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identité - Page 2

  • Souveraineté versus identité : une opposition factice...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue, cueilli sur le site de la revue Éléments, de Pierre-Romain Thionnet, directeur national du Rassemblement national de la jeunesse (RNJ), conseiller régional Île-de-France et ex-secrétaire général de la Cocarde étudiante, qui évoque les liens indispensables entre identité et souveraineté. Pas de souveraineté sans identité, pas d’identité sans souveraineté. 

     

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    Pierre-Romain Thionnet : « Souveraineté versus identité : une opposition factice. L’apport théorique du général Poirier »

    « Comme les civilisations, les stratégies qui les reflètent sont mortelles » (Lucien Poirier).

    Par textes ou vidéos interposés, le choc des représentations entre souverainistes et identitaires connaît un regain d’intensité. Le débat est loin d’être nouveau, mais il se déroule dans une atmosphère viciée qui tend davantage à séparer deux blocs qu’à rapprocher deux sensibilités. Des initiatives visant à rendre moins irréconciliables ces deux visions du monde ont même abouti, pour le moment en tout cas, à l’effet inverse.

    L’actualité y est pour beaucoup, entre accélération des effets visibles du changement de peuple et accaparement croissant de compétences par l’Union européenne aux dépens des États-nations. Alors les esprits s’échauffent, et devant l’urgence, on est sommé de choisir : « À quoi bon être souverain si l’on est dépossédé de son identité ? » jettent les uns. « À quoi bon cultiver son identité si l’on n’est plus libre de ses actions et de ses décisions ? » répondent les autres.

    Il ne s’agira pas de dire à quelle urgence il faut répondre et consacrer son énergie, non pas par peur de froisser, mais parce qu’il semble que cette opposition entre souveraineté et identité est parfaitement factice sur un plan théorique, et que l’énergie gaspillée à démontrer que l’un des enjeux est prioritaire – voire exclusif de l’autre – pourrait être mise ailleurs. Nous nous proposons de recourir à une discipline intellectuelle assez particulière afin de poser les bases d’une proposition dans laquelle partisans de la souveraineté et partisans de l’identité sont susceptibles de se retrouver : la stratégie.

    Les vertus oubliées de la stratégie

    Selon la définition donnée par le général André Beaufre et qui a l’avantage d’être adoubée par les meilleurs spécialistes de la question, la stratégie est « l’art de la dialectique des volontés employant la force pour résoudre leur conflits1 ». Le choix de la stratégie comme théâtre d’expérimentation d’une ébauche théorique en vue de proposer un terrain d’entente aux vérités respectives des « identitaires » et des « souverainistes » ne va pas de soi. A priori, il s’agit d’un domaine très spécifique, réservé à quelques militaires ou civils experts de la question, et qui n’a que peu d’intérêt hors des revues spécialisées ou des cabinets d’état-major. En vérité, la stratégie est un champ de réflexion et d’action qui touche à l’essence même du politique car c’est par elle que les groupes humains organisés à travers le temps et l’espace ont assuré (ou tenté d’assurer) leur survie et mis en œuvre leurs actions. Si le critère fondamental du politique est, selon Carl Schmitt ou Julien Freund, la distinction de l’ami et de l’ennemi, on peut dire que le facteur constitutif de la stratégie, à un niveau supérieur, est la distinction et la relation entre le Même et l’Autre (nous y reviendrons plus loin en nous appuyant sur la pensée d’un théoricien militaire qui nous semble fournir les pistes essentielles pour associer souveraineté et identité dans un ensemble cohérent).

    Pénétrer dans le domaine de la stratégie, ce n’est donc pas s’égarer dans un champ d’étude hyper-spécialisé qu’il est impossible de convoquer hors d’un cadre très précis, l’étude des conflits armés. C’est se réapproprier une pensée qui, en France et en Europe, n’a été reléguée hors du politique que depuis la fin de la guerre froide et la croyance dans la disparition de la figure de l’ennemi, et donc de la nécessité de penser et organiser les voies et moyens de sa propre survie. C’est à l’occasion de cette redécouverte des vertus de la stratégie que l’indissociabilité de l’identité et de la souveraineté peut s’apprécier.

    Mais avant d’aller plus loin, il est nécessaire de nous arrêter sur ce qui oppose ceux qui sont désignés ou qui se présentent comme « souverainistes » à ceux qui sont désignés ou qui se présentent comme « identitaires », et cela au regard des questions stratégiques.

    Deux visions du même monde

    D’emblée, la stratégie est un domaine qu’affectionnera plutôt le souverainiste. Celui-ci entend notamment la souveraineté comme la liberté d’action et de décision d’une entité politique, à l’intérieur de ses frontières (démocratie), mais aussi sur la scène internationale (indépendance nationale). Penser la souveraineté implique de penser la diplomatie, de connaître et de défendre les intérêts stratégiques de l’entité politique à laquelle on appartient. Il faut étudier de près la politique de défense, les moyens de l’action extérieure de l’État, les enjeux industriels, s’intéresser à la composition des forces armées et leur adéquation avec la politique extérieure que l’on se donne.

    À l’inverse, un identitaire aura tendance à accorder une importance secondaire, voire négligeable, aux questions stratégiques, et plus généralement à ce qui touche à la politique étrangère ou de défense, à la diplomatie, aux forces armées ou à l’industrie de défense. Lorsque l’identitaire s’intéresse aux rapports de force mondiaux, ce n’est pas d’abord afin de mesurer le degré d’indépendance et de puissance de son pays – ce que fait le souverainiste – mais afin de déceler ce qui met en péril l’identité du groupe auquel il appartient. L’identitaire affectionne particulièrement relever les tendances civilisationnelles lourdes dans l’Histoire (le sac et le ressac des combattants des empires musulmans en Europe par exemple), et c’est d’abord par ce prisme qu’il frôlera la stratégie en pensant à la manière de réaliser son objectif supérieur : la défense de son identité.

    Ce n’est donc pas par manque de travail – comme le lui reprochent souvent les souverainistes – que l’identitaire consacre relativement peu de production intellectuelle aux affaires stratégiques. C’est tout simplement en raison d’une différence d’approche, de ce qui précisément distingue souverainistes et identitaires.

    Pour un identitaire, l’identité est à la fois un préalable et une fin, tout doit partir d’elle et tout doit y aboutir. C’est à l’aune de cette question que tous les autres problèmes sont pesés et hiérarchisés. Si le souverainiste ne balance pas l’identité par-dessus bord, il n’en fait pas l’alpha et l’oméga de sa vision du monde. Celle-ci est beaucoup plus « politique » au sens où il s’intéresse d’abord aux rivalités, aux affrontements, aux alliances entre entités organisées sur la scène mondiale. D’un point de vue critique, nous pourrions dire que l’identitaire néglige la dimension relationnelle et politique du monde, faisant parfois trop facilement fi des entités constituées pour se focaliser sur les groupes humains, leurs passions, leurs instincts, leurs comportements. D’un autre côté, le souverainiste aura tendance à considérer les entités politiques comme des acteurs quasiment impersonnels de la scène internationale, négligeant ce qui compose ces acteurs, leur « matière humaine » si l’on veut, ce dont ils sont la représentation ou l’incarnation.

    En ayant conscience des limites d’un tel raccourci et de l’existence de pensées plus nuancées, l’on peut dire que l’identitaire s’intéresse d’abord à ce que les peuples sont tandis que le souverainiste s’intéresse d’abord à ce que les peuples font. Est identitaire celui qui fait primer l’être sur l’agir. Est souverainiste celui qui fait primer l’agir sur l’être.

    Faut-il donc décréter l’incompatibilité irréversible de ces deux visions du monde ? Est-il nécessaire de procéder à un mariage forcé pour associer souveraineté et identité au sein d’une même pensée ? L’œuvre théorique du général Lucien Poirier nous semble être à même d’être convoquée pour démontrer qu’il n’en est rien, et que non seulement souveraineté et identité sont compatibles, mais indissociables.

    Au commencement était l’identité

    Ce n’est pas l’objet de cet article de revenir en détail sur l’itinéraire du général Poirier (1918-2012), qui fut à la fois soldat, stratège et stratégiste. Rappelons simplement que, lieutenant-colonel, il a directement influencé l’élaboration de la doctrine de dissuasion française, raison pour laquelle François Géré a fait de lui l’un des « quatre généraux de l’apocalypse » aux côtés de Charles Ailleret, André Beaufre et Pierre-Marie Gallois2. C’est à Lucien Poirier en effet que l’on doit les formules telles que celles du « faible au fort », de la « limitation d’emploi », de l’« ultime avertissement », du « seuil d’agressivité critique » ou de « concept d’emploi minimum » ainsi que la représentation stratégique des « cercles » (France, Europe, Monde) pour localiser les intérêts-enjeux de la France3.

    Mais pour le sujet qui nous intéresse ici, qu’a donc à nous dire ce militaire qui se fit volontiers philosophe et amateur de prospective ? Nous nous appuierons principalement sur deux ouvrages essentiels de son œuvre, Les Voix de la stratégie4, manuscrit érudit consacré à Guibert et Jomini, et La Crise des fondements5, réflexion stimulante publiée en 1994 à propos des implications stratégiques pour la France de la disparition de la figure de l’ennemi désigné (Union soviétique) sur le continent européen.

    Poirier nous rappelle des choses élémentaires : la politique et la stratégie ne tombent pas du ciel, elles sont produites par des acteurs identifiables. En ce qui nous concerne, il s’agit de l’« acteur-France6 ». Il faut se le représenter interagissant (de manière hostile ou pacifique) avec d’autres acteurs sur la scène mondiale, possédant ses facteurs de puissance et ses vulnérabilités. Nous sommes ici dans un schéma relativement classique et dans lequel le souverainiste aime évoluer. Mais Poirier nous proposer d’aller plus loin, ou plutôt de ne pas oublier ce qui précède et ce qui fonde : la question du « qui », qui n’est autre que celle de l’identité.

    Car l’acteur-France, c’est le « comment » de la France, c’est son action extérieure visible. Mais cela ne nous dit pas « comment les Français, substance vive de la France et lui conférant être et forme, perçoivent et intériorisent leur appartenance » à la France comme communauté socio-politique7. On touche là un point essentiel : ce qui est à la base de tout, ce n’est pas l’acteur-France, mais l’« être-France ». La question première est ontologique : quelle conscience les Français ont-ils de la France ? Qu’est-ce qui caractérise et définit la « substance vive » de la France, comme l’écrit Poirier, à savoir les Français ?

    Toute réflexion et toute action politico-stratégique possède donc une condition absolument nécessaire : la conscience identitaire. Lucien Poirier est on ne peut plus clair à ce sujet : « la conscience de l’identité nationale et l’affirmation du Même devant les Autres […] constituent encore le socle primaire de toute pensée politico-stratégique, dont la nôtre8 ». L’identité nationale (Poirier utilise l’expression) est ni plus ni moins que l’« axiome fondateur ». Le terrain d’entente théorique entre souveraineté et identité peut et doit s’élargir encore, bien qu’il autorise déjà, il nous semble, quelques manœuvres communes.

    Être ou Faire : faut-il vraiment choisir ?

    En plus d’attribuer à l’identité une fonction matricielle – ce qui ne peut que plaire à l’école identitaire et convaincre certaines chapelles souverainistes de l’importance tous azimuts et non pas sectorielle de cette dimension –, Poirier montre que l’identité n’est pas une chose passive que l’on ne fait que proclamer, revendiquer ou agiter tel un trophée. Certes, « chacun veut durer, persévérer dans son être, se conserver comme légataire d’une histoire unique », mais cela ne va pas sans « exprimer sa volonté de création collective, sans quoi cette histoire n’aurait ni avenir, ni sens9 ». En clair, pour qu’une communauté humaine existe pleinement et survive, il faut « se conserver et faire ».

    Se conserver et faire, c’est le diptyque qui nous semble devoir former la base théorique commune aux partisans de l’identité et de la souveraineté. Il permet d’éviter deux écueils : n’accorder de l’importance qu’à la conservation de l’« être-France » en oubliant que celui-ci est dans une relation dynamique avec les Autres et qu’il est donc vital de s’assurer de sa liberté d’action et de décision ; ou n’accorder de l’importance qu’à la liberté d’action et de décision de l’« acteur-France » en oubliant que celui-ci n’est que la « substance vive » de la France en action, et qu’une altération de son identité ferait de lui un autre acteur, l’acteur d’une autre communauté humaine.

    Il n’y a plus d’opposition ou de gêne qui tienne entre identité et souveraineté dès lors que l’on pose cette double dimension d’intériorité et d’extériorité et qu’on en a démontré le lien indéfectible. C’est même une nouvelle définition du politique que nous propose Lucien Poirier, aux accents schmittiens et freundiens, mâtinés des apports de la stratégie théorique. La relation qui constitue le politique, c’est celle entre le Même et l’Autre. Une communauté humaine doit prendre conscience de son identité unique (le Même) et vouloir la défendre, et elle va donc faire et agir en fonction de cet impératif. Ainsi voit le jour la stratégie : elle naît avec « la conscience introvertie d’une identité à affirmer et défendre » et procède de « l’inévitable concurrence et compétition à l’extérieur, pour le partage et le travail des instruments de la création continuée sans laquelle l’énergie de l’unité collective, fermée sur elle-même, se dégraderait entropiquement jusqu’à l’inéluctable mort historique10 ».

    Ne plus opposer « l’intérieur » et « l’extérieur », l’être et le faire, et in fine l’identité et la souveraineté, mais les relier et comprendre leur interdépendance vitale, voilà ce que les orientations du général Poirier permettent. Cela nécessite de poser un même regard sur le monde afin de voir qu’il se caractérise sans cesse par une coexistence conflictuelle d’unités sociopolitiques. Au sein de cet environnement, chaque unité a le devoir, pour survivre, « de préserver, devant les Autres, son identité, sa souveraineté et les conditions de développement original ; c’est-à-dire, instaurer, défendre et consolider son autonomie de décision et sa liberté d’action11».

    À l’aune de ces pistes, la distinction entre primauté-exclusivité de la souveraineté et primauté-exclusivité de l’identité nous apparaît moins comme une ligne de front que comme la promesse d’une entente stratégique. La stratégie théorique, ici du général Poirier, nous paraît susceptible de mettre souverainisme et identitarisme au diapason. L’idée n’est pas de dire à chacun de jouer la partition de l’autre, encore moins d’abandonner son instrument, mais de montrer qu’il leur est parfaitement possible de s’accorder dans ce qui est l’une des plus belles réalisations du génie européen, la symphonie.

    Pierre-Romain Thionnet (Site de la revue Éléments, 5 janvier 2023)
     
     
    Notes :
     
    1. Général André Beaufre, Introduction à la stratégie, Armand Colin, 1963, p. 16.

    2. François Géré, « Quatre généraux et l’apocalypse : Ailleret-Beaufre-Gallois-Poirier », Stratégique n° 53, 1992/1.

    3. Pour plus de détails sur la pensée stratégique du général Poirier, voir François Géré, La Pensée stratégique française contemporaine, Economica, 2017.

    4. Lucien Poirier, Les Voix de la stratégie, Fayard, 1985.

    5. Lucien Poirier, La Crise des fondements, Economica, 1994.

    6. Ibid., p. 19.

    7. Ibid., p. 176.

    8. Ibid., p. 185

    9. Lucien Poirier, Les Voix de la stratégie, op. cit., p. 11.

    10. Ibid., p. 12-13.

    11. Lucien Poirier, « Quelques questions de stratégie théorique », Naçao E Defesa, n° 41, 1987, p. 119.

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  • Le combat culturel...

    La Nouvelle Librairie, en partenariat avec l'Institut Iliade, vient de publier un essai de Lothar Fritze intitulé Le combat culturel - Affirmer son identité face à l'universalisme moral

    Philosophe et politologue allemand, Lothar Fritze a été, de 1993 à 2019, collaborateur scientifique à l’Institut Hannah-Arendt de recherche sur le totalitarisme, un institut attaché à l’Université technique de Dresde.

    philosophe et un politologue allemand. De 1993 à 2019, il a été collaborateur scientifique à l’Institut Hannah-Arendt de recherche sur le totalitarisme, un institut attaché à l’Université technique de Dresde.

     

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    " Un combat culturel particulièrement vigoureux caractérise la situation intellectuelle de notre époque. Deux camps politico-idéologiques y prennent place et s’y opposent : l’un prônant l’individualisme et l’universalisme, l’autre le particularisme et la défense du bien collectif. Les combats culturels ne sont pas de vaines querelles intellectuelles. Ils portent véritablement des visions du monde contradictoires qui détermineront l’orientation du développement d’une société sur le long terme. L’enjeu est donc d’autant plus grave qu’il s’agit aussi bien d’assurer les bases de notre existence en tant que peuple que de préserver les acquis de la civilisation européenne. Les aspirations morales et universalistes ne connaissent en effet pas de limites et peuvent rapidement se transformer en une mise en danger de soi-même. L’impulsion morale de prendre en compte de manière égale les intérêts de tous les hommes a donc besoin d’un complément, à savoir la volonté de s’affirmer.
    Lothar Fritze entreprend d’analyser ce combat culturel et s’interroge sur la voie à emprunter : celle de l’universalisme moral ou de l’affirmation de soi ? Écrit en Allemagne, cet essai décrit une guerre idéologique qui a cours dans toute l’Europe et mérite, de ce fait, une plus large diffusion. C’est pourquoi l’Institut Iliade a tenu à le porter à la connaissance du public français. "

    Un combat culturel particulièrement vigoureux caractérise la situation intellectuelle de notre époque. Deux camps politico-idéologiques y prennent place et s’y opposent : l’un prônant l’individualisme et l’universalisme, l’autre le particularisme et la défense du bien collectif. Les combats culturels ne sont pas de vaines querelles intellectuelles. Ils portent véritablement des visions du monde contradictoires qui détermineront l’orientation du développement d’une société sur le long terme. L’enjeu est donc d’autant plus grave qu’il s’agit aussi bien d’assurer les bases de notre existence en tant que peuple que de préserver les acquis de la civilisation européenne. Les aspirations morales et universalistes ne connaissent en effet pas de limites et peuvent rapidement se transformer en une mise en danger de soi-même. L’impulsion morale de prendre en compte de manière égale les intérêts de tous les hommes a donc besoin d’un complément, à savoir la volonté de s’affirmer.

    Lothar Fritze entreprend d’analyser ce combat culturel et s’interroge sur la voie à emprunter : celle de l’universalisme moral ou de l’affirmation de soi ? Écrit en Allemagne, cet essai décrit une guerre idéologique qui a cours dans toute l’Europe et mérite, de ce fait, une plus large diffusion. C’est pourquoi l’Institut Iliade a tenu à le porter à la connaissance du public français.

    Un combat culturel particulièrement vigoureux caractérise la situation intellectuelle de notre époque. Deux camps politico-idéologiques y prennent place et s’y opposent : l’un prônant l’individualisme et l’universalisme, l’autre le particularisme et la défense du bien collectif. Les combats culturels ne sont pas de vaines querelles intellectuelles. Ils portent véritablement des visions du monde contradictoires qui détermineront l’orientation du développement d’une société sur le long terme. L’enjeu est donc d’autant plus grave qu’il s’agit aussi bien d’assurer les bases de notre existence en tant que peuple que de préserver les acquis de la civilisation européenne. Les aspirations morales et universalistes ne connaissent en effet pas de limites et peuvent rapidement se transformer en une mise en danger de soi-même. L’impulsion morale de prendre en compte de manière égale les intérêts de tous les hommes a donc besoin d’un complément, à savoir la volonté de s’affirmer.

    Lothar Fritze entreprend d’analyser ce combat culturel et s’interroge sur la voie à emprunter : celle de l’universalisme moral ou de l’affirmation de soi ? Écrit en Allemagne, cet essai décrit une guerre idéologique qui a cours dans toute l’Europe et mérite, de ce fait, une plus large diffusion. C’est pourquoi l’Institut Iliade a tenu à le porter à la connaissance du public français.

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  • Quand se lève une droite identitaire allemande...

    Les éditions de la Nouvelle Librairie viennent de publier la traduction d'un essai de Maximilian Krah intitulé Allemagne : plaidoyer pour une droite identitaire. Maximilian Krah est un avocat d’affaires allemand. Il est député au Parlement européen depuis 2019 et sera la tête de liste de l’AfD aux élections européennes de 2024. Son essai est sorti en Allemagne, aux éditions Antaïos, en juin 2023 sous le titre Politik von rechts.

     

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    " Les moments de crise produisent un redoublement de vie chez les hommes, écrivait Chateaubriand. Le cas de l’Allemagne lui donne raison. Dans la tourmente des grands bouleversements de notre époque, une force politique nouvelle a vu le jour: l’Alternative für Deutschland (AfD). Parti conservateur qui navigue clairement à droite, nonobstant le manque de respectabilité du terme outre-Rhin, évitant les récifs, carte en main, selon un plan bien établi. Tête de liste de l’AfD pour les élections européennes de 2024, Maximilian Krah développe son programme à travers l’étude de sept thèmes fondamentaux : la droite, l’identité, l’État, le changement d’époque, l’économie, l’avenir et la politique, sans négliger aucun sujet, de la famille à l’intelligence artificielle, en passant par la géopolitique et la nécessité d’œuvrer à une contre-culture. Le lecteur français sera parfois surpris des différences entre pays frontaliers, mais le voyage est stimulant. Peut-être permettra-t-il de sceller de nouvelles alliances au niveau européen.

    « Après des décennies pendant lesquelles la droite a été exclue de la vraie politique, nous avons maintenant la possibilité de montrer que nous savons ce qu’il faut faire. Saisissons-la ! » "

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  • Feu sur la droite nationale !...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un essai polémique de Rodolphe Cart intitulé Feu sur la droite nationale ! . Collaborateur occasionnel d’Eléments, Rodolphe Cart est l'auteur d'un essai intitulé Georges Sorel - Le révolutionnaire conservateur (La Nouvelle Librairie, 2023).

     

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    " On dit que le poisson pourrit par la tête. Ce livre propose de la trancher avant que l’infection ne se propage. Mais de quelle maladie parle-t-on au juste ? De celle qui tue la France à petit feu et fait le lit de l’islamisme : l’élite mondialisée et les puissances d’argent. Au détour d’une réponse à Daniel Conversano et aux identitaires, Rodolphe Cart ampute le mal. Car il ne s’en cache pas : il est souverainiste. Et ce n’est pas selon lui l’identitarisme qui viendra à bout de cette maladie…

    Pour l’auteur, l’identitaire croit au sang que l’on reçoit et le souverainiste au sang que l’on verse. L’un honore l’Europe, l’autre chérit la France. Deux points de vue qui s’affrontent: la civilisation ou la nation. Le débat est ouvert. "

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  • Paul-François Paoli : « L’angoisse des Corses est quasiment d’ordre anthropologique »

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par le journaliste et essayiste Paul-François Paoli au site de la revue Conflits à l'occasion de la sortie de son livre intitulé Une histoire de la Corse française (Tallandier, 2023).

     

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    « L’angoisse des Corses est quasiment d’ordre anthropologique ». Entretien avec Paul-François Paoli

    Pourquoi avoir écrit une nouvelle histoire de la Corse ? Les ouvrages ne manquent pourtant pas sur le sujet.

    Il y a en effet d’excellentes histoires de la Corse à notre disposition, que je cite d’ailleurs abondamment dans mon essai : celles de Michel Vergé-Franceschi, d’Olivier Jehasse et Jean-Marie Arrighi ou encore de Robert Colonna d’Istria pour ne citer que les plus récentes. Mais celle-ci a deux spécificités : tout d’abord, il s’agit de l’histoire de la Corse française essentiellement. C’est-à-dire une histoire de la relation entre la Corse et la France, relation qui commence bien avant le Traité de Versailles (1768). Et c’est une histoire parfaitement subjective au sens où je ne prétends pas effectuer un travail d’historien qui revient aux sources. Je ne suis pas universitaire, mais journaliste et écrivain. Je me suis fondé sur les travaux des historiens reconnus, notamment ceux que je viens de vous citer, pour écrire un essai qui tente de comprendre, dans la durée, la relation paradoxale entre la France et la Corse.

    Pourquoi paradoxale ?

    Paradoxale parce que la Corse, en toute logique, aurait dû être italienne, du fait de sa proximité géographique, ethnique et linguistique avec les peuples italiens qui lui sont si proches. Or elle a choisi, au fil du temps, de devenir française. Une des spécificités de mon essai est d’insister sur le fait que l’attraction pour ce que représentait la France, sa puissance et donc le prestige qui en découle, a commencé bien avant le siècle des Lumières. La France monarchique du XVIe siècle, celle de François Ier et d’Henri II semble exercer une authentique fascination sur des mercenaires comme Sampiero Corso. Celui-ci a un but : délivrer la Corse du joug génois et il considère que la France peut y concourir. Mais ce n’est pas un nationaliste avant l’heure. Le nationalisme au sens moderne et démocratique n’a aucun sens à cette époque. La “fidélité” de Sampiero Corso va au Roi de France et à sa personne. Les historiens semblent d’accord sur ce point. Quand Henri II renonce à intégrer la Corse à la monarchie lors du Traité de Cateau-Cambrésis, ce renoncement est vécu en Corse comme un parjure, c’est d’ailleurs ainsi que l’historien Michelet décrit la situation dans son Histoire de France

    Vous vous inscrivez en faux par rapport au récit nationaliste. Pourquoi celui-ci est-il biaisé selon vous?

    Il est biaisé car anachronique et a-historique. Les nationalistes ont interprété la relation entre la France et la Corse sous l’angle d’un anticolonialisme qui n’a pas le moindre sens quand se noue la relation entre la France et la Corse au XVIe siècle. Ils ont greffé sur l’histoire de la Corse un logiciel inadapté. Le colonialisme est une idéologie du XIXe siècle. Et c’est, en outre, une idéologie progressiste inhérente au projet républicain puisqu’il s’agit de dispenser les Lumières de la Science et de la Raison aux peuples arriérés.

    Une disparité inégalitaire flagrante existe évidemment au XVIIIe siècle entre la France, qui se perçoit comme une nation très civilisée et une Corse perçue comme sauvage. Mais la relation qui se noue durant le Traité de Versailles, si elle est de nature impériale et dominatrice, comment en serait-il autrement entre le pays le plus puissant d’Europe et une île de 150 000 habitants, ne procède pas du colonialisme. La France de Louis XV veut empêcher la Corse de tomber dans la nacelle de l’Angleterre, pour des raisons stratégiques. Mais c’est aussi une politique de séduction, notamment à l’endroit des élites corses, on le voit avec l’action du marquis de Cursay qui, à Bastia, va restaurer l’Académia dei vagabondi, association de poètes et d’écrivains corses et italiens. Les Français sont intrigués par les Corses, ils ne les méprisent nullement. La relation qui se noue n’a rien à voir avec un certain paternalisme parfois raciste qui sera inhérent au colonialisme.

    Au-delà des clivages idéologiques, les Corses semblent avoir des aspirations communes. Quelles sont-elles selon vous ?

    L’aspiration essentielle des Corses aujourd’hui, toutes tendances confondues, est d’ordre écologique au sens large du terme. Les Corses veulent préserver leur cadre de vie, d’où les réactions parfois épidermiques face à l’afflux massif de touristes. J’habite dans le Cap corse et il est étonnant de voir soudain les routes du Cap complètement saturées, à partir du mois de mai, par des troupes de motards dont la conduite est parfois dangereuse.

    La Corse est l’île la moins peuplée de la Méditerranée, à peine 360 000 habitants, et elle est soudain submergée par une masse humaine. Il n’est pas question de traiter ceux qui viennent en Corse comme des envahisseurs, mais tout est question de proportion. Vous connaissez peut-être la fameuse phrase de Proust: « le meilleur moment de la soirée c’est quand les invités s’en vont ». On peut l’appliquer à la Corse. Les insulaires que nous sommes ressentons un certain soulagement quand, à partir du mois d’octobre, l’Île retrouve cette tranquillité qui la rend d’ailleurs si attractive, ce qui constitue en quelque sorte un cercle vicieux.

    La deuxième grande aspiration des Corses relève de l’identité. Les Corses ne désirent pas être mondialisés, c’est quelque chose que je ressens fortement. Les revendications sur la langue ou sur l’autonomie sont souvent des alibis idéologiques qui cachent la forêt. Nous sommes peu nombreux, même en comptant les Corses de la diaspora, et comme tous les petits groupes humains nous avons la hantise de la dilution et de l’insignifiance. L’angoisse des Corses est quasiment d’ordre anthropologique. Les Corses insulaires ne veulent pas se fondre dans une masse indifférenciée, aussi bariolée soit-elle.

    Et c’est ici que les nationalistes ont, paradoxalement, fait fausse route. Un certain nombre d’entre eux commencent d’ailleurs à s’en apercevoir. Ce n’est pas la France qui menace l’intégrité de la Corse, c’est la mondialisation qui transforme les peuples en troupeaux de consommateurs hagards et déracinés. La France et la Corse sont, là encore, confrontées aux mêmes problèmes.

    Existe-t-il des fléaux propres à la Corse ?

    Le fléau essentiel aujourd’hui est la criminalité mafieuse. Cette notion de mafia a longtemps été contestée concernant la Corse. Elle est aujourd’hui pleinement admise. Ce n’est pas un fléau spécifique, bien évidemment. Comparativement à Marseille, la Corse reste une région assez tranquille, même si le niveau de criminalité est élevé. Les Corses ont encore les moyens d’endiguer ou de limiter le phénomène, notamment en se mobilisant contre le trafic de drogue, comme ils l’ont fait cet été dans une cité d’Ajaccio.

    Vous écrivez que la Corse est à la croisée des chemins, qu’entendez-vous par là ?

    Les nationalistes au pouvoir depuis 2015 ont emmené la Corse dans une impasse idéologique dont ils ne savent comment sortir. Ils ont diffusé un fort sentiment francophobe dans la jeunesse et demandent maintenant la reconnaissance du “peuple corse” dans le cadre constitutionnel français.

    De deux choses l’une : ou la Corse a été colonisée ou elle ne l’a pas été. Il n’existe pas de peuple colonisé qui n’ait, tôt ou tard, accédé à l’indépendance, une indépendance dont les nationalistes ne veulent pas, quoi qu’ils prétendent. Ils sont donc dans une situation étonnante, un peu à la manière d’un enfant qui demande un jouet et qui ne veut pas s’en servir quand on est prêt à le lui donner.

    Ce que veulent les nationalistes, c’est le pouvoir sans la responsabilité régalienne. Ils ont confondu l’aspiration légitime à l’identité et la sécession avec la France. L’identité corse peut-elle être reconnue dans le cadre français ? Il semble bien que oui. La Bretagne n’est pas autonome politiquement et son identité culturelle est pleinement admise, que je sache. Les Bretons peuvent parler le breton et l’écrire et s’ils ne le font pas c’est qu’ils n’en ressentent pas le besoin. On ne peut quand même pas les y forcer ! On peut être breton et ne pas parler breton. Chacun sent qu’en Bretagne on est dans un pays qui a sa personnalité. Et cela n’empêche pas la Bretagne d’être française.

    On peut donc être Corse et Français, de même que l’on peut être Breton et Français. Les Bretons ne revendiquent pas le statut de peuple au sens juridique et politique du terme. Ils forment néanmoins une communauté singulière. Car quand on revendique la notion de peuple au sens politique, c’est de nation qu’il faut parler. Peuple est une notion très vague. Le mot peut indiquer aussi bien un statut social qu’un groupe ethnique. Les nationalistes corses sont dans l’incapacité de définir très précisément ce qu’ils appellent le “peuple corse”. Le peuple corse inclut-il les non-Corses qui vivent dans l’île ? Ceux-ci sont-ils des Corses en devenir ? Et que deviennent les Corses de la diaspora dans le cadre d’une Corse autonome ? Le Corse que je suis, dont la famille est présente depuis le XVIIIe siècle au moins, appartient-il à deux peuples ? Le peuple français et le peuple corse ?

    Nous sommes dans un imbroglio juridico-politique. Ce qu’il faut, c’est clarifier les choses. On est Corse ou on ne l’est pas. Et l’on peut avoir appris des rudiments de Corse à l’école sans être Corse pour autant. Être Corse, comme être Breton, Picard ou Aveyronnais relève de la généalogie, pas d’un choix subjectif. Ce n’est pas parce que j’ai une passion pour le Japon que je suis Japonais. Les idées fausses sont toujours dangereuses à terme. Je pense qu’un référendum pourrait clarifier les choses. Les Corses savent-ils au juste ce qu’ils veulent devenir ? Il faudrait peut-être le leur demander.

    Paul-François Paoli, propos recueillis par Antoine-Baptiste Filippi (Conflits, 19 octobre 2023)

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  • Vers la tropicalisation de la France...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Driss Ghali à Livre noir dans lequel il évoque l'immigration, l'identité nationale, le destin de la France et les causes de son déclin. Écrivain et spécialiste des relations internationales, Driss Ghali a publié récemment un essai intitulé Une contre-histoire de la colonisation française (Jean-Cyrille Godefroy, 2023).

     

                                                  

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