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  • A propos du 7 octobre 2023...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue de Bernard Pinatel, cueilli sur Geopragma et consacré à l'attaque de terreur menée le 7 octobre 2023 par le Hamas palestinien ainsi qu'à la riposte massive conduite depuis par l'état d'Israël, en s'interrogeant sur les causes de ces événements ...

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    Comprendre le 7 octobre 2023

    Un an après le 7 octobre 2023, tout et son contraire a été dit sur les causes profondes et les responsabilités qui ont conduit au massacre horrible de cette jeunesse israélienne par les terroristes du Hamas.

    L’analyste stratégique que je suis doit cependant s’efforcer de démêler et de hiérarchiser les faits et de mettre en lumière ceux qui m’apparaissent être les vrais déterminants de cette guerre qui meurtrit Israël, les territoires à ses frontières et qui peut déboucher sur une guerre régionale nucléaire.

    Deux enchainements de faits, parmi des dizaines d’autres d’importance plus secondaires, sont pour moi les facteurs déterminants du pogrom du 7 octobre, expliquent la guerre meurtrière en cours et m’amènent à considérer que la responsabilité de ce conflit est partagée ; l’aveuglement de certains dirigeants politiques israéliens et leur politique à courte vue y ont malheureusement une part.

    Le premier fait déterminant est la sous-estimation par l’Occident, en premier lieu par les Etats-Unis qui s’en sont servis, puis par les responsables politiques israéliens, du caractère radical et terroriste du Hamas, émanation de l’organisation des Frères Musulmans.

    Le but des fondateurs des Frères Musulmans, qui ont fait de la dissimulation de leurs objectifs, leur premier principe d’action stratégique[1], est double : à l’impératif religieux d’installer partout dans le monde des Etats Islamiques guidés par la Charia s’ajoute, dès l’origine du mouvement en 1933, une volonté géopolitique d’éradiquer la présence occidentale au Moyen-Orient et de s’opposer par tous les moyens à l’implantation d’un « Foyer Juif »[2] en Palestine. Cette volonté d’éradiquer Israël figure dans leur charte tandis que la complicité des « fréristes » avec le régime hitlérien durant la seconde guerre mondiale ne peut m’empêcher de penser que les actes barbares commis le 7 octobre 2023 y trouvent leur inspiration.

    Pour les Frères Musulmans, les juifs furent les premières cibles justifiant une mobilisation et un engagement face à la politique britannique d’implantation d’un foyer juif en Palestine. Cette opposition contre les britanniques et les juifs conduisent, dès le début des années 30, les leaders des frères à se rapprocher des nazis qui soutiendront financièrement l’organisation et leur propagande antibritannique et propalestinienne via un de leurs adeptes, le grand mufti de Jérusalem, Amin Al-Husayni. Sa persévérance et l’appui d’une grande personnalité musulmane locale, Hafiz Muhamed Pandza, un des leaders du clergé (Ouléma) de Bosnie, lui permirent de recruter 20 000 musulmans pour former la division SS « Handjar » en référence au cimeterre turc qui ornait son écusson. L’encadrement provenait de la division SS Prince Eugène[3]. De même dans le Caucase, durant leur avancée, les troupes nazies firent environ cinq millions de prisonniers. Hitler fut convaincu par Gerald Von Mende que beaucoup de ces minorités étaient prêtes à servir le Reich contre les Soviets. Hitler créa les « Ostlegionen » dans lesquelles près d’un million de ces prisonniers acceptèrent de servir, et parmi eux beaucoup de musulmans du Caucase qui permirent aux nazis de mettre sur pied deux autres divisions SS islamiques.

    Après-guerre, Gerhard Von Mende prit contact avec les services anglais et leur fit valoir que ses contacts dans les pays occupés par l’URSS seraient des atouts précieux dans la lutte contre les soviétiques. Avec l’aide des britanniques dont il devint un agent de renseignement, il créa à Düsseldorf le « Service de Recherche de l’Europe de l’Est » avec des anciens collaborateurs de l’Ostministerium, dont de nombreux musulmans.

    Le contrôle de la Mosquée de Munich devint vite l’objet d’une âpre bataille entre les anciens combattants islamiques du Caucase chapeautés par Mende et les Frères Musulmans, dirigés par Saïd Ramadan. La CIA semble avoir joué au début sur les deux tableaux, finançant les actions de propagande anticommuniste de Mende et aidant les Frères Musulmans qui s’opposaient à Nasser, soutenu par l’URSS avant de donner une préférence à ces derniers comme le montre la réception en 1953 par Eisenhower, dans le bureau ovale, d’une délégation des Frères Musulmans comprenant Saïd Ramadan.

    Ce dernier était le chef coordinateur d’organisations associées au Pakistan agissant pour la Ligue Islamique Mondiale ainsi qu’au sein du Jamaat-e-Islami[4]. Privé de sa nationalité par Nasser, Saïd Ramadan était arrivé en Europe en 1954 à Genève[5]. En 1958, il créait à Munich « le centre islamique » à partir duquel il constitua « une importante dynamique fédératrice qui rassembla et forma les jeunes musulmans issus des pays musulmans du Caucase et du Moyen-Orient afin de mettre en place de nombreuses « filiales » au Moyen-Orient (Jordanie, Arabie saoudite, Palestine…). »

    Ainsi, l’introduction du « frérisme » en Europe fut financé par la CIA et 70 ans plus tard il ne faut donc pas s’étonner de la montée de l’antisémitisme en Europe, diffusé par les réseaux des Frères Musulmans et leurs compagnons de route comme LFI en France et du soutien qu’y reçoit le Hamas.

    Les responsables israéliens qui ont voulu s’opposer, dès l’origine du projet, à la création d’un état palestinien ont repris à leur compte cette politique de manipulation des islamistes radicaux qui s’est retournée contre eux le 7 octobre 2023 comme l’avait été, le 11 septembre 2001[6], pour les Etats-Unis l’utilisation de l’islamisme radical contre les soviétiques.

    Le second fait déterminant se situe dans l’évolution de la société israélienne, de sa représentation parlementaire et de son gouvernement qui est désormais comme pris en otage par les mouvements religieux.

    Je date pour ma part l’accélération de cette évolution de société israélienne à l’assassinat d’Yitzhak Rabin, il y a presque trente ans. Pour moi, le jour de sa mort coïncide avec l’enterrement du projet des « deux Etats » qu’il portait avec la conviction intime du grand chef militaire qu’il était. Il estimait que c’était la seule voie de la paix durable pour son pays qu’il avait servi durant une carrière militaire exceptionnelle et que les partis religieux n’ont cessé de combattre pour des raisons liées à leur interprétation de la Torah.

    Yitzhak Rabin fut réélu Premier ministre en 1992. Cet homme exceptionnel qui, au couronnement de sa carrière militaire, fut le chef victorieux de la guerre des six jours savait que les Israéliens ne vivraient en paix que s’ils soutenaient le projet de création d’un état palestinien. Il acquit ainsi pour le monde entier un statut d’homme d’État providentiel et d’homme de Paix en signant les accords d’Oslo en 1993, facilitant ainsi la création de l’Autorité palestinienne et  cédant pour la première fois un contrôle partiel de certaines zones de la bande de Gaza et de la Cisjordanie aux Palestiniens[7]. Confiant dans l’aura que lui conférait son passé militaire, son prix Nobel et sa reconnaissance internationale, Yitzhak Rabin voulut, en 1995, franchir un pas de plus sur le chemin de la Paix et envisagea d’évacuer une petite enclave au centre d’Hébron, Tel Rumeida. Son projet fut immédiatement perçu par les extrémistes religieux comme une mise en danger des colons juifs.  31 jours avant sa mort, le 4 novembre 1995, devant son domicile, un groupe de rabbins prononça une prière appelée « pulsa denura » affublant Yitzhak Rabin du qualificatif de « rodef »[8] oubliant qu’il avait été le commandant en chef victorieux de la « guerre des six jours » qui rendit « la montagne du temple » à Israël[9].

    On ne sait pas si cette prière et ces différents édits furent les facteurs déclenchants de l’action d’Yigal Amir, l’assassin de Rabin. Ce qui est cependant sûr, c’est que lors de son interrogatoire, il déclara : « Si certains rabbins n’avaient pas prononcé ces jugements halachiques dont j’avais entendu parler considérant Rabin comme « din rodef », il m’aurait été très difficile de tuer. Un tel meurtre doit être soutenu religieusement. Si je n’avais pas eu ce soutien et si je ne représentais pas un certain nombre de personnes, je n’aurais pas agi. »[10] 

    En fait, les Israéliens séculiers, la vie et l’action politique en Israël sont désormais pris dans une tenaille qui se resserre inexorablement sur eux du fait de la démographie et dont ils ne pourront se défaire qu’à l’occasion d’une grave crise extérieure comme celle que vit actuellement Israël. Cette opinion est partagée par Tzipi Livni, ancienne ministre des Affaires étrangères qui a déclaré déjà en 2010 que « l’Etat juif avait été pris en otage par les ultra-orthodoxes »[11].

    L’une des mâchoires de cet étau est le « Goush Emounim » et les partis politiques qui supportent la colonisation de la Cisjordanie et de Gaza. Le « Goush Emounim » lie inexorablement religion et territorialité en prenant au pied de la lettre la promesse que Dieu aurait faite à Abraham de lui donner « l’Eretz Israël » (la Terre d’Israël) qui dans son interprétation maximaliste va du Nil à l’Euphrate englobant des régions de la Jordanie, de la Syrie et de l’Irak[12] . Ainsi, le mouvement de colonisation est pour ces croyants l’expression même de la volonté de Dieu.

    L’autre est composée des « haredins »[13], qui font peser une pression constante sur la société séculière israélienne pour qu’elle retourne vers une pratique religieuse plus rigoureuse.

    Cette domination des orthodoxes religieux rend incapable l’état israélien d’avancer dans la direction d’une solution pacifique du problème palestinien.

    En effet, le « Likoud » de Menahem Begin mit fin en 1977 à un demi-siècle de domination des partis de gauche ouverts à la négociation avec les palestiniens. Son programme reprit en effet les mêmes thèses et ferma la porte « de facto » à une solution négociée. Le Likoud ne cessera d’appuyer les initiatives du Goush Emounim visant à créer des dizaines et des dizaines de localités juives en Judée-Samarie et à Gaza.

    De leur côté le poids des « haredins » dans la société israélienne et à la Knesset ne fait qu’augmenter du fait de la natalité plus importante de leurs familles dont, selon le bureau central statistiques d’Israël, la croissance est de 4% par an (Actuellement ils sont 1.28 millions sur 9.45 millions pour le total de la population israélienne soit 12,5%, total qui devrait s’élever à 16% à la fin de la décade). Les hommes en âge de faire le service militaire en sont dispensé pour pratique religieuse ce que la Cour Supreme a condamné récemment.

    Enfin, la situation politique d’Israël, état démocratique, s’explique également par les particularités de son système électoral. Il s’appuie en effet sur une proportionnelle intégrale à un tour et dans une seule circonscription : Israël.

    Il permet ainsi à un parti obtenant seulement 2 % des voix d’entrer au Parlement. En conséquence, aucun parti ne peut atteindre seul les 61 sièges (sur 120) nécessaires pour gouverner et ce système confère en outre un poids disproportionné aux petits partis religieux sans lesquels aucune coalition à droite n’est possible.

    Aux dernières élections de 2022, les partis sionistes qui s’opposent à la politique des deux états ont encore progressé et disposent d’une majorité à la Knesset pour interdire toute autre voie. Ainsi Netanyahou, possède à la Knesset le soutien d’une majorité de députés (64)

    Le 7 octobre : conséquence de la sous-estimation de ces deux faits déterminants

    C’est donc, d’une part, la volonté dissimulée de l’organisation terroriste du Hamas, émanation des Frères Musulmans, d’éradiquer la présence d’Israël au Moyen-Orient appuyée par l’Iran et l’argent du Qatar conjuguée d’autre part, avec la politique d’affaiblissement de l’autorité palestinienne en favorisant le Hamas à Gaza, menée depuis 30 ans par les différents gouvernements israéliens pour discréditer la solution à « deux états » qui ont conduit au 7 octobre.

    Le chemin qui a mène à cette tragédie est long et sinueux et ce n’est pas mon propos d’en décrire tous les méandres. D’autant plus que Charles Enderlin qui vient de rééditer et de mettre à jour son livre paru en 2009 : « Le grand aveuglement : Israël et l’irrésistible ascension de l’islam radical[14]» le fait brillamment.

    Benjamin Netanyahu n’a fait que poursuivre la politique de ses prédécesseurs[15]. Il a hérité de la politique mise en place par Ariel Sharon d’évacuer Gaza sous la pression de George W Bush, d’en laisser de facto le contrôle au Hamas et de collaborer en Cisjordanie avec une autorité palestinienne affaiblie.

    Je reproduis ici les graves accusations de Charles Enderlin [16] de son avant-propos qui les explicite avec ses sources dans les derniers chapitres de son ouvrage : « Benjamin Netanyahu est devenu en quelque sorte le protecteur des chefs du Hamas interdisant _à six reprises- à l’armée et au Shabak (NDLR Shin Bet le service de renseignement intérieur israélien.) de les neutraliser… Il a autorisé le financement du Hamas par le Qatar, fermant les yeux sur les gigantesques investissements de l’organisation islamiste en Turquie[17] ».  En mars 2019 il a fini par s’en expliquer devant les députés de son parti : « Toute personne qui veut empêcher la formation d’un état palestinien doit soutenir le renforcement du Hamas, le transfert de fonds au Hamas[18]. »

    En conclusion provisoire

    Au vu de cette histoire, la route vers un cessez le feu et la Paix ne peut donc venir que d’une prise de conscience par les citoyens israéliens que la poursuite « ad aeternam » de la guerre n’est pas une solution acceptable pour eux et pour l’avenir de leurs enfants. Cela passe par un retour à une majorité parlementaire qui ne soutienne plus la colonisation rampante de la Cisjordanie et veuille collaborer avec une autorité palestinienne réellement modérée.

    Les pressions extérieures désordonnées, comme celle formulée récemment par le Président Macron et les soutiens aux organisations terroristes sous des prétextes humanitaires, ne serviront qu’à faire durer ce conflit et à l’internationaliser avec le risque majeur, plus élevé qu’en Ukraine, qu’il ne débouche sur l’utilisation de l’arme nucléaire et la prolifération qui s’en suivrait au Moyen-Orient.

    Bernard Pinatel (Geopragma, 14 octobre 2024)

     

    Notes :

    [1] Histoire de l’Islam radical et de ceux qui s’en servent, Jean-Bernard Pinatel, Lavauzelle, 320 pages, 2017

    [2] Terme employé par Arthur Balfour, secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères, qui demanda à Chaim Weizmann de rédiger une mouture de texte où la Grande-Bretagne entérinerait le principe d’une « Palestine reconstituée en Foyer national »

    [3] La mission de cette unité était d’éliminer les partisans dans la région des Balkans. La division fut décorée de six croix de fer. Elle fut responsable de nombreux crimes de guerre

    [4] Robert Dreyfuss, Devil’s Game, 2006, p. 73-79

    [5] Des preuves historiques suggèrent que M. Ramadan a travaillé avec la CIA. A cette époque, l’Amérique était bloquée dans une lutte de pouvoir avec l’Union soviétique, qui soutenait Gamal Abdel Nasser en Egypte. En tant qu’ennemi de Nasser, les Frères Musulmans semblaient être de bons alliés pour les USA. Un document du service de renseignement extérieur allemand, connu par sous son acronyme BND, prétend que les USA ont aidé à persuader la Jordanie de délivrer un passeport à M. Ramadan, et que « ses dépenses seraient couvertes par le camp américain. » Des diplomates suisses ont confirmé que les USA et M. Ramadan étaient proches. Selon un rapport diplomatique de 1967 des archives fédérales suisses, « Saïd Ramadan est, entre autres, un agent informateur des Britanniques et des Américains. » Ian Johnson, « How a Mosque for Ex-Nazis Became Center of Radical Islam », The Wall Street Journal, 12.7.05

    [6]Ben Laden était aussi un Frère Musulman. Histoire de l’Islam radical et de ceux qui s’en servent, op.cit.142 à 161.

    [7] Sous son mandat, Yasser Arafat renonce officiellement au recours à la violence et reconnaît Israël dans une lettre officielle. Rabin reconnaît en retour l’OLP le 9 septembre 1993. Autre fait marquant : Rabin signe un traité de paix avec la Jordanie en 1994. Le prix Nobel de la paix est décerné en 1994 aux dirigeants politiques qui ont permis les accords d’Oslo : Yitzhak Rabin, Shimon Peres et Yasser Arafat.

    [8] Rodef est un juif sur le point de tuer un autre juif ou d’aider à son meurtre : tuer un rodef permet de sauver une vie juive. Alors que le judaïsme interdit le meurtre de juifs, « Din Rodef est le seul cas où la halacha autorise un juif à tuer un autre juif« 

    [9] Lors d’un discours remarquable qu’il prononce sur le mont Scopus, à l’Université hébraïque de Jérusalem, Rabin évoque les qualités humaines et spirituelles de Tsahal : « les parachutistes qui se sont emparés du Mur occidental se sont appuyés à ses pierres et ont pleuré. Je doute que l’on trouve beaucoup de gestes aussi symboliques dans toute l’histoire de l’humanité. Nous avons gagné le droit d’être conscients de notre supériorité sans avoir pour autant méprisé nos adversaires. Notre armée est celle d’une nation qui aime et désire ardemment la paix mais qui est aussi capable de se battre avec courage lorsque ses ennemis la forcent à le faire. »

    [10] « Brother against brother », violence and extremism in Israel politics, from Altalena to the Rabin Assassination (Free Press, 1999) p277.Professeur en sciences politiques à l’université hébraïque de Jérusalem, Ehud Sorinzak (décédé en 2002) était considéré comme l’un des meilleurs spécialistes du terrorisme

    [11] Le Figaro, mardi 9 mars 2010, page 14.

    [12] « Quand le soleil fut couché, il y eut une obscurité profonde ; et voici, ce fut une fournaise fumante, et des flammes passèrent entre les animaux partagés. En ce jour-là, l’Éternel fit alliance avec Abraham, et dit : Je donne ce pays à ta postérité, depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au grand fleuve, au fleuve d’Euphrate. »[12]

    [13] Les « haredins » vivent en quelque sorte en marge du reste de la société israélienne. Ils vivent dans une pratique religieuse stricte, refusent de certaines formes de la « modernité » et font preuve d’une volonté de séparatisme sociale : vêtements spécifiques, quartiers spécifiques, institutions religieuses spécifiques). Les haredins, cette dénomination provient du mot harada, le mot le plus fort en hébreu pour la peur. Le haredi est celui qui est « terrifié » à l’idée de violer une des 613 mitzvot .

    Depuis des décennies, les haredins qui sont en âge de faire leur service militaire ont eu la capacité d’éviter leur enrôlement en s’inscrivant dans des yeshivot, où ils étudient la Torah, et en obtenant des dérogations d’un an leur permettant d’échapper à l’incorporation jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge légal de l’exemption. Cependant la Haute Cour considère depuis longtemps cette disposition comme illégale et avait fait savoir, au mois de mars, que l’État devait cesser de subventionner les yeshivot.

    [14] Paris, Albin Michel, 2009

    [15] Début des années 2000, les Frères Musulmans desquels le Hamas est issu ont eu l’opportunité pour la première fois de prendre le contrôle d’un territoire. Le 17 aout 2005, sous la pression des Etats-Unis, Ariel Sharon annonce sa décision d’évacuer Gaza et les sept mille cinq cents colons qui s’y trouvent et accepte que l’organisation terroriste du Hamas participe à des élections et, le 25 janvier 2006, le Hamas obtient la majorité absolue au conseil législatif palestinien.

    [16] Charles Enderlin, le grand aveuglement, Albin Michel, 2024, page 8

    [17] Dirigé par le Frère Musulman Erdogan

    [18] Publié par le Times of Israël 8 octobre 2023...

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  • Feu sur la désinformation... (485) : Israël / Gaza, la guerre des victimisations...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou et Lucas Chancerelle.

     

                                               

    Au sommaire cette semaine :

    L'image de la semaine : l’occultation médiatique d’une attaque d’une dédicace de livres par des antifas à Paris.

    Dossier du jour : le conflit israélo-palestinien et la guerre des victimisations médiatiques.

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    Pastilles de l’info :

    1) France Télévisions ou la propagande subventionnée
    2) OQTF : Bruno Retailleau sert la vis ?
    3) Jean-Pierre Foucault, homme libre !
    4) François Begaudeau ou le complot breton

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    Portrait piquant (en partenariat avec l’OJIM) : Thomas Guénolé, surnommé l'andouille de Guénolé...

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  • Question juive, problème arabe...

    Les éditions Fayard viennent de publier un ouvrage d'Henry Laurens intitulé Question juive, problème arabe (1798-2001) et qui constitue la synthèse des cinq tomes de sa monumentale étude, La question de Palestine, publié entre 1999 et 2015 chez le même éditeur. Directeur du centre d'étude et de recherches sur le Moyen-Orient contemporain (CERMOC) à Beyrouth puis directeur scientifique de l'Institut français du Proche-Orient entre 2001 et 2003, Henry Laurens est depuis 2003 professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d'histoire contemporaine du monde arabe.

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    " En 1999 paraissait le premier tome de  La question de Palestine, consacré à la genèse de cette histoire. Ce volume fut suivi de quatre autres, abordant les enjeux du mandat britannique, les premières années d'Israël, l'apogée du conflit israélo-arabe et les tentatives de paix. 
    Henry Laurens propose une synthèse magistrale de cette œuvre de référence, retraçant minutieusement les étapes de ce qui deviendra le conflit israélo-palestinien, de l'invention de l'État d'Israël à la montée du nationalisme arabe en passant par la diplomatie internationale et les guerres entre États.
    Analysant deux siècles d'histoire, l'historien y expose les conflits, ouverts ou latents, les violences, mais aussi les initiatives de paix dans le Proche et Moyen-Orient et, plus généralement, dans le monde entier. Au fil des séquences historiques, se profilent peu à peu deux logiques qui s'opposent  : la diplomatie et la situation sur le terrain. "

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  • Feu sur la désinformation... (469)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Lucas Chancerelle.

     

                                              

    Au sommaire cette semaine :

    L'image de la semaine : l’inquisition menée par une journaliste de France Inter contre Marion Maréchal.

    Dossier du jour :  la partialité et l’idéologie qui sévit sur le service public, à l'occasion de la publication d’un rapport accablant de l’Institut Thomas More.

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    Pastilles de l’info :

    1) La grande occultation : Le maire de Canteleu dans le narcotrafic
    2) Décryptage : Le drapeau palestinien à l’Assemblée nationale
    3) Top ou Flop au festival de Cannes

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    Portrait piquant (en partenariat avec l’OJIM) : Daniel Schneidermann.…

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  • Pierre Conesa : "Le front uni de soutien à Israël s'est fissuré"

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Pierre Conesa à Omerta, dans lequel il évoque le conflit israélo-palestinien.

    Agrégé d'histoire et énarque, Pierre Conesa a fait partie dans les années 90 de la Délégation aux affaires stratégiques du Ministère de la défense. Il est l'auteur de plusieurs essais, dont, notamment, Dr. Saoud et Mr. Djihad - La diplomatie religieuse de l'Arabie saoudite (Robert Laffont, 2016), Hollywar - Hollywood, arme de propagande massive (Robert Laffont, 2018), Le lobby saoudien en France - Comment vendre un pays invendable (Denoël, 2021), Vendre la guerre - Le complexe militaro-intellectuel (L'aube, 2022) et État des lieux du salafisme en France (L'aube, 2023).

     

                                           

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  • Israël, Liban, Iran : le Moyen-Orient en ébullition...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Fabrice Balanche au site de la revue Éléments pour évoquer la situation explosive au Proche-Orient.

    Maître de conférences en géographie à l'Université Lyon 2, Fabrice Balanche est arabophone et a vécu une dizaine d'années entre la Syrie et le Liban. Il vient de publier Les Leçons de la crise syrienne (Odile Jacob, 2024).

     

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    Israël, Liban, Iran : le Moyen-Orient en ébullition

    ÉLÉMENTS : Depuis les massacres perpétrés par le Hamas du 7 octobre 2023, Israël multiplie les frappes aériennes en Syrie, au Liban tout en poursuivant son offensive terrestre dans la bande de Gaza. Que cherche l’État hébreu ?

    FABRICE BALANCHE. Si Israël ne va sans doute pas jusqu’à bombarder l’Iran, il a le Hezbollah dans sa ligne de mire. Le mouvement chiite libanais pointe des milliers de missiles sur Israël et a les moyens de lancer une opération terrestre contre le nord de l’État hébreu. Or, les Israéliens voulant à tout prix éviter une surprise comme le 7 octobre, ils n’attendent qu’une réaction du Hezbollah pour pouvoir frapper au Liban. De ce point de vue, l’attaque reste la meilleure des défenses. Car si une pluie de missiles s’abattait sur le Hezbollah et ses infrastructures, les miliciens chiites auraient ensuite du mal à s’élancer à l’assaut de la Galilée.

    Mais une offensive terrestre de l’armée israélienne au Liban semble exclue. En juillet 2006, l’infanterie israélienne engagée au Liban s’était enlisée.

    Je prévois plutôt des frappes sur le Liban accompagnées d’un déploiement de Tsahal sur la bordure nord pour empêcher toute contre-attaque du Hezbollah. Israël demande l’application réelle de la résolution 1701 du conseil de sécurité de l’ONU, qui avait mis fin à la guerre de 2006, imposant que le Hezbollah se retire au nord du fleuve Litani, soit à une vingtaine de km de la frontière israélo-libanaise. L’État hébreu souhaite que le Sud-Liban redevienne la zone de sécurité qu’il était jusqu’en 2000 mais sans l’occuper.

    ÉLÉMENTS : Est-ce pour pousser le Hezbollah à la faute que Tsahal a bombardé le consulat iranien à Damas le 1er avril ?

    FABRICE BALANCHE. L’objectif était double : éliminer quelques généraux des Gardiens de la Révolution iraniens et provoquer une escalade. Frapper ce consulat revenait à frapper le territoire iranien, ce qui représente une humiliation pour Téhéran et le régime de Damas, incapables de contrecarrer ce raid. Même la Russie n’a pu empêcher les Israéliens de bombarder. Jusqu’à présent, Israël prévenait les Russes avant de violer l’espace aérien syrien, ce qui n’a pas été le cas ici, car Moscou n’y aurait jamais consenti. Cela explique la vigueur de la réaction de Vladimir Poutine qui a immédiatement demandé une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU.

    ÉLÉMENTS : Cette stratégie de la tension rappelle le jusqu’au-boutisme des néoconservateurs américains. Au lendemain du 11 septembre 2001, ceux-ci entendaient remodeler l’ensemble du Moyen-Orient. De la même manière, après le traumatisme du 7 octobre, les ultranationalistes israéliens alliés de Benyamin Netanyahou souhaitent-ils l’embrasement de la région ?

    FABRICE BALANCHE. Il est certain que les faucons ont pris le dessus au sein du gouvernement et de l’état-major israéliens. Mais une différence de taille existe entre les deux situations : les États-Unis sont protégés par deux océans et le risque d’une agression en provenance du Canada ou du Mexique est négligeable. De son côté, Israël a des voisins plutôt belliqueux. L’État hébreu possède donc davantage de raisons objectives d’attaquer, car cela reste sa meilleure défense. Alors que les néoconservateurs américains voulaient imposer la démocratie en Irak en pensant que cela ferait boule de neige dans l’ensemble de la région, les Israéliens souhaitent simplement anéantir les capacités offensives de leurs ennemis. 

    ÉLÉMENTS : Outre une hécatombe et la ruine du pays, quelles seraient les conséquences politiques d’une nouvelle guerre d’Israël au Liban ?

    FABRICE BALANCHE. Dans le cas d’une destruction du pays par Israël, à la différence de 2006, ni les pays du Golfe ni le Hezbollah ne paieraient la reconstruction. La popularité du Hezbollah étant au plus bas en raison de la crise financière et des blocages politiques tous azimuts, l’équilibre des forces pourrait alors changer au Liban. Il faut dire que le Hezbollah a tellement perdu de sa superbe qu’il a dû accepter de définir la frontière maritime avec Israël, en octobre 2022, afin que le Liban puisse exploiter les champs gaziers offshore. Cette concession signifiait quelque part la reconnaissance tacite de l’existence d’Israël, ce qui est une entorse à l’idéologie et aux dogmes hezbollahis. Mais le parti de Dieu n’a pas vraiment eu le choix : en cas de blocage des négociations indirectes avec Israël, la classe politique et la population libanaises l’auraient accusé d’empêcher l’économie nationale de se redresser. Il faut souligner que ces gisements de gaz supposés sont le dernier espoir des Libanais pour sortir du marasme.

    ÉLÉMENTS : La politique du verbe a ses limites. La République islamique d’Iran et le Hezbollah proclament leur solidarité avec les Palestiniens de Gaza sans porter l’estocade. Comment expliquer leur attentisme ?

    FABRICE BALANCHE. Les destructions infligées au Hamas dans la bande à Gaza ne sont un drame ni pour l’Iran ni pour le Hezbollah. Si le Hamas se fait hacher menu, les Iraniens n’y verront qu’un juste châtiment asséné à un mouvement qui les a trahis en 2011. Pendant les révoltes arabes, le Hamas avait en effet soutenu l’opposition syrienne avant de quitter Damas pour Doha. Même si son chef Yahya Sinwar s’est rapproché de Téhéran depuis, le Hamas reste un allié stratégique – et non idéologique – du régime iranien. Pour les Iraniens, un groupe arabe sunnite comme le Hamas est quantité négligeable.

    Au sein de l’« axe de la Résistance » à Israël, il y a d’ailleurs de la concurrence entre le Hezbollah et le Hamas, le premier voulant demeurer le fer de lance du front anti-israélien, alors que le second lui vole la vedette depuis le 7 octobre.

    ÉLÉMENTS : Un clivage confessionnel chiites/sunnites oppose également Hamas et Hezbollah. Comme le dénonçait le roi de Jordanie il y a déjà vingt ans, existe-t-il un arc chiite dominant le Proche-Orient ?

    FABRICE BALANCHE. Absolument. Liban, Syrie et Irak font partie du croissant chiite contrôlé par les Iraniens. Ici, la stratégie géopolitique – maintenir un corridor vers la Méditerranée – se double d’une tactique confessionnelle qui vise à placer les chiites à la tête de ces trois pays.

    Cela dit, cet axe compte un maillon faible : la Syrie, dont la population est majoritairement sunnite. C’est aussi pour cela que le régime d’Assad a poussé au départ plusieurs millions de sunnites pour renforcer son pilier alaouite. Des bases chiites sont créées en Syrie : Assad tient et quadrille le territoire grâce à l’appui de 50 000 miliciens chiites, essentiellement irakiens, fournis par l’Iran. La démographie est d’ailleurs l’une des clés du contrôle de la région par Téhéran qui puise dans le réservoir irakien constitué de 26 millions de chiites (sur 42 millions d’habitants). Dans l’espace que forment l’Iran, l’Irak et la Syrie, les partisans d’Ali sont devenus les plus nombreux grâce à une démographie très soutenue en Irak et à l’expulsion de plusieurs millions de sunnites syriens vers la Turquie, la Jordanie et ailleurs.

    ÉLÉMENTS : Cet axe chiite et son allié russe sont la cible du djihadisme sunnite. Les attentats de masse que l’« État islamique Khorasan » a perpétrés cette année à Téhéran, puis Moscou l’ont montré. Pris entre ses ennemis djihadiste et occidentaux, ce croissant n’est-il pas un colosse aux pieds d’argile ?

    FABRICE BALANCHE. Quoi qu’en dise la propagande iranienne, le djihadisme sunnite ne constitue pas un danger existentiel pour l’axe chiite. D’une certaine manière, il sert même les intérêts de l’Iran, notamment pour maintenir la famille chiite arabe de son côté. C’est très net en Irak où la menace Daech a poussé les chiites à se précipiter dans les bras de l’Iran en 2014.

    Jusqu’à un certain point, quelques attentats djihadistes ponctuels permettent enfin de faire apparaître l’Iran comme un moindre mal aux yeux des opinions publiques occidentales. Les Français savent par exemple que le massacre du Bataclan est l’œuvre de Daech, pas du Hezbollah.

    ÉLÉMENTS : Ce paysage géopolitique semble totalement chaotique. Depuis que les États-Unis se sont progressivement retirés du Moyen-Orient pour se tourner vers l’Asie-Pacifique, qui domine la région ?

    FABRICE BALANCHE. Le retrait américain est assez progressif, ce qui laisse le temps aux autres puissances d’occuper le terrain abandonné. Le Liban, la Syrie et l’Irak appartiennent clairement à la sphère iranienne désormais. En ce moment, Téhéran fait d’ailleurs pression pour que les troupes américaines quittent l’Irak et l’est de la Syrie. Les milices chiites les harcèlent en bombardant leur base. Cela entraîne des représailles américaines sur les dirigeants irakiens de ces milices, donnant ainsi un prétexte aux pro-Iraniens pour exiger leur départ. Le gouvernement irakien, proche de Téhéran, a de plein droit demandé, en janvier 2024, la fin de la présence de la Coalition internationale contre l’État islamique. Or, si l’armée américaine déserte l’Irak, ses besoins logistiques lui feront aussi quitter la Syrie. Ce départ va également profiter aux Turcs qui avancent leurs pions dans le nord de la Syrie et de l’Irak. Dans ce dernier pays, les sunnites sont abandonnés, les États du Golfe s’étant désengagés de l’Irak, ce qui redouble le danger d’une régénérescence djihadiste de type Daech.

    Dans une certaine mesure, les Russes bénéficient aussi de la situation syrienne en vertu de leur accord avec l’Iran. Mais la guerre en Ukraine limite leur capacité de projection, laissant les Iraniens se renforcer à leur détriment.

    ÉLÉMENTS : Vous ne citez pas l’Arabie saoudite de Mohamed Ben Salman dit MBS. A-t-elle renoncé à toute ambition régionale ?

    FABRICE BALANCHE. MBS donne la priorité à ses objectifs intérieurs. Il s’est sans doute résigné à l’existence de deux Yémen : un sunnite au sud et à l’est, et un chiite au nord-ouest, contrôlé par les rebelles houthis. Mais il fallait que ces derniers cessent d’envoyer des missiles sur le royaume. C’est un des aspects de l’accord que l’Arabie saoudite a conclu, au printemps 2023, avec l’Iran sous les auspices de la Chine. En contrepartie de la neutralisation des houthis, Riyad abandonne à Téhéran le Liban, la Syrie et l’Irak. Considérant que les États-Unis n’ont pas respecté le Pacte du Quincy (1945) en les empêchant d’écraser les houthis au Yémen en 2017, les Saoudiens basculent de plus en plus vers l’axe eurasiatique. Ils se sont rapprochés des Russes après avoir observé leur capacité militaire en Syrie. Avec eux, Poutine applique la stratégie de la carotte et du bâton.

    ÉLÉMENTS : Comment ?

    FABRICE BALANCHE. Si les Saoudiens ne réduisent pas leur production pétrolière pour faire remonter les cours, Poutine menace de faire intervenir les houthis ou autres groupes chiites via l’Iran pour détruire les installations pétrolières saoudiennes. Seule condition, en 2015, pour que le prix du brut hausse durablement, en raison de la baisse des cours liée à l’exploitation massive des hydrocarbures de schiste en Amérique du Nord. S’ils acceptent de restreindre leur extraction, Poutine leur propose une carotte : le partage des bénéfices de la remontée des prix. Pour comprendre l’importance de cette question, il faut rappeler que la Russie est une puissance pétrolière et gazière qui ne peut survivre que si l’or noir dépasse les 60 dollars le baril. Or, en 2014, avant l’intervention russe en Syrie, il s’était installé durablement à moins de 30 dollars et l’économie russe se trouvait au bord de la faillite. Cette stratégie contrecarre les vœux américains. Ainsi, en septembre 2022, lorsque Joe Biden a demandé à MBS d’augmenter sa production de brut, pour compenser l’embargo appliqué à la Russie, ce dernier a refusé. D’une part, il ne veut plus que Washington lui dicte sa politique. D’autre part, il craint la réaction de la Russie et de l’Iran, qui, avec le Yémen, maintiennent une épée de Damoclès au-dessus du royaume. 

    ÉLÉMENTS : Dans ce jeu de puissances, les pays arabo-musulmans paraissent se soucier comme d’une guigne de la cause palestinienne. Après six mois d’offensive israélienne à Gaza, à quel dénouement peut-on s’attendre ?

    FABRICE BALANCHE. Il est probable que les Israéliens poussent les Gazaouis vers l’Égypte. C’est en prévision de ce scénario que les Égyptiens ont construit précipitamment un deuxième mur qui isole 16 km2 de territoire égyptien, voisin de la bande de Gaza. Officiellement, il s’agirait d’une plateforme logistique humanitaire, mais en réalité cela pourrait être plutôt une zone d’accueil pour les Palestiniens. Si ces derniers venaient à être expulsés de Gaza, en l’occurrence de Rafah, ils se retrouveraient bloqués dans ce no man’s land. Pour éviter que les réfugiés du Soudan ou autre ne se déversent sur notre continent depuis le pays des pharaons, les Européens ont déjà offert 7,4 milliards d’euros au Caire pour les trois années à venir. L’Égypte précise qu’aucun bateau de migrants, depuis 2016, n’a quitté ses côtes. Mais cela pourrait se produire dans le cas d’un départ massif de la population de Gaza : après des mois de disette, d’insécurité, de bombardement et d’absence de perspective d’un retour dans leur foyer détruit, des centaines de milliers de Gazaouis n’aspirent plus qu’à émigrer. L’Égypte pourrait les placer en « résidence surveillée » dans le Sinaï et obtenir ainsi une rente de plusieurs milliards d’euros annuels, en provenance d’Europe. La somme serait bien plus élevée à ce que la Turquie reçoit pour conserver sur son sol les réfugiés syriens, car les Palestiniens possèdent une valeur politique supérieure.

    Fabrice Balanche, propos recueillis par Daoud Boughezala (Site de la revue Éléments, 8 avril 2024)

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