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  • Mort du pape François : l’Église catholique à la croisée des chemins idéologiques...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François-Xavier Consoli cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à la succession du Pape François. Essayiste et journaliste, François-Xavier Consoli est l'auteur de deux ouvrages, La République contre la France et Les aventuriers de la vie - Destins d'exception.

     

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    Mort du pape François : l’Église catholique à la croisée des chemins idéologiques

    Le Vatican a confirmé le décès du souverain pontife ce lundi, succombant à un accident vasculaire cérébral ayant entraîné une insuffisance cardiaque. Quelques heures avant sa mort, le pape avait rencontré le vice-président américain J.D. Vance et avait fait une dernière apparition pour bénir les foules de Pâques à la basilique Saint-Pierre. L’Église se prépare maintenant à l’un des conclaves les plus diversifiés et les plus idéologiquement chargés de l’histoire pour choisir un nouveau Pape. Actuellement, 135 cardinaux âgés de moins de 80 ans sont habilités à voter pour le prochain occupant du trône de St Pierre. La grande majorité d’entre eux ont été nommés par François lui-même. Dans sa démarche un brin « tiers-mondiste », le défunt Pape a élevé 79 % des cardinaux en âge de voter, dont beaucoup viennent de régions sous-représentées du monde catholique : le « sud global », les petites nations insulaires et les diocèses éloignés qui n’ont jamais été influencés par le Vatican.

    « Dans les semaines à venir, 120 des cardinaux ayant le droit de vote entreront dans la chapelle Sixtine pour entamer la tâche solennelle et secrète d’élire le prochain pape. Le conclave doit commencer dans les 20 jours suivant la mort du pontife. Ce sera très intéressant cette fois-ci car, contrairement à ce qui s’est passé dans le passé, je ne pense pas qu’il y ait un successeur évident », déclare Rebecca Rist, professeur d’histoire médiévale à l’université britannique de Reading.

    Un pape hostile au vieux continent

    Le pontificat de François Ier aura marqué les esprits. Premier Pape jésuite et non européen, et ostensiblement hostile au vieux continent, ses nombreuses interventions auront provoqué la controverse. Sous ses airs débonnaire et populaire, c’est avec une main de fer dans un gant de velours qu’il s’est évertué à exercer son autorité. La curie romaine s’en est d’ailleurs difficilement remise. La caractéristique des démocrates qui, une fois au pouvoir, ne peuvent s’empêcher de faire le vide autour d’eux. Certains catholiques appellent à prendre du recul par rapport à ce qu’ils considèrent comme les bouleversements de ces dernières années. En bon jésuite, nombreuses de ses déclarations se sont révélés plus des exercices de rhétoriques, soufflant le chaud le lundi, pour vite faire retomber le thermomètre le mardi. François a souvent frustré les catholiques conservateurs par son ton pastoral et son programme réformateur. En restreignant la messe traditionnelle en latin et en adoptant une position plus accueillante à l’égard des catholiques LGBTQ et des personnes divorcées, il a adopté une approche qui, selon ses détracteurs, a brouillé les lignes doctrinales et remis en cause des normes établies de longue date. Pour autant, le cardinal Bergolio n’était pas un partisan de l’herméneutique marxiste de la « théologie de la libération[1] » comme il lui a souvent été reproché. Ce dernier mettant en garde contre la tentation d’idéologiser le message évangélique par une «réduction socialisante. »

    Un pape Arc-en-ciel ?

    « Notre Dieu est peut-être un Dieu de surprises, mais aujourd’hui, j’ai l’impression que nous avons besoin de beaucoup moins de nouveautés, d’intérêts et de surprises, et de beaucoup plus de choses simples, solides et saines », écrit le commentateur catholique Robert Royal dans The Catholic Thing.

    D’autres catholiques se sont opposés à l’idée que François soit un « pape progressiste ».

    « François était extrêmement traditionnel. Et je pense que c’est un malentendu de dire qu’il n’était pas traditionnel. Rien de ce qu’il a dit ne remet en cause la doctrine », rappelle Phyllis Zagano, professeur adjoint de religion à l’université Hofstra. Il ajoute : « Je pense donc que l’Église, dans sa sagesse, élira un pape qui poursuivra les enseignements de l’Église catholique. Ce qui doit déranger certaines personnes semble-t-il, c’est le sentiment que l’enseignement social catholique est un commentaire politique sur des pays ou des actions spécifiques, alors que l’enseignement social catholique est simplement l’explication de l’Évangile. »

    Les prises de position concernant l’immigration du Pape défunt restent le point d’achoppement pour certains, notamment l’administration Trump. En février, le pontife a écrit une lettre aux évêques américains pour excuser les politiques d’immigration de la Maison-Blanche et qualifier les efforts d’expulsion de « crise majeure. »

    « L’acte d’expulser des personnes qui, dans de nombreux cas, ont quitté leur propre pays pour des raisons de pauvreté extrême, d’insécurité, d’exploitation, de persécution ou de grave détérioration de l’environnement, porte atteinte à la dignité de nombreux hommes et femmes, et de familles entières, et les place dans un état de vulnérabilité particulière et sans défense », pouvait on lire dans cette lettre.

    Indépendamment des tendances politiques de François, ou de leur absence, certains s’attendent à ce que son successeur ramène l’Église vers le centre idéologique.

    « Quel que soit le candidat élu, il sera d’un tempérament centralement conservateur, après 12 ans de « remue-ménage » de la part du pape François », a déclaré Serenhedd James, rédacteur en chef du magazine britannique Catholic Herald. « Je pense que les cardinaux voudront quelqu’un qui adoptera une approche différente et plus calme. »

    D’autres estiment que l’Église continuera à suivre la voie idéologique tracée par François.

    « L’Église devient plus globale et moins centrée sur Rome qui « dirige » tout », nuance David Gibson, directeur du Centre sur la religion et la culture à l’université Fordham, à Newsweek. « Je pense qu’il est peu probable que l’on obtienne le pape-policier que certains membres de la droite américaine semblent souhaiter. »

    Les changements au sein du conclave sont en effet d’ordre géographique. En 2013, lorsque François a été élu, les cardinaux européens représentaient 57 % de l’électorat. Aujourd’hui, ils ne représentent plus que 39 %. L’Amérique latine, l’Afrique et l’Asie n’ont cessé de gagner en influence. Cette évolution pourrait ralentir le prochain conclave.

    « Il est possible qu’un grand nombre des hommes qui se réuniront pour élire le prochain pape soient des étrangers les uns pour les autres », précisait le site d’informations catholique The Pillar l’an passé.

    Des candidats se démarquent

    Plusieurs candidats de premier plan ont émergé des ailes progressistes et traditionalistes de l’Église. Parmi ces derniers, figure le cardinal Luis Antonio Tagle, originaire des Philippines, 67 ans, théologien et ancien fonctionnaire du Vatican souvent décrit comme le « pape François asiatique. » Ce dernier a appelé à une Église catholique plus inclusive et a parlé ouvertement de la nécessité d’accueillir les catholiques divorcés et LGBTQ. Son élection constituerait la première papauté asiatique. Le cardinal français Jean-Marc Aveline, 66 ans, est également en lice. Il serait le cardinal « préféré » de François pour lui succéder. L’analyste du Vatican Giuseppe Masciullo a déclaré que le cardinal Aveline « est particulièrement apprécié » dans les camps ecclésiastiques et politiques de gauche et qu’il soutient une « forte décentralisation » de l’Église, selon le New York Post.

    Dans le camp conservateur, c’est bien sûr cardinal Robert Sarah, 78 ans, originaire de Guinée, qui se démarque. Énergique partisan de la tradition, il a appelé à un retour à la messe en latin et a vigoureusement critiqué ce qu’il considère comme une dérive théologique sous le pape François.

    Le cardinal Fridolin Ambongo Besungu du Congo, 65 ans, est également considéré comme un candidat conservateur. Il dirige le Symposium des conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar et s’est aussi avéré être un grand critique de la décision du Vatican d’autoriser les bénédictions homosexuelles.

    Le cardinal italien Pietro Parolin, 70 ans, secrétaire d’État du Vatican, représente l’establishment centriste. Il est considéré comme un candidat de continuité qui pourrait atténuer l’audace de François tout en conservant son héritage en matière de politique étrangère. Un candidat « en même temps » pouvant faire la différence, histoire de calmer tout ce petit monde, s’inscrivant dans la continuité du défunt Pape.

    Parmi les autres noms en lice figurent le cardinal italien Matteo Zuppi, un confident de François connu pour avoir mené des pourparlers de paix en Ukraine ; le cardinal hongrois Peter Erdo, un intellectuel rigide sur le plan doctrinal ; le cardinal sri-lankais Malcolm Ranjith, qui s’oppose au mariage homosexuel et soutient la liturgie latine ; et le cardinal brésilien Odilo Scherer, un modéré ayant l’expérience des finances du Vatican. Le cardinal Ranjith, 77 ans, archevêque de Colombo, au Sri Lanka, est considéré comme un candidat particulièrement plausible, sa région d’origine connaissant une forte croissance du catholicisme. Un autre candidat, le cardinal Willem Jacobus Eijk, 71 ans, médecin et théologien des Pays-Bas, attire l’attention. Administrateur accompli, il s’oppose à la bénédiction des couples homosexuels et à la « thérapie de genre. »

    Même avec des idéologies concurrentes, les cardinaux doivent élire un pape qui sera à la hauteur de l’accessibilité de François, tout en adoucissant peut-être son rythme de changement, un brin soutenu.

    « En termes de relations publiques, il ne serait pas bon d’avoir un pontife très distant et royal », a déclaré Mathew Schmalz, professeur d’études religieuses au College of the Holy Cross. « Je m’attends donc à quelqu’un qui soit un homme du peuple (…) mais qui s’engage avec les autres un peu différemment du pape François. Si ce n’est pas le cas, le conclave pourrait durer très longtemps. » Quoi qu’il en soit, l’Église ne devrait pas s’attendre à ce que le prochain pape penche d’un côté ou de l’autre, politiquement parlant.

    Dans la marine, on dit : « Dirigez votre propre cap, mais restez dans la flotte. » Il est à parier que c’est cette direction qui ressortira du conclave. A l’intérieur de la chapelle Sixtine, pendant le conclave (du latin « cum clave », qui signifie « avec la clé »), les cardinaux voteront jusqu’à quatre fois par jour. Si aucun candidat n’obtient la majorité des deux tiers requise après 30 tours, le vote se resserre. Seuls les deux premiers candidats restent éligibles et les électeurs doivent choisir entre eux jusqu’à ce que l’un d’entre eux obtienne le soutien nécessaire pour devenir le prochain évêque de Rome.

    François-Xavier Consoli (Site de la revue Éléments, 24 avril 2025)

     

    Note :

    [1] Courant de pensée théologique chrétienne venu d’Amérique latine, suivi d’un mouvement socio-politique, visant à rendre dignité et espoir aux pauvres et aux exclus en les libérant d’intolérables conditions de vie. L’expression « théologie de la libération » fut utilisée une première fois par le prêtre péruvien Gustavo Gutiérrez lors du congrès de Medellín du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM), en 1968. Il développa sa pensée dans l’ouvrage Théologie de la libération, paru en 1972, qui est largement considéré comme le point de départ de ce courant. Pour la pratique, l’instrument d’analyse et d’observation utilisé s’inspire du marxisme

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  • Feu sur la désinformation... (512) : Progressistes vs Conservateurs, qui sera le prochain pape ?

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou et Floriane Jeannin.

     

                                               

    Au sommaire cette semaine :

    L'image de la semaine : La guerre secrète pour la Papauté...

    Dossier du jour : Fin des perfusions américaines pour les médias de l’est!...

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    Pastilles de l’info:

    • BFM drague Mabrouk : ultime tentative pour rattraper CNews ?
    • Pornographie : l’Arcom impuissante face aux géants du X ?
    • Macron à La Réunion : l’opération de com’ éternelle
    • Stérin "refuse" Kohler "décline" ou deux poids deux mesures
    • C à Vous : Ambiance toxique et guerre des egos
    • Turquie : Erdogan défend plus de naturelle pour les accouchements

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    Portrait piquant (en partenariat avec l’OJIM) : Stéphane François, l’"expert" de l’extrême droite...

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  • Feu sur la désinformation... (436)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Floriane Jeannin. 

                                             

     

    Sommaire :

    La météo de l’info : Entre émotion et absence d'indignation

    L’image de la semaine : Le pape à Marseille

    Le dossier : Emmanuel Macron au 20h

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    Les pastilles de l’info :

    + Journaliste en GAV

    + Jordan Bardella sur BFM

    + RN et femmes au foyer !

    + Covid : le retour d’Agnès Buzyn

    + Complément d’enquête : la guerre est déclarée

    + Aymeric Carron, sa fille et le service public

    + Le drapeau déchiré de l’arc de triomphe fact-checké

    + Le Monde sur l’indépendance du monde

    + Arménie / Ukraine : un traitement médiatique à deux vitesses

    Conclusion

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    Portrait piquant : Christophe Barbier, l’homme à l'écharpe rouge

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  • Feu sur la désinformation... (402)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Jules Blaiseau.

    Au sommaire :

    • 1 - L'image de la semaine
      Commençons cette année du bon pied avec une bonne blague. BFM TV a été sacrée "chaîne d'information en laquelle les Français ont le plus confiance en 2022".
    • 2 - Les provocations d'Omar Sy
      La sortie au cinéma du film "Les Tirailleurs", romançant le rôle joué par les soldats des colonies lors de la Ière guerre mondiale, fait grand bruit et les médias sont conquis ! Omar Sy, malgré des provocations répétées, reste le chouchou de la caste médiatique.
    • 3 - Revue de presse
      Des développements judiciaires, une hausse du carburant en catimini ou encore le chaos du Nouvel An, ne ratez rien du décryptage de l'actualité hebdomadaire avec la revue de presse de Jean-Yves Le Gallou !
    • 4 - Le décès du pape émérite Benoît XVI
      Jean-Yves Le Gallou et Jules Blaiseau reviennent sur le traitement journalistique ambivalent du décès de Benoît XVI, quelque part entre éloges et qualificatifs orduriers.

     

                          

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  • La Condamnation de l’Action française...

    Les éditions Kontre Kulture ont réédité récemment une étude historique de Philippe Prévost intitulée La condamnation de l'Action française. Historien, essayiste et docteur es lettres, Philippe Prévost a publié de nombreux essais historiques, dont La France et la déclaration Balfour (Erick Bonnier, 2018).

     

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    " Le 29 décembre 1926, la Congrégation du Saint-Office met à l’index cinq livres de Charles Maurras ainsi que le journal de l’Action française. Bien que cette dernière multiplie les gestes de bonne volonté, Rome refuse toute discussion et durcit ses mesures disciplinaires envers les dirigeants de l’AF : privation des sacrements, de la confession, refus de l’enterrement religieux, etc., mais également contre les prêtres qui contourneraient ces interdictions. Une véritable chasse aux sorcières se met en place, avec délations et punitions. Mais alors que les dirigeants de l’Action française sont accusés de nier Dieu, les mystères de l’Incarnation, les dogmes et toute morale, on peut se demander si cette condamnation est véritablement religieuse ou si elle n’obéit pas en réalité à des motivations politiques. En effet, le plébiscite des idées de Maurras inquiète les démocrates-chrétiens et Rome n’a comme seul vrai reproche que le refus du ralliement par un mouvement royaliste et résolument antirépublicain. Pour répondre à cette question, l’auteur a mené une authentique enquête, fouillant dans les archives du Vatican, mais également dans divers fonds privés ou publics, découvrant lettres, notes personnelles, témoignages et coupures de journaux.

    On pourrait croire que cette condamnation ne fut qu’un épisode sans conséquence de l’histoire tourmentée des relations de l’Église avec sa fille aînée, la France. Ce serait une grande erreur, car la déchirure qui se produisit alors au sein de la communauté catholique joua un rôle prépondérant dans son affaiblissement – faisant perdre la foi à de nombreux catholiques – et poussa à la nomination de cardinaux ralliés qui seront particulièrement actifs lors du concile Vatican II. Mais surtout, cette fracture est encore présente aujourd’hui, empêchant toute action cohérente des catholiques qui, par refus de tout lien avec ce qui est qualifié d’ « extrême-droite », finissent par se rallier, eux aussi, au système en place. "

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  • Le pape contre la civilisation européenne ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Laurent Dandrieu à Eugénie Bastié pour Figaro Vox dans lequel il revient sur les récents propos du pape favorables aux migrants. Auteur d'un essai intitulé Église et immigration, le grand malaise - Le pape et le suicide de la civilisation européenne (Presses de la Renaissance, 2017), Laurent Dandrieu est également rédacteur en chef des pages Culture à Valeurs Actuelles et on lui doit également un Dictionnaire passionné du cinéma (Éditions de l'Homme nouveau, 2013).

     

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    L. Dandrieu : «La sécurité personnelle ne peut exister si les nations basculent dans l'anarchie»

    FIGAROVOX.- Le pape François vient de publier un texte où il plaide pour «faire passer la sécurité personnelle [des migrants] avant la sécurité nationale», et appelle à un accueil beaucoup plus large des migrants. Que vous inspirent ces propos? Sont-ils inédits?

    Laurent DANDRIEU.- Il me semble que ce message qui vient d'être publié en préparation de la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2018, qui aura lieu le 14 janvier prochain, est dans la droite ligne des positions défendues par le pape François depuis le début de son pontificat, mais qu'il va cependant plus loin que d'habitude sur un certain nombre de points. Dans un entretien accordé à une radio portugaise le 14 septembre 2015, par exemple, le pape reconnaissait le risque d'infiltration terroriste lié à la crise des migrants, mais n'en ajoutait pas moins qu'«à l'évidence, si un réfugié arrive, en dépit de toutes les précautions liées à la sécurité, nous devons l'accueillir, car c'est un commandement de la Bible». Quand, dans ce nouveau message, François écrit que «le principe de la centralité de la personne humaine (…) nous oblige à toujours faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale», il donne en quelque sorte une version plus théorique de cette précédente déclaration.

    La question est de savoir si, ce faisant, il ne cède pas à un certain idéalisme, potentiellement désastreux: car c'est oublier que la sécurité nationale est le plus sûr rempart de la sécurité personnelle, et qu'il n'existe aucune sécurité personnelle qui puisse exister en dehors de cadres politiques, juridiques et légaux qui en sont le rempart. Aucune sécurité personnelle ne peut exister si les nations occidentales, par exemple, du fait du terrorisme ou d'une immigration incontrôlée et ingérable, basculent dans l'anarchie.

    Par ailleurs, le principe de la centralité de la personne humaine oblige à considérer, aussi, que les citoyens des nations occidentales ont un droit évident à la sécurité nationale. On attend vainement, tout au long de ce texte, une prise en considération des intérêts des populations des pays d'accueil, qui ont droit, eux aussi, à la sollicitude de l'Église, et dont une partie de plus en plus importante vit, elle aussi, des situations de grande détresse et de grande précarité, matérielle, spirituelle et morale.

    Deuxième élément important et pour le coup très novateur de ce texte: le pape prend position pour «la défense des droits et de la dignité des migrants ainsi que des réfugiés, indépendamment de leur statut migratoire»: ce qui veut dire qu'il réclame des droits égaux pour les clandestins et pour les immigrants légaux, pour les demandeurs d'asile et pour les immigrés économiques. Parmi ces droits figurent «la liberté de mouvement dans le pays d'accueil, la possibilité de travailler et l'accès aux moyens de télécommunication»: ce qui veut dire, concrètement, que le pape réclame un droit d'installation préalable pour tous les migrants, avant même que soit étudié leur cas. Ce qui revient à donner une prime à l'illégalité d'autant plus forte qu'il est évident qu'un clandestin qui, entre-temps, aura trouvé un moyen de subsistance, aura d'autant moins de chance de voir son dossier rejeté. Cette prime à l'illégalité me paraît une seconde atteinte, très forte, contre les droits des nations et la citoyenneté: car la nation, la citoyenneté n'existent que par un consensus sur la légitimité de la loi. Si on postule que la loi est faite pour être contournée, il n'y a plus de bien commun possible.

    Ce discours a-t-il selon vous une dimension politique?

    Un autre aspect du message me semble clarifier ce qui apparaissait jusqu'alors une ambiguïté dans le discours de François. Il prônait jusqu'alors une grande générosité dans l'accueil, sans que l'on sache toujours si cela signifiait un simple rappel évangélique de la charité avec laquelle le chrétien se doit de traiter l'étranger croisé sur sa route, ce qui relève à l'évidence du rôle du pape, ou s'il s'agissait d'un appel plus politique, et donc plus discutable, à ouvrir les frontières. En stipulant que la protection des migrants «commence dans le pays d'origine», c'est-à-dire consiste à les accompagner à la source dans leur désir de migrer, le pape assume plus clairement que jamais la dimension politique de ce discours, la volonté de ne pas se cantonner à affronter une situation de fait, mais en quelque sorte d'accompagner et d'encourager ce mouvement migratoire vers l'Europe.

    Dernière clarification: en stipulant que les migrants doivent être mis en situation de se réaliser y compris dans leur dimension religieuse, le pape François donne une sorte de blanc-seing à l'entrée massive de populations de religion musulmane et à l'acclimatation de la religion musulmane sur le continent européen, en semblant indifférent aux innombrables problèmes identitaires et sécuritaires que cela pose.

    La position de François tranche-t-elle avec celle de ses prédécesseurs, et notamment celle de Benoit XVI? Que dit l'Église sur le devoir d'accueillir les migrants?

    La continuité est indéniable, et est attestée dans ce message par des nombreuses citations de son prédécesseur. Quand le pape prône le regroupement familial, au risque de transformer systématiquement les réfugiés temporaires en immigrés permanents, il ne fait que reprendre des positions défendues inlassablement, par exemple, par Jean-Paul II et Benoît XVI, comme je le montre abondamment dans mon livre.

    Le discours de l'Église, en son Catéchisme, reconnaît à la fois le droit de migrer quand la nécessité s'en fait sentir, et le droit des États de limiter les flux quand ils l'estiment nécessaire. Mais, dans les faits, le discours des papes oublie fréquemment ce second aspect. Il l'oublie d'autant plus volontiers que l'Église a souvent cédé à une vision quasi messianique des phénomènes migratoires, censés conduire vers «l'unité de la famille humaine», selon l'expression de Jean XXIII. Jean-Paul II écrit ainsi que «parmi toutes les expériences humaines, Dieu a voulu choisir celle de la migration pour signifier son plan de rédemption de l'homme», et Benoît XVI y voit une «préfiguration anticipée de la cité sans frontières de Dieu». Face à cela, la protection de la population des pays d'accueil est condamnée à peser de peu de poids, et de fait, elle est quasiment absente du regard que l'Église pèse sur les phénomènes migratoires. En face de cela, l'Église prône inlassablement l'intégration du Migrant, avec un grand M, sans se poser la question de savoir concrètement qui est ce migrant, et si le fait qu'il vienne, en grand nombre, avec un bagage culturel et religieux radicalement différent du nôtre, et dans certains cas incompatible avec le nôtre, ne rend pas cette intégration pour le moins illusoire.

    L'État nation et l'existence de frontières se justifient-ils d'un point de vue théologique?

    Bien évidemment, car c'est une suite logique du commandement d'honorer son père et sa mère. Saint Thomas d'Aquin écrit qu'«il appartient à la piété de rendre un culte aux parents et à la patrie» et, à la suite de saint Augustin, stipule qu'on doit la charité en priorité à ceux qui nous sont proches par les liens du sang ou de la citoyenneté. Léon XIII écrit que «la loi naturelle nous ordonne d'aimer d'un amour de prédilection et de dévouement le pays où nous sommes nés et où nous avons été élevés», et Pie XII enseigne que «dans l'exercice de la charité il existe un ordre établi par Dieu, selon lequel il faut porter un amour plus intense et faire du bien de préférence à ceux à qui l'on est uni par des liens spéciaux. Le Divin maître lui-même donna l'exemple de cette préférence envers sa terre et sa patrie en pleurant sur l'imminente destruction de la Cité sainte.»

    Plus récemment, Jean-Paul II a abondamment développé cette «théologie des nations», des nations qu'il ne voit pas seulement comme un bien politique, un outil au service du bien commun, mais à qui il reconnaît une dignité spirituelle éminente: la nation, explique-t-il, de toutes les communautés humaines, est «la plus importante pour l'histoire spirituelle de l'homme». Il va même jusqu'à dire que «la fidélité à l'identité nationale possède aussi une valeur religieuse.» De là, on peut évidemment déduire que les nations ont un droit irrépressible à défendre leur identité nationale face aux menaces extérieures, comme une immigration incontrôlée et inintégrable.

    «L'intégration n'est pas une assimilation qui conduit à supprimer ou à oublier sa propre identité culturelle», a aussi dit le pape. Y a-t-il position traditionnelle de l'église en matière d'assimilation?

    Cette condamnation de l'assimilation, au nom du respect de la culture d'origine de l'immigré, est malheureusement une constante dans le discours de l'Église sur l'immigration. Jean-Paul II va jusqu'à la renvoyer dos à dos avec des politiques de discrimination allant jusqu'à l'apartheid: «On doit en effet exclure aussi bien les modèles fondés sur l'assimilation, qui tendent à faire de celui qui est différent une copie de soi-même, que les modèles de marginalisation des immigrés, comportant des attitudes qui peuvent aller jusqu'aux choix de l'apartheid.» Je dis «malheureusement», car on ne voit pas bien, dès lors, malgré les appels répétés de l'Église à une politique d'intégration, commet l'appel de la hiérarchie catholique à un accueil généreux des migrants pourrait ne pas déboucher sur un multiculturalisme, d'ailleurs parfaitement assumé par le pape François.

    Le problème est que ce multiculturalisme aboutit dans les faits à un refus de considérer la culture du pays d'accueil comme une culture de référence, et rend de facto l'intégration illusoire. Sous la pression de l'immigration de masse et de l'idéologie multiculturaliste, les sociétés occidentales se réduisent de plus en plus à une juxtaposition de communautés d'origines, de cultures et de religions différentes, qui se regardent en chiens de faïence faute d'avoir de référence commune, autre que de très vagues principes abstraits, tels que cette «culture de la rencontre» à laquelle le pape François tend à réduire l'identité européenne. Le bien commun, faute de valeurs partagées, se réduit ainsi à un vivre ensemble qui, de plus en plus, tourne dans la réalité à un apartheid de fait. Soit le contraire du but recherché, et une catastrophe civilisationnelle majeure en germe tant pour les peuples européens que pour les populations immigrées.

    Laurent Dandrieu, propos recueillis par Eugénie Bastié (Figaro Vox, 22 août 2017)

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