations identitaires, quelles soient politiques, professionnelles, religieuses, se perdent, ce qui rend plus problématiques les nécessaires affiliations qui permettent l’évolution même des identités. En conséquence, les crispations identitaires tiennent lieu, bien souvent, - et bien mal -, d’appartenances. Exemple : le CRAN, conseil « représentatif » (sic) des associations noires, ou le fantomatique CRAB, conseil représentatif des associations blanches (même pas drôle). Ces incertitudes identitaires sont la marque de ce que Georges Balandier appelle « le dépaysement contemporain » (PUF, 2009). « La souffrance c’est la douleur plus autre chose » écrit-il. Cette autre chose c’est la perte d’une perspective commune.


    La fin de l’idéal d’une société bonne


    L’idéal d’une « société bonne » disparait au profit d’une politique de compensations des aigreurs des uns et des autres. La justice sociale cesse d’être un objectif. A sa place, on installe des politiques « anti discriminations ». Nul ne conteste qu’il y ait parfois matière à rétablir une égalité des chances. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit – cela qui aurait un nom très simple : la République et la méritocratie républicaine. La politique de promotion des minorités visibles a pour objectif de diviser le monde du travail, de désarmorcer les conflits sociaux en les faisant dériver vers des revendications « racialistes ».


    Walter Benn Michaels écrit justement : « Une France où un plus grand nombre de Noirs seraient riches, ne serait pas économiquement plus égalitaire, ce serait juste une France où le fossé entre les Noirs pauvres et les Noirs riches serait plus large. » (La diversité contre l’égalité, Raisons d’agir, 2007). C’est toute l’histoire, depuis 1983, de l’abandon du projet de transformer la société par les « socialistes » qui aboutit à cet exutoire : racialiser les problèmes sociaux, donner des satisfactions d’amour propre identitaire à une minorité (de Noirs, d’handicapés, de gens « issus de l’immigration », « issus de la diversité » dit-on maintenant, etc) pour calmer la masse des travailleurs et surtout la diviser, de surcroit en accentuant les arrivées d’étrangers et en jouant ainsi des exaspérations des français « de souche » par le choc des modes de vie et les barrières ethniques et culturelles.


    La diversité, la représentation des minorités visibles, c’est ce qui reste de la justice en milieu libéral et c’est surtout le contraire de la justice. Comme l’écrit encore W-B Michaels, « la conception de la justice sociale qui sous-tend le combat pour la diversité repose sur une conception néolibérale ». Ce qu’il résume fort bien par la formule : « La diversité n’est pas un moyen d’instaurer l’égalité; c’est une méthode de gestion de l’inégalité. » La diversité est ainsi une politique de diversion. Elle participe de la pensée unique. « Au lieu de débattre sur l’inégalité, nous débattons sur les préjugés et le respect ; or, étant donné la rareté des défenseurs des préjugés et des détracteurs du respect, nous nous retrouvons à ne plus débattre du tout. » note encore W-B Michaels. La politique de la « diversité » est de la posture, de l’imposture et de l’instrumentalisation des émotions.


    Pour compléter le brouillage des identités sociales, certaines caractéristiques traditionnelles du service public, – telles la rigueur professionnelle, le sens du devoir, la priorité du service rendu sur le gain, l’écoute – sont mises en avant comme la nouvelle idéologie du secteur privé. Tandis que le secteur public intègre les exigences de performance, de compétitivité, de ratios qui sont issues du secteur privé. L’esprit d’équipe s’efface, même dans le public, au profit de la mesure des performances individuelles, comme le relève Danièle Linhart dans Travailler sans les autres (Seuil, 2009), où elle montre les ravages de la méfiance réciproque sur l’esprit d’équipe. De quoi rendre les salariés fous ! C’est d’ailleurs en partie le cas comme le montre la remarquable enquête de Philippe Petit sur « la France qui souffre » (Flammarion, 2008).


    Déstabilisation du monde du travail et « émotionalisation » de la société – ou « sentimentalisation » de celle-ci –, telles sont les deux armes de distraction (au sens propre : distraire de) massive (selon l’expression de Matthew Fraser) du néolibéralisme face aux espoirs d’émancipation nationale et sociale du peuple travailleur et producteur. Décidément, cela donne une juste envie de faire la révolution.

    Pierre le Vigan

    Lien permanent Catégories : Textes 0 commentaire Pin it!
  • Borgès revient dans la Pléiade !

    Borgès sera bientôt de retour dans la bibliothèque de La Pléiade après plus de dix ans d'absence, à la suite d'un conflit assez obscur ayant opposé sa veuve à l'éditeur Gallimard. Les deux volumes des oeuvres complètes du génial Argentin, initialement publiés en 1993 et 1999 et devenus depuis introuvables, ressortiront en mars 2010. 

    borges1.jpg

     

    «Je n'écris pas pour une minorité choisie, qui ne m'importe guère, ni pour cette entité platonique tellement adulée qu'on surnomme la Masse. Je ne crois à aucune de ces deux abstractions, chères au démagogue. J'écris pour moi, pour mes amis et pour atténuer le cours du temps.» Sans doute Borges considérait-il les lecteurs de la Pléiade comme des amis inconnus : il envisageait avec bonheur la perspective d'entrer dans cette «Bibliothèque». Non content d'autoriser cette édition, il a pris part à son élaboration jusqu'à l'extrême fin de sa vie : il a guidé le travail de traduction et d'annotation, en livrant avec générosité ses réflexions sur son œuvre, et en indiquant quels textes oubliés il acceptait que l'on exhumât pour l'occasion.
    On parlerait volontiers d'édition définitive, si Borges n'avait écrit (dans sa préface à la traduction en vers espagnol du Cimetière marin de Valéry) que «l'idée de texte définitif ne relève que de la religion ou de la fatigue»...

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Critique de la société de l'indistinction

    Critique de la société de l'indistinction, publié aux Editions Révolution Sociale est un étrange brûlot dont les auteurs, qui signent L'Internationale, paraissent avoir autant lu Karl Marx et Guy Debord qu'Eric Werner !...

    indistinction.jpg

    "Le fétichisme de la marchandise est l'universelle domination sociale du quantitatif qui partout désormais développe l'exclusion spectaculaire du qualitatif dans la luxuriance aliénatoire de la dépossession humaine,

    Aujourd'hui, dans ce monde du falsifié triomphant et de l'inversion généralisée, le krach inévitable du système des fictions faramineuses de l'économie spéculative s'annonce de plus en plus proche, Aussi, le gouvernement du spectacle mondial n'a t-il rien d'autre à offrir à la planète pour échapper à la faillite et tenter de sauver un dollar sur-hypothéqué que le chaos de la guerre sans fin par la mise en scène permanente de coups montés terroristes de vaste ampleur, menés de l'intérieur même des services spéciaux de la provocation étatique.

    En ce temps où le spectacle mondial de la marchandise est en train de coloniser tous les espaces d'expression afin de les réduire à ne plus être que des champs duplicatifs de ce qui est conforme au despotisme démocratique de l'argent, il convient qu'un éditeur qui se veut indépendant puisse publier ce que les éditeurs de cours ne publieraient jamais.

    La critique de la société de l'indistinction n'engage bien entendu que ses auteurs. C'est en vertu du seul principe que la pensée ne peut penser que lorsqu'elle est confrontée aux dérangements venus d'autres territoires que du monde des vérités officielles que l'éditeur a considéré ici qu'il se devait là de faire imprimer ce texte.

    Naturellement, une telle publication d'essence affranchie et insoumise peut être spontanément propagée et répétée attendu que son unique provenance est l'histoire radicale des radicalités historiques elles-mêmes."

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!