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immigration - Page 75

  • Lettre aux Norvégiens...

    Les éditions Pierre-Guillaume de Roux viennent de publier un essai de Richard Millet intitulé Lettre aux Norvégiens sur la littérature et les victimes. Il revient à cette occasion sur son Eloge littéraire d'Anders Breivik qui avait suscité une violente polémique et lui avait valu une mise au ban du monde littéraire.

     

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    " [...] Depuis qu'il tut contraint de démissionner du comité de lecture de Gallimard en septembre 2012, l’écrivain, en faveur duquel nulle pétition ne circula, est un homme seul, assigné à résidence, lecteur intermittent de quelques manuscrits de second choix, et qui ne participe à aucune décision éditoriale. Gallimard continuera-t-il à publier ses romans ? Rien n'est moins sûr, tant le courage est une vertu rare dans le petit milieu littéraire. Lui demeure acquise la fidélité d'un jeune éditeur, Pierre-Guillaume de Roux, qui n'est pas en vain le fils du réfractaire que fut Dominique de Roux, et de quelques journalistes, parmi lesquels, inattendu, Franz-Olivier Giesbert, qui lui a ouvert les colonnes du Point. Sans compter la cohorte de ses lecteurs anciens et les nouveaux, venus à lui dans le sillage du scandale et de la conjuration des "indignés" professionnels.

    Son orgueilleux refus de la repentance aggravera la vindicte à son égard. «Échec, opprobre, solitude: j'en ai toujours fait mon sel, écrit l'auteur dans sa Lettre ouverte aux Norvégiens... C'est pourquoi je ne prétends pas plus au martyre qu'à la pitié, non plus qu'à la condescendance moralisante ou psychologisante par laquelle on m'incite parfois à regretter, chez moi, je ne sais quelles dispositions à la provocation, voire au masochisme. »

    Revenant sur le réquisitoire prononcé à son encontre par de vertueux censeurs qui, pour la plupart, n'avaient lu que le titre de son essai, Éloge littéraire d'Anders Breivik, par lequel le scandale était advenu, Millet récuse les principaux griefs de ses juges: il n'a jamais fait l'apologie d'un tueur de masse, mais seulement vu en lui le produit
    pervers, le choc en retour, d'une politique iréniste ; il n'a pas voulu dire que ses victimes, complices d'un système néfaste, méritaient de mourir, et s'il n'a pas manifesté de compassion pour elles, alors qu'il se sent depuis toujours solidaire de tous les vaincus de l'Histoire, c'est que le silence lui paraissait le seul signe de respect, voire de compassion, qui n'a pas besoin d'être ostentatoire.

    Est-il nécessaire de souligner que cette défense orgueilleuse ne convaincra pas plus ses critiques qu'elle ne désarmera la haine à son endroit : car bien loin de se présenter en coupable repentant, nu-pieds sur le chemin de Canossa, Millet ne renie pas ses propos sur les menaces que le multiculturalisme et l'immigration extraeuropéenne font courir à l'identité européenne.

    Ni raciste, ni nationaliste, ni fasciste, ni xénophobe, ni provocateur, il se pose en victime émissaire et revendique son « innocence d'écrivain solitaire», refusant le déni de réalité et la décadence de la littérature, et « cherchant dans la langue une voie qui est celle de la vérité». Condamné à l'infamie et à la damnatio memoriae, banni de la scène publique - comme l'a montré, après qu'il ait été accepté et loué,
    le soudain refus du livret que Luc Bondy lui avait demandé pour un opéra de Marc-André Dalbavie, Charlotte Salomon —, il sait que les conséquences de "l'affaire Millet" se feront sentir longtemps encore et que seules, peut-être, les générations à venir rendront
    justice à son œuvre. «Je suis toujours en guerre, conclut-il. Encore plus étranger au bruit de la foule, aux fausses valeurs, aux mots d'ordre du Bien, je continue à écrire : j'apprends à être seul, j'accouche de moi-même, je tente de me défaire du rapport de moi à soi qui définit le narcissisme littéraire [...]. Et je m'éloigne, cherchant l'absolu d'une rupture qui ne se confonde pas avec le nihilisme...»

    Mes écrits témoigneront pour moi, veut croire l'écrivain qui, à dessein, use du futur, sachant qu'il n'a pas été lu, et l'eût-il été, qu'il n'eût pas été compris, ni entendu de bonne foi. À rebours de la foule des tâcherons de la plume pour qui la littérature n'est qu'un divertissement profane et participe de l'échange banal des marchandises, Millet la reconnaît pour ce qu'elle doit être, une aventure spirituelle, un style de vie, un exorcisme des démons, démons personnels et démons du siècle. Une confrontation permanente avec le risque, celui, pour citer Michel Leiris, du contact avec la corne du taureau. [...] "

    Bruno de Cessole (Valeurs actuelles, 3 février 2014)

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  • L’immigration humanitaire, Némésis d’une Europe compatissante...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue du démographe et économiste, Yves-Marie Laulan cueilli sur son blog et consacré à l'immigration "humanitaire".

     

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    L’immigration humanitaire, Némésis d’une Europe compatissante

    Le fameux Camp des Saints, roman d’anticipation qui a eu le succès que l’on sait, est plus que jamais d’actualité. A ceci près qu’il ne s’agit plus de malheureux Bangladais, toujours confinés dans leur Bengale lointain à moitié envahi par les eaux, mais de Maghrébins, d’ Africains malins, et maintenant de Syriens, en fait, d’un peu partout dans le monde. Tous les prétextes sont bons pour émigrer en Europe : persécution, insécurité, discrimination insoutenable, niveau de vie jugé inacceptable. Ils sont tous candidats à une installation confortable dans une opulente Europe au grand cœur et à la mauvaise conscience. Mauvaise conscience de quoi ? Mais d’exister tout bonnement à côté d’une insondable misère à laquelle elle ne peut rien, qu’elle n’a nullement contribué à créer mais qui la tourmente malgré tout.

    Les chemins de l’immigration humanitaire

    Le conflit en Syrie, à lui seul, a généré, en deux ans, un exode de plus de deux millions de personnes, dont la moitié d’enfants, qui sont allées pour la plupart, dans un premier temps, en Turquie, Jordanie et Liban, avant de se tourner naturellement vers l’Europe. Le Liban a ainsi accueilli 700 000 Syriens et la Jordanie à peu près autant. Encore aujourd’hui, ces deux pays reçoivent environ 500 immigrés par jour.

    Pour l’émigration en provenance de la Syrie, en plein essor, le cheminement passe par l’Egypte puis par Lampedusa. En effet, cette petite île, à peine italienne, véritable oasis de l’immigration clandestine, n’est guère qu’à une centaine de kilomètres de la Libye ou de la Tunisie.

    En une seule nuit, les bâtiments italiens ont recueilli plus de 700 personnes, avec femmes et enfants, au large des côtes italiennes. En conséquence, les Lampedusiens, dont les journalistes vantaient la générosité à qui voulaient les entendre, commencent à se sentir fatigués de ces flots humains sans cesse renouvelés et s’efforcent à regarder ailleurs. Mais ils sont avantageusement relayés par les touristes, italiens ou étrangers qui viennent assister au débarquement des immigrés à Lampedusa comme on va à un spectacle gratuit. Il faut bien meubler ses loisirs en vacance. Et cela profite aussi au commerce local.

    L’immigration humanitaire connait des point de départ multiples dont les principaux centres sont localisés en Europe centrale, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, en Afrique noire et maintenant, en Syrie. Ces immigrés viennent, parfois seuls ou par familles entières d’un peu partout dans le monde, d’Albanie, du Kosovo (avec la Grèce comme point d’entrée), mais aussi du Bangladesh, de l’Érythrée ou de la Somalie.

    Les points d’entrée sur le périmètre européen privilégiés par les immigrés clandestins sont la Grèce, et la Bulgarie (pour l’immigration venue de l’Europe de l’Est), l’Espagne aussi, mais surtout aujourd’hui, l’Italie.

    Selon l’ONU, depuis le début de 2012, ce ne sont pas moins de 32 000 immigrés qui ont débarqué en Italie ou à Malte. De quoi peupler chaque année une petite ville de taille moyenne. D’après FRONTEX, l’agence européenne chargée de la sécurité aux frontières, pendant la seule année 2011, pas moins de 60 000 immigrés ont traversé la Méditerranée.

    Il en ressort que plus l’Europe étend son périmètre, plus elle devient poreuse à l’immigration clandestine, faute de moyens, mais aussi et surtout de motivation

    Le désordre européen

    En effet, les directives européennes prévoient bien que, dès leur entrée dans l’espace européen, les immigrés doivent laisser les autorités prendre leurs empreintes digitales sur le lieu même de leur point d’entrée, à des fins d’identification bien sûr. Mais aussi, et c’est là que le bât blesse, la loi européenne prévoit également que les demandes d’asile doivent être traitées par les autorités du lieu..

    Les Syriens, par exemple, prévenus et malins, se refusent énergiquement avec un bel ensemble à cette prise d’empreintes. Car ils savent fort bien, compte tenu du désordre administratif italien bien connu, ce qui se passerait : rien. D’autant plus que, cerise sur le gâteau, les douaniers ou le policiers italiens, bons princes, se gardent bien d’insister pour exécuter cette mesure et se contentent benoîtement de leur conseiller d’éviter de se faire « pincer » dans les trains ou les autoroutes. Et qu’ils aillent se faire pendre ailleurs, ailleurs qu’en Italie, bien sûr. Avec cela, le territoire européen est bien protégé.

    Mais, en réalité, les immigrants n’envisagent guère de rester en Italie, qui n’a pas le RSA ou le fameux Revenu d’attente, que la République française, généreuse avec l’argent des contribuables, a mis en place, sans doute pour encourager de nouveaux courants migratoires. De toute façon, pour gagner la France toute proche, il suffit de prendre le premier train venu.

    Ceci étant, pour l’heure, entre 2012 et 2013 la France n’a accueilli que 3 700 immigrés syriens par le truchement de l’Opfra. Mais nul doute que ces flux ne soient appelés à grossir rapidement

     

    Les coûts de l’immigration

    Pour un candidat à l’émigration, il coûte entre 1000 et 3500 dollars par personne pour aller, par exemple, de l’Egypte en Sicile. Le trafic est fort bien organisé et lucratif. Les candidats à l’émigration embarquent sur des bateaux d’une contenance pouvant aller jusqu’à 500 personnes. A proximité des côtes italiennes, ils sont transférés sur d’autres petites embarcations. Comble de prévenance, on leur fait même cadeau d’un téléphone satellite avec lequel ils peuvent appeler des numéros de téléphone d’urgence en Italie. Le scénario est bien au point. Et le tour est joué. Jusqu’à la prochaine fois.

    Comment les candidats à l’émigration parviennent-ils à financer leur projet ? Le plus simplement du monde : par la vente de possessions personnelles, bijoux, meubles, vêtements, instruments domestiques, voitures éventuellement, ou tout simplement par recours à la solidarité de la famille ou des voisins. Apparemment, le manque de ressources ne constitue guère un frein significatif à l’émigration. Le cas de la France mérite d’être examiné à part en raison de ses particularités.

    Le cas français : le droit d’asile

    Le droit d’asile est devenu de nos jours une fenêtre béante largement ouverte à l’immigration clandestine ou si l’on préfère, une machine à fabriquer des immigrés clandestins appelés, bien sûr, à être régularisés au bout de quelque temps.

    Les demandes d’asile atteignaient tout juste 2 000 avant 1980. Elles ont littéralement explosé pour s’élever à 70 000 en 2013. En parallèle, les régularisations d’immigrés clandestins ont bénéficié à 46 000 personnes en 2013.

    Cela se comprend bien. Car la France fait de son mieux pour encourager l’immigration clandestine. Elle a, non seulement créé le RSA mais, comble d’aveuglement, le RTA, le Revenu Temporaire d’Attente. Attente de quoi, il est permis de se le demander ? Un emploi tombé du ciel dans une économie qui compte plus de 2 millions de chômeurs. En attendant, le RTA procure aux bénéficiaires 336 euros par mois pour un coût global qui a bondi de 47 millions d’euros en 2001 à 147 millions en 2012. Ce n’est pas le Pérou mais cela est suffisant pour vivoter quelque temps.

    Il faut aussi prendre en compte les dépenses de santé. En 2012, plus de 305 000 « sans papiers » ont bénéficié de l’Aide Médicale Gratuite par la CMU ou la CMU C pour un coût proche de 1 milliard d’euros.

    Cerise sur le gâteau, Nicolas Sarkozy, toujours malin, a cru bon de départementaliser Mayotte (200 000 habitants, pratiquement tous Musulmans, souvent polygames) petite île heureuse où débarquent chaque année environ 13 000 immigrés clandestins venus des Comores toutes proches. Il y a là un inépuisable vivier d’immigration clandestine.

    Rappelons pour conclure sur ce point que, chaque année, l’Etat distribue 200 000 cartes de séjour. En outre, en 2013, plus de 46 000 immigrés clandestins seront régularisés, de quoi faire monter d’un cran supplémentaire le chômage en France et creuser davantage le gouffre de comptes sociaux (rappelons pour ceux qui l’auraient oublié que la dépense sociale en France représente 58 % de la dépense publique soit 600 milliards d’euros)

    L’immigration clandestine, un puits sans fond

    Une des causes majeures d’une poussée migratoire qui ne se dément pas est le différentiel démographique entre l’Europe, le Maghreb et surtout l’ l’Afrique noire : en l’an 2100, environ un homme sur trois sur la planète sera d’origine africaine selon les projections de l’ONU : de quoi peupler effectivement une Europe à la démographie anémiée.

    Mais, en dehors de ce facteur démographique qui constitue la toile de fond de l’émigration, pourquoi les migrants émigrent-ils ? Les motifs sont multiples. Au de- là de la crainte de l’insécurité, le désir d’aller en Europe pour y vivre mieux se ramène pour l’essentiel à la recherche de quatre objectifs constituant une sorte de quadrilatère sacré : l’aide alimentaire, le logement, la scolarisation et la santé. Chacun de ces postes comporte évidemment des coûts spécifiques fort lourds pour les pays d’accueil

    L’insécurité liée à un conflit local joue souvent un rôle déterminant dans la décision de quitter le pays. C’est évidemment le cas pour la Syrie bien sûr. Mais, en outre, la recherche d’une vie meilleure vise la possibilité d’une scolarisation gratuite pour les enfants et l’accès à des soins de santé gratuits et de qualité.

    On a jusqu’ici insuffisamment porté attention au problème de la scolarisation des enfants d’immigrés clandestins. L’affaire Leonarda a jeté la lumière sur ce phénomène. Grâce aux orientations idéologiques de certains enseignants et des responsables d’établissements scolaires, la scolarisation est en passe créatrice d’un nouveau droit d’asile. Tout enfant scolarisé en France ouvre quasi automatiquement un droit à l’émigration sur le territoire, pour lui-même bien sûr dans l’immédiat, et, à terme, pour sa famille. Toute tentative pour les expulser soulève dans l’instant un tonnerre de reproches et d’invectives de la part des bien pensants.

    L’aide à l’immigration clandestine repose sur un singulier principe, qui est celui du tout gratuit. Aucune disposition administrative ne prévoit la moindre contrepartie à l’aide reçue sous la forme de prestations de services par exemple. Cette particularité ne peut manquer d’encourager les immigrés à considérer que toute aide leur est naturellement acquise sans contrepartie, ce qui n’est pas une forte incitation à aller sur le marché du travail pour y gagner de quoi vivre. L’Europe fabrique ainsi à la chaîne des assistés à perpétuité.

    A dire vrai, ces dispositions sont plus caractéristiques de l’Europe du Sud, France, Italie et même Grande Bretagne que de l’Europe du Nord, Allemagne en tête, beaucoup plus stricte sur le contrôle du montant des aides consenties et plus regardante sur leur utilisation. On constate ainsi un clivage au sein de l’espace européen entre l’ Europe du Sud, qui est largement victime de l’immigration clandestine, notamment du fait de sa localisation géographique, et l’Europe du Nord mieux protégée par la distance et aussi ses orientations politiques. Ainsi en témoignent abondamment les prises de positions publiques de la Chancelière Angéla Merkel, assez peu portée à s’apitoyer sur le sort des malheureux immigrés venus du Sud.

    Les moteurs de l’immigration clandestine

    A l’heure de la communication mondiale instantanée, les mécanismes de l’immigration humanitaire sont naturellement le bouche à oreille mais aussi et surtout le téléphone satellite qui permet de communiquer instantanément avec n’importe quel point du globe et cela pour un coût mineur. En dehors de cela, les images sur internet et la télévision sont devenus, comme on s’en doute, des fabricants de rêve en projetant sur écran des images paradisiaques de la vie en Europe. Le rêve nourrit l’immigration. Le contact avec la réalité n’en est que plus douloureux.

    Parmi les autres facteurs qui concourent à soutenir l’immigration clandestine, il faut naturellement mentionner les associations de soutien aux immigrés, et elles sont nombreuses, au premier chef Amnesty International. Cette ONG a depuis longtemps débordé son objectif d’origine qui était de dénonce les abus et les exactions dont certaines populations sont victimes pour devenir un sorte de « lobby » de soutien permanent à l’immigration.

    Les organisations internationales jouent également un rôle qui n’est pas à négliger dans les encouragements à l’immigration. On mentionnera les organisations satellites des Nations Unies, mais aussi Bruxelles qui déverse sans cesse un flot d’instructions à l’usage des gouvernements pour les remettre dans le droit chemin en cas d’écart et les piloter vers le chemin à suivre. Viviane Reding, la célèbre Commissaire européenne, (ancienne journaliste de gauche nommée par le Luxembourg, patrie comme on sait des fraudes fiscales en gros et en détail), s’est fait remarquer par ses injonctions tonitruantes adressées aux gouvernements de l’ Union européenne, lesquels font le dos rond devant cette redoutable égérie.

    On ne saurait terminer ce chapitre sans souligner le rôle particulièrement nocif joué par le traité de Schengen instituant une totale liberté de circulation sur tout le territoire de l’Union européenne : débarquer à Lampedusa, c’est pourvoir aller, en principe, jusqu’à Berlin ou, plus précisément, en France, à cause de aides multiples aimablement fournies par notre pays, bien sûr.

    Que deviennent les immigrés une fois qu’ils ont réussi à s’implanter sur le territoire de l’Europe ?

    Mystère. Nulle statistique, nulle étude, nulle recherche ne viennent jeter quelque lumière sur cette question. Comme si les immigrés clandestins disparaissaient mystérieusement dans l’ensemble de la population d’accueil, comme un sucre se dissout dans une tasse de café.

    Tout ce que l’on peut supposer est que ces immigrés, sans formation ni qualification, connaitront fort longtemps une existence précaire, rendue d’autant plus difficile à supporter qu’ils pourront comparer leur sort avec celui de la population d’accueil, naturellement plus prospère. Même s’ils font l’objet d’une régularisation administrative, ils ne peuvent trouver dans une Europe frappée par un chômage chronique que des emplois mal rémunérés sur le marché du travail associés à des conditions de vie précaires. Si bien qu’ un certain nombre d’entre eux ne pourront pas résister à la tentation de sombrer dans la petite délinquance ou les petits trafics. Il faut bien vivre.

    Un contexte idéologique porteur : la compassion

    Le rôle porteur de la presse et des médias ne peut manquer d’être souligné. Les journalistes ne se lassent pas de s’extasier à tout propos sur le courage des immigrés affrontant d’un cœur ferme les éléments déchaînés. Ou ils se lamentent sur leur triste sort sans se poser une seconde la question de savoir si leur présence est légitime ou non. Comme si l’immigration devenait une zone de non droit régie par le bon cœur, la compassion, les bons sentiments en l’absence de tout bon sens.

    On peut évoquer aussi les directives de Bruxelles qui enjoignent benoîtement les gouvernements de bien traiter les immigrés clandestins qu’il faut accueillir comme des hôtes. Amnesty International de son côté ne cesse de plaider inlassablement pour une ouverture toujours plus grande des frontières européennes courants migratoires venus du monde entier, tout en préconisant un meilleur accueil, sans doute pour encourager de nouveaux arrivages.

    Le dilemme européen

    Au début d’octobre 2013, un naufrage près de l’île de Lampedusa a provoqué la mort de de 360 personnes, ce qui a soulevé une forte émotion médiatisée, vite retombée d’ailleurs, en Europe. Ce drame a-t-il en quoi que ce soit provoqué une prise de conscience collective de la nécessité de prendre des mesures propres à prévenir le retour de semblables tragédies ? Evidemment que non. La réponse des gouvernements à cette tragédie s’est bornée à proclamer l’urgence de mettre en service davantage d’avions et de bateaux, pour organiser davantage de patrouilles en mer.

    Mais pour quoi faire ? S’agit-il de mieux accueillir et protéger les candidats à l’immigration ou les prendre à bord afin de les ramener chez eux ? Cette question, pourtant fondamentale, n’a nullement été tranchée comme si l’Europe comptait hypocritement sur les éléments naturels, le froid, la faim, et la tempête pour limiter « naturellement », et sans se salir les mains, l’afflux d’immigrés considérés indésirables sur le territoire européen. L’Europe présente ainsi le triste spectacle de la lutte entre la compassion et la raison, sur fond d’hypocrisie et d’égoïsme.

    Les remèdes sont dérisoires. Pour l’instant on ne fait rien ou pas grand-chose. C’est du bricolage administratif. Comme si l’administration n’osait pas soulever un sujet trop brulant pour ne pas risquer de s’exposer aux retombées médiatiques redoutables que les associations préposées à cet effet ne manqueraient pas de provoquer.

    Pour ce qui concerne le droit d’asile, l’administration française se contente simplement (la circulaire Valls de novembre 2012) d’autoriser les déboutés d’une première demande à se présenter à un second guichet « exceptionnel » pour obtenir réexamen de leur demande. Bel exemple administratif d’un emplâtre sur une jambe de bois.

    On se propose aussi de raccourcir les délais de traitement des dossiers, proches de 600 jours aujourd’hui, pour les ramener à 6 mois. Mais qu’est-ce que cela pourrait bien changer ? Les déboutés du droit d’asile, quelques 50 000 à 70 000 par an, se contenteraient de passer plus rapidement de l’autre côté de la barrière, dans la clandestinité, et gonfleraient d’autant les flux de l’immigration clandestine en devenant des « sans papiers » supplémentaires.

    Quoiqu’il en soit, il est difficile de ne pas percevoir un durcissement progressif des opinions publiques dans les pays d’accueil, durcissement en partie lié à la paupérisation latente et à la crise. L’immigration provoque ainsi un phénomène de rejet ou de « ras-le-bol » combiné à une exaspération croissante de l’opinion publique devant les abus provoqués par une politique d’accueil aux immigrés excessivement complaisante. Cette hostilité à l’immigration est naturellement associée à la montée du populisme.

    ***

    En conclusion, pour sortir de l’impasse actuelle, la mise en mettre en œuvre d’une nouvelle politique de l’immigration fondée sur des principes nouveaux au niveau français, et aussi européen, ne peut manquer de s’imposer.

    A cette fin, il faut « changer de paradigme », c’est-à-dire changer les valeurs de référence actuelles. Il importe de remettre clairement remettre en question le droit des migrants implicitement accepté, droit à s’installer comme ils l’entendent, où ils l’entendent, au moment où ils l’entendent. Il convient de reconnaître clairement le droit des populations d’accueil à préserver leur l’identité, leur niveau de vie et leur mode de vie. Les gouvernements doivent enfin conserver le pouvoir de contrôler les mouvements de leurs populations et les flux d’immigration qui les concernent.

    C’est donc à une véritable révolution culturelle qu’il faut convier l’Europe.

    Yves-Marie Laulan (Le blog d'Yves Marie Laulan, 16 décembre 2013)

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  • L'ombre de Terra Nova...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 17 décembre 2013 et consacrée au rapport sur l'intégration publié sur le site internet de Matignon, et qui a provoqué de nombreuses réactions...

     


    Rapport de l'intégration : ni un couac, ni une... par rtl-fr

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  • Zemmour soumis à la question...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous Philippe Bilger soumettre Eric Zemmour à la question. « Nous avons aujourd'hui une nomenklatura qui défend son pouvoir par tous les moyens...». Un excellent entretien sur le combat des idées, l'antiracisme, l'immigration, la mondialisation...

     

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  • Cap vers le multiculturalisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michèle Tribalat, cueilli sur Atlantico et consacré au multiculturalisme rampant, désormais favorisé par les autorités françaises et européennes...

    Démographe, Michèle Tribalat a publié ces dernières années Les yeux grands fermés (Denoël, 2010) et Assimilation : la fin du modèle français (Editions du Toucan, 2013),  deux essais incisifs sur les choix politiques en matière de politique d'immigration.

     

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    Intégration : les 5 rapports qui poussent la France sur la voie du multiculturalisme choisi sans le dire trop haut

    Après le rapport Tuot, les rapports remis par cinq commissions (voir ici) chargées, sur des sujets spécifiques, de formuler les pistes de refondation de la politique d’intégration, permettent de se figurer enfin la déclinaison française du multiculturalisme pour lequel l’UE (et donc la France, discrètement) a opté lors du Conseil européen du 19 novembre 2004. Signalons, pour ne plus en reparler, le rapport sur l’habitat rendu illisible par le langage, la syntaxe et l’orthographe.

    Le terme multiculturalisme n’est employé qu’une fois sur les 276 pages des cinq rapports, et encore à titre historique et anecdotique. C’est pourtant bien de multiculturalisme dont il s’agit dans ces rapports. Ces rapports nous expliquent que le terme intégration a servi de camouflage à une politique d’assimilation et que le Haut Conseil à l’intégration a été le lieu de ce camouflage. Or, rien n’est plus faux. La tendance républicaine récente, dont on fait grief au HCI, a plutôt contrasté avec d’autres plus anciennes. À sa création, lorsqu’il s’est agi de définir l’intégration, le HCI a en effet opté pour une définition multiculturaliste. L’intégration y est désignée comme "le processus spécifique par lequel il s'agit de susciter la participation active à la société nationale d'éléments variés et différents tout en acceptant la subsistance de spécificités culturelles, sociales et morales et en tenant pour vrai que l'ensemble s'enrichit de cette variété, de cette complexité". Cette définition, qui fait déjà de la diversité une valeur a priori, anticipait sur celle qui allait être adoptée dans toute l’UE, laquelle insiste elle aussi sur l’idée de processus à double sens. Pour avoir été membre du groupe statistique puis du HCI, je me souviens fort bien que la fermeté républicaine, jugée aujourd’hui synonyme d’intolérance, n’a pas toujours été de mise, comme on fait mine de le croire.

    Ce n’est donc pas l’assimilation que ces rapports s’emploient à réfuter, tant l’usage de ce terme comme ses points d’application se sont raréfiés, mais l’intégration. L’idée en a été disqualifiée, nous explique-t-on par son usage à l’égard des descendants d’immigrés et par l’absence d’action à destination de la société dans son ensemble. « Il n’y a pas de spécificité intrinsèque aux populations vues comme “issues de l’immigration” si ce n’est justement que certaines d’entre elles sont vues et traitées comme toujours étrangères ». C’est le regard racialisant, ethnicisant, discriminant etc. de la société d’accueil qui justifie une politique globale visant à transformer ce regard et donc à réformer la partie dite « majoritaire » de cette société. Une incidente est nécessaire sur l’usage récent du qualificatif « majoritaire » dans les écrits scientifiques, notamment ceux de l’Ined, pour nommer ceux qui ne sont, comme le dit l’Insee, « ni immigrés ni enfants d’immigrés ». Sa vertu est de n’attribuer aucune qualité particulière à l’ensemble qu’il désigne et surtout pas l’avantage de l’ancienneté. Insister sur le caractère majoritaire d’une population la renvoie à une position qui ne s’explique que par son nombre, situation qui n’implique aucun ascendant autre que numérique, lequel n’est pas forcément appelé à perdurer. Aucun héritage collectif ne vient teinter l’appellation de « population majoritaire ». Tous les résidents sont équidistants puisqu’il s’agit de reconnaître « toutes les personnes qui résident en France » dans leur diversité, non pas pour la contribution qu’ils pourraient apporter à la société mais « pour ce qu’ils sont et simplement pour leur présence sur le territoire ». Cela suppose « une reconnaissance des personnes dans leur singularité, […] dans le respect des cadres sociétaux minimums communs » et une reconnaissance de la « légitimité des personnes à être ici chez elles, et comme elles sont ou se sentent être, et en conséquence une légitimité des acteurs et des organisations à agir sur les problèmes qui empêchent la normalisation des statuts sociopolitiques et la réalisation d’une égalité effective des droits et de traitement ».

    La question que se posait déjà le HCI lorsqu’il avait lancé sa définition de l’intégration, à savoir comment faire tenir ensemble ce conglomérat d’individus et de groupes, les auteurs des rapports se la posent aussi. Le HCI voyait bien se profiler la contestation « du système de valeurs traditionnellement dominant dans notre pays ». Le HCI proposait ce qu’il appelait « le pari de l’intégration » selon lequel la contestation « du cadre global de référence français » serait surmontée par « l’adhésion à un minimum de valeurs communes », tolérance et respect des droits de l’homme. C’est aussi ce que proposent les rapports rendus récemment. Ils invitent les pouvoirs publics à « rompre avec une logique extensive de normalisation », en s’en tenant à un triptyque de valeurs (droits de l’homme, droits de l’enfant, laïcité « inclusive »), lequel peut être transposable à peu près dans toutes les démocraties du monde.

    Puisqu’il n’y a ni héritage, ni culture, ni modes de vie à préserver côté « majoritaire », toute l’action politique doit être canalisée vers la lutte pour l’égalité et contre les discriminations de toutes sortes, y compris celles qui figurent dans nos textes de loi actuellement, comme la loi sur le voile à l’école ou l’exclusion des étrangers de la fonction publique. Le mal est si grand et si répandu que cette politique doit être « globale et systémique ». Les majoritaires baignent dans une société imbibée de pensées et attitudes racialisantes qui nécessitent des actions de formation qui leur feront voir la « diversité » sous son vrai jour. L’école est bien évidemment l’institution qui devrait se prêter le mieux à cette rénovation des mentalités, mais pas seulement. Nous sommes tous potentiellement visés : « ensemble des acteurs associatifs, culturels, collectifs, citoyens, acteurs institutionnels et élus ». Il faut ainsi « remettre à plat l’histoire de France » afin d’inscrire « chacun dans une histoire commune ». Pourquoi ne pas constituer un « nouveau “panthéon” pour une histoire plurielle », l’histoire enseignée se référant « à des figures incarnées qui demeurent très largement des “grands hommes” mâles, blancs et hétérosexuels » ? L’idée serait de mettre en place « un groupe de travail national composé notamment d’historiens, d’enseignants, d’élèves et de parents » chargé de « proposer une pluralité concrète de figures historiques […] et de faire des propositions en direction par exemple des éditeurs de manuels, de revues, etc. ». Les activités dites « culturelles » se prêteraient aussi fort bien à cette entreprise de reformatage idéologique. Il faudrait alors valoriser « dans tous les médias des “bonnes pratiques” où les forces vives d’un territoire s’allient pour créer avec les artistes et les habitants des récits locaux qui construisent de nouveaux imaginaires collectifs » déconstruisant ainsi « les clichés, les représentations et peurs de l’autre, inconnu ou étranger ».

    Ces rapports empruntent à Bhikhu Parekh qui est tout sauf un multiculturaliste modéré, même au Royaume-Uni, puisqu’il avait proposé de remplacer le mot nation par communauté de communautés, de revisiter l’histoire du Royaume-Uni et, lui aussi, d’en finir avec le mot intégration. Ils s’inspirent aussi beaucoup des multiculturalistes québécois qui, pour se distinguer du multiculturalisme canadien, ont proposé l’interculturalisme québécois. Il faut promouvoir l’interculturel en faisant dialoguer les différentes cultures françaises, en développant les langues de France, le français n’étant que la langue dominante d’un pays plurilingue. « Il faut à la fois banaliser la pluralité des langues et encourager leur réappropriation potentielle par tous les élèves, en tant que véhicules donnant accès à des univers et rapports cognitifs constitutifs d’une pluralité de civilisations, qui font notre richesse, notre histoire et notre culture commune ». On notera la contradiction qu’il y a à demander à des enfants (compris dans « tous les élèves ») de se réapproprier des langues qu’ils n’ont jamais apprises. Ces rapports font également leur les fameux accommodements raisonnables dont les Québécois ne veulent plus guère, sans évidemment prononcer le mot qui fâche. On doit donc s’attendre, s’ils étaient entendus par le gouvernement, à une modification du cadre légal en profondeur pour contraindre aux « compromis normatifs ». C’est probablement sur les mêmes droits que ceux mobilisés au Québec que s’appuierait le nouveau cadre légal – « droit de l’égalité et celui de la liberté de pensée (opinion, religion…) » considérés comme « le socle minimum commun ».

    Ce redressement idéologique devrait évidemment toucher le langage puisque « désigner dit-on c’est assigner, c’est stigmatiser ». Seule l’auto-désignation identitaire serait désormais acceptable. Il faut donc reconnaître la différence et en tenir compte plus que jamais sans jamais la nommer. Cela va être difficile. On espère que les formations recommandées pour réformer la société fourniront le glossaire et les exercices appropriés. L’un des rapports recommande de « revisiter tous les registres lexicaux utilisées au sein et par les institutions d’action publique tout comme par les médias et les partis politiques ». On se demande ce qu’il en sera de la recherche. Il prévoit la multiplication de chartes diverses, de recommandations en direction des médias et donc des journalistes et même le « recours à la sanction pour contraindre à la non désignation ». Désigner pourrait être assimilé à un harcèlement racial. On aura intérêt à se tenir à carreau si la rénovation politique annoncée voit le jour.

    La connaissance elle-même est un enjeu important. Telle que ces rapports l’envisagent, elle serait à même de faciliter la reconnaissance. Il y faudrait pour cela une « vision actualisée » de l’immigration produite par des « connaissances actualisées ». Par actualisé, il faut entendre une mise au goût du jour. Une manière envisagée pour actualiser la connaissance serait par exemple de consacrer une journée à la commémoration des « apports de toutes les migrations à la société française ». Une autre serait de donner une prime aux documentaires et fictions « favorisant la diversité ». On envisage aussi des « ateliers-débats de philosophie » de la maternelle à la classe de seconde traitant du genre, de la religion, de l’identité, de l’altérité…

    Cette nouvelle politique « qui nous pend au nez » si le Premier ministre prend au sérieux les cinq rapports qu’il a lui-même commandés – et pourquoi n’en serait-il pas ainsi puisqu’il a, avec ces rapports, « récidivé » alors qu’il était déjà en possession du rapport Tuot ? – pourrait s’appeler « inclusive » selon les recommandations de ce dernier. « L’inclusion est l’action d’inclure quelque chose dans un tout ainsi que le résultat de cette action. » Et c’est tout. Une politique inclusive vise donc uniquement à favoriser « l’accès du citoyen aux infrastructures et aux services sociaux, culturels et économiques, de même qu’au pouvoir ». Je suppose qu’il faut entendre, par citoyen, « citoyen potentiel » s’agissant des étrangers, même si, on l’a bien compris, plus rien ne devrait logiquement séparer l’étranger du Français en termes de droits. En plus d’une loi-cadre, chaque rapport a sa petite idée sur le nom des instances à placer auprès du Premier ministre, dont certaines seraient déclinées à l’échelon régional afin de mettre en place cette politique inclusive globale : Conseil de la cohésion sociale, Cour des comptes de l’égalité, Institut national pour le développement social, économique ou culturel des milieux populaires chargé de « mettre fin à l’assignation sociale par héritage ».

    Cette politique serait distincte de la gestion des flux migratoires – qui, par souci de cohérence, devra rester bienveillante et respectueuse de la diversité - par le ministère de l’Intérieur, dont la réorganisation (décret du 12 juillet 2013) a déjà supprimé le terme d’intégration. Le SGII (Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration) a été remplacé par la Direction des étrangers en France.

    Pour conclure, il est cocasse de constater que les cinq missions mandatées par le Premier ministre qui n’ont que le pluralisme en bout de plume dans leurs écrits ne brillent guère par le pluralisme de leur composition et de leurs conclusions. Comme l’écrivait Kenan Malik dans la revue Prospect de mars 2006, « une des ironies qu’il y a à vivre dans une société plus diverse est que la préservation de cette diversité exige que nous laissions de moins en moins de place à la diversité des opinions. » Jean-Marc Ayrault semble avoir parfaitement intégré ce paradoxe.

    Michèle Tribalat (Atlantico, 9 décembre 2013)

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  • Alain Finkielkraut et « L’identité malheureuse »...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Didier Marc, cueilli sur Polémia et consacré au dernier ouvrage du philosophe et essayiste Alain Finkielkraut, L'identité malheureuse (Stock, 2013), qui rencontre un succès mérité en librairie...

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    « L’identité malheureuse » de Alain Finkielkraut

    La sortie du dernier livre de l’auteur de « La Défaite de la pensée » a donné lieu dans une certaine presse à un déluge de commentaires absolument délirants ! Dans « Le Monde », Jean Birnbaum estime ainsi qu’Alain Finkielkraut « ne s’appartient plus lui-même », Jean-Marie Durand des « Inrocks » dénonce sa « mélancolie revêche », son « humeur maladive », Frédéric Martel dans « Slate  »  parle de « la faillite d’une grande intelligence », d’un « esprit devenu malade » et qu’il faut « combattre », enfin, pour Aude Lancelin de « Marianne » il n’est qu’ « un agité de l’identité ». Finkielkraut serait donc un aliéné, un malade qu’il faut enfermer, sinon abattre ! Ces propos totalitaires de plumitifs soi-disant libertaires suffiraient à justifier l’achat de « L’identité malheureuse », mais, au-delà de la réaction à de telles infamies, il importe de lire et de faire lire cet essai car son contenu est essentiel.

    La notion d’identité, réponse romantique à la notion d’égalité

    Avant de traiter le thème de l’identité stricto sensu, Finkielkraut aborde notamment la question de la « mixité française » en évoquant la question du port du voile ou de la burqa dont il approuve l’interdiction, au nom, certes, de la laïcité, mais surtout de la défense « d’un mode d’être, d’une forme de vie, d’un type de sociabilité », c’est-à-dire d’une « identité commune ». C’est à partir de ce concept qu’il s’attache au sujet principal de son livre (l’identité française), dans un long chapitre intitulé « Le vertige de la désidentification ».

    Il rappelle d’abord que c’est le romantisme qui a introduit la notion d’identité comme réponse à la notion d’égalité conçue par la philosophie des Lumières et mise en pratique par la Révolution. A la suite d’Edmond Burke, auteur de Réflexions sur la Révolution de France, les penseurs politiques du romantisme souligneront l’importance de « l’appartenance, de la fidélité, de la filialité, de l’inscription dans une communauté singulière ». Plus tard, Maurice Barrès écrira que « l’individu s’abîme pour se retrouver dans la famille, la race, la nation, et proclamera sa volonté de défendre avant tout son « cimetière », c’est-à-dire « la suite de [ses]descendants » qui ne font « qu’un seul et même être ».

    Contre « l’oikophobie », la détestation de son propre pays

    Depuis, certains intellectuels s’efforcent de déconstruire tout ce qui touche à l’identité nationale. A la prétendue xénophobie des Français, ils opposent « l’oikophobie », (oikos signifie « maison »), c’est-à-dire la détestation de son propre pays. Pour les « oikophobes », l’immigration de peuplement est une chance pour la France, et les étrangers doivent nous apprendre « au moins à devenir étrangers à nous-mêmes, à nous projeter hors de nous-mêmes, assez pour ne plus être captifs de cette longue histoire occidentale et blanche qui s’achève » (Alain Badiou).

    Commentant l’abandon du débat sur l’identité nationale et la dissolution de la Maison de l’Histoire de France, Finkielkraut  écrit : « La France n’occupe plus le tableau. […] Elle n’est plus un singulier collectif, le substrat d’une aventure ou d’un destin, mais un réceptacle d’histoires multiples ». Le dessein des « oikophobes » est de « neutraliser l’identité domestique, cette chimère assassine, au profit des identités diasporiques et identitaires ». Désormais, poursuit-il, « l’origine n’a droit de cité qu’à condition d’être exotique » et « notre identité n’est faite que de diversité ». Dans le même temps, alors que s’exerce une véritable dynamique « d’effacement des frontières et de nivellement des différences », le Système gère la désintégration nationale, phase ultime avant la mort de l’identité française.

    S’il dénonce avec virulence et pertinence les ravages de la société multiculturelle (on regrette cependant qu’il passe sous silence les méfaits de la mondialisation), Alain Finkielkraut prononce avant tout avec ce livre un vibrant et bienvenu plaidoyer en faveur de l’identité nationale. On ne peut que s’en réjouir !

    Didier Marc (Polémia, 4 décembre 2013)

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