Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

populisme - Page 8

  • Grandeur du petit peuple...

    Les éditions Albin Michel viennent de publier un essai de Michel Onfray intitulé Grandeur du petit peuple. Philosophe populaire, tenant d'un socialisme libertaire, Michel Onfray a publié de nombreux ouvrages, dont une trilogie  Cosmos (Flammarion, 2015), Décadence (Flammarion, 2017) et Sagesse (Flammarion, 2019), et récemment Théorie de la dictature (Robert Laffont, 2019).

     

    Onfray_Grandeur du petit peuple.jpg

    " « La France est plus que jamais coupée en deux : non pas la droite et la gauche, non pas les libéraux et les anti-libéraux, non pas les progressistes et les souverainistes, mais d'une part ceux sur lesquels s'exerce le pouvoir, que je nomme le peuple, et d'autre part ceux qui exercent le pouvoir, les élites comme il est dit.
    Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres ! Ce mot de La Boétie doit devenir l'impératif catégorique d'une gauche libertaire et populaire, populiste même si l'on veut, car il n'y a que deux côtés de la barricade, et je ne crains pas de dire que j'ai choisi le camp du peuple contre le camp de ceux qui l'étranglent. » Michel Onfray "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Progressisme, libéralisme, macronisme... Quelles sont les idéologies qui nous gouvernent ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par François-Bernard Huyghe à Marianne, à propos consacré aux idéologies qui nous gouvernent. Spécialiste de la stratégie et de la guerre de l'information, François-Bernard Huyghe enseigne à la Sorbonne et est l'auteur de nombreux essais sur le sujet, dont,  La désinformation - Les armes du faux (Armand Colin, 2015), Fake news - La grande peur (VA Press, 2018) et, dernièrement, L'art de la guerre idéologique (Cerf, 2019).

     

    idéologies.jpg

    Progressisme, libéralisme, macronisme... Quelles sont les idéologies qui nous gouvernent ?...

    Marianne : Pourquoi vous intéresser aux idéologies ? Ces dernières ont-elles un vrai impact sur notre société ?

    François-Bernard Huyghe : Ceux qui ont prédit la « fin des idéologies » - elles seraient balayées par le progrès matériel et intellectuel ou par le triomphe d’un modèle - se sont trompés, de Marx ou Comte à Fukyama. En tant que systèmes d’idées structurées fournissant des objectifs politiques et s’affrontant au nom de valeurs, les idéologies comptent autant qu’hier. Mais différemment. Populisme et progressisme, mondialisme et nationalisme, écologisme, luttes contre une « domination » particulière sont moins doctrinales qu’à l’époque du grand duel communisme contre démocraties. Leur imaginaire se réduit souvent à la désignation d’oppressions ou dangers à éliminer. Et ceux qui prétendent ne pas être dans l’idéologie, donc parler au nom d’un principe de réalité ou de valeurs universelles, en sont souvent les meilleurs exemples.

    Quel rôle jouent les médias dans cette guerre idéologie ? Existe-t-il un « Parti médiatique » qui diffuse une même idéologie ?

    Une idéologie cherche par définition à gagner de nouveaux partisans, ou à imposer ses visions et ses catégories pour vaincre les mauvaises pensées opposées. Cela suppose des médias, des relais, des interprètes, des milieux réceptifs, etc. Sans faire de complotisme (du style : les journalistes « vendus au pouvoir » par leurs propriétaire), et sans revenir sur des évidences (s’il y a deux idéologies, une doit tendre à être dominante, donc tendre à dominer les moyens d’information).... Il ne me semble pas étonnant que les médias « classiques » soient prédisposés sinon à la pensée unique, du moins à la sélection de thèmes, analyses, mots, jugements, gens autorisés à s’exprimer.., compatibles avec les convictions des élites, libérales, européennes, pour une société « ouverte », etc. Pour s’en convaincre a contrario, comparez avec le contenu des réseaux sociaux, polarisés, souvent extrémistes ou délirants. Il reflète une crise de croyance : la rupture entre bloc populaire accusant les mas médias de conformisme pro-système ou de déni la réalité et bloc élitaire horrifié, lui, par ces délires d’en bas.

    Vous soulignez dans votre ouvrage l’émergence dès la fin des années 1980 d’une soft idéologie, synthétisant « des thèmes connotés à droite, libéralisme économique, pro-américanisme et à gauche, appel perpétuel à la rupture et à la modernité, programme de « libération »… » Elle symbolise la victoire des quatre « M » : Marché, Mondialisation, Morale, Média. Macron, qui se veut « et de gauche et de droite », progressiste, libéral et « révolutionnaire », en est-il l’incarnation ?

    Son progressisme se réclame d’une sorte de sens de l’Histoire allant vers plus de libéralisme économique et politique, de technologies douces, de multilatéralisme, de gouvernance, de performance et d’Europe. Mais, il entend aussi réaliser des « valeurs » sociétales, libertaires : ouverture, innovation, réalisation de soi, diversité, tolérance... Il est bien l’héritier des idées lib-lib qui se sont répandues peu avant ou après la chute de l’URSS et il pourrait être le symptôme d’une fin de cycle intellectuel. Pour le moment, de telles représentations convient plutôt à ceux, disons d’en haut. Elles leur garantissent à la fois la défense de leurs intérêts matériels et la satisfaction ostentatoire de se sentir supérieurs. Moralement face aux obsédés de l’identité et autres autoritaires ou intellectuellement face à ceux qui n’ont « pas compris que le monde a changé » .

    Vous notez que le progressisme dominant dénonce régulièrement le populisme et le complotisme. Cette idéologie a-t-elle besoin d’épouvantail, comme l’est le RN, pour s’imposer ?

    Toute idéologie a besoin d’un ennemi à combattre et d’un péril à dénoncer. En l’occurrence la peste illibérale et nationaliste, nourrie de fausses nouvelles, nostalgies et fantasmes, a tout pour faire peur. Guy Debord annonçait il y a plus de trente ans une « société qui veut être jugée sur ses ennemis plutôt que sur ses résultats ». Depuis...

    La montée du populisme est-il le signe que le progressisme est encore dominant, mais n’est plus majoritaire ?

    Cette montée du populisme a une base sociologique bien repérée : des catégories « périphériques », perdantes de la mondialisation, sans guère d’espoir d’amélioration, en demande de protection de l’État, à faible capital culturel. Elles se réfugient dans le vote RN ou LFI, dans l’abstention, dans le mouvement Gilet jaune. Cela fait du monde et correspond à un mouvement général européen ou occidental. S’ajoute, la conviction subjective d’être le peuple légitime et de subir le pouvoir et les idées de ceux d’en haut : d’être mal représentés que ce soit politiquement, socialement ou médiatiquement.
    De là à voir un populisme aussi divisé, comme sur la question identitaire (immigration et islam, souverainisme...) l’emporter électoralement, mais aussi culturellement et intellectuellement, il y a un gouffre. Déficit de leaders et d’intellectuels organiques, manque de cohérence, carence d’objectifs susceptibles de convaincre des couches sociales entre élites et peuple, absence de médiations idéologique (outre les médias, l’université, l’école, l’entreprise, les ONG, etc.) : ce sont de gros handicaps.

    Vous relevez que les idéologies actuelles sont « anti » : antilibéralisme, anti-mondialisme, etc. Notre époque éprouve-t-elle des difficultés à créer de vraies idéologies, comme ont pu l’être le marxisme, le positivisme, le libéralisme ou le structuralisme ?

    Ni l’utopie d’un monde parfait, ni les théories traçant le chemin jusqu’à cet achèvement ne font plus recette. Il y a surtout l’affrontement polarisant -libéraux-libertaires, parti de la peur voire du mépris, versus populistes, parti de la colère-. S’ajoutent des engagements idéologiques à la carte, où des groupes se choisissent un coupable ou une oppression (raciale, coloniale, de genre, spéciste, machiste, du péril fasciste, de l’ultra-libéralisme) ; ils en réclament l’élimination ou la répression par la loi et le politiquement correct.

    L’écologisme, qui prend de plus en plus de place, peut-elle devenir l’idéologie dominante ? Exige-t-elle une remise en question du système actuelle ?

    Le discours écologique actuel se réclame du principe de la vie, et pose une alternative terrifiante : la disparition annoncée par la science ou l’abandon de la logique productiviste mortifère. La radicalité de ce choix, qui se place au-delà du politique au sens traditionnel, peine à se traduire en termes de pouvoir. Ou bien le bricolage d’idées (transition douce, prise de conscience et gestes du quotidien pour sauver la planète) avec une délicieuse redécouverte du sens du péché (as-tu émis du carbone aujourd’hui ?). Ou bien la radicalité toute théorique : en finir avec le capitalisme et le système pour survivre. Mais dans ce dernier cas qui imposera la contrainte indispensable au salut ? L’écologie a encore à penser ses moyens et sa stratégie.

    François-Bernard Huyghe, propos recueillis par Kévin Boucaud-Victoire (Marianne, 10 décembre 2019)

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • Bloc contre bloc !...

    Les éditions du Cerf viennent de publier un essai de Jérôme Sainte-Marie intitulé Bloc contre bloc - La dynamique du Macronisme. Spécialiste de l'opinion publique, fondateur de la société d'études et de conseil Polling Vox, Jérôme Sainte-Marie enseigne à l'université Paris-Dauphine.

     

    Sainte-Marie_Bloc contre bloc.jpg

    " Quel « Nouveau Monde » a véritablement instauré l’élection d’Emmanuel Macron ? Pourquoi, en emportant le traditionnel clivage gauche-droite, a-t-elle ravivé des oppositions disparues ? Comment la rupture des équilibres politiques anciens a-t-elle entraîné de nouvelles fractures sociales ? En quoi le triomphe du bloc élitaire, étendant son pouvoir sur l’entière société, a-t-il rouvert une grave période de tension et de violence ? Et le rejet de ce libéralisme autoritaire désormais dominant peut-il provoquer, en 2022, la victoire d’un bloc populiste unifié ?

    C’est à toutes ces questions cruciales que répond ici, Jérôme Sainte-Marie. En expert reconnu des études d’opinion et du conseil politique, convoquant l’histoire et l’actualité, le décodage des idéologies et le décryptage des sondages, l’examen critique des appareils administratifs, financiers, médiatiques et des mouvements militants ou contestataires, il montre, recourant à Marx comme à Tocqueville, que loin de s’atomiser, la société française se polarise.

    Jamais la montée aux extrêmes entre les élites et le peuple n’avait été explorée comme ici, dans toute sa profondeur.

    Un exercice pénétrant de lucidité sur aujourd’hui. Une indispensable leçon d’anticipation sur demain. Un essai sur la France contemporaine sans précédent, pour tous ceux qui veulent comprendre et prévoir. "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Mélenchon et la fin du populisme de gauche...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Denis Collin, cueilli sur La Sociale et consacré au naufrage de Mélenchon et de la France insoumise après leurs prises de position favorables à la mouvance islamiste et au port du voile. Agrégé de philosophie et docteur ès lettres, Denis Collin est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés à la philosophie, à la morale et à la pensée politique, dont Introduction à la pensée de Marx (Seuil, 2018) et Après la gauche (Perspective libres, 2018).

     

    Mélenchon 2.jpg

    LFI et l'islamisme

    Comparée aux dramatiques problèmes sociaux qui assaillent la majorité des habitants de ce pays, comparée à la réforme de l’assurance-chômage, à la réforme en cours des retraites, et à la liste interminable des mauvais coups de ce gouvernement Macron-Philippe, gouvernement le plus à droite depuis Pétain, la querelle de l’islamophobie pourrait paraître mineure et ne concerner qu’une minorité d’agités des réseaux sociaux comme le disent les commentateurs de Radio-Paris (« Radio Paris ment… »), pardon de France-Inter ou France-Culture (où il y a de moins en moins de culture).

    Pourtant l’appel à manifester le 10 novembre 2019 contre « l’islamophobie » marque symboliquement un tournant qu’on peut dire décisif. On savait depuis longtemps que le NPA, l’UNEF ou les Verts avaient pour l’islamisme les yeux de Chimène. On savait certains secteurs du PCF ou de LFI déjà passablement gangrénés. Mais là un pas a été franchi. Mélenchon et tout le groupe parlementaire LFI appellent à manifester derrière le ban et l’arrière-ban de l’islamisme « Frères Musulmans », le CCIF, les prêcheurs les plus réactionnaires, les plus misogynes, les pires partisans d’un islam oppresseur des femmes comme Nader Abou Anas. Mélenchon, jadis républicain laïque intransigeant (disait-il) est maintenant à la remorque des islamistes – même s’il continue de dire qu’il défend simplement le droit des musulmans de pratiquer leur foi, alors qu’il s’agit de bien autre chose : EELV, NPA, LFI, PCF etc. apportent leur soutien à l’entreprise de soumission des musulmans français à l’organisation factieuse des Frères Musulmans et autres intégristes qui veulent imposer le port du voile à toutes les femmes réputées musulmanes. La France Insoumise est devenue la France Soumise, la France de la soumission.

    Ce lâche abandon, cette capitulation en rase campagne parachève l’effondrement de la « gauche ». Les partisans enragés de la PMA (et de facto de la GPA), les « féminismes 2.0 » sont maintenant à la remarque de ceux qui pendent les homosexuels dans les pays où ils ont le pouvoir, de ceux qui veulent cantonner les femmes à la maison pour satisfaire les besoins de leur mari (faute de quoi elles seront persécutées par les anges) ! Dans ce monde de fous, où tout est mis cul par-dessus tête, le mouvement ouvrier, les travailleurs dépendants et indépendants, les petits artisans et paysans, tout ce qui constitue le « petit peuple » de ce pays est désormais privé de toute représentation politique. Pour le plus grand bonheur de Mme Le Pen qui compte bien tirer les marrons du feu. D’ailleurs certains sondages indiquent que 63% des électeurs de LFI seraient prêts à voter pour Marine Le Pen dans un second tour présidentiel face à Macron, pendant que Mélenchon a perdu toute chance sérieuse dans cette course.

    Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre, disait un proverbe latin qui s’applique à merveille aux chefs de LFI. Il y a des explications plus prosaïques : les municipales approchent, les derniers bastions du PCF et ceux de LFI sont en Seine-Saint-Denis, là où les islamistes détiennent souvent la clé du scrutin. LFI a vendu son droit d’ainesse pour un plat de lentilles électorales qu’elle ne mangera jamais, car les islamistes ne veulent pas être flattés, ils veulent le pouvoir.

    Comment cela est-il possible ? Comment les espoirs nés de la campagne de Mélenchon en 2017 et du résultat formidable du premier tour ont-ils pu être gâchés à ce point ? On peut chercher les fondements théoriques du désastre dans la pensée du « lider maximo » : ses livres L’ère du peuple, Le hareng de Bismarck ou encore De la vertu sont des livres à prétention théorique de la plus grande confusion d’où émerge tout de même l’idée qu’il faut changer de « sujet révolutionnaire » pour remplacer le vieux prolétariat par le « peuple urbanisé ». Cette bouillie « théorique » est parfaitement compatible avec la pensée de cette autre grande spécialiste en bouillie « post-marxiste », Chantal Mouffe, une des grandes inspiratrices de Mélenchon, quoi qu’il s’en défende et prétende n’avoir jamais lu Mouffe. Comme son alter ego Macron, Mélenchon a cultivé sa propre image de « prince philosophe ». Dans le désert intellectuel de ce pays, il a pu donner le change. Mais la réalité a montré qu’il n’était ni prince (au sens de Machiavel) ni philosophe.  Cette faiblesse théorique camouflée par une véritable maestria rhétorique n’est cependant pas l’explication suffisante de la déconfiture de LFI.

    Le programme de LFI, « L’avenir en commun » (AEC), devenu le livre sacré du mouvement, comporte à côté d’excellentes choses, des ambiguïtés et de non-dits et même de franches absurdités. Nous avions cru (un peu naïvement) que les désaccords avec le programme passeraient au second plan face à la dynamique du mouvement dans la campagne de 2017. Cela aurait été possible si LFI était devenue un véritable « intellectuel collectif », c'est-à-dire un parti avec des militants qui discutent de l’orientation, de l’analyse de la situation. Mais Mélenchon s’est opposé avec la plus extrême fermeté à la transformation de LFI en parti. Le mouvement devait rester « gazeux » pour que le leader charismatique, le chef du « parti personnel » (cf. Mauro Calise, Il partito personale. I due corpi del leader.) puisse en garder la maîtrise. Le mouvement gazeux est d’ailleurs en voie de liquidation puisqu’il n’a pas de stratégie pour les municipales (alliances au cas par cas avec des listes « citoyennes ») après avoir subi une sévère raclée aux européennes. On sait cependant que, derrière le parti personnel, il y a des groupes différents qui agissent au sommet, que les élus du 93 ont leurs propres intérêts, que les « héritiers » de Mélenchon se bousculent au portillon.

    Mais le gaz s’évapore. On ne compte plus les groupes de la France Insoumise dissouts dès que leur orientation contredisait les vues (du moment) du chef suprême. Ainsi le groupe Hebert, dissout pour cause de laïcisme. Nombreux sont les dirigeants de LFI qui ont claqué la porte ou ont été exclus sur un tweet du chef : Liem Hoang Ngoc, économiste venu du courant Emmanuelli du PS, François Cocq, pilier du Parti de Gauche, Charlotte Girard, la veuve du « fils » trop tôt disparu, François Delapierre, Georges Kuzmanovic, qui a fondé « République souveraine », Henri Pena-Ruiz, lynché aux journées d’été 2019 par les islamistes de LFI, Thomas Guénolé, sans parler de tous ceux qui se sont éloignés sans rien dire. Le capital de sympathie que le candidat Mélenchon s’était attiré dans certains milieux intellectuels « antilibéraux » est presque entièrement dilapidé.

    Délaissant l’idée un peu gramscienne d’un « bloc de classes » populaire, Mélenchon a adopté avec près d’un demi-siècle de retard toutes les théories gauchistes qui firent florès au lendemain de mai 68. Oubliant que « tout ce qui bouge n’est pas rouge », il se laisse balloter par les courants les plus délirants. Car l’islamisation de LFI se combine avec l’influence des végans en la personne de Bastien Lachaud, un ardent militant de la fermeture des abattoirs et de la « libération animale », avec expéditions nocturnes dans les élevages. On cultive aussi avec passion toutes les innovations sociétales : ainsi Mélenchon a déclaré que la filiation était toujours sociale et seulement sociale et apporté son soutien à Macron dans l’affaire de la « PMA pour toutes ». Il rejoint ainsi les aspirations de son « peuple urbanisé » de petits bourgeois intellectuels de style et de pensée « californiens », puisque c’est en Californie et dans les universités américaines que se sont développées ces inventions et notamment celle de « parent d’intention » qui sous-tend le discours mélenchonien.

    Le soir du premier tour de la présidentielle de 2017, Mélenchon a proclamé lui-même sa propre défaite. Alors que s’ouvrait l’opportunité de la construction d’un nouveau parti populaire, laïque, républicain et social, il s’est suicidé en direct en pleurnichant qu’on lui avait volé sa victoire. Cette explosion en vol du « lider maximo » en a montré les limites et la ligne erratique suive après l’a confirmé. Les législatives devaient être la revanche de LFI et Mélenchon se voyait déjà premier ministre de Macron. Ensuite on a eu un tournant « gauchiste » qui conduit à la situation actuelle avec entre temps les errances européennes et les retrouvailles avec Tsipras au Parlement européen dans le groupe GUE.

    Un ancien de LFI écrivait, il y a plusieurs mois, que « le moment Mélenchon » est passé. Rien de plus vrai.

    Souvenons-nous : « il n’est pas de sauveur suprême, ni Dieu, ni César ni tribun. Producteurs sauvons-nous nous-mêmes, décrétons le salut commun ! »

    Denis Collin (La Sociale, 5 novembre 2019)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • L'erreur de calcul de Matteo Salvini ?...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque le choix fait par Matteo Salvini de rompre la coalition populiste qui lui permettait d'occuper les fonctions de ministre de l'intérieur. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

    Alain de Benoist 2.jpg

     

    Salvini n’est pas doué pour les calculs à long terme !

    BOULEVARD VOLTAIRE. Certes, l’alliance conclue par Matteo Salvini avec les populistes du Mouvement 5 étoiles connaissait des difficultés, mais le leader de la Lega a préféré, cet été, provoquer la fin de la coalition en espérant des législatives anticipées qu’il était convaincu de remporter. Résultat : il se retrouve, aujourd’hui, dans l’opposition, tandis que le M5S s’est allié au Parti démocrate pour former un nouveau gouvernement. Le pari n’était-il pas un peu hasardeux ?

    ALAIN DE BENOIST : En dynamitant une coalition gouvernementale dont il était le principal bénéficiaire, Salvini a commis une erreur magistrale. Alors que sa cote de popularité ne cessait de grimper, en raison notamment de sa politique anti-immigration, il a brutalement renversé lui-même le fauteuil sur lequel il était parvenu à s’installer. Plus grave, en mettant fin à son accord avec le M5S, il a détruit un système d’alliance populiste (le gouvernement gialloverde [jaune-vert]) qui avait bouleversé toute la géographie politique italienne et que beaucoup, en Europe, regardaient comme un modèle. Du même coup, il a redonné vie à un clivage droite-gauche équivalant à un retour en arrière, avec une Lega qui va renforcer ses tendances libérales et réactionnaires en se rapprochant de Berlusconi et des groupes « postfascistes », et un M5S obligé de s’allier au PD, qu’il vouait hier encore aux gémonies. Salvini a aussi fait perdre à la Lega le poste de commissaire européen qui lui avait été attribué avec l’aval de Mattarella, poste qui a été confié à l’ancien Premier ministre démocrate Gentiloni, représentant typique du politiquement correct. Et bien entendu, du fait de la formation d’un nouveau gouvernement, il n’a pas obtenu de législatives anticipées.

    La question est de savoir pourquoi il s’est engagé dans cette voie. Contrairement à ce que disent ses adulateurs, Salvini n’est pas doué pour les calculs à long terme. Il a un charisme considérable, mais il est notoirement mauvais comme stratège politique. Il est, en outre, assez mal entouré. Est-ce parce qu’il était drogué aux sondages qu’il s’est ainsi précipité ? C’est possible. Mais il est également significatif qu’il ait pris sa décision au retour d’un voyage aux États-Unis, où de hauts responsables pourraient bien lui avoir fait des promesses trompeuses. Le fait est que, depuis des mois, Salvini ne manifeste plus aucune sympathie pour Vladimir Poutine. Ses héros, désormais, sont Donald Trump, Jair Bolsonaro et surtout Benyamin Netanyahou, dont le portrait trône à la place d’honneur dans son bureau.

    BOULEVARD VOLTAIRE. Pour autant, la situation ne peut-elle pas se retourner ?

    ALAIN DE BENOIST : Si, bien sûr, ne serait-ce que parce qu’en Italie, les choses vont toujours très vite. La grande manifestation organisée à Rome par Salvini a été un beau succès, grâce à des militants venus de toute l’Italie. Et aux élections régionales qui viennent d’avoir lieu en Ombrie, place forte du centre gauche depuis un demi-siècle, la coalition de droite a approché les 60 % des voix, contre moins de 40 % à ses adversaires. Si, en janvier prochain, Salvini remporte les élections en Émilie-Romagne (ce sera le vote le plus décisif), il a toutes les chances de s’imposer comme le chef de l’opposition.

    Quant au M5S, qui s’est effondré en Ombrie et qui, dans l’immédiat, ne peut plus avoir d’autre ambition que celle de jouer un rôle de parti-charnière dans n’importe quelle coalition, il est maintenant menacé de désagrégation : six de ses 103 sénateurs semblent prêts à démissionner, dont Ugo Grassi et Elena Fattori, tandis que plus d’une soixantaine (Gianluigi Paragone, qui pourrait rejoindre la Lega, Nicola Morra, Emanuele Dessì, Danilo Toninelli, Mario Giarrusso, Barbara Lezzi, etc.) contestent plus ou moins ouvertement l’alliance avec le PD et les orientations de Luigi Di Maio. Le PD ne se porte d’ailleurs pas mieux, avec les tensions entre les partisans de Matteo Renzi et ceux de Nicola Zingaretti, frère de l’acteur Luca Zingaretti (qui incarne le commissaire Montalbano dans la série inspirée des célèbres romans d’Andrea Camilleri).

    Cela dit, Salvini n’est pas à l’abri des difficultés. Sa « droitisation » va le rendre plus dépendant de ses alliés berlusconiens – qui sont loin de ne lui vouloir que du bien – qu’il ne l’était des amis de Di Maio quand il siégeait au gouvernement. Il peut, d’ores et déjà, s’attendre à des difficultés du côté de Forza Italia, le fan-club de Berlusconi. Même s’il revient au pouvoir, il y a sans doute beaucoup de positions qu’il ne pourra plus prendre. Peut-être réalisera-t-il alors qu’il a raté une occasion historique.

    BOULEVARD VOLTAIRE. Tout comme Matteo Salvini, Boris Johnson semble avoir voulu passer en force pour que l’Angleterre quitte l’Union européenne le 31 octobre au plus tard. Il n’en a rien été et, aux dernières nouvelles, le Brexit n’interviendra qu’à la fin janvier… si tout va bien. Et que dire de l’ancien vice-chancelier autrichien Heinz-Christian Strache, tombé comme un débutant dans un piège grossier ! Les populistes seraient-ils condamnés à la maladresse dès lors qu’ils arrivent aux affaires ?

    ALAIN DE BENOIST : Les populistes n’ont pas encore l’habitude du pouvoir. Ils pensent, en général, que l’on a gagné quand on arrive au pouvoir, alors que c’est seulement à ce moment-là que les choses sérieuses commencent. Boris Johnson, c’est autre chose. Pour comprendre l’interminable feuilleton du Brexit, il faut d’abord rappeler que le Parlement britannique n’y a jamais été favorable. C’est le peuple qui s’est prononcé, en 2016, pour la rupture avec l’Union européenne. Or, au Royaume-Uni, ce n’est pas le peuple qui est dépositaire de la souveraineté, c’est le Parlement – ce qu’on ignore trop souvent chez nous. Cela explique beaucoup de choses. Mais à plus long terme, l’issue ne fait pas de doute. La Grande-Bretagne dérivera vers le « grand large », conformément à sa vocation insulaire et maritime. À défaut d’avoir pu acheter le Groenland, Donald Trump achètera les Anglais. Reste à savoir comment réagiront les Irlandais et les Écossais.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 5 novembre 2019)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Relations internationales et antagonismes idéologiques...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun, cueilli sur Geopragma et consacré à l'impact des antagonismes idéologiques dans le champ des relations internationales.

    Pièces échecs.jpg

    Relations internationales et antagonismes idéologiques

    A côté du schéma des relations internationales classique depuis les traités de Westphalie, fondé sur des rapports entre entités plus ou moins souveraines, d’autres facteurs sont régulièrement venus colorer ces relations. On peut citer ici les conflits de civilisations chers à S. Huntington, bien qu’historiquement on trouve peu d’exemples où un conflit significatif oppose ce qu’on peut décrire comme deux aires de civilisation (voir un billet précédent). Même si des différences culturelles profondes ont souvent contribué à renforcer les antagonismes et à les radicaliser : les conflits étaient et sont en général d’abord des conflits entre puissances. Ce n’est que dans le cas de l’Islam que ce terme pouvait acquérir plus de vraisemblance, dans son opposition avec le monde chrétien d’un côté, le monde hindou de l’autre. Mais justement l’Islam est spécifique par l’association étroite qu’il fait entre religion et politique, et donc sa proximité potentielle avec une idéologie politique.

    Cela nous conduit à mettre en lumière une autre type d’opposition, plus caractéristique de l’époque moderne au sens large, qui sont les conflits idéologiques. La guerre froide vient immédiatement ici à l’esprit, mais la seconde guerre mondiale dans une très large mesure aussi ; voire la première, du moins si on prend au pied de la lettre la propagande de l’époque. Comme si, à l’époque démocratique tout particulièrement, il fallait justifier les conflits par autre chose que les simples oppositions de puissance : par des oppositions entre un bien et un mal, moyennant bien sûr simplification éventuellement caricaturale de la réalité. Cette opposition idéologique n’oblitère évidemment pas la dimension de conflit de puissance, évidente dans tous ces cas, mais elle lui donne une caractère et une intensité toutes particulières ; elle peut en outre orienter les décisions prises, du fait de sa logique propre. C’est cette époque qu’on a pu croire un bref instant terminée en 1991 avec la fin de l’URSS.

    Qu’en est-il aujourd’hui ? Apparemment la domination de ce qu’on peut appeler l’idéologie occidentale, est considérable sinon massive : elle donne sa substance au discours international de tout côté, depuis les débats de l’ONU jusqu’aux argumentaires donnés par les faucons américains, en Iraq et ailleurs. Idéologie utilisée abondamment pour justifier des politiques, et notamment des interventions ici ou là, militaires ou non. Mais sans qu’il y ait désormais un adversaire idéologique clair.

    Les tentatives pour dresser une protestation, ou un début d’alternative, sincère ou pas, contre cette idéologie dominante sont timides et locales. C’est même vrai dans le cas de l’islamisme, sous ses différentes formes. Certes il représente un phénomène majeur. Soit comme prétexte à intervention, soit comme boutefeu, il peut jouer un rôle important dans les évènements. Mais il ne se situe pas à ce stade au niveau des grands rapports de force entre puissances, car il faudrait pour cela qu’une vraie puissance l’incarne. Sur la scène internationale il s’exprime en fait surtout sous la forme spécifique du terrorisme, dont la connexion avec de vraies puissances reste limitée. Certes un certain islamisme militant est revendiqué sous des formes diverses et souvent antagonistes par l’Arabie saoudite, l’Iran, et d’autres comme de plus en plus la Turquie. La première répand sa version rigide et extrême de l’Islam, à coups de dizaines de milliards, depuis plus de 50 ans (avec ses amis ou rivaux du Golfe), mais sans fédérer un véritable camp structuré comme tel. L’éventail de ses amis est pour le moins éclectique. Le second a su rassembler et mobiliser les communautés chiites dans un arc traversant tout le Moyen Orient, qui a actuellement le vent en poupe, mais sans sortir de ce cousinage par nature limité. Le chiisme reste fort peu missionnaire. La Turquie, importante comme puissance régionale, est peu suivie comme leader et reste à dominante nationaliste. Dans les faits donc, même si l’idéologie conditionne ces antagonismes et d’autres, le conflit de puissances reste prépondérant au niveau des relations de pouvoir. Reste que la résurgence indéniable de l’islamisme est un fait géopolitique majeur, qui peut l’être plus encore à l’avenir, si elle conduit à une modification suffisante des équilibres internes, et par là des priorités des pays concernés. C’est donc dans la patte humaine des pays musulmans qu’est l’enjeu, avant les relations internationales entre puissances.

    Une autre source majeure d’alternative idéologique, potentiellement plus massive et plus significative, est l’évolution possible de la Chine. Au stade actuel, l’ancien antagonisme entre marxistes et occidentaux ne joue plus de rôle significatif au niveau mondial. Mais la Chine reste fondée sur des principes indéniablement différents et antagonistes de ceux qui constituent la doxa internationale, notamment américaine. A ce stade, cela ne prend pas chez elle la forme d’un programme idéologique conquérant. On peut même avancer que sa situation idéologique interne n’est elle-même pas stabilisée : il est clair que le régime cherche une justification à ce niveau, mais pour réussir il faudrait que cela prenne une forme différente et surtout plus élaborée. Elle pourrait tourner autour de l’idée actuellement latente d’un régime « éclairé », possédant une vision à long terme, qui est dégagée et mise en œuvre par des élites intellectuelles et sociales elles-mêmes sélectionnées à partir du peuple par le tamis du parti : on mêlerait ainsi une certain héritage léniniste plus ou moins maoïste (cher au président chinois actuel) avec des éléments de confucianisme récupéré (l’idée ancienne d’une élite supposée vertueuse au service du peuple, mue par le culte de la moralité publique). Mais la formalisation théorique de cela reste à ce stade limitée et déficiente, et non exportable.

    A ce stade donc la Chine n’est pas mûre pour jouer un rôle international significatif à ce niveau, même si dans son mode d’intervention on voit l’impact de la différence avec les pays occidentaux, notamment dans son indifférence affichée à toute « démocratisation » dans les pays qu’elle aide. Ajoutons que la tradition chinoise séculaire était plus introvertie que messianique ; même si la Chine ancienne avait progressivement assimilé des zones vastes, grâce à son modèle culturel et politique attractif pour ses voisins ou les pays dominés. Mais outre qu’elle n’a plus cette puissance d’attraction à ce stade, sous cette forme cela ne donnerait de réponse que pour les pays de son environnement immédiat, culturellement proches (Japon, Corée, Vietnam) – et ce n’est en rien le cas actuellement. En bref la Chine actuelle commence à faire sentir sa puissance, mais elle rayonne bien plus par son pragmatisme que par son modèle ou ses idées. Elle n’a en outre aucune expérience historique des relations de puissance. Mais le temps travaille pour elle. Et à terme, on ne peut pas exclure qu’elle construise un modèle alternatif plus puissant, idéologiquement rival du modèle américain ou occidental. On peut par ailleurs trouver dans la tradition chinoise ancienne, si elle est quelque peu revisitée, un modèle politique fort, et même des motifs à interventionnisme, y compris sur base moralisante ; ainsi chez Mencius, successeur principal de Confucius, qui justifiait la guerre s’il s’agit d’éliminer des « tyrans » opprimant leur peuple. La situation reste donc mouvante et pourrait nous surprendre.

    D’autres sources encore peuvent émerger à terme long : pensons à une civilisation ancienne comme celle de l’Inde, désormais en voie d’affirmation politique elle aussi.

    Mais il n’est pas inintéressant de considérer un autre cas beaucoup plus d’actualité, quoique bien moins dramatique que les exemples cités : celui des populismes. Bien entendu les mouvements ou personnages classés comme tels sont censés faire partie du monde des démocraties à l’occidentale. En outre, ils sont hétérogènes, et ne constituent ni un front ni même une alliance. Rien ne dessine à ce stade un antagonisme d’ensemble entre eux et les autres régimes se disant démocratiques. Néanmoins la manière dont ils sont perçus, tant par les médias que par la diplomatie de ces autres pays, présente des traits caractéristiques, où la dimension idéologique (en l’espèce de réprobation) est manifestement prégnante : PIS polonais, Orban, Lega de Salvini, Brexiters à la Boris Johnson, personnages comme Trump ou Bolsonaro sont fondamentalement ressentis dans le discours dominant comme des anomalies moralement condamnables, dans leur discours même. On les rapproche parfois même d’un autre réprouvé comme V. Poutine, malgré les différences évidentes – mais justement ce rapprochement est symptomatique. Certes, le phénomène n’en est qu’à ses débuts, et peut faire long feu. Le succès ou l’échec du Brexit, l’avenir politique de D. Trump, l’évolution de l’Est de l’Europe ou de l’Italie seront ici des tournants importants, parmi d’autres. Certes, même si le phénomène subsiste, la possibilité d’un front de tout ou partie de ces dirigeants paraît plutôt improbable à ce stade. Mais on ne pourrait pas exclure qu’une fracture durable s’installe dans la belle unanimité antérieure, colorant alors les relations internationales de façon appréciable, vu l’importance des pays concernés. Le consensus idéologique occidental pourrait se trouver alors fortement altéré.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 4 novembre 2019)

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!