Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

technique - Page 5

  • Folie des droits de l'homme et évaporation de la politique...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Olivier Rey au Figaro Vox. Mathématicien et philosophe, chercheur au CNRS et enseignant en faculté, Olivier Rey est l'auteur de deux essais importants intitulés pour l'un Une folle solitude - Le fantasme de l'homme auto-construit (Seuil, 2006) et pour l'autre Une question de taille (Stock, 2014), et consacrés à la question du progrès et de la technique dans nos sociétés.

     Afficher l'image d'origine

     

    Entretien avec Olivier Rey

    FIGAROVOX. - Quand Élisabeth Guigou défendait le PACS, elle jurait que celui-ci n'ouvrirait pas la voie au mariage et à l'adoption des couples homosexuels. Or, récemment, la ministre de la Famille a décidé d'abroger une circulaire qui interdisait aux gynécologues de conseiller à leurs patientes une insémination à l'étranger. Pensez-vous que le mariage pour tous engendrera mécaniquement la PMA et la GPA?

    Olivier REY. - Concernant Élisabeth Guigou, il est difficile de savoir à quoi s'en tenir: elle a dit qu'elle était sincère au moment du PACS, avant d'évoluer en faveur du mariage. D'autres déclarations de sa part laissent cependant entendre que sa position en 1999 était essentiellement tactique. Les mêmes incertitudes se retrouvent aujourd'hui envers ceux qui ont affirmé que la loi Taubira n'impliquait rien concernant la PMA «pour toutes» ou la GPA. Ce qui est certain, c'est que les plus ardents promoteurs de cette loi visaient, à travers elle, un changement du droit de la famille et de la filiation. De ce point de vue, la Manif pour tous a eu un effet: par son ampleur elle a empêché, au moins provisoirement, la mise à feu du deuxième étage de la fusée.

    Pour l'heure, la démarche pour contourner les obstacles consiste à pratiquer le law shopping, c'est-à-dire à se rendre dans certains pays qui permettent ce qui est interdit ici, puis à réclamer de retour en France une régularisation de la situation. Si le phénomène prend de l'importance, on accusera le droit français d'hypocrisie, et on le sommera d'autoriser ce que de toute façon il entérine après coup. On pourra même invoquer le principe d'égalité, en dénonçant un «droit à l'enfant» à deux vitesses, entre ceux qui ont les moyens de recourir au «tourisme procréatif» et les autres.

    La plupart des acteurs politiques qui souhaitaient revenir sur le mariage pour tous ont fait machine arrière. Diriez-vous que les lois sociétales sont irréversibles?

    Cela dépend de l'échelle de temps à laquelle on se place. À court terme, le mouvement semble irréversible. À plus long terme, il est difficile de se prononcer. Depuis plusieurs décennies, nous surchargeons l'édifice social et juridique de tourelles postmodernes par ci, d'encorbellements rococos par là, sans nous préoccuper des murs porteurs qui n'ont pas été prévus pour ce genre de superstructures, et qui donnent d'inquiétant signes de faiblesse. Si les murs finissent par s'ébouler, toutes ces «avancées» dont on s'enchante aujourd'hui s'écrouleront.

    Nous sommes entrés dans une période de grandes turbulences, dont nous ne vivons pour l'instant que les prodromes. Nous aurons à faire face au cours de ce siècle à de gigantesques difficultés - écologiques, économiques, migratoires. Le «jour du dépassement», c'est-à-dire le jour où les ressources renouvelables de la terre pour l'année en cours ont été consommées, arrive toujours plus tôt - en 2016, dans la première quinzaine d'août. Autrement dit, notre richesse actuelle est fictive, elle est celle d'un surendetté avant la banqueroute. Lorsque les diversions ne seront plus possibles, nous nous rappellerons avec incrédulité que dans les années 2010, la grande urgence était le mariage pour tous. Cela paraîtra emblématique de l'irresponsabilité de ce temps. En fait, la polarisation sur les questions «sociétales» est une façon de fuir la réalité: se battre pour la PMA pour toutes ou la GPA, c'est aussi éviter de penser à ce à quoi nous avons à faire face.

    N'est-on pas aujourd'hui dans une extension infinie des «droits à» comme le «droit à l'enfant»? Cela ne risque-t-il pas d'enfreindre des libertés fondamentales comme les «droits de l'enfant»?

    Le discours des droits est devenu fou. Historiquement, l'élaboration de la notion de droits de l'homme est liée au développement des doctrines de contrat social, selon lesquelles, dans un «état de nature», les humains vivaient isolés, avant que les uns et les autres ne passent contrat pour former une société. Dans l'opération, les individus ont beaucoup à gagner: tout ce que l'union des forces et des talents permet. Ils ont aussi à perdre: ils doivent abdiquer une partie de leur liberté pour se plier aux règles communes. Qu'est-ce que les droits de l'homme? Les garanties que prennent les individus vis-à-vis de la société pour être assurés de ne pas trop perdre de cette liberté. Garanties d'autant plus nécessaires que les pouvoirs anciens, aussi impérieux fussent-ils, étaient plus ou moins tenus de respecter les principes religieux ou traditionnels dont ils tiraient leur légitimité. À partir du moment où l'ordre social se trouve délié de tels principes, il n'y a potentiellement plus de limites à l'exercice du pouvoir: à moins, précisément, qu'un certain nombre de droits fondamentaux soient réputés inaliénables. Comme l'a dit Bergson, chaque phrase de la Déclaration des droits de l'homme est là pour prévenir un abus de pouvoir.

    Depuis, la situation a connu un retournement spectaculaire. Les droits de l'homme, de cadre institutionnel et de sauvegarde des libertés individuelles face à d'éventuels empiètements de l'État, sont devenus sources d'une multitude de revendications adressées par les citoyens à la puissance publique, mise en demeure de les satisfaire. La Déclaration d'indépendance américaine cite trois droits fondamentaux: le droit à la vie, le droit à la liberté, le droit à poursuivre le bonheur. Mais aujourd'hui, ce dernier droit est compris par certains comme droit au bonheur. Dès lors, si quelqu'un, par exemple, estime indispensable à son bonheur d'avoir un enfant, alors avoir un enfant devient à son tour un droit, et tout doit être mis en œuvre pour y répondre.

    Au point où nous en sommes, la seule limite à laquelle se heurte l'inflation des droits tient aux conflits que leur multiplication entraîne. Par exemple: l'antagonisme entre le droit à l'enfant et les droits de l'enfant. C'est ainsi qu'au Royaume-Uni, il n'y a plus d'anonymat du donneur masculin pour les PMA, parce que les moyens mis en œuvre pour l'exercice du droit à l'enfant doivent respecter le droit de l'enfant à connaître ses origines. C'est la bataille des droits.

    Comment définir la limite entre le droit de poursuivre le bonheur et celui de l'avoir, entre les actions individuelles et l'intervention de la société et de l'État?

    Prenons l'exemple du droit qu'il y aurait, pour une femme seule ou pour deux femmes, d'aller à l'hôpital pour concevoir par PMA. Il ne s'agit pas d'obtenir de l'État la levée d'un interdit (la loi n'interdit à personne d'avoir un enfant), mais d'exiger de lui qu'il fournisse gratuitement à toute femme qui en fera la demande une semence masculine, qu'il se sera préalablement chargé de collecter en vérifiant sa qualité, et dont il aura effacé la provenance. Pourquoi fournirait-il un tel service? Pourquoi se substituerait-il à l'homme manquant? Pour des raisons médicales - comme le M de PMA le laisse entendre? Mais où est l'infirmité à pallier, la maladie à soigner?

    Ce mésusage du mot «médical» va de pair avec les emballements qu'on observe dans le discours des droits. Dans le préambule à sa Constitution, adoptée en 1946, l'Organisation mondiale de la santé définit la santé comme «un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité». Comme de plus «la possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain», on voit qu'une infinité de droits peuvent se réclamer d'un droit à la santé ainsi compris. En particulier, un droit à tout type d'«augmentation» et de procréation, dès lors que quiconque estime cette augmentation ou ce type de procréation nécessaires à son bien-être.

    À propos de la procréation techniquement assistée, il faut aussi tenir compte d'un fait: cette intervention technique autorise les diagnostics pré-implantatoires et rend envisageable la sélection d'un nombre croissant de caractères, qu'on voit mal certaines cliniques privées, dans des États accueillants, se priver de proposer. Dès lors, ceux qui conçoivent des enfants à l'ancienne pourront se sentir désavantagés par rapport à ceux qui recourent à ces procédés, et seront tentés eux-mêmes de les adopter. On voit le paradoxe: la modernité était habitée par un idéal de liberté de la personne. Mais la liberté devient un leurre quand chaque fonction vitale suppose, pour être remplie, l'allégeance à un système économico-technique hégémonique. C'est au tour de la procréation, demeurée scandaleusement sexuelle et artisanale jusqu'à aujourd'hui, d'être prise dans le mouvement.

    Il est possible d'acheter des enfants sur catalogue dans certains États en choisissant leurs prédispositions génétiques, comme la couleur de leurs yeux. En matière de progrès technique et sociétal, diriez-vous comme Einstein qu'il y a «profusion des moyens et confusion des fins»?

    Je pense à une chanson des Sex Pistols, ce groupe de punk anglais des années 1970. Dans Anarchy in the UK, le chanteur Johnny Rotten hurlait: «I don't know what I want, but I know how to get it» («Je ne sais pas ce que je veux, mais je sais comment l'obtenir»). Ça me semble emblématique de notre époque. Nous ne cessons de multiplier et de perfectionner les moyens mais, en cours de route, nous perdons de vue les fins qui mériteraient d'être poursuivies. Comme le dit le pape dans sa dernière encyclique, «nous possédons trop de moyens pour des fins limitées et rachitiques».

    Cette absorption des fins dans le déploiement des moyens des fins est favorisée par l'esprit technicien, qui cherche à perfectionner les dispositifs pour eux-mêmes, quels que soient leurs usages, une division du travail poussée à l'extrême, qui permet d'augmenter la productivité, et le règne de l'argent, qui fournit un équivalent universel et permet de tout échanger. Plus le travail est divisé, plus le lien entre ce travail et la satisfaction des besoins de la personne qui l'accomplit se distend. On ne travaille plus tant pour se nourrir, se loger, élever ses enfants etc. que pour gagner de l'argent. Cet argent permet certes ensuite d'obtenir nourriture, logement etc., mais, en lui-même, il est sans finalité spécifiée. C'est pourquoi, au fur et à mesure que la place de l'argent s'accroît, on désapprend à réfléchir sur les fins: «Je ne sais pas ce que je veux, mais je sais comment l'obtenir» - par de l'argent.

    Il ne s'agit pas de critiquer la technique, la division du travail ou l'argent en tant que tels, mais de se rendre compte qu'il existe des seuils, au-delà desquels les moyens qui servaient l'épanouissement et la fructification des êtres humains se mettent à leur nuire, en rétrécissant l'horizon qu'ils étaient censés agrandir.

    Le langage commun dit «on n'arrête pas le progrès». Est-ce vrai?

    Ce que désigne ici le mot progrès est le développement technique. Dans un régime capitaliste et libéral, orienté vers le profit, l'appât du gain ne cesse de stimuler ce développement, qu'on appelle désormais «innovation». Réciproquement, toute technique susceptible de rapporter de l'argent sera mise en œuvre.

    On pourrait penser que les comités d'éthique contrecarrent le mouvement. Tel n'est pas le cas. Jacques Testart (biologiste ayant permis la naissance du premier «bébé éprouvette» en France, en 1982, et devenu depuis «critique de science», ndlr) considère que «la fonction de l'éthique institutionnelle est d'habituer les gens aux développements technologiques pour les amener à désirer bientôt ce dont ils ont peur aujourd'hui». Ces comités sont là pour persuader l'opinion que les «responsables» se soucient d'éthique, et ainsi désarmer ses préventions. Quand une nouvelle technique transgressive se présente, le comité s'y oppose mais, en contrepartie, avalise d'autres techniques un tout petit peu moins nouvelles ou un tout petit peu moins transgressives. Finalement, les comités d'éthique n'arrêtent pratiquement rien, ils se contentent de mettre un peu de viscosité dans les rouages. Ils ont un rôle de temporisation et d'acclimatation.

    Dans le domaine environnemental, il y a aujourd'hui une certaine prise de conscience. Pourquoi cette prise de conscience dans le domaine écologique n'est-elle pas étendue au domaine sociétal?

    Le lien entre la destruction des milieux naturels et certaines actions humaines est flagrant, ou à tout le moins facile à établir. En ce qui concerne la vie sociale, beaucoup s'accorderont à penser que la situation se dégrade, mais les causes de cette dégradation sont multiples et les démêler les unes des autres est une entreprise ardue. Les initiatives «sociétales» jouent certainement un rôle, mais compliqué à évaluer, d'autant plus que leurs conséquences peuvent s'amplifier au fil des générations et, de ce fait, demander du temps pour se manifester pleinement. Dans ces conditions, il est difficile de prouver les effets néfastes d'une loi et, y parviendrait-on, difficile également de faire machine arrière alors que les mœurs ont changé.

    En matière d'environnement, la France a inscrit dans sa constitution un principe de précaution: lorsqu'un dommage, quoique incertain dans l'état des connaissances, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités doivent évaluer les risques et prendre des mesures pour prévenir ce dommage. Ce principe, sitôt adopté, a été détourné de son sens: on l'invoque à tort et à travers pour de simples mesures de prudence - ce qui permet de ne pas l'appliquer là où il devrait l'être. (On parle du principe de précaution pour recommander l'installation d'une alarme sur les piscines privées, mais on oublie son existence au moment de légiférer sur les pesticides ou les perturbateurs endocriniens qui dérèglent et stérilisent la nature.) L'expression «principe de précaution» mériterait de voir son usage restreint aux cas qui le méritent vraiment. En même temps, cet usage devrait être étendu aux mesures «sociétales», dont les effets sur le milieu humain peuvent être graves et irréversibles. La charge de la preuve doit incomber à ceux qui veulent le changement, non à ceux qui s'en inquiètent.

    On parle de plus en plus souvent du clivage entre le «peuple» et les «élites». Qui est à l'origine des lois sociétales? Est-ce la société dans son ensemble, le droit ne faisant que s'adapter, ou sont-ce au contraire les «élites» qui tentent de changer celle-ci par le truchement du droit?

    Je suis réservé à l'égard des partages binaires de l'humanité. Par ailleurs, il me semble que le problème central aujourd'hui tient moins à l'existence d'élites qu'au fait que les prétendues élites n'en sont pas. Je veux dire que certaines personnes occupent des places en vue ou privilégiées. Mais il suffit de les écouter parler ou d'observer leur comportement pour comprendre qu'elles constituent peut-être une caste, mais certainement pas une élite! Le risque aussi, à opposer frontalement «peuple» et «élites», est d'exonérer trop vite le peuple de maux auquel il collabore. Par exemple, les électeurs s'indignent à juste titre que ceux qu'ils élisent trahissent leurs promesses. Mais quelqu'un qui serait à la fois sensé et sincère serait-il élu?

    La vérité est que nous sommes tous engagés dans un gigantesque processus de planétarisation (je préfère ce terme à celui de mondialisation, car ce vers quoi nous allons n'a aucune des qualités d'ordre et d'harmonie que les Romains reconnaissait au mundus, traduction latine du grec cosmos). S'il y avait un partage pertinent de la population à opérer, ce serait peut-être celui-ci: d'un côté les ravis de la planétarisation - en partie pour le bénéfice qu'ils en tirent à court terme, en partie par aveuglement ; de l'autre les détracteurs de la planétarisation - en partie parce qu'ils en font les frais, en partie parce qu'ils voudraient que la possibilité de mener une vie authentiquement humaine sur cette terre soit sauvegardée.

    Il est indéniable que ce qu'on appelle aujourd'hui l'élite compte presque exclusivement des ravis de la planétarisation. Cela étant, ces soi-disant dirigeants dirigent très peu: leur rôle est d'accompagner le mouvement, de le favoriser, d'y adapter la société. C'est le sens, par exemple, du «En Marche!» d'Emmanuel Macron. En marche vers quoi? Peu importe, l'important est d'«aller de l'avant», même si cela suppose d'accentuer encore les ravages. Les lois sociétales participent de ce «marchisme». Par exemple, la famille à l'ancienne est un des derniers lieux de résistance au mouvement de contractualisation généralisée. Tout ce qui peut la démantibuler est donc bon à prendre, «va dans le bon sens».

    D'où est venu ce processus? Pourrait-il s'arrêter un jour?

    On décrit souvent la modernité comme un passage de l'hétéronomie - les hommes se placent sous l'autorité de la religion et de la tradition -, à l'autonomie - les hommes se reconnaissent au présent comme les seuls maîtres à bord. Un espace infini semble alors s'ouvrir aux initiatives humaines, tant collectives qu'individuelles. Mais libérer l'individu de ses anciennes tutelles, cela signifie libérer tous les individus, et l'amalgame de cette multitude de libertés compose un monde dont personne ne contrôle l'évolution, et qui s'impose à chacun. Comme le dit l'homme du souterrain de Dostoïevski, dans une formule géniale: «Moi, je suis seul, et eux, ils sont tous». L'individu est libre mais, à son échelle, complètement démuni face au devenir du monde. Le tragique est que c'est précisément la liberté de tous qui contribue, dans une certaine mesure, à l'impuissance de chacun. La politique se dissout dans un processus économique sans sujet. Comme l'a écrit Heidegger, nous vivons à une époque où la puissance est seule à être puissante. Ce qui ne veut pas dire que tout le monde soit logé à la même enseigne: il y a ceux qui se débrouillent pour surfer sur la vague, beaucoup d'autres qui sont roulés dessous.

    Ce processus est-il maîtrisable par une restauration politique?

    Politique vient de polis qui, en grec, désignait la cité. Pour les Grecs, les Perses étaient des barbares non parce qu'ils auraient été ethniquement inférieurs, mais parce qu'ils vivaient dans un empire. La politique ne s'épanouit qu'à des échelles limitées, au-delà desquelles elle dépérit. C'est pourquoi le grand argument qui a été seriné aux Européens, que leurs nations étaient trop petites pour exister encore politiquement et devaient transférer leur souveraineté à une entité continentale, où la politique retrouverait ses droits, a été une pure escroquerie. La politique n'a pas été transférée des nations à l'Union européenne, elle s'est simplement évaporée - à vrai dire tel était, sous les «éléments de langage» destinés à le masquer, le but recherché.

    La nation mérite d'être défendue parce que c'est la seule échelle où une vie politique existe encore un peu. En même temps, des nations comme la France, l'Allemagne ou le Royaume-Uni sont déjà trop grandes pour que la politique y joue pleinement son rôle. Dans les années 1850, Auguste Comte déplorait l'unification italienne comme un mouvement rétrograde, et pensait qu'à l'inverse, c'était la France qui aurait dû se diviser en dix-sept petites républiques (soixante-dix en Europe). Selon lui, c'était seulement après s'être ancrées dans une vie à cette dimension que les petites patries auraient été à même de se réunir de façon féconde, afin de traiter ensemble les questions qui outrepassent leur échelle.

    Aujourd'hui la Suisse, avec ses huit millions d'habitants et sa vie cantonale, est l'État européen où la démocratie est la plus vivace. Et historiquement, les cités de la Grèce classique, entre le VIe et le IVe siècle avant notre ère, ainsi que les cités-États italiennes de la Renaissance (Florence comptait moins de 100 000 habitants du temps de sa splendeur) constituent des réussites inégalées, qui montrent qu'en étant ouvertes sur le monde, des patries de petite taille sont capables de resplendir dans tous les domaines.

    Le problème est que même si beaucoup de petits États sont préférable à quelques gros, un gros État dispose d'un avantage: il est en mesure d'écraser un voisin plus petit. De là la tendance à la croissance en taille, quand bien même tout le monde, au bout du compte, devrait y perdre.

    Le processus inverse est-il possible? Peut-on imaginer que la petitesse devienne la norme?

    L'Autrichien Leopold Kohr (lauréat du prix Nobel alternatif en 1983) demeure malheureusement très méconnu. En 1957, dans son livre The Breakdown of Nations, il écrivait: «Il n'y a pas de détresse sur terre qui puisse être soulagée, sauf à petite échelle. […] C'est pourquoi par l'union ou par l'unification, qui augmente la taille, la masse et la puissance, rien ne peut être résolu. Au contraire, la possibilité de trouver des solutions diminue au fur et à mesure que le processus d'union avance. Pourtant, tous nos efforts collectivisés et collectivisants semblent précisément dirigés vers ce but fantastique - l'unification. Qui, bien sûr, est aussi une solution. La solution de l'effondrement spontané».

    Les choses étant ce qu'elles sont, je crains qu'il ne faille en passer par de tels effondrements. Quand je dis cela, je me fais traiter de Cassandre. Je rappellerai toutefois que dans la mythologie grecque, les mises en garde de Cassandre étaient toujours fondées, le problème étant que personne ne la croyait. Ainsi, malgré ses avertissements, les Troyens firent-ils entrer le cheval de bois dans leur ville. On ne peut pas dire que cela leur ait réussi. Par ailleurs, si les effondrements qui se préparent ont de quoi faire peur, car ils engendreront de nombreuses souffrances, la perspective n'est pas seulement négative: ils peuvent aussi être l'occasion pour les peuples d'échapper aux fatalités présentes, et de revenir à la vie.

    Olivier Rey, propos recueillis par Alexis Feertchak et Vincent Tremolet de Villers (Figaro Vox, 5 août 2016)

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • Le mythe de l'homme derrière la technique...

    Les éditions Allia viennent de publier un court essai de José Ortega y Gasset intitulé Le mythe de l'homme derrière la technique. Philosophe espagnol, mort en 1955, José Ortega y Gasset est  l'auteur de l'essai intitulé La révolte des masses.

     

    Ortega y gasset.jpg

    " La technique représente l'ensemble des moyens par lesquels l'homme modifie le monde naturel. À ce titre, elle constitue aux yeux d'Ortega y Gasset un palliatif pour l'humanité malade de son imagination. Pour le philosophe, nous sommes ces "enfants de l'imaginaire", faculté chez nous si puissante qu'elle fait déborder nos désirs bien au-delà de notre capacité à les satisfaire. Aussi la technique fait-elle fonction de "gigantesque appareil orthopédique". L'homme s'exclut de la nature en cherchant à la transformer par la technique. Il se trouve perpétuellement en quête d'un monde nouveau et capable de combler ses désirs. En cherchant à apprivoiser son imagination, à lui donner une réalité, il se confronte inévitablement à l'insatisfaction. Ne serait-ce que par son environnement bâti, qui n'est que la béquille de son désir d'un monde autre.
    Ortega y Gasset renverse le paradigme du progrès, démontrant que le développement des civilisations humaines n'est que le symptôme de leur agonie."

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • L'Occident est-il dangereux aujourd'hui ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Ivan Blot, cueilli sur le site d'informations Sputnik et consacré à la dangerosité de la politique occidentale...

     

    Obama armée US.jpg

    L'Occident est-il dangereux aujourd'hui ?

    D’après le blog Slate du 3 janvier 2014, un sondage de Worldwide Independent Network et de Gallup sur la question « Quel pays est la plus grande menace pour la paix dans le monde aujourd’hui ? » a été effectué dans 65 pays où 66 806 personnes ont été interrogées.

    Le résultat est net: pour 24% de la population mondiale, les Etats-Unis sont le pays le plus menaçant pour la paix mondiale. Le Pakistan est second avec 8%, et la Russie vient en 12ème position! Il s'agit de l'avis des citoyens. Certains organismes « d'experts » comme le « Center for Peace and Conflict » de Sidney s'arrangent pour mettre les Etats-Unis en milieu de classement. Mais le citoyen sondé, lui, n'est pas payé et à l'inverse de « l'expert », il n'a pas de marché ou de carrière en jeu!
     
    Qui a précipité l'Afghanistan, l'Irak, ou la Libye dans le chaos sinon l'Occident groupé autour des Etats-Unis? L'intervention en Irak, en 2003 qui s'appelait « liberté en Irak » (sic) débouche en 2015 après des années de guerre civile sur l'apparition de Daesh, un Etat islamiste d'une cruauté exemplaire! On peut comprendre que face à leur image de va-t-en guerre impénitent, les Etats-Unis cherchent à faire peur avec la Russie. Mais l'opinion mondiale ne s'y trompe pas comme le montre le sondage ci-dessus.

    Au-delà de cette réalité indiscutable, l'Occident véhicule par ailleurs un message philosophique mortifère, celui de l'arraisonnement utilitariste qui considère l'homme avant tout comme une matière première pour l'économie. Cet arraisonnement a été appelé le « Gestell » par le philosophe existentiel allemand Heidegger, enterré avec les sacrements de l'église catholique en 1976.

    Le philosophe, disciple d'Aristote, a accusé le monde occidental moderne de détruire le monde traditionnel chrétien des Européens qui assurait tant bien que mal l'épanouissement de l'homme. Ce monde était structuré par quatre pôles: Dieu, les hommes en tant que mortels, les valeurs éthiques de l'honneur et du sacrifice de soi (non utilitaristes) et les racines familiales et patriotiques.

    L'Occident moderne, surtout après 1968 pour la France, a tué Dieu dans la conscience des hommes pour le remplacer par les caprices de l'égo. Il a remplacé l'éthique du sacrifice de soi par le culte matérialiste de l'argent et des droits qui y sont associés. Il a remplacé l'éducation des personnalités grâce à l'humanisme classique par le conditionnement des masses. Il a enfin remplacé les racines charnelles, famille et patrie, par l'idolâtrie de la technique sans mesure. Il faut en effet que les hommes deviennent des matières premières interchangeables et l'on instrumentalise l'égalitarisme dans ce sens!

    On retourne ainsi, depuis les années 1960, vers la barbarie des instincts libérés au nom des droits de l'homme, instincts dont la « libération » est justifiée par le cerveau calculateur, cette « crapule » dont parlait Dostoïevski. Résultat: le nombre de crimes en France a été multiplié par quatre depuis mai 1968. On est passé de 1,5 à 4,5 millions de crimes et de délits. Aux USA, le nombre d'emprisonnés est passé de 0,5 million en 1965 à 2,3 millions en 2013. Les Etats-Unis sont le pays qui a le plus d'emprisonnés au monde.

    Autre résultat: l'effondrement démographique de l'Occident signalé par le président Poutine (qui parla de suicide) au cercle de Valdaï en 2013. L'Occident ne fait pas que semer la mort par ses interventions militaires en série, notamment au Proche Orient. Il se suicide peu à peu et le Pape catholique Jean-Paul II avait parlé à son sujet de « culture de mort ».

    Les quatre idoles actuelles de l'Occident, la technique, l'argent, les masses et l'égo aboutissent à dévaster la terre, détruire les idéaux traditionnels, soumettre les hommes libres au conditionnement des masses et exalter l'égo dans ses caprices les plus ignobles. Le président Poutine affirme qu'il veut préserver la Russie de cette idéologie mortifère. C'est pourquoi la majorité de l'oligarchie occidentale, qui déteste les peuples enracinés et gère le « Gestell » au pouvoir, ne peut pas supporter Poutine. Elle voudrait l'éliminer et faire de la Russie trois ou quatre protectorats divisés comme le rêve le géopoliticien des récents présidents américains, Zbigniew Brzezinski. Washington espère ainsi conserver le contrôle sur le monde, et sur le continent qui pourrait le concurrencer: l'Eurasie. La subversion à Kiev a été créée dans ce but. Le coup d'Etat de Kiev a mis au pouvoir un gouvernement qui tire à coups de canon sur les citoyens qui réclament des référendums de décentralisation. Les va-t-en guerre américains rêvent d'une guerre de plus en Ukraine et brûlent d'intervenir!
     
    Vladimir Poutine défend ouvertement les traditions qui fondent les civilisations. C'est insupportable pour ceux qui idolâtrent l'argent et le droit abstrait, ces deux instruments de pouvoir qui sont le socle des injustices sous les prétextes les plus hypocrites. Déjà le grand humaniste romain Cicéron le disait: « summus jus, summa injuria »: le droit poussé à l'extrême créé l'injustice la plus grande comme ce fut le cas avec la Cour suprême américaine en 1857 (arrêt Dred Scott contre Sandford) qui justifia l'esclavage des Noirs au nom des droits de l'homme inscrits dans la constitution américaine!
     
    S'il y a un danger aujourd'hui pour la paix et l'humanité, il ne vient pas de la Russie mais désormais de l'Occident. L'Occident prétend imposer son modèle de « moralité », ce qui n'est rien d'autre que du pharisaïsme et du néo colonialisme. Ce n'est pas la Russie qui a généré Daesh mais l'Occident qui a tout fait pour ruiner les régimes laïcs arabes, certes critiquables mais moins dangereux. La Russie a toujours été cohérente dans sa lutte contre le terrorisme, ce qui n'est guère le cas des principales puissances occidentales. D'ailleurs, les chrétiens d'Orient persécutés ne s'y trompent pas. Ils mettent leur espoir dans l'influence internationale de la Russie et non en Washington.

    Le danger change de camp avec le déroulement de l'histoire. Avant la seconde guerre mondiale, il résidait en l'Allemagne nazie. Le communisme a pu dans le passé être aussi un danger. Mais aujourd'hui, c'est l'Occident qui menace la paix du monde par un néo-colonialisme qui va jusqu'à provoquer des guerres. C'est l'Occident qui agit en idéologue conquérant et qui a une idéologie d'Etat intolérante. Ce n'est plus la Russie depuis qu'elle a surgit à nouveau lors de l'effondrement de l'Union soviétique. On doit conseiller à l'Occident de pratiquer la maxime de Socrate: « connais-toi toi-même »! Car c'est la seule façon de pouvoir se corriger.

    Ivan Blot (Sputnik, 21 février 2015)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Michel Houellebecq, le miroir de notre époque ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Solange Bied-Charreton, cueilli sur Figaro Vox et consacré au sens de l’œuvre de Michel Houellebecq. Ecrivain et chroniqueuse, Solange Bied-Charreton a publié en 2013, chez Stock, un excellent roman intitulé Nous sommes jeunes et fiers, dont nous ne pouvons que vous recommander la lecture.

    Houellebecq_Bied-charreton.jpg

    Michel Houellebecq, le miroir de notre époque

    «C'est un esprit d'une sécheresse supérieure parmi les Secs, une intelligence toute en surface, n'ayant ni sentiment, ni passion, ni enthousiasme, ni idéal, ni aperçu, ni réflexion, ni profondeur, et d'un talent presque physique, comme celui, par exemple, du gaufreur ou du dessinateur à l'emporte-pièce, ou encore celui de l'enlumineur de cartes de géographie.» D'aucuns jugeraient que ces mots, écrits par Jules Barbey à propos de Flaubert, pourraient s'appliquer au romancier Houellebecq, dont la plus grande faute et la plus grande adresse sont d'avoir su endosser le rôle du «peintre de la vie moderne». L'expression baudelairienne s'étend jusqu'à la littérature romanesque, car c'est la visée même du romancier réaliste, qui entend rendre compte des mœurs de son temps, des tensions historiques, esthétiques et sociales de l'espace qu'il traverse.

    Romancier «important» pour certains, «génie» pour d'autres, «faussaire» pour quelques-uns, Michel Houellebecq est au centre de ce qu'il reste du paysage littéraire français. Il y mérite sa place, plus que beaucoup de ses congénères. Cela ne nous renseigne pas directement sur le talent de l'écrivain, davantage sur l'état de cette littérature, dévastée depuis un demi-siècle par le Nouveau Roman, l'autofiction, l'émotion, la psychanalyse ou tout cela ensemble (l'idéal est toujours de s'illustrer dans ces champs respectifs par un seul ouvrage). Ainsi, il reste précisément trop peu de romanciers réalistes, trop peu de romanciers tout court, pour que nous ignorions le nom de Houellebecq, qui en est un.

    Que fait Michel Houellebecq? Il peint ce qu'il voit, ce qu'il a sous les yeux. Souvent, il anticipe, alors il utilise le réel pour l'aggraver légèrement. Du libéralisme sexuel dans Extension du domaine de la lutte à l'effacement de l'identité française dans Soumission, des manipulations sur le vivant à la muséification des vieilles nations, en passant par l'échec de l'idéologie soixante-huitarde dans Les Particules élémentaires, il a simplement montré, depuis une vingtaine d'années, tout ce que notre regard capte chaque jour, quand ce n'est pas seulement la menace qui pèse sur notre société. C'est un reportage souvent cru et parfois trivial. Il y est question d'argent, de sexe, d'entreprises et de dépression, de résidences et de télévision. Si ce n'est pas du génie, c'est pourtant essentiel, tant il est essentiel qu'un écrivain s'échine à nous montrer ce que nous ne voyons plus, parce que nous le voyons trop.

    Romancier sans compassion, car «descripteur» à la suite de Flaubert, toujours lui, dont Sainte-Beuve affirmait qu'il tenait «la plume comme d'autres un scalpel», ce digne héritier sans joie tend un miroir très froid à l'Occident. Il montre mais il ne dit pas. Beaucoup aimeraient le faire dire, mais ce n'est pas ce qu'il fait. Michel Houellebecq n'est pas un essayiste. Et même lorsque nous avons l'impression qu'il produit un discours, ce n'est pas lui qui le prononce, c'est son personnage. Et ce discours s'insère dans la forme romanesque. Davantage contemplateur que contempteur du nihilisme contemporain, Houellebecq ne donne pas son avis. On a toujours tort de prêter une opinion à un fabuliste.

    Des controverses découlent de ce statut particulier, hors du monde. Notre romancier est-il pour ou contre les conversions à l'Islam en France? Pour ou contre le tourisme sexuel? Où le situer? La défiance du commun pour le statut de l'artiste n'est pas nouvelle. Plus largement, la métaphore permise par l'art est toujours regardée d'un mauvais œil. «Les femmes n'ont pas les cheveux mauves», déplorent les Verdurin devant la peinture d'Elstir, chez Proust. Dans le cas du réalisme, nous sommes sous le coup de la double contrainte: c'est l'art, mais l'art du réel. Nous devenons schizophrène: c'est vrai mais c'est faux. C'est dit mais c'est raconté. C'est Houellebecq comme personnage, dans La Carte et le territoire, mais c'est Houellebecq qui écrit.

    Où est l'art? On a accusé Houellebecq d'avoir recopié des notices de Wikipedia et de les avoir insérées dans La Carte et le territoire. Ce «collage», ready-made scriptural, justifié comme procédé littéraire, pose néanmoins la question de la littérarité de l'œuvre de Houellebecq et vient en souligner la profonde carence prosodique, la tragique platitude. A trop vouloir rendre le réel il serait à craindre d'en être le fruit plus que le descripteur. Mais une écriture blanche, clinique et qui fait l'économie d'un raffinage stylistique est aussi un parti pris. Houellebecq est un produit du temps: écrivain de l'après-mort du roman, il arrive à la suite de sa déconstruction, il danse sur les ruines.

    Michel Houellebecq est le nom de l'époque. Plus précisément, le nom de la littérature de l'époque. Mais cette époque n'aime pas la littérature, elle préfère ce qui est utile et rentable: que Michel Houellebecq soit son plus grand romancier en dit beaucoup sur elle et sur ses démissions. Sur sa capacité à mépriser le Beau, sur sa fascination pour la technique, son absence de transcendance, ses succès et ses vanités, son très grand désespoir.

    Solange Bied-Charreton (Figaro Vox, 6 janvier 2015)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Vers une civilisation techniquement soutenable...

    Les éditions du Seuil viennent de publier dans leur collection Anthropocène, L'âge des low tech - Vers une civilisation techniquement soutenable, un essai de Philippe Bihouix. Ingénieur, l'auteur est un spécialiste de la question de la finitude des ressources énergétiques et minières.

     

    Low tech.jpg

    " Face aux signaux alarmants de la crise globale ? croissance en berne, tensions sur l’énergie et les matières premières, effondrement de la biodiversité, dégradation et destruction des sols, changement climatique et pollution généralisée ? on cherche à nous rassurer. Les technologies « vertes » seraient sur le point de sauver la planète et la croissance grâce à une quatrième révolution industrielle, celle des énergies renouvelables, des réseaux intelligents, de l’économie circulaire, des nano-bio-technologies et des imprimantes 3D.

    Plus consommatrices de ressources rares, plus difficiles à recycler, trop complexes, ces nouvelles technologies tant vantées nous conduisent pourtant dans l’impasse. Ce livre démonte un à un les mirages des innovations high tech, et propose de prendre le contre-pied de la course en avant technologique en se tournant vers les low tech, les « basses technologies ». Il ne s’agit pas de revenir à la bougie, mais de conserver un niveau de confort et de civilisation agréables tout en évitant les chocs des pénuries à venir. S’il met à bas nos dernières illusions, c’est pour mieux explorer les voies possibles vers un système économique et industriel soutenable dans une planète finie. "

     

    Lien permanent Catégories : Décroissance et résilience, Livres 0 commentaire Pin it!
  • Techno-critiques...

    Les éditions La Découverte viennent de publier un essai de François Jarrige intitulé Techno-critiques - Du refus des machines à la contestation des technosciences. Universitaire, François Jarrige s'est spécialisé dans l'histoire du monde du travail et des controverses liées à l'industrialisation.

     

    Techno-critiques.jpg

    " Les techniques promettent abondance et bonheur ; elles définissent la condition humaine d'aujourd'hui. Pourquoi les contester, et à quoi bon ? Les discours technocritiques ne masquent-ils pas des peurs irrationnelles, un conservatisme suranné, voire un propos réactionnaire ? Pourtant, depuis que les sociétés humaines sont entrées dans la spirale de l'industrialisation, des individus et des groupes très divers ont dénoncé les techniques de leur temps et agi pour en enrayer les effets. L'introduction de machines censées alléger le travail, les macrosystèmes techniques censés émanciper des contraintes de la nature, la multitude des produits technoscientifiques censés apporter confort et bien-être ont souvent été contestés et passés au crible de la critique.
    Contre l'immense condescendance de la postérité, Technocritiques est un ouvrage qui prend au sérieux ces discours et ces luttes. Depuis deux siècles, les technocritiques sont foisonnantes et multiformes, elles émanent des philosophes et des romanciers comme des artisans et des ouvriers ; elles se retrouvent en Europe comme dans le reste du monde et nourrissent sans cesse des pratiques alternatives. Toute une tradition de combat et de pensée originale et méconnue s'est ainsi constituée : ce livre d'histoire au présent tente de leur redonner vie tout en pointant les impasses des choix politiques mortifères portés par la foi en une « croissance » aveugle. Et, en filigrane, il montre comment s'est imposé le grand récit chargé de donner sens à la multitude des objets et artefacts qui saturent nos existences."

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!