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panthéisme

  • Ezra Pound face aux marchands du temple...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Adriano Scianca au site de la revue Éléments dans lequel il évoque la figure du poète Ezra Pound. Journaliste italien, rédacteur en chef du quotidien Il Primato Nazionale et de la revue Prometheica, Adriano Scianca est notamment l’auteur de Casapound, tout se réapproprier (Editions Némésis, 2019) et de Ezra Pound et le sacré (La Nouvelle Librairie/Iliade, 2023).

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    Ezra Pound face aux marchands du temple : les explications d’Adriano Scianca

    ÉLÉMENTS : Comment expliquer la prise de conscience identitaire latine chez Ezra Pound dont l’origine et les repères culturels sont d’abord anglo-saxons ?

    ADRIANO SCIANCA. En effet, il n’est pas rare que des personnalités issues d’autres contextes culturels retrouvent une partie d’eux-mêmes dans le monde méditerranéen. Il suffit de penser à Nietzsche et à sa relation avec l’Italie. Il s’agit évidemment de personnalités qui remettent en question quelque chose dans leur monde culturel d’origine et qui, confrontées au climat (géographique, anthropologique, spirituel) méditerranéen, redécouvrent la possibilité d’être elles-mêmes d’une manière différente. Dans le cas de Pound, ce qui lui était insupportable aux États-Unis, c’était la mentalité puritaine, ainsi que l’absence d’un héritage culturel profond. Lorsqu’il débarque en Europe, il trouve une société d’une grande vitalité culturelle, ainsi qu’un réservoir presque infini de culture stratifiée sur des millénaires, devant lesquels il manifeste un étonnement typiquement américain. Le contact avec l’Italie le marquera donc à jamais. Il faut noter qu’il ne fréquente guère les grandes villes (à l’exception de Venise), mais préfère les petites villes de l’Italie rurale. Il y découvre l’existence d’un catholicisme fortement innervé d’éléments païens, avec des rites très pittoresques et une mentalité étrangère à tout sectarisme. Lorsque, pour provoquer une religieuse qui lui demandait de quelle religion il était, il répondit qu’il croyait en Zeus et aux anciens dieux païens, il l’entendit répondre avec désinvolture : « Tout cela n’est qu’une religion. » Ces mots prononcés par une religieuse chrétienne l’ont choqué : aux États-Unis, personne ne les aurait jamais prononcés. Mais, comme je l’ai dit, ce n’est pas pour cette raison que Pound devient italien ou renie ses origines. Au contraire, il relie – dans une vision singulière et éclectique – l’action des réformateurs et des mécènes de la Renaissance ou celle de Benito Mussolini à la vision du monde frugale, spartiate, honnête et paysanne de Thomas Jefferson. Jusqu’à la fin, Pound se considérera comme un patriote américain, fidèle aux valeurs originelles de sa nation, trahie selon lui par une oligarchie rapace.

    ÉLÉMENTS : Peut-on considérer la doctrine religieuse poundienne comme un panthéisme ? Comment comprendre la notion de sacré chez lui ?

    ADRIANO SCIANCA. Il y a certainement des éléments panthéistes dans la conception du sacré de Pound. Le poète pense qu’il existe une partie de l’univers – son « essence la plus profonde » – qui n’est pas produite par l’homme, qui est autre qu’humaine. Cette essence, Pound l’appelle Dieu. Le divin se confond donc avec le monde, ou du moins avec son « essence la plus profonde ». La conception du sacré de Pound est très influencée par le thème néo-platonicien de la lumière. Omnia quae sunt, lumina sunt, répète Pound en citant Scot Érigène. Mais il y a aussi une force dans le monde qui cherche à obscurcir cette lumière : c’est la force de l’usure, que Pound comprend dans un sens métaphysique. L’usure est tout ce qui apporte la stérilité, la laideur, la lâcheté, l’oppression. Le sacré est ce qui échappe à l’usure, ce qui est inaccessible à l’achat et à la vente.

    ÉLÉMENTS : Quant à sa « métaphysique du sexe » (p. 37) en lutte contre les puritains, peut-on y voir une tentative de renouer avec la sexualité épicurienne de la Rome antique ?

    ADRIANO SCIANCA. Il y a certainement une racine païenne dans la vision poundienne de la sexualité, mais je ne la qualifierais pas d’épicurienne. L’épicurisme renvoie à une romanité déjà décadente (ainsi qu’à une imagerie négative propagée par les polémistes chrétiens et reprise plus tard par Hollywood). Pound a à l’esprit les rites de fertilité et une vision de la sexualité entièrement « innocente », libérée de l’idée de péché. « Le corps se trouve dans l’âme », écrit-il dans le Canto 99, renversant la dichotomie chrétienne classique et réhabilitant une dimension corporelle enfin libérée du péché. Dans le Canto 113, il qualifie d’ailleurs le péché d’« un stratagème pour consolider la domination ». Il détestait par-dessus tout la mentalité puritaine, les magazines à potins, les ragots, dont il avait également été victime dans sa jeunesse. Il identifie dans le puritain un homme malhonnête et complexé : « Le puritain est un pervers, tout son sens de la corruption mentale s’étend sur un seul sillon, celui du sexe. » Il pensait qu’il existait un lien entre l’orgasme et l’illumination artistique et spirituelle. Il détestait Freud, qualifiant ses théories de « poison ». Une fois de plus, il fait intervenir l’économie dans l’équation : pour Pound, l’usure est ce qui tue la fertilité, ce qui « tue l’enfant dans le ventre » de la femme. À plusieurs reprises, il compare l’usure à la prostitution : « Ils ont amené des putes à Éleusis… »

    ÉLÉMENTS : Dans quelle mesure le plaidoyer de Pound pour les civilisations contre l’usure peut nous aider à comprendre la mondialisation financière en cours ?

    ADRIANO SCIANCA. Bien sûr, il faut garder à l’esprit que Pound n’était pas un théoricien organique et cohérent de l’économie. Sur ce sujet, comme sur tout le reste, il faut, avec Pound, procéder par éclairages. Le premier aspect crucial est la critique de la création monétaire ex nihilo, de manière incontrôlée. Pour Pound, c’est le péché originel du système financier. Mais c’est aussi ce qui a créé toutes les « bulles » économiques qui ont éclaté ces dernières années avec des résultats ruineux. Le deuxième aspect intéressant et très actuel est la critique du lien incestueux entre les médias et le grand capital. Pound avait compris que l’utilisation des médias à des fins de propagande faite par les grands régimes totalitaires était une forme de conditionnement beaucoup moins raffinée que celle à l’œuvre dans les sociétés libérales, où il n’est pas nécessaire d’abolir la liberté d’expression, il suffit d’éliminer les occasions pour les voix dissonantes d’avoir accès aux microphones. Le troisième aspect sur lequel il convient de réfléchir est le lien entre le capitalisme et l’anxiété. Il s’agit là d’une analyse vraiment profonde et prémonitoire. Pound a compris que la « faim », la pauvreté totale et absolue, était une exception que le capitalisme pouvait très bien surmonter. La véritable tragédie est de jeter des pans entiers de la population dans l’angoisse, dans l’insécurité, dans l’incapacité de se projeter dans l’avenir, même dans un contexte où les gens travaillent et parviennent plus ou moins à se nourrir. Cette analyse me semble particulièrement opportune à l’ère de ce que les Américains appellent les bullshit jobs, de la précarité, de la fin de l’État social. Cette angoisse, pour Pound, est socialement dévastatrice, et il l’explique bien dans son célèbre poème sur l’usure, où il peint un scénario où, à cause du système économique, personne n’a « un foyer solide », où l’enfant « étouffe dans le ventre », où la nourriture n’est plus saine mais devient un déchet, où l’art ne dispense plus de beauté. C’est le portrait d’une société dépressive, terne, stérile, qui n’est plus capable d’imaginer un avenir, qui n’a plus d’espoir, où les plus jeunes sont abandonnés à la malbouffe, aux emplois mal payés, aux maisons petites et insalubres, et n’ont pas la possibilité matérielle de fonder une famille.

    ÉLÉMENTS : N’y-a-t-il pas dans l’ethos d’un Donald Trump exaltant la verticalité de l’État et s’éloignant de la tradition libérale-démocrate anglo-saxonne et un certain puritanisme une synthèse poundienne entre Europe et États-Unis ?

    ADRIANO SCIANCA. Je ne suis pas sûr que Trump exprime un sens de la « verticalité de l’État ». Il est certes issu de la souche germanique qui constitue l’ossature anthropologique même de la réussite historique des États-Unis, et il est d’ailleurs culturellement plus lié à ce monde qu’à la fameuse « Amérique profonde », pauvre et paysanne, qu’il courtise et imite sans y croire vraiment. Il a donc une faible racine européenne. La vénalité, la vulgarité, la superficialité du personnage n’auraient cependant guère plu à Pound. Il se peut cependant qu’il ait apprécié son éloignement des cercles les plus belliqueux et des milieux médiatiques. Pound aurait donc pu exprimer une appréciation « tactique » de Trump, certainement pas une véritable sympathie culturelle, politique ou spirituelle.

    Adriano Scianca, propos recueillis par Arnaud Varades (Site de la revue Éléments, 13 mars 2024)

     

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  • Le cas Onfray...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un extrait de l'entretien donné par Julien Rochedy à Christopher Lannes sur le Bréviaire des patriotes dans lequel il évoque la pensée ambiguë de Michel Onfray...

    L'entretien dans son intégralité est visible ici.

     

                                              

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  • Le retour de Pan ?...

    Les éditions Arché ont récemment publié un essai de Stéphane François intitulé Le retour de Pan - Panthéisme, néo-paganisme et antichristianisme dans l'écologie radicale. Docteur en sciences politiques et historien des idées, Stéphane François est maître de conférences à l’université de Valenciennes et est déjà l'auteur de plusieurs essais comme  L'Écologie politique - Une vision du monde réactionnaire ? (Cerf, 2012), Au delà des vents du nord : L'extrême droite, le pôle nord et les indo-européens (PUL, 2014) et Les mystères du nazisme - Aux sources d'un fantasme contemporain (PUF, 2015).

     

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    " Dans cet ouvrage, l’auteur montre que l’écologie radicale, prise dans sa globalité, est profondément antichrétienne, le christianisme étant à l’origine, selon les partisans de cette écologie, de la rupture du lien entre humanité et nature.

    A contrario, elle est empreinte de sympathie, voire plus, pour Ie paganisme, cette spiritualité respectant, selon les mêmes, ce lien.

    De cet intérêt pour le paganisme découle une conception cohérente du monde, de nature romantique, rejetant l’Occident et les valeurs libérales (comprises dans leur acception politique et philosophique). Au terme de son analyse l’auteur montre, malgré Ie procès à charge organisé par les écologistes radicaux, que le christianisme, dans ses variantes catholiques, protestantes et orthodoxes, a réfléchi à une écologie conciliant foi et respect de la nature. "

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  • Fort à faire...

    Les éditions Auda Isarn viennent de publier un récit de Bruno Favrit intitulé Fort à faire. Amateur de sommets, et pratiquant donc la course en montagne et la lecture de Nietzsche, Bruno Favrit est l'auteur de nouvelles comme Nouvelles des Dieux et des montagnes (Les Amis de la Culture Européenne, 2004) ou Ceux d'en haut (Auda Isarn, 2007), de deux romans, Criminel de guerre (Les Amis de la Culture Européenne, 2005) et Le soleil d'or (Alexipharmaque, 2015) et de divers essais comme Vitalisme et Vitalité (Editions du Lore, 2006) ou Esprit du Monde - œuvres en perspectives (Auda Isarn, 2011). Il a également publié Midi à la source (Auda Isarn, 2013), le journal qu'il a tenu entre 1990 et 2011, ainsi qu'un recueil d'aphorismes,Toxiques & Codex (Alexipharmaque, 2013).

     

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    " Il y aura eu fort à faire durant ces quatre saisons placées sous le signe du vin, de la volupté et de l'air pur, l'âme et l'esprit en permanence habités par le désir d'échapper aux pesanteurs et aux mots d'ordre. Ainsi, les contingences, la volonté, les dissonances vous happent, se télescopent, vous animent. Et alors, il n'y a plus qu'à suivre le chemin que la vie vous réserve et goûter aux plaisirs et aux enchantements dont elle a résolu de ne pas vous priver.
    Roman ou récit ? Fort à faire est le laboratoire d'un panthéisme assumé.

    Bruno Favrit vit dans le sud de la France, entre Vaucluse et Vivarais. Il a consacré des essais au paganisme et à l'héritage gréco-romain, ainsi qu'une biographie à Frédéric Nietzsche. Aux éditions Auda Isarn, il a publié cinq ouvrages (nouvelles, récit, essais, carnets). Dans chacun de ses livres transparaît sa vision d'un monde résolu à ignorer la prééminence des dieux et qu'il souhaite revisiter. "

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  • Construire le surhomme ?...

    Les éditions Grasset viennent de publier La construction du surhomme, le septième tome de la contre-histoire de la philosophie de Michel Onfray. Le créateur de l'université populaire de Caen évoque dans ce volume Jean-Marie Guyau, un philosophe français, et Friedrich Nietzsche...

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    "Michel Onfray est l’auteur d’une œuvre philosophique importante. La construction du surhomme est le septième tome d’une monumentale « Contre-histoire de la philosophie ».

    Toute l’œuvre de Michel Onfray tourne autour de ce qu’il appelle le « nietzschéisme de gauche » et, plus particulièrement, de tous les développements qu’une certaine tradition philosophique a consacrés au thème du « surhomme ». Il revient, dans cet ouvrage, sur cette question à travers l’étude de deux œuvres.
    Tuberculeux dopé au stoïcisme, Jean-Marie Guyau développe une philosophie vitaliste comme une machine de guerre contre la morale kantienne. Ce malade défend le don, la générosité, le risque, la dépense, l’action dans une œuvre qui pourrait faire de lui un Nietzsche français. Penseur du républicanisme, il formule un hygiénisme, un racialisme, un natalisme, dangereusement parents de l’idéologie de Vichy à venir. Il défend enfin une immortalité panthéiste stellaire obtenue par les traces de l’amour quand il a été fort.
    La figure ontologique du surhomme de Nietzsche n’est pas sans relation avec cette étrange métaphysique que le philosophe allemand connaissait. Nietzche commence avec Schopenhauer et Wagner, continue avec un long moment épicurien et termine avec l’éloge d’un surhomme ultra-caricaturé. Or, celui-ci nomme l’individu ayant compris que la volonté de puissance a les pleins pouvoirs, qu’il faut vouloir cette volonté qui nous veut, puis l’aimer pour accéder à une jubilation suprême. Une technique de sagesse à la portée de tous."
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