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  • Au-delà d'une défaite...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse sobre et équilibrée de Michel Geoffroy, cueillie sur Polémia et consacrée à la défaite de Marine Le Pen à l'élection présidentielle...

     

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    Une présidentielle pas si perdue que cela ?

    La victoire d’Emmanuel Macron lors de la présidentielle du 7 mai 2017 déçoit, bien sûr, les patriotes de conviction. Et comme toujours les critiques fusent contre l’adversaire malheureux : Marine Le Pen, son équipe de campagne et sa stratégie.

    Les Grecs auraient accusé les Dieux, les Romains, la Fortune. Mais en France, on est toujours coupable de perdre. Vae Victis !

    On retiendra cependant cinq enseignements de cette élection présidentielle qui devraient nuancer le « noircissisme » ambiant.

    1) D’abord on ne doit pas oublier que la victoire d’Emmanuel Macron résulte d’une mobilisation sans précédent de l’oligarchie en sa faveur :

    Médias, institutions, puissances d’argent, patronat, lobbies, classe politicienne, chefs d’Etat étrangers, Union européenne. Du jamais vu en France depuis la Libération ! Et à vrai dire du jamais vu dans le monde occidental !

    Le Forum de Davos de janvier 2017 nous avait prévenus : pour éviter un nouveau Brexit ou l’élection d’un nouveau Donald Trump en Europe, il fallait un meilleur contrôle de la « qualité de l’information », donc une plus grande propagande. C’est exactement ce qui s’est passé au service d’Emmanuel Macron. La présidentielle de 2017 a ainsi permis de s’attaquer ouvertement à la liberté de diffusion de l’information pluraliste, c’est-à-dire à la liberté d’expression tout simplement. Donc à la démocratie.

    La victoire d’Emmanuel Macron incarne pour cette raison, non pas le « pari gagné d’un couple » (*) comme nous le serinent les médias serviles, mais le retour des candidats officiels du Second Empire confisquant l’expression démocratique à leur profit, mais à la puissance mille.

    Face à un tel déploiement de pouvoir, d’argent, de pressions et de propagande, que Marine Le Pen rassemble près de 11 millions de voix au second tour ne semble donc pas une mince performance.

    2) Malgré toutes les critiques que l’on peut toujours formuler sur sa stratégie ou sa communication, Marine Le Pen a réussi à dédiaboliser le courant populiste et identitaire.

    Si le second tour a conduit, comme il fallait s’y attendre, à un « front républicain » contre elle, il ne s’est pas accompagné d’une diabolisation outrancière ni efficace comme dans le passé. En clair, il ne fonctionne plus. Si Marine Le Pen n’a pas réussi à faire un meilleur score au second tour cela tient avant tout à son positionnement sur l’euro, dissuasif pour beaucoup de Français, sans même évoquer les milieux économiques.

    Croyant surfer sur le Brexit, Marine Le Pen a effectivement commis l’erreur de faire de la politique monétaire – sujet abscons au plus grand nombre – un axe majeur de sa communication politique. Mais elle a, par contre, incontestablement réussi à désenclaver politiquement et moralement le courant patriote et identitaire. Ce qui rouvre le champ des opportunités politiques.

    3) L’élection présidentielle consacre l’élimination des partis politiques institutionnels, de droite comme de gauche, des Républicains au Parti Socialiste, dès le premier tour avec notamment un très mauvais score de Benoît Hamon.

    Ce que les médias nomment pudiquement une « recomposition du paysage politique » correspond en réalité à son explosion pure et simple. Une explosion que les patriotes avaient prévue et souhaitée.

    La débandade pitoyable des politiciens « de la droite et du centre » se ralliant à Emmanuel Macron, inaugurée par François Fillon lui-même dès 20h15, après avoir perdu l’élection imperdable, achève en outre de discréditer cette famille politique.

    Elle ouvre par là même la possibilité d’une recomposition à droite.

    4) L’élection présidentielle s’est progressivement focalisée autour de l’opposition entre les patriotes et les mondialistes,

    même si Emmanuel Macron a tenté une ultime diversion en essayant d’opposer les patriotes aux « nationalistes » et en faisant brandir des drapeaux tricolores dans ses meetings, hold-up sémantique cependant peu crédible quand on flirte avec le communautarisme.

    Il s’agit donc d’une victoire idéologique de la dissidence politique qu’on ne doit pas négliger, car elle formalise le cadre de l’opposition au nouveau pouvoir pour les années qui viennent. Nommer son adversaire principal reste en effet un acte politique fondateur : l’assigner à résidence politique en quelque sorte.

    5) Malgré ou à cause de tous ses soutiens, Emmanuel Macron se trouve dans une situation délicate.

    Emmanuel Macron a réussi à capitaliser sur sa candidature, grâce à un tour de passe-passe médiatique, le besoin de renouveau de l’électorat, alors même qu’il représentait le Système mondialiste et oligarchique que la majorité des Français rejetait : une équation difficile à résoudre dans la durée quand on n’est pas un vieux routier de la politique !

    L’élection d’Emmanuel Macron résulte en outre au moins autant du rejet du programme économique de Marine Le Pen que du soutien à son projet d’ailleurs très évanescent. Le taux d’abstention et de votes blancs et nuls est aussi très élevé pour cette présidentielle : du jamais vu depuis 1969. Son image d’homme nouveau – ni droite ni gauche – cadre mal, en outre, avec l’afflux de soutiens socialistes et en provenance des Républicains et du Centre, dont il aura cependant besoin en partie pour constituer une majorité au Parlement. Enfin, son programme économique prend à contrepied les attentes des classes moyennes et populaires. Les ânes retraités qui, chez les Républicains, ont voté pour lui vont le regretter ! La déception risque d’être bientôt aussi… en Marche !

    *  *  *

    La superclasse mondiale, en faisant élire Emmanuel Macron le 7 mai 2017, a incontestablement gagné une bataille, en engageant de très gros moyens pour cela. Mais a-t-elle pour autant gagné la guerre idéologique et politique qui s’annonce ?

    Car la confrontation entre les patriotes et les mondialistes n’est pas seulement franco-française. Elle ne fait que commencer. Il ne faut pas perdre de vue en effet qu’elle se déroule aussi au plan européen et mondial. Car un monde désormais de plus en plus multipolaire s’accommode de moins en moins de la prétention de la superclasse mondiale à le gouverner. A Paris comme ailleurs.

    Michel Geoffroy (Polémia, 10 mai 2017)

    (*) Expression de David Pujadas sur France 2 le 23 avril 2017 à 22h17

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  • La guerre, toujours et partout...

    Nous vous signalons la parution récente du numéro 71 (Équinoxe de printemps) de la revue Terre & Peuple, dirigée par Pierre Vial, dont le dossier est consacré à la guerre, et qui comporte, notamment , une contribution du professeur Jean Haudry, grand spécialiste des Indo-Européens.

    Vous pouvez commander cette revue sur le site de Terre & Peuple.

     

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    Au sommaire du dossier :

    La guerre, par Pierre Vial

    La guerre chez les Indo-Européens, par Jean Haudry

    Guerre de l'information. Fake yourself, par Thierry Thodinor

    Guerre financière : le boomerang swift, par Thierry Thodinor

    L'enfer, par Robert Dragan

    "Les blanchisseuses" du Système, par Fabrice Lehénaire

    Guérilla : la guerre implacable du faible au fort, par Jehan Morel

    Georges Sorel, au-delà de la raison ? , par Roberto Fiorini

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  • Le nihilisme en Europe et ses ennemis...

    Vous pouvez découvrir l'entretien donné par François Bousquet à Daria Douguine, pour Geopolitika, à l'occasion du Colloque de l'Iliade, le 18 mars 2017. Il évoque la question de la lutte contre le nihilisme...

    Rédacteur en chef adjoint de la revue Éléments, François Bousquet vient de publier La droite buissonnière (Rocher, 2016).

     

                                      

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  • Vers la grande confusion...

    Nous reproduisons ci-dessous l'entretien donné par Alain de Benoist à Breizh info à propos des résultats du premier tour de l'élection présidentielle. Philosophe et essayiste, éditorialiste du magazine Éléments, Alain de Benoist dirige les revues Nouvelle Ecole et Krisis et anime l'émission Les idées à l'endroit sur TV Libertés. Il a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017) ainsi qu'un recueil d'articles intitulé Ce que penser veut dire (Rocher, 2017).

     

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    Alain de Benoist : « Emmanuel Macron est une petite chose caractérielle, manipulable et incapable de décision »

    Breizh-info.com : Quels enseignements tirez-vous du premier tour de l’élection présidentielle ? En quoi diffère-t-elle de toutes celles qui l’ont précédée ?

    Alain de Benoist : Le fait capital de cette élection, celui qui lui confère un véritable caractère historique, ce n’est ni le phénomène Macron ni la présence de Marine Le Pen au second tour. C’est la déroute totale des deux ancien grands partis de gouvernement, le PS et Les Républicains. Je l’avais laissé prévoir ici même en février dernier, à un moment où personne ne semblait s’en aviser : pour la première fois depuis que le chef de l’État est élu au suffrage universel, aucun des deux partis qui depuis près d’un demi-siècle ont gouverné la France en alternance ne sera présent au second tour.

    Dans le passé, ces deux partis n’avaient jamais représenté à eux deux moins de 45 % des suffrages (57 % en 2007, 55,8 % en 2012). Aujourd’hui, ils en représentent ensemble à peine un quart (Fillon 19 %, Hamon 6 %), moins que Sarkozy en 2007 ou Hollande en 2012. Tous deux se retrouvent à l’état de champs de ruines et au bord de l’implosion. Leur décomposition marque la fin de la Ve République telle que nous l’avons connue. Ce sont eux les grands perdants du scrutin.

    Ce coup de tonnerre sans précédent ne doit pourtant pas surprendre, car il est parfaitement conforme au schéma populiste. Dans tous les pays où le populisme marque des points, ce sont les partis représentant l’ancienne classe dirigeante qui en pâtissent le plus. On a vu cela en Grèce, en Espagne, en Autriche et ailleurs. Maintenant, c’est l’heure de la France. Et ce n’est sans doute qu’un début, puisque nous allons sans doute nous diriger maintenant vers une période d’instabilité, de crise institutionnelle et de grande confusion.

    Breizh-info.com : Est-ce la fin du système traditionnel droite-gauche que l’on a connu depuis des décennies ?

    Alain de Benoist : Les anciens partis de gouvernement étaient aussi ceux qui portaient le traditionnel clivage droite-gauche. Le curseur se déplaçait alors sur un plan horizontal, ce qui a lassé des électeurs qui de surcroît ne voient plus très bien ce qui distingue la droite de la gauche. Macron et Marine Le Pen ont en commun de surfer sur cette lassitude vis-à-vis du « Système ». Je répète ici ce que j’ai déjà écrit plusieurs fois : à l’ancien axe horizontal correspondant au clivage droite-gauche se substitue désormais un axe vertical opposant ceux d’en haut à ceux d’en bas. Le peuple contre les élites, les gens contre les puissants.

    On peut bien sûr vouloir conserver à tout prix le couple droite-gauche, mais alors il faut constater que les couches populaires sont de plus en plus à droite, tandis que la bourgeoisie est de plus en plus à gauche, ce qui constitue déjà une révolution.

    Breizh-info.com : Les résultats semblent également confirmer la fracture entre les métropoles et la « France périphérique », mais aussi entre la France qui compte le moins d’immigrés, qui vote Macron, et celle qui en compte le plus, qui vote Le Pen. Qu’en pensez-vous ?

    Alain de Benoist : Je pense en effet que le clivage Macron-Le Pen recouvre dans une très large mesure l’opposition entre la « France périphérique », celle des couches populaires humiliées, laissées pour compte, qui s’estiment à juste titre victimes d’une exclusion à la fois politique, sociale et culturelle, et celle des métropoles urbanisées où vivent les cadres supérieurs et les bobos, les classes possédantes et la bourgeoisie intellectuelle intégrée, qui profitent de la mondialisation et aspirent à toujours plus d’« ouverture ». D’un côté la France qui gagne bien sa vie, de l’autre celle qui souffre et qui s’inquiète.

    Mais cette opposition spatiale, particulièrement bien explorée par Christophe Guilluy, a aussi (et surtout) le sens d’une opposition de classe. Je partage à ce sujet l’opinion, non seulement de Guilluy, mais aussi de Mathieu Slama, selon qui « la lutte des classes ressurgit politiquement à la faveur d’un duel de second tour qui oppose le libéral Emmanuel Macron à la souverainiste Marine Le Pen ».

    « Derrière cette lutte des classes, ajoute Slama, se cache un affrontement entre deux visions du monde : la vision libérale et universaliste, qui ne croit ni en l’État ni en la nation, et la vision que l’on nomme aujourd’hui populiste ou encore souverainiste, qui veut restaurer l’État, les frontières et le sens de la communauté face aux ravages de la mondialisation ».

    L’erreur symétrique de la droite et de la gauche classiques a toujours été de croire que la politique pouvait s’extraire des enjeux de classe – la droite par allergie au socialisme et au marxisme, la gauche parce qu’elle croit que la classe ouvrière a disparu et que le peuple ne l’intéresse plus.

    Breizh-info.com : Que représente Macron ?

    Alain de Benoist : La morphopsychologie nous dit déjà qu’Emmanuel Macron est une petite chose caractérielle, manipulable et incapable de décision. Disons que c’est un algorithme, une image de synthèse, un milliardaire issu des télécoms, un joueur de flûte programmé pour mener par le bout du nez « selzésseux » qui ne voient pas plus loin que le bout de ce nez. C’est le candidat de la Caste, le candidat des dominants et des puissants. C’est un libéral-libertaire qui conçoit la France comme une « start up » et ne rêve que d’abolition des frontières et des limites, des histoires et des filiations. C’est l’homme de la mondialisation, l’homme des flux migratoires, l’homme de la précarité universelle. Le chef de file des « progressistes » par opposition à ceux qui ne croient plus au progrès parce qu’ils ont constaté que celui-ci n’améliore plus, mais au contraire assombrit leur ordinaire quotidien.

    Dans le passé, les milieux d’affaires soutenaient le candidat qu’ils estimaient le plus apte à défendre leurs intérêts (Alain Juppé en début de campagne). Cette fois-ci, ils ont jugé plus simple d’en présenter un eux-mêmes. Aude Lancelin n’a pas tort, à cet égard, de parler de « putsch du CAC 40 ».

    Breizh-info.com : L’échec de Jean-Luc Mélenchon ?

    Alain de Benoist : Échec tout relatif ! Orateur hors pair, tribun véritablement habité, Jean-Luc Mélenchon est celui qui, dans la forme et dans le fond, a fait la meilleure campagne électorale. En l’espace de quelques semaines, il a plus remonté dans les sondages qu’aucun autre candidat, écrabouillant au passage le Schtroumpf du PS, parvenant pratiquement au niveau de Fillon et doublant son score par rapport à 2012.

    Plus important encore, cette élection présidentielle lui a donné la possibilité d’incarner un populisme de gauche qui, avant lui, n’existait qu’à l’état d’ébauche. Vous aurez peut-être remarqué qu’il a commencé à monter dans les sondages à partir du moment où il n’a plus parlé de la « gauche » dans ses discours, mais seulement du « peuple ». C’est un détail révélateur. Ajoutons à cela que, contrairement à Hamon ou Duflot, il a eu le courage de ne pas appeler à voter en faveur de Macron. Personnellement, je regrette beaucoup qu’il ne soit pas au second tour.

    Breizh-info.com : Marine Le Pen a-t-elle encore des chances de l’emporter ? Quels doivent être les principaux axes de sa campagne ? Où se trouve son réservoir de voix ?

    Alain de Benoist : Ses chances au second tour sont a priori assez faibles, puisque tous les sondages la donnent pour battue. Ses principaux concurrents ont appelé à voter pour Emmanuel Macron, à commencer par François Fillon (ce qui ne manque pas de sel), mais il reste à savoir si leurs consignes seront suivies. Les reports de voix ne sont jamais automatiques. Outre les abstentionnistes, Marine Le Pen peut espérer recueillir au moins un tiers des voix de Fillon, plus de la moitié de celles de Dupont-Aignan, voire 10 ou 15 % des voix de Mélenchon, mais je doute que cela lui permette de remporter la victoire. Le score du second tour devrait s’établir à 60/40, ou à 55/45 dans le meilleur des cas.

    Cela dit, avec 21,4 % des voix (contre 17,9 % en 2012), Marine Le Pen marque sérieusement des points, non seulement parce qu’elle accède au second tour, mais aussi parce qu’elle rassemble près de huit millions de suffrages (le double de son père en 2002), contre seulement six millions aux dernières élections régionales. Le plus important est qu’elle surclasse le PS et Les Républicains, ce qui pose le FN en principale force d’opposition face à la future coalition « progressiste » de Macron.

    Disons néanmoins que sa campagne fut assez inégale. Pas assez de lyrisme, pas assez d’émotion : elle sait se faire applaudir, mais elle ne sait pas faire vibrer. Dans son clip de campagne, le peuple était d’ailleurs absent.

    Sa seule chance de gagner est de faire comprendre à la majorité des Français que le second tour ne sera pas un vote pour ou contre le Front national, mais un référendum pour ou contre la mondialisation. Il faudrait aussi qu’elle soit capable de convaincre en priorité les électeurs de gauche qu’il serait insensé de leur part d’apporter leur suffrage à l’homme de la casse sociale et de la loi El Khomri, de la dictature des actionnaires et de la toute-puissance des marchés financiers, au porte-parole du Capital pour qui la politique n’est qu’un instrument à mettre au service des intérêts privés.

    Breizh-info.com : Êtes-vous surpris de la faible mobilisation dans la rue contre Marine Le Pen, contrairement à ce que l’on avait vu en 2002 ?

    Alain de Benoist : Je n’en suis pas surpris du tout. L’élection de 2002 n’a aucun rapport avec celle que nous venons de vivre. Il n’y a que les diplodocus et les « antifas » pour ne pas comprendre que nous avons changé d’époque.

    Breizh-info.com : Une remarque finale ?

    Alain de Benoist : Si un scénariste avait écrit par avance l’histoire de cette campagne électorale telle qu’elle s’est effectivement déroulée, aucun réalisateur n’aurait jugé son scénario crédible. Elle a en effet déjoué tous les pronostics. François Hollande a rêvé pendant des années de solliciter un second mandat, mais il a finalement dû y renoncer. On le donnait pour un fin manœuvrier, mais il a perdu le contrôle de son propre parti. La droite considérait que cette élection était « imperdable », et pourtant elle l’a perdue. Les primaires étaient censées renforcer le pouvoir des partis et consacrer les mieux placés pour l’emporter (Sarkozy ou Juppé, Valls ou Montebourg), elle les a définitivement affaiblis et n’a sélectionné que des « outsiders » qui n’ont pas brillé.

    Quant au phénomène Macron, personne ne l’imaginait possible il y a encore un an. Cela montre qu’en politique, rien n’est jamais joué par avance. L’histoire est toujours ouverte.

    Alain de Benoist (Breizh info, 25 avril 2017)

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  • Stratégie de l’attention et stratégie de la tension...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la stratégie mise en place ^par le système pour amener Emmanuel Macron au deuxième tour de l'élection présidentielle.

     

     

    Stratégie de l’attention et stratégie de la tension : les médias, les juges et l’extrême gauche à la manœuvre pour la présidentielle de 2017

    Pour l’élection présidentielle française de 2017 l’oligarchie met en œuvre deux stratégies parallèles mais convergentes : la stratégie de l’attention et la stratégie de la tension. Au service d’une seule ambition : faire en sorte qu’au second tour, Emmanuel Macron se retrouve face à Marine Le Pen.

    Monopoliser l’attention pour promouvoir la marque Macron

    La stratégie de l’attention vise à promouvoir la candidature d’Emmanuel Macron au second tour de l’élection présidentielle. Elle consiste à mettre en scène en permanence le candidat surgi de nulle part et son mouvement prétendu, En Marche !, par le truchement des médias et des instituts de sondage. La stratégie de l’attention a correspondu au matraquage publicitaire du produit Macron.

    Les médias ont rendu Macron omniprésent pour diffuser dans l’opinion la conviction qu’il serait présent au second tour de l’élection présidentielle, ce qui ne va pourtant pas de soi.

    Les médias ont scénarisé ses moindres faits et gestes comme ses meetings préfabriqués. Ainsi, par exemple en février, BFMTV a diffusé au total autant de minutes de meetings du fondateur d’En Marche… que de l’ensemble de ses quatre principaux concurrents réunis ! Comme d’habitude, d’ailleurs, puisque depuis sa déclaration de candidature à l’élection présidentielle, tous les meetings d’Emmanuel Macron sont diffusés en intégralité sur la première chaîne d’information en continu. Ce qui est bien loin d’être le cas pour les autres candidats (1).

    Tout comme ils ont scénarisé les ralliements successifs dont Emmanuel Macron bénéficiait, afin de suggérer l’idée d’une dynamique politique à son profit.

    Les sondages ont fermé la boucle promotionnelle

    Les instituts de sondages ont ensuite donné la réplique aux campagnes médiatiques en faisant apparaître les bons scores du candidat : les commanditaires étant les mêmes (2), la machine promotionnelle fonctionnait donc en boucle !

    Elle a donc permis d’enfermer les électeurs dans une bulle médiatique, destinée à leur faire croire ce qu’on leur disait : les sondages paraissant confirmer les dires des journalistes et ces derniers commentant les résultats qui allaient dans le bon sens… CQFD.

    Favoriser les outsiders, mais au profit de Macron

    La stratégie de l’attention a aussi concerné, dans un second temps, les « petits » candidats.

    Tant qu’il s’agissait de promouvoir le produit Macron on les a réduits au silence médiatique. Mais cela a changé à partir du débat télévisé à 11 du 4 avril 2017. En effet, pour exister, les petits candidats, en majorité plutôt à droite, ont tenu à marquer leurs différences critiques vis-à-vis de François Fillon et Marine Le Pen : ils sont donc susceptibles de leur ôter des voix au premier tour et c’est pourquoi on s’efforce aussi de les encourager.

    La stratégie de l’attention assure maintenant la promotion de Jean-Luc Mélenchon. Il s’agit de faire croire que l’intéressé talonnerait dans les intentions de vote François Fillon, afin de suggérer l’absence de dynamique au profit du candidat de la droite et du centre. Ce qui serait pour le moins étrange compte tenu de l’état de l’opinion et de la réalité du terrain. Mais le produit Mélenchon a aussi pour fonction de marginaliser un peu plus le candidat du PS, Benoit Hamon, pour présenter le moment venu Emmanuel Macron comme l’ultime recours de la gauche face à la droite ou à « l’extrême droite ».

    L’extrême gauche en renfort du Système

    Si la stratégie de l’attention bénéficie avant tout à la gauche, la stratégie de la tension vise, elle, prioritairement François Fillon au premier tour. Elle visera, bien sûr, encore plus Marine Le Pen si celle-ci se qualifie au second tour. La tension incombe principalement au service action de l’oligarchie : l’extrême gauche.

    L’extrême gauche concentre en effet ses attaques sur ces deux candidats, comme on l’a bien vu lors du débat télévisé du 4 avril 2017. Emmanuel Macron, pourtant le candidat de l’oligarchie financière, du libre-échangisme et du patronat, n’a quasiment pas été attaqué par Philippe Poutou et Nathalie Arthaud !

    Comme à son habitude, l’extrême gauche démontre ainsi une nouvelle fois son rôle de brise-glace au service du néo-capitalisme libéral et libertaire, car elle ne combat concrètement en Europe que ceux qui s’opposent à l’avancée de celui-ci : les nationaux, les patriotes et les identitaires, bien sûr au nom de l’antifascisme !

    Pousser la droite à la faute

    Les médias mainstream se transforment également en procureurs dès qu’il s’agit d’interviewer François Fillon ou Marine Le Pen : car ces entretiens combatifs, autre composante de la stratégie de la tension, ont pour but de pousser ces candidats à la faute, alors que, bien sûr, on ne procède jamais ainsi avec Emmanuel Macron. Bien au contraire, on vole à son secours !

    La classe médiatique cherche en réalité à renouveler, 30 ans après, l’affaire du « détail », qui fut instrumentée contre Jean-Marie Le Pen en 1987.

    Mais la stratégie de la tension ne se limite pas à la propagande télévisée : elle se déroule aussi dans la rue, comme on l’a vu à Bordeaux ou à Nantes. Les groupes d’extrême gauche s’efforcent de perturber systématiquement les réunions des candidats : celles de François Fillon avec des casseroles et celles de Marine Le Pen avec des manifestations et des violences de la part des prétendus antifas.

    Les antifas : un ballet bien rodé

    Le scénario de ces opérations de guérilla politique et urbaine est désormais bien rodé :

    Les violences cherchent d’abord à intimider les soutiens des candidats pour les dissuader de se rendre à leurs réunions. Elles peuvent servir ensuite de prétexte à une interdiction des réunions au motif de « troubles à l’ordre public », par les élus ou les préfets bien-pensants. Elles suggèrent surtout qu’une victoire des candidats de droite ouvrirait la voie à l’affrontement civil et social.

    Les médias couvrent, en outre, systématiquement ces opérations d’obstruction, en particulier lorsque les perturbateurs sont expulsés, afin de suggérer que la violence se situe du côté des organisateurs de la réunion (3) et, donc, que les vrais extrémistes, ce sont eux. Le but inavoué et cynique de ces violences est aussi de fabriquer des martyrs antifas qui permettront d’enclencher de grandes manifestions émotionnelles « contre le racisme, la xénophobie et l’extrême droite » entre les deux tours pour remobiliser le peuple de gauche (4).

    Dans la majorité des cas, enfin, et bien que nous soyons sous un régime d’état d’urgence, l’action des groupes d’extrême gauche bénéficie d’une abstention bienveillante des pouvoirs publics, qui ressemble beaucoup à une complicité.

    Quoi de plus normal quand l’appareil d’Etat se mobilise en faveur du candidat officiel du Système : Emmanuel Macron !

    Quoi de plus normal, puisque l’extrême gauche fait, toujours, le jeu du pouvoir et qu’elle se compose, pour l’essentiel, des rejetons de l’oligarchie !

    Attention et tension marchent de concert

    Attention et tension se complètent. Attention au profit de la gauche, tension contre la droite.

    La stratégie de l’attention a, par exemple, permis de mettre le projecteur, dès le début de la campagne, sur les démêlés judiciaires prétendus du couple Fillon. L’attention a, en d’autres termes, été focalisée sur la tension créée par le pouvoir judiciaire contre le candidat de la droite et du centre, et a renforcé les effets de la manœuvre. Et l’attention focalisée sur ces affaires a permis de mettre sous tension la candidature de François Fillon, afin de suggérer qu’il n’était plus le bon candidat.

    Comme la médiatisation systématique des menées de l’extrême gauche renforce ses effets en lui donnant une dimension nationale qu’elle n’a pas.

    On fera évidemment de même contre Marine Le Pen, si nécessaire, le moment venu, et sans doute, en pire.

    Reste à savoir si ces belles machinations, qui restent avant tout des créations médiatiques et donc des artifices, réussiront à modifier en profondeur l’électorat. Réponse les 23 avril et 7 mai prochains.

    Michel Geoffroy (Polémia, 14 avril 2017)

     

    Notes :

    1. Marianne du 21 février 2017.

    2. L’IFOP a même publié, le 6 avril dernier, un sondage en oubliant… d’ôter le logo En Marche ! qu’il portait.

    3. Comme on l’a vu, par exemple, lors de la réunion de Marine Le Pen à Ajaccio.

    4. Cette expression est un oxymore puisque la gauche a abandonné le peuple et que le peuple vote désormais principalement à droite !

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  • L’ère des coquilles vides...

    Nous reproduisons ci-dessous la suite d'une réflexion entamée par Slobodan Despot dans la lettre d'Antipresse et consacrée au Système et à sa dernière création... Écrivain et éditeur, Slobodan Despot est l'auteur de recueils de chroniques mordantes, comme Despotica (Xénia, 2010) et Nouvelleaks (Xénia, 2015), et d'un merveilleux petit roman intitulé Le Miel (Gallimard, 2014).

    Vous pouvez lire ici la première et la deuxième partie de cette réflexion :

    Le cœur du Système, I

    Le cœur du Système, II

     

     

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    L’ère des coquilles vides (Le cœur du Système, III)

    Nous évoluons désormais dans des systèmes sédévacantistes: des systèmes fondés sur la souveraineté populaire, mais où le siège du souverain est vide.

    Après la perte du Tao vient la bonté.

    Après la perte de la bonté vient la vertu.

    Après la perte de la vertu vient la justice.

    Après la perte de la justice vient le rite.

    Le rite est l’écorce de la droiture et de la sincérité et le commencement du désordre.

    (Livre du Tao, ch. XXXVIII)

    Le plus étrange printemps français

    La France ne respire plus en cette veille de présidentielle. La sidération est universelle: comment en est-on arrivé là? D’où sort ce Rastignac de synthèse dont on parle partout? Où sont passés les partis qui régnaient hier encore?

    La comète Macron® a troué le firmament politique français et entraîné dans son sillage les décombres de tout ce qu’on pouvait appeler le «centre». Ne restent à leur place que le FN et son miroir, Mélenchon. Et tous contemplent l’improbable fuite en avant de Fillon, qui impose l’admiration par son entêtement même.

    Les formes sont respectées, et d’autant plus qu’elles sont totalement creuses. La traque au Fillon est certes légale, mais son calendrier compromet sa légitimité. On a oublié les leçons du XXe siècle, où rien ne fut plus légaliste que les régimes totalitaires.

    C’est l’une de ces évidences qu’on n’ose même plus rappeler publiquement, tant elles sont… évidentes. Du point de vue de l’intérêt public, il est ainsi infiniment moins grave de surpayer sa femme et ses enfants que de déposséder la nation du fleuron de son économie comme l’a fait Macron® entre autres en vendant Alsthom à General Electric. A moins de quarante ans, le joli Emmanuel s’est déjà illustré comme l’un des plus redoutables prédateurs du patrimoine industriel français, mais nul ne le lui reprochera. Qu’a-t-on à lui reprocher si tout est légal? Ne vivons-nous pas sous un état de droit? L’intérêt public n’est codifié ni par un article de loi, ni par un impératif moral. On lui reprochera peut-être, mollement, ses cachotteries fiscales ou sa promotion payée sur la caisse de l’État. Mais ces licences restent peu de chose auprès des conséquences de son action ministérielle.

    Ce qui a vraiment changé

    Le phénomène Macron® est incompréhensible dans le cadre de la culture politique dans laquelle nous avons été élevés. Il relève pourtant d’une réalité qui ne date pas d’hier: la réalité de ces pouvoirs de l’ombre que dénonçait dès 1958 le Président de Simenon dans son prophétique discours à l’Assemblée. Une Assemblée «où les partis ne sont plus que des syndicats d’intérêts».

    Rien de nouveau sous le soleil, alors? Si, justement: le fait que tout se joue en plein soleil et non plus en coulisses. Plus besoin de longues ascensions, d’«entrisme», de double jeu ni de double langage. Plus besoin même de l’ébauche d’un programme. Bien au contraire. Les spin-doctors vous le diront: dans une campagne de pure «comm» politique, mettre en avant un contenu est «clivant» et donc dangereux. M. Hollande avait promis des choses qu’il n’a pas tenues ni ne pouvait tenir: il n’a fait que décevoir. Un candidat qui ne promet rien ne déçoit personne. Son argument n’est pas de l’ordre de la promesse, mais du charme. Il suffit d’être «dans le vent»: s’assurer de toujours tenir le couteau par le manche. Et puis, bien entendu, bénéficier de la bienveillance fidèle d’un nombre prépondérant de médias, ce dont le candidat s’est assuré tant par ses relations personnelles que par ses services rendus à leurs patrons.

    Là encore, ce ne sont que truismes. Macron® exploite à l’extrême la stratégie du look et les complaisances du système. Ce n’est même pas de sa faute. Il incarne la fin de vie d’une Ve république aussi adaptée à ce temps que le télégraphe ou la machine à écrire. Il a émergé à la faveur d’une innovation venue on ne sait d’où. Ou plutôt non: venue on sait d’où: d’Amérique. Les soudaines primaires qui, à droite comme à gauche, ont propulsé des candidats extrêmes, ouvrant un boulevard pour l’extrême… centre! Mais cela encore — les primaires — fait partie de la révolution dont nous sommes témoins.

    Ce qui est nouveau en 2017, c’est la carte blanche laissée à cette hypnose collective déguisée en changement politique. Les règles du jeu sont rebattues du jour au lendemain. Des figures apparaissent et disparaissent comme par enchantement. Les mensonges sont sans conséquences. Le ludion peut bien se prétendre «anti-système» bien qu’il en soit un pur produit, soutenir que le libéralisme est «une valeur de gauche», et même déclarer ringard le processus électoral en soi: nul ne lui en tient rigueur sinon ses adversaires politiques — dont la position est par définition suspecte de parti pris. L’arbitrage de la décence n’existe plus. Au milieu du balancier, là où les intérêts s’annulent et où il ne reste que le jugement mûr et impartial, il n’y a plus personne.

    Ce n’est pas que le poste en question ait jadis été occupé par des personnes en particulier. C’est tout simplement que la décence commune, l’objectivité et la logique ne guident plus le débat public. Pas plus que la raison d’État, la raison politique tout court. Le jeu des institutions est devenu mobile, tournoyant, comme une scène de théâtre. Comme s’il se jouait dans des couloirs déserts. Comme si le navire de l’Etat était devenu une coquille vide. Exit les institutions et les partis. Voici venu le temps des des manieurs d’opinion.

    Le règne de la carpe et du lapin

    Le petit Macron® est un péril avéré pour l’intérêt national, mais il est «propre sur lui» (en comparaison d’autres, en tout cas). Il est l’antipode exact du prince de Talleyrand, qui était une crapule cynique, «de la merde dans un bas de soie» (selon Bonaparte), mais dont l’expérience et le sens de l’État ont sauvé la France lors du Congrès de Vienne en 1815. Il s’enrichit certes au passage, mais la mémoire de la nation a su faire la part des choses.

    De Talleyrand à Macron®, un paramètre de la vie publique a fondamentalement changé. La raison et le bon sens ont fait place à une alliance mortelle, l’alliance entre les clercs et les magistrats, entre la morale et le droit.

    La morale et le droit sont le marteau et l’enclume entre lesquels tout ce qui nous a définis au cours des siècles se fait tailler en pièces au jour le jour. Raison d’État, coutumes et mœurs innées, modes de gouvernement public et privé, expressions d’identité: tout y passe. Une caste s’est cristallisée, possédant à la fois une idéologie rigide et les moyens de la traduire rapidement en articles de loi. Et le bon peuple observe médusé, la bouche ouverte et les bras ballants, comment des bizarreries dont il se gaussait la veille encore deviennent les nouvelles normes au petit matin. «Mariage pour tous! Non mais quoi encore? Pourquoi pas les noces de la carpe et du lapin!» Et hop! Essayez aujourd’hui de vous moquer de cet acquis définitif de l’humanisme

    L’avantage de la stratégie du choc juridique, c’est qu’elle est une crémaillère. Une fois qu’une loi a fait «clic», grâce au lobbying des minorités, des «représentants de la société civile» (nouvel avatar des pouvoirs illégitimes) ou des corporations, propulsée au besoin par la vague émotionnelle des tsunamis médiatiques, elle est verrouillée pour de bon. Revenir en arrière? Impossible. Il y faudrait des majorités parlementaires, impossibles à réunir dès lors qu’il s’agit de contrer les intérêts de la suprasociété. Les «élus», une fois élus, ne rêvent que d’être recrutés. Le suffrage de la masse ne leur sert que de strapontin pour accéder au monde de quelques-uns. A-t-on vu des chiens pisser dans leur gamelle?

    Même les Suisses, avec leur système unique au monde de démocratie directe, peinent à détricoter la camisole que leur impose un establishment apatride. De plus en plus souvent l’on voit les décisions les plus souveraines, celles obtenues par référendum, rester lettre morte. Incompatibilité avec la législation européenne, les fatwas de la CEDH ou on ne sait quel décret de quelle institution sans mandat populaire: les juristes trient et censurent, déplaçant la souveraineté du peuple vers la primauté du droit.

    Le peuple? Quel peuple?

    C’est bien le problème: nous évoluons désormais dans des systèmes sédévacantistes: des systèmes fondés sur la souveraineté populaire, mais où le siège du souverain est vide.

    En France, la souveraineté du peuple n’est qu’une pétition révocable par le pouvoir législatif (comme l’a montré l’annulation du référendum sur la Constitution européenne), et le pouvoir législatif n’est qu’un consultant de l’exécutif (art. 49.3). On le sait, la patrie de la Révolution n’a jamais cessé d’être une monarchie. Mais il y a un fait nouveau. Les monarchies éprouvent de temps à autre le besoin de recourir au peuple, ce recours que la France ne connaît ni ne comprend plus. Le Front national est devenu, pour ainsi dire, l’interprète exclusif de l’entité «peuple», son ventriloque. Mais de quel peuple parle-t-on?

    Dans son livre Fin de partie — Requiem pour l’élection présidentielle, Vincent Coussedière semble considérer cette question comme le seul et unique enjeu de cet étrange printemps. Le défi lancé au pays, écrit-il, ne se résume pas à choisir l’homme (ou la femme) le plus capable de gouverner. «Le défi est un défi archi-politique, qui consiste à réinstituer un peuple capable de légitimer un homme.»

    Nul ne semble s’apercevoir de l’inanité des systèmes de gouvernement modernes où le principal intéressé, ce souverain qui les légitime, est écarté des débats, atomisé, réduit en une bouillie muette et indifférenciée, l’équivalent du raya infidèle sous un pouvoir islamique. Le gouvernement pour le peuple et par le peuple est peut-être une illusion, mais un gouvernement contre le peuple et pourtant en son nom est une absurdité de phase terminale qui conduit sûrement à la catastrophe. C’est en son nom que les oligarchies aujourd’hui hissent pignon sur rue avec des hologrammes de type Macron® — afin d’achever de le réduire à une masse servile.

    Slobodan Despot (Lettre d’information ANTIPRESSE n°67, 12 mars 2017)

     

    PS. — La France des gens normaux retrouvera-t-elle la voix? Je me le demande chaque fois que je passe deux ou trois jours à Paris, à entendre et observer. Les classes y sont séparées comme au cordeau, par la tenue, le maintien, la manière de s’exprimer. Il y a ceux d’en bas, qui disent «bonjour» en trois syllabes (bonjourreuh) et mettent des chuintantes à la fin des mots comme les clercs serviles des romans de Gogol (ouiche, merciche). Il y a le «personnel technique», sécurité et services, qui, vivant dans la crainte, semble parler à contrecœur pour aussitôt se dédire de chaque mot prononcé, comme le caméléon ravale sa langue. Et puis la caste des bureaucrates et des cadres supérieurs, qui gutturalisent et se portent raides et précautionneux tels des vizirs sous leurs grands turbans, imitant la démarche ondoyante et majestueuse de leurs chameaux. Ceux-là ne voient personne autour d’eux. Ils oublient que c’est à cause de leurs turbans, qui les obligeaient à construire des navires trop hauts, que les amiraux turcs ont été ratatinés à Lépante. Le réveil d’un «peuple», on l’a vu en Russie, passe par la confusion, même éphémère, de ces castes cloisonnées qui se repoussent comme l’huile et l’eau.

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