Le soleil revient toujours, et avec lui la vie sur la terre.
Au cœur de l’hiver, c’est le feu qui remplace le soleil. Il chauffe et éclaire. Il est la vie.
Aujourd’hui encore, le feu garde son éternel symbole. Au plus profond de l’hiver, il reste une image du soleil, une image du rythme des saisons et du rythme de la vie.
Christianisée sous le nom de Noël, la fête nordique de JUL n’est pas limitée à une seule journée. Le solstice d’hiver n’en représente que le point culminant, la nuit sacrée entre toutes. Noël n’est pas la fête de la vieillesse et du désespoir, mais celle de l’enfance et du devenir.
Fête du combat contre les ténèbres et fête des graines invisibles, Noël appartient à ceux qui luttent dans le silence, l’ombre et la solitude. Noël est la fête de l’invincible espérance.
Les hommes d’aujourd’hui, s’ils ignorent le véritable sens de ces jours de fête, n’en devinent pas moins qu’il s’agit d’une tradition plongeant ses racines dans le plus sacré de nos peuples.
Noël, c’est la vieille fête du solstice d’hiver. Dans la nuit la plus longue de l’année, alors que l’hiver, le froid, la neige, le gel, ne semble jamais devoir finir, dans cette nuit unique et terrifiante, nos ancêtres ont refusé de croire à la mort du soleil. Ils portaient au cœur la certitude du printemps. Ils savaient que la vie continuait, que les fleurs allaient crever la neige, que les graines germaient sous la glace, que les enfants allaient prendre leur part d’héritage et que leurs clans et leurs tribus allaient conquérir toutes les terres dont ils avaient besoin pour vivre, toutes les mers dont ils allaient faire leur domaine sans limites.
Au moment où les glaciers allaient peu à peu reculer devant les forêts, voici des milliers d’années, une immense veillée d’armes nous réunissait autour des feux, à travers toute l’Europe alors sans nom. Nos ancêtres surgissaient des ténèbres et des brumes. Ils allaient découvrir la mer immobile et élever des pierres verticales, au soleil de la Grèce. Ils savaient qu’ils triompheraient de l’hiver, de la peur et de cette atroce sagesse des vieillards qui veulent paralyser les jeunes gens impatients.
Notre monde est entrain de naître. Invisible comme les fleurs et les blés de demain, il fait son chemin sous la terre. Nous avons déjà nos racines, solidement enfoncée dans la nuit des âges, ancrées dans le sol de nos peuples, nourries du sang de nos anciens, riches de tant de siècle de certitude et de courage que nous sommes les seuls à ne pas renier. Nous sommes entrés dans un hiver intégral où l’on oblige les fils à avoir honte des hauts faits de leur père, où l’on préfère l’étranger au frère, le vagabond au paysan, le renégat au guerrier. Nous sommes entrés dans un hiver où l’on construit des maisons sans cheminée, des villages sans jardin, des nations sans passé. Nous somme rentrés dans l’hiver.
La nature meurt et les hommes deviennent tous semblables. Il n’y a plus de paysages et plus de portraits. Nous vivons dans des cubes. Avec un peu de chimie, nous nous éclairons, nous nous nourrissons, nous n’avons pas trop d’enfants, nous oublions la lutte, l’effort et la joie. Oui, malgré les lumières du néon, les vitrines et les images du cinéma, malgré les fêtes de noël, les guirlandes, les messes et les sapins, nous sommes entrés dans un très long hiver.
Nous sommes quelques-uns qui travaillons au retour du printemps.
Jean Mabire dans Les solstices - Histoire et actualité