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oswald spengler - Page 7

  • La Nouvelle Droite et ses maîtres à penser...

    Les éditions Liber viennent de publier Les maîtres à penser de la Nouvelle Droite, un recueil d'essais de Kurt Lenk, Günter Meuter et Henrique Ricardo Otten. L'ouvrage, publié en 1997 en Allemagne après l'émergence d'une nouvelle droite anti-occidentale, se référant à la "Révolution conservatrice", autour de l'hebdomadaire Junge Freiheit et de la revue Sezession, visait à présenter de façon critique les sources intellectuelles de cette mouvance.

     

    " Depuis longtemps déjà, des intellectuels qui se revendiquent de droite se font l’avocat d’un courant d’idées que le national-socialisme aurait galvaudé et discrédité. Ce livre met en lumière et déconstruit les motifs centraux de la vision du monde que véhicule cette nouvelle droite. La décadence, l’héroïsme, le mythe, la domination, la violence et la mort sont autant d’exemples que l’on retrouve chez six de ses auteurs les plus importants : Georges Sorel, Oswald Spengler, Hans Freyer, Carl Schmitt, Martin Heidegger et Ernst Jünger. Le regain d’intérêt porté à cette tradition de pensée et l’assurance croissante avec laquelle s’affirment aujourd’hui les nouvelles droites rendent l’étude de leurs sources intellectuelles plus actuelle que jamais. "

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  • Révolution conservatrice d'hier et d'aujourd'hui...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Pierre Saint-Servant pour Novopress et consacré à la Révolution conservatrice.Essayiste et philosophe, Alain de Benoist vient de publier récemment Quatre figures de la Révolution conservatrice (Amis d'Alain de Benoist, 2014) et Le Traité transatlantique et autres menaces (Pierre-Guillaume de Roux, 2015).

     

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    Révolution conservatrice d'hier et d'aujourd'hui

    La Révolution Conservatrice retient depuis plusieurs décennies votre attention. Dans votre dernier ouvrage, vous avez choisi de l’aborder par l’intermédiaire de quatre personnalités, symbole probable de la grande diversité de ce mouvement. Comment définiriez-vous cette Konservative Revolution ?

    Les représentants de la Révolution Conservatrice allemande n’ont que rarement utilisé ce terme pour se désigner eux-mêmes. L’expression ne s’est imposée qu’à partir des années 1950, à l’initiative de l’essayiste Armin Mohler, qui a consacré à cette mouvance un énorme « manuel » (La Révolution Conservatrice en Allemagne, 1918-1932) traduit en France en 1993. Elle désigne couramment ceux des adversaires de la République de Weimar, hostiles au traité de Versailles, qui se réclamaient d’une idéologie « nationaliste » distincte de celle du national-socialisme. Mohler les regroupe en trois familles principales : les jeunes-conservateurs (Moeller van den Bruck, Othmar Spann, Oswald Spengler, Carl Schmitt, Wilhelm Stapel, etc.), les nationaux-révolutionnaires (Ernst Jünger, Franz Schauwecker, Ernst Niekisch, etc.) et les Völkische, qui sont des populistes à tendance souvent biologisante ou mystique. La Révolution Conservatrice n’est donc pas du tout un mouvement unitaire, même s’il existe entre ses représentants certains points communs. C’est plus exactement une mouvance, qui ne comprend pas moins de trois ou quatre cents auteurs, dont seule une minorité ont été traduits en français. Cette mouvance n’a pas à proprement parler d’équivalent dans les autres pays européens, mais pour ce qui concerne la France, on pourrait à bien des égards la rapprocher de ceux que l’on a appelés les « non-conformiste des années trente ».

    Sous le IIIe Reich, peu de révolutionnaires conservateurs se sont ralliés au régime. Quand ils l’ont fait (comme Carl Schmitt), cela a généralement été pour peu de temps. Certains se sont exilés, quelques uns ont été assassinés (Edgar J. Jung), d’autres sont entrés dans la Résistance, ce qui leur a valu d’être emprisonnés (Ernst Niekisch) ou exécutés (Harro Schulze-Boysen). La plupart ont vécu dans une sorte d’exil intérieur (Jünger) rarement dépourvu d’ambiguïté.

    Si la Révolution Conservatrice reste méconnue en France, n’est-ce pas en partie à cause de la contradiction des termes qu’elle semble contenir ? Les définitions françaises et allemandes des termes « conservateur » et « révolutionnaire » seraient-elles à ce point différentes ?

    En France, le mot « conservatisme » est assez péjoratif. On le tient volontiers pour synonyme de « réactionnaire ». Il en va très différemment en Allemagne, où le mot « droite » est en revanche peu employé. L’association, à première vue surprenante, des mots « conservateur » et « révolutionnaire » témoigne d’abord, d’un point de vue théorique, d’une volonté de conciliation des contraires (c’est au fond l’idée hégélienne d’Aufhebung, de dépassement d’une contradiction). Mais elle répond aussi à l’idée que, dans le monde tel qu’il est devenu, seul un bouleversement général, c’est-à-dire une révolution, permettra de conserver ce qui vaut la peine d’être conservé : non pas le passé, mais ce qui ne passe pas. Arthur Moeller van den Bruck écrit ainsi : « Le réactionnaire se représente le monde tel qu’il a toujours été. Le conservateur le voit comme il sera toujours ». Il ajoute que, par opposition aux réactionnaires, qui ne comprennent rien à la politique, « la politique conservatrice est la grande politique. La politique ne devient grande que lorsqu’elle crée de l’histoire ».

    La confusion sémantique ne s’arrête pas là. Le terme « socialiste » est aujourd’hui utilisé (tant par ceux qui s’en réclament que par ceux qui s’y attaquent) à tort et à travers. Voir l’équipe Hollande-Valls-Macron se réclamer du socialisme est aussi ridicule qu’entendre certains invoquer une « dictature socialiste » pour nommer le désordre libéral-libertaire actuel. Que recouvre le socialisme dont se réclament à la fois Arthur Moeller, Werner Sombart ou encore Ernst Niekisch, au-delà de leurs nuances respectives ?

    Une idée propre à de nombreux révolutionnaires conservateurs est que « chaque peuple a son propre socialisme » (Moeller van den Bruck). Sous Weimar, la notion de « socialisme allemand » est d’usage courant aussi bien à droite qu’à gauche, y compris au sein des organisations nationalistes. Werner Sombart, grand spécialiste de l’histoire du mouvement social et du capitalisme, est d’ailleurs l’auteur d’un livre portant ce titre (Le socialisme allemand, traduction française en 1938). Oswald Spengler parle de « socialisme prussien », c’est-à-dire d’un socialisme porté par l’éthique et le style prussiens, qui rejette d’un même mouvement les valeurs bourgeoises et la « prolétarisation ». Expliquant que Marx a dévoyé le socialisme en l’entraînant en Angleterre, patrie du libéralisme, il affirme qu’il faut maintenant le « rapatrier » dans le pays où « chaque Allemand véritable est un travailleur ». Ces références montrent que pour la Révolution Conservatrice l’ennemi principal est très clairement le libéralisme.

    L’un des riches débats qui animèrent les rangs de la Révolution Conservatrice opposa les tenants d’un « ruralisme », admirateurs de la paysannerie et contempteurs du mode de vie urbain aux partisans d’une prise en main de la technique et de la figure mythique du Travailleur (que contribuèrent à forger tant Jünger que Niekisch). Que peut-on en retenir ?

    C’est en effet l’un des traits qui distinguent les jeunes-conservateurs des nationaux-révolutionnaires. Les premiers, très influencés par l’idée du Reich médiéval, en tiennent souvent pour une société des « états » (Stände) où la paysannerie, lieu par excellence des solidarités organiques et des traditions populaires, joue un rôle essentiel, tandis que les seconds se veulent à la fois plus radicaux et plus « modernistes ». Cela dit, un auteur comme Oswald Spengler n’hésite pas à donner une interprétation « faustienne » de la technique. Le cas d’Ernst Jünger est plus complexe. Son livre sur Le Travailleur (1932), qui oppose à la Figure du Bourgeois une sorte de métaphysique du Travail, est une apologie « titanesque » de la Technique en tant que facteur de « mobilisation totale », mais l’auteur des Orages d’acier reviendra par la suite sur cette façon de voir, notamment sous l’influence de son frère, Friedrich Georg Jünger, auteur dans l’immédiat après-guerre d’un livre très hostile à la technique (Die Perfektion der Technik) que l’on peut considérer comme un ouvrage fondateur de l’écologisme actuel.

    Ce qui frappe dans les portraits que vous dressez, c’est la difficile incarnation politique des idéaux portés par la Révolution Conservatrice. L’extraordinaire fécondité intellectuelle de ce mouvement donne d’autant plus le vertige que ses réalisations politiques paraissent faibles. Qu’en est-il ?

    Il est exact que la Révolution Conservatrice n’a pas réussi à s’imposer politiquement, ce qui est fort dommage, car elle aurait évidemment constitué une alternative positive à l’hitlérisme. Sur le plan politique, elle s’est plutôt manifestée par des activités « ligueuses », des clubs de réflexion, des associations multiples et variées, ce qui n’empêche pas qu’on repère sans peine son influence à l’intérieur du Mouvement de jeunesse (Jugendbewegung) issu de l’ancien Wandervogel, ou à la faveur d’événements ponctuels, comme la révolte paysanne dans le Schleswig Holstein. Mais cela n’a pas suffi à en faire une dynamique de premier plan. Cela s’explique notamment par le fait qu’à quelques exceptions près, les représentants de la Révolution Conservatrice n’étaient pas des politiciens, mais des écrivains et des théoriciens. D’un autre côté, c’est aussi ce qui nous permet de les lire encore aujourd’hui avec profit.

    La Révolution Conservatrice semble trouver des échos inattendus dans la nouvelle critique anti-libérale qui émerge actuellement avec des auteurs tels que Jean-Claude Michéa, Dany Robert-Dufour mais aussi Hervé Juvin, ou encore le jeune Charles Robin que vous avez édité récemment. Que manque-t-il à ce renouveau pour qu’il puisse « faire école » ?

    Disons que certaines thématiques propres à la Révolution Conservatrice resurgissent incontestablement aujourd’hui. Mais on pourrait en dire autant des idées des « non-conformistes des années trente », qu’il s’agisse de Thierry Maulnier, Bertrand de Jouvenel, Alexandre Marc, Robert Aron, Bernard Charbonneau et tant d’autres. Ce qu’il faut, c’est que cette tendance s’amplifie. Au-delà des évolutions individuelles, de plus en plus nombreuses, ce qui me paraît le plus de nature à y contribuer, c’est le fait que l’on voit aujourd’hui s’imposer de nouveaux clivages qui rendent chaque jour plus obsolète le vieux clivage droite-gauche. Le clivage essentiel est désormais celui qui oppose partisans et adversaires de la mondialisation, ou encore le peuple et la classe dominante. La critique du libéralisme peut dans cette optique jouer un rôle fédérateur

    « Droite libérale et gauche sociétale semblent communier dans un même aveuglement », résume Christopher Gérard pour évoquer le récent ouvrage de Paul-François Paoli, Malaise de l’Occident. Vers une révolution conservatrice ? C’est la collusion de ces deux camps que vous démontrez implacablement depuis des décennies. Avez-vous le sentiment que cette compréhension avance ?

    J’ai en effet ce sentiment. Jean-Claude Michéa a joué à cet égard un rôle très important, en montrant (ou en rappelant) l’identité de nature existant entre le libéralisme économique, surtout défendu par la droite, et le libéralisme culturel ou sociétal, surtout défendu par la gauche. La révolution permanente des mœurs ne peut qu’aller de pair avec la libération totale du marché, l’une et l’autre relevant d’une même conception anthropologique, fondée sur l’axiomatique de l’intérêt et sur ce que Heidegger appelle la « métaphysique de la subjectivité ». Un gouvernement associant à la fois Emmanuel Macron et Najat Vallaud-Belkacem en est une illustration frappante. Le fait nouveau est la réapparition « à droite » d’une critique radicale du capitalisme libéral, que je crois aujourd’hui plus nécessaire que jamais. Elle a l’avantage de faire apparaître l’inconséquence tragique de ces « nationaux-libéraux » qui veulent à la fois défendre le système du marché et des « valeurs traditionnelles » que ce système ne cesse d’éliminer.

    Paoli évoque « la précarité intellectuelle de nos enfants, des adolescents qui n’ont aucun repère et dont la culture historique est très pauvre. » et poursuit : « Le mode de vie consumériste fondé sur la consommation de masse a appauvri ce pays. Il l’a appauvri culturellement et symboliquement ». Pour conclure, ne peut-on pas envisager que si une révolution conservatrice est en germe, elle s’incarne plus dans des modes de vie dissidents (citadelle ou grain de sable) que dans une énième structure politique ?

    Vous avez sans doute raison. Face à un système de l’argent en passe de se détruire lui-même du fait de ses contradictions internes, l’action politique, si utile qu’elle puisse être, trouve très vite ses limites. Se rebeller contre ce système exige d’adopter des modes de vie ou des styles de vie différents, ce qui implique un patient dessaisissement par rapport à l’idéologie dominante, à commencer par le primat des valeurs marchandes. Serge Latouche parle à ce propos de « décolonisation » de l’imaginaire symbolique, formule qui me paraît bien trouvée. C’est à cette condition que l’on pourra voir réapparaître à l’échelon local des « espaces libérés » où la réanimation du lien social permettra l’émergence d’une nouvelle citoyenneté sur la base de valeurs partagées.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Pierre Saint-Servant (Novopress, 4 et 5 février 2015)

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  • Quatre figures de la Révolution Conservatrice allemande...

    Les éditions des Amis d'Alain de Benoist viennent de publier Quatre figures de la Révolution Conservatrice allemande, un essai d'Alain de Benoist consacré à Werner Sombart, Arthur Moeller van de Bruck, Ernst Niekisch et Oswald Spengler. Ecrivain et philosophe, l'auteur dirige les revue Nouvelle Ecole et Krisis, et est également éditorialiste du magazine Eléments...

    L'ouvrage est disponible sur le site de la revue Eléments.

     

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    " Sous la République de Weimar, des centaines d’auteurs, de théoriciens et de personnalités politiques ont fait partie de ce qu’on a appelé après 1945 la Révolution Conservatrice, ce vaste, mouvement de pensée et d’action, divisé en multiples courants et tendances, qui rassemblait ceux des adversaires du traité de Versailles qui se refusaient à rejoindre le nazisme naissant.
    Après 1933, sous le IIIe Reich, ils furent pour la plupart marginalisés, voués à l’«exil intérieur », parfois persécutés ou contraints à l’exil.
    Alain de Benoist présente dans ce livre quatre figures emblématiques de cette mouvance : l’économiste Werner Sombart, grand spécialiste de l’histoire du mouvement social, Arthur Moeller van den Bruck, chef de file des jeunes-conservateurs berlinois, qui fut un critique implacable de l’idéologie libérale, Ernst Niekisch, théoricien du national-bolchevisme, à l’itinéraire stupéfiant (il fut à la fois emprisonné sous la République de Weimar et sous le national-socialisme), et enfin Oswald Spengler, le célèbre auteur du Déclin de l’Occident, dont les dures prophéties ont marqué le siècle. Restés longtemps méconnus, ils méritent d’être redécouverts aujourd’hui. "

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  • Le déclin ?...

    Les éditions du Toucan publient cette semaine un essai de David Engels intitulé Le déclin - La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine. Belge, David engels est titulaire de la chaire d’histoire du monde romain à l’Université Libre de Bruxelles.

     

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    "L’Union européenne est en crise, une crise non seulement économique et institutionnelle mais aussi identitaire. Et les années à venir seront décisives pour sa survie en tant qu’acteur politique majeur.
    Qui parle de « crise identitaire » parle automatiquement de racines culturelles et religieuses. Dans le cas de l’Union, avoir les idées claires exige de remonter un passé plus que millénaire.
    C’est dans cette perspective que ce livre s’inscrit en analysant l’importance de la république romaine tardive pour l’identité européenne du XXIème siècle.  David Engels propose est une comparaison rigoureuse entre les événements du monde romain du Ier siècle av JC et l’Europe actuelle.
    Plus simple d’accès que la grande étude d’Oswald Spengler (Le Déclin de l’Occident, Gallimard), cette comparaison se révèle stupéfiante et renferme certaines clés importantes pour comprendre de nombreux problèmes actuels."

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  • Autour de Spengler et du Déclin de l'Occident

    Nous reproduison ci-dessous l'introduction d'Alain de Benoist au dossier du dernier numéro de Nouvelle Ecole (n°59-60, année 2010-2011) consacré à Oswald Spengler.

    Nous vous rappelons que ce numéro peut être commandé sur le site de la revue Eléments.

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    OSWALD SPENGLER

     

     

    Les adversaires de l’idéologie du progrès croient souvent, bien à tort, que celle-ci se borne à concevoir l’histoire sous une forme linéaire, emmenant l’humanité vers un avenir toujours meilleur, et par suite à valoriser le nouveau en tant que nouveau, c’est-à-dire à constamment dévaloriser l’autorité du passé au nom des promesses de l’avenir. Ils oublient que cette caractéristique possède un corollaire : l’idée que les civilisations sont immortelles. Elles naissent, croissent et se développent, mais aucune loi ni raison objective n’exige qu’elles vieillissent ni ne meurent. Cette idée optimiste se retrouve chez beaucoup d’adversaires de l’idéologie du progrès, qui lui empruntent ainsi sans s’en rendre compte l’un de ses présupposés fondamentaux. Certes, nombre d’entre eux s’inquiètent régulièrement des menaces qui pèsent sur la civilisation occidentale, mais ils croient en général qu’il suffirait d’y parer pour que cette civilisation retrouve du même coup une espérance de vie illimitée. C’est à cette idée que s’oppose radicalement Spengler. Longuement exposée dans Le déclin de l’Occident, son approche « physiognomique » des cultures – il s’agit de cerner la « physionomie » de leurs formes historiques – nous dit que les civilisations sont mortelles, qu’elles ne peuvent que mourir et que tel est leur destin commun. Ce ne sont pas des peuples ou des époques, mais des cultures, irréductibles les unes aux autres, qui sont les moteurs de l’histoire mondiale. Ces cultures ne sont pas créées par des peuples, mais ce sont au contraire les peuples qui sont créés par les cultures. L’Antiquité, par exemple, est une culture à part entière, similaire mais entièrement distincte de la culture « faustienne » occidentale. Les cultures obéissent toutes aux mêmes lois de la croissance et du déclin organiques. Le spectacle du passé nous informe donc sur ce qui n’a pas encore eu lieu.

    On a peine aujourd’hui à imaginer l’impact que la parution du premier tome du Déclin de l’Occident (1918) eut, d’abord en Allemagne, puis dans le monde entier. Et pourtant, peu d’auteurs ayant atteint une telle renommée ont été oubliés aussi vite. Dès les années 1930, l’étoile de Spengler commence à pâlir, pour s’obscurcir totalement après la Seconde Guerre mondiale. Mais en réalité, le « débat autour de Spengler » (Streit um Spengler) repose en grande partie sur des malentendus que celui-ci a lui-même contribué à entretenir, du fait notamment de ce mélange d’observations scientifiques, historiques, politiques et poétiques à la fois.

    Beaucoup de reproches traditionnellement adressés à Spengler sont loin d’emporter l’adhésion. A commencer par celui qui vise son « pessimisme » : il n’y a pas de « pessimisme » à établir un diagnostic, quelqu’il soit. Dans le titre de son livre, ainsi qu’il l’a lui-même souligné, le mot « déclin » pourrait d’ailleurs tout aussi bien être remplacé par celui d’« achèvement ». D’autres ont soutenu que l’affirmation spenglérienne selon laquelle les cultures sont incommensurables se heurte à une aporie, car on ne peut à la fois dire qu’elles sont incommensurables et prétendre les comprendre toutes. Lors d’un colloque de Cérisy, en 1958, Raymond Aron déclarait ainsi : « Spengler peut tout expliquer, sauf sa propre histoire. Car, dans la mesure où il a raison, il a tort. Si les sociétés, les cultures ne peuvent pas se comprendre, l’homme qui ne peut pas exister, c’est Spengler qui les comprend toutes ». L’argument n’en est pas un puisque, pour Spengler, les grandes cultures, si incommensurables qu’elles puissent être, n’en présentent pas moins la même morphologie et obéissent toutes historiquement aux mêmes lois.

    Mis en doute par Keyserling, le caractère prophétique des vues de Spengler a en revanche été longuement célébré par bien d’autres auteurs. On ne saurait nier non plus le caractère prémonitoire des Années décisives. Certes, Spengler a totalement sous-estimé les Etats-Unis en tant que grande puissance. Il plaçait en revanche de grands espoirs dans la Russie, tout en soulignant son étrangeté radicale par rapport à l’Europe occidentale. « Les Russes ne sont point un peuple à la manière du peuple allemand ou anglais, écrivait-il dans Prussianité et socialisme (1919). Ils portent en eux, tels les Germains à l’époque carolingienne, la virtualité d’une multitude de peuples futurs. Les Russes sont la promesse d’une culture à venir au moment où les ombres du soir s’allongent sur l’Occident ».

    Mais, d’Eduard Spranger à Theodor W. Adorno, le principal reproche adressé à Spengler porte évidemment sur son « fatalisme » et son déterminisme. La question est de savoir jusqu’à quel point l’homme est prisonnier de sa propre histoire. Au point de ne pouvoir jamais en modifier le cours ? C’est là que le débat commence. Arnold Toynbee, que l’on a souvent comparé à Spengler, niait que l’on puisse comparer les cultures à des organismes vivants. Spengler, qui soutient la thèse inverse, affirme que la civilisation est le destin inévitable d’une culture, dont elle marque aussi le stade terminal. Que penser de cette thèse à l’époque de la globalisation ? Qu’en est-il de la civilisation occidentale, aujourd’hui universalisée au moins de paraître menacer toutes les cultures du monde encore subsistantes ? Et que signifie même ce terme d’« Occident » qui, au cours de l’histoire, a si souvent changé de sens ?

    « Toutes mes occupations politiques, disait Spengler, ne m’ont procuré aucun plaisir. La philosophie, voilà mon domaine ». Il disait aussi qu’« avoir de la culture » est une question d’attitude – et d’instinct.

     

    Alain de BENOIST

     

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  • Oswald Spengler !

    Le numéro 59-60 de la revue Nouvelle Ecole est disponible !

    Comme annoncé, il est centré sur Oswald Spengler et sa philosophie de l'histoire. On y trouvera une introduction à l'oeuvre de Spengler, par Alain de Benoist, des articles de Michel Lhomme, Emmanuel Mattiato et Domenico Conte, le meilleur spécialiste italien du philosophe, qui lui a consacré de deux ouvrages Introduzione a Spengler (Laterza, 1997) et  Albe e tramonti d’Europa. Su Jünger e Spengler (Edizioni di Storia e Letteratura, 2009).

    A côté du dossier sur Spengler, on trouvera aussi un article consacré à la tradition bulgare de la danse sur les braises, un article et un entretien sur Ramiro de Maeztu, écrivain espagnol, défenseur de l'hispanité, mort fusillé pendant la guerre civile, et la suite et la fin de l'étude de Gérard Zwang, débutée dans le numéro précédent, consacrée à la sexologie. 

    Il est possible de se procurer ce numéro sur le site de la revue Eléments.  

     

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    Au sommaire :

    Oswald Spengler. Une introduction (Alain de Benoist)

    Oswald Spengler après « Le déclin de l’Occident » (Domenico Conte)

    Oswald Spengler et l’idée de « développement » (Domenico Conte)

    Perspectives d’histoire universelle dans l’œuvre de Spengler (Domenico Conte)

    Le double visage de la Russie et les problèmes de l’Allemagne à l’Est  (Oswald Spengler)

    Oswald Spengler et le IIIe Reich (Alain de Benoist)

    Carl Schmitt, lecteur de Spengler (Emmanuel Mattiato)

    Oswald Spengler et l’Amérique latine (Michel Lhomme)
     
    Le parcours espagnol et européen de Ramiro de Maeztu (Pedro Carlos González Cuevas)
     
    « Maeztu a élaboré une veritable théorie de l’hispanité » (Entretien avec Pedro Carlos González Cuevas)
     
    La valeur de l’hispanité (Ramiro de Maeztu)
     
    La sexologie (II) (Gérard Zwang)
     
    La danse de braise des Nestinari (Entretien avec Valeria Fol)
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