Covid-19 : autopsie d’un désastre français
Depuis une année, nous vivons au rythme d’une épidémie qui, si l’on en croit les experts cathodiques, n’en finit pas. On ne parle d’ailleurs plus que de cela dans les médias. Et voici donc un nouveau confinement, non, pardon, il s’agit de « freiner le virus sans nous enfermer », nous dit le président de la République. Nous ne sommes pas enfermés mais on n’a pas de droit de quitter les zones en question, nuance.
Cette pandémie a surtout révélé ce que notre prétendue société de l’information tenait bien caché. Elle a démontré que le roi occidental était nu, comme dans le conte d’Andersen, et surtout le roi français.
Le déclassement de l’Occident
D’abord, 2020 révèle le déclassement mondial de l’Occident, qui globalement se sort plus mal de l’épidémie que l’Asie pourtant nettement plus peuplée.
Le géopoliticien sud-coréen Chung Min Lee relève ainsi que « les États-Unis étaient censés être les mieux préparés au monde pour faire face à une pandémie. Les pays européens comme l’Allemagne et la France pensaient avoir le meilleur système de santé de la planète. Mais la crise sanitaire a dévoilé qu’ils n’étaient pas si avancés que ça […] Désormais, l’Occident n’est plus le modèle incontesté aux yeux du reste du monde. Il s’agit du changement le plus important dans l’histoire mondiale depuis 500 ans [1] ».
Les Occidentaux continuent de donner des leçons à la terre entière, comme au xixe siècle, mais ils suscitent de plus en plus la moquerie et le mépris de la part des autres civilisations.
Comme lorsque notre président de la République donne des leçons de démocratie à la Russie et au Venezuela, tout en… réprimant violemment les Gilets jaunes, en organisant la censure des opposants dans les médias et en reportant les élections.
Comme l’avait démontré Samuel Huntington dès les années 1990, « l’âge de la domination occidentale est fini [2] ».
L’incapacité occidentale à se dépêtrer d’une épidémie qui à l’échelle du monde ne tue que 0,033 % de la population (donc moins que le sida, par exemple), le confirme.
Le déclin français
L’épidémie révèle aussi l’abyssal déclassement français depuis la fin du xxe siècle. Un déclassement bien sûr tabou pour nos médias de grand chemin et pour la classe politicienne institutionnelle, qui en porte l’entière responsabilité. Haro sur le « déclinisme » !
Le (ou la, car le genre de l’épidémie, voilà bien sûr ce qui importe chez nous !) Covid-19 constitue un révélateur équivalent à la défaite de 1940, sauf que l’épidémie a fait très nettement moins de morts. À cette époque, la France croyait avoir la meilleure armée du monde ; comme, en 2020, on nous serinait que nous avions le meilleur système de santé.
Mais qu’a-t-on découvert en 2020 ? Pas de stocks stratégiques, pas de masques, pas de capacités de dépistage, pas suffisamment de lits de réanimation [3], une incroyable dépendance internationale. La crise a confirmé l’adage « quand tout sera privé, on sera privé de tout ».
Mais, en revanche, nous avons disposé d’une pléthore de bureaucrates et d’experts médiatiques en tous genres, non pour empêcher la propagation du virus, mais pour manier des mots savants devant les caméras et sidérer l’opinion avec force graphiques et statistiques.
Sans parler des comités Théodule qui se réunissent en permanence autour de nos gouvernants. Nous étions sauvés : les décisions se prenaient en… « conseil de défense » !
Bienvenue dans le meilleur système de santé du monde
L’épidémie a montré que, sur le plan médical, la France devient un pays du tiers-monde : des déserts médicaux partout, des délais énormes pour obtenir un rendez-vous chez le moindre « spécialiste », des lits hôpitaux en nombre insuffisant et qu’il faut donc faire « tourner » au plus vite (tant pis pour les convalescents), une hygiène déplorable dans nombre d’hôpitaux, des ruptures d’approvisionnement en médicaments, une fraude massive aux systèmes sociaux.
L’épidémie a pris la forme d’une crise nationale quand on a vu que nos brillants services publics ou parapublics dysfonctionnaient au moindre pic d’activité.
Les hôpitaux marchent bien, mais à la condition qu’ils n’aient pas trop de malades ; les réseaux d’électricité fonctionnent bien, mais à la condition que les ménages n’allument pas le chauffage en hiver. La police contrôle le respect du confinement, mais à la condition qu’elle dispose de masques de protection et qu’elle n’aille pas dans les « quartiers de reconquête républicaine ». La Poste distribue le courrier, mais à la condition qu’il n’y ait pas d’épidémie.
Le virus a même contaminé l’équipage du porte-avions Charles de Gaulle. Bravo pour une armée professionnelle, censée se préparer à gagner une guerre NBC : nucléaire, bactériologique et chimique ! Heureusement que les livres blancs successifs sur la défense française avaient prévu la possibilité d’un risque épidémique…
Comme en 1940
« Nous sommes en guerre », déclarait le président de la République l’année dernière au début de l’épidémie, prenant la posture de Jupiter tonnant. Hélas ! il n’est pas descendu de son petit nuage.
Car la France macronienne a démontré en 2020 qu’elle faisait la guerre au virus comme celle de Paul Reynaud faisait la guerre à l’Allemagne en 1940 : sans réserve, sans matériel adéquat et sans stratégie adaptée. Mais avec beaucoup de bonnes paroles : « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts ! ».
Mais où sont les lits de réanimation promis par Emmanuel Macron en 2020 ? Où sont nos hôpitaux de campagne ? Où sont nos vaccins ? Où sont nos centres de vaccination ?
Comme, en 1940, nos malheureux soldats et les millions de civils errant sur les routes se demandaient, sous les bombes des Stukas : « Où sont nos avions ? »
La macronie parle, communique, mais elle ment tout le temps. Pour cacher que non seulement l’intendance ne suit jamais, mais surtout qu’il n’y a plus d’intendance.
Les médecins de Molière
L’épidémie a aussi révélé l’incroyable faiblesse des sommités médicales, de l’industrie pharmaceutique et de la recherche françaises.
Des sommités incapables de se mettre d’accord sur rien, un conseil de l’Ordre plus préoccupé de faire taire les dissidents et de défendre les chapelles professionnelles que de lutter ensemble contre l’épidémie : un comportement digne des médecins de Molière !
Une industrie et une recherche gavées d’argent public, mais incapables d’élaborer un vaccin dans des délais raisonnables. Bravo, l’Institut Pasteur qui continue pourtant sans vergogne de solliciter en 2021 ses donateurs avec de nouvelles promesses ! Bravo, Sanofi !
Les Américains, les Anglais, les Russes, les Chinois et les Allemands ont déjà des vaccins : pas la France qui se situait pourtant, paraît-il, en 2020, au 6e rang de la puissance économique mondiale ! Il doit y avoir un biais statistique quelque part…
La France a un incroyable talent
Mais il est vrai qu’aujourd’hui les records français ont changé : premier pays dans le classement de l’OCDE pour le poids des impôts, premier pays européen pour le nombre d’homicides, premier pays occidental pour les demandes de censure des réseaux sociaux, première population musulmane de l’Union européenne, dix millions de pauvres en 2020 selon le Secours catholique, un déficit commercial abyssal, une délinquance qui explose, des frontières passoires.
Oui, vraiment, comme dit une émission de télévision de la chaîne M6 « la France a un incroyable talent ». Depuis 2020 nous en sommes convaincus.
L’homme malade de l’Europe
La crise covidienne vient de révéler que l’homme malade de l’Europe n’habitait plus en Grèce, mais en France.
Une France qui recule sur tous les plans : diplomatique, économique, spatial, sécuritaire, industriel, éducatif, social, démographique, moral. Et qui se cramponne au mythique « couple franco-allemand », comme le naufragé à sa bouée. Mais cela ne l’empêche pas de couler.
L’effondrement de 1940 a dessillé les yeux de beaucoup de Français et a conduit, après la guerre, à repenser l’organisation politique et sociale de la nation et à écarter les responsables du désastre, les élites corrompues qui l’avaient provoqué.
Peut-on espérer que nos concitoyens fassent de même en 2022 ?
Michel Geoffroy (Polémia, 22 mars 2021)
Notes :
[1] Le Figaro, 1er janvier 2021.
[2] On pourra se reporter sur ce plan à notre essai La Nouvelle Guerre des mondes, Via Romana, 2020.
[3] 4 000 contre 10 000 en Allemagne, pour des dépenses de santé équivalentes.