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Métapo infos - Page 64

  • Sparte et l'idée spartiate...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier dans la collection Longue mémoire de l'Institut Iliade un court essai de Frédéric Éparvier intitulé Sparte et l'idée spartiate - Des origines au déclin

    Après des études de géopolitiques aux États-Unis, Frédéric Éparvier travaille dans des industries stratégiques depuis trente ans et collabore régulièrement au site Polemia sur des questions internationales. Il enseigne la géopolitique de la mer aux auditeurs de l’Iliade.

     

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    " Bien des siècles après la fin de la cité antique, le nom de Sparte évoque encore en nous le souvenir d’une gloire militaire sans pareille et l’exemple indépassable d’une austère vertu. Courage guerrier, vie frugale et discipline, telles sont les marques distinctives de cette société qui semblait mépriser le luxe et le divertissement. Mais pouvons-nous encore tirer des leçons de cette cité guerrière ou bien ces dernières sont-elles devenues trop exigeantes pour le monde moderne ? Pour y répondre, Frédéric Éparvier retrace l’histoire de Sparte depuis ses origines à sa chute, exposant en détail les raisons de son âge d’or et les causes de son déclin. "

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  • Face au tout-puissant Conseil constitutionnel, le peuple est-il vraiment souverain ?

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christophe Boutin, cueilli sur le Figaro Vox et consacré à la décision du Conseil Constitutionnel d'interdire la proposition des Républicains d’organiser un référendum sur la politique migratoire.

    Christophe Boutin est docteur en sciences politiques et professeur de droit public à l’université de Caen. Avec Frédéric Rouvillois, il a notamment publié Quinquennat ou septennat (Flammarion, 2000), Les parrainages ou comment les peuples se donnent des maîtres (La Nouvelle Librairie, 2022), La proportionnelle ou comment rendre la parole au peuple (La Nouvelle Librairie, 2022) et Le référendum ou comment redonner le pouvoir au peuple (La Nouvelle Librairie, 2023).

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    RIP sur l'immigration : face au tout-puissant Conseil constitutionnel, le peuple est-il vraiment souverain ?

    Le Conseil constitutionnel intervenait pour la sixième fois dans une procédure de référendum d'initiative partagée (RIP). L'exercice suppose de réunir un cinquième des membres du Parlement, puis un dixième du corps électoral, avant que la proposition ne soit soumise au référendum - à moins que le Parlement ne «l'examine». Mais entre proposition et récolte des signatures intervient aussi le contrôle du juge.

    Aux termes de l'article 11, celui-ci doit d'abord vérifier le nombre de signataires, puis que la proposition n'ait pas pour objet «l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an», ou porte «sur le même sujet» qu'une proposition de RIP rejetée par référendum depuis moins de deux ans. Encore faut-il avoir un effet, et le Conseil a pu estimer en 2023 que deux propositions visant à interdire un âge du départ à la retraite supérieur à 62 ans n'emportaient «pas de changement de l'état du droit» et les écarter.

    Quatrième condition, la proposition doit entrer dans le champ de l'article 11. Si l'on exclut la ratification de traités, ce dernier concerne «l'organisation des pouvoirs publics» et les «réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent». Tous les termes sont importants : en 2022 la création d'une «contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises» est écartée. Parce qu'elle ne concerne pas la politique économique ? Le commentaire de la décision patauge pour justifier d'en exclure les dispositions fiscales, mais la décision sanctionne la proposition comme n'étant pas une «réforme» car n'ayant pas «une ampleur significative».

    Reste enfin le contrôle de constitutionnalité des «propositions de loi mentionnées à l'article 11 avant qu'elles ne soient soumises au référendum» (article 61). Comme le Conseil constitutionnel s'interdit depuis 1962 le contrôle de la loi référendaire adoptée, on veut en 2008 lui permettre de bloquer les choses avant. Mieux, comme le Conseil constitutionnel vérifie «qu'aucune disposition» de la proposition ne soit contraire à la Constitution, cela interdit une séparabilité qui permettrait de laisser prospérer un texte amputé des dispositions jugées inconstitutionnelles. Sur cette base, la proposition de 2021 sur un «service public hospitalier de qualité», touchant à la «politique sociale de la nation», a été jugée inconstitutionnelle comme portant atteinte au pouvoir réglementaire du Premier ministre.

    Cette même logique des cinq lames du rasoir constitutionnel est celle de la décision du 11 avril 2024. Les trois premières conditions factuelles étant remplies, la question sur laquelle les auteurs de la proposition comme le gouvernement se sont focalisés était celle du domaine de l'article 11. Pour éviter une sanction, si le texte se voulait un moyen de faire valider par référendum des éléments écartés par le Conseil constitutionnel lors de son examen de la loi immigration (décision du 25 janvier 2024), les parlementaires le présentaient comme modifiant «certaines aides sociales susceptibles de bénéficier à des étrangers», entrant donc dans la «politique sociale de la nation», et bien comme une «réforme» au vu de l'ampleur de ses conséquences financières.

    Contre l'avis du gouvernement, le Conseil allait leur donner raison… Mais restait la conformité à la Constitution. L'article 1er excluait notamment de certaines aides les étrangers ne bénéficiant pas «d'une durée minimale de résidence stable et régulière en France», chose possible selon le juge tant que cette durée ne prive pas «de garanties légales» les exigences résultant selon lui du préambule de 1946. Or la durée retenue - au moins cinq ans -, leur aurait porté «une atteinte disproportionnée», et avec l'article 1er, c'est toute la proposition qui disparaît.

    Soyons clairs : en confrontant les termes des propositions à son interprétation de la Constitution, le Conseil constitutionnel est aujourd'hui à même d'empêcher la mise en place d'un RIP sur quasiment tous les sujets. Pour prendre le cas d'espèce, si une durée de résidence de cinq ans était une «atteinte disproportionnée», quelle aurait été la bonne ? Nul ne le sait, à part les neuf Sages - pas plus ici que pour d'autres de leurs jurisprudences où se manifeste toute leur subjectivité.

    Conflit d'interprétation contre interprétation donc : a priori, et quoi qu'en disent leurs opposants, les auteurs de la proposition n'avaient pas l'intention de violer la Constitution. Et puisque conflit d'interprétation il y a, entre les parlementaires et le juge constitutionnel, il faut le faire trancher. Qui, du juge ou des représentants du souverain, doit avoir le dernier mot ? La réponse à cette question posera tôt ou tard celle de la révision constitutionnelle, ce «lit de justice» moderne selon le doyen Georges Vedel.

    Une telle révision-arbitrage peut se faire par le Parlement réuni en Congrès, comme en 1993, mais le peuple souverain pourrait de manière tout aussi légitime trancher le débat si on le laissait s'exprimer. En ce sens, nous avons fait avec Frédéric Rouvillois un certain nombre de propositions pour «redonner le pouvoir au peuple», en ouvrant par exemple le champ référendaire - on voit mal au nom de quoi on interdit de soumettre au peuple souverain quelque texte que ce soit - ou en se demandant si l'appréciation du Conseil ne pourrait pas prendre la forme d'un avis plutôt que d'une décision.

    Mais que le juge constitutionnel puisse continuer d'interdire, sur une base aussi floue, que des propositions référendaires puissent être soumises au peuple souverain, et ce quand il écarte en même temps, et de la même manière, les textes parlementaires sur le même sujet, bloque de fait toute possibilité de réforme sur des sujets qui semblent pourtant aux Français bien plus «existentiels» que d'autres. Notre démocratie n'y survivrait pas longtemps. La question n'est plus de savoir s'il faut réviser la Constitution, mais quand.

    Christophe Boutin (Figaro Vox, 12 avril 2024)

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  • Gabriele d'Annunzio, le poète armé...

    Le quarante-cinquième numéro de la revue Livr'arbitres, dirigée par Patrick Wagner et Xavier Eman, est en vente, avec un premier dossier consacré à Gabriele d'Annunzio, un deuxième aux figures de l'antilibéralisme catholique au XIXe siècle et un troisième aux écrivains du Nord et de Picardie...

    La revue peut être commandée sur son site :  Livr'arbitre, la revue du pays réel.

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    Au sommaire de ce numéro :

    Éditorial

    Plaisirs solittéraires

    Coups de cœur

    Alexandre Dumas

    François Bousquet

    Baptiste Rappin

    Boris Moissard et Hervé Le Corneur

    Nouveautés

    Christian Planchais

    Emmanuelle de Boysson

    Portrait

    Gabriele d'Annunzio

    Dossiers

    Figures de l'antilibéralisme catholique au XIXe siècle

    Écrivains du Nord et de la Picardie

    Wokisme

    Entretien avec Denis Cieslik, Samuel Fitoussi, Laurent Obertone

    Entretien

    Thomas Clavel

    Christopher Gérard

    Patrice Jean

    Domaine étranger

    Carlo Ossola

    Essai

    Guillaume Dezaunay

    Pierre Dominique

    Histoire - Panorama

    Napoléon à Toulon

    Robert Brasillach à Je suis partout

    Cinéma

    Entretien : Nicolas d'Estienne d'Orves/Frédéric Taupin

    Carrefour de la poésie

    Peinture en prose

    Poème en en prose : Patrice Franceschi

    Récension :Georges Clément/Pierre-Denis Boudriot

    In memoriam : Jean-François Mathé

    Littérature jeunesse

    Stella Caldwell, Emile Zola, Emanuele Arioli

    Bande-dessinée

    La Chambre des officiers, A la recherche du temps perdu, Les scorpions du désert

    Nouvelle

    Un crachat dans vos gueules

    Carnet de voyage

    L'Alsace secrète

     

     

     

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  • L’Amérique et la ND : un peu, beaucoup… pas du tout !

    Pour cette nouvelle édition de Cette année-là, sur TV Libertés, Patrick Lusinchi, avec François Bousquet, rédacteur en chef, Olivier François, Christophe A. Maxime et Rodolphe Cart, se penche sur la longue histoire de la Nouvelle Droite et d’Éléments avec les États-Unis. Elle ressemble à une guerre au long cours, comme celle que l’Amérique mène à l’Europe. Dernier épisode en date : la guerre en Ukraine et le sabotage des gazoducs Nord Stream...

    Au menu également : le dernier numéro d’Éléments consacré à l’autre Amérique, celle qui défie les GAFAM et l’État profond : Elon Musk, Donald Trump, Tucker Carlson en dynamiteurs du Système...

     

                            

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  • Europe versus Occident : la fin d’une ambiguïté...

    Les éditions de la Nouvelle Librairie viennent de publier un essai d'Adriano Scianca intitulé Europe versus Occident - La fin d’une ambiguïté.

    Né en 1980, diplômé en philosophie, Adriano Scianca est un auteur et un journaliste italien, directeur du quotidien Il Primato Nazionale et de la revue Prometheica. Il est notamment l’auteur de Casapound, tout se réapproprier (Éditions Némésis, 2019) et de Ezra Pound et le sacré (Nouvelle Librairie, 2023).

     

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    " La guerre en Ukraine a été un puissant accélérateur de certaines dynamiques en cours depuis quelque temps et impose désormais de repenser profondément nos catégories politiques et géopolitiques fondamentales. La fracture entre occidentalisme et anti-occidentalisme est en effet de plus en plus prononcée, mais toute contradiction appelle un dépassement. Envers et contre les clivages manichéens et les attitudes caricaturales qui s’enferment dans des visions du monde simplificatrices et trompeuses, il s’agit de proposer une autre voie.

    Tel est ce que défend Adriano Scianca dans ce livre novateur et détonant. Un nouvel européanisme révolutionnaire est nécessaire, montre-t-il, et pour cela, la flamme d’un mythe européen doit être ravivée, au delà de toute tentation pro-américaine, pro-russe ou tiers mondiste. "

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  • Qu’est-ce que la métapolitique ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à la Revue des Amis de Jean Mabire et publié sur le site de la revue Éléments. Celui-ci y revient sur les origines et le sens de la notion de « métapolitique », centrale dans l'activité de la Nouvelle Droite.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021), L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022) et, dernièrement, Nous et les autres - L'identité sans fantasme (Rocher, 2023).

     

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    Qu’est-ce que la métapolitique ?

    LES AMIS DE JEAN MABIRE. Quand avez-vous découvert la métapolitique ? Le thème vous était-il déjà familier ? Quelle en est aujourd’hui votre conception ?

    ALAIN DE BENOIST : J’ai probablement rencontré le terme pour la première fois dans la seconde moitié des années 1960, mais j’ai oublié dans quelles circonstances. A cette époque, je ne connaissais pas le livre, d’ailleurs très contestable, publié en 1941 à New York par Peter Viereck sous le titre Metapolitics, pour qualifier la culture allemande post-romantique dans une perspective critique. Je n’avais pas lu non plus le livre d’Anthony James Gregor, An Introduction to Metapolitics, paru en 1971. Et bien sûr j’ignorais complètement que c’est au XVIIe siècle que le mot a été employé pour la première fois, en l’occurrence dans un manuscrit intitulé Metapolitica, hoc est tractatus de republica philosophice considerata, aujourd’hui conservé aux Archives historiques du diocèse de Vigevano, près de Pavie, dont l’auteur était le mathématicien et philosophe catholique espagnol Juan Caramuel y Lobkowitz, né à Madrid en 1606.

         J’étais alors au sortir de l’adolescence, et j’étais désireux, pour des raisons que j’ai eu l’occasion d’expliquer ailleurs, de rompre avec l’engagement politique et militant qui avait été le mien durant les années précédentes. Le terme de « métapolitique » est celui qui m’est apparu comme le plus susceptible de tenter de convaincre un certain nombre de mes amis que le travail d’ordre théorique, culturel ou intellectuel, était au moins aussi important que l’action politique au jour le jour. J’ambitionnai alors de créer une école de pensée qui se tiendrait à l’écart des contingences de l’actualité et s’emploierait, de façon collective, à fonder ou refonder un corpus théorique embrassant tous les domaines de la connaissance et du savoir. Le projet était vaste, certes, et non dépourvu de naïveté, mais j’étais déjà bien conscient de la grande difficulté qu’il y a à mener de pair un travail de réflexion et un engagement de type politique. Je voyais bien que les hommes politiques veulent avant tout rassembler, tandis qu’à leurs yeux les idées divisent. Je constatais aussi qu’une transposition d’un programme idéologique en un programme politique impliquait de faire en permanence des concessions auxquelles je n’étais pas disposé : on commence à vouloir défendre les idées de sa stratégie, et l’on finit par ne plus avoir que les idées de cette stratégie.

         Bref, au départ, la métapolitique était tout simplement pour moi synonyme de travail intellectuel collectif. Cela n’a pas toujours été bien compris – ni bien accepté. J’ai eu tort de m’en agacer parfois : les hommes de puissance ne peuvent pas se transformer en hommes de connaissance par un coup de baguette magique ! Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, on ne change pas de casquette à volonté.

    LES AMIS DE JEAN MABIRE. Est-ce la fréquentation des écrits d’Antonio Gramsci qui vous a poussé à investir la métapolitique ou bien cet auteur n’a-t-il fait que confirmer votre inclination vers ce champ ?

    ALAIN DE BENOIST : La référence à Gramsci n’a pas précédé, mais au contraire découlé de mon intérêt pour la métapolitique. Mon premier article sur Gramsci, paru dans Valeurs actuelles, date d’octobre 1974 ! Ce qui est vrai, en revanche, c’est que dans les années 1970, j’ai écrit de nombreux articles sur l’articulation de la culture et de la politique. Je m’y employais à cerner la notion de « pouvoir culturel ». J’insistais sur le rôle de la culture comme élément déterminant des changements politiques : une transformation politique forte consacre une évolution déjà intervenue dans les mœurs et dans les esprits. Le travail intellectuel et culturel contribue à cette évolution des esprits en popularisant des valeurs, des images, des thématiques en rupture avec l’ordre en place ou avec les valeurs de la classe dominante. Dans une telle perspective, la conquête d’une position éditoriale, voire la diffusion d’un feuilleton télévisé, ont plus d’importance que les slogans d’un parti. Ma démonstration reposait sur l’idée que, sans théorie bien structurée, il n’y a pas d’action efficace (« il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs »). La Révolution française n’aurait pas eu le caractère qui fut le sien si la voie ne lui avait pas été ouverte par les philosophes des Lumières, on ne peut avoir un Lénine avant d’avoir eu un Marx, même un petit catéchisme présuppose l’existence d’une théologie, etc.

         C’est dans cette perspective qu’il m’est arrivé à plusieurs reprises de me référer à ce qu’Antonio Gramsci a pu écrire à propos des « intellectuels organiques », qu’il chargeait d’exercer un pouvoir culturel susceptible de créer un nouveau « bloc hégémonique ». Sans doute y avait-il là une équivoque. Gramsci, tout attaché qu’il ait été à l’action des intellectuels, n’en avait pas moins été aussi l’un des membres dirigeants du parti communiste italien. En me référant à lui, ne risquais-je pas de conforter la critique selon laquelle les idées n’étaient pour moi qu’un moyen de parvenir à un but proprement politique, au moment même où je disais vouloir me tenir résolument à l’écart de toute préoccupation politique ? Le fait est en tout cas que la Nouvelle Droite a rapidement été caractérisée comme porteuse d’un « gramscisme de droite » dont certains observateurs, en particulier à l’étranger, n’ont pas hésité à faire le cœur de sa doctrine, ce qui m’a proprement stupéfié. Quant aux membres de la classe politique qui se réfèrent aujourd’hui à ce «gramscisme de droite », ils n’ont jamais que cinquante ans de retard – et je peux vous certifier qu’ils n’ont toujours pas lu Gramsci !

    LES AMIS DE JEAN MABIRE. Selon vous, la métapolitique ne concerne-t-elle que la seule réflexion ou bien a-t-elle des déclinaisons possibles, en particulier politiques ?

    ALAIN DE BENOIST : Certains de mes proches ont pu croire que la « métapolitique » n’était jamais qu’une autre manière de faire de la politique. C’est à mon avis une erreur, mais une erreur qui leur a donné bonne conscience pour céder aux démons de la politique qui n’avaient jamais cessé de les travailler. Pour moi, de même que la métaphysique n’a pas grand-chose à voir avec la physique, la métapolitique se situe sans ambiguïté au-delà de la politique. Joseph de Maistre, en 1814, la définissait comme la « métaphysique de la politique », ce que je ne trouve pas plus satisfaisant. Cela dit, dès l’instant où l’on parle de « métapolitique » et pas seulement de travail intellectuel, quelques explications complémentaires sont nécessaires. Le rapport n’est pas celui de la théorie et de la pratique. S’il y a un rapport entre la métapolitique et la politique, c’est un rapport indirect, consistant dans l’effet de causalité dont j’ai déjà parlé : le pouvoir culturel, lorsqu’il est idéologiquement bien structuré et qu’il parvient à influer sur le Zeitgeist d’une époque donnée, peut avoir un effet de levier par rapport à certaines évolutions ou situations politiques. Pensons à nouveau au rapport entre la philosophie des Lumières et la Révolution française. Mais l’erreur serait de croire que ceux qui font les révolutions sont les mêmes que ceux qui les rendent possibles. En réalité, c’est très rarement le cas. Et lorsque c’est le cas, l’ironie de l’histoire veut que ceux qui s’engagent dans les révolutions qu’ils ont contribué à rendre possibles en soient généralement les premières victimes. En novembre 1793, lors du procès de Lavoisier, Jean-Baptiste Coffinhal, président du tribunal révolutionnaire, proclamait hautement que « la République n’a pas besoin de savants ». Les révolutions manifestent une fâcheuse tendance à dévorer leurs pères, tout aussi bien que leurs enfants (Coffinhal fut lui aussi guillotiné).

         Je crois donc qu’il faut séparer la politique de la métapolitique. Cela ne signifie évidemment pas que la métapolitique ait une supériorité qui en ferait un modèle absolu, ni que faire de la métapolitique empêche de s’intéresser à la politique, de se poser vis-à-vis d’elle, non pas en acteur, mais en observateur. J’ai moi-même écrit constamment sur la politique, qu’il s’agisse de l’actualité politique ou de travaux sur la philosophie politique, les doctrines politiques ou les théories de l’État. Il est bon que certains fassent de la politique, parce que c’est ce qu’ils savent faire le mieux. Un monde uniquement composé d’intellectuels serait tout aussi invivable qu’un monde uniquement composé de fleuristes ou d’électroniciens ! Comme le disait Dominique Venner à la fin de sa vie : « Si vous éprouvez le désir d’agir en politique, engagez-vous, mais en sachant que la politique a ses règles propres qui ne sont pas celles de l’éthique » (Un samouraï d’Occident).

    LES AMIS DE JEAN MABIRE. La naissance du GRECE fut incontestablement un fait majeur ainsi qu’un outil déterminant de cette pensée. Par quelle volonté arriva-t-elle et quel fut le moteur de son développement ?

    ALAIN DE BENOIST : Le GRECE a été fondé fin 1967 par une trentaine d’amis, étudiants pour la plupart, qui s’étaient connus dans le cadre de la Fédération des étudiants nationalistes (FEN). C’est à mon initiative qu’ils se sont réunis, à peu près au moment où je faisais paraître le premier numéro de Nouvelle École. Un certain nombre ne se sont finalement pas associés au projet, mais d’autres s’y sont ralliés au point d’être toujours là un demi-siècle plus tard ! Le sens de l’acronyme était clair : au-delà d’une évocation symbolique de la Grèce, il s’agissait bien de fonder une école de pensée qui serait un « Groupement de recherche et d’études ». C’est à cette école de pensée que les médias ont donné à l’été 1979 le nom de « Nouvelle Droite », une dénomination qui ne m’a jamais satisfait, mais qui a été consacrée par l’usage.

    LES AMIS DE JEAN MABIRE. D’après vous, Jean Mabire était-il sensible à l’approche métapolitique et quel rôle joua-t-il au sein du GRECE ?

    ALAIN DE BENOIST : Oui, bien sûr. Jean Mabire, qui entretenait avec nous des relations de complicité amicale, et qui vivait alors à Paris (où il a quelque temps habité chez moi), était plus que sensible l’approche métapolitique, qui correspondait à l’une des facettes de son tempérament. Je ne sais plus s’il a été formellement adhérent du GRECE, mais il a participé durant de longues années aux activités de la mouvance qui a très tôt débordé le seul cadre de l’association. Je pense notamment au rôle qu’il a joué aux éditions Copernic, où il a dirigé, à la fin des années 1970, deux collections : « Maîtres à penser » et « Réalisme fantastique ». Il a aussi bien entendu collaboré aux publications apparues à la périphérie du GRECE, à commencer par la revue Éléments, qui paraît toujours.

    LES AMIS DE JEAN MABIRE. À travers ses essais, ses articles, ses ouvrages historiques et ses critiques littéraires, Jean Mabire faisait-il de la métapolitique, à quel niveau et sur quels thèmes ?

    ALAIN DE BENOIST : Je n’hésiterais pas à dire que tous les livres de Jean Mabire ont eu une portée métapolitique, mais c’est surtout vrai, à mon avis, pour les travaux qu’il a consacrés à la Normandie et au « nordisme », pour ses ouvrages sur la mer, pour Les dieux maudits et pour Thulé, pour des romans comme La Mâove ou des biographies comme celle du « baron fou » von Ungern-Sternberg, et bien sûr pour la formidable entreprise que représenta à partir de 1994 sa série des « Que lire ? » (qui mériteraient d’être aujourd’hui réédités dans la collection « Bouquins »).

    LES AMIS DE JEAN MABIRE. À l’heure des réseaux sociaux et de l’effondrement de la transmission à l’école, la métapolitique a-t-elle un avenir ?

    ALAIN DE BENOIST : Elle a sûrement un avenir, pour la simple raison qu’il existera toujours des poètes, des écrivains, des peintres, des musiciens et des théoriciens soucieux de comprendre leur temps et désireux d’y exercer une influence. Mais il lui faudra s’adapter à des moyens d’expression et de diffusion nouveaux. La montée rapide de la « vidéosphère » (Régis Debray), relayée aujourd’hui par le monde des écrans, l’effondrement du niveau scolaire et de la culture en général, l’apparition de l’intelligence artificielle et le rôle joué désormais par les « influenceurs » dans un monde « archipélisé », gouverné par l’émotion plus que par les idées (la « désidéologisation », pour reprendre un terme récemment vulgarisé par Christophe Bourseiller), en outre menacé par le nihilisme et le chaos, représentent de ce point de vue autant de défis à relever.

    Alain de Benoist (Site de la revue Éléments, 8 avril 2024)

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