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technique - Page 5

  • L'Occident est-il dangereux aujourd'hui ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Ivan Blot, cueilli sur le site d'informations Sputnik et consacré à la dangerosité de la politique occidentale...

     

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    L'Occident est-il dangereux aujourd'hui ?

    D’après le blog Slate du 3 janvier 2014, un sondage de Worldwide Independent Network et de Gallup sur la question « Quel pays est la plus grande menace pour la paix dans le monde aujourd’hui ? » a été effectué dans 65 pays où 66 806 personnes ont été interrogées.

    Le résultat est net: pour 24% de la population mondiale, les Etats-Unis sont le pays le plus menaçant pour la paix mondiale. Le Pakistan est second avec 8%, et la Russie vient en 12ème position! Il s'agit de l'avis des citoyens. Certains organismes « d'experts » comme le « Center for Peace and Conflict » de Sidney s'arrangent pour mettre les Etats-Unis en milieu de classement. Mais le citoyen sondé, lui, n'est pas payé et à l'inverse de « l'expert », il n'a pas de marché ou de carrière en jeu!
     
    Qui a précipité l'Afghanistan, l'Irak, ou la Libye dans le chaos sinon l'Occident groupé autour des Etats-Unis? L'intervention en Irak, en 2003 qui s'appelait « liberté en Irak » (sic) débouche en 2015 après des années de guerre civile sur l'apparition de Daesh, un Etat islamiste d'une cruauté exemplaire! On peut comprendre que face à leur image de va-t-en guerre impénitent, les Etats-Unis cherchent à faire peur avec la Russie. Mais l'opinion mondiale ne s'y trompe pas comme le montre le sondage ci-dessus.

    Au-delà de cette réalité indiscutable, l'Occident véhicule par ailleurs un message philosophique mortifère, celui de l'arraisonnement utilitariste qui considère l'homme avant tout comme une matière première pour l'économie. Cet arraisonnement a été appelé le « Gestell » par le philosophe existentiel allemand Heidegger, enterré avec les sacrements de l'église catholique en 1976.

    Le philosophe, disciple d'Aristote, a accusé le monde occidental moderne de détruire le monde traditionnel chrétien des Européens qui assurait tant bien que mal l'épanouissement de l'homme. Ce monde était structuré par quatre pôles: Dieu, les hommes en tant que mortels, les valeurs éthiques de l'honneur et du sacrifice de soi (non utilitaristes) et les racines familiales et patriotiques.

    L'Occident moderne, surtout après 1968 pour la France, a tué Dieu dans la conscience des hommes pour le remplacer par les caprices de l'égo. Il a remplacé l'éthique du sacrifice de soi par le culte matérialiste de l'argent et des droits qui y sont associés. Il a remplacé l'éducation des personnalités grâce à l'humanisme classique par le conditionnement des masses. Il a enfin remplacé les racines charnelles, famille et patrie, par l'idolâtrie de la technique sans mesure. Il faut en effet que les hommes deviennent des matières premières interchangeables et l'on instrumentalise l'égalitarisme dans ce sens!

    On retourne ainsi, depuis les années 1960, vers la barbarie des instincts libérés au nom des droits de l'homme, instincts dont la « libération » est justifiée par le cerveau calculateur, cette « crapule » dont parlait Dostoïevski. Résultat: le nombre de crimes en France a été multiplié par quatre depuis mai 1968. On est passé de 1,5 à 4,5 millions de crimes et de délits. Aux USA, le nombre d'emprisonnés est passé de 0,5 million en 1965 à 2,3 millions en 2013. Les Etats-Unis sont le pays qui a le plus d'emprisonnés au monde.

    Autre résultat: l'effondrement démographique de l'Occident signalé par le président Poutine (qui parla de suicide) au cercle de Valdaï en 2013. L'Occident ne fait pas que semer la mort par ses interventions militaires en série, notamment au Proche Orient. Il se suicide peu à peu et le Pape catholique Jean-Paul II avait parlé à son sujet de « culture de mort ».

    Les quatre idoles actuelles de l'Occident, la technique, l'argent, les masses et l'égo aboutissent à dévaster la terre, détruire les idéaux traditionnels, soumettre les hommes libres au conditionnement des masses et exalter l'égo dans ses caprices les plus ignobles. Le président Poutine affirme qu'il veut préserver la Russie de cette idéologie mortifère. C'est pourquoi la majorité de l'oligarchie occidentale, qui déteste les peuples enracinés et gère le « Gestell » au pouvoir, ne peut pas supporter Poutine. Elle voudrait l'éliminer et faire de la Russie trois ou quatre protectorats divisés comme le rêve le géopoliticien des récents présidents américains, Zbigniew Brzezinski. Washington espère ainsi conserver le contrôle sur le monde, et sur le continent qui pourrait le concurrencer: l'Eurasie. La subversion à Kiev a été créée dans ce but. Le coup d'Etat de Kiev a mis au pouvoir un gouvernement qui tire à coups de canon sur les citoyens qui réclament des référendums de décentralisation. Les va-t-en guerre américains rêvent d'une guerre de plus en Ukraine et brûlent d'intervenir!
     
    Vladimir Poutine défend ouvertement les traditions qui fondent les civilisations. C'est insupportable pour ceux qui idolâtrent l'argent et le droit abstrait, ces deux instruments de pouvoir qui sont le socle des injustices sous les prétextes les plus hypocrites. Déjà le grand humaniste romain Cicéron le disait: « summus jus, summa injuria »: le droit poussé à l'extrême créé l'injustice la plus grande comme ce fut le cas avec la Cour suprême américaine en 1857 (arrêt Dred Scott contre Sandford) qui justifia l'esclavage des Noirs au nom des droits de l'homme inscrits dans la constitution américaine!
     
    S'il y a un danger aujourd'hui pour la paix et l'humanité, il ne vient pas de la Russie mais désormais de l'Occident. L'Occident prétend imposer son modèle de « moralité », ce qui n'est rien d'autre que du pharisaïsme et du néo colonialisme. Ce n'est pas la Russie qui a généré Daesh mais l'Occident qui a tout fait pour ruiner les régimes laïcs arabes, certes critiquables mais moins dangereux. La Russie a toujours été cohérente dans sa lutte contre le terrorisme, ce qui n'est guère le cas des principales puissances occidentales. D'ailleurs, les chrétiens d'Orient persécutés ne s'y trompent pas. Ils mettent leur espoir dans l'influence internationale de la Russie et non en Washington.

    Le danger change de camp avec le déroulement de l'histoire. Avant la seconde guerre mondiale, il résidait en l'Allemagne nazie. Le communisme a pu dans le passé être aussi un danger. Mais aujourd'hui, c'est l'Occident qui menace la paix du monde par un néo-colonialisme qui va jusqu'à provoquer des guerres. C'est l'Occident qui agit en idéologue conquérant et qui a une idéologie d'Etat intolérante. Ce n'est plus la Russie depuis qu'elle a surgit à nouveau lors de l'effondrement de l'Union soviétique. On doit conseiller à l'Occident de pratiquer la maxime de Socrate: « connais-toi toi-même »! Car c'est la seule façon de pouvoir se corriger.

    Ivan Blot (Sputnik, 21 février 2015)

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  • Michel Houellebecq, le miroir de notre époque ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Solange Bied-Charreton, cueilli sur Figaro Vox et consacré au sens de l’œuvre de Michel Houellebecq. Ecrivain et chroniqueuse, Solange Bied-Charreton a publié en 2013, chez Stock, un excellent roman intitulé Nous sommes jeunes et fiers, dont nous ne pouvons que vous recommander la lecture.

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    Michel Houellebecq, le miroir de notre époque

    «C'est un esprit d'une sécheresse supérieure parmi les Secs, une intelligence toute en surface, n'ayant ni sentiment, ni passion, ni enthousiasme, ni idéal, ni aperçu, ni réflexion, ni profondeur, et d'un talent presque physique, comme celui, par exemple, du gaufreur ou du dessinateur à l'emporte-pièce, ou encore celui de l'enlumineur de cartes de géographie.» D'aucuns jugeraient que ces mots, écrits par Jules Barbey à propos de Flaubert, pourraient s'appliquer au romancier Houellebecq, dont la plus grande faute et la plus grande adresse sont d'avoir su endosser le rôle du «peintre de la vie moderne». L'expression baudelairienne s'étend jusqu'à la littérature romanesque, car c'est la visée même du romancier réaliste, qui entend rendre compte des mœurs de son temps, des tensions historiques, esthétiques et sociales de l'espace qu'il traverse.

    Romancier «important» pour certains, «génie» pour d'autres, «faussaire» pour quelques-uns, Michel Houellebecq est au centre de ce qu'il reste du paysage littéraire français. Il y mérite sa place, plus que beaucoup de ses congénères. Cela ne nous renseigne pas directement sur le talent de l'écrivain, davantage sur l'état de cette littérature, dévastée depuis un demi-siècle par le Nouveau Roman, l'autofiction, l'émotion, la psychanalyse ou tout cela ensemble (l'idéal est toujours de s'illustrer dans ces champs respectifs par un seul ouvrage). Ainsi, il reste précisément trop peu de romanciers réalistes, trop peu de romanciers tout court, pour que nous ignorions le nom de Houellebecq, qui en est un.

    Que fait Michel Houellebecq? Il peint ce qu'il voit, ce qu'il a sous les yeux. Souvent, il anticipe, alors il utilise le réel pour l'aggraver légèrement. Du libéralisme sexuel dans Extension du domaine de la lutte à l'effacement de l'identité française dans Soumission, des manipulations sur le vivant à la muséification des vieilles nations, en passant par l'échec de l'idéologie soixante-huitarde dans Les Particules élémentaires, il a simplement montré, depuis une vingtaine d'années, tout ce que notre regard capte chaque jour, quand ce n'est pas seulement la menace qui pèse sur notre société. C'est un reportage souvent cru et parfois trivial. Il y est question d'argent, de sexe, d'entreprises et de dépression, de résidences et de télévision. Si ce n'est pas du génie, c'est pourtant essentiel, tant il est essentiel qu'un écrivain s'échine à nous montrer ce que nous ne voyons plus, parce que nous le voyons trop.

    Romancier sans compassion, car «descripteur» à la suite de Flaubert, toujours lui, dont Sainte-Beuve affirmait qu'il tenait «la plume comme d'autres un scalpel», ce digne héritier sans joie tend un miroir très froid à l'Occident. Il montre mais il ne dit pas. Beaucoup aimeraient le faire dire, mais ce n'est pas ce qu'il fait. Michel Houellebecq n'est pas un essayiste. Et même lorsque nous avons l'impression qu'il produit un discours, ce n'est pas lui qui le prononce, c'est son personnage. Et ce discours s'insère dans la forme romanesque. Davantage contemplateur que contempteur du nihilisme contemporain, Houellebecq ne donne pas son avis. On a toujours tort de prêter une opinion à un fabuliste.

    Des controverses découlent de ce statut particulier, hors du monde. Notre romancier est-il pour ou contre les conversions à l'Islam en France? Pour ou contre le tourisme sexuel? Où le situer? La défiance du commun pour le statut de l'artiste n'est pas nouvelle. Plus largement, la métaphore permise par l'art est toujours regardée d'un mauvais œil. «Les femmes n'ont pas les cheveux mauves», déplorent les Verdurin devant la peinture d'Elstir, chez Proust. Dans le cas du réalisme, nous sommes sous le coup de la double contrainte: c'est l'art, mais l'art du réel. Nous devenons schizophrène: c'est vrai mais c'est faux. C'est dit mais c'est raconté. C'est Houellebecq comme personnage, dans La Carte et le territoire, mais c'est Houellebecq qui écrit.

    Où est l'art? On a accusé Houellebecq d'avoir recopié des notices de Wikipedia et de les avoir insérées dans La Carte et le territoire. Ce «collage», ready-made scriptural, justifié comme procédé littéraire, pose néanmoins la question de la littérarité de l'œuvre de Houellebecq et vient en souligner la profonde carence prosodique, la tragique platitude. A trop vouloir rendre le réel il serait à craindre d'en être le fruit plus que le descripteur. Mais une écriture blanche, clinique et qui fait l'économie d'un raffinage stylistique est aussi un parti pris. Houellebecq est un produit du temps: écrivain de l'après-mort du roman, il arrive à la suite de sa déconstruction, il danse sur les ruines.

    Michel Houellebecq est le nom de l'époque. Plus précisément, le nom de la littérature de l'époque. Mais cette époque n'aime pas la littérature, elle préfère ce qui est utile et rentable: que Michel Houellebecq soit son plus grand romancier en dit beaucoup sur elle et sur ses démissions. Sur sa capacité à mépriser le Beau, sur sa fascination pour la technique, son absence de transcendance, ses succès et ses vanités, son très grand désespoir.

    Solange Bied-Charreton (Figaro Vox, 6 janvier 2015)

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  • Vers une civilisation techniquement soutenable...

    Les éditions du Seuil viennent de publier dans leur collection Anthropocène, L'âge des low tech - Vers une civilisation techniquement soutenable, un essai de Philippe Bihouix. Ingénieur, l'auteur est un spécialiste de la question de la finitude des ressources énergétiques et minières.

     

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    " Face aux signaux alarmants de la crise globale ? croissance en berne, tensions sur l’énergie et les matières premières, effondrement de la biodiversité, dégradation et destruction des sols, changement climatique et pollution généralisée ? on cherche à nous rassurer. Les technologies « vertes » seraient sur le point de sauver la planète et la croissance grâce à une quatrième révolution industrielle, celle des énergies renouvelables, des réseaux intelligents, de l’économie circulaire, des nano-bio-technologies et des imprimantes 3D.

    Plus consommatrices de ressources rares, plus difficiles à recycler, trop complexes, ces nouvelles technologies tant vantées nous conduisent pourtant dans l’impasse. Ce livre démonte un à un les mirages des innovations high tech, et propose de prendre le contre-pied de la course en avant technologique en se tournant vers les low tech, les « basses technologies ». Il ne s’agit pas de revenir à la bougie, mais de conserver un niveau de confort et de civilisation agréables tout en évitant les chocs des pénuries à venir. S’il met à bas nos dernières illusions, c’est pour mieux explorer les voies possibles vers un système économique et industriel soutenable dans une planète finie. "

     

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  • Techno-critiques...

    Les éditions La Découverte viennent de publier un essai de François Jarrige intitulé Techno-critiques - Du refus des machines à la contestation des technosciences. Universitaire, François Jarrige s'est spécialisé dans l'histoire du monde du travail et des controverses liées à l'industrialisation.

     

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    " Les techniques promettent abondance et bonheur ; elles définissent la condition humaine d'aujourd'hui. Pourquoi les contester, et à quoi bon ? Les discours technocritiques ne masquent-ils pas des peurs irrationnelles, un conservatisme suranné, voire un propos réactionnaire ? Pourtant, depuis que les sociétés humaines sont entrées dans la spirale de l'industrialisation, des individus et des groupes très divers ont dénoncé les techniques de leur temps et agi pour en enrayer les effets. L'introduction de machines censées alléger le travail, les macrosystèmes techniques censés émanciper des contraintes de la nature, la multitude des produits technoscientifiques censés apporter confort et bien-être ont souvent été contestés et passés au crible de la critique.
    Contre l'immense condescendance de la postérité, Technocritiques est un ouvrage qui prend au sérieux ces discours et ces luttes. Depuis deux siècles, les technocritiques sont foisonnantes et multiformes, elles émanent des philosophes et des romanciers comme des artisans et des ouvriers ; elles se retrouvent en Europe comme dans le reste du monde et nourrissent sans cesse des pratiques alternatives. Toute une tradition de combat et de pensée originale et méconnue s'est ainsi constituée : ce livre d'histoire au présent tente de leur redonner vie tout en pointant les impasses des choix politiques mortifères portés par la foi en une « croissance » aveugle. Et, en filigrane, il montre comment s'est imposé le grand récit chargé de donner sens à la multitude des objets et artefacts qui saturent nos existences."

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  • Bougisme et présentisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à l'omniprésence de la technique dans nos vie...

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    Facebook ? Le simulacre des « amis » sans amitié...

    Naguère, les polémiques politiques venaient d’émissions fracassantes à la télévision ou de dépêches de l’AFP. Aujourd’hui, c’est Twitter ; soit le règne de l’immédiateté. Comme si le temps de la réflexion avait tendance à se raccourcir…

    Toutes les dimensions constitutives de la temporalité sont aujourd’hui rabattues sur le moment présent. Ce « présentisme » fait partie de la détresse spirituelle de notre époque. Twitter n’en est qu’un exemple parmi d’autres. L’importance qu’on donne aujourd’hui aux tweets est une sorte d’assomption métaphysique de la brève de comptoir. Elle mesure une déchéance. C’est la raison pour laquelle je ne « tweete » jamais. Je n’ai pas non plus de compte Facebook. Je n’utilise ni « smartphone », ni « Blackberry », ni tablette tactile, ni iPad, ni iPod, ni aucun autre gadget pour petits-bourgeois numérisés et connectés. D’ailleurs, je me refuse même à avoir un téléphone portable ; car l’idée de pouvoir être joint en permanence m’est insupportable. La disponibilité totale relève d’un idéal de « transparence » totalitaire. Il faut lui opposer des opacités bienfaisantes.

    Vous êtes technophobe ?

    Je ne suis pas technophobe, mais je suis profondément préoccupé par ce technomorphisme qui transforme nos contemporains en prolongement de leur télécommande ou en terminal de leur ordinateur. Je crois que la technique n’a rien de neutre, et qu’elle cherche à nous soumettre à sa logique propre. De même que ce n’est pas nous qui regardons la télévision, mais la télévision qui nous regarde, ce n’est pas nous qui faisons usage de la technique, mais la technique qui se sert de nous. On le réalisera mieux encore quand nous aurons des codes-barres et des puces RFID insérés sous la peau – ou lorsqu’on aura réalisé la fusion de l’électronique et du vivant. On ne peut, dans le monde actuel, faire l’économie d’une réflexion sur la technique, dont la loi première est que tout ce qui devient techniquement possible sera effectivement réalisé. Comme l’écrit Heidegger, « Nous pouvons utiliser les choses techniques, nous en servir normalement, mais en même temps nous en libérer, de sorte qu’à tout moment nous conservions nos distances à leur égard. Nous pouvons dire “oui” à l’emploi inévitable des objets techniques et nous pouvons en même temps lui dire “non”, en ce sens que nous les empêchions de nous accaparer et ainsi de fausser, brouiller et finalement vider notre être. » Dans le rapport à la technique, c’est l’humanité de l’homme qui est en jeu.

    On peut certes gloser sur ce « bougisme » que nous impose Internet. Mais au moins a-t-il l’avantage de permettre aux citoyens de base que nous sommes de prendre part au débat. Vous qui n’aviez rien contre la « démocratie participative » prônée par Ségolène Royal lors de l’élection présidentielle de 2007, quelles éventuelles réflexions ce changement de donne peut-il vous inspirer ?

    Comme toute forme de démocratie, la démocratie participative exige un espace public où puisse s’exercer la citoyenneté, c’est-à-dire d’un espace radicalement distinct de l’espace privé où se meut la « société civile ». Internet fournit des sources d’information alternatives, mais il est avant tout un outil de surveillance totale. Rapporté aux exigences démocratiques, il n’est qu’un simulacre. Jean Baudrillard l’avait déjà dit il y a vingt ans : nous vivons au temps des simulacres. Les touristes qui visitent la grotte de Lascaux n’en visitent aujourd’hui qu’une copie. En ce moment, un théâtre parisien propose un opéra « virtuel » où la cantatrice vedette n’est qu’une image de synthèse, un hologramme. Les imprimantes en trois dimensions peuvent désormais produire des répliques d’œuvres d’art qui ne se distinguent plus de l’original, relief compris. Elles produiront demain des organes humains. Walter Benjamin avait écrit en 1935 un beau texte méditatif sur « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique ». Nous n’en sommes déjà plus là, car la réplique va très au-delà de la copie. Elle abolit même la notion de copie. Le virtuel est cette catégorie immatérielle dans laquelle nous fait vivre le monde des écrans. Il ne relève ni du réel, ni de l’irréel, ni même du surréel. Il relève de cet hyperréel qui prend peu à peu la place de la réalité sans que nous nous en rendions compte. À terme, c’est l’univers de Matrix qui se dessine à l’horizon.

    Dans votre revue Eléments, dont vous fêtez cette année le quarantième anniversaire, vous évoquez souvent la perte du lien social. Si on vous objecte que les « réseaux sociaux » peuvent être une façon de le retisser, cela vous fait-il sauter au plafond ?

    Cela me fait plutôt sourire. Ces « réseaux sociaux » n’ont de « sociaux » que le nom. Ils ne proposent eux aussi qu’un simulacre de socialité. Avec Facebook, on noue des liens avec des « amis » qu’on ne verra jamais, on visite des pays où l’on ne mettra jamais les pieds. On bavarde, on se défoule, on se raconte, on inonde la terre entière de propos insignifiants, c’est-à-dire qu’on met la technique au service du narcissisme immature. La dé-liaison sociale est le fruit de la solitude, de l’anonymat de masse, de la disparition des rapports sociaux organiques. Elle résulte du fait que l’on se rencontre de moins en moins. La socialité véritable exige l’expérience directe que le monde des écrans tend à abolir. La seule utilité de Facebook est de mettre à la disposition de la police plus d’informations sur nous-mêmes qu’aucun régime totalitaire ne pouvait hier espérer en rassembler. Libre aux naïfs de contribuer eux-mêmes à renforcer les procédures de contrôle dont il leur arrive par ailleurs de se plaindre !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 1er décembre 2013)

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  • Aujourd'hui, la décroissance ?...

    Vous pouvez lire ci-dessous un texte stimulant cueilli sur le blog A moy que chault ! et consacré à la décroissance...

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    Aujourd'hui, la décroissance

    La croissance et son culte constituent désormais la seule religion occidentale quasi-unanimement partagée. A l'inverse du catholicisme, jamais elle ne s'est si bien portée ni n'a compté autant d'adeptes. De l'extrême-droite à l'extrême-gauche, personne ne remet en cause le dogme sacré sous peine d'être exclu du cercle des « gens sérieux ». Le débat se borne donc aux choix des méthodes pour atteindre ce graal productif puis aux modalités de redistribution et de partage de ses mirifiques bienfaits. Toute pensée véritablement révolutionnaire est donc exclue de facto puisque les oppositions et confrontations se font exclusivement dans le cadre d'une même pensée et d'un même horizon indépassable. Hors la croissance, point de salut !

    Sans celle-ci, il n'y aurait pas de bonheur possible pour les nations. C'est l'accroissement productiviste et l'accumulation des biens qui mèneraient à la grandeur des Etats et à la prospérité des populations. Il n'y a pourtant qu'à voir dans quel état de décrépitude physique et morale se trouvent les européens après à peine trois siècles de ce régime de « croissance » pour s'interroger sur l'infaillibilité de ce présupposé qu'on nous rabâche comme s'il s'agissait d'une vérité révélée. Ou encore de regarder du côté de la Chine qui fait fantasmer et saliver d'envie les économistes de tous poils avec sa croissance à deux chiffres mais qui est en train d'empoisonner son sol et ses eaux, de détruire ses structures ancestrales, de perdre son identité et de vendre son âme au profit d'une pâle imitation occidentaliste !

    Mais le dogme se défend bien, toute personne osant le remettre en cause – ou même simplement l'interroger- étant immédiatement mis au ban de la communauté, interdit de médias et fermement ghettoïsé.

    La décroissance. Aucune pensée politique – à l'exception du fascisme – suscite des réactions aussi virulentes, aussi violentes, des dénonciations et des condamnations aussi radicales, simplistes et définitives, venants de tous les horizons du système... Peu de personnalités sont autant moquées, calomniées, caricaturées et hystériquement dénoncées que celles qui tentent de défendre et de promouvoir cette idée de « décroissance », c'est à dire de changement radical de paradigme sociétal. « Hippies, rétrogrades, obscurantistes, allumés, khmers verts, écolo-fascistes, utopistes, beatniks, doux dingues, réacs... » tous les anathèmes sont bons pour discréditer sans débat cette pensée véritablement iconoclaste qui sape le fondement même du règne de la quantité et du pognon.

    On voudrait faire passer la décroissance pour une volonté de « retour à la bougie et à la traction animale », bref pour un passéisme. C'est au contraire une pensée innovante refusant le formatage du monde par le seul imaginaire capitaliste. La décroissance ce n'est pas refuser la technologie, c'est combattre le primat de la Technique, ce n'est pas refuser les innovations, c'est faire le tri entre elles, ne pas considérer qu'une nouveauté est bonne « par nature » et écarter celles dont les conséquences sont néfastes, ce n'est pas déifier ni sacraliser la nature, c'est avoir conscience de notre interdépendance avec l'environnement et défendre le patrimoine biologico-écologique des générations futures, ce n'est pas refuser le confort, c'est rejeter le superflu, ce n'est pas souhaiter la pauvreté mais la sobriété, ce n'est pas idéaliser « antan », c'est se nourrir de notre plus longue mémoire pour privilégier le temps long et la stabilité sur le zapping et le bougisme...

    A titre d'exemple, l'agriculture biologique est une démarche de type décroissante, puisqu'elle réduit les rendements et la productivité. Il n'en reste pas moins qu'en permettant d'obtenir des fruits et légumes plus sains et goûteux et en assurant la prolongation de la fertilité des sols, elle représente un « progrès ». Pas pour l'industrie agro-alimentaire certes, mais pour l'homme oui. Dans un autre domaine, se passer de télévision – c'est à dire d'une lobotomie quotidienne – est-il un recul ou un progrès ? Poser la question, c'est y répondre.

    On nous rétorquera que la « décroissance » est antinomique de la « puissance » d'un Etat ou d'un peuple. Pour cela il faut déjà raisonner en termes géopolitiques alors que l'on peut penser qu'on est aujourd'hui plutôt au stade de la simple survie. Mais même en admettant cette dialectique, encore faudrait-il s'entendre sur ce qu'est la puissance. La santé, mentale et physique, d'un peuple, sa démographie, ses arts et lettres, sa conscience nationale, son aptitude à produire du sens ne sont-ils pas des éléments fondamentaux de la puissance ? Or ces domaines ont été totalement sacrifiés, saccagés, par la société de la croissance, du primat de la pensée matérialiste et productiviste.

    Par ailleurs, que nous importent que la France, l'Italie ou l'Europe soient « puissantes », s'il n'y a plus de français, d'italiens et d'européens ? Si ces « entités administratives » ne sont plus peuplées que de zombies consuméristes, des clones hyperconnectés et réduits à leurs seules fonctions de production et de consommation, accrocs aux shopping, bourrés de médicaments, des non-êtres interchangeables ne levant la tête de leur Iphone que pour se traîner devant un quelconque écran de télé ou d'ordinateur pour y ingurgiter du porno et des séries américaines ? Nous y sommes déjà presque...

    Alors répétons-le, aucun changement économico-politique majeur ne pourra avoir lieu tant que l'on ne sera pas sorti de cette vénération de la croissance qui représente une aliénation totale du monde à l'imaginaire de la technique et de l'avoir.

    (A moy que chault ! , 15 août 2013)

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