Le numéro de novembre 2011 de la revue Le spectacle du monde est en kiosque.
Le dossier est consacré à la Russie, vingt ans après la chute du communisme. On pourra y lire , notamment, des articles de Pierre Lorrain ("Chronique d'un effondrement"), d' Alain de Benoist ("Conséquences géopolitiques d'une résurrection"), de Pierre-Alexandre Bouclay ("1991 - 2011 : comment la Russie a changé", "Gazprom, l'atout maître") ou de François Bousquet ("Edouard Limonov en rouge et brun", "Soljenitsyne, une lumière dans la nuit"), ainsi que des entretiens avec Stéphane Courtois et Jacques Sapir.
Hors dossier, on pourra aussi lire un article de Philippe Conrad ("La Normandie, un héritage de onze cents ans") et un papier de Bertrand de Saint-Vincent sur Sempé. Et on retrouvera aussi les chroniques de Patrice de Plunkett et d'Eric Zemmour ("Hollande, judoka consensuel").
Métapo infos - Page 1558
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La Russie, vingt ans après...
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Quelle mémoire pour la France ?...
Nous reproduisons ici, en ce jour du 11 novembre, une belle réflexion de Jean-Yves Le Gallou sur la mémoire de la France, initialement publiée sur le site de Polémia.
11 novembre : la mémoire de la France est davantage à Verdun qu'à Auschwitz
Le ministre de l’Education nationale a choisi symboliquement le jour de la rentrée scolaire, le 1er septembre 2011, pour recevoir Richard Prasquier, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), et le cinéaste Claude Lanzmann, auteur du film Shoah. Luc Chatel leur a redit solennellement l’importance primordiale qu’il accordait à l’enseignement de la « Shoah », une importance telle qu’elle justifie d’ailleurs l’existence d’un site officiel dédié sur le portail de l’Education nationale.
La persécution dont les juifs ont été victimes durant la seconde guerre mondiale est naturellement un élément central de la mémoire juive. Et les souffrances des juifs français sont bien évidemment un élément important de la mémoire française. Nul ne peut oublier le souvenir de nos 25.000 compatriotes juifs français (et des 50.000 juifs étrangers présents en France) déportés dans les camps de concentration dont bien peu eurent, comme Simone Veil, la chance de revenir en France.
Hypermnésie de certaines souffrances, amnésie des autres
Mais ces souffrances-là ne doivent pas conduire à nier ou à minimiser les autres drames français. Or, l’hypermnésie de la souffrance des uns conduit souvent à l’amnésie de la souffrance des autres. A-t-on le droit d’oublier (chiffres donnés par Jacques Dupâquier dans Histoire de la population française) :
- - les 123.000 militaires tués en 1939/1940 ; dans la bataille de France, en ce printemps 1940, c’est 3.000 hommes qui sont tombés chaque jour, le plus souvent en combattant, à l’instar des Cadets de Saumur ; - les 45.000 prisonniers de guerre qui ne revinrent jamais ;
- - les 20.000 tués des FFI et des FFL ;
- - les 27.000 résistants morts en déportation ;
- - les 43.000 morts de l’armée de la Libération ;
- - les 40.000 requis morts en Allemagne ;
- - les 125.000 victimes des bombardements aériens (pas toujours justifiés militairement) et terrestres.
Oublier ces victimes, ce n’est pas seulement un déni de compassion, c’est les tuer une deuxième fois ; c’est aussi trahir la vérité historique.
Ce qui compte dans la mémoire d’un peuple c’est ce que ses ancêtres ont charnellement vécu
Et pourtant ces victimes furent honorées dans l’immédiat après–guerre : par les timbres-postes, les noms de rue, les livres, les films, les disques, et ce jusqu’au début des années 1970, avant de disparaître dans l’obligation de repentance et l’oubli officiel. Pourtant ces victimes-là sont encore très présentes dans la mémoire française : parce que, les événements qui ont provoqué leur mort, ceux qui ont survécu les ont aussi connus et pas seulement au… cinéma. Or ce qui se transmet dans la mémoire des familles et des lignées, c’est ce que les ancêtres ont vécu. La patrie, c’est la terre des pères.
Français de souche ? Avoir son patronyme inscrit sur un monument aux morts
C’est pourquoi dans chaque famille française la mémoire de 1914 est si vive. Chaque famille conserve le souvenir des 1.400.000 morts de la Grande Ordalie : 1.000 morts par jour pendant quatre longues années. Et les Français vivants ont tous un père, un grand-père, un arrière-grand-père ou un trisaïeul qui a combattu à Verdun. Dans cette guerre civile européenne, c’est le sang gaulois qui a coulé. La présence dans nos villes et nos villages des monuments aux morts est infiniment poignante.
Réfléchissons un instant à ce qu’est un Français de souche : un Français de souche, c’est un Français dont le patronyme est inscrit sur l’un de nos monuments aux morts.
Un Français de souche, c’est un Français qui a dans ses archives familiales les lettres ou les carnets d’un ancêtre qui raconte avec des mots simples le quotidien de la Grande Guerre. Alors qu’approche le centenaire du 2 août 1914, ces écrits simples, précis et sans emphase, trouvent le chemin de l’édition : pieuses autoéditions familiales ou publication chez de grands éditeurs comme le carnet de route du sous-lieutenant Porchon (*). N’oublions pas non plus le succès du Monument, livre de Claude Duneton, qui raconte la vie des hommes dont les noms sont inscrits sur le monument aux morts d’un village du Limousin. Comme le dit un lecteur sur le site d’Amazon : « Vous ne traverserez plus jamais un petit village de France sans chercher des yeux son monument aux morts et avoir une pensée émue pour ces hommes dont le nom est gravé. Quels auraient été leurs destins et celui de leurs villages sans cette guerre ? Un livre à lire et à faire lire pour ne pas oublier. »
Reprendre le fil du temps dans la fidélité à la longue mémoire
Le siècle de 1914 s’achève : après avoir vu disparaître le fascisme, le national-socialisme, le communisme, c’est le libre-échangisme mondialiste qui s’effondre sous nos yeux. Le centenaire de 1914 approche, et il sera, n’en doutons pas, profondément commémoré. Pour la France et l’Europe le moment est venu de reprendre le fil du temps et de la tradition. Un fil du temps interrompu il y a un siècle. Un fil du temps à reprendre dans la fidélité à la longue mémoire.
Jean-Yves Le Gallou (Polémia, 7 novembre 2011)
(*) La précision de ces textes est admirable. J’ai eu la surprise de lire la narration des mêmes événements – attaques et contre-attaques aux Eparges en janvier/février 1915 – dans trois textes différents :
- Carnet de route du sous-lieutenant Porchon, saint-cyrien, chef de section, tué au combat, commandant la section voisine de celle du sous-lieutenant Genevoix ;
- Ceux de 14, admirable somme de Maurice Genevoix, blessé au combat ;
- Mémoires d’Auguste Finet, mon grand-père, simple soldat, sorti de l’école à onze ans et écrivant bien le français, blessé au combat.
Ce sont les mêmes faits qui sont précisément décrits, presque avec les mêmes mots. A cet égard la belle reconstruction littéraire de Maurice Genevoix est d’une fidélité parfaite aux événements. -
L'enculé !...
Evidemment, l'affaire DSK était taillée pour lui... Marc-Edouard Nabe ne l'a donc pas laissée passer et réapparait dans le paysage littéraire avec un roman intitulé L'enculé, consacré aux frasques new-yorkaises de l'ex-directeur du FMI et autoédité par ses soins comme pour son précédent roman, L'homme qui arrêta d'écrire. Un brulôt, comme vous pourrez le constater en lisant l'entretien qu'il a accordé à Pierre Ancery pour Bibliobs...
Le roman est disponible exclusivement sur le site de Marc-Edouard Nabe : http://www.marcedouardnabe.com/
Nabe : «DSK, c'est moi!»
Pierre Ancery - Le livre est sorti très vite, trois semaines après l'intervention de Dominique Strauss-Kahn au JT de Claire Chazal. Vous l'avez écrit au fur et à mesure de l'affaire?
Marc-Édouard Nabe - À mon retour de Tunisie, je me suis mis à écrire un autre livre sur les révolutions arabes, l’assassinat de Ben Laden, les conspirationnistes, qui devait sortir pour l'anniversaire du 11 septembre. Puis je me suis rendu compte que le nouveau 11 septembre, dix ans après, c'était l'affaire DSK. Je n’ai pas changé mon fusil d’épaule, j’ai changé de fusil, et toujours sur la même épaule. Plus l’affaire s’enrichissait, plus on aurait dit un scénario écrit pour moi, avec tous les éléments qui m'intéressent: le sexe, l'argent, la politique, l’Amérique, l'Afrique, les Noirs, les Juifs, etc. J'ai donc écrit ma fiction en fonction des rebondissements réels de l’affaire, qui étaient autant d'épisodes romanesques ou cinématographiques que j'intégrais au fur et à mesure dans le roman.
Pierre Ancery - Pourquoi avoir choisi la forme du roman?
Marc-Édouard Nabe - Je ne voulais pas juste donner mon avis, être dans le commentaire. J'aurais pu écrire un pamphlet ou un tract, mais le roman me permettait de me glisser dans la tête de DSK, ce qui est quand même beaucoup plus marrant. C'est un travail assez complexe d'élaboration. Ce qui m'a passionné, c'est de le faire en direct. Il y en a qui ont fait des livres sur des faits divers, par exemple Morgan Sportès avec son livre sur Ilan Halimi. Il écrit cinq ans après le fait divers et il change les noms : la belle affaire! Moi j'ai gardé les vrais noms. Et j'étais avec Strauss-Kahn en permanence, je vivais avec lui pendant quatre mois. J'estime que j'étais plus avec lui que tous ses défenseurs. J'étais en connexion mentale.
Pierre Ancery - Quelle est la part de Nabe dans ce personnage? Par moments, on sent que c'est vous qui parlez à travers lui.
Marc-Édouard Nabe - Oui, mais c'est normal. Regardez tous les écrivains qui se sont mis dans la peau de quelqu'un d'autre, leurs personnages c'est aussi eux. Rien de plus banal, Flaubert disait : « Madame Strauss-Kahn, c’est moi !» En revanche, se dissoudre dans un homme connu mondialement, c’est autre chose. Vidé par les médias, DSK était devenu creux, personne ne savait comment lui vivait son histoire de l’intérieur, je l’ai rempli de littérature et d’une vérité, il me semble, plus juste que celle que les journalistes et ses « proches » ont inventé pour l’attaquer ou le défendre. C'est presque un cadeau que je lui fais d'aller aussi profondément dans son âme, une âme qu'il n'a peut-être pas à ce niveau-là. Beaucoup de ceux qui le connaissent m'ont dit qu'il était moins bien que ça dans la réalité. Ce que j'ai appris de lui, c'est ce que tout le monde sait, mais j'ai rajouté évidemment tout un tas d'éléments qui me permettaient d'arriver à la substance du personnage. Il faut signaler que je ne le connais pas du tout, et pourtant c'est tout à fait lui. C’est magique. Je crois à la magie. D’ailleurs, depuis l’apparition de mon roman, DSK s’est fait pousser la barbe, à l’exact moment où l'Enculé est sorti de l’imprimerie. Même s’il l’ignore, ce livre va le changer.
Pierre Ancery - Votre DSK littéraire est-il si proche du DSK réel? Vous en avez fait un prédateur sexuel, mais aussi un personnage raciste et antisémite. Ça sort un peu de nulle part, non?
Marc-Édouard Nabe - Renseignez-vous : quand vous lisez la biographie de Michel Taubmann, on voit bien que DSK a pris conscience de sa judéité quand il a rencontré Anne Sinclair, c'est elle qui l'a poussé à défendre Israël mordicus. Lui, ça ne l'avait jamais intéressé tout ça, il n'y est allé qu'à l'âge de 40 ans. Ses deux femmes précédentes et ses cinq enfants ne sont pas juifs. Après, j'ai extrapolé. De la même façon, j'ai imaginé que DSK parlait très mal anglais, ce qui n'est pas le cas dans la réalité.
Ce qui m'intéressait, c'était de construire un personnage profond. Que j'y ai mis mes soi-disant marottes, ça se discute, le but c'est de savoir si c'est crédible ou pas, et tout le monde a trouvé ça hyper crédible sur le plan psychologique. Qu’il soit gavé par l’obsession de son épouse pour l’Holocauste est tout à fait plausible. C’est un des ressorts de tout couple : détester ce que l’autre adore. Mon DSK n’est pas le premier Juif romanesque qui ne peut plus supporter sa communauté !
Pierre Ancery - Auriez-vous pu publier ce livre dans le système éditorial classique?
Marc-Édouard Nabe - Non. Ce livre était une espèce de défi éditorial et littéraire: j’ai écrit et je publie un livre qui est impossible, logiquement, à écrire et à publier. «L'Enculé», le titre, déjà : quel éditeur publierait ça? Aucun. Il faut savoir que «l'enculé», c'est au sens de celui qui s'en sort à chaque fois. Il s'est sorti de l'affaire du Sofitel, il s'est sorti de l'affaire Banon, il va se sortir du Carlton, il se sort de tout, il n'a aucun problème pour se tirer des difficultés. C’est un cynique allègre et qui assume. J'ai voulu créer un type comme Le Misanthrope. Oui, rien que ça ! Mon originalité, c'est que tout le monde connaît le personnage de L’Enculé alors que les personnages dont Molière s'est inspiré pour faire l'Avare ou le Tartuffe ont peut-être existé, mais nous ne les connaissons pas.
Pierre Ancery - Les allusions aux singes sont très fréquentes dans le livre. Pourquoi?
Marc-Édouard Nabe - C'est très simple : Tristane Banon, dans sa première interview chez Ardisson, raconte que DSK lui avait fait l'impression d'un chimpanzé en rut. J'ai gardé cette métaphore et je l'ai filée. Et je me suis dit : pourquoi ne l'assumerait-il pas lui-même? À partir du moment où il assume d'être un singe, pourquoi ne se métamorphoserait-il pas, de façon kafkaïenne, en chimpanzé ou en gorille suivant le moment de la journée? Et puis il a cette passion des nasiques, un singe que j'adore parce qu'ils sont drôles, à la fois grotesques, touchants, encombrés par leur trompe, avec toute la symbolique sexuelle qui va avec.
Pierre Ancery - Vous peignez Anne Sinclair en hystérique obsédée par le sionisme, qui passe ses soirées à pleurer en regardant des documentaires sur Auschwitz. Vous n'en faites pas trop?
Marc-Édouard Nabe - C'est beaucoup plus près de la réalité que ce que vous croyez... Bien sûr, j'ai exagéré son sionisme pathologique et sa passion pour tous les détails de la seconde de guerre mondiale, mais ça c'est mon humour et mon mauvais goût à moi. Ceux qui n'apprécient pas, tant pis pour eux.
Pierre Ancery - Il y a un passage où DSK, atteint de diarrhée dans sa cellule, s'essuie avec La nuit d'Elie Wiesel. Quand vous écrivez ça, vous savez pertinemment que ça va susciter des réactions...
Marc-Édouard Nabe - Je n'écris pas pour susciter des réactions. Je m'en fous, ça n'a aucune importance. Parce que j'ai suffisamment dit tout ce que je pensais de ces questions-là pour qu'on ne me fasse pas le procès de croire que je me sers de DSK pour parler à sa place. S’il est indiqué « roman » sur la couverture c’est que c’en est un. À ce niveau-là, on n’espère pas ne pas être attaqué en mettant simplement «roman» sur la couverture. Ce livre a été écrit dans une liberté totale, sans aucune retenue ni autocensure, c’est un exemple de ce qu’il faudrait toujours faire et que l’édition, la critique, les lecteurs, bref la bourgeoisie, empêchent. Tant pis pour ceux qui acceptent ce fatras social contraire à l’art.
C'est avant tout un roman drôle. Vous savez, on n'est pas si nombreux en littérature à savoir faire rire. Moi je ne veux pas faire sourire ou pouffer, je veux l'éclat de rire, je veux la jouissance. Évidemment, si vous lisez ça comme un rapport de police, c'est pas marrant. Et je pense que DSK lui-même peut se bidonner à la lecture. Humainement, c'est impossible de résister, même quand il s'agit de soi.
Pierre Ancery - Cet humour très noir est proche de celui qui régnait à Hara-Kiri, où vous avez fait vos débuts. Par exemple, dans le passage où le détective engagé pour enquêter en Afrique finit mangé par des cannibales...
Marc-Édouard Nabe - Bien sûr, oui. C'était aussi un moyen de dire beaucoup de choses sur l'Afrique et sur le racisme. Je trouve que dans cette affaire, il y a eu un mépris de l'Afrique de la part de plein de gens comme Jean-François Kahn ou Robert Badinter qui n'ont jamais prononcé le nom de Nafissatou Diallo. Cohn-Bendit est toujours incapable de le dire correctement. On a quand même entendu des choses énormes : Ivan Levaï qui explique qu'on ne peut pas violer si on n'a pas un couteau ou un pistolet... Je réponds par avance à ça dans le roman, quand j'explique le point de vue d'une femme qui se fait violer.
Finalement, mon livre est très féministe, lorsque j'explique comment un type peut violer une femme sans arme, et comment le corps se détend à un moment donné pour accepter cette horreur. Ce genre de passage ferait du bien à toutes les féministes du genre Clémentine Autain si elles étaient moins tristement sectaires. Parce que même si je ne suis pas un militant de Nafissatou Diallo ou de Tristane Banon, je suis de cœur à leur côté. Pas parce que je cherche le paradoxe, mais parce que je suis pour la vérité. Et je suis évidemment absolument persuadé qu'aucune des deux n'a menti.
Pierre Ancery - Dans vos livres, vous attaquez souvent le physique des gens. Vous vous considérez comme un caricaturiste ?
Marc-Édouard Nabe - Je n'aime pas ce mot, qui fait un peu trop dessinateur de la place du Tertre. Par contre, si vous pensez à des gens comme Vuillemin ou Reiser, alors oui. Le Gros Dégueulasse sans une couille qui dépasse de son slip, n’est plus Le Gros Dégueulasse. Mais je n'attaque pas le physique : je transfigure le physique. Dans le livre, DSK nomme son bouledogue Martine Aubry parce qu'il lui ressemble, mais ça a un sens précis... Mais peut-être est-ce une question d'époque ou de génération, aujourd'hui ce genre d'humour est pris trop au sérieux.
Pierre Ancery - Vous n'avez pas peur qu'on vous fasse un procès pour ce roman? Les occasions n'en manqueraient pas.
Marc-Édouard Nabe - Mais je ne demande que ça ! Anne Sinclair, l'héritière de son grand-père Rosenberg, le marchand de tableaux qui a fait tout son argent avec Picasso, Braque, et Matisse, qui est archi-millionnaire, intentant un procès à un écrivain qui autoédite un livre à 2000 exemplaires ? Là, on arriverait à des degrés de mise en abîme de ma propre littérature qui seraient extraordinaires. C'est Picasso qui servirait à me ruiner, moi qui ne suis même pas ruinable, puisque je n'ai rien ! J'irais à Rikers Island et ma femme m'apporterait Bagatelles pour un massacre pour que je puisse me torcher avec...
Pierre Ancery - Un procès validerait votre prétention au «terrorisme littéraire».
Marc-Édouard Nabe - Un premier imprimeur a refusé de l'imprimer, j'ai dû en trouver un autre qui a accepté à condition de ne pas mettre son nom, et pour le deuxième tirage j'ai dû le faire imprimer en Allemagne. Et pourtant les imprimeurs ne risquent rien, c'est sur moi que tomberaient les emmerdements. On n'est plus à la Révolution française où on coupait la tête de l'imprimeur d’un livre avant celle de l'auteur. Le premier m’a dit en gros: « Vous n’avez qu’à les faire imprimer en Chine, vos saloperies ! » Les imprimeurs français m’encouragent à délocaliser !
Mais ce qui est intéressant, c'est ce qui est écrit, pas les suites judiciaires. Cela dit, il est évident que si j'avais soumis le texte à un avocat, il m'aurait dissuadé de le faire, comme un éditeur m'aurait dissuadé de l'écrire. C'est un livre impossible à récupérer. Il y a des gens qui l'ont déjà transmis à Kenneth Thompson : c'est le seul livre au monde pour l'instant qui défend Nafissatou Diallo, mais je suis persuadé que si Thompson se fait traduire ça, il sera choqué.
Pierre Ancery - On devine que vous ne portez pas DSK dans votre cœur, pourtant, finalement, ses faiblesses le rendent sympathique.
Marc-Édouard Nabe - Il représente tout ce que je hais : la richesse, l'abus de pouvoir, le cynisme, la manipulation, la corruption, la vulgarité. Ce qui est odieux chez lui, c'est sa position politique, sa tromperie sur la gauche. Quand on pense que tous ceux qui lui crachent dessus aujourd’hui auraient voté pour lui sans état d’âme au second tour face à Sarkozy !... Alors qu'ils savaient très bien qui il était, pas seulement comme queutard, mais comme torpilleur de la finance, comme nettoyeur au FMI, comme équarisseur de la Grèce ou de l'Irlande.
Mais à côté de ça, ce qui est sympathique dans le personnage, c'est que c'est un type qui au final n'a rien à foutre de rien, de la politique, du FMI. Tout ce qui l'intéresse, c'est de voir un cul qui passe. Il sait qu'il a 62 ans, que le temps est compté, il ne va pas pouvoir triquer jusqu'à 90. Il y a là une humanité que je suis arrivé à toucher, je crois. On fait tout un barouf autour du mystère de la jouissance de la femme, mais ce qui se passe dans la tête d'un homme quand le désir monte en lui, on n'en parle jamais. Je pense d'ailleurs que beaucoup de femmes peuvent apprendre par ce livre ce qui se passe chez un homme. Cette souffrance, qu'aucune femme ne peut connaître... Et on peut s'interroger là-dessus. Parce que si on enlève tout, il reste juste un homme qui a eu envie de baiser à un moment donné et qui a tout sacrifié à ce désir. C’est ça qui est beau, c’est ça qui rend mon personnage et celui qui l’a inspiré universels.
Pierre Ancery - La publication de L'Enculé signe-t-elle la fin de votre retour en grâce dans les médias? La presse en a très peu parlé alors que votre précédent roman, L'Homme qui arrêta d'écrire, qui avait été nominé pour le Renaudot, avait rencontré un franc succès médiatique.
Marc-Édouard Nabe - Que la presse pourrie littéraire fasse semblant d’ignorer mon livre, j’y suis habitué. Plus étonnant, est le silence de mes alliés… Hormis Besson et Giesbert – encore eux ! – qui m’ont dégagé une formidable page dans Le Point, les autres préfèrent se planquer, comme si L’Enculé les compromettaient. Très décevant de les voir nier qu’ils chient dans leur froc alors qu’à l’évidence ça cocotte ! Taddeï me dit que ce serait mauvais pour moi de passer dans son émission… L’Express, qui s’est fait traiter de «tabloïd» par Strauss-Kahn devant des millions de téléspectateurs, n’est pas foutu de faire un ban d’honneur à mon roman. Que Christophe Barbier ne se plaigne pas ensuite qu’on accuse la presse d’être toujours du côté du pouvoir !
Quant à mon ami Delfeil de Ton, intarissable d’enthousiasme au bistrot sur L’Enculé, il préfère raconter ma « farce » à un jeune homme de « BibliObs », qui ne l’a pas lue, pour qu’il en rende compte à sa place. À vous même, Jérôme Garcin, qui s’est dit très excité en privé de lire mon Enculé, ne donne pas d’espace dans la version papier pour parler de ce livre… Seuls David Abiker et Guy Birenbaum, à priori plutôt hostiles, n’ont pas hésité à m’inviter à en parler en direct sur Europe 1. Il faut dire que eux ne tremblent pas de peur à l’idée qu’on puisse les taxer d’antisémitisme, ce qui n’est pas le cas de mes chers amis goys… Je crois que je vais arrêter avec les goys! Mais tout cela n’a pas d’importance. Le livre se vend et se lit. Aujourd’hui, un écrivain comme moi n’a plus besoin des médias.
Propos recueillis par Pierre Ancery (Bibliobs, 8 novembre 2011)
L'Enculé de Marc-Edouard Nabe, 24 euros.
Disponible uniquement sur www.marcedouardnabe.com -
La démondalisation, vite !...
Nous reproduisons ci-dessous un article de Marc Rousset, cueilli sur Scriptoblog et consacré à l'urgence de la démondialisation. Marc Rousset est l'auteur d'un essai intitulé La nouvelle Europe Paris - Berlin - Moscou (Godefroy de Bouillon, 2009).
La nécessaire démondialisation
« Plutôt que la démondialisation, la mondialisation par le haut ! » Tel est le titre d’une chronique irréaliste du Professeur Emmanuel Combe à l’Université de Paris-I dans le Figaro du mardi 1er Novembre qui revient en fait à défendre le libre échange mondialiste ! Que Madame Laurence Parisot du MEDEF et Monsieur Maurice Levy dans son rapport du B20 à Cannes défendent cette contre-vérité, cela est compréhensible car ils ne font que défendre les stock options de l’oligarchie managériale ainsi que les profits des multinationales dans les pays émergents, mais qu’un Professeur défende ces thèses par manque de bon sens et favorise donc le chômage en France ainsi que la désertification industrielle, c’est triste !
Les défenseurs du libre échange mondialiste et de la mondialisation par le haut ne font que reprendre en fait la vieille antienne que l’on nous rabâche depuis 30 ans comme quoi, à nous les Européens, l’innovation , les produits sophistiqués propres à haute valeur ajoutée et aux pays émergents les produits polluants de faible intérêt technologique . Tandis que la France attend en vain le messie salvateur de l’innovation depuis 30 ans ,Saint Thomas ,lui, constate qu’elle déjà perdu en réalité pendant cette période 3 millions d’emplois industriels ! Faudra t-il, après déjà avoir laissé partir tant de technologie et de savoir faire d’une façon irréversible que l’on attende encore quelques années pour reconnaitre trop tard ces mensonges et ces inepties ? Faudra t-il le désert industriel bien réel et presqu’absolu de l’Hexagone pour reconnaître la stupidité et la vanité de ces thèses ?
Aujourd’hui 78% des embauches en France se font en CDD ! Le taux de chômage n’a jamais été aussi élevé en Europe avec son plus haut historique de 10,2% ! Quant à l’Allemagne, il ne faut pas oublier que 60% de ses exportations sont réalisées en Europe et que l’excédent de ses exportations vient de son « Mittelstand » industriel avec des niches spécialisées, des machines outils, et surtout avec ses voitures haut de gamme ; ces dernières , fabriquées aujourd’hui en Allemagne , sont exportées en Chine et dans les pays émergents, mais elles sont appelées demain à être fabriquées dans ces pays. A moyen terme, le numéro un mondial de la voiture haut de gamme, l’allemand BMW, veut produire autant de véhicules en dehors de son pays d’origine , notamment en Chine, aux Etats-Unis et au Brésil qu’à l’intérieur , a déclaré Frank-Peter Arndt, son directeur de la production à la revue Automotive News Europe.BMW produit actuellement 58% de ses voitures en Allemagne contre 70% en 2002. L’Allemagne ne sera que le dernier des pays européens à demander la fin du libre échange mondialiste , mais son tour viendra inexorablement car les Chinois un jour fabriqueront les machines outils, les voitures haut de gamme et les exporteront aussi en Allemagne !De même arrêtons de croire comme des benêts et de prendre pour argent comptant les dernières déclarations du Président Sud- coréen Lee Myung-bak ,en vue du G20 à Cannes , comme quoi le « protectionnisme conduit à la récession » !Cela est peut être vrai pour la Corée et la Chine , mais certainement pas pour l’Europe ! Les Chinois devront de toute façon dans un avenir immédiat acheter de Airbus ou des Boeing et tant pis si demain l’ industrie du luxe des parfums, des foulards et des sacs en cuir qui repose uniquement sur le bluff imaginaire du Marketing ,suite à des dépenses colossales publicitaires et non pas dans la valeur industrielle ajoutée des fabrications (moins de 10% ou de 5% de la valeur du produit pour les parfums , comme l’a très bien montré Capital dans son numéro d’octobre 20II) ne vend plus en Chine ou au Japon. Mais la France recommencera à fabriquer, ce qui est beaucoup plus important des espadrilles dans le pays basque, des chaussures à Romans, des produits textiles dans le Nord et dans les Vosges , et des biens de consommation durables.
Il faut donc arrêter de rêver et pour parodier De Gaulle « cesser de sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l’innovation, l’innovation ! ». Il faut arrêter de croire que le seul mot innovation va suffire à nous guérir de tous nos malheurs. La Chine vient de réussir son premier rendez-vous spatial ! China Aviation Industry Corp, après avoir lancé l’avion régional ARJ-21 de 80 places, compte fabriquer un avion de 150 places pour rivaliser avec l’A320 et le Boeing 737.Un ordinateur sur deux vendus dans le monde porte le label chinois qui ne concerne plus seulement les tee-shirts. Un des derniers slogans chinois « Chuangxin !» : « Innovation ! » du Parti communiste chinois avait pour but de transformer le pays « d’une Chine qui fabrique en une Chine qui innove », ce qui devrait finir par ouvrir les yeux des naïfs. La part du « high tech » dans les exportations chinoises est de 30% et, depuis 2004, la Chine est le premier exportateur mondial de nouvelles technologies devant les Etats-Unis ! La Chine non seulement copie, mais innove avec des dépenses de recherche et développement en augmentation de 20% par an qui ont dépassé celles du Japon et se situent au deuxième rang mondial derrière les Etats-Unis. 7,1 millions d’étudiants en science, médecine et ingénierie en 2004, 750 centres multinationaux de recherche et 1731 universités en 2007, 45 milliards de dollars en 2010 et 113 milliards de dollars en 2020 pour la recherche ! Le discours sur la salutaire spécialisation dans l’économie de l’immatériel pour les pays de la « vieille Europe » n’a donc aucun sens.
Un très grand nombre d’Européens, crétinisés par les médias, établissent très souvent la comparaison entre le protectionnisme et la ligne Maginot, croyant ainsi mettre très rapidement un terme aux discussions avec leur interlocuteur, essayant de lui faire comprendre que la messe est dite ! Or, à la réflexion , la ligne Maginot en mai 1940 n’a pas été prise et a parfaitement joué son rôle ! La seule véritable erreur a été de commettre sur le plan militaire le même pêché de naïveté qu’aujourd’hui sur le plan économique, à savoir de respecter la neutralité de la Belgique et de ne pas écouter De Gaulle avec ses divisions blindées mécanisées, tout comme l’on respecte encore les bobards libre-échangistes ! La véritable erreur a été ne pas achever la construction de la ligne Maginot jusqu’à Dunkerque pour éviter la trouée de Sedan, dont l’équivalent économique actuel serait le rétablissement de la préférence communautaire avec des droits de douane ! L’Allemagne de la « Blitzkrieg » avait aussi en 1939 sa ligne Maginot défensive , la ligne Siegfried, qui a parfaitement joué son rôle fin 1944-début 1945 ! S’il faut être offensif, innovateur et essayer de prendre des marchés à l’exportation, il faut donc aussi savoir se défendre économiquement !
Bref, il y a ceux qui attendent le désert industriel le plus complet pour reconnaître, mais trop tard qu’ils se sont trompés, tout comme ceux qui attendent le début des violences et une guerre civile inexorable d’ici une vingtaine d’années pour reconnaître que l’immigration extra-européenne est une grave erreur ! Un peu de bon sens, de courage, d’honnêteté, de réalisme et d’intelligence pragmatique pour ne pas laisser « crever » les classes moyennes et le peuple de France, voila ce dont ont besoin d’une façon urgente l’UMPS ainsi que les lâches et stupides élites françaises !
Marc Rousset (Scriptoblog - Le retour aux sources, 3 novembre 2011)
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Le féminisme et ses dérives...
Les éditions de Paris viennent de rééditer Le féminisme et ses dérives - Rendre un père à l'enfant-roi, un essai de Jean Gabard, qui avait été initialement publié en 2006. Professeur, l'auteur a commencé son parcours dans les années 70 dans la contre-culture libertaire, pacifiste, écologiste et féministe avant d'en arriver, au fil du temps et de l'expérience , à devenir très critique sur les dérives de l'idéologie féministe et sur les dégâts qu'elle a provoquée dans l'éducation des enfants.
"Oser critiquer un certain féminisme valait, il y a peu, d'être taxé de réactionnaire, mais aujourd'hui le sujet peut être traité sans œillères. Cet essai vient relancer le débat. Il montre comment, au nom d'une certaine idée de la liberté et de l'égalité, une idéologie " moderniste " qu'il faut bien appeler " féministe " puisqu'elle s'oppose radicalement à l'idéologie mise en place par l'homme, devient à son tour dominante. Il ne s'agit pas de ressusciter ici la traditionnelle guerre entre l'homme et la femme, mais de rappeler les rapports difficiles entre le sexe dit fort et le sexe prétendu faible. Après avoir dessiné les grandes lignes d'une confrontation qui va de l'installation de la société patriarcale à sa contestation moderne, l'auteur dénonce la " bien-pensance " actuelle vis-à-vis de l'idéologie féministe. En effet, au nom de la nécessaire émancipation de la femme et de la juste lutte contre l'oppression qui, dans bien des pays, fait d'elle un sujet de condition inférieure, le féminisme en vient à nier la différence des sexes et à diaboliser l'homme perçu comme inutile. Ce nouveau dogme gynocentriste, qui est en train d'accoucher d'une société sans pères et sans repères, a de redoutables conséquences dans les domaines de l'évolution de la famille et de l'éducation des enfants. Dans cet essai, l'auteur ne se contente pas de dénoncer les dérives féministes (qui sont aussi celles de la démocratie), il s'attache aux racines mêmes du malaise de notre société et dénonce aussi le machisme et l'intégrisme qui, partout, se font menaçants. Procédant selon une approche pluridisciplinaire, il aborde le sujet sous les angles historique, sociologique, psychologique, politique, économique, symbolique...En ciblant tour à tour les faiblesses de l'idéologie machiste et celles de la nouvelle idéologie féministe, l'auteur invite les hommes et les femmes à ne pas s'enliser dans un manichéisme stérile mais à sortir de la confusion et des illusions pour inventer ensemble un projet adulte. "
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Prolonger l'agonie ?...
Nous reproduisons ci-dessous une analyse de l'économiste Jacques Sapir, parue dans Marianne, concernant l'accord européen du 27 octobre sur la dette grecque et le fond europée de stabilité.
Un accord qui ne fait que prolonger l'agonie de l'euro
L'accord réalisé cette nuit ne fera que prolonger l'agonie de l'Euro car il ne règle aucun des problèmes structurels qui ont conduit à la crise de la dette. Mais, en plus, il compromet très sérieusement l'indépendance économique de l'Europe et son futur à moyen terme. C'est en fait le pire accord envisageable, et un échec eût été en fin de compte préférable.
Nos gouvernements ont sacrifié la croissance et l'indépendance de l'Europe sur l'autel d'un fétiche désigné Euro.
Huit mesures actées
Si nous reprenons les mesures qui ont été actées nous avons :1.Une réduction partielle de la dette mais ne touchant que celle détenue par les banques. Autrement dit c'est 100 milliards qui ont été annulés et non 180 (50% de 360 milliards). Cela ne représente que 27,8%. La réalité est très différente de ce qu'en dit la presse. Cela ramènera la dette grecque à 120% en 2012, ce qui est certes appréciable mais très insuffisant pour sortir le pays du drame dans lequel il est plongé.2.Le FESF va se transformer en « fonds de garantie » mais sur les 440 milliards du FESF, seuls 270 milliards sont actuellement « libres ». Comme il faut garder une réserve c'est très probablement 200 milliards qui serviront à garantir à 20% les nouveaux emprunts émis par les pays en difficultés. Cela représente une capacité de 1000 milliards d'emprunts (200 / 0,2). C'est très insuffisant. Barroso avait déclaré qu'il fallait 2200 milliards et mes calculs donnaient 1750 milliards pour les besoins de la Grèce (avant restructuration) du Portugal et de l'Espagne. Cet aspect de l'accord manque totalement de crédibilité.3.La recapitalisation des banques est estimée à 110 milliards. Mais, l'agence bancaire européenne (EBA) estimait ce matin la recapitalisation à 147 milliards (37 de plus). De plus, c'est sans compter l'impact du relèvement des réserves sur les crédits (le core Tier 1) de 7% à 9% qui devra être effectif en juin 2012. Il faudra en réalité 200 milliards au bas mot, et sans doute plus (260 milliards semblent un chiffre crédible). Tout ceci va provoquer une contraction des crédits (« credit crunch ») importante en Europe et contribuer à nous plonger en récession. Mais, en sus, ceci imposera une nouvelle contribution aux budgets des États, qui aura pour effet de faire perdre à la France son AAA !4.L'appel aux émergents (Chine, Brésil, Russie) pour qu'ils contribuent via des fonds spéciaux (les Special Vehicles) est une idée très dangereuse car elle va enlever toute marge de manoeuvre vis à vis de la Chine et secondairement du Brésil. On conçoit que ces pays aient un intérêt à un Euro fort (1,40 USD et plus) mais pas les Européens. La Russie ne bougera pas (ou alors symboliquement) comme j'ai pu le constater moi-même lors d'une mission auprès du gouvernement russe en septembre dernier.5.L'engagement de Berlusconi à remettre de l'ordre en Italie est de pure forme compte tenu des désaccords dans son gouvernement. Sans croissance (et elle ne peut avoir lieu avec le plan d'austérité voté par le même Berlusconi) la dette italienne va continuer à croître.
6.La demande faite à l'Espagne de « résoudre » son problème de chômage est une sinistre plaisanterie dans le contexte des plans d'austérité qui ont été exigés de ce pays.7.L'implication du FMI est accrue, ce qui veut dire que l'oeil de Washington nous surveillera un peu plus... L'Europe abdique ici son « indépendance ».8.La BCE va cependant continuer à racheter de la dette sur le marché secondaire, mais ceci va limiter et non empêcher la spéculation.
Les piètres conclusions que l'on peut en tirer...
Au vu de tout cela on peut d'ores et déjà tirer quelques conclusions :
- Les marchés, après une euphorie passagère (car on est passé très près de l'échec total) vont comprendre que ce plan ne résout rien. La spéculation va donc reprendre dès la semaine prochaine dès que les marchés auront pris la mesure de la distance entre ce qui est proposé dans l'accord et ce qui serait nécessaire.
- Les pays européens se sont mis sous la houlette de l'Allemagne et la probable tutelle de la Chine. C'est une double catastrophe qui signe en définitive l'arrêt de mort de l'Euro. En fermant la porte à la seule solution qui restait encore et qui était une monétisation globale de la dette (soit directement par la BCE soit par le couple BCE-FESF), la zone Euro se condamne à terme. En recherchant un « appui » auprès de la Chine, elle s'interdit par avance toute mesure protectionniste (même Cohn-Bendit l'a remarqué....) et devient un « marché » et de moins en moins une zone de production. Ceci signe l'arrêt de mort de toute mesure visant à endiguer le flot de désindustrialisation.
- Cet accord met fin à l'illusion que l'Euro constituait de quelque manière que ce soit une affirmation de l'indépendance de l'Europe et une protection de cette dernière.
Pour ces trois raisons, on peut considérer que cet accord est pire qu'un constat d'échec, qui eût pu déboucher sur une négociation concertée de dissolution de la zone Euro et qui aurait eu l'intérêt de faire la démonstration des inconséquences de la position allemande, mais qui aurait préservé les capacités d'indépendance des pays et de l'Europe.Les conséquences de cet accord partiel seront très négatives. Pour un répit de quelques mois, sans doute pas plus de six mois, on condamne les pays à de nouvelles vagues d'austérité ce qui, combiné avec le « credit crunch » qui se produira au début de 2012, plongera la zone Euro dans une forte récession et peut-être une dépression. Les effets seront sensibles dès le premier trimestre de 2012, et ils obligeront le gouvernement français à sur-enchérir dans l'austérité, provoquant une montée du chômage importante. Le coût pour les Français de cet accord ne cessera de monter.
Politiquement, on voit guère ce que Nicolas Sarkozy pourrait gagner en crédibilité d'un accord où il est passé sous les fourches caudines de l'Allemagne en attendant celles de la Chine. Ce thème sera exploité, soyons-en sûrs, par Marine Le Pen avec une redoutable efficacité. Il importe de ne pas lui laisser l'exclusivité de ce combat.La seule solution, désormais, réside dans une sortie de l'euro, qu'elle soit négociée ou non.Jacques Sapir (Marianne, 27 octobre 2011)