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ukraine - Page 24

  • Au-delà de la géopolitique : des hommes...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Eman, cueilli sur son blog A moy que chault ! et consacré à la crise ukrainienne... Chroniqueur à la revue Éléments, où ce texte avait été publié initialement, Xavier Eman vient de publier Une fin du monde sans importance (Krisis, 2016).

     

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    Au-delà de la géopolitique : des hommes

    Le conflit russo-ukrainien est l’un de ces sujets clivants et passionnels dont raffolent les français depuis au moins l’Affaire Dreyfus. Chacun est ainsi invité à choisir son camp, à s’y tenir fermement, et à considérer celui qui a fait le choix opposé non pas comme un adversaire ou un contradicteur mais comme un ennemi absolu qu’il convient sinon d’éradiquer – cela demanderait trop d’énergie – du moins de mépriser et de haïr.

    Une fois son drapeau de rechange choisi, plus question de nuance, de gradation et ou de prise de distance, sabre au clair et haro sur les lignes ennemies aussi redoutables que virtuelles ! Atlantistes stipendiés par la CIA d’un côté contre Poutinôlatres à la recherche d’une virilité par procuration de l’autre… On s’écharpe alors joyeusement sur ces réceptacles à vacuité que sont les réseaux sociaux, des anciens camarades s’injurient, d’autres se diffament, le « reductio ad hitlerum » vole bas, la mauvaise foi et l’insinuation fielleuse aussi… Tout le monde est vendu, acheté, loué par les officines les plus diverses et manipulé par les services les plus improbables, censés être « secrets » mais dont chacun connait apparemment parfaitement les agissements autant que les intentions… La hargne et la vindicte des uns et des autres sont en général proportionnelles à l’absence complète de toute influence sur la question, de la moindre interaction réelle avec la tragédie concernée. On plante des petits drapeaux sur une carte, on fantasme de grandes alliances futures, on évoque de nobles et belles idées (L’Europe ! Le monde multipolaire !), et de grands concepts (Eurasisme, anti-impérialisme…), sacrifiant allègrement au passage les hommes et femmes de chair et de sang qui se battent et se débattent sous cette avalanche de doctes analyses et de componctieux discours métapo-géopoltiques parfois passionnants mais trop souvent désincarnés.

    Si je n’oublie évidemment pas que ces hommes et ces femmes, qui luttent et qui souffrent, se trouvent des deux côtés de la tranchée, j’évoquerais plus particulièrement le cas des nationalistes ukrainiens à qui, dans les milieux dits « dissidents », au nom « d’enjeux continentaux » déclarés primordiaux, l’on dénie péremptoirement tout droit à l’auto-détermination et à l’indépendance, et que l’on traîne ordinairement dans la boue. A leur encontre, on commet la faute et l’injustice de ne considérer que les conséquences étatiques et institutionnelles de leur engagement et de leur action, en balayant d’un revers de la main la nature et la légitimité originelle de ceux-ci. Un peu comme s’il était désormais interdit de se déclarer « nationaliste » ou « souverainiste » en France du fait de l’intégration de celle-ci à l’Otan et de la soumission de ses dirigeants successifs, de Sarkozy en Hollande, aux injonctions de Washington, et que cette situation nous condamnait impitoyablement à accepter de devenir une province vassale d’un autre puissant voisin. Si l’on ne jauge de l’honorabilité et de la justesse d’une lutte qu’à l’aune de ses conséquences « macro-politiques » à plus ou moins long terme, alors fort peu échappent à la condamnation… Ainsi les « dissidents » au communisme ont-ils été finalement les fourriers du néo-libéralisme le plus sauvage, les militants du Front National ont assuré pendant 20 ans la victoire de la gauche dite « socialiste » et les combattants anti-colonialistes ont fait le lit des dictatures militaires et de l’islamisme radical…

    Or, dans un monde aussi résigné, veule et lâche que le nôtre, il serait bon de s’attarder aussi sur la « geste » d’un peuple jeune et courageux, sur sa valeur morale et éthique, sur sa capacité – devenue anachronique en Occident- de se battre et de mourir pour son drapeau et la foi en son histoire. Quand des jeunes gens à peine majeurs, sur les barricades de Maïdan, affrontaient avec des armes de fortune les forces spéciales de sécurité, qu’ils tombaient sous leurs balles, ce n’était pas pour toucher un chèque de la CIA ou pour complaire au vautour BHL, c’était pour leur dignité d’hommes libres, pour le droit de vivre dans un pays souverain et indépendant, selon le destin qu’ils ont choisi. Et quand le chanteur d’Opéra Wassyl Slipak abandonne le confort économique et social des salles de spectacle parisiennes pour aller combattre et mourir sur le front du Donbass, ce n’est pas pour servir on ne sait quel plan étatsunien d’encerclement de la Russie, c’est pour défendre ce qu’il considère comme étant le sol de la mère partie et mettre sa peau au bout de son identité.

    Leur combat a été dévoyé, instrumentalisé, détourné ? Peut-être. Mais n’est-ce pas là d’ailleurs le destin de toutes les révolutions ? De toute façon, ils n’en sont pas moins des héros, de ces hommes différenciés, fiers et ardents, qui font tant défaut à notre temps de calculateurs et de boutiquiers.

    Dire cela, ce n’est pas haïr la Russie – qui compte bien sûr elle aussi ses morts glorieux - ou dénier à Vladimir Poutine toute qualité politique, ce n’est pas davantage vouloir trancher de façon définitive un débat complexe et ardu que je laisse aux érudits et aux spécialistes, mais juste tenter d’appeler à la raison et à la justice ceux qui oublient un peu trop facilement les hommes derrière les théories et les idées.

    Les nationalistes ukrainiens se sont révoltés et battus pour se débarrasser d’un gouvernement corrompu et vendu à l’étranger. Celui-ci a été malheureusement remplacé par un autre gouvernement corrompu, vendu à un autre étranger… Pour notre part, nous français, sommes également soumis à un gouvernement d’atlantistes corrompus, mais sans nous être ni révoltés ni battus. Ce simple constat devrait nous conduire à un minimum d’humilité et de respect.

    Xavier Eman (A moy que chault !, 22 janvier 2017)

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  • Alexandre Douguine et la place de la Russie dans le jeu géopolitique mondial...

    Au moment même où la Russie annonce le départ de ses troupes militaires de Syrie , le philosophe et écrivain Alexandre Douguine répond aux questions de TV Libertés. S’exprimant dans un Français remarquable, l’intellectuel polyglotte et particulièrement influent à Moscou évoque le rôle toujours plus central que joue la Russie de Vladimir Poutine dans le jeu géopolitique mondial.
    Dans cet entretien exclusif, il aborde trois questions d'importance : l'Ukraine, la Russie dans l'ordre international et enfin le multipolarisme comme nouvelle mission russe. Un document rare réalisé par Pierre-Antoine Plaquevent.

    Pour découvrir de façon plus approfondie les idées d'Alexandre Douguine, on pourra se reporter à L'appel de l'Eurasie (Avatar, 2013), le texte d'une longue conversation entre lui et Alain de benoist, mais également à deux de ses œuvres traduites en français, La Quatrième théorie politique (Ars Magna, 2012) et Pour une théorie du monde multipolaire (Ars Magna, 2013).

     

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  • Histoire d'Ukraine...

    Les éditions Yoran Embanner viennent de publier un ouvrage de Luc et Tina Pauwels intitulé Histoire d'Ukraine. Essayiste et historien, Luc Pauwels, est le fondateur de la revue d'idées flamande Tekos, inspirée par la nouvelle droite française et la révolution conservatrice allemande...

     

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    " Toute l’histoire passionnante de l’Ukraine est contenue dans le nom de ce pays: littéralement Ukraine veut dire “le territoire à la frontière”. 
    Loin d’être marginal, l’Ukraine est un pays d’avenir. Elle a le potentiel pour devenir un des états de référence sur notre continent, avec une surface supérieure à celle de la France et plus d’habitants que l’Espagne et le Portugal réunis.
    Déjà au IXème siècle, l’Ukraine était la matrice de la première grande civilisation slave et le berceau de l’état russe. Pourtant, elle a, elle-même connu un développement lent et difficile, marqué par de longs siècles d’occupations et de guerres avec des voisins avides : des Huns aux Polonais, des Mongols aux Habsbourgs, de l’empire ottoman au Reich allemand et l’Union soviétique…                                   

    Cette histoire mise à jour jusqu'en 2015, aidera à comprendre pourquoi et comment cette nation millénaire se retrouve au centre d’un énorme conflit. "

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  • Libye, Syrie, Ukraine : la diplomatie française en déroute...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Jean-Michel Quatrepoint au Figaro Vox et consacré aux causes de la déroute diplomatique de la France dans les crises en cours...Journaliste spécialiste des questions économiques et internationales, Jean-Michel Quatrepoint a récemment publié Le choc des empires: États-Unis, Chine, Allemagne : qui dominera l'économie-monde ? (Gallimard, 2014).

     

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    LE FIGARO. - Nicolas Sarkozy a rendu visite à Vladimir Poutine dans sa datcha proche de Moscou, jeudi 29 octobre, et a prôné le dialogue entre la France et la Russie. Ce virage de celui qui a fait rentrer la France dans le commandement intégré de l'OTAN en 2007 vous surprend-elle?

    L'ancien président de la République devrait commencer par reconnaître ses deux erreurs. La première est la guerre de Libye: il est responsable de sa déstabilisation. Deuxièmement, c'est sous son quinquennat que son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, et le Quai d'Orsay, ont tout fait pour faire partir Bachar el-Assad. Par la suite, François Hollande, Laurent Fabius et le Quai ont aggravé cet échec diplomatique. Ceci dit, Nicolas Sarkozy peut se féliciter de ses relations anciennes avec Vladimir Poutine. Lors de la crise géorgienne, il avait su maintenir le contact avec celui qui était alors Premier ministre, n'hésitant pas, déjà, à se rendre à Moscou.

    Comment qualifier l'attitude de la France en Syrie?

    C'est le Waterloo de la diplomatie française. Nous avons été exclus des dernières négociations. Les autres puissances se moquent de la voix de la France. Nous disposons, au même titre que l'Union européenne, l'Allemagne et l'Italie, d'un strapontin à la conférence de Vienne sur la Syrie ce vendredi. Les vrais décideurs sont en réalité la Russie et les Etats-Unis. Avec la réinsertion de cet Iran que la diplomatie française a tant ostracisé. Car le problème est bien plus complexe que la désignation des bons et des méchants. Si Assad est un dirigeant peu fréquentable, il est loin d'être le seul…

    D'autres pays avec lesquels la France entretient d'excellentes relations sont également dirigés par des «infréquentables». Dans cet Orient compliqué, prendre parti unilatéralement avec des idées simplistes comme nous l'avons fait était une erreur. Toute la diplomatie française s'est retrouvée en porte-à-faux ; sa tradition était de parler avec tout le monde et d'être un entre-deux, un médiateur qui facilite la résolution des problèmes de façon équitable. Là, nous avons choisi le camp le plus extrême qui soit puisque nous avons choisi comme alliés l'Arabie saoudite et le Qatar. On a adopté sans nuances la cause qatarie et saoudienne contre l'Iran et la Syrie. Aujourd'hui, l'Arabie saoudite, réaliste, s'asseoit à la même table que les Iraniens et discute avec les gens de Bachar. Nous sommes les dindons de cette farce tragique.

    Quel bilan dresser de l'action diplomatique de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères?

    Laurent Fabius a tout fait pour faire échouer les négociations sur le nucléaire iranien. Il a une part de responsabilité dans la crise ukrainienne. Il n'a pas veillé à ce que l'accord signé à Maïdan entre les Russes et les Ukrainiens soit respecté. On peut critiquer Fabius, mais la responsabilité incombe largement au Quai d'Orsay. La diplomatie gaullo-mitterandienne a connu son chant du cygne, en 2003, avec Dominique de Villepin. Beaucoup des diplomates du Quai, largement imprégnés par le courant néo-conservateur américain, n'ont pas apprécié le discours du Premier ministre à l'ONU sur la guerre d'Irak. En ce moment, ceux qui sont à la manœuvre sont les néo-conservateurs, qui ont dépassé leurs modèles américains! À vouloir imiter et servir les Américains et les Saoudiens, ils ne se font jamais respecter.

    Il est par ailleurs absurde de privilégier une relation avec un pays aussi petit sur le plan démographique et culturel que le Qatar, au détriment d'un pays de 80 millions d'habitants tel que l'Iran. Le développement économique de l'Iran comparé à celui du Qatar est sans commune mesure.

    Il se murmure que Laurent Fabius pourrait être nommé président du Conseil constitutionnel. Ségolène Royal est pressentie pour le remplacer. Ce choix paraît-il approprié?

    Mais il y a aujourd'hui un autre candidat pour le Conseil constitutionnel, Lionel Jospin. Et des négociations sont en cours en ce moment entre François Hollande et Jean-Louis Debré. Ségolène Royal était à Moscou en même temps que Nicolas Sarkozy, même si elle n'a pas été reçue par Vladimir Poutine à qui elle portait une invitation pour la Cop21…

    En réalité, le problème n'est pas le ministre des Affaires étrangères, mais l'administration qui le soutient et le président de la République. C'est ce dernier qui donne l'impulsion diplomatique. Il a choisi de nommer un ambassadeur à Moscou qui, bien que membre de la promotion Voltaire à l'ENA, n'est ni russophone ni russophile.

    La politique étrangère française se réduit-elle aujourd'hui à la diplomatie du climat?

    On a abandonné la diplomatie des droits de l'Homme puisque on a bien vu que tous les pays auxquels nous avons tenté d'apporter la démocratie ont été ravagés (Libye, Syrie…). Et qu'en Egypte, le maréchal Sissi a sauvé le pays des Frères musulmans en faisant peu de cas des droits de l'homme. Il a tout simplement appliqué le principe: pas de liberté pour les ennemis de la liberté. On a l'impression qu'après les droits de l'homme on s'est rabattu sur la diplomatie du développement durable. Il s'agit certes d'un enjeu important, mais on ne saurait limiter notre diplomatie à ce seul aspect des choses. Quand à la politique énergétique, on ferait mieux de valoriser ce qui reste un de nos points forts: le nucléaire. Et à relancer les recherches sur les futures générations de centrales.

    Quelle est la stratégie de la Russie en Syrie?

    La diplomatie russe emmenée par Sergueï Lavrov est réelle, réaliste et réfléchie. Après la crise ukrainienne qui les a mis en difficulté, les Russes ont réussi à se repositionner avec habileté sur la Syrie.

    À la fin du printemps, les Russes se sont rendu compte que l'armée d'Assad était exsangue. Des 300 000 soldats du départ, il n'en restait plus que 150 000. Cette armée a été minée par les désertions des sunnites, passés dans les rangs de Daech, al Nosra ou de l'Armée syrienne libre, et les morts. Les 250 000 morts dont on nous parle sont dans tous les camps: l'armée régulière, les groupes djihadistes et les civils. Le flux migratoire que l'on connaît en Europe s'est accéléré à partir de juin 2015. Une partie des Syriens favorable au régime craignant alors que Bachar el-Assad soit défait, a choisi de s'exiler.

    Les Russes ont choisi de ne pas lâcher Assad pour plusieurs raisons. Dans les rangs de Daech, il y a 5 000 Tchétchènes, peuple musulman qui vit au Sud-Ouest de la Russie aux tendances séparatistes et islamistes. Si l'État islamique installe son califat, il y un risque majeur de déstabilisation de tout le Caucase. Ensuite, les Russes perdraient la base navale de Tartous qui leur est essentielle pour assurer leur présence en Méditerranée. Tout comme il était vital pour eux d'avoir une large ouverture sur la mer Noire. L'annexion de la Crimée visait d'abord à récupérer la base navale de Sébastopol.

    Mais Moscou venait de resigner une concession de trente ans avec l'Ukraine pour sa base navale…

    Oui, mais les Russes n'avaient plus confiance. L'évolution en Ukraine, le jeu trouble des États-Unis et de certains États européens leur ont donné à penser que cet accord pouvait être rompu du jour au lendemain. Ils ont donc préféré se servir avant d'être éventuellement mis à la porte. Par cet accès à la mer Noire, les Russes conservent une ouverture sur la mer Méditerranée. Il y a également une explication religieuse au soutien affiché à Assad. Bachar et son père ont protégé les minorités religieuses chrétiennes, orthodoxes, comme Saddam Hussein en Irak. Hussein, qui était sunnite - une minorité sunnite dirigeait d'une main de fer l'Irak, à majorité chiite - a préservé le million de chrétiens irakiens. Son ministre des Affaires étrangères, Tarek Aziz était précisément un chrétien. A contrario en Syrie, une minorité alaouite, variante du chiisme, gouverne, avec l'appui des chrétiens (5% de la population), une majorité de sunnites. Mais les Assad, comme Sadam Hussein, venaient du parti Baas, où les influences socialistes et les liens avec l'URSS étaient importants. La Russie de Poutine ne veut pas être exclue d'un Proche-Orient où l'URSS avait des alliés, au premier rang desquels la Syrie.

    Comment les Russes ont-ils procédé?

    La prise de Palmyre par Daech en mai a accéléré le cours des choses ; même si cette prise est d'une importance stratégique secondaire, le poids symbolique s'est lourdement fait sentir. Le mouvement diplomatique opéré par le Kremlin a consisté à traiter avec les Saoudiens, avec le discret appui de Washington, et à les amener à rediscuter avec le régime syrien. Le 18 juin dernier, Poutine a reçu à Moscou le prince Mohammed ben Salmane, ministre de la Défense et vice-Premier ministre saoudien. Ils se sont mis d'accord sur une reprise du dialogue avec la Syrie. Les Saoudiens ont posé comme condition que la rencontre avec les Syriens se déroule à Riyad. Ces derniers ont accepté et envoyé leur numéro deux, le patron des services de renseignement, Ali Mamlouk, pour rencontrer Ben Salmane à Riyad. Chacun a vidé son sac. Les Syriens ont reproché aux Saoudiens de ne plus privilégier un comportement collectif — comme au temps où Egypte, Syrie et Arabie saoudite étaient les meneurs de la diplomatie du monde arabe -, d'armer leurs opposants et de briser ce lien qui les unissait en leur préférant les Qataris. Les Saoudiens, de leur côté, ont reproché aux Syriens leur proximité avec le régime iranien. Mais ils s'étaient reparlés ce qui était l'essentiel.

    Les Russes ont ensuite préparé conjointement une habile stratégie diplomatique, pour se garantir un maximum d'alliés, et une offensive militaire dans la région. Leur but était de dégager l'étau qui enserrait Assad. Par conséquent, ils ont frappé d'abord ceux qui étaient directement à son contact, en l'espèce al Qaïda et al Nosra, et non Daech. Il est logique qu'ils aient frappé en premier lieu ceux qui menaçaient directement le régime syrien. Puis dans un deuxième temps, ils se sont plus largement attaqués à Daech.

    Les Russes ont-ils une solution de rechange s'ils ne parviennent pas à maintenir Assad au pouvoir?

    Effectivement, leur idée initiale est de former un bloc uni - États-Unis, Turquie, Arabie saoudite, régime syrien, Iran - contre Daech. À l'évidence, ils ont expliqué à Assad, lors de sa récente visite à Moscou, qu'à terme il devrait quitter le pouvoir, si c'était la condition d'un accord politique, du maintien de l'intégrité du pays et d'un front uni contre Daech. Mais si ce plan A échoue, leur plan B consiste en une création d'un réduit alaouite sur la bordure méditerranéenne, autour de Lattaquié et Tartous, dont ils protègeraient les frontières contre l'EI. Les Russes soutiendraient le réduit alaouite comme les Américains ont soutenu Israël.

    Ce qu'il faut souligner c'est que les Russes, bien que touchés par la crise économique, sont encore capables de déployer une stratégie diplomatique de grande ampleur. La Russie compte peu économiquement, c'est l'échec de Poutine ; il n'a pas réussi à reconvertir une économie de rente pétrolière et minière en une économie moderne. Mais diplomatiquement, elle a complètement repris pied sur le champ diplomatique depuis la fin de l'URSS.

    Jean-Michel Quatrepoint, propos recueillis par Alexandre Devecchio et Eléonore de Vulpillière 5Figaro Vox, 30 octobre 2015)

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  • Pourquoi l'empire des Tsars s'est-il effondré ?...

    Les éditions des Syrtes ont récemment publié une brillante étude de Dominic Lieven intitulée La fin de l'empire des Tsars. L'auteur, spécialiste de la Russie et de l’histoire des empires et qui enseigne à l’Université de Cambridge, offre aux lecteurs intéressés par les origines de la première guerre mondiale et de la révolution bolchevik une analyse passionnante qui mêle aux données historiques des analyses géopolitiques, des aperçus sur l'histoire des idées, des portraits psychologiques et des ouvertures contrefactuelles... Bref, un ouvrage aussi indispensable à lire que Les somnambules (Flammarion, 2013) de Christopher Clarck !

     

    " Et si l’histoire dramatique de la Russie au vingtième siècle – le coup d'État bolchévique, la guerre civile, deux famines et le Goulag –, n’était que la conséquence de la mobilisation générale des troupes russes le 30 juillet 1914 ? Et si l’Ukraine joua un rôle de tout premier plan dans le déclenchement de la Première Guerre mondiale ? Dominic Lieven, historien britannique de renommée mondiale, raconte dans ce livre magistral quel fut le rôle de la Russie dans la descente vers 1914. Armé d’un impressionnant corpus de sources inédites, il étudie à la loupe la machine infernale qui aboutit au conflit. Il donne la parole à de nombreux protagonistes, depuis les journalistes et les intellectuels « faiseurs d’opinion » jusqu'aux ministres et, bien sûr, au tsar Nicolas II. Avec Lieven, l’histoire diplomatique russe s’enrichit enfin des fameuses « forces profondes », chères au grand historien des relations internationales qu’était Pierre Renouvin. Mais le récit de Dominic Lieven n’est pas uniquement centré sur la Russie. Sa grande originalité est d'inscrire ce pays dans un contexte beaucoup plus vaste. Un contexte qui s’apparente à un véritable bras de fer entre empires et nationalismes à la fin XIXe - début XXe siècle. Riche en comparaisons stimulantes et en hypothèses osées, cet ouvrage est donc appelé à devenir une référence non seulement pour comprendre les origines de la Première Guerre Mondiale, mais aussi pour repenser l'histoire européenne – notre histoire. "

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  • Russie-OTAN : En finir avec le bourrage de crânes...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Philippe Migault, cueilli sur le site de l'agence d'information russe Sputnik et consacré aux manœuvres de désinformation américaines quant à une invasion de l'Ukraine par la Russie au cours de l'été...

    Philippe Migault est directeur de recherche à l'Institut de Relations Internationales et stratégiques (IRIS).

     

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    Russie-OTAN : En finir avec le bourrage de crânes

    Qu’il s’agisse des guerres ou de toute autre crise, Spin Doctors et médias réutilisent les mêmes procédés, ressassent les mêmes « informations », dès lors que les évènements se prolongent. C’est ce qu’on appelle dans la presse un marronnier.

    Vous avez aimé vous faire peur l'été dernier, quand toute la presse occidentale annonçait la ruée des blindés russes sur l'Ukraine, assurait que Vladimir Poutine était prêt à « prendre Kiev en deux semaines »? Vous adorerez la nouvelle série de l'été, la menace nucléaire en Europe. Pour les acteurs pas de surprise, le casting reste le même. Dans le rôle de l'innocente victime, l'Ukraine. Dans celui des ignobles renégats, les séparatistes du Donbass. Le côté obscur de la force conserve son siège au Kremlin. Comme dans tout bon western le justicier ne peut être qu'Américain. France et Allemagne tiennent leur rôle de figurant. Enfin l'Union Européenne se charge du chœur, commentant une tragédie à laquelle elle n'a pas même les moyens de prendre part.

    Bien entendu il faut pour cette « saison 2 » maintenir le spectateur en haleine.

    Celui-ci a constaté que la grande charge annoncée de l'Armée rouge, que l'on disait ressuscitée, n'a finalement pas eu lieu.

    S'il est un tant soit peu averti, il ne lui aura sans doute pas échappé qu'un général français, patron de la Direction du Renseignement Militaire, a vendu la mèche sur le scénario de l'an dernier, révélant ce que tous les esprits un tant soit peu indépendants savaient, ou subodoraient, à savoir que les services de renseignement américains avaient une fois encore monté une grossière opération d'intoxication et que le risque d'attaque russe en Ukraine n'avait jamais été avéré.

    Il faut donc faire plus fort pour que « l'occidental » moyen s'inquiète, s'indigne. En deux mots, y croit.

    En conséquence nous assistons depuis plusieurs jours à une montée en puissance des rumeurs alarmistes.

    Parce qu'il faut bien reprendre un peu des ingrédients précédents, l'agence Reuters a annoncé hier que l'un de ses envoyés spéciaux dans l'Oblast de Rostov a aperçu des trains transportant des blindés et des lance-roquettes multiples. Une forte concentration de troupes aurait été constatée à une cinquantaine de kilomètres à l'est de la frontière russo-ukrainienne.

    Peu importe à Reuters que Rostov-sur-le-Don soit le quartier général de la région militaire « Sud » de la Russie, où de très nombreuses forces sont stationnées compte tenu de l'instabilité du Caucase. Il va de soi pour l'agence anglo-canadienne que ces unités ne peuvent être destinées qu'à une chose: participer aux combats du Donbass si ceux-ci devaient reprendre.

    Avant-hier le quotidien « The Moscow Times », dont on connaît « l'impartialité » vis-à-vis des autorités russes, rapportait que la marine lettone avait constaté qu'un sous-marin russe était passé à 9 kilomètres de ses eaux territoriales, tandis qu'un Antonov-22, pour les béotiens un vieil avion de transport quadrimoteurs non armé, avait volé à proximité de la Lettonie, mais au-dessus des eaux internationales, mardi.

    Peu importe au Moscow Times que le trafic naval et aérien entre les principales bases de la marine russe en Baltique, Saint-Pétersbourg et Baltiïsk, s'effectue nécessairement en longeant les côtes lettones. Peu importe qu'aucune violation des eaux territoriales ou de l'espace aérien n'ait eu lieu. Il s'agit bien entendu d'une tentative d'intimidation ou d'espionnage.

    Ultime ingrédient du scénario catastrophe, le Secrétaire général de l'OTAN, le Norvégien Jens Stoltenberg, a dénoncé mardi la « rhétorique nucléaire » russe, condamnant le possible déploiement de missiles Iskander dans l'oblast de Kaliningrad, et jugeant que « les bruits de botte russes sont injustifiés, déstabilisants et dangereux ». Barack Obama et son Vice-Président, Joe Biden, ont immédiatement surenchéri sur le même thème. Une atmosphère qui a permis au très atlantiste webzine franco-américain Slate de surfer sur la vague en annonçant mercredi que « pour un officiel de l'OTAN une guerre éclatera cet été (et que) si on a de la chance, elle ne sera pas nucléaire ».

    Peu importe à Slate que sa source, John Schindler, soit un ancien analyste de la NSA, dont on connaît la fiabilité, et qu'il enseigne à l'Ecole navale américaine. Peu importe que M. Schindler rapporte les propos anonymes d'un membre de l'OTAN, organisation dont chacun sait qu'elle ne crie jamais au loup pour rien. Nous sommes, à n'en pas douter, au bord de l'holocauste thermonucléaire.

    Nul n'est en mesure de dire combien de temps encore la tragédie ukrainienne se prolongera. Longtemps sans doute tant les haines sont désormais durablement installées et les facteurs susceptibles d'aggraver innombrables.

    Ce qui est certain c'est que la guerre de propagande engagée dans les médias des différentes parties en présence va sans doute aller, elle, s'intensifiant, avec, à la clé, des affirmations de plus en plus péremptoires, un ton de plus en plus effrayant, bref tous les ingrédients du bourrage de crâne. 

    Philippe Migault (Sputnik, 29 mai 2015)



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