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stratégie - Page 6

  • Victoires perdues...

    Les éditions Perrin viennent de publier les Mémoires du Maréchal von Manstein. L'auteur, plus que Rommel ou Guderian, est considéré comme le meilleur stratège allemand de la deuxième guerre mondiale...

     

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    " Parus pour la première fois sous le titre Victoires perdues, les Mémoires du maréchal von Manstein comptent parmi les documents les plus percutants pour comprendre les opérations majeures de la Deuxième Guerre mondiale. C'est que, véritable pompier du Führer, Manstein est partout entre 1940 et 1944 : en Pologne, en France et, bien sûr, en Union soviétique. Il relate les querelles stratégiques, la mise au pas du haut commandement par Hitler, le quotidien des soldats et ses propres faits de gloire (surtout le terrible plan d'invasion de la France ou la prise de Sébastopol).

    Manstein, en rédigeant ses mémoires après guerre, cherche néanmoins à dédouaner la Wehrmacht des crimes perpétrés sous le nazisme, notamment à l'Est. « En refusant d'emprunter, de temps en temps, la tunique du philosophe, il se garde de porter un regard rétrospectif sur la portée morale de son action et sur les crimes du régime hitlérien », résume Pierre Servent dans sa présentation. Reste que « Manstein est un stratège hors pair, cumulant des qualités que l'on retrouve rarement chez le même homme : la capacité à conceptualiser un grand nombre de combinaisons et la force de caractère pour en engager une seule avec résolution ». "

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  • Stratégies maritimes au XXIème siècle...

    Les éditions Nuvis  viennent de publier Stratégies maritimes au XXIème siècle - L'apport de l'amiral Castex, un essai Lars Wedin, introduit par Martin Motte. Ancien officier de la marine suédoise, Lars Wedin est chercheur auprès de l'Institut Français d'Analyse Stratégie et est l'auteur de Marianne et Athéna - La pensée militaire française du XVIIIème siècle à nos jours (Economica, 2011).

     

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    " La mer est de plus en plus importante. La globalisation mène à une maritimisation du monde. Les communications maritimes et les ressources de la mer sont vitales pour nos sociétés. Or, la mer est aussi un lieu de confrontation où des valeurs énormes sont en jeu. Les marines de guerre deviennent donc la première ligne de défense. En conséquence, la stratégie maritime et la stratégie navale sont plus importantes que jamais. Ainsi, les nouveaux enjeux de la mer exigent le renouvellement de ces stratégies.
    Ce livre offre, à partir des théories de l’amiral CASTEX – le plus grand stratégiste français – des nouvelles pistes pour la pensée stratégique dans le domaine maritime.
    L’amiral ROGEL, chef d’état-major de la marine écrit dans sa préface : « Nous traversons une période caractérisée plus que jamais par la complexité et l'incertitude. Malgré cette incertitude (mais surtout à cause d'elle), il conviendra dans les années à venir de se montrer particulièrement vigilants à préserver la cohérence de nos choix capacitaires avec nos ambitions en matière de défense et de sécurité. A travers la grille d'analyse qu'elle nous propose, l'étude réalisée par Lars WEDIN apporte des éclairages qui pourront utilement venir appuyer cette réflexion ». "

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  • Guerre et stratégie...

    Les Presses universitaires de France publient cette semaine Guerre et stratégie - Approches, concepts, un ouvrage collectif dirigé par Stéphane Taillat, Joseph Henrotin et Olivier Schmitt. Stratégiste, Joseph Henrotin est notamment l'auteur de Techno-guerilla et guerre hybride (Nuvis, 2014) et d'une étude sur le penseur de la puissance maritime, Julian Corbett (Argos, 2013).

     

     

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    " Cet ouvrage constitue la meilleure synthèse disponible en français sur le thème des études stratégiques. Les chapitres, rédigés par les meilleurs experts français et étrangers, reviennent sur l’histoire intellectuelle de la discipline et son développement, abordent les principaux concepts théoriques (dissuasion, coercition, etc.), et offrent une grille de lecture complète des enjeux de sécurité internationaux. Les nombreuses références et la bibliographie raisonnée placée en fin de chaque chapitre permettent au lecteur intéressé de prolonger sa réflexion. Résolument pluridisciplinaire, l’ouvrage accueille des contributions d’historiens, de politistes, d’internationalistes, de juristes, de philosophes et de sociologues, montrant ainsi la vitalité intellectuelle de ce domaine d’études. Il offre ainsi au chercheur, au décideur civil comme militaire et au citoyen des outils d’analyse pertinents pour comprendre le monde contemporain."

    Table des matières

    Avant-propos. Faut-il avoir peur de la stratégie ?
    Introduction : stratégie, études et analyse stratégiques

    Première partie : Le cadre de l’action
    Histoire de la pensée stratégique

    Le raisonnement stratégique
    Les acteurs du processus stratégique
    Système international et enjeux stratégiques
    L’histoire militaire comme instrument d’analyse
    Les catégories spatiales de l’action stratégique : place et apport de la géostratégie
    La notion de culture stratégique dans les études stratégiques
    Opinions publiques et action stratégique
    Ethique et action stratégique

    Deuxième partie : Analyse stratégique
    Analyse militaire

    L’analyse capacitaire, l’armement et le rôle de la technologie
    Les niveaux de la guerre. Une « Kriegsanschauung » américaine
    Modes de guerre : stratégies irrégulières et stratégies hybrides
    L’analyse du renseignement : savoir et comprendre pour agir
    Stratégie navale et stratégie maritime
    Stratégie aérienne
    Cyberstratégie

    Troisième partie : Concepts stratégiques
    Innovation et adaptation

    L’exercice de la stratégie : actualité des débats en pensée stratégique
    Course aux armements, désarmement, et contrôle des armements
    La dissuasion
    La coercition
    La surprise stratégique
    Planification de défense : la belle Arlésienne ?

    Postface : Strategic Studies et War Studies

     

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  • Conspirationnisme et idéologie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Bernard Huyghe, cueilli sur son site et consacré au conspirationnisme.

    Spécialiste de la stratégie et de la guerre de l'information, François Bernard Huyghe a récemment publié Think tanks - Quand les idées changent vraiment le monde (Vuibert, 2013).

     

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    Conspirationnisme et idéologie

    Le développement du phénomène dit conspirationniste comme sa dénonciation ne datent pas d'hier ; ces dernières années, il s'est écrit force livres sur les théories délirantes qui expliquent les malheurs du monde par le protocole des Sages de Sion, le retour des Illuminati, les services secrets qui ont mis en scène le onze septembre, la Trilatérale ou la réunion de Bilderberg.
    Par ailleurs, des sites (type hoaxbuster ou conspiracywatch) traquent l'apparition des rumeurs en ligne, trucages, "hoaxes", légendes urbaines et de ce qui les accompagne presque automatiquement, une explication, opposée à la "version officielle", et qui suppose l'action de forces cachées et groupes occultes capables de tromper les masses (sauf, bien sûr, les malins qui ont détecté le trucage). Les travaux qui démontent les mécanismes du démontage conspirationniste ne manquent donc pas et personne ne peut plaider la surprise.

    Alors où est le problème ? Il est d'abord dans la capacité de résilience dudit conspirationnisme, capacité nourrie par le scepticisme de masses (ce que nous avons appelé la mentalité X Files : la vérité est ailleurs) : aucune tentative de réfutation de la réfutation ne vient à bout du soupçon. Les livres, émissions ou sites tentant de démontrer que l'homme a vraiment débarqué sur la lune et que le onze septembre a bien été provoqué par des avions détournés sont sans effet sur des millions de gens. Au contraire les efforts des autorités scientifiques ou a fortiori politiques renforcent la conviction que les soupçons sont justifiés puisque le système fait de tels efforts pour les éradiquer.
    De plus, les réseaux sociaux sont intrinsèquement favorables à l'éclosion des théories du complot : chacun peut y jouer au détective, rencontrer des milliers de gens qui cherchent dans le même sens (et trouvent forcément des bizarreries et coïncidences troublantes dans la "version officielle"). Il va ainsi s'isoler avec ses nouveaux amis pour ne se confronter qu'aux arguments qui vont dans son sens en ignorant les autres (c'est ce que l'on nomme biais de confirmation).

    Conspirationniste toi-même !

    Mais le problème pourrait aussi naître des stratégies "anti-conspirationnistes" et de politiques de réfutation qui finissent par nourrir (voire imiter) ce qu'elles combattent.
    Dans le conflit ukrainien les pro-russes expliquent que les tireurs de la place Maïdan ont tiré sur les deux camps pour provoquer un affrontement et que les activistes dits pro-Européens étaient formés par une aide étrangère comme les "tech camps" pour activistes subventionnés Département d'État. Côté pro Maïdan on soutient que Poutine avait des plans pour l'invasion de la Crimée, et que tous les comptes pro-indépendantistes sur les réseaux sociaux sont manipulés par les services de propagande du Kremlin. Dans l'affaire de l'avion malaisien abattu au dessus de l'Ukraine, les théories ont fleuri. Les deux camps (ou plutôt des gens dans les deux camps) se sont mutuellement accusés de ce crime sur la base de documents falsifiés (conversations radios remontés pour les pro Maïdan, fausse photo satellite pour les pro-indépendantistes). Qui fait de la théorie du complot dans cette affaire et comment réfuter l'une sans prendre un peu de l'autre ?
    D'autant que l'État s'en mêle. Comme le fait remarquer une récente et excellente note de la fondation Jean Jaurès sur le conspirationnisme "Les attentats de Paris des 7 et 9 janvier ont eu un effet collatéral inattendu : la désignation de la part des plus hautes autorités l'Etat du conspirationnisme comme problème public." De fait l'accusation de conspirationnisme rentre dans l'arsenal idéologique, à la rubrique armes de réfutation massive. Les déclarations présidentielles et ministérielles se sont multipliées. Elles s'expliquent par des sondages inquiétants. Ils disent qu'environ 17% de la population croit que les massacres de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher dissimulent un complot, sur la base d'indices plus que ténus (des rétroviseurs qui semblent avoir changé de couleur ou une vidéo presque illisible ou Coulibaly abattu par la police paraît avoir les mains jointes ce qui fut aussitôt interprété comme la preuve qu'il était menotté et que tout était mis en scène). Pour autant suffira-t-il d'opposer la "force lumineuse de la vérité" à ces pauvres gens dans l'erreur ?

    Un incident récent nous montre comment la catégorie "conspirationniste" peut fonctionner de façon autonome et passablement contre-productive.
    Un fait simple au départ : lors de son accrochage verbal avec Marion Maréchal Le Pen 10 mars, le Premier ministre est saisi d'un irrépressible tremblement de la main gauche. C'est du moins ce que montre la caméra de l'Assemblée Nationale. Le site Panamza de Hichem Hamza relaie la vidéo qui devient virale. Sur ce tremblement naissent les commentaires que l'on peut imaginer, notamment sur des sites proches de Soral ou Dieudonné qui spéculent sur l'état mental ou l'Alzheimer de Valls. Avant que la classe politique ne s'en empare et que Philippot et Sarkozy n'ironisent à leur tour sur une nervosité qui colle mal avec la fonction.
    Et les médias de réagir le Huffington Post suivi par l'Express, etc. s'empressent de révéler qu'une cassette sur la fatale tremblotte circule et de dénoncer "la thèse complotiste et dieudonniste que le FN récupère".
    Le problème étant précisément qu'il n'y a pas de thèse. Le fait de dire que quelqu'un perd ses nerfs peut être insultant mais ne présuppose aucune théorie du complot. Que, par ailleurs Hamza ou Dieudonné soient obsédés par une gigantesque machination sioniste n'a aucun rapport, du moins tant qu'ils ne mettent pas Nethanyaou ou les extra-terrestres en cause dans l'état neuro-musculaire du premier ministre. Si des trotskystes ont constaté que Sarkozy est de petite taille et souvent agité de tics, il est permis de s'offusquer que l'on se moque du physique de l'ancien président, mais pas d'y voir une preuve automatique d'allégeance à la quatrième internationale.
    Et dans l'affaire de la main révélatrice, à suggérer que Sarkozy imite Philippot qui prend ses sources sur un site dieudonniste qui s'est renseigné sur un site anti-sioniste et donc, CQFD, qu'il faut être antisémite pour rire de cette pauvre mimine, que fait-on d'autre que du complotisme à l'envers ?
    Qualification ("conspirationnistes!") n'est ni réfutation ni explication. Faute de rigueur dans l'usage des mots, ils deviennent des armes idéologiques pour se rassurer et pour disqualifier (à ce compte quelle critique du système, du capitalisme, de l'influence internationale de tel ou tels pays ou du lobbying de tel ou tel groupe n'est pas une théorie du complot ?).

    Qu'est-ce que le conspirationnisme ?

    Comment s'accorder sur une définition du complotisme ou conspirationnisme ?
    On ne peut les réduire à la croyance qu'il existe des conspirations (après tout, il doit quand même y avoir de véritables conjurations, des gens qui discutent la façon d'atteindre leurs buts politiques, économiques ou autres, à travers des relais et réseaux plus ou moins discrets, en usant de manœuvres et stratagèmes, le tout sans convoquer BFM TV).
    Le conspirationnisme comme système suppose :
    - la croyance que lesdites conspirations (ou au moins une) réussissent et qu'une poignée d'hommes jouit d'un pouvoir immense puisqu'ignoré, provoquant les événements en cascade et maniant les foules à sa guise ;
    - la conviction que le hasard ne joue guère de rôle dans les affaires humaines et qu'une logique occulte explique en quoi elles se conforment à ce dessein unique ;
    - la méfiance à l'égard de la réalité telle qu'elle est présentée par les médias ou les élites autorisées à s'exprimer, méfiance qui amène à déceler systématiquement des contradictions, bizarreries et coïncidences troublantes dans la "version officielle". Corolaire : un discours si hypercritique et hyper-rationnel qu'il résiste à toute argumentation adverse (comprenez : toute affirmation que la réalité pourrait bien être comme l'ont constaté des milliers de gens) au profit du mécanisme plus rassurant du plan caché. Au cours de son développement et en dépit de sa monstrueuse puissance, la conspiration laisserait filtrer toutes sortes de signes, perceptibles par les esprits démystificateurs, et il y aurait des indices évidents pour qui regarde bien. Du coup les conspirationnistes développent l'art de la réinterprétation : il y a des contradictions (ou au moins des coïncidences troublantes) donc la contre-explication, par un plan caché, s'impose.
    La démarche du complotisme pousse le culte de l'unité à l'extrême : un dessein se réalise, un plan se développe sous les apparentes contradictions des événements, une réalité seconde transparaît sous l'accumulation des trucages, mensonges et leurres.
    Cette trilogie - pouvoir des volontés, plus rationalité des événements, plus intelligibilité des ressorts par la critique- apporte à celui qui la pratique à la fois le sens d'une supériorité - il a déchiré les voiles de l'illusion - et une certaine espérance - si tout le mal vient de causes mauvaises, elles-mêmes réductibles à des volontés perverses, il lui est permis d'espérer renverser un jour les imposteurs-. Au pire il pourra nommer la cause de son malheur.

    On comprend la difficulté qu'il y a à réfuter une thèse conspirationniste
    - Si vous vous attaquez à l'affirmation de fond - l'omnipotence des conjurés - vous devez démontrer un fait négatif et hypothétique. Ainsi vous devez faire admettre au conspirateur qu'il est impossible que des milliers de gens aient participé au trucage du onze septembre par exemple, en truffant les immeubles d'explosifs, en manipulant des dizaines de jihadistes inconscients et en détruisant des milliers de traces, le tout sans se faire prendre, sans que personne n'avoue, sans qu'il y ait un Whistelblower etc. Bref qu'il y a peut-être des conjurations, mais que, comme toute action stratégique, elles se heurtent aux aléas, aux faiblesses des acteurs, à la résistance du réel... Le conspirationniste vous prendra pour un naïf, au mieux il en retira une conviction supplémentaire que le système trompe même les gens intelligents : il lui apparaît si évident que les événements ont unanimement servi des intérêts cachés et qu'avec les moyens que possèdent ces gens là....
    - Si vous lui dites qu'il surinterprète et qu'il y a vraiment du fortuit dans la vie - par exemple, il est possible que quelqu'un qui mitraille au hasard un musée juif tombe sur deux citoyens israéliens ayant eu des rapports avec le Mossad - il vous regarde avec consternation. Et essayez de suggérer qu'un ministre et un journaliste célèbres, fréquentant le même milieu social, s'informant aux mêmes sources et ayant la même formation idéologique peuvent défendre les mêmes causes parce qu'ils sont formatés pour cela et pas parce qu'un groupe qui organise un dîner mensuel leur en donne la consigne ! Le refus de croire aux coïncidences voire aux probabilités, l'intentionnalité étant présumée omniprésente et omnipotente, renvoie à un monde sans hasard. Mais aussi un monde sans lois générales : pourquoi faire une analyse des causes géopolitiques, économiques, sociales, culturelles, etc. des actions humaines et de leur interaction puisqu'il suffit de nommer des coupables ?
    - Si vous essayez d'attaquer sur le troisième point - la surabondance de témoignages et d'indices montrant que les choses se sont passées comme il a été dit - vous vous exposez à une rafale de contres. Consacrant un énorme temps de cerveau humain à cette tâche, et soutenus par les idées mijotées en vase clos de leurs semblables, les complotistes ont développé une capacité à douter de tout et à repousser tout argument que ce soit en raison de sa source, de ses conséquences, de son incapacité à tout expliquer, de son obligation de s'appuyer sur des sources externes (elles mêmes discutables en vertu du même principe). Et comme vous ne pouvez pas vous engager dans une argumentation à l'infini - la preuve de la preuve de la preuve - vous ne pouvez jamais certifier la thèse dite "officielle", ce qui est aussitôt interprété comme la démonstration qu'il n'y en a que deux et que la thèse inverse, complotiste, est prouvée ipso facto et a contrario sans qu'il faille davantage argumenter. Difficile, en effet, de contredire la contradiction : la thèse conspirationniste s'octroie à elle-même une indulgence - des indices deviennent des preuves, des hypothèses ne sont pas soumises à réfutation - qui fait contraste avec sa façon de démolir la croyance commune en la soumettant à des exigences probantes impossibles à satisfaire.

    La réfutation du conspirationnisme oblige à lutter non seulement contre des raisonnements douteux (mais séduisants par leur supposée valeur éclairante) mais aussi contre une communauté de croyants qui soutiennent l'interlocuteur d'un flux incessant de confirmations supplémentaires (particulièrement sur les réseaux sociaux où toutes les inventivités peuvent se coaliser).

    Pas un complot, mais des stratégies d'influence

    Ce n'est pas une raison pour faire du «conspirationnisme» une sorte d'injure ou de catégories politique ("les éternels obsédés du complot") qui psychiatrise quasiment l'opinion suspecte. Et qui sous-entend que les niais qui s'y rallient ne relèvent pas de la dialectique mais du diagnostic : on ne combat plus leurs opinions, on les qualifie. Elles traduiraient par exemple des "réflexes de peur", une paranoïa ou des "crispations" et haines face à un monde changeant et complexe.Ce qui n'explique rien et surtout permet tout, y compris de censurer. À considérer le complotiste comme un débile (avec parfois des connotations de mépris antipopuliste ou antipopulaire : il faut être un peu primitif pour croire de telles calembredaines), ou comme une conséquence négative de l'Internet sur les masses incultes, on se rassure d'abord sur sa propre intelligence. Mais on suggère aussi implicitement que la pensée s'inscrit dans les limites d'un cercle du pensable : il y aurait un certain ordre des choses, donc des interprétations, donc des contestations admissibles. À pousser par là, c'est être complotiste que de supposer derrière les débats médiatiques la propagation de thèmes par des groupes intellectuels, de prêter du pouvoir d'influence à tel pays dans les affaires d'un autre ou de supposer que des forces politiques puissent obéir à des puissances financières et que des choix puissent refléter des intérêts qui se présentent sous le masque de valeurs ou nécessités techniques.
    Bref l'accusation de complotisme peut servir d'arme du paresseux contre toute critique générale du système en termes de rapports de force et d'influence, ou contre toute tentative,justifiée ou pas, d'analyser le jeu des intérêts, solidarités et des alliances derrière les comportements publics.
    Sans compter que l'on finit par toujours être le complotiste de quelqu'un. Qui est complotiste ? Poutine qui pense que les Occidentaux ont conspiré produire Maïdan et pour tenter de le renverser ? Ou ceux qui pensent que Poutine trompe le peuple russe qui le soutient à 85% en manipulant les médias à sa botte relayés par des complices occidentaux stipendiés ? Ceux qui croient que le Front National est persécuté et caricaturé par les médias pleins de bobos gauchos ? Ou ceux qui attribuent la montée du FN à la complaisance des mêmes médias ? Ceux qui pensent que Patrick Buisson, en tant que gourou de Sarkozy, a déterminé les orientations idéologiques d'un quinquennat, ou ceux qui croient qu'il est un épouvantail destiné à culpabiliser la droite ?
    Ce n'est pas parce qu'il y a des allumés qui croient que les extra-terrestres ou une secte d'origine médiévale nous manipulent dans l'ombre que toute accusation d'influence ou de concertation est forcément idiote. Or, par glissement progressif, le mot "complotisme" peut finir par s'interdire de déceler un effet de domination ou de critiquer l'explication prédominante de la réalité (en gros la thèse la plus répandue par les médias et les élites). Ceux qui pensent que tout relève d'une stratégie unitaire, que tout se justifie d'une explication unique et que tout est truqué sont effectivement délirants. Pour autant inspirations et propagations, falsifications et dominations existent, certes multiples, contradictoires, imparfaites, aléatoires, échouant souvent et produisant des effets inattendus. Entre croyance en un plan caché et conviction que tout résulte du jeu transparent des institutions et des intérêts individuels, il y a la place de la stratégie.
    Nous ne préconisons pas une position "centriste" (rire des théories énormes sur les templiers ou les extra-terrestres, accorder un moment d'attention aux accusations plus raisonnables), mais il nous semble indispensable de distinguer les thèses complotistes trop "irréfutables", celles qui fonctionnent trop bien puisque toute contre-argumentation vient les renforcer, de l'hypothèse - difficile à démontrer matériellement mais quand même pas délirante- que certains groupes sociaux ou organisations spécialisées dans l'influence (d'un lobby à un service secret) défendent des intérêts par des solidarités discrètes et des actions concertées sur l'opinion.

    François-Bernard Huyghe (Huyghe.fr, 16 et 25 mars 2015)

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  • Les règles du Grand Jeu...

    Les éditions Economica viennent de publier Stratégie - Les règles du Grand jeu, un essai de Denis Drouin. Longtemps ingénieur dans l'industrie de défense, l'auteur s'est formé à la stratégie au contact du général Poirier, tête pensante de la pensée stratégique française des années 60 aux années 90.

     

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    " Les relations internationales ne sont plus, comme l’expression pourrait le laisser croire, gouvernées uniquement par les interactions entre nations. Dorénavant il existe aussi une kyrielle d’acteurs politico­-stratégiques, de taille et de puissance diverses, aux niveaux infra, supra et trans-étatiques qui ont tous leur mot à dire et ne s’en privent pas. Par ailleurs le conflit reste un phénomène social par essence. Sa nature politique concerne donc tout le spectre des activités humaines : militaire, économique, financière, culturelle, religieuse, etc.

    La Stratégie, dont la tâche est de transformer le projet politique en réalité sur le terrain, se doit alors d’intégrer dans ses calculs toute la complexité d’une situation mêlant des enjeux de nature variée avec une grande diversité d’intervenants. C’est le Grand Jeu planétaire.

    Il est de plus en plus difficile de comprendre et d’anticiper face à cette incroyable complexité des relations entre joueurs toujours plus nombreux. Il est désormais nécessaire de revenir à la théorie d’une Stratégie devenue intégrale pour y retrouver les grands principes qui la gouvernent. Ce sont les règles du Grand Jeu.

    Cet ouvrage identifie les invariants stratégiques et les règles qui les accompagnent pour en faire un outil d’aide à la décision lorsque le conflit s’impose et transforme les relations entre entités politico-stratégiques. "

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  • Les fondations de la science de la guerre...

    Les éditions Economica viennent de publier dans leur collection "Bibliothèque stratégique" un recueil de textes du général J.F.C. Fuller, intitulé Les fondations de la science de la guerre et traduit de l'anglais par le lieutenant-colonel Olivier Entraygue. Ce dernier a consacré une étude, Le stratège oublié (Brèches, 2012), à ce penseur de la guerre britannique non-conformiste, oublié en France au profit de son cadet Liddell Hart en raison de son engagement au sein de la British Union of Fascists de Mosley...

     

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    " Officier général, britannique, intellectuel, militaire rebelle, hérétique, iconoclaste, occultiste, progermanique, non-conformiste, agitateur d’idées, provocateur, journaliste, historien, politicien et philosophe le Major-General J.F.C. Fuller doit être considéré comme le véritable prophète de la Blitzkrieg et le chef de file de la pensée militaire moderne née de la Grande Guerre. 

    Dans cet ouvrage, est réuni l’ensemble des conférences de stratégie écrites par le colonel J.F.C. Fuller lorsqu’il était directeur de l’instruction au Staff College de 1923 à 1925. "

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