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société de surveillance

  • Vers la société de surveillance totale...

    Le nouveau numéro de la revue Réfléchir & agir (n°74 - Été 2022) est disponible en kiosque. Le dossier est consacré à la société de surveillance...

    A compter du prochain numéro, la revue ne sera plus disponible que par abonnement.

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    Au sommaire :

    En bref

    Antipasti

    Robert Steuckers

    Scènes et rustines du nationalisme

    DOSSIER 

    Vers la société de surveillance générale

    Crédit social à la chinoise : bientôt 7 milliards de suspects ?, par Eugène Krampon

    La logique libérale de destruction des libertés, entretien avec Eugène Krampon
    Le contrôle de l'information, un idéal totalitaire mondialiste, par Scipion de Salm
    L'identité numérique européenne, un outil totalitaire ?, par Oscar Walter
    L'Euro numérique, par Klaas Malan

    Europe : une mise en place progressive du crédit social, par Klaas Malan

    Les quotas carbone individuels, l'ultime étape ?, par Eugène Krampon

    Grand entretien

    Philippe Murer

    Géopolitique

    Wagner, les orques de Poutine, par Édouard Rix

    Fascismes

    George Sylvester Viereck, un martyre américain, par Christian Bouchet

    Littérature

    Chardonne face au national-socialisme, par Didier Dantal

    Notes de lecture

    Les crimes du mois

    Beaux-arts

    Chardin ou la douceur française, par Pierre Gillieth

    Musique

    Flav de Paris Violence, Dr Royco et Mister Oi, par Édouard Rix

    Disques

     

    Avec ce numéro, les abonnés ont reçu le numéro hors-série 2022 intitulé "Cinémathèque fasciste" !...

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  • Vers la surveillance de masse ?...

    Le 23 octobre 2021, Thomas Arrighi recevait Guillaume Travers, dans l'émission «Sputnik donne la parole» pour évoquer avec lui le risque de mise en place progressive d'une surveillance généralisée, après le vote d'une loi par l'Assemblée nationale autorisant le gouvernement à recourir au dispositif du passeport sanitaire jusqu'en juillet 2022.

    Essayiste, collaborateur de la revue Éléments, Guillaume Travers, qui est notamment l’auteur d’Économie médiévale et société féodale (La Nouvelle Librairie, 2020), de Capitalisme moderne et société de marché (La Nouvelle Librairie, 2020) et de Corporations et corporatisme (La Nouvelle Librairie, 2021), vient de publier un essai intitulé La société de surveillance, stade ultime du libéralisme.

     

     

                                               

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  • La société de surveillance, stade ultime du libéralisme...

    Essayiste et collaborateur de la revue Éléments, Guillaume Travers est notamment l’auteur d’Économie médiévale et société féodale (La Nouvelle Librairie, 2020), de Capitalisme moderne et société de marché (La Nouvelle Librairie, 2020), et coauteur, avec Alain de Benoist, de La Bibliothèque du jeune Européen (Le Rocher, 2020).

     

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    La société de surveillance qui se met en place scelle-t-elle la fin du projet libéral de « société ouverte » ? Non, répond Guillaume Travers, elle en est au contraire l’aboutissement logique. C’est la raison pour laquelle les libéraux promouvront tôt ou tard toutes les méthodes techniquement possibles de contrôle social : puçage des populations, reconnaissance faciale, modifications géniques, 5G, etc. Pour éclairer ce paradoxe, il faut revenir aux sources de la conception libérale de la liberté, et mettre en lumière ses impensés. Ce à quoi s’attache cet essai. Face à la liberté abstraite des libéraux, il appelle à retrouver une conception classique de la liberté, qui a prévalu tant dans le monde antique que médiéval — et pas sa falsification orwellienne.

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  • Contre la société de surveillance : la conception européenne de la liberté...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de Guillaume Travers, cueilli sur le site de l'Institut Iliade et consacré à la mise en place, sous couvert de mesures sanitaires, d'une société de surveillance totalement étrangère aux traditions de liberté des Européens.

    Professeur d'économie, Guillaume Travers est chroniqueur à la revue Éléments et a déjà publié Pourquoi tant d'inégalités ? (La Nouvelle Librairie, 2020), un petit essai de réfutation des thèses de l'économiste Thomas Piketty, ainsi que Économie médiévale et société féodale (La Nouvelle Librairie, 2020), Capitalisme moderne et société de marché (La Nouvelle Librairie, 2020) et Corporations et corporatisme (La Nouvelle Librairie, 2021).

     

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    Contre la société de surveillance : la conception européenne de la liberté

    L’introduction du « pass sanitaire » suscite chez beaucoup le sentiment d’une profonde rupture en matière de libertés publiques. Celle-ci a deux aspects. Tout d’abord, une fermeture de l’espace public, donc certains seront exclus en raison d’un critère médical. Ensuite, une privatisation du contrôle, puisque tout le monde contrôlera tout le monde : un employeur, ses salariés ; un restaurateur, ses clients ; un couple de mariés, ses convives.

    Passée la sidération, il est aisé de voir que cette société de surveillance n’est pas si nouvelle. Elle couve et progresse depuis déjà des années. La surveillance accrue de l’expression sur les réseaux sociaux, dont témoigne la hausse exponentielle des comptes et des messages supprimés, obéit à la même logique : fermeture de l’espace public, par la suppression pure et simple des moyens d’expression pour ceux qui dérangent ; privatisation des contrôles, délégués aux plateformes numériques et aux spécialistes des « signalements » en tous genres. Le même mécanisme est encore à l’œuvre dans le mouvement indigéniste, dans celui des « Sleeping Giants » ou dans l’idéologie « woke ». À chaque fois, le mode opératoire repose sur l’action privée de militants pour faire disparaître de l’espace public toute personne qui leur disconvient.

    Un changement de nature de l’espace public

    Lorsqu’elle progresse, la société de surveillance procède fondamentalement d’un changement de nature de l’espace public : la possibilité d’une vie sociale normale y est conditionnée à la conformité à une norme abstraite, plus ou moins arbitraire, de nature juridique ou morale. Et ceux qui ne s’y plient pas sont rendus invisibles, relégués à la marge, là où on ne les voit plus. L’espace public doit devenir un espace d’homogénéité.

    Si cette logique doit inquiéter, c’est parce qu’elle ébranle l’un des héritages plurimillénaires de notre civilisation, à savoir une conception spécifiquement européenne de la liberté. Depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque moderne, des auteurs aussi divers qu’Aristote (dans sa Politique) ou Montesquieu (dans ses Lettres persanes) ont opposé la liberté des terres d’Europe à ce qu’ils nommaient un « despotisme oriental ». Leur sentiment n’était guère différent de celui de nombre d’Européens actuels qui observent avec circonspection le système de « crédit social » mis en place en Chine, par lequel les citoyens sont constamment tracés et notés, en fonction de leur comportement dans les transports, du remboursement de leurs dettes, etc., et peuvent se retrouver sur « liste noire », exclus du domaine public, voire de toute vie sociale. Si elle peut parfois paraître trop simple, l’opposition entre la liberté des Européens et le « despotisme oriental » a au moins un mérite : elle nous dit quelque chose de la manière dont les peuples d’Europe se représentent eux-mêmes depuis leurs origines.

    Quelle est donc cette conception européenne de la liberté ? Le point peut-être le plus fondamental est que la liberté – d’exister dans la vie publique, d’exprimer une opinion – n’est pas définie en fonction de critères juridiques, mais de critères politiques. Ainsi, en Europe, ce n’est traditionnellement pas la conformité à une règle de droit abstraite qui rend libre, c’est toujours l’appartenance à un peuple, et l’attachement à une terre. Dans le monde des cités grecques antiques, la liberté n’est jamais absolue. Elle est le corrélat de la citoyenneté politique : à Athènes, on est libre d’abord parce que l’on est Athénien. Si un Athénien peut participer à la vie publique de sa cité, et y exprimer des opinions fort diverses, ce n’est pas parce que tout est permis à tous, mais parce que le garde-fou est d’une autre nature : non une règle donnée extérieurement, mais un enracinement sensible. En d’autres termes, les attachements proprement politiques sont la condition première de la liberté. La même chose prévaut dans le monde des communautés médiévales, que l’on songe aux libertés des communes ou à celles des confréries religieuses ou des métiers. Les libertés sont toujours relatives à des attaches communautaires particulières : c’est parce que l’on est d’une ville ou d’une corporation que l’on jouit de certaines prérogatives dans l’espace public (exercer un métier, etc.). Liberté et unité de la communauté sont indissociables.

    Un bouleversement civilisationnel qui vient de loin

    À l’époque moderne, deux forces poussent à l’abandon de cette conception politique de liberté. Premièrement, la surenchère dans la « logique des droits », issue des Lumières, reprise par la Révolution française, qui pousse à inscrire dans la loi un nombre toujours croissant de droits abstraits. Cette logique déconnecte l’attribution de droits individuels de toute appartenance politique (ces droits valent « pour tous les hommes ») et, surtout, nous habituent à penser les libertés comme quelque chose qui est accordé par un texte de loi lointain et abstrait, là où nous avions pour habitude de les penser comme résultant d’une pratique politique particulière au sein d’une communauté historique. Deuxièmement, le grand brassage des peuples depuis quelques décennies a tendu à fracturer les sentiments d’appartenance politiques, pour réduire la citoyenneté à un statut juridique, soit là encore un espace corseté par le « droit ».

    La société de surveillance qui se met en place dans le monde post-Covid accélère cette dissociation de la liberté et de l’appartenance communautaire. Certains ont pu écrire qu’il serait désormais plus facile d’être sans-papiers que sans pass vaccinal. Ce n’est peut-être pas là qu’une boutade, mais l’aboutissement d’une logique qui déprécie les appartenances pour ne plus penser la liberté que comme conformité à une norme la plus abstraite possible. Ceux qui seront « libres » en France demain ne seront pas les Français mais ceux – d’où qu’ils viennent – qui auront un code QR dont l’authenticité aura pu être vérifiée. C’est là un bouleversement civilisationnel.

    Guillaume Travers (Institut Iliade, 28 juillet 2021)

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  • « Les gens honnêtes n’ont rien à se reprocher »: l’argument pernicieux des adeptes de la surveillance...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Olivier Babeau, cueilli sur Figaro Vox et consacré à la société de surveillance qui vient. Professeur en sciences de gestion à l’université de Bordeaux, Olivier Babeau est également président de l'Institut Sapiens.

     

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    « Les gens honnêtes n’ont rien à se reprocher » : l’argument pernicieux des adeptes de la surveillance

    La Chine a mis en place en l’espace de quelques années le système de contrôle des comportements le plus élaboré et le plus implacable de l’histoire humaine. Il aurait ravi Staline et Mao.

    Toutes les actions sur les réseaux sociaux, les échanges sur WeChat, les déplacements, les achats, toute la vie des Chinois en un mot fait l’objet d’un contrôle centralisé. Le télécran de 1984 existe, en version XXL: l’objectif affiché est de pouvoir identifier n’importe qui, n’importe quand et n’importe où en Chine en 3 secondes, grâce aux caméras à reconnaissance faciale. Le résultat est une note de «crédit social» sanctionnant les récalcitrants. Une note dégradée signe votre bannissement social, et celle de votre famille, en interdisant par exemple à vos enfants de s’inscrire à l’université. Le régime a empêché 17,5 millions de citoyens «discrédités» d’acheter des billets d’avion et 5,5 millions d’acheter des billets de train: en tout 23 millions sont donc empêchés de voyager.

    La progression du système de surveillance est extrêmement rapide. Il y a aujourd’hui en Chine 300 millions de caméras. Elles seront 1 milliard en 2021! Mois après mois, tous les gestes indésirables du quotidien sont encadrés. Depuis avril 2019, le fait d’utiliser des sièges supplémentaires ou de manger dans le métro de Pékin est devenu un motif de dégradation du crédit social. Un numéro de sonnerie de téléphone spéciale est attribué aux citoyens endettés.

    Le grand problème du mécanisme de notation sociale que la Chine est en train de mettre en place, c’est qu’il est au fond assez séduisant. Quiconque a déjà fait, pour quelques jours, l’expérience de la vie dans un régime sécuritaire peut témoigner du confort appréciable qu’il procure au touriste. Rendez-vous compte: quelle que soit l’heure, se promener en toute insouciance, laisser ses affaires sans surveillance et sa porte ouverte! Qui n’a pas rêvé, en voyant nos honteux «territoires perdus de la République» dont parlait Emmanuel Brenner ou après s’être fait voler son vélo, d’un système de surveillance si efficace qu’il découragerait le malfrat désormais certain d’être pris et puni? À l’heure où nos policiers font face à des guets-apens criminels, l’ordre semble avoir des séductions que l’idée de liberté ne peut concurrencer.

    Pourquoi résister alors, disent déjà tant de concitoyens? Ces nouvelles technologies prennent rapidement place dans nos vies. Les villes installent sans cesse plus de caméras. Dans l’aéroport d’Orly, deux compagnies aériennes, dont Air France, testeront la reconnaissance faciale pour l’embarquement des passagers dès 2020. Au Japon, des taxis utilisent même la reconnaissance faciale pour deviner l’âge et le sexe du client afin de leur proposer des publicités ciblées.

    L’argument avancé par les fatalistes de la surveillance est toujours le même: «les gens honnêtes n’ont rien à se reprocher». Comme le soulignait Edward Snowden, dans une interview donnée à la télévision américaine, dire «la surveillance n’est pas utilisée contre la liberté des citoyens normaux» est exactement aussi rassurant que de dire «je te mets un revolver sur la tempe, mais je te jure que je ne tirerai pas». Dans le monde de l’hypersurveillance, un tyran aura à sa disposition tous les outils pour se saisir du pouvoir absolu sur nos existences. Mais cela n’est peut-être même pas cela le plus grave.

    Une société sans vie privée est semblable à ces prisons sans fenêtre où la lumière ne s’éteint jamais et où le prisonnier finit par perdre le sens de l’écoulement des jours, enfermé dans une sorte de présent éternel. Tout y sera propre. Au cordeau. Chaque détenu sera rangé comme il faut dans sa case. Chaque action contrôlée, tout déplacement suivi. La vraie privation de liberté n’est pas tant de devoir rester entre les murs de la centrale pénitentiaire que d’être entièrement à la merci du contrôle permanent, contraint de tout montrer. La vraie peine, c’est la transparence. L’intimité inexistante.

    Exposée en permanence, la vie sera nécessairement soumise à la prévenance continuelle d’une puissance publique voulant s’assurer de la conformité de nos actions et de nos pensées. Il n’y aura au fond pas de différence entre les régimes organisant la surveillance au nom du contrôle politique et ceux qui la développent au nom du Bien.

    Dans les deux cas, il s’agira, sur fond de bonheur matériel et de sécurité absolue, d’imposer une existence industrieuse aux loisirs encadrés. Dans les deux cas, l’existence ressemblera plus à un tour de manège standardisé qu’à l’aventure qu’elle était encore malgré tout jusqu’à présent. Si la vie de Sisyphe est infernale, ce n’est pas parce qu’il pousse chaque jour une pierre. Ce n’est même pas parce qu’il pousse chaque jour la même pierre. C’est parce qu’il sait que rien d’autre ne se passera, que les évènements sont parfaitement déterminés par les dieux qui le punissent ainsi. La vraie punition de Sisyphe est d’être privé de l’imprévu et du nouveau. C’est exactement ce qui nous attend.

    Citant l’historien de l’art américain Bernard Berenson, Röpke déplore cet appauvrissement intérieur, ce spleen comme le vrai danger qui menace notre société: «Je ne crains pas la bombe atomique. Si notre civilisation est menacée, elle l’est bien davantage par l’ennui que suscite dans un État-providence totalitaire la disparition de l’initiative personnelle et le goût du risque.» L’avenir verra des populations entières de gens honnêtes qui n’auront sans doute rien à se reprocher, mais qui crèveront d’ennui.

    Olivier Babeau (Figaro Vox, 30 octobre 2019)

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  • Société de surveillance et lois liberticides...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré au renforcement de la société de surveillance avec le vote de la loi sur le renseignement...

     

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    « La société de surveillance et les lois liberticides ne remontent pas à hier… »

    Radars sur les routes, caméras de surveillance à tous les coins de rue. Grande est l’impression d’être en permanence surveillés. Avec la nouvelle loi sur le renseignement, jusqu’où les dérives liberticides peuvent-elles aller ?

    La nouvelle loi autorise l’installation sur les réseaux et les serveurs de « boîtes noires », reposant sur des technologies d’« inspection des paquets en profondeur » (Deep Packet Inspection), qui permettent de lire les conversations privées sur Internet, d’intercepter et de scanner toutes les communications pour détecter, grâce à des algorithmes tenus secrets, les propos « suspects » ou les comportements « bizarres ». Elle autorise aussi, sans qu’il y ait besoin de solliciter l’autorisation d’un juge, la sonorisation des domiciles, l’intrusion informatique pour siphonner le contenu des ordinateurs, les « valises IMSI-catcher » (fausses antennes-relais qui interceptent la totalité des conversations téléphoniques dans un périmètre donné), les « keyloggers » (logiciels permettant de lire en temps réel ce qu’une personne tape sur son clavier), la pose de balises sur les voitures, la géolocalisation des personnes, des véhicules et des objets, etc.

    Les « boîtes noires » permettent aussi d’analyser l’ensemble des « métadonnées », c’est-à-dire toutes les traces que l’on laisse derrière soi en téléphonant ou en utilisant Internet. La valeur d’une donnée étant proportionnelle au carré du nombre de données auxquelles elle est reliée, le ramassage toujours plus large des « métadonnées » permet, non seulement de prédire les comportements d’un groupe d’individus aux caractéristiques déterminées, mais de connaître tout de la vie des citoyens : leurs relations, leur correspondance, leur pratique des réseaux sociaux, leurs opérations bancaires, leurs déplacements, leurs achats, leurs abonnements, leur mode de vie, leur âge, leurs opinions politiques, etc.

    Il ne s’agit donc plus de cibler, mais de quadriller. En dépit des assurances lénifiantes des pouvoirs publics, c’est bien à une surveillance de masse des citoyens que l’on est en train d’assister, alors même qu’il n’existe pour l’immense majorité d’entre eux aucune suspicion de lien avec une quelconque infraction. Le régime d’exception devient ainsi la norme. La vie privée n’existe plus et les libertés publiques sont menacées par une loi qui se fixe pour objectif de savoir si chacun d’entre nous connaît des gens qui connaissent des gens qui connaissent des gens qui ne sont pas « clairs ». Tradition « républicaine » oblige, on en revient à la loi des suspects de 1793. Les citoyens se plaignent non sans raison de ne pas être entendus. À défaut d’être entendus, ils seront écoutés.

    Les citoyens, on le sait de longue date, sont toujours prêts à abandonner des pans de liberté pour des semblants de sécurité. D’où le Patriot Act américain. Manuel Valls utilise d’ailleurs le même argument : c’est pour lutter contre le terrorisme. Benoît Hamon ajoutait, l’an dernier, que « si on n’a rien à cacher, il n’y a pas de problème à être écouté ».

    Rappel historique. Le 8 décembre 1893, pour venger Ravachol, guillotiné l’année précédente, l’anarchiste Auguste Vaillant faisait exploser à la Chambre des députés une bombe qui ne fit aucune victime. Quelques jours plus tard, les parlementaires adoptaient des lois antiterroristes, connues bientôt sous le nom de « lois scélérates », prévoyant la suppression de la liberté de la presse et l’interdiction de tout rassemblement anarchiste, même dans un lieu privé. Le banquier et futur président de la République Casimir Perier précisait à cette occasion que la « liberté d’expression ne s’applique pas aux ennemis de la civilisation ». Cela ne vous rappelle rien ? Terrorisme, « civilisation », restriction des libertés, tout y est. La « lutte contre le terrorisme » est seulement un prétexte, au demeurant très classique. Aucune des mesures de la nouvelle loi n’aurait permis d’éviter les attentats de ces derniers mois. Au demeurant, on ne déploie pas un chalut pour attraper une poignée de sardines.

    Quant à ceux qui disent que cela ne les gêne pas car « ils n’ont rien à cacher », ils méritent assurément le GPNC (Grand Prix de la naïveté citoyenne). Ce sont les mêmes idiots qui regardent les jeux télévisés ou qui achètent au bureau de tabac des cartes à gratter dans l’espoir de faire fortune. En disant cela, ils renoncent d’eux-mêmes à leurs libertés, sans réaliser que les motifs allégués par la loi (de la « prévention des violences collectives » à celle « de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous ») sont suffisamment flous pour permettre, selon les circonstances, de placer sous surveillance policière toute action concertée visant à changer les structures politiques, sociales ou économiques du pays, tous les mouvements sociaux revendicatifs, tous ceux qui ont des opinions dissidentes ou qui se permettraient de contester d’une façon ou d’une autre l’ordre établi, que ce soit les manifestants de Sivens et de Notre-Dame-des-Landes ou ceux de la Manif pour tous.

    Nos gouvernants veulent pouvoir écouter tout le monde, mais ils sont eux-mêmes écoutés, notamment par les Américains. Comment l’Élysée aurait-il dû réagir aux récentes révélations faites à ce sujet par Julian Assange ?

    François Hollande aurait pu exiger le rappel immédiat de l’ambassadrice américaine à Washington. Il aurait pu accorder le droit d’asile à Julian Assange, voire à Edward Snowden. Il aurait pu annoncer que la France se retire de la négociation sur le traité transatlantique. Il n’a rien fait de tout cela, parce qu’il est le vassal des États-Unis, dont il dépend même désormais pour conduire les opérations où nos forces armées sont engagées. Depuis que la France a réintégré l’OTAN, ayant perdu toute indépendance, elle s’est du même coup interdit toute réaction.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 16 juillet 2015)

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