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politiquement correct

  • Raisonnablement sexiste...

    Les éditions Magnus viennent de publier un nouvel essai de Laurent Obertone intitulé Raisonnablement sexiste - Remettre les hommes et les femmes à leur place.

    Journaliste, Laurent Obertone est l'auteur de trois enquêtes essentielles, La France Orange mécanique (Ring, 2013), La France Big Brother (Ring, 2015) et La France interdite (Ring, 2018), qui ont contribué à fissurer l'édifice du politiquement correct, ainsi que du récit Utøya (Ring, 2013). Il a publié récemment un essai intitulé Game over - La révolution antipolitique (Magnus, 2022).

    Obertone_Raisonnablement sexiste.jpg

    " Jamais les hommes et les femmes n’ont été à ce point malmenés, niés, séparés les uns des autres, par une époque qui semble jurer leur perte. Une relation déjà difficile, chaque jour un peu plus empoisonnée. D’un côté les salauds qu’il faut déconstruire, de l’autre les malheureuses oppressées, victimes du patriarcat sexiste. 

    Féminisme Netflix, wokisme « non binaire », théorie du genre dans les écoles… L’évolution des rapports amoureux, de la sexualité, des familles et des couples s’avère catastrophique. 

    Il est temps de renverser la vapeur. 

    Spécialiste des vérités qui dérangent, Laurent Obertone rompt une nouvelle fois avec le dogme, pulvérise les tabous, et nous plonge dans un bain de réel. 

    Comprendre les hommes et les femmes, les ramener à leurs particularités et aspirations fondamentales, pour mieux les réconcilier, les unir et les accomplir. Lecteurs et lectrices, voici l’heure du bilan sans concession, et du traitement de choc. Dans cette tragédie dont nous sommes les héros, vous seuls pouvez remettre les choses à l’endroit. 

    Tel est l’objet de ce livre décapant. 

    Tel sera le tombeau du politiquement correct. "

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  • L'oeuvre de l'écrivain Roald Dahl passée au tamis du politiquement correct...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Hubert Heckmann  au Figaro Vox à propos de la suppression par l'éditeur anglais Puffin de tous les passages jugés «offensants» des livres pour enfants de l'écrivain Roald Dahl.

    Agrégé et maître de conférences en littérature médiévale à l'université de Rouen, Hubert Heckmann est membre fondateur de l'Observatoire du décolonialisme.

     

    Dahl_Charlie and the chocolate factory.jpg

    «En réécrivant les œuvres de Roald Dahl, on insulte l'intelligence des enfants»

    LE FIGARO. - Selon le Daily Telegraph , la réédition par Puffin, puissant éditeur britannique de livres pour enfants, des œuvres de Roald Dahl, en a éliminé tous les passages jugés «offensants». Le texte littéraire peut-il se réduire à un discours qui provoque l'adhésion, et qu'il faudrait donc évaluer d'un point de vue moral ?

    Hubert HECKMANN. - La question n'est pas nouvelle, surtout au sujet des œuvres adressées aux enfants : Rousseau s'insurgeait déjà dans Émile ou de l'éducation contre l'habitude de faire apprendre aux enfants les fables de la Fontaine : les animaux y incarnent le plus souvent des vices, déplorait le philosophe. La fourmi refuse l'aumône à la cigale, le loup exerce sur l'agneau la loi du plus fort, le renard obtient le fromage en flattant le corbeau… La pureté morale de l'enfant est-elle corrompue par ces fables qui reflètent cyniquement les injustices et les vices de la société ? Ou bien faut-il prendre le risque d'exposer l'enfant à la cruauté des fictions qui lui feront voir plus juste en lui-même et l'aideront à mieux comprendre le monde tel qu'il est, et non tel que ses éducateurs rêveraient qu'il soit ?

    Le Telegraph a recensé les coupes qui ont été opérées dans les romans pour enfants de Roald Dahl, et publie une impressionnante liste de passages réécrits. Tandis que l'éditeur mentionne une simple «révision du langage» pour l'adapter au lectorat contemporain, la comparaison de l'édition de 2022 avec celle de 2001 révèle un véritable massacre à la tronçonneuse : des centaines de modifications ont été apportées, qui ne touchent pas seulement à l'expression mais au sens même des histoires. L'inventaire de ces mutilations est un excellent baromètre du conformisme ambiant qui aurait à la fois désolé et réjoui Flaubert : l'auteur du Dictionnaire des idées reçues a travaillé à une Histoire de l'art officiel dans laquelle, à côté d'une liste de classiques expurgés, aurait figuré le texte de Madame Bovary faisant apparaître une par une chacune des coupes et corrections exigées par son premier éditeur. Flaubert voulait ainsi archiver la bêtise du censeur, garder une trace indélébile de cet autre livre que la censure a fabriqué en défaisant son roman.

    Se livrer, dans cet esprit, au jeu des différences avec les deux versions de l'œuvre de Roald Dahl, c'est à la fois prospecter l'extension du domaine de nos susceptibilités et redécouvrir certaines caractéristiques du style de Dahl, parfois particulièrement abrasif, mais aussi éprouver la différence fondamentale entre le plaisir que procure une bonne histoire et l'ennui que sécrète le conformisme de la bonne morale. Dans Fantastique Maître Renard, «c'était une sorte de nain ventru» devient «il était ventru». Dans Les deux gredins, «Oh, la ferme, vieille sorcière !» devient «Oh, la ferme, vieux corbeau !». L'imaginaire est placé sous la surveillance du politiquement correct : les rêves et les terreurs de l'enfance ne doivent plus vexer personne.

    Dahl savait composer des histoires qui plaisent aux enfants. «Je me fous de ce qu'en pensent les adultes», avait-il coutume de dire. Quand on voit le charcutage opéré dans la nouvelle édition, on se dit que puisque ce sont les adultes qui achètent les livres aux enfants, c'est donc des enfants que se fout l'éditeur. Peu importe que l'histoire leur plaise, il faut qu'elle rassure les clients, c'est-à-dire les parents, en n'offrant aucune prise aux polémiques artificielles des réseaux sociaux. On vendra donc un Roald Dahl de bon goût, sans outrance ni violence. Sur la boîte d'une poudre que Georges Bouillon mettait dans son chaudron, on pouvait lire dans la version originale : «Poudre qui fait exploser les chiens». On lira désormais, dans la version expurgée : «Poudre qui fait sauter les chiens comme des puces». Demandez donc à des enfants quelle version ils préfèrent ! Il est tellement plus plaisant d'imaginer le chien exploser... et c'est bien ce plaisir de l'enfant qui risque d'inquiéter et de déranger les plus sérieux des parents, soucieux du message qui est communiqué à leur enfant : incitation à la haine spéciste et à la cruauté envers les animaux ? Apologie du terrorisme caniphobe ? Les histoires inoffensives sont ennuyeuses, mais elles n'offensent personne.

    Le style de Dahl est fondé sur des métaphores exagérées et des adjectifs grotesques et colorés. En s'attaquant aux mots jugés «offensants», ne s'attaque-t-on pas aussi à l'auteur ?

    En effet, Dahl est cruel avec ses personnages, aussi bien dans son langage que dans les situations qu'il imagine. Cette cruauté relève du domaine de la fiction, et c'est céder à la confusion que de la prendre pour une méchanceté visant des individus ou des groupes, qu'il faudrait protéger dans la réalité en rectifiant le texte. L'un des ressorts de la «cancel culture» que j'analyse dans Cancel ! est l'incapacité ou le refus de distinguer le réel de la fiction.

    Les romans pour enfants de Dahl sont considérés comme dangereux parce qu'ils prennent les enfants au sérieux : ils abordent la question du mal et de la perversion, par exemple lorsqu'ils mettent en scène des personnages comme les sorcières qui font du mal aux enfants au nom de ce qu'elles estiment être le «Bien». La violence est filtrée par l'humour de Dahl, qui permet aux enfants de se délecter de descriptions qui les choquent ou les repoussent par ailleurs, et d'évacuer ainsi leur tension par le rire. Les romans de Dahl permettent aux enfants de se confronter au problème ou au mystère du mal : c'est ce qui leur est aujourd'hui reproché.

    Certes, en réécrivant son œuvre, on s'attaque à l'auteur, mais ce n'est pas ce que je trouve ici le plus grave. Le plus consternant, c'est la manière dont cette réécriture s'attaque aux enfants, et insulte leur intelligence. En gommant toute trace de négativité dans les histoires qu'on leur fait lire, on présente aux enfants l'image d'un monde aseptisé, faux, dénué du moindre intérêt. Les héros de Roald Dahl sont des enfants, révoltés contre la bêtise, qui échappent, notamment par la lecture, à leur sort et à la médiocrité. C'est cette révolte qui est condamnée par les sorcières dans la fiction et par les censeurs dans les maisons d'édition, dans les deux cas sous des apparences faussement bienveillantes…

    Dans Sacrées sorcières, Matilda ou encore James et la grosse pêche, les figures d'autorité se révèlent hypocrites : les enfants protagonistes de ces œuvres ne sont pas menacés par des monstres mais par des adultes dont la haine des enfants est déguisée sous le masque de la bienveillance. Dans Sacrées sorcières, le jeune narrateur est d'abord rassuré d'avoir rencontré des «dames splendides» et des «gens merveilleusement gentils», mais la façade s'effrite rapidement : «À bas les enfants !», entend-il chanter par les sorcières.

    Il est extraordinairement ironique de constater que la réécriture qui abolit la négativité, en recouvrant les descriptions de la cruauté et de la bêtise humaines d'un masque bienveillant, s'inscrit dans la continuité de l'hypocrisie des sorcières elles-mêmes, comme s'il fallait éviter que la façade des belles apparences ne s'effrite. Ce faisant, la réécriture s'attaque directement à la liberté que ces petits héros gagnent grâce à la littérature. De Matilda, Dahl écrit : «Les livres la transportaient dans des univers inconnus et lui faisaient rencontrer des personnages hors du commun qui menaient des vies exaltantes. Ainsi navigua-t-elle sur d'antiques voiliers avec Joseph Conrad, explora-t-elle l'Afrique avec Ernest Hemingway et l'Inde avec Rudyard Kipling.» La version expurgée ne permet plus à Matilda d'emprunter ce qu'elle veut à la bibliothèque, ni de livrer les clés de son imaginaire au premier inconnu, fût-il un romancier de génie. L'imaginaire de Matilda devra désormais respecter la parité et délaisser les auteurs associés au colonialisme : «Elle a visité des propriétés du XIXe siècle avec Jane Austen. Elle est allée en Afrique avec Ernest Hemingway et en Californie avec John Steinbeck.» La surveillance des lectures des jeunes filles n'aura été négligée que durant une brève parenthèse, pendant la seconde moitié du XXe siècle : un nouveau conformisme vient prendre le relais de l'ordre moral bourgeois. Parions qu'il est voué au même échec, à condition de susciter les mêmes révoltes. Des révoltes dignes de Matilda !

    Des termes jugés «offensants» à une époque ne le sont pas à une autre. En réécrivant les livres, en fait-on un produit destiné à s'inscrire uniquement sur le temps court ?

    Cette accélération du temps, accompagnée d'une obsolescence programmée des produits culturels, est déterminée par des enjeux commerciaux : Netflix a acquis en 2021 la compagnie qui gère les droits de Roald Dahl. Tandis que Matilda découvrait et conquérait la liberté par la lecture, l'industrie culturelle souhaite transformer les romans de Dahl en un «univers» décliné en produits dérivés. Le lecteur de Charlie et la chocolaterie se rappellera comment Dahl dénonce au vitriol la débilitation des enfants par cette industrie culturelle, incarnée à l'époque par la télévision. Il n'y a pas de pire trahison de l'œuvre de Roald Dahl que la gestion actuelle de ses droits, et la réécriture des romans s'inscrit dans l'offensive idéologique de grande ampleur menée par des firmes comme Disney ou Netflix.

    La réécriture des romans de Dahl a été confiée au collectif Inclusive Minds, l'une des nombreuses officines qui se donnent pour mission d'exercer la tyrannie des minorités. On voit apparaître en français l'expression «lecteurs sensibles», pour traduire l'anglais «sensitivity readers» : il s'agit en fait de censeurs identitaires, que Salman Rushdie vient de dénoncer au sujet de l'affaire qui nous occupe comme une «police des sensibilités». L'industrie culturelle s'appuie sur la police des sensibilités pour acheter la paix auprès des entrepreneurs identitaires. Il s'agit donc d'une censure préventive fondée sur la peur de perdre de l'argent. La réécriture a pour but de neutraliser par avance toute polémique possible, ce qui tourne vite à l'absurde : les couleurs sont effacées quand il s'agit de personnes (James n'est plus «blanc de peur» dans James et la grosse pêche), mais aussi quand il s'agit d'objets : les tracteurs de Fantastique Maître Renard ne sont plus noirs…

    Dahl a été critiqué de son vivant et a même déjà été contraint de réécrire lui-même certains passages de ses romans pour enfants. En 1973, sous la pression de la National Association for the Advancement of Colored People, Dahl a partiellement réécrit Charlie et la chocolaterie. Les Oompa Loompas étaient dans la version de 1964 «une tribu de Pygmées minuscules», que Willy Wonka avait «fait venir d'Afrique» pour travailler dans son usine sans autre rémunération que des fèves de cacao. Sans reconnaître de racisme dans la version originale, Dahl a accepté de faire des Oompa Loompas des créatures issus du «Loompaland» à la «peau blanche rosée».

    On connaît aujourd'hui les préjugés racistes, notamment antisémites, de Roald Dahl. Faut-il donc craindre que son œuvre soit contaminée, ou toxique ? On ne le saura qu'en examinant le texte qu'il a écrit, et de ce point de vue aussi la réécriture est une absurdité, puisqu'elle ne fait que camoufler les vices que certains prêtent à l'œuvre.

    Non seulement la réécriture s'inscrit dans un temps très court, puisqu'il faudra à chaque réédition opérer une mise à jour idéologique ou une mise en conformité avec les dernières normes du conformisme moral, mais elle fait échapper l'œuvre à l'Histoire : les romans de Dahl n'appartiennent plus à leur époque, datée par ses préjugés, mais elle est revue et corrigée à l'aune de nos propres préjugés. Réécrire les œuvres du passé au lieu de les analyser et de les critiquer, cela revient à réécrire l'Histoire en fonction de nos désirs. Ce n'est plus une démarche critique, mais la fuite en avant dans la production d'un délire qui s'oppose au réel, à la façon des mensonges totalitaires.

    Par ailleurs, cette réécriture ne montre-t-elle pas aussi une ignorance et un mépris absolus du processus d'écriture ? Un livre est-il la somme de n'importe quels mots ?

    Ce qui me frappe dans la version réécrite de l'œuvre de Dahl, c'est son caractère impersonnel. Le collectif Inclusive Minds qui a expurgé les textes indique sur son site qu'il travaille à «une représentation plus authentique» et à une «meilleure inclusion» dans les livres pour enfants. Dans le projet du collectif, les personnages de fiction sont censés représenter les lecteurs et leurs différentes identités, en leur ressemblant. Il faut donc gommer tout ce qui pourrait empêcher dans cette optique l'enfant d'aujourd'hui de s'identifier au personnage, et effacer en particulier la différence sexuelle. Ainsi les «père et mère» deviennent «les parents», les «garçons et filles» deviennent «les enfants», etc. Considérons le passage de La Potion magique de Georges Bouillon où la grand-mère de Georges lui demande de manger des chenilles : «Les chenilles rendent intelligent, dit la vieille femme. — Maman lave soigneusement les feuilles de chou, répliqua Georges. — Maman est aussi idiote que toi, affirma Grandma. Le chou n'a aucun goût sans quelques chenilles bouillies, ni sans limaces.» La version réécrite en 2022 remplace évidemment les phrases où il est question de «Maman» par «Papa et Maman». «Papa et Maman lavent les feuilles de chou», dit Georges. «Papa et Maman sont aussi idiots que toi», déclare Grandma. Ce que l'on gagne en inclusion, puisque Papa et Maman se partagent les tâches ménagères aussi bien que les insultes de leur mère et belle-mère, on le perd en acuité psychologique.

    La sorcière est contrainte par la censure à entretenir exactement la même relation avec sa fille et son gendre, alors qu'elle détestait chacun d'une manière spécifique. L'histoire perd tout son sel si les relations deviennent interchangeables. Le domaine spécifique de la littérature de fiction, c'est le particulier et non le général. Un roman peut atteindre l'universel à travers la description d'une situation singulière, mais s'il vise le général il rate sa cible à coup sûr. Roald Dahl a minutieusement choisi les mots qui décrivent le mieux les situations spécifiques qu'il a imaginées, avec son humour cruel. Ces modifications n'aideront personne à mieux s'identifier aux personnages (il n'y a jamais eu besoin de ressembler aux héros à qui l'on s'identifie), mais elles sonnent si creux qu'elles font la preuve par l'absurde que les personnages ne servent pas à représenter les lecteurs. Le lecteur, qu'il soit enfant ou adulte, préférera toujours un personnage différent de lui mais spécifique, singulier, plutôt qu'une abstraction conceptuelle censée représenter de façon plus inclusive des identités plus ouvertes.

    On peut aussi établir un rapprochement avec la récente version de ChatGPT : au jeu du conformisme, de la pauvreté syntaxique et du vocabulaire univoque, l'intelligence artificielle risque, à terme, de nous battre. La liberté de ton n'est-elle pas aussi un rempart face à l'IA ?

    Là où ChatGPT fabrique du même, en recyclant des discours préalablement digérés, l'œuvre littéraire confronte à l'autre. Cette altérité peut bousculer, mais le vrai respect de l'enfant n'est pas d'éviter de le heurter, c'est de respecter la singularité de son intelligence. Au lieu de l'enfermer dans le conformisme, il faut lui donner à lire les livres qui lui permettront de sortir de lui-même pour qu'il s'ouvre à de nouvelles perspectives, qu'il découvre des formes culturelles et artistiques complexes et ambiguës ne servant aucune cause et ne se réduisant à aucun message, mais qui lui permettront d'enrichir ses moyens d'appréhender le monde.

    L'œuvre de Roald Dahl répond magnifiquement par anticipation à l'entreprise de nivellement linguistique et de censure idéologique dont elle est victime, et en cela elle confirme son statut d'œuvre littéraire. Les Oompa Loompas de Charlie et la chocolaterie nous adressent un message plein de nostalgie mais aussi d'espoir :

    «Que faisiez-vous, étant petits
    Pour vous vitaminer l'esprit ?
    C'est oublié ? Faut-il le dire
    Tout haut ? LES… ENFANTS… SAVAIENT… LIRE !»

    Hubert Heckmann (Figaro Vox, 22 février 2023)

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  • Tolkien en Amazonie...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par David Engels au site de la maison d'édition Jungeuropa et consacré à l'"adaptation" de l’œuvre de Tolkien, dont il est un fin connaisseur, dans une série produite par Amazon, qui sera diffusée en septembre 2022.

    Historien, essayiste, enseignant chercheur à l'Instytut Zachodni à Poznan après avoir été professeur à l'Université libre de Bruxelles, David Engels est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a  également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020). 

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    « Le Seigneur des Anneaux sur Amazon prime » : entretien avec le Professeur David Engels

    Cher Monsieur Engels, attendez-vous avec autant d’impatience que nous tous la série d’Amazon consacré au Seigneur des Anneaux et intitulé Les Anneaux de pouvoir ? Et pourquoi ?

    Absolument. Déjà, j’avais attendu avec une grande curiosité l’adaptation du Seigneur des Anneaux et du Hobbit, et comme je considère personnellement les récits du Silmarillion comme la partie la plus intéressante de l’œuvre de Tolkien, on peut très bien imaginer l’impatience qui est la mienne. Mais, en même temps, je suis conscient que le climat idéologique actuel rendra difficilement possible une adaptation qui soit conforme à l’esprit de l’œuvre de Tolkien ; à l’impatience se mêle donc déjà une bonne part de crainte, laquelle devient de plus en plus fondé compte tenu des informations qui ont filtré jusque là.

    A quoi vous attendez-vous après le visionnage de la première bande-annonce de la série ?

    Désormais, je crains comme beaucoup d’autres , que s’agissant de la conception de la série, on ne puisse supporter avec un plaisir coupable que sa « fabrication technique » mais pas la série elle-même. Celle-ci semble avoir peu à faire avec les véritables orientations données par les textes et vouloir imposer la politisation redoutée d’une façon si simpliste qu’on s’en énervera probablement de la première à la dernière minute. Elfes à la peau noire, reine des Nains, femmes chefs de guerre fortement émancipées, écrasement totalement absurde de la chronologie de Tolkien, qui s’étale sur des siècles, sur quelques années seulement, introduction de nombreux personnages non-canoniques – tout cela laisse craindre le pire.

    Amazon adapte ce qui se déroule avant les livres du Seigneur des Anneaux – le mot clef étant « adapter ». Jusqu’à quel point peut-on transformer le matériau de départ ? Il y e beaucoup d’adaptations, de « remakes », qu’importe, qui effectivement ont leur charme propre ; on pense simplement à « Pour une poignée de dollars », « Scarface », etc.

    A l’évidence, c’est bien logique que lors du passage de l’écrit au film, certaines libertés doivent être prises, pour adapter le récit littéraire à un médium d’une toute autre nature. Mais cela ne signifie pas nécessairement une trahison de l’esprit de l’œuvre. Le compromis trouvé dans l’adaptation du Seigneur des Anneaux était très acceptable (à quelques exceptions près comme les épisodes manquants comme celui sur la Vieille Forêt et Tom Bombadil et celui fondamental du « Nettoyage de la Comté »). Déjà le Hobbit était d’un point de vue cinématographique une catastrophe ; la matière du récit était considérablement plus courte et plus simple que celle du Seigneur des Anneaux mais devait être présentée dans une durée épique équivalente de telle sorte qu’on devait l’enrichir d’innombrables scènes d’action. Là où on avait encore l’impression, avec le Seigneur des Anneaux, d’une narration qui, dans l’ensemble, fonctionnait, s’imposait avec le Hobbit, le sentiment d’un remplissage permanent qui étouffait la véritable intrigue. Cela sera probablement encore plus gravement accentué avec les récits des deuxième et troisième âges de la Terre du Milieu, car ceux-ci ne couvrent que quelques pages et devront donc être complétés avec nombre de personnages et d’intrigues pour lesquels Tolkien n’a donné aucun modèle. A cette fin, il y aurait besoin d’un esprit presque génial, sans parler de la grande difficulté qu’il y a à saisir le style « biblique » du Silmarillion et le formidable contenu métaphysique de la « création secondaire » de Tolkien – une attente qui sera probablement difficile à satisfaire.

    Quelle est la base de l’univers du Seigneur des Anneaux ? Quelle est l’essence qui doit rester indestructible ?

    La véritable essence de l’univers de Tolkien – en tous les cas pour moi – est la recherche permanente par le héros véritable du Vrai, du Beau et du Bien, qui, en raison de l’insuffisance de toutes les créatures terrestres, est vouée à l’échec, si elle n’est pas récompensée d’en-haut, à la dernière seconde, par la victoire – naturellement une victoire au goût amer, toujours liée avec la prise de conscience que pouvoir remporter le succès n’est pas tant un droit qu’une grâce. La victoire du héros tolkiénien est par conséquent juste une récompense de sa quête et non le résultat direct de sa propre action héroïque – une conception profondément chrétienne, véritablement catholique qui est très opposée aux conventions en vigueur à Hollywood.

    Un autre point serait la vision tokiénienne caractéristique de l’esthétique, laquelle est également profondément ancrée dans l’idée chrétienne de la nature épigonale de chaque époque : par rapport à la beauté du monde à son origine, chaque époque ultérieure, avec sa création est marquée par la chute et la dégradation, mais porte une valeur croissante de par la souffrance liée à ce déclin et est ainsi soumise, malgré toute la nostalgie, à un processus de spiritualisation ; de même la lutte entre le bien et le mal, qui est à l'origine incarnée par différentes puissances réelles telles que les dieux et les monstres, se replie (ou est perçue) de plus en plus dans le conflit qui fait rage à l’intérieur de l’âme humaine. Ces idées non seulement conservatrices mais même, vraisemblablement, très réactionnaires sont d’évidence profondément étrangères à l’esthétique classique américaine, qui repose sur la quantité, la croyance dans le progrès et la naïve vision de l’homme de l’ « American Dream »… et même diamétralement opposée sur chaque point à l'idéologie marxiste culturelle actuellement dominante.

    Pourquoi Amazon s'est-il aventuré dans la matière du Seigneur des anneaux ?

    Je soupçonne trois raisons. D'une part, la production de la série coïncide avec la mort de Christopher Tolkien, qui avait jusqu'alors géré l'héritage de son père et l'avait largement défendu contre toute tentative de le déformer. Il semble qu'après sa mort, le "Tolkien Estate" ait adopté une attitude beaucoup plus libérale, certainement en grande partie pour des raisons économiques.

    Cela nous amène déjà au deuxième point, à savoir la perspective quasi-certaine, compte tenu du succès gigantesque des précédentes adaptations de Tolkien, ainsi que des séries autour de Game of Thrones de Martin ou de Wiedźmin ("The Witcher") de Sapkowski, de tirer d'une nouvelle adaptation de l'œuvre de Tolkien un plus grand profit financier.

    Un troisième aspect réside sans doute dans la fascination que l’œuvre de Tolkien exerce encore aujourd'hui, fascination à la base de l’attirance de nombreux cinéastes et que l'on peut honnêtement supposer partagée par une partie des initiateurs de la série Amazon, même si l'on peut se demander si l'enthousiasme pour la matière est effectivement lié à la compréhension de l'esprit qui la traverse et la maintient.

    Amazon n'est pas la seule entreprise qui semble renoncer à d'éventuels chiffres d'affaires plus élevés au profit du "politiquement correct". Marvel, Star Wars et bien d'autres encore se plient ces derniers temps aux "exigences" du temps - et scandalisent de nombreux "fans" invétérés. De nombreux projets de ce type se sont soldés par un échec, notamment sur le plan financier. Comment expliquez-vous ce comportement ? Après tout, il s'agit là de "grands acteurs" dans leur domaine respectif, qui devraient en fait se préoccuper avant tout de profits ...

    La pression du politiquement correct, dans les faits, est devenue si forte que tous les projets culturels qui veulent se soustraire aux directives de la nouvelle idéologie hégémonique sont en grande partie voués à l'échec ou doivent rester de purs produits de niche. Celui qui veut obtenir les critiques positives des médias et les prix habituels du cinéma dans le cadre à la fois très compétitif et égalitaire de l'industrie cinématographique moderne doit se soumettre à ce diktat, bon gré mal gré.

    Mais en même temps, il faut présumer chez de nombreux créateurs de la nouvelle série d'Amazon une conviction réelle, bien que mal placée, de faire ce qui est juste en adaptant les aspects apparemment "démodés" de l'univers de Tolkien aux "attentes" d'une époque contemporaine apparemment éclairé. Certains pensent même peut-être sincèrement rendre service à Tolkien en "sauvant" le contenu prétendument "important" de ses récits en les adaptant aux impératifs de la modernité et en racontant l'histoire telle que soi-disant Tolkien la raconterait aujourd'hui ...

    Dans les faits, c'est bien sûr tout le contraire qui se produit : Tolkien ne peut pas être considéré comme un simple conteur d'histoires qu'il s'agit de présenter sous un jour toujours nouveau, mais il était déjà à sa propre époque un auteur profondément conservateur, intempestif et réactionnaire, comme il le savait bien lui-même et l'admettait régulièrement. La vision du monde de Tolkien n'est donc pas qu'un simple ajout accessoire à ses "histoires", bien au contraire, les "histoires" elles-mêmes ne sont que l'habillage d'une orientation spirituelle fondamentale très spécifique. Si l'on se contente de respecter les intrigues de Tolkien tout en les adaptant aux exigences normatives du climat politique contemporain, le résultat peut effectivement rappeler en surface le Silmarillion, mais en trahir l'âme véritable.

    En Pologne, la société a une structure plus conservatrice, du moins par rapport à l'Europe occidentale. Quelle est donc, selon vous, la probabilité que le téléspectateur polonais - moyen - et le "fan" de Tolkien se révèlent immunisés contre les infections virales "woke" ? Ou est-ce qu'entre Poznan et Varsovie, Gdansk et Katowice, l'ouverture à l’inversion de toutes les valeurs et à l'agenda libéral de gauche est aussi à l’ordre du jour ?

    En effet. En Pologne aussi, de nombreux jeunes ont subi de plein fouet l’inversion de toutes les valeurs, et il est fort à craindre que cette série n’y contribue encore plus en transformant un auteur, qui a toujours été jusqu'à présent l'un des témoins principaux du conservatisme européen, en son exact contraire, et à en faire une figure de proue du wokisme, de sorte que les jeunes qui ne connaissent son œuvre qu'au travers des adaptations cinématographiques correspondantes passeront complètement à côté du véritable esprit de Tolkien. S'ils devaient lire ses œuvres, ils les interpréteraient faussement à travers le prisme de la consommation préalable via les médias - une véritable catastrophe qui n'est pas sans rappeler la prédiction suivante d'Orwell dans 1984 : "Toute la littérature du passé sera détruite. Chaucer, Shakespeare, Milton, Byron - ils n'existeront plus que dans des versions en novlangue. Ils ne seront pas transformés en quelque chose d'autre, mais ils seront le contraire de ce qu'ils étaient jusqu'à présent".

    Pourquoi choisir un scénario concernant le Second Âge, qui n'est familier qu'à ceux qui ont lu le Silmarillion ?

    J'ai lu un jour qu'Amazon n'avait formellement acquis que les droits du Seigneur des Anneaux, où la chute de Númenor est décrite à plusieurs reprises de manière directe et assez explicite (surtout dans les annexes), contrairement aux événements du Premier Âge, qui ne sont évoqués que de manière très vague et allusive. Mais ce qui a certainement été déterminant pour Amazon, c'est le souhait de pouvoir se rattacher à des thèmes déjà connus du spectateur, comme les anneaux de pouvoir, les cavaliers du Rohan ou les hobbits, que l'on chercherait en vain dans le Premier Âge de la Terre du Milieu.

    Est-il possible de porter la Terre du Milieu à l'écran ? 

    Un récit littéraire vit toujours de ce qui est laissé à la pure imagination du lecteur, et c'est particulièrement vrai dans le cas du Silmarillion, puisque le texte ne nous offre qu'une description très rudimentaire, souvent presque sous forme de chronique, de l'action proprement dite, de sorte qu'il revient à l'imagination du lecteur de transposer de manière ingénieuse le style littéraire général et l'ambiance du récit dans le cadre concret imaginé. En d'autres termes, une certaine ambiance se dégage de la narration, que le lecteur transfère ensuite automatiquement, bien que de manière largement inconsciente, dans l’élaboration du décor de l'action elle-même. Si l'on veut transposer cette dialectique dans un film, il faut faire preuve d'un grand tact, ce qui, je le crains, n'est pas le cas des créateurs de la série Amazon.

    En supposant que nous récoltions suffisamment d'argent par le biais de "fundraisers" pour le projet, à quoi ressemblerait votre adaptation de Tolkien ? S'agirait-il d'une série ou d'un blockbuster ? À quelle époque se déroulerait-elle et quel degré de blancheur aurait la distribution ?

    Étant donné que le Seigneur des Anneaux et le Hobbit ont déjà été adaptés au cinéma d'une manière difficilement égalable pour au moins une génération, il y avait peu d'alternatives. Personnellement, j'aurais préféré une adaptation cinématographique de certaines histoires du Premier Âge, comme celles de Beren et Luthien, de Turin Turambar ou de la chute de Gondolin, des histoires que Tolkien avait élaborées de manière beaucoup plus romanesque et détaillée que le récit de la chute de Numenor, qui est essentiellement une chronique, et qui auraient pu être transformées de manière assez élégante en épisodes de longue durée, mais néanmoins cohérents.

    En ce qui concerne la couleur de peau des personnages, elle est déterminée par les descriptions explicites de Tolkien lui-même et, du moins en ce qui concerne les elfes et une grande partie des humains, elle est manifestement blanche. C'est d'ailleurs logique si l'on considère que Tolkien voulait à l'origine, par son immense activité littéraire, créer une "mythologie pour l'Angleterre" et qu'il considérait très explicitement les régions et les peuples décrits comme les précurseurs de ceux de l'Europe du Nord-Ouest actuelle. Compte tenu de l'objectif semi-historique de son œuvre et du fait que l'apparence physique de la plupart des peuples correspond à peu près à leur situation correspondante dans le monde actuel (blanc dans le nord-ouest ; brun dans les déserts au sud du Gondor ; noir dans les régions de jungle d'où proviennent les olifants), il est totalement absurde d’accommoder ce modèle à la sauce multiculturelle pour des raisons politiques.

    Dans une adaptation cinématographique de légendes chinoises, attribuerait-on les rôles principaux à des personnes noires ou caucasiennes ? Bien sûr, il faudrait être assez conséquent pour éviter également toute autre stylisation physionomique des héros de Tolkien : le fait que les elfes (ou les hobbits) possèdent des oreilles pointues n'est attesté nulle part dans son œuvre, dans laquelle les elfes et les humains ne peuvent être distingués que par leur beauté ...

    Merci beaucoup pour cet entretien !

    David Engels (Blog de Jungeuropa, 8 mars 2022)

     

    (Traduction Métapo infos, avec DeepL)

     

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  • La tyrannie juridique du politiquement correct...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bruno Mégret cueilli sur Polémia et consacré à l'état de droit comme outil permettant au système de maintenir son emprise sur la société.

    Ancien haut-fonctionnaire, numéro 2 et organisateur du Front national dans les années 90, puis fondateur du Mouvement national républicain, Bruno Mégret est retiré de la politique depuis 2008 et a publié en 2016 un roman de politique-fiction intitulé Le temps du phénix.

     

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    L’État de droit ou la tyrannie juridique du politiquement correct

    Depuis quelques années, l’État de droit est devenu la nouvelle formule magique des apôtres du politiquement correct. Une formule qui revient de façon récurrente dans le discours de tous ceux qui défendent le statut quo. Après les droits de l’homme, après les valeurs de la République, l’État de droit est aujourd’hui le principal outil du Système pour maintenir son emprise idéologique sur la société et sur la nation.

    L’État de droit, un montage idéologique pernicieux

    Le dispositif est monté de façon particulièrement pernicieuse car, au premier abord, l’État de droit renvoie à l’idée qu’il faut à notre pays un cadre constitutionnel et législatif pour régir la vie nationale. Or qui aujourd’hui pourrait s’opposer à cette exigence et prôner l’arbitraire et le bon plaisir des puissants ? La formule de l’État de droit est donc censée s’imposer comme une évidence démocratique incontestable. Mais derrière cette première lecture, l’État de droit renvoie à un autre concept bien différent : celui selon lequel l’État doit être soumis au droit. Ce qui signifie que l’État, en l’occurrence la nation et donc le peuple, doivent être subordonnés aux juges qui disent et incarnent le droit.

    Le Conseil constitutionnel contre la souveraineté du peuple

    Or ce concept est déjà mis en application dans notre pays par le Conseil constitutionnel qui s’est arrogé le pouvoir de censurer les lois pourtant votées par les représentants du peuple souverain. Pour écarter les textes jugés non conformes, ce dernier n’hésite plus en effet à prendre des décisions d’opportunité aux fondements juridiques parfois plus qu’incertains. De plus, au-delà de cette instance suprême qui contrôle le législateur, le dispositif de l’État de droit  se trouve encore renforcé par l’influence grandissante du Conseil d’État et des juridictions administratives qui, n’hésitant plus à juger en opportunité des actes du gouvernement et de ses représentants, brident, eux aussi, l’action de l’exécutif.

    Le gouvernement des juges, une tyrannie juridique

    Ainsi a été mis en place un dispositif juridique qui limite le champ d’action des gouvernants comme des législateurs. Et, bien sûr, ce dispositif juridique, entièrement habité par l’idéologie politiquement correcte, s’oppose à tous les textes législatifs et réglementaires qui ne sont pas politiquement corrects. En d’autres termes, l’État de droit implique que le peuple n’est plus pleinement souverain ni totalement libre de ses choix et de son destin mais qu’il doit être enfermé dans un cadre juridique infranchissable fixé et défendu par le pouvoir judiciaire. Un pouvoir qui place ainsi sous sa tutelle le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. L’État de droit, c’est le gouvernement des juges et leur tyrannie juridique.

    Dénoncer l’État de droit pour rendre le pouvoir au peuple

    Il n’est donc pas étonnant que les Français aient l’impression que leur vote ne sert à rien. Quel que soit leur choix, les élus qu’ils désignent sont aujourd’hui condamnés à rester dans l’enclos délimité par l’État de droit.  Aussi est-il essentiel de dénoncer cette imposture et de libérer le politique de cette contrainte paralysante qui prive le peuple de son pouvoir. L’État de droit est un concept qui n’a en réalité aucune légitimité. Il n’existe que sous un vocable inconnu il y a encore quelques années et qu’on ne trouve d’ailleurs ni dans le texte de la constitution ni dans  aucune loi.

    Réformer le Conseil constitutionnel pour rétablir la démocratie

    Pour rétablir la démocratie, rendre sa puissance au politique et se donner les moyens de relever les défis migratoires et civilisationnels qui menacent la France, il est donc essentiel de réformer les institutions  qui concourent aujourd’hui à cette tyrannie juridique, à commencer par le Conseil constitutionnel qui doit perdre son pouvoir de censurer les lois.

    La question de l’État de droit devrait être au cœur des débats de la présidentielle. Il est dramatique que ce ne soit pas le cas.

    Bruno Mégret (Polémia, 28 janvier 2022)

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  • Novlangue & co...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site son site personnel et consacré aux "langues de pouvoir".

    Spécialiste de la stratégie et de la guerre de l'information, François-Bernard Huyghe enseigne à la Sorbonne et est l'auteur de nombreux essais sur le sujet, dont, récemment, La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015), Fake news - La grande peur (VA Press, 2018), Dans la tête des Gilets jaunes (VA Press, 2019) avec Xavier Desmaison et Damien Liccia, et dernièrement L'art de la guerre idéologique (Cerf, 2019).

     

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    Novlangue & co

    La plupart des lecteurs conviendront que la langue ( un système de signes a priori fait pour cela) sert à communiquer. Mais elle fait aussi intérioriser un pouvoir : utiliser certains mots, d’une certaine façon, interdit de penser ou oblige à penser.

    Parmi les langues de pouvoir, nous distinguerons trois familles (ou trois logiques principales) : la famille jargon, la famille novlangue et la famille langue de coton. Étant entendu qu’il y a énormément de mariages et cousinages entre les trois branches.

    Les jargons sont des langues spécifiques à des catégories sociales ou professionnelles. Ils permettent de se comprendre à l’intérieur d’un cercle et d’exclure les non-initiés (comme les argots dans les groupes marginaux). Globalement, un jargon sert à s’identifier à une communauté (« je maîtrise les codes »), et à faire sentir aux autres qu’ils n’en sont pas (« ils ne comprennent pas »). Il en résulte souvent, grâce à des termes ésotériques, techniques ou savants, un effet de persuasion (« puisque je ne comprends pas, ce doit être vrai »). La sidération fonde l’autorité. Et le mystère, la soumission.

    La novlangue a une origine bien précise : le génial roman d’Orwell 1984 décrit comment le pouvoir de Big Brother développe scientifiquement un néovocabulaire et une néosyntaxe. Le but est de remplacer l’ancienne langue naturelle par le newspeak. La fonction est d’empêcher la formulation de toute critique afin de produire une soumission idéologique. Pour cela, des bureaucrates suppriment une partie du vocabulaire et réassignent un sens nouveau à d’autres (le fameux « la guerre, c’est la paix, la vérité, c’est le mensonge »). L’usage révisé devient obligatoire et, dans les mots forgés par le parti, s’exprime l’adhésion à la doctrine. Toute représentation de l’histoire et de la réalité est parallèlement modifiée par les médias et les archives sont réécrites suivant la ligne politique. Le système repose sur le couple interdiction plus automaticité. Les phrases, purifiées des mots inutiles, s’enchaînent pour mener aux conclusions souhaitées. Parallèlement, la « doublepensée » permet d’assumer des contradictions évidentes. Essentiellement idéologique, la novlangue suppose un ennemi, coupable du mal par excellence : la « crimepensée », c’est-à-dire le seul fait de concevoir (et nommer) le monde autrement que Big Brother.

    « Tous les concepts nécessaires seront exprimés chacun exactement par un seul mot dont le sens sera rigoureusement limité. Toutes les significations subsidiaires seront supprimées et oubliées… La Révolution sera complète quand le langage sera parfait. »

    George Orwell, 1984.

    Certes la novlangue n’a jamais été parlée que dans le roman, mais elle se réfère à la « sovietlangue », ou langue de bois soviétique, outil historique d’une logocratie : une parole officielle formalisée et dont la répétition obligatoire s’impose à tous. Elle sert à occulter la réalité (les échecs du régime ou les contradictions de la doctrine). Elle contraint chacun à feindre de croire en un monde imaginaire où ladite doctrine fonctionnerait parfaitement. Mentionnons aussi une LTI (« lingua terti imperi », langue du Troisième Reich) nazie que s’imposaient les membres du parti. Totalitarisme et contrôle du langage entretiennent un lien évident. La recherche de la prévisibilité maximale : conformité de toute parole, même dans des échanges privés. Donc contrôle maximal des esprits qui ne maîtriseront plus de codes pour penser autrement.

    La troisième catégorie de notre typologie ne fonctionne pas par les conventions d’une minorité ou par la contrainte des autorités : elle est si consensuelle, si peu discriminante, si floue qu’il n’est plus possible de dire le contraire. Cette « langue de coton » a particulièrement fleuri à la fin des années 1980, dans les discours médiatique, politique et technocratique. Irréfutable parce que l’on ne peut pas énoncer la thèse opposée, elle dit des choses tellement imprécises ou moralement évidentes qu’il est impossible de savoir à quelle condition son message pourrait être reconnu faux tant il offre d’interprétations. On reconnaît la langue de coton à ce que ses concepts sont interchangeables. Les mêmes mots peuvent servir à parler de n’importe quoi d’autre.

    « Cela dit, dès que l’on échappe au physicalisme des rapports de force pour réintroduire les rapports symboliques de connaissance, la logique des alternatives obligées fait que l’on a toutes les chances de tomber dans la tradition de la philosophie du sujet, de la conscience, et de penser ces actes de reconnaissance comme des actes libres de soumission et de complicité. »

    Interview non parodique de Pierre Bourdieu parue dans Libération en 1982.

    En résumé, les jargons jouent sur le ressort de l’incompréhension (sens ésotérique), les novlangues et sovietlangues sur l’interdiction et la prescription (sens obligatoire) et la langue de coton par exclusion de la critique (vidée de sens).

    Politiquement correct et écriture inclusive

    Cela posé, à quoi ressemblent les langues idéologiques d’aujourd’hui ? Le lecteur se doute que nous allons répondre : un peu des trois. Mais d’autres facteurs plus récents s’ajoutent.

    Le premier est le « politiquement correct ». Dans la décennie 1980, on commence à employer l’expression aux États-Unis (vite abrégée en PC pour political correctness). Ce sont des formules et vocables qui se réclament d’une vision ouverte et moderne du monde. Elle impose de reformuler les façons anciennes de nommer certaines catégories de gens ou certaines notions. Non seulement le PC multiplie les interdits et les expressions figées (avec périphrases ridicules), mais il le fait au nom d’un impératif : ne pas offenser telle catégorie – minorités ethniques, femmes – telle forme de sexualité, tel handicap, tel mode de vie, telle conviction. Le tout pour ne pas discriminer. Des phrases sont bannies non parce qu’elles seraient fausses (rappelons que nommer, c’est discriminer, pour bien distinguer ce dont on parle de tout le reste), mais parce qu’elles provoqueraient une souffrance ou une humiliation. Elles révéleraient une domination. Le parler ancien serait plein de stéréotypes, globalement imposés par les hommes blancs hétérosexuels prospères et conservateurs. Lexique et grammaire (prédominance du masculin en français) refléteraient un rapport de pouvoir à déconstruire. Pour le remplacer par un langage convenu (par qui, au fait ?) et de nouveaux rapports de respect et de tolérance.

    Ce raisonnement repose sur trois présupposés. D’abord que ceux qui ont produit la langue jusqu’à présent (le peuple et les écrivains) ignoraient la nature oppressive de la langue et, partant, étaient complices des dominants. Seconde idée : une minorité éclairée est, elle, en mesure de déconstruire le complot séculaire et de fixer les bonnes dénominations source des bonnes pensées. Troisième postulat : imposer la pensée correcte par les mots rectifiés, c’est supprimer la source du mal, dans la tête. Cela permet de criminaliser toute critique : par les mots mêmes que vous employez, ou votre refus du PC, vous êtes du côté des oppresseurs et des abrutis. Donc vous ne pensez pas vraiment : votre tête est pleine de stéréotypes dont nous allons vous guérir.

    À un degré plus avancé, se développe l’écriture inclusive, qui, au mépris de la grammaire, impose des contorsions destinées à établir l’égalité entre masculin et féminin. Le but est que personne ne puisse se sentir mal représenté ou lésé par l’orthographe. Double bénéfice : ceux qui l’adoptent se forment au dogme et ceux qui la maîtrisent manifestent leur supériorité morale. On gagne à tous les coups : qui ne parle pas comme moi (par exemple, qui doute de la « théorie du genre ») ne pense littéralement pas, il a des fantasmes et des haines. Et comme la langue est performative (elle a des effets dans la vie réelle), il est comme responsable de quelques crimes relevant du sexisme, du patriarcat, du colonialisme.

    Amusant paradoxe : si la novlangue de Big Brother s’assume comme langue d’autorité, le politiquement correct se pare des prestiges de la critique. S’il s’impose c’est, disent ses partisans, pour nous libérer et parce que nous étions aliénés. Ce qui lui permet, en toute bonne conscience, de transformer des opinions adverses en délits. Le jour où nous parlerons comme des robots, nous serons totalement libres.

    Marqueurs progressistes et marqueurs conservateurs

    Bien entendu, la plupart des éditorialistes ou des hommes politiques ne parlent pas comme des décoloniaux intersectionnels queers. Leur discours, surtout à l’heure du « en même temps », fonctionne plus banalement avec un stock de mots éprouvés et rassurants : compétitivité, ouverture, société civile, transition écologiste, parité, décentralisation, attentes sociétales, participation citoyenne, dimension européenne, dialogue. La tendance à la standardisation se renforce avec des tics verbaux comme « être en capacité de » ou « dans une logique de dialogue ». De ce point de vue, le discours macronien n’est pas fondamentalement différent de la rhétorique progressiste libérale-libertaire typique des classes dominantes européennes. Mélangeant parler technolibéral et inévitable appel aux valeurs, il opte pour le sens le moins discriminant possible et les affirmations les plus tautologiques et morales. Le tout sous le chapeau du « progressisme », dont on croit comprendre qu’il consisterait à accorder plus de droits et de libertés à chacun dans un cadre de prospérité et de sécurité. Difficile d’être férocement contre.

    Le problème de cette néo-langue de coton est qu’elle suscite deux fortes oppositions, celle du réel et celle de couches sociales rétives au parler d’en haut.

    Une grande partie du discours des élites consiste, sinon à dire que tout va bien et qu’il n’y a pas d’alternative, du moins à faire oublier les réalités déplaisantes. D’où un code du déni. Le citoyen moyen a une idée de ce que cachent des euphémismes comme : mineurs non accompagnés, dommages collatéraux, drague qui a mal tourné, individu déséquilibré muni d’un couteau, islamiste modéré, échauffourées dans un quartier sensible, faire société, croissance négative ou restructuration de l’entreprise.

    L’autre menace pour la langue dominante serait que les dominés ne la pratiquent guère. Quiconque a fréquenté un rassemblement de Gilets jaunes a compris que l’on n’employait pas les mêmes périphrases que sur les plateaux de télévision et dans les beaux quartiers. Mais il y a plus : quand une domination idéologique recule, cela se traduit aussi par une lutte du vocabulaire. En sens inverse : de repentance à bobos, de mondialisme à immigrationnisme, d’oligarchie à extra-européen, d’islamo-gauchisme à dictature de la bien-pensance, certains termes sont devenus des marqueurs conservateurs. Autant de termes mauvais à dire et de thèmes mauvais à penser pour les tenants d’une hégémonie qui se réclame du progrès et de l’ouverture.

    Sans parler des lois contre les fake news, de la lutte contre le discours de haine, les bons esprits veulent démasquer et endiguer le discours réac paré d’un charme sulfureux anti-establishment et subversif. D’autant qu’il dénonce la censure conformiste et le totalitarisme latent des bien-pensants en un singulier retournement. Du coup, on s’inquiète de la montée intellectuelle du « national-populisme ». Comme si un certain héritage – Lumières, Mai 68, multiculturalisme – était menacé par une « révolte contre la révolte » des réactionnaires. Et comme si leur reconquête intellectuelle passait aussi par les mots.

    Certains termes agissent comme des déclencheurs. Ainsi, même en période de coronavirus et tandis que de nombreux pays ferment les leurs, le seul emploi du mot « frontière » suscite un rire méprisant et un soupçon politique (« relents identitaires » ?). Peuple, nation, dictature médiatique, élites, étranger, oligarchie, islamiste, culture, identité, sont des marqueurs dont l’emploi sur un plateau de télévision ne peut que déclencher en riposte un « mais qu’entendez- vous par là ? » ironique. La question est en réalité une mise en cause destinée à bien marquer la différence entre, d’une part, un langage totem démocratique apaisé d’ouverture qui va de soi, et, d’autre part, des termes tabous qui pourraient bien dissimuler des stéréotypes archaïsants, des arrière-pensées suspectes et le début d’un langage totalisant.

    On répète souvent la phrase de Confucius, « pour rétablir l’ordre dans l’empire il faut commencer par rectifier les dénominations », ou celle de Camus, « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Et c’est vrai. Mais encore faut-il se rappeler que le désordre et la confusion des mots servent les détenteurs d’un pouvoir : celui de nommer ou d’occulter.

    François-Bernard Huyghe (Le site de François-Bernard Huyghe, 28 décembre 2021)

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  • L’université sous la coupe du politiquement correct...

    Dans son émission vidéo Fenêtre sur le monde, en date du 28 janvier 2021, Jean-Baptiste Noé, rédacteur en chef de la revue Conflits revenait sur les restrictions des libertés intellectuelles à l’université, avec ses deux invités : Frédéric Rouvillois, professeur de droit, et Alcyde Le Poder, membre du Cercle Droit & Liberté.

     

                                                

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