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décadence

  • Bienvenue dans la décadence...

    « Le meilleur livre de Douthat à ce jour, un ouvrage d'analyse culturelle profond, élégamment écrit et offrant des réflexions provocantes à presque chaque page. Il est difficile de penser à un livre actuel qui soit aussi perspicace sur la façon dont nous vivons aujourd'hui. » - Rod Dreher, The American Conservative

    « A point nommé... C'est le livre d'un jeune homme. Douthat voit clairement nos institutions sclérosées parce que sa vision n'est pas déformée par des souvenirs périmés d'une époque plus fonctionnelle. . . . Séduisant et persuasif. » - Peter Thiel for First Things

     

    Les éditions Les Presses de  la Cité en coopération avec les éditions Perrin viennent de publier un essai de Ross Douthat intitulé Bienvenue dans la décadence - Quand l'Occident est victime de son succès. Chroniqueur au New York Times, Ross Douthat est aussi l'auteur de nombreux essais sur des sujets de société.

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    " Nous vivons une crise unique. Malgré leur prospérité matérielle, leur maîtrise technologique et leur richesse culturelle, nos sociétés montrent des signes d’essoufflement politique, économique ou encore spirituel. La prééminence de l’Occident arrive-t-elle à son terme ? Ne s’agit-il que d’un écart sur la route du progrès que nous parcourons depuis plusieurs siècles ? Avons-nous perdu notre énergie vitale ? Ou payons-nous le prix de notre propre succès ?

    Autant de questions que Ross Douthat, renvoyant dos à dos progressisme béat et catastrophisme apocalyptique, se propose d’explorer avec lucidité – et une pointe d’humour.

    Sans prétendre imposer une réponse définitive, cet essai riche et audacieux offre une interprétation particulièrement éclairante de la langueur civilisationnelle qui nous assaille."

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  • Que faire face à la décadence ? Pour une éthique du combat...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean Montalte cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à la réponse à apporter à la décadence.

     

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    Que faire face à la décadence ? Pour une éthique du combat

    À l’extrême pointe de la civilisation occidentale qu’on peut aussi appeler décadence, un point de jonction se fait avec la barbarie. Comme si le temps s’était mis à rebrousser chemin. On avait Blondin, les cafés parisiens, la virtuosité littéraire, puis plus rien. Les autrices ont débarqué, autrefois nommées bas bleus et nous nous retrouvons en plein salon du XVIIIe siècle au seuil du basculement d’un monde, le style en moins. Hegel : « La frivolité ainsi que l’ennui sont le signe de ce que quelque chose d’autre est en marche. » Les lettres deviennent prétextes à sensibilisation autour de la cause animale, de la dignité des courgettes et de la nécessité d’opérer sa transition sexuelle. Une myriade transcendantale d’absurdités déferle sans discontinuer et nous sommes sommés de valider ces arguties pitoyables. Et si c’était ça le fin mot du progrès ? Une confrontation directe avec ces nanosubstances que sont les idéologues du progrès à la sauce woke est un avilissement hors limites. On ne se bat pas avec le vent. Et c’est ici qu’intervient l’esprit hussard, en pleine barbarie de la déraison idéologique. Faire valser les idéologies pour refondre la substance humaine dans le creuset du concret et du réel. L’amitié, la camaraderie virile, l’insouciance et une bonne dose d’ironie sont les ingrédients phares du nouveau mode de vie auxquels sont contraints – certes avec quelle volupté ! – ceux pour qui ce monde ne fait plus sens. La dérision droitarde, face à l’esprit de plomb des donneurs de leçons de tout poil. Au fond, cette gauche antipathique qui puisait ses références dans l’anticléricalisme et le libertarisme s’est tiré une balle dans le pied en se convertissant au moralisme le plus étriqué. La rigidité cadavérique précède toujours la décomposition. Leur fanatisme est un signe sans ambiguïté : leur fin est proche.

    Le monde dans lequel nous vivons est saturée d’une idéologie néfaste : celle de la création de l’homme par lui-même, de l’extension illimitée de ses possibilités. C’est au fond une vieille histoire qui commence raisonnablement, en apparence, par la proclamation des droits de l’homme et qui aboutit aujourd’hui au délitement de la société par l’individu-roi, insatisfait des bornes imposées à sa nature. Le wokisme en est la locomotive actuellement. Un individu à la psyché torturée peut se proclamer Coréen non-binaire en arborant le physique d’un Caucasien à la barbe hirsute, et susciter l’attention de médias complaisants, alors qu’une thérapie serait de meilleur aloi. Et c’est à l’honnête homme, puisant dans une éthique traditionnelle les règles de sa conduite et de sa pensée qu’il est sommé de rendre des comptes sur sa nocivité congénitale. Nous en sommes rendus au temps des sophistes que combattait Socrate le sage mais avec une démesure prométhéenne sans précédent. L’individu se veut la mesure de toutes choses, le passé doit être aboli par la cancel culture quand il ne satisfait pas aux exigences de la société inclusive. Mais ce que cette société exclut c’est le bon sens, la morale et la structuration symbolique nécessaires au développement de la psyché. En somme, nous créons les conditions d’une rupture totale, d’une implosion de la société par prolifération d’individualités boursouflées et schizoïdes.

    Le chaos, remède ou maladie ?

    Ludwig Wittgenstein a écrit cette formule très belle, quelque peu inquiétante toutefois : « Être philosophe, c’est se situer au sein du chaos primordial et s’y sentir bien. » Voilà un programme peu réjouissant. Mais enfin, le chaos est notre lot à tous, pas seulement par l’inepte quotidien qui nous brasse en tous sens pour atteindre des objectifs dérisoires, mais parce qu’il fait partie de l’air qu’on respire, des émotions qui nous traversent et des pensées qui saccagent notre inconscient profané. Nul ne peut jouir d’une paix durable en ce monde, en dehors des contemplatifs purs. Et pourtant, c’est une aspiration fondamentale de l’être humain. Saint Augustin parlait de « la tranquillité de l’ordre ». Mais lorsque l’ordre n’est plus qu’un chaos absurde contenu de manière purement mécanique, la tranquillité prend le large et nous nargue depuis l’autre rive de la vie. Il faudrait convertir l’âme au chaos, la rendre capable d’y puiser un regain de vitalité, d’énergie et de force. Pour cela, il faudrait qu’elle se règle sur les linéaments tortueux du devenir, afin de doubler le temps dans sa course.

    Ma découverte du chaos et de l’ivresse créatrice qui en découle, lorsqu’on en triomphe, s’est faite très tôt. J’aimais sa manifestation brutale et brève, comme on décharge son agressivité pour se purifier d’une souillure. Il s’est révélé être le meilleur carburant de mon imagination. Il cingle encore toutes mes pulsions créatrices. Je sens sa violence se condenser dans l’air quand j’entends un propos hostile à notre culture. Je sais alors que c’est l’heure de sonner l’hallali. Sa forme la plus jubilatoire, je l’ai trouvée dans les livres de Céline, Bloy, Bukowski, Rimbaud, Nietzsche. Après ça, les gesticulations hybrides à la sortie des bars ne sont plus qu’entrechats de médiocres ballerines. Qu’un écrivain puisse, par la force de son esprit, avaler le monde, l’engloutir et le recracher sous une forme stylisée, voilà ce qui me donne à rêver. Un tel pouvoir n’a rien à envier à celui des plus vils dictateurs, fauteurs de guerre et autres néophytes du chaos, petites radicelles balbutiant des carnages dérisoires. Pascal voyait dans la pensée une force incomparablement plus grande que l’univers dans son immensité, parce que l’univers n’a aucune conscience de lui-même et du pouvoir qu’il a sur nous. Je rêvais d’une œuvre qui donnerait à l’univers cette conscience, une œuvre qui ferait naître le monde à lui-même. Tout y serait contenu, tragédie et bonheur, nature et artifice, chaque montagne, chaque fleuve, toutes les espèces animales crieraient leur présence et l’être serait élevé à son essence. Un rêve mallarméen, en fin de compte, et qui aboutit aux mêmes désillusions.

    J’ai, alors, laissé choir dans un désert de sons ma six-cordes pour empoigner tous les bouquins possibles qui m’apprendraient à voir, comprendre, décrire, déplorer la vie infecte que les temps postmodernes nacrés de rose nous imposent, dans son délire de cloisonnement mirifique des pauvres hères lavés de leur peau de péchés radieux, que nous sommes. Je suis revenu de ces expéditions livresques avec une conviction simple : la littérature est haïssable parce qu’elle est le témoin privilégié de la liberté, l’élément dissolvant du conformisme social dans sa contexture de mensonges. Déchirer les tissus du blabla, du bavardage plat, vaincre ce que Boutang appelle « la chute dans la banalité du dire », dynamiter les protubérances sonores anarchiques de l’emprise mondiale du mensonge, voilà la tâche que la littérature s’est assignée.

    Le Logos, le divin langage, c’est le cocher qui retient la cavalcade furibonde du chaos, la mate, la soumet, la met au service de ses propres fins. Par malheur, le français, cette langue noble adossée à la coupole arthritique de l’Académie, se putréfie sur place. Doublement mâchonnée par la sénilité académique et le sabir exogène, la langue se sédimente dans le néant. Instrument de communication blafard, compartimenté, conditionné, domestiqué, ou prurit pulsionnel spasmodique de galeux incultes, c’est une même agonie. Comme disait un pamphlétaire oublié du XIXe siècle : « Il faudrait des reins pour pousser tout cela. » Au commencement était le Verbe dit l’Évangile. D’accord mais à la fin qu’y a-t-il ?

    Un désir de synthèse et de totalité

    « Le vrai est le tout », affirmait Hegel de manière péremptoire, prussienne pour parler net. C’est aussi ce que je crois. Mais quand dans ce tout, il y a à la fois les chaussettes sales et Dieu – pour citer Georges Steiner évoquant l’oeuvre de Dostoïevski –, Charlie Parker qui fait vibrer son saxo en lévitation gracieuse et Jack l’éventreur, le tueur de prostituées, il y a de quoi se poser des questions. Le réel est si divers, si contradictoire. Je ne parle pas là seulement des oppositions si flagrantes entre le bien et le mal, le beau et le laid, le vrai et le faux, auxquelles notre époque de décadence se flatte de douter, par une espèce de snobisme à rebours, snobisme dépenaillé, snobisme de dépravé, snobisme de dégénéré, que sais-je encore… Non, je veux parler des mille petites choses qui ne s’imbriquent pas dans un tout cohérent, qui semblent si distinctes, si étrangères les unes aux autres que leur coexistence semble impossible, sur un plan métaphysique. Au cœur même d’un individu, ces contradictions sont plus troublantes encore. La passion d’Alex pour Beethoven dans Orange mécanique en est un exemple parfait. Freud a sondé l’âme humaine, certes avec un prisme d’égoutier, mais enfin il en a fourni une cartographie à peu près opérante. Le tiraillement incessant entre le moi, le ça, le surmoi, la personnalité profonde, les pulsions et les principes moraux. Le vrai est le tout ? Tout ce foutoir incompréhensible ? Et la tâche du philosophe, de l’artiste, serait d’y mettre bon ordre ? Ou bien de délirer bien au-dessus du délire de la réalité ? C’est toute la question. Peut-être est-il envisageable de tenir les deux bouts de la chaîne. Il y faudrait une puissance psychique et intellectuelle hors norme. Mais comme disait Spinoza : « Toute chose excellente est aussi difficile que rare. »

    Ranimer la flamme ou la mystique du feu

    Les splendeurs de la culture européenne semblent devenir aussi lointaines pour nos contemporains que les croyances Maya ou les rituels de divination chez les Romains sous l’Antiquité. Nécessité se fait jour de ranimer la flamme. Le feu, au-delà de l’élément classable parmi l’eau, l’air et la terre, est un principe poétique d’une portée rare sur l’imaginaire de l’homme. Les chansons d’amour l’évoquent, les prophètes, les poètes, les romanciers, les peintres, les cinéastes, les psychanalystes, les philosophes. Enfin tout le monde. Il suscite terreur, effroi, fascination, désir, amour. Son incandescence est polymorphe, sa substance mouvante une et multiple lui confère un statut privilégié au sein du grand drame de l’Être. Et si le monde n’était qu’un grand brasier dont les flammes se répandent tantôt avec l’ardeur d’un torrent, tantôt se sédimentent dans l’air par flocons ? On peut jouer avec ces idées, somptueuses ou ridicules, c’est selon. Et jouer avec le feu n’est pas chose recommandable. Mais qui n’a pas désiré de toute l’ardeur dont son cœur était capable, ranimer la flamme éteinte, spécialement lorsque l’être aimé se dérobe pour laisser place à l’absence, fut-il un continent entier ? C’est un jeu dangereux qui peut laisser sur le carreau, un pari qui entrelace les événements capricieux et l’esprit de volonté, qui n’y peut pas grand-chose la plupart du temps. Le feu est éternel, notre capacité à le mobiliser à notre avantage est chose rare. Il y faut une grâce spéciale, qui garde toujours le secret de son heure. Nous sommes, d’ores et déjà, ces guetteurs anxieux.

    L’éthique du combat

    L’initium du Hagakure, le guide des guerriers, tranche dans le vif, si je puis dire : « Je découvris que la voie du samouraï, c’est la mort. » Yukio Mishima constatait que la démocratie, le socialisme et le pacifisme à l’occidentale se situaient à l’extrême opposé de cette affirmation hardie. Les temps modernes privilégient la vie, en un sens vague d’ailleurs et n’importe quel parasite télévisuel peut s’attirer tous les suffrages en affirmant qu’il « aime la vie », avec une manière de défi, comme s’il proférait là la plus audacieuse profession de foi. Et cette petite nullité qui déglutit son narcissisme poitrinaire communie avec tous ses semblables dans une même orgie de bienveillance cosmique. Autrement dit, il inaugure l’ère de ce que feu Muray avait baptisée Festivus festivus. C’est ici que Yukio Mishima intervient pour casser l’ambiance. Il brandit son fameux slogan : « Au nom du passé, à bas l’avenir », se taille un physique d’athlète, dégaine son katana et saucissonne toutes les niaiseries pacifistes du monde fatigué d’après-guerre. Ce n’est plus l’Occident qui est « métaphysiquement épuisé », selon l’expression de Oswald Spengler, mais le monde entier, jusqu’à l’Extrême-Orient, comme la révolte héroïque de Mishima le prouve. Deux livres culminent, non pas en termes de valeur esthétique mais de force de témoignage, dans l’oeuvre de l’écrivain japonais : Le Japon moderne et l’éthique samouraï et Le Soleil et l’acier. Ils devraient figurer dans toutes les bibliothèques des insurgés contre l’empire du non-être. L’espèce de liquide amniotique qui imbibe la société matriarcale actuelle, les valeurs républicaines abstraites, l’atmosphère de faiblesse et de compromission du monde européen dévirilisé ne sont que des éléments de transition vers le chaos. Ils ne représentent aucun absolu, aucune vérité éternelle. En attendant, lire Mishima peut faire de nous des « hommes au milieu des ruines ». Et je me permets de le paraphraser. Si nous communions à son esprit, nous pourrons dire : « Au nom de l’avenir, à bas le présent » ! Il y a un adage médiéval qui affirme avec la netteté tranchante comme une épée qui caractérise cette époque : « Vita est milita super terram. » Ce qui se traduit dans notre langue moderne : « La vie est un combat sur la terre. » Il ne faudrait pas se méprendre, il ne s’agit nullement de résumer le combat à des joutes opposant des chevaliers, à des troupes de mercenaires prenant d’assaut une forteresse en pleine guerre de cent ans. L’âme aussi doit livrer bataille. Chaque pensée, chaque émotion est une plaie ouverte qui peut précipiter au fin fond de l’abîme comme elle peut ressusciter un être. La loi d’ici-bas veut le combat, c’est une nécessité de nature. Saurons-nous nous satisfaire d’une telle fatalité ? En faire notre ultime salut ? Les stoïciens affirmaient, en sus de cette loi, la voie de la guérison : l’amor fati ou amour du destin. Le combat est notre destin, aimer le combat c’est faire de ce destin une jubilation extatique, un orgasme furieux de la volonté. Certes, le glaive est béni, la terre ne se rassasie que du sang des hommes dont elle a soif. Sinon, pourquoi quémanderait-elle une ration supplémentaire de ce breuvage aussi souvent ? Mais n’oublions pas la supériorité de l’esprit sur la matière. Remporter le combat, ne serait-ce pas, aussi, lui refuser cette hémorragie pour embrasser les hautes sphères de l’esprit, son avènement au cœur du plérôme de l’être ?

    Jean Montalte (Site de la revue Éléments, 1er mars 2024)

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  • Les dernières lettres de Nietzsche...

    Les éditions Gallimard viennent de publier le sixième et dernier tome de la Correspondance de Friedrich Nietzsche qui couvre la période qui va de janvier 1887 à janvier 1889.

     

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    " Avec ce tome VI s'achève la traduction de la correspondance intégrale de Friedrich Nietzsche ; cet ultime volume rassemble les lettres des deux dernières années de la vie consciente du philosophe (1887 et 1888) et les "billets de la folie" des premiers jours de 1889. Un document qui éclaire l’œuvre."Je n'écris que ce que j'ai vécu et je m'y entends pour l'exprimer", affirme Nietzsche chez qui vie et pensée sont imbriquées comme chez nul autre, et c'est donc dans l'intimité d'un penseur en errance - d'un "Prince Hors-la-Loi" de l'esprit - que nous introduit cette correspondance de haut vol. Nietzsche y apparaît comme un philosophe en quête perpétuelle du climat favorable, de l'environnement supportable, du régime salutaire : il séjourne à Nice, à Sils-Maria, sur les lacs italiens et surtout à Turin, découverte tardive d'une ville en harmonie avec ses aspirations, où il s'effondrera en janvier 1889.Ses lettres sont aussi des lettres d'affaires : Nietzsche publie lui-même, à compte d'auteur, ces deux années-là, des œuvres aussi radicales que La Généalogie de la morale, Crépuscule des idoles, Le Cas Wagner et Ecce homo. Son projet philosophique se précise : la critique de la religion chrétienne comme expression éminente du ressentiment ; la préparation en secret d'une "transvaluation" de toutes les valeurs qui place un temps la "volonté de puissance" au centre de la réflexion. La relation avec le souvenir wagnérien devient déterminante, une problématique esthétique nouvelle s'installe avec la notion de décadence.Toutefois, ce qui frappe dans ces lettres familières, c'est l'extrême solitude dans laquelle évolue Nietzsche. La correspondance se déploie entre un petit nombre de personnes, ce qui lui confère une intensité humaine rare et une vraie portée philosophique. Les belles journées de Turin ont donné naissance à des livres où se construit le plus séduisant des "gais savoirs". Tout cela s'interrompt en janvier 1889.  J. L. "

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  • Aux origines du Grand remplacement...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné en mai dernier par Patrick Buisson à Livre Noir dans lequel il évoque l'impact qu'ont eu sur les révolutions sexuelles et féministes des années 70 sur notre société.

    Politologue et historien, Patrick Buisson est notamment l'auteur d'une étude historique originale et éclairante, 1940-1945, années érotiques (Albin Michel, 2008), d'un essai politique important, La cause du peuple (Perrin, 2016) et dernièrement de La fin d'un monde (Albin Michel, 2021) et Décadanse (Albin Michel, 2023), les deux volets d'une œuvre dans laquelle il revient sur les cinquante années qui ont vu  la France subir un changement socio-anthropologique majeur.

     

                                                   

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  • La décadence...

    Les éditions du Cerf viennent de rééditer un essai important de Julien Freund intitulé La décadence.

    Philosophe et sociologue, Julien Freund (1921-1993), qui a été le principal introducteur de la pensée de Carl Schmitt en France, est l'auteur de plusieurs ouvrages fondamentaux comme L'essence du politique (1965), Sociologie du conflit (1983) ou La décadence (1984). On trouve une magnifique introduction à sa pensée dans le recueil de textes intitulé Le Politique ou l'art de désigner l'ennemi (La Nouvelle Librairie, 2020) ou dans Les lettres de la vallée (La Nouvelle Librairie, 2021).

     

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    " L'Europe est sur le déclin. Est-elle appelée à disparaitre où à se réinventer ? Le texte de Julien Freund trouve aujourd'hui toute son actualité et son acuité. Aux rodomontades et aux provocations, il oppose la réflexion. Aux défaitistes, un avenir.

    L'Europe serait-elle sur le déclin ? Fragilisée par la montée des nationalismes, ébranlée par une profonde dépression spirituelle, affaiblie par l'émergence de nouvelles puissances qui l'ont reléguée au second plan des relations internationales, elle semble avoir perdu son ancienne splendeur. Mais s'agit-il d'un épuisement fatal ou bien d'un accomplissement annonciateur d'un autre style de civilisation ?
    L'histoire est riche d'exemples d'empires florissants qui ont connu un brusque crépuscule, de l'Égypte antique aux Incas en passant par Athènes ou Rome. Toutefois, alors que les autres peuples n'ont pas eu conscience de la chute qui les menaçait, la force et l'originalité de la civilisation européenne résident dans la crainte, depuis toujours, d'une possible décadence.
    Face aux menaces qui pèsent de manière croissante, Julien Freund exhorte les Européens à retrouver leur grandeur, leur fierté et leurs valeurs.
    Un ouvrage fondateur, une analyse d'une surprenante actualité, un livre d'espérance contre tout défaitisme. "

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  • HP Lovecraft, rêveries contre le monde moderne...

    Nous reproduisons ci-dessous un article cueilli sur le site de la revue Rébellion et consacré à l’œuvre de H. P. Lovecraft, notamment sous l'angle de son pessimisme face à une modernité jugée profondément décadente.

    Voilà qui devrait donner envie de se (re)plonger dans l'univers inquiétant de l'auteur alors que la première publication intégrale  de son œuvre de fiction débute aux éditions Mnémos en janvier 2022, dans une nouvelle traduction unifiée, complétée par un appareil critique conséquent, établi avec le concours des meilleurs spécialistes du maître de Providence. Cette intégrale comportera également un tome avec une sélection de lettres.

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    HP Lovecraft, rêveries contre le monde moderne

    « Ce qui est, à mon sens, pure miséricorde en ce monde, c’est l’incapacité de l’esprit humain à mettre en corrélation ce qu’il renferme. Nous vivons sur une île de placide ignorance, au sein des noirs océans de l’infini, et nous n’avons pas été destinés à de longs voyages. Les sciences, dont chacune tend dans une direction particulière, ne nous ont pas fait trop de mal jusqu’à présent ; mais un jour viendra où la synthèse de ces connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la réalité et la place effroyable que nous y occupons : alors cette révélation nous rendra fous, à moins que nous ne fuyions dans cette clarté funeste pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d’un nouvel âge des ténèbres. »

    Cette citation quasi prophétique tirée de « L’Appel de Cthulhu » est un avertissement. Un avertissement d’actualité à un moment de l’Histoire où l’humanité fait face à une fuite en avant techniciste qui tend à repousser ses propres limites : recherches sur le génome humain, clonage, organismes génétiquement modifiés ou doctrines transhumantes (théorie de la confusion des genres) sont autant de menaces qui contrairement au « panthéon occulte » créé par l’auteur, sont belles et bien réelles.

    Panthéon occulte

    Ce « Panthéon occulte » est l’un des piliers majeurs, si ce n’est le pilier majeur de l’œuvre de Lovecraft. Reflet d’une civilisation a priori archaïque demeurant au-delà du temps, Il est une boîte de Pandore qui une fois ouverte engendrera des conséquences le plus souvent funestes. Nyarlathotep, Yog-Sothoth, Azathoth, Dagon et Cthulhu, autant d’entités, de Dieux vénérés par des cultes remontant à des temps immémoriaux ayant su demeurer dans le secret. Une constante des œuvres de l’auteur est la rupture de ce secret, le héros principal et/ou les protagonistes de l’histoire vont entrevoir ou être témoins d’évènements bizarres, à la limite du surnaturel qui vont bien entendu éveiller leur curiosité. Et c’est bel et bien cette faculté qui va causer la perte du héros principal, voire de l’humanité toute entière : « Il y a des horreurs, aux frontières de la vie, que nous ne soupçonnons pas, et de temps à autre, la funeste curiosité d’un homme les met à portée de nous nuit ». La curiosité va donc être l’un des facteurs déterminant de l’histoire car elle va faire basculer un destin dans l’horreur comme pour Françis Weyland Thurston, héros principal de « L’Appel du Cthulhu » et anthropologue, qui va reprendre l’enquête effectuée par son grand-oncle décédé, après avoir découvert un bas-relief représentant une créature hideuse accompagnée de hiéroglyphes inconnus.

    Lovecraft est célèbre pour avoir su créer un univers qui lui est propre : les créatures et les Dieux mentionnés plus haut sont les exemples les plus représentatifs. Mais citons également des lieux importants, comme la répugnante Innsmouth, une ville qui cache un terrible secret ou bien encore Arkham et son université la Miskatonic University. On retrouve également, et ce dans l’œuvre globale de l’auteur, un corpus de livres maudits. « Le Cultes des Goules », « Pnakotiques », « L’Unaussprechtlichen Kulten » ou le fameux « Necronomicon », des livres avec une histoire qui est propre à chacun d’entre eux, et parfois des détails fournis quant à leurs auteurs. Si bien que nombre de débats eurent lieu quant à l’existence de ces livres ! C’est notamment le cas pour le « Necronomicon », un livre emblématique de ce que certains nomment le « mythe de Cthulhu » et qui est très souvent mentionné dans les nouvelles de Lovecraft mais également au-delà (on le retrouve par exemple dans le film « Evil Dead »). Les nouvelles de Lovecraft obéissent donc à un schéma bien particulier qui demeure le plus souvent inchangé, le tout ancré dans un véritable paradigme qui plonge le lecteur dans cet univers qui a rendu son auteur célèbre. Le fond comme la forme sont indissociables et unis dans l’horreur grâce d’une part à l’univers développé ainsi qu’au cheminement de l’histoire, véritable descente en enfer qui se solde presque toujours par la folie ou la mort…

    Une humanité dépassée

    L’image de Lovecraft est en général celle d’un homme replié sur lui-même. Certes c’est un auteur tourmenté mais néanmoins, quand on s’y penche d’un peu plus près, on se rend compte que l’homme en question est bien plus ouvert au monde qu’il n’y paraît. On sait maintenant que Lovecraft était intéressé par les sciences et notamment l’astronomie. Cet aspect de sa personnalité est présent à travers toute son œuvre, cependant il est bien plus que ça. En effet, son œuvre reflète la réalité d’une époque, à savoir un dualisme d’une part entre la Science, qui monte en puissance grâce à de nombreuses avancées (découverte du quantum d’énergie par Max Planck en 1900, théorie de la relativité d’Albert Einstein en 1905, ou encore la découverte de galaxie en dehors de la nôtre par Edwin Hubble en 1924), et de l’autre un pôle conservateur à forte influence religieuse.

    Dans ses histoires, il n’est pas rare que les protagonistes adoptent une démarche scientifique pour élucider les mystères auxquels ils ont confrontés même si elle ne permet pas toujours de comprendre le pourquoi du comment (comme dans « Les couleurs tombées du ciel). Au-delà des considérations sociétales de ce dualisme, la Science a un autre impact dans l’œuvre de H.P Lovecraft, non pas en tant que sujet direct mais plutôt comme le point de départ d’une idée capitale dans l’esprit de l’auteur : l’Homme, au faîte des avancées techniques et scientifiques, notamment dans le domaine de l’astronomie et de l’univers, n’est rien. Ainsi H.P Lovecraft balaye d’un revers de main l’ethnocentrisme absolutiste hérité en grande partie de la philosophie des Lumières, non pas pour imposer un dieu connu des hommes (excepté quelques initiés) ou un dieu bienfaiteur, mais ce « panthéon occulte » qui paraît être une menace pour l’Humanité.

    Nous autres humains que sommes-nous face à des créatures, des dieux qui existent par-delà l’abîme du temps ? Malgré les progrès techniques et scientifiques il semblerait, à en croire Lovecraft, que la réponse est : « rien ». Ce pessimisme quant à notre avenir, l’auteur le doit peut-être à l’influence d’un des pontes de la Révolution Conservatrice Allemande, à savoir Oswald Spengler.

    Comme en témoigne une correspondance avec Clark Ashton Smith datant de 1927 : « C’est ma conviction et se l’était déjà bien avant que Spengler appose le sceau de la preuve académique sur ce point, que notre ère mécanique et industrielle est une ère tout à fait décadente ». La décadence selon Lovecraft s’applique également à l’individu via le prisme de la dégénérescence raciale et ethnique. L’auteur est en effet connu pour son racisme et son antisémitisme et il est indéniable que cet aspect suinte littéralement à travers son œuvre : « Tous les prisonniers avaient démontré leur appartenance à une espèce bâtarde, vile, et mentalement aberrante. Ils étaient pour la plupart marin, une aspersion de nègres et de mulâtres en provenance des Caraïbes ou du Cap-Vert qui offrait une teinte vaudou au culte. Cependant, avant que bien des questions ne soient posées, il devient apparent qu’il y avait quelque chose de plus profond et plus vieux que du fétichisme nègre. Aussi avilie et ignorantes qu’elles étaient, ces créatures s’accrochaient avec une ténacité surprenante à l’idée centrale de leur foi répugnante » (L’Appel de Cthulhu »). De nos jours, une telle description même dans un contexte purement fictif, vaudrait à l’auteur une visite à la 17ème chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris ! Ce dégoût du métissage va plus loin par moment en allant de pair avec un atavisme surnaturel et effrayant comme dans « Le cauchemar d’Innsmouth » ou « La peur qui rôde ».

    Enfin, l’un des aspects les plus intéressants de Lovecraft réside dans un affrontement global entre le monde civilisé moderne adepte des méthodes scientifiques et rationalistes, et un ennemi faussement archaïque. Point d’armes avancées tels des pistolets lasers pour annihiler l’espèce humaine (ce qui d’emblée ne caractérise pas l’œuvre de l’auteur dans le domaine de la science-fiction), l’existence même de ces créatures, le fait qu’elles n’ont rien de connu pour l’Homme ainsi que leur déconcertante puissance (magique ? scientifique ?) sont suffisantes pour avoir le dessus sur une humanité dépassée…

    L’horreur qui sommeille au-delà

    Au vu des diverses caractéristiques fondamentales de l’œuvre de Lovecraft, on peut se poser la question de savoir si ce dernier n’est, en fin de compte, qu’un réactionnaire typique de son temps. Le rejet des principes de la philosophie des Lumières, son aversion du métissage et sa position ambigüe envers la modernité laisseraient à penser que oui. Cependant, il faut prendre en compte le pessimisme, la misanthropie et la vie de l’auteur, déclassé social dans une Amérique en pleine mutation. Son rapport à la science reste l’une des clefs de compréhension de son œuvre, une véritable relation amour/haine, une tension capitale qui fait office de clef de voûte. Quel regard aurait-il au sein de l’Amérique d’aujourd’hui, QG de la finance hors sol et société fracturée entre le pire du libéral libertaire (cf. Miley Cyrus) et la bigoterie fanatique de certains ? Tout comme dieu fut tué par l’homme, selon le célèbre philosophe au marteau, H.P Lovecraft souhaiterait peut-être que l’horreur qui sommeille au-delà du temps au fin fond de R’lyeh l’engloutie, sorte de son état de dormition pour mettre un terme à cet âge de ténèbres bien trop humain…

    (Site de la revue Rébellion, 10 décembre 2021)

     

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