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stratégie - Page 2

  • Quelle stratégie au Sahel...

    Après la mort de cinq soldats français, tués en opération au cours des derniers jours, nous reproduisons ci-dessous deux points de vue consacrés à la stratégie de la France au Sahel et au devenir d'une opération militaire débutée il y a près de huit ans, l'un de Renaud Girard, journaliste au Figaro, spécialiste des conflits armés, cueilli sur le site de Geopragma, et l'autre de Bernard Lugan, historien et africaniste, cueilli sur son blog.

     

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    Repenser notre stratégie au Sahel

    Cela fait maintenant huit ans que l’armée française est déployée au Sahel. Dans la seule semaine chevauchant le jour du nouvel an 2021, cinq de ses soldats y ont trouvé la mort. Ils furent tués à l’est du Mali, par ces bombes artisanales cachées sous le sable des pistes, qu’on appelle IED (Improvised Explosive Devices) dans le jargon militaire, depuis les dernières interventions occidentales en Afghanistan et en Irak.

    Huit années, c’est déjà plus long que la guerre d’Algérie. Les résultats en matière de stabilisation régionale ne sont pas éblouissants, c’est le moins qu’on puisse dire. C’est un dossier où il vaut mieux éviter les y a qu’à et les faut qu’on, car personne ne possède de potion miracle pour garantir la réussite des interventions occidentales en terre d’islam. Il serait absurde de précipiter le départ des forces françaises, car elles sont aujourd’hui les seules à empêcher que le Mali, ancienne colonie de l’Afrique occidentale française, vaste comme deux fois et demi l’hexagone, se transforme en sanctuaire pour djihadistes internationalistes.

    Mais, au bout de huit ans sans résultat patent, ne convient-il pas de regarder la situation en face, afin de repenser notre stratégie ?

    Provoquée par l’intervention militaire franco-britannique du printemps 2011, la chute brutale du régime Kadhafi a aggravé une situation économique et sécuritaire déjà très précaire dans la région sahélienne. Les stocks d’armes de la Libye se sont retrouvées aux mains de milices incontrôlables professant l’islamisme, s’enrichissant du trafic de la drogue et des êtres humains, et profitant du sanctuaire du sud algérien.

    Au Mali, on peut se demander aujourd’hui s’il n’y a pas un lien entre l’arrivée dans le sud libyen de djihadistes syriens mercenaires de la Turquie et l’intensification des attaques par IED. Une chose est sûre : la région intéresse le président Erdogan, qui a proposé au Niger, il y a six mois, d’y installer une base militaire.

    Suite au sommet de Pau de janvier 2020, où les pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina, Niger, Tchad) ont manifesté leur souhait du renforcement de la présence française, 5000 soldats français sont aujourd’hui déployés dans la région, aidés de plus en plus efficacement par 5000 soldats sahéliens, incapables cependant aujourd’hui de prendre le relais. Le Mali dispose en outre des forces onusiennes de la Minusma, 13000 hommes, statiques, mais dont le rôle reste essentiel pour la stabilité d’un pays dépourvue de réelle administration. 

    Malgré ces déploiements militaires, la perspective sécuritaire ne s’est guère améliorée au Mali, car les problèmes de fond n’y ont pas été réglés. C’est un pays artificiel, où les Touaregs du nord n’acceptent pas d’être gouvernés par les Noirs du sud, qui furent jadis leurs esclaves. Les idéologues islamistes ont su instrumentaliser à leur profit ces revendications anciennes. Aux exactions islamistes se sont ajoutées les luttes interethniques dans la boucle du Niger, notamment entre Peuls et Dogons, entre pasteurs et agriculteurs. L’armée malienne s’est montrée autant incapable de détruire les groupes djihadistes que de désarmer les milices d’autodéfense ethniques. On retrouve le même problème au nord du Burkina Faso.

    Les pays de l’UE apportent une aide au développement d’un milliard d’euros au Sahel, mais leurs hommes ne sont pas prêts à venir y mourir aux côtés des soldats français. La France parvient à tuer un certain nombre de chefs djihadistes plus ou moins médiatisés, sans parvenir à dissuader de nouvelles vocations. Dans la population, la perception de soldats étrangers en armes est forcément fluctuante : ils peuvent passer très rapidement du statut de protecteurs à celui d’occupants. Ils deviennent des boucs-émissaires s’ils se révèlent incapables de maintenir la paix civile, quand bien même son viol résulte de facteurs locaux totalement extérieurs à eux.

    La France a-t-elle vocation à redevenir le gendarme du Sahel, ce qu’elle fut de 1890 à 1960 ? Voici la question qu’il faut se poser avant de repenser notre stratégie. N’est-il pas temps de prévenir les Etats africains qu’il leur appartient de gérer leur sécurité et que l’armée française ne restera pas éternellement sur le terrain pour les protéger ? Un coup de main occasionnel, oui. Une protection parentale ad vitam aeternam, non ! Ce sont des configurations dynamiques qui conviennent à l’armée française sur le terrain africain. Pas des configurationsstatiques, car elles finissent fatalement par être perçues comme de l’administration coloniale.

    Au Sahel, il faut élaborer une stratégie de sortie progressive, reposant sur la montée en puissance des armées africaines, laquelle passe d’abord par de la formation, française mais aussi européenne. En Afrique, aide ton ami à se défendre. Mais si tu persistes à le faire à sa place, tu lui rendras à long terme le plus dangereux des services.

    Renaud Girard (Geopragma, 5 janvier 2021)

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    Mali : allons-nous continuer encore longtemps à faire tuer nos soldats parce que les décideurs français ignorent ou refusent de prendre en compte les réalités ethno-politiques locales ?

    C’est très probablement en représailles de la mort de Bag Ag Moussa, un des principaux adjoints du chef touareg Iyad ag Ghali tué par Barkhane le 10 novembre 2020, que deux Hussards de Chamborant (2° de Hussards), ont perdu la vie le samedi 2 janvier, à quelques kilomètres de la base de Ménaka, quand leur VBL (véhicule blindé léger) a sauté sur une mine.

    A la différence de la mort de nos trois hommes du 1° Régiment de Chasseurs de Thierville survenue le lundi 28 décembre, au sud de Gao, l’explosion qui a provoqué celle des deux Hussards s’est produite plus au nord, dans une région qui était devenue « calme », les décideurs français semblant avoir enfin compris qu’ici, nous ne sommes pas face au même jihadisme que plus au sud. Comme je ne cesse de le dire depuis des années, et comme je le montre dans mon livre Les Guerres du Sahel des origines à nos jours, ici, le conflit n’est en effet pas à racine islamiste puisqu'il s’agit d’une fracture inscrite dans la nuit des temps, d’une résurgence ethno-historico-économico-politique touareg conjoncturellement abritée derrière le paravent islamiste.

    Pour bien comprendre la situation, il nous faut revenir en arrière, au mois de juin 2020 avec la mort de l’Algérien Abdelmalek Droukdal, le chef d’Al-Quaïda pour toute l’Afrique du Nord et pour la bande sahélienne, abattu par l’armée française sur renseignement algérien. Cette liquidation qui libérait le Touareg Iyad ag Ghali de toute sujétion à l’Arabe Abdelmalek Droukdal, s’inscrivait dans le cadre d’un conflit ouvert qui avait éclaté entre les deux branches du jihadisme régional. L’EIGS (Etat islamique dans le Grand Sahara), rattaché à Daech prône en effet la disparition des ethnies et des Etats et leur fusion dans le califat universel. Tout au contraire, le groupe d’Al-Qaïda, dirigé par Iyad ag Ghali « associé » aux services algériens privilégie l’ethnie touareg et ne demande pas la disparition du Mali.

    Le coup d’Etat qui s’est produit au Mali au mois d’août 2020, a ensuite permis de donner toute liberté à la négociation entre Bamako et la branche locale d’Aqmi, avec pour but de régler le conflit du nord Mali. Pour la France, l’opération était entièrement profitable car cela permettait de fermer le front du nord.


    Même si nous avons perdu ce « doigté » qui était une de nos spécialités à l’époque des « Affaires indigènes » et ensuite des emprises militaires permanentes, dans la durée, avec des unités dont c’était la culture, il allait donc être possible, avec un minimum d’intelligence tactique, et en jouant sur cette opposition entre jihadistes, de laisser se régler toute seule la question du nord Mali. Et cela, afin de commencer à nous désengager après avoir concentré tous nos moyens sur la région des « 3 frontières », donc sur l’EIGS, et également sur certains groupes peul jouant sur plusieurs tableaux à la fois [1].


    Or, le 10 novembre 2020, une insolite opération française menée près de Ménaka, donc en zone touareg, s’est soldée par la mort de Ba Ag Moussa, un des principaux adjoints de Iyad ag Ghali. Les Touareg ayant pris cette action comme une provocation, il était donc clair qu’ils allaient mener des représailles.

    Par devoir de réserve, je n’ai alors pas commenté cette opération sur mon blog, mais j’ai prévenu « qui de droit » que les Touareg allaient, d’une manière ou d’une autre, venger la mort de Ba Ag Moussa et qu’il allait falloir être vigilants dans la région de Ménaka. D’autant plus que, alors que, depuis plusieurs mois, les opérations françaises avaient évité la zone touareg, les derniers temps, elles y avaient repris. Comme si un changement de stratégie avait été décidé à Paris, un peu « à l’américaine », c’est-à-dire en « tapant » indistinctement tous les GAT (Groupes armées terroristes) péremptoirement qualifiés de « jihadistes », et peut-être pour pouvoir « aligner du bilan ». Une stratégie sans issue reposant sur une totale méconnaissance des réalités ethno-politiques locales, et dont nos soldats viennent de payer le prix sur le terrain.

    Le signal donné par les Touareg étant donc clair, aux autorités françaises d’en tirer maintenant les leçons. Veulent-elles oui ou non ré-ouvrir à Barkhane un deuxième front au nord ?

    En ce jour de tristesse, j’ai une pensée particulière pour le sergent Yvonne Huynh, avec lequel, à la veille de son deuxième séjour au Mali, j’avais longuement échangé sur les causes profondes du conflit, et je tiens, à travers ce communiqué, à faire part de mes sincères condoléances aux « Frères bruns », ses camarades de Chamborant hussards.

    Bernard Lugan (Blog de Bernard Lugan, 3 janvier 2021)

    Note :

    [1] L’on pourra à ce sujet se reporter à mon communiqué en date du 24 octobre 2020 intitulé « Mali : le changement de paradigme s’impose ».

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  • Les chroniques stratégiques de Jacques Sapir...

    Les éditions L'esprit du temps publient cette semaine un recueil de textes de Jacques Sapir consacrés à la stratégie et intitulé Chroniques stratégiques - Des grandes questions de la stratégie à ses symboles. Economiste hétérodoxe bien connu, Jacques Sapir est également un spécialiste des questions stratégiques auquel on doit notamment La Mandchourie oubliée - Grandeur et démesure de l'art de la guerre soviétique (Rocher, 1996).

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    " Ces chroniques couvrent une série de problèmes fondamentaux qui, réorganisées, dessinent une logique.
    Les questions militaires et stratégiques ne s’opposent pas à l’économie, bien au contraire car cette dernière est bien un espace de rapports de force.
    Et quand on parle des unes, on évoque l’autre ; et inversement.
    Au fil de ces textes, véritables chroniques littéraires, le XXe siècle qui a vu tous les visages de la stratégie se mettre en place, c’est une nouvelle approche du fait stratégique qui se dévoile.

    Les principaux chapitres portent sur:
    - L’économie à la lecture de la stratégie ainsi que treize chroniques de stratégie
    - Aux origines de la mobilisation économique.
    - Le Journal de Guerre du Général Buat : évolutions et transformations du haut-commandement pendant la guerre de 1914-1918
    - L’adaptation, clef de la victoire?
    - La question des victimes civiles françaises des bombardements alliés et le piège du point de vue « doloriste ».
    - De quelques mythes urbains concernant la seconde guerre mondiale.
    - Guerre, religion et politique: la trajectoire de l’Amiral d’Argenlieu.
    - L’armée rouge au travers des yeux de l’armée française.
    - Le 80e anniversaire du Pacte Germano-Soviétique.
    - Staline, Hitler et l’opération Barbarossa.
    - La bataille de Koursk: un point de vue allemand.
    - La marche à la guerre en Asie et la question de l’Indochine.
    - Le symbole de Bir Hakeim.
    - Du Front Populaire à la Résistance: Suzanne Cointe.
    - Le Covid-19 et l’impératif stratégique "

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  • Ré-apprendre à montrer les dents...

    Nous reproduisons ci-dessus un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur Geopragma et consacré à l'absence de vision de notre politique étrangère.

    Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    A la recherche du temps perdu

    La logique du temps court, a-stratégique par essence, et plus encore l’incapacité manifeste ou le refus de nos gouvernants de la contrer en adoptant enfin une démarche stratégique donc anticipative, plongent l’Europe et bien sûr notre pays dans une cécité dramatique pour le futur de notre positionnement sur la carte du monde. 

    Tandis qu’à Paris, on se passionne pour les péripéties comico-tragiques de l’élection américaine (alors même que la politique étrangère de notre « Grand allié » ne changera qu’à la marge avec la nouvelle Administration), tandis que devient flagrante notre marginalisation de nombre de négociations et médiations internationales (Caucase du sud, Syrie, Liban, Libye, Yémen), bref, tandis que la France disparaît diplomatiquement par excès de suivisme et inconséquence, incapable de penser par elle-même le monde tel qu’il est, d’autres exploitent magistralement ce flottement prolongé. Et il est à craindre qu’il ne suffise pas pour rétablir notre rang et préserver nos intérêts, d’exposer une prétendue « doctrine en matière internationale » sur le site d’un réseau social ami, dans une conversation courtoise sur l’air du temps, en brodant avec talent sur des lieux communs (il faut coopérer, s’entendre, être plus libres, etc…) et des inflexions souhaitables de la marche du monde. Une « doctrine » de chien d’aveugle, réduite à une promenade au hasard dans le grand désordre mondial, et qui fantasme le positionnement de la France – étoile polaire définitive en termes de « valeurs » universelles (sans même voir que plus personne ne supporte nos leçons) – autour d’enjeux n’ayant quasiment rien à voir avec le concret de l’affrontement stratégique actuel et futur. Discourir sur la biodiversité, le changement climatique, la transformation numérique et la lutte contre les inégalités (sic), est certes important. Mais ce n’est pas le climat qui va nous rendre notre puissance enfuie et notre influence en miettes ! Qui peut le croire ?! 

    C’est surtout une diversion ahurissante par rapport à l’impératif de projeter son regard sur le planisphère, de définir ce que l’on veut y faire, région par région, pays par pays, d’en déduire des priorités, des lignes d’efforts thématiques et d’y affecter des moyens et des hommes. Cela rappelle de manière angoissante la réduction de notre politique étrangère à de l’action humanitaire depuis 2007 (avec B. Kouchner comme ministre) puis à de la « diplomatie économique » sous Laurent Fabius. Résultat : les désastres de nos interventions en Libye et en Syrie, un suivisme stratégique suicidaire, une décrédibilisation de la parole et de la signature françaises sans précédent. Il semble bien que la nouvelle martingale soit désormais « la diplomatie environnementale », mantra d’une action diplomatique dénaturée et d’une France en perdition stratégique. Au nom du réalisme bien sûr, alors que c’est au contraire notre irréalisme abyssal et notre dogmatisme moralisateur indécrottable qui nous privent de tout ressort en la matière. On est piégés comme des rats dans un universalisme béat et on refuse d’admettre le changement de paradigme international et la marginalisation patente de l’Occident, lui-même à la peine et divisé. 

    Pendant ce temps, B. Netanyahu se rend en Arabie Saoudite (ce qui n’est pas du tout une bonne nouvelle pour l’Iran), la France fait la leçon au Liban et s’étonne d’être rabrouée puis marginalisée là encore, la Russie et la Turquie s’entendent dans le Caucase du sud et renvoient le Groupe de Minsk à ses stériles palabres, Moscou s’installe au Soudan, l’Allemagne s’affirme en chouchou européen de Washington et se tait face aux provocations de la Turquie…à moins qu’elle ne redécouvre son atavique et inquiétante inclinaison pour l’Ottoman, etc.

    Bref, les rapports de force se structurent à grande vitesse sans nous et même à nos dépens. Mais on n’en parle pas. Non par honte ou rage d’avoir été naïfs, dupes ou incapables de créativité diplomatique. Non. Juste parce qu’on a déjà renoncé à compter et que cela ne doit juste pas se voir. Et, tels certains responsables administratifs furieux de recevoir des informations démontant leurs partis pris, on les passe à la déchiqueteuse ! On les fait disparaître purement et simplement du champ du réel politique et médiatique. On ne veut surtout pas savoir que nous ne comptons plus ! Encore moins que les Français s’en aperçoivent. 

    Ainsi, la signature le 15 novembre, à l’initiative de Pékin, du RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership) par quinze pays d’Asie constitue une bascule stratégique colossale et inquiétante dont ni les médias ni les politiques français ne pipent mot. Voilà le plus grand accord de libre-échange du monde (30 % de la population mondiale et 30 % du PIB mondial) conclu entre la Chine et les dix membres de l’ASEAN (Brunei, la Birmanie, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam), auxquels s’ajoutent quatre autres puissantes économies de la région : le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Cette nouvelle zone commerciale se superpose en partie au TPP (Trans-Pacific Partnership) conclu en 2018 entre le Mexique, le Chili, le Pérou et sept pays déjà membres du RCEP : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Brunei, le Japon, la Malaisie, Singapour et le Vietnam. Ainsi se révèle et s’impose soudainement une contre manœuvre offensive magistrale de Pékin face à Washington (les Etats-Unis s’étaient follement retirés du projet TPP en 2017). Mais chut ! Où est l’UE là-dedans ? Nulle part ! Même l’accord commercial conclu en juin 2019 entre l’Union européenne et le Mercosur doit encore être ratifié par ses 27 parlements… Le Moyen-Orient et l’Afrique eux sont clairement vus comme des territoires ouverts à toutes les prédations de ce mastodonte commercial en formation. Seule la Grande Bretagne, libérée de l’UE grâce au Brexit, en profitera car elle vient habilement de sa rapprocher du Japon signataire du RCEP et du TPP…

    Pendant ce temps, la France plonge dans une diplomatie décidément calamiteuse qui l’isole et la déconsidère partout. Elle vient d’abandonner le Franc CFA pour complaire au discours débilitant sur la repentance et les affres de la Françafrique. On expie. On ne sait pas quoi à vrai dire. Mais on s’y soumet et on laisse la place à Pékin, Washington, Moscou et même Ankara. Il ne sert à rien de geindre sur l’entrisme de ceux-là en Afrique quand on leur pave ainsi la voie. Il faudrait vraiment arrêter avec « le sanglot de l’homme blanc ». Il faut refondre notre diplomatie et aussi d’ailleurs nombre de nos diplomates au parcours brillant mais incapables de sortir d’un prêt-à-penser pavlovien (anti russe, anti iranien, anti syrien, anti turc même !) qui nous paralyse et nous expulse du jeu. Il faut enfin apprendre à répondre à l’offense ou à la provocation, et à ne pas juste se coucher dès que l’on aboie ou que l’on n’apprécie pas nos avancées souvent maladroites mais aussi parfois outrageuses. Tendre l’autre joue a ses limites. Mais évidemment pour être pris au sérieux, il ne faut pas toujours « calmer le jeu ». Il montrer les dents avec des « munitions », donc une vision et une volonté.

    Caroline Galactéros (Geopragma, 23 novembre 2020)

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  • Le jeu de la guerre de Guy Debord...

    Les éditions B42 viennent de publier un essai d'Emmanuel Guy intitulé Le jeu de la guerre de Guy Debord. Normalien, agrégé de lettres modernes et docteur en histoire de l’art, Emmanuel Guy est enseignant-chercheur et travaille sur le fonds Guy Debord de la Bibliothèque nationale de France depuis l’entrée du fonds dans les collections patrimoniales en 2010.

     

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    " On connaît Guy Debord pour avoir été poète, cinéaste, artiste, théoricien révolutionnaire, directeur de revue et fondateur de mouvements d’avant-garde. Mais il fut surtout stratège. Qu’entend-on par là ? Que la poésie, le cinéma, la théorie, et l’avant-garde furent pour lui les moyens employés dans le cadre d’un conflit contre la société de son temps. Un objet en particulier, Le Jeu de la guerre, dont la vocation était d’aiguiser le sens stratégique et la conscience d’une incessante guerre à mener, répond de cet objectif. Debord conçoit dans le milieu des années 1950 un jeu, qui se présente sous la forme d’un plateau quadrillé et de pions représentant les diverses unités d’une armée, qu’il pratique et cherche à diffuser tout au long de sa vie. En tant que modélisation de la guerre, le jeu permet de retrouver la charge critique des recherches situationnistes sur l’espace, la cartographie, les labyrinthes et le ludique en général. À l’heure où le design – qu’il soit d’objets, de systèmes, d’interfaces ou d’expérience – tend à envahir les discours et englober de plus en plus de champs de l’activité créative, technique, sociale et économique, et où l’art peine à penser les conditions de sa validité émancipatrice, Emmanuel Guy propose à travers cette analyse une relecture de l’œuvre critique de Guy Debord sous l’angle de la stratégie. Tiré de sa thèse de doctorat, ce livre offre un regard nouveau sur la vie de l’un des plus grands intellectuels de la deuxième moitié du XXe siècle. L’ouvrage sera accompagné de nombreuses illustrations inédites, appartenant pour la plupart au Fonds Debord, conservé à la Bibliothèque Nationale de France. Les annexes comprendront les règles du jeu, telles que pensées par Debord, ainsi qu’un « manuel » de fabrication du Jeu de la guerre permettant de concevoir soi-même à partir de vis et boulons les pions et le plateau du jeu initialement imaginés par Guy Debord. "

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  • Regards sur la guerre...

    Les éditions Astrée viennent de publier un essai d'Olivier Entraygues intitulé Regards sur la guerre - L'école de la défaite. Lieutenant-colonel de l'infanterie, Olivier Entraygues est un spécialiste de l’œuvre de J.F.C Fuller, penseur britannique, non-conformiste, de la guerre , oublié en France au profit de son cadet Liddell Hart. Il lui a consacré plusieurs études, dont Le stratège oublié (Brèches, 2012) ou La Troisième Voie - La pensée politique de de J.F.C. Fuller (Le Polémarque, 2015) et a traduit nombre de ses textes comme Les fondations de la science de la guerre (Economica, 2014). Il a également publié un essai stratégique intitulé Formes de guerre, stratégies et déclin de l'Occident (Economica, 2015).

     

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    " Dans notre période de bouleversement des modèles mentaux, si le Regard sur la guerre ne génère pas de nouveaux problèmes, ne sommes-nous pas conduits à la stagnation théorique ? Tel est posé le véritable enjeu de cet essai. Son but est de relier deux éléments paradoxalement difficilement dissociables : le problème de la connaissance, théorie, et le problème de l’action, praxis. Si dans cet ouvrage la nature de l’objet étudié n’a rien de nouveau, les recherches de l’auteur conduisent à présenter la guerre d’une nouvelle manière. Et c’est là que se tient la véritable innovation de ce livre. Elle est pédagogique. En s’appuyant sur une approche épistémologique et méthodologique, la guerre est d’une part présentée sous le prisme de modèles dynamiques ( antique, féodal, étatique, européen et occidental ) et d’autre part, par six dominantes qui caractérisent son état actuel. Cet état des lieux polémologique permet de conduire une analyse stratégique globale. Le monde actuel est alors qualifié d’Empire du désordre dans lequel un modèle quantique de la guerre semble s’imposer. C’est là que se situe le changement de paradigme entre la guerre étatique et la guerre quantique, point fondamental d’un raisonnement qui place le couple Vainqueur-Vaincu au centre de tout questionnement sur la construction de toute structure épistémique de la guerre. Cette École de la défaite doit finalement être comprise comme une attitude mentale nécessaire au développement d'une histoire critique de la guerre. "

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  • De la grande stratégie...

    Les éditions Les Belles Lettres viennent de publier un essai de John Lewis Gaddis intitulé De la grande stratégie. Professeur d’histoire militaire et navale à l’Université de Yale, J. L. Gaddis est un des plus grands spécialistes de la Guerre froide.

     

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    " Un vers du poète grec Archiloque : « Le renard sait beaucoup de choses, mais le hérisson sait une grande chose. » Cet aphorisme, remis à l’honneur en 1951 par le philosophe britannique Isaiah Berlin dans un essai qui fit fureur, sert de point de départ à John Lewis Gaddis : menant une réflexion inédite sur la stratégie à travers toute l’histoire occidentale, le principal historien américain de la Guerre Froide réussit un tour de force.
    D’un côté : les hérissons, dont la rigueur n’a d’égale que l’obstination dont ils font preuve pour parvenir à leurs fins, en dépit de tous les obstacles. Ainsi par exemple de Napoléon pendant la campagne de Russie.
    De l’autre : les renards dont l’instinct est de s’adapter constamment à une situation toujours en train de changer.
    En dix chapitres, tous soigneusement documentés, et qui vont de la lutte entre Xerxès et Thémistocle au Ve siècle avant notre ère à celle de Roosevelt et de Staline, l’historien américain ne cesse d’approfondir une réflexion sur les raisons qui, au cours des siècles, permirent à certains stratèges – les renards – de l’emporter sur leurs adversaires.
    Nourrie par une connaissance aussi variée qu’étendue, animée par un sens de l’anecdote bienvenu, De la grande stratégie constitue une synthèse brillante de l’un des très grands historiens militaires et diplomatiques actuels. "

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